CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Bastien Bernela, Trajectoires géographiques des chercheurs et collaborations scientifiques : contributions empiriques et méthodologiques. Thèse d’Économie sous la direction d’Olivier BOUBA-OLGA, Professeur, Université de Poitiers et Marie FERRU, Maître de conférences, Université de Poitiers, soutenue publiquement le 30 septembre 2015 à l’Université de Poitiers. Jury composé de Liliane BONNAL, Professeure, Université de Poitiers ; Michel GROSSETTI, Directeur de recherche CNRS, LISST-CERS ; Mareva SABATIER, Professeure, Université de Savoie (rapporteure) ; Jean-Benoît ZIMMERMANN, Directeur de recherche CNRS, GREQAM (rapporteur)

1Notre thèse s’intéresse à la mobilité géographique des chercheurs, à ses déterminants, et à ses impacts sur les processus collaboratifs. Dans un contexte où l’Union européenne souhaite s’imposer dans l’économie des connaissances, la mobilité est devenue un des leitmotive de la politique scientifique. Souvent associée aux concepts d’excellence, de compétitivité et d’attractivité, elle est l’outil privilégié de soutien à la circulation des idées. Considérée comme un indicateur de qualité des chercheurs, il existe pourtant peu d’études démontrant un lien entre mobilité et performance. Notre recherche a pour objectif d’apporter des éléments empiriques nouveaux et de formuler des propositions méthodologiques pour mieux appréhender ces phénomènes. Le volet empirique repose sur des données quantitatives et qualitatives avec la mobilisation de bases de données de grande taille afin de dégager des régularités, et des entretiens auprès de chercheurs afin de déconstruire leurs choix de mobilité ou de collaboration.

2L’analyse des mobilités individuelles revient à étudier le choix de localisation des individus. Les données recueillies mettent en évidence la complexité des processus de décision individuelle (intervention de déterminants économiques, géographiques et sociologiques). À partir de données françaises, quantitatives et qualitatives, nous montrons que la mobilité des docteurs est relativement faible et qu’elle s’explique par des déterminants structurels et individuels finalement assez classiques. Avec un taux de mobilité de 36 %, près de deux docteurs sur trois font carrière dans leur région de soutenance. De plus, une part importante des mobilités se fait vers une région limitrophe. Le fait d’être en couple et d’avoir soutenu sa thèse dans sa région d’origine renforce la probabilité de non-mobilité. Ce comportement de mobilité n’est pas spécifique au monde académique : le taux de mobilité des docteurs s’insérant dans l’enseignement supérieur et la recherche est de cinq points supérieur à celui des autres docteurs. La réalisation d’entretiens met en évidence l’enchevêtrement des parcours professionnels, personnels et géographiques. L’injonction à la mobilité amène d’ailleurs certains docteurs à ne pas s’engager dans les procédures d’accès à l’emploi académique.

3Alors que la mobilité géographique est considérée comme un mécanisme prioritaire de diffusion des connaissances, la littérature existante n’a pas encore fourni les preuves d’une relation entre mobilité et collaborