CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Juliette Alenda-Demoutiez, Les mutuelles de santé dans l’extension de la couverture maladie au Sénégal. Une lecture par les conventions et l’économie sociale et solidaire. Thèse d’économie, réalisée sous la direction de Bruno BOIDIN, Maître de conférences HDR, Clersé, Université de Lille 1, soutenue publiquement le 17 mai 2016 à l’Université de Lille 1. Jury composé de Philippe BATIFOULIER, Professeur, Université Paris 13 (rapporteur) ; Hervé DEFALVARD, Maître de conférences HDR, Université Paris-Est Marne-la-Vallée (rapporteur) ; Florence JANY-CATRICE, Professeure, Université de Lille 1 ; Fred EBOKO, Chargé de recherche HDR, IRD (invité)

1Cette thèse aborde la question de la place et du rôle des mutuelles de santé dans la transition des systèmes de protection sociale en Afrique de l’Ouest et centrale. Les gouvernements de ces pays se sont engagés dans l’extension de leurs couvertures maladies afin de fournir un accès universel aux soins. Au Sénégal, les mutuelles sont devenues le pilier de cette extension. Mais elles connaissent des difficultés importantes.

2Ces questionnements interviennent alors que les politiques de développement sont dominées par la norme qu’est la « bonne gouvernance », recommandée par les institutions internationales. Marquant la diffusion de déterminants idéologiques néoclassiques, elle est fortement restrictive. Dans ce cadre, la mutualité est une forme de micro-assurance, destinée à habituer les populations à la prévoyance. Pour atteindre les objectifs fixés, les mutuelles doivent se développer rapidement, ainsi la quasi-totalité des recherches existantes porte sur les aspects opérationnels et financiers.

3Considérant pour notre part que les mutuelles sont des espaces politiques qui font cohabiter des représentations du monde différentes, nous couplons la littérature académique concernant l’économie sociale et solidaire ainsi que celle concernant l’économie de la santé, à travers l’économie des conventions, sous l’angle d’une socio-économie du développement. Notre méthodologie, qui a nécessité une emprise importante dans le contexte, comporte plusieurs outils : une analyse pluridisciplinaire de notre objet de recherche ; une démarche empirique fondée sur les 66 entretiens qualitatifs que nous avons réalisés de 2013 à 2015 sur le territoire sénégalais et nos observations, permettant des rétroactions entre le terrain et la théorie ; une analyse croisée de ces entretiens auprès des acteurs concernés (institutions, experts, ménages).

4Quatre obstacles principaux à l’évolution des mutuelles se dégagent de notre étude : la difficulté de convergence des différentes formes de mutuelles et des conventions qui les portent vers une couverture maladie universelle ; l’influence des tensions entre les représentations des acteurs, en dehors et au sein des mutuelles ; l’absence d’une approche systémique, avec une hiérarchie forte entre les acteurs ; l’importance de l’impact des déterminants sociaux de la santé sur la capacité des individus à participer. Il n’est ainsi pas possible d’imposer un modèle « clé en main » de mutuelle.

5Ces résultats sont importants dans la mesure où les politiques de santé sont actuellement conduites par des experts, internationaux comme nationaux, dont le cadre d’expertise est celui de la « bonne gouvernance ». Les enjeux de l’accès à la santé sont cruciaux, pourtant ce sont bien des initiatives se situant hors du contexte qui sont menées et peinent à se pérenniser. Dans le cadre de la « bonne gouvernance », il s’agit de se demander comment amener les populations à s’adapter à une forme imposée de mutualité qui se diffuse. Notre approche consiste ainsi à renverser ce rapport, à se demander comment adapter la forme de la couverture maladie aux populations. Nous formulons pour cela deux recommandations principales qui sont liées : la nécessité d’une meilleure compréhension des perceptions des individus, de leurs valeurs, et la mise en avant d’une complémentarité entre les institutions.

6Juliette ALENDA-DEMOUTIEZ, Docteure en économie, Clersé, juliettealenda@hotmail.fr

Gürdal Aslan, Salaire minimum en Turquie : impact sur les inégalités, la pauvreté et l’emploi, Thèse d’économie, réalisée sous la direction de Jérôme GAUTIÉ, Professeur, Université Paris 1, soutenue le 18 décembre 2013 à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Jury composé de Gilbert CETTE, Professeur, Université d’Aix-Marseille, Banque de France, Directeur des analyses microéconomiques et structurelles (rapporteur) ; Bernard GAZIER, Professeur, Université Paris 1 ; Yannick L’HORTY, Professeur, Université Paris-Est Marne-la-Vallée, Directeur de la fédération CNRS (rapporteur) ; Sophie PONTHIEUX, INSEE

7Quel est l’impact du salaire minimum dans les pays en développement sur les salaires, les revenus, la pauvreté et l’emploi formel et informel ? Cette thèse porte sur la question du salaire minimum et de son rôle dans une société turque marquée par un faible taux d’activité, un secteur informel important, un exode rural massif, ou encore une organisation familiale élargie reposant souvent sur un seul apporteur de revenu. L’importance du salaire minimum est accrue dans la mesure où il est l’une des seules normes existant en matière de rémunération, compte tenu du champ très réduit des conventions collectives en Turquie.

8Le salaire minimum en Turquie est un salaire unique, national, obligatoire pour tous les secteurs d’activité, mensuel et fixé par une Commission tripartite ; il s’applique, selon la législation turque, de façon relativement contraignante et uniformément sur tout le territoire, ce qui est loin d’être le cas dans la plupart des autres pays de l’OCDE. Il est l’objet d’une politique active qui a pu, dans l’histoire, poursuivre plusieurs objectifs (à certaines périodes, il fut clairement considéré comme un mécanisme de redistribution des revenus, à d’autres il fut utilisé pour limiter l’inflation ou encore pour relancer la consommation). Le salaire minimum turc est relativement élevé et concerne une part importante des salariés du secteur formel. En Turquie, où la syndicalisation est faible, le salaire minimum constitue un rempart permettant de compenser l’absence ou la faiblesse de la négociation collective. Malgré l’existence de nombreux débats, notamment sur le niveau du salaire minimum et son mode de fixation, il ressort de notre enquête auprès des acteurs sociaux un fort attachement des travailleurs et des employeurs à ce dispositif.

9Dans ce contexte, la thèse propose de contribuer à l’évaluation de l’impact du salaire minimum en Turquie sur les salaires, les revenus, la pauvreté et l’emploi formel et informel. À l’aide de différentes techniques statistiques et économétriques à partir des micro-données de ménages et d’entreprises, nous montrons que les hausses du salaire minimum permettent de réduire les inégalités pour l’ensemble des salaires et la dispersion des salaires entre hommes et femmes et entre jeunes et adultes, en particulier en rehaussant les salaires du bas de la distribution. Ces évolutions plutôt favorables ne touchent pas les inégalités entre l’emploi formel et informel, où les écarts de salaire se creusent.

10Cet effet globalement positif sur les inégalités de salaires soulève la question de l’impact du salaire minimum sur les revenus des familles des travailleurs et ainsi, de celle du salaire minimum sur les inégalités de revenu et la pauvreté générale. Nos simulations montrent un faible effet des hausses du salaire minimum sur les inégalités de revenus et sur la pauvreté, ce qui s’explique par le grand nombre de travailleurs du secteur informel, de travailleurs indépendants, de travailleurs familiaux non rémunérés mais aussi de personnes sans emploi. En effet, les diverses caractéristiques du marché du travail turc contribuent à limiter le champ sur lequel le salaire minimum peut avoir un impact direct, puisque le taux d’activité est faible, le taux de chômage élevé et le travail informel encore important.

11L’organisation actuelle de la société turque, en particulier du marché du travail, ne permet pas au salaire minimum d’être un instrument efficace en matière de lutte contre les inégalités de revenu et contre la pauvreté. Nos résultats laissent penser que seules les évolutions du marché du travail susceptibles d’augmenter le taux d’activité et de réduire l’emploi informel permettraient au salaire minimum de contribuer à améliorer le niveau de vie en couvrant une plus large part de la population. Or nos travaux montrent que si le salaire minimum ne conduit pas nécessairement à des destructions d’emplois comme le suppose le modèle néoclassique, il est corrélé, en Turquie, à un développement de l’emploi informel non agricole.

12Gürdal ASLAN, Chercheur associé au Centre d’Économie de la Sorbonne, gurdalaslan@hotmail.fr

Thomas Collas, La pâte et le décor : considération et formes professionnelles dans le monde des pâtissiers. Thèse de sociologie, réalisée sous la direction de Pierre FRANÇOIS, Directeur de recherche CNRS, CSO, soutenue le 23 novembre 2015 à l’IEP de Paris. Jury composé de Frédéric LEBARON, Professeur, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ; Laurent LESNARD, Directeur de recherche CNRS, OSC et CDSP ; Philippe STEINER, Professeur, Université Paris-Sorbonne ; Pascale TROMPETTE, Directrice de recherche CNRS, PACTE (rapporteure) ; Marc ZUNE, Professeur, Université catholique de Louvain (rapporteur)

13Des entremets aux quiches, en passant par les bonbons de chocolat, les desserts à l’assiette ou les pièces décoratives en sucre, des boutiques aux hôtels et restaurants en passant par les lieux de formation ou les entreprises de production automatisée en grande série, la thèse décrit l’ensemble hétérogène de tâches et de lieux de travail associés à l’intitulé « pâtissier » de la fin des années 1970 au début des années 2010 à la lumière d’une question de sociologie : dans quelle mesure les marques de considération (descriptions de la valeur relative d’une entité) portées aux travailleurs et à leur travail participent-elles à stabiliser des formes professionnelles (groupes, segments, trajectoires individuelles) ? Pour y répondre, deux ensembles de matériaux dialoguent intimement : un corpus issu du dépouillement de périodiques professionnels et d’archives privées, qui a notamment permis de construire une base prosopographique (28 433 saisies) principalement traitée à partir de méthodes d’analyse de séquences ; une enquête ethnographique faite d’observations et d’entretiens. La thèse est divisée en trois parties et neuf chapitres.

14Dans une première partie, les revendications de statut portées au nom d’un groupe de pâtissiers par différents collectifs et les conventions esthétiques explicitées dans ce cadre sont étudiées. La saisie des recompositions de la juridiction revendiquée par la Confédération des boutiquiers dans le Journal du Pâtissier souligne notamment l’importance accordée aux tâches décoratives (Chap. 1). La place centrale du chef d’entreprise dans le travail collectif de définition des pâtissiers comme « artisans » est ensuite mise au jour (Chap. 2). Enfin, est montré que l’émergence des « pâtissiers de restaurant » repose notamment sur des transformations profondes des revendications associées au travail pâtissier en boutique (Chap. 3).

15Dans la deuxième partie, les rhétoriques d’excellence mises en œuvre sur trois arènes de commensuration sont comparées : le système des concours pâtissiers (Chap. 4), une association élitaire organisée en réseau d’échange de connaissances (Chap. 5) et les sélections critiques (Chap. 6). La focale est placée sur les pratiques d’évaluation et de sélection, sur les sanctions émises – titres critiques, objectivations vestimentaires des résultats de concours, marques d’appartenance associative – et sur les revendications portées au nom de segments élitaires à partir de celles-ci auprès des pairs et auprès des clients.

16Le déroulement de carrières individuelles sur les marchés du travail et sur les marchés boutiquiers à l’appui de ces sanctions est l’objet de la troisième partie. Les principaux postulats des modèles d’avantage cumulatif sont discutés et mis à l’épreuve, notamment à l’appui de diverses variantes des méthodes d’appariement optimal, dans la comparaison des carrières de concurrents (Chap. 7), dans l’étude des carrières critiques et inter-arènes (Chap. 8) et dans l’analyse de la portée du travail entrepreneurial de circonscription du nom Pierre Hermé (Chap. 9).

17Thomas COLLAS, ATER, EHESS, CSO, thomas.collas@sciencespo.fr

Florian Fougy, Économie et sociologie : quelles filiations théoriques ? Essais sur le cas de la théorie de l’action des années 1960 à nos jours, Thèse d’économie, réalisée sous la direction Philippe LE GALL, Professeur, Université d’Angers, soutenue le 4 décembre 2015 à l’Université d’Angers. Jury composé de Camille BAULANT, Professeur, Université d’Angers ; Jérôme GAUTIÉ, Professeur, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (rapporteur) ; Franck JOVANOVIC, Professeur, Université de Leicester ; Claude MÉNARD, Professeur, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ; Yamina TADJEDDINE, Maître de conférences HDR, Université Paris 10 (rapporteur)

18Alors que certains mouvements, comme le mouvement français « autisme économie », pointent du doigt l’isolement de la science économique par rapport aux autres sciences sociales, la littérature montre l’existence d’un dialogue entre la science économique et la sociologie. Face à ce paradoxe, cette thèse questionne les filiations théoriques (ou emprunts conceptuels) entre la science économique et la sociologie et en analyse les caractéristiques. Cette recherche repose sur l’étude du cas de la théorie de l’action, au cœur du dialogue entre les deux disciplines depuis leur distinction.

19Sur la base de la littérature sociologique et économique et d’un travail bibliométrique, le premier chapitre de la thèse propose d’étudier trois pans de la théorie de l’action : la théorie du choix rationnel (TCR), le champ de l’économie des conventions (EC) et le concept d’encastrement.

20Le deuxième chapitre s’intéresse à la TCR et à son émergence en sociologie sous la plume de Coleman. Il est montré que la TCR émerge distinctement en économie et en sociologie. Les approches de la TCR proposées par le sociologue Coleman et l’économiste Becker sont mises en regard. Sont alors pointés du doigt leurs fondements communs et leurs principales différences. Malgré l’existence d’un dialogue entre les deux auteurs, fondé sur leur proximité intellectuelle et professionnelle, on assiste ici à une non-filiation théorique entre les deux disciplines.

21Le troisième chapitre de la thèse porte sur le champ de l’EC. L’étude de la nature disciplinaire de ce champ apporte un éclairage sur la capacité de ce champ à établir des filiations théoriques entre la science économique et la sociologie. Il est montré que les filiations théoriques entre les deux disciplines y sont possibles. Par ailleurs, la posture méthodologique proposée dans le programme de recherche de l’EC a fait l’objet d’interprétations différentes et incompatibles reflétant de fortes traditions méthodologiques. Ainsi, l’étude du cas de l’EC souligne la difficulté de dépasser certaines traditions disciplinaires fortes.

22Enfin, le quatrième chapitre de la thèse porte sur le concept sociologique d’encastrement proposé par Granovetter et son emprunt en économie. Une étude bibliométrique montre que le nombre d’articles en économie faisant référence à ce concept s’est fortement accru depuis sa proposition en 1985. En prenant l’économie géographique comme domaine d’application, il est montré que cet emprunt conceptuel est « imparfait », en cela qu’il n’est pas conforme à celui proposé par Granovetter. Les travaux économiques concernés passent ainsi à côté de points analytiques importants.

23La thèse révèle que si des filiations théoriques sont parfois possibles, les frontières disciplinaires ne sont pas tout à fait perméables. Ceci traduit un certain isolement de la science économique par rapport à la sociologie alors même qu’un dialogue a presque toujours existé.

24Florian FOUGY, Attaché temporaire d’enseignement et de recherche, Université Rennes 2, florian.fougy@gmail.com

Raphaël Frétigny, Financer la Cité. La Caisse des dépôts et les politiques de développement urbain en France. Thèse de science politique, réalisée sous la direction de Gilles PINSON, Professeur, Sciences Po Bordeaux, soutenue le 7 décembre 2015 à Sciences Po Lyon. Jury composé d’Ève CHIAPELLO, Directrice de recherche, EHESS ; Patrice DURAN, Professeur, ENS Cachan ; Ludovic HALBERT, Chargé de recherche CNRS, Université Paris Est ; Patrick LE GALÈS, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Paris (rapporteur) ; Thibaut TELLIER, Professeur, Sciences Po Rennes (rapporteur)

25La ville serait aujourd’hui financiarisée. Une littérature en plein essor décrit combien la finance « saisit » la ville et la modèle en fonction des critères de gestion des capitaux financiers. La thèse contribue à ce chantier à partir de l’étude d’une institution financière publique : la Caisse des dépôts et consignations (CDC). La CDC est en effet un bon objet pour mettre en perspective sur le temps long les rapports entre la finance et la ville. Cet acteur financier a joué un rôle majeur pour la production urbaine depuis la Seconde Guerre mondiale. Acteur public mais aussi gestionnaire de fonds privés, notamment issus de l’épargne, l’étude de la Caisse des dépôts permet de comprendre le financement de la ville à l’articulation des logiques politiques et des dynamiques économiques. De plus, la CDC, élément important du système financier français, est aussi directement engagée dans la production urbaine, notamment par le biais de filiales. Étudier la CDC, c’est suivre l’argent, depuis le secteur financier jusqu’à l’immeuble, et comprendre en chemin les dynamiques politiques et économiques qui influent sur l’investissement urbain.

26Dans cette perspective, le propos suit un plan chronologique qui débute avec la Seconde Guerre mondiale. L’accent est mis sur l’activité des deux filiales historiques de la CDC : la SCIC, société immobilière, et la SCET, spécialisée dans l’aménagement urbain. La thèse explore tout particulièrement le rôle majeur de la première à Sarcelles, ainsi que l’activité de la seconde à Nantes.

27On suit ainsi l’invention des structures de financement public de la ville de l’après-guerre, puis leur démantèlement partiel et progressif, ainsi que les effets de ces évolutions sur la production urbaine. La croissance urbaine d’après-guerre doit beaucoup à la prise en main par l’État du secteur financier. La Caisse des dépôts oriente alors, sous le contrôle de l’État, une part importante de l’épargne vers le financement du développement urbain. La forme du grand ensemble, dans une large mesure conçue par les filiales techniques de la CDC, est le produit de ce modèle financier. La libéralisation financière des années 1980 se traduit en revanche par une réduction de l’emprise de la Caisse des dépôts – et de l’État – sur l’épargne et sur le crédit au développement urbain, au profit du marché. L’établissement doit progressivement suivre les règles du marché dans la conduite de ses activités urbaines, à l’exception du financement hors marché du logement social et de la politique de la ville.

28Les recompositions financières de la Caisse des dépôts participent alors au retrait de la régulation étatique en matière urbaine, mais elles assurent le maintien d’instruments puissants dans la main de l’État central pour le financement du logement social. Le lancement, impulsé par l’État central, d’un programme de rénovation urbaine dans les quartiers d’habitat social au début des années 2000, doit beaucoup au maintien et au ciblage des instruments financiers de la CDC en faveur du logement social. De plus, le contexte de la crise financière et économique de la fin des années 2000 a élargi le domaine d’intervention de la CDC en appui aux politiques urbaines.

29La thèse montre ainsi le rôle décisif et protéiforme de l’État dans le financement de la ville, et elle invite à étudier les circuits de financement pour comprendre les dynamiques de la production urbaine.

30Raphaël FRÉTIGNY, docteur, laboratoire Triangle, raphael.fretigny@hotmail.fr

Émile Gayoso, Coproduire le nouveau ? Sociologie des plateformes de co-innovation. Thèse de sociologie, réalisée sous la direction de Patrice FLICHY, Professeur émérite, Université Paris-Est, et de Benoît LELONG, Professeur, Université Paris 8, soutenue le 4 décembre 2015 à l’Université Paris-Est. Jury composé de Pierre-Jean BENGHOZI, Directeur de recherche CNRS, École Polytechnique ; Franck COCHOY, Professeur, Université Toulouse Jean Jaurès (rapporteur) ; Alexandre MALLARD, Directeur de recherche Mines ParisTech (rapporteur) ; Erwan LE QUENTREC, Responsable de recherche, Orange Labs (encadrant CIFRE)

31L’objet de ce travail de thèse, la co-innovation, est approché empiriquement au moyen d’un choix de six plateformes numériques : deux dédiées à l’idéation et quatre au bêta-test. L’idéation consiste à opérer et à évaluer de façon collaborative des innovations déposées par les internautes, et le bêta-test a pour objet de confier aux consommateurs l’évaluation de maquettes et prototypes de produits en cours de développement. Les plateformes retenues ont été mises en place par de très grandes entreprises françaises et étasuniennes entre 2004 et 2009 dans les secteurs des télécommunications, du transport de voyageurs et du matériel informatique. Sur le plan méthodologique, la thèse articule une enquête par entretiens (menée auprès des usagers mais aussi des responsables de plateformes, des chefs de produits, des community managers), des observations en ligne (au besoin traitées par l’outil statistique) et enfin l’analyse de réseaux des collaborations qui se nouent autour des dispositifs.

32La première partie de la thèse nous a permis d’établir que, malgré l’indéniable effet de mode qui porte la co-innovation, cette dernière s’inscrit néanmoins dans la continuité de l’histoire des méthodes d’innovation, dont nous avons souligné deux fils rouges : la convergence des fonctions marketing, innovation et systèmes d’information à l’ère de l’entreprise en réseau d’une part, et l’accélération des processus de production du nouveau qui prend son sens dans un contexte plus large d’accélération sociale d’autre part.

33La deuxième partie de la thèse est en grande partie descriptive. Elle détaille la genèse ainsi que la structure logicielle et organisationnelle de chaque plateforme, et offre un compte rendu de la méthode employée pour arrêter le choix définitif des cas retenus. Enfin, elle expose le cadre théorique utilisé, qui emprunte à la fois à une approche interactionniste de l’innovation développée par Flichy et à une pragmatique de l’engagement théorisée par Thévenot et appliquée par Auray à certains formats d’action en ligne.

34La troisième partie de la thèse, qui en est aussi le cœur, restitue la part de l’enquête qui s’appuie sur les entretiens et les observations en ligne. Elle démontre que, loin de se réduire à des enjeux d’innovation, l’activité déployée par les acteurs des entreprises sur les plateformes relève aussi d’enjeux de marketing (captation des publics), de management par le client et de connaissance du marché. Quant aux internautes, il est démontré que, comme sur de nombreux sites participatifs, on peut très nettement les ranger selon deux modes de participation : ordinaire et intensif. Au sein de ce dernier mode, trois régimes d’engagement dans la co-innovation sont identifiés : celui du fan, pour qui la co-innovation est une recherche de proximité avec l’entreprise ; celui du lead user, figure canonique de la co-innovation, qui s’implique dans la relation à l’entreprise sur le registre de l’efficacité ; et enfin celui du militant, qui veut avoir la possibilité de peser sur l’avenir de l’organisation et réclame des dispositifs de participation complets et démocratiques, n’hésitant pas à parler au nom du collectif des internautes pour défendre ses idées.

35Enfin, la dernière partie est consacrée à l’étude structurale des réseaux de répliques au sein d’une des plateformes de bêta-tests. Nous y démontrons que les formes de collaboration de faible densité sont prédominantes, et nous y construisons un indicateur de la hiérarchie d’un réseau qui repose à la fois sur le calcul de la centralisation structurale du réseau concerné (comment les liens sont-ils dispersés entre tous les nœuds ?) et sur le taux d’appropriation, par les membres de l’entreprise, des échanges de répliques (quelle part des liens les membres de l’entreprise centralisent-ils ?). Nous montrons ainsi que les réseaux peu denses et hiérarchiques sont majoritaires et nous faisons l’hypothèse qu’il s’agit là d’une caractéristique de la co-innovation que mettent en place les très grandes entreprises.

36Émile GAYOSO, docteur en sociologie, Laboratoire Techniques Territoires Sociétés, e.r.gayoso@gmail.com

Julien Gros, Des classes populaires à la lisière du salariat. Une analyse des bûcherons entre emploi, marché et stratification sociale. Thèse de sociologie réalisée sous la direction de Florence WEBER, Professeure, École normale supérieure, Paris, soutenue le 28 septembre 2015 à l’École des hautes études en sciences sociales. Jury composé d’Alain CHENU, Professeur émérite, IEP Paris ; Pierre FRANÇOIS, Directeur de recherche, CNRS (rapporteur) ; Annie LAMANTHE, Professeure, Université Aix-Marseille (rapporteure) ; Olivier SCHWARTZ, Professeur, Université Paris-Descartes ; Bénédicte ZIMMERMANN, Directrice d’étude, EHESS

37Alors que l’essentiel de la main-d’œuvre ouvrière a été intégrée au salariat au cours du XXe siècle, les bûcherons en sont comme restés à la marge : aujourd’hui, en France, un bûcheron est le plus souvent salarié à la tâche ou entrepreneur de travaux forestiers. Le bûcheronnage soulève ainsi une tension : c’est un travail manuel et subalterne mais il est exercé en dehors du modèle salarial. Il s’agit dans cette thèse d’envisager sous quelles modalités un marché du travail indépendant peut offrir à des hommes issus des classes populaires la perspective d’une place stabilisée dans le monde du travail. À cette fin, la thèse conduit une analyse conjointe et localisée des formes d’emploi, des mécanismes de marché et des rapports de classe et ce, du point de vue des entreprises et des travailleurs.

38Cette recherche s’appuie sur des traitements quantitatifs et qualitatifs de données issues d’une enquête de terrain menée durant six ans dans une région rurale française. Ces données comprennent des entretiens ethnographiques, des observations du travail, deux monographies d’entreprises ainsi que des documents comptables et administratifs qui constituent la matière de trois bases de données. L’articulation de ces méthodes offre l’occasion de réfléchir aux conditions de l’usage ethnographique des méthodes quantitatives (chapitre introductif).

39L’analyse qui forme le cœur de la thèse est organisée en trois parties. Tout d’abord, j’ai montré que la marginalité ancienne et durable des bûcherons au salariat n’était pas le résultat récent de l’effritement de la société salariale. J’ai proposé d’y voir le résultat, non pas de la flexibilisation du droit du travail, mais paradoxalement de la solidification du salariat dans un segment peu régulé et peu formalisé du monde du travail. En outre, devant les problèmes de viabilité que posait ce statut d’indépendant pour une activité subalterne (faillites à répétition, notamment), l’État légifère sa clôture : on ne peut désormais s’installer comme bûcheron que sous conditions de diplôme et d’expérience. Mais, contrairement à ce qu’on observe généralement dans la formation des groupes professionnels, la clôture est impulsée et opérée par le haut (agents de la fonction publique, employeurs/clients potentiels). Ainsi, plus largement, cette analyse éclaire certains mécanismes de contrôle de l’accès à l’indépendance professionnelle des classes populaires.

40Ensuite, la thèse dégage les conditions d’un recours aux différentes formes de sous-traitance. Une analyse des pratiques d’emploi dans les entreprises permet de saisir la segmentation interne de la main-d’œuvre ouvrière et la position marginale des bûcherons – les seuls salariés à n’être pas l’objet de pratiques paternalistes, les seuls à être massivement touchés par l’externalisation. En outre, je mets en évidence le rôle du capital d’autochtonie dans la segmentation du marché du travail forestier : les travaux les plus durs sont socialement délocalisés via l’importation de main-d’œuvre, ce qui permet à certains bûcherons indépendants locaux d’atteindre des positions économiquement stables malgré l’insécurité de leur statut. Au bout du compte, l’existence des bûcherons salariés-tâcherons et des salariés détachés constitue en quelque sorte un marchepied, stabilisant la situation des entrepreneurs de travaux forestiers.

41Enfin, la thèse examine les effets de la distance au salariat dans les trajectoires d’hommes issus des fractions stabilisées des classes populaires. Alors que les classes populaires sont souvent étudiées au travers du salariat d’exécution et que l’indépendance professionnelle est souvent lue comme un indice de positionnement social et une appartenance aux catégories moyennes de la structure sociale, le bûcheronnage à son compte révèle comment l’indépendance professionnelle peut s’inscrire dans les parcours d’hommes des classes populaires. En particulier, elle permet parfois de valoriser professionnellement des ressources distinctives quand l’emploi salarié local offre peu de perspectives d’ascension ; elle constitue, malgré tout, un moyen d’accomplir des petites ascensions sociales. Ainsi, la thèse montre l’intérêt qu’il y a à considérer ces effets comme le résultat croisé de mécanismes de marché et d’enjeux de définition des statuts sociaux dans un espace social localisé.

42Julien GROS, ATER, Université Paris-Dauphine, IRISSO, Laboratoire de Sociologie Quantitative du CREST, juliendgros@gmail.com

Tristan Loloum, Derrière la plage, les plantations. Ethnographie d’une « situation touristique » dans le Nordeste brésilien : le cas de Tibau do Sul, RN. Thèse d’anthropologie sociale, réalisée sous la direction d’Afrânio GARCIA Jr., Maître de conférences HDR, École des Hautes Études en Sciences Sociales, et Christophe CLIVAZ, Professeur associé, Université de Lausanne (Suisse), soutenue le 5 juin 2015 à l’EHESS. Jury composé de Martine DROULERS, Directrice de recherche émérite, CNRS (rapporteur) ; Saskia COUSIN, Maîtresse de conférences, Université Paris Descartes ; Bertrand RÉAU, Maître de conférences, Paris 1 Panthéon Sorbonne ; Benoît de L’ESTOILE, Directeur de recherche, CNRS

43Située à la croisée de la sociologie du tourisme, de la sociologie économique et de l’anthropologie politique, la thèse s’intéresse aux recompositions sociales induites par le développement touristique sur le littoral du Nordeste brésilien, une région historiquement marquée par le système des plantations sucrières, avec ses modalités de travail forcé, ses modes de domination traditionnelle et ses crises successives. Centrée sur la station balnéaire de Praia da Pipa et la municipalité dont elle fait partie, Tibau do Sul (État du Rio Grande do Norte), l’enquête retrace dans un premier temps les différentes étapes de développement du lieu, depuis les premiers bains de mer dans les années 1920 jusqu’à la bulle immobilière des années 2000, en passant par la « découverte » touristique du village par de jeunes surfeurs dans les années 1970-1980.

44Après une première partie traitant de la sociogenèse de la station, l’histoire des rapports sociaux à Tibau do Sul est ensuite analysée au prisme de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, du foncier, de l’immobilier, des institutions environnementales et de la politique municipale. Fondée sur une centaine d’entretiens avec des individus issus des différents segments de la population, des archives historiques, des observations participantes, des cartes, des photographies et des données statistiques officielles, l’enquête de terrain révèle les enjeux sociologiques des différents modes d’appropriation du littoral touristique.

45L’analyse socio-historique des multiples vagues d’immigration liées au tourisme permet de rendre compte des conflits, des affinités et des rapports d’interdépendance noués entre des groupes issus de milieux sociaux et culturels apparemment très hétérogènes : les premiers villégiateurs issus de l’aristocratie sucrière locale ; les surfeurs, voyageurs et entrepreneurs touristiques pionniers provenant d’une jeunesse bourgeoise, urbaine et inspirée par les mouvements contre-culturels des années 1960-1970 ; les investisseurs et résidents secondaires étrangers arrivés à partir des années 1990, des « migrants de style de vie » issus des classes moyennes supérieures européennes. Face à eux, la population « autochtone » est composée de plusieurs familles de paysans-pêcheurs présents sur le littoral depuis des générations, dont l’histoire est aussi marquée par de nombreux brassages migratoires depuis l’époque coloniale et par plusieurs crises de modernisation, tant dans les secteurs maritimes qu’agricoles.

46Par opposition aux interprétations dichotomiques voyant dans le tourisme le résultat d’une rencontre entre des visiteurs et une communauté d’accueil (hosts and guests), la notion de « situation touristique » est ici entendue au sens de la « situation coloniale » de Georges Balandier, c’est-à-dire comme un agencement de groupes sociaux dotés d’histoires collectives et de forces d’inertie qui leur sont propres. La situation touristique est donc une « totalité » nouvelle dont le résultat, bien que socialement conditionné, ne peut être déterminé à l’avance. Pour saisir les reconfigurations, les rapprochements et les conflits à l’œuvre dans la station, il faut étudier le système des positions objectives et les trajectoires sociales (déclassements, ascensions, reconversions) des différentes catégories de populations.

47On comprend mieux dès lors les mécanismes socio-anthropologiques sous-jacents aux conflits d’aménagement du territoire et au fonctionnement des marchés touristiques : les antagonismes de classe derrière les rapports différenciés à l’environnement, les inégalités dans l’accès à l’administration publique, l’importance des réseaux d’interconnaissance pour l’accès au foncier, les homologies structurales au principe des partenariats économiques internationaux sur le marché immobilier et touristique, le poids des malentendus dans les relations commerciales et de voisinage entre entrepreneurs autochtones et étrangers, les fondements sociaux et historiques des clivages politiques locaux, etc. Ainsi, contre l’idée selon laquelle le développement touristique produirait partout les mêmes effets, l’analyse rappelle que le tourisme est un phénomène pluriel, toujours historiquement, sociologiquement et géographiquement « situé ».

48Tristan LOLOUM, Post-doctorant FNS, visiting fellow à l’Université de Durham, tristanloloum@gmail.com

Laura Nirello, La construction problématique de la relation d’emploi dans l’ESS. Les EHPAD entre régulations publiques et régulations d’entreprise. Thèse d’économie réalisée sous la co-direction de Jean-Pierre BRECHET, Professeur, Université de Nantes, et de Lionel PROUTEAU, Maître de conférences émérite, Université de Nantes, soutenue le 7 décembre 2015 à la MSH Ange-Guépin à Nantes. Jury composé de Philippe BATIFOULIER, Professeur, Université Paris 13 (rapporteur) ; Alain DESREUMAUX, Professeur émérite, Université de Lille 1 (rapporteur) ; Florence JANY-CATRICE, Professeur, Université de Lille 1 ; Dominique PEYRAT-GUILLARD, Maître de conférences HDR, Université d’Angers ; Henry NOGUES, Professeur émérite, Université de Nantes

49Les emplois dans l’économie sociale et solidaire (ESS) ont connu un développement important ces dernières années et représentent aujourd’hui 10 % de l’emploi en France. Cette évolution quantitative s’est accompagnée à la fois d’un discours des employeurs sur leur volonté de « gérer autrement », en particulier par rapport au secteur lucratif, mais aussi de vives critiques sur la précarité des emplois créés. L’objectif de notre thèse est de comprendre dans quelle mesure le statut juridique des organisations a une incidence sur la qualité des emplois proposés. Le choix des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) comme terrain de recherche permet de comparer l’ESS avec le secteur lucratif et le secteur public à partir d’entités relativement « comparables ».

50Dans ce domaine d’activité, l’augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes a conduit à une multiplication des régulations publiques. Notre travail a analysé la complexité du fonctionnement des organisations à partir des régulations d’entreprise et des régulations publiques englobantes. L’approche pluridisciplinaire mêlant économie des conventions et sociologie des organisations s’est avérée heuristique pour analyser les modalités de construction de la relation d’emploi et les marges de manœuvre des organisations de l’ESS. Une investigation quantitative à partir de données existantes (enquête Emploi et déclarations annuelles de données sociales – DADS – de l’Insee) a été menée afin de réaliser une comparaison intersectorielle d’indicateurs de la qualité de l’emploi. Elle a été enrichie par une enquête qualitative réalisée dans huit établissements auprès de 50 salariés.

51Après avoir rappelé les choix théoriques et méthodologiques, la première partie de la thèse montre que, statistiquement, la spécificité de la qualité de l’emploi dans l’ESS est réduite. La seconde partie, en s’intéressant plus précisément à la relation d’emploi, éclaire le premier résultat par le poids croissant des régulations publiques dans le domaine d’activité des EHPAD. L’évolution des modes de financement, la réorientation des publics accueillis au sein des établissements mais aussi le développement d’indicateurs de qualité réduisent de manière importante les marges de manœuvre des acteurs de l’ESS. Dans ce contexte, les tensions sont vives, en témoigne la remise en cause de la convention collective régissant le secteur. Au sein des EHPAD, le mal-être au travail est très présent chez les professionnels, que ce soit dans leurs discours mais aussi au regard du taux de turn-over élevé et des arrêts maladie fréquents. Il est l’expression des difficultés des salariés pris entre des injonctions parfois contradictoires et l’autonomie que nécessite la prise en charge de personnes très dépendantes. La difficile construction de la relation d’emploi révèle que les organisations de l’ESS, sujettes aux régulations publiques, peinent à affirmer leur identité, tout en garantissant la pérennité financière de l’activité.

52Laura NIRELLO, ATER, Université de Nantes, LEMNA, laura.nirello@etu.univ-nantes.fr

Fiona Ottaviani, Performativité des indicateurs, indicateurs alternatifs et transformation des modes de rationalisation. Thèse d’économie, réalisée sous la direction de Claudine OFFREDI, Docteure-HDR, Université Grenoble-Alpes, soutenue publiquement le 18 septembre 2016 à l’Université Grenoble-Alpes. Jury composé de Tom BAULER, Professeur, IGEAT, Université libre de Bruxelles ; Catherine FIGUIÈRE, Maître de conférences HDR, CREG, Université de Grenoble-Alpes ; Florence JANY-CATRICE, Professeure, CLERSE, Université de Lille 1 (rapporteure) ; Michel RENAULT, Maître de conférences HDR, CREM, Université de Rennes 1 (rapporteur) ; Robert SALAIS, Professeur émérite, IDHES, ENS-Cachan

53Les réflexions sur le mode de comptabilisation de la valeur et sur la toute-puissance du chiffre dans les politiques publiques se sont accompagnées du développement d’une série d’indicateurs livrant une vision « alternative » de la richesse. Assise sur le constat d’une très forte hétérogénéité des travaux dans le champ des indicateurs, la thèse s’intéresse aux transformations en termes de rationalisation scientifique et politique associées à de telles constructions. Abordée sous l’angle pragmatique des changements à l’œuvre dans une expérimentation locale, cette analyse repose sur une recherche-action menée dans l’agglomération grenobloise visant à construire des Indicateurs de bien-être soutenable territorialisés (IBEST).

54L’ancrage théorique de la recherche est l’économie des conventions qui, élargie à la sociologie de la quantification, constitue un cadre théorique pertinent pour analyser les indicateurs comme des objets institués, fruits de conventions sociopolitiques. Pour aborder la transformation des modes de rationalisation, la mise en avant de l’inertie des systèmes statistiques au travers de la notion d’investissements de forme est contrebalancée par la notion de performativité, qui permet d’amener la réflexion sur la dynamique institutionnelle liée à la construction d’indicateurs alternatifs. Ce positionnement théorique est complété par deux grilles d’analyse : l’une relative au processus de quantification, l’autre aux systèmes de valeurs associés à la construction d’indicateurs alternatifs. La démarche adoptée s’appuie sur une « logique d’enquête » et sur une hybridation méthodologique entre un matériau quantitatif et une démarche participative.

55Au-delà des apports relatifs à l’analyse épistémique des fondements présidant à l’élaboration d’indicateurs alternatifs, la thèse aboutit à trois types de résultats. Les résultats empiriques montrent, au travers d’une analyse par profils et de la territorialisation d’indices dimensionnels, la non-soutenabilité du territoire étudié. Un des principaux résultats méthodologiques consiste dans la formulation d’un « principe de généralisation », assurant la cohérence théorique et méthodologique entre la soutenabilité, le bien commun et le bien-être. Sur un plan théorique, le croisement entre les notions d’« arrière-plan », de « communautés interprétatives » et d’« encastrements institutionnels » nourrit une conception de la dynamique institutionnelle procédant par sédimentation. Deux éléments résument la réponse apportée à la problématique de la recherche. Tout d’abord, les indicateurs construits dans une telle expérimentation sont assis sur un alliage particulier entre différents systèmes de valeurs émanant du croisement entre des communautés interprétatives. Ensuite, l’expérimentation participe à la construction d’un « arrière-plan collectif » porteur d’un autre « imaginaire social » à même d’alimenter un « nouveau mythe rationnel » sur le plan de la rationalisation scientifique et politique.

56Fiona OTTAVIANI, chercheuse en économie chaire Minfulness, bien-être au travail et paix économique, GEM ; chercheuse associée au CREG-UGA, Fiona.OTTAVIANI@grenoble-em.com

  1. Juliette Alenda-Demoutiez, Les mutuelles de santé dans l’extension de la couverture maladie au Sénégal. Une lecture par les conventions et l’économie sociale et solidaire. Thèse d’économie, réalisée sous la direction de Bruno BOIDIN, Maître de conférences HDR, Clersé, Université de Lille 1, soutenue publiquement le 17 mai 2016 à l’Université de Lille 1. Jury composé de Philippe BATIFOULIER, Professeur, Université Paris 13 (rapporteur) ; Hervé DEFALVARD, Maître de conférences HDR, Université Paris-Est Marne-la-Vallée (rapporteur) ; Florence JANY-CATRICE, Professeure, Université de Lille 1 ; Fred EBOKO, Chargé de recherche HDR, IRD (invité)
  2. Gürdal Aslan, Salaire minimum en Turquie : impact sur les inégalités, la pauvreté et l’emploi, Thèse d’économie, réalisée sous la direction de Jérôme GAUTIÉ, Professeur, Université Paris 1, soutenue le 18 décembre 2013 à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Jury composé de Gilbert CETTE, Professeur, Université d’Aix-Marseille, Banque de France, Directeur des analyses microéconomiques et structurelles (rapporteur) ; Bernard GAZIER, Professeur, Université Paris 1 ; Yannick L’HORTY, Professeur, Université Paris-Est Marne-la-Vallée, Directeur de la fédération CNRS (rapporteur) ; Sophie PONTHIEUX, INSEE
  3. Thomas Collas, La pâte et le décor : considération et formes professionnelles dans le monde des pâtissiers. Thèse de sociologie, réalisée sous la direction de Pierre FRANÇOIS, Directeur de recherche CNRS, CSO, soutenue le 23 novembre 2015 à l’IEP de Paris. Jury composé de Frédéric LEBARON, Professeur, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ; Laurent LESNARD, Directeur de recherche CNRS, OSC et CDSP ; Philippe STEINER, Professeur, Université Paris-Sorbonne ; Pascale TROMPETTE, Directrice de recherche CNRS, PACTE (rapporteure) ; Marc ZUNE, Professeur, Université catholique de Louvain (rapporteur)
  4. Florian Fougy, Économie et sociologie : quelles filiations théoriques ? Essais sur le cas de la théorie de l’action des années 1960 à nos jours, Thèse d’économie, réalisée sous la direction Philippe LE GALL, Professeur, Université d’Angers, soutenue le 4 décembre 2015 à l’Université d’Angers. Jury composé de Camille BAULANT, Professeur, Université d’Angers ; Jérôme GAUTIÉ, Professeur, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (rapporteur) ; Franck JOVANOVIC, Professeur, Université de Leicester ; Claude MÉNARD, Professeur, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ; Yamina TADJEDDINE, Maître de conférences HDR, Université Paris 10 (rapporteur)
  5. Raphaël Frétigny, Financer la Cité. La Caisse des dépôts et les politiques de développement urbain en France. Thèse de science politique, réalisée sous la direction de Gilles PINSON, Professeur, Sciences Po Bordeaux, soutenue le 7 décembre 2015 à Sciences Po Lyon. Jury composé d’Ève CHIAPELLO, Directrice de recherche, EHESS ; Patrice DURAN, Professeur, ENS Cachan ; Ludovic HALBERT, Chargé de recherche CNRS, Université Paris Est ; Patrick LE GALÈS, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Paris (rapporteur) ; Thibaut TELLIER, Professeur, Sciences Po Rennes (rapporteur)
  6. Émile Gayoso, Coproduire le nouveau ? Sociologie des plateformes de co-innovation. Thèse de sociologie, réalisée sous la direction de Patrice FLICHY, Professeur émérite, Université Paris-Est, et de Benoît LELONG, Professeur, Université Paris 8, soutenue le 4 décembre 2015 à l’Université Paris-Est. Jury composé de Pierre-Jean BENGHOZI, Directeur de recherche CNRS, École Polytechnique ; Franck COCHOY, Professeur, Université Toulouse Jean Jaurès (rapporteur) ; Alexandre MALLARD, Directeur de recherche Mines ParisTech (rapporteur) ; Erwan LE QUENTREC, Responsable de recherche, Orange Labs (encadrant CIFRE)
  7. Julien Gros, Des classes populaires à la lisière du salariat. Une analyse des bûcherons entre emploi, marché et stratification sociale. Thèse de sociologie réalisée sous la direction de Florence WEBER, Professeure, École normale supérieure, Paris, soutenue le 28 septembre 2015 à l’École des hautes études en sciences sociales. Jury composé d’Alain CHENU, Professeur émérite, IEP Paris ; Pierre FRANÇOIS, Directeur de recherche, CNRS (rapporteur) ; Annie LAMANTHE, Professeure, Université Aix-Marseille (rapporteure) ; Olivier SCHWARTZ, Professeur, Université Paris-Descartes ; Bénédicte ZIMMERMANN, Directrice d’étude, EHESS
  8. Tristan Loloum, Derrière la plage, les plantations. Ethnographie d’une « situation touristique » dans le Nordeste brésilien : le cas de Tibau do Sul, RN. Thèse d’anthropologie sociale, réalisée sous la direction d’Afrânio GARCIA Jr., Maître de conférences HDR, École des Hautes Études en Sciences Sociales, et Christophe CLIVAZ, Professeur associé, Université de Lausanne (Suisse), soutenue le 5 juin 2015 à l’EHESS. Jury composé de Martine DROULERS, Directrice de recherche émérite, CNRS (rapporteur) ; Saskia COUSIN, Maîtresse de conférences, Université Paris Descartes ; Bertrand RÉAU, Maître de conférences, Paris 1 Panthéon Sorbonne ; Benoît de L’ESTOILE, Directeur de recherche, CNRS
  9. Laura Nirello, La construction problématique de la relation d’emploi dans l’ESS. Les EHPAD entre régulations publiques et régulations d’entreprise. Thèse d’économie réalisée sous la co-direction de Jean-Pierre BRECHET, Professeur, Université de Nantes, et de Lionel PROUTEAU, Maître de conférences émérite, Université de Nantes, soutenue le 7 décembre 2015 à la MSH Ange-Guépin à Nantes. Jury composé de Philippe BATIFOULIER, Professeur, Université Paris 13 (rapporteur) ; Alain DESREUMAUX, Professeur émérite, Université de Lille 1 (rapporteur) ; Florence JANY-CATRICE, Professeur, Université de Lille 1 ; Dominique PEYRAT-GUILLARD, Maître de conférences HDR, Université d’Angers ; Henry NOGUES, Professeur émérite, Université de Nantes
  10. Fiona Ottaviani, Performativité des indicateurs, indicateurs alternatifs et transformation des modes de rationalisation. Thèse d’économie, réalisée sous la direction de Claudine OFFREDI, Docteure-HDR, Université Grenoble-Alpes, soutenue publiquement le 18 septembre 2016 à l’Université Grenoble-Alpes. Jury composé de Tom BAULER, Professeur, IGEAT, Université libre de Bruxelles ; Catherine FIGUIÈRE, Maître de conférences HDR, CREG, Université de Grenoble-Alpes ; Florence JANY-CATRICE, Professeure, CLERSE, Université de Lille 1 (rapporteure) ; Michel RENAULT, Maître de conférences HDR, CREM, Université de Rennes 1 (rapporteur) ; Robert SALAIS, Professeur émérite, IDHES, ENS-Cachan
Mis en ligne sur Cairn.info le 28/11/2016
https://doi.org/10.3917/rfse.017.0221
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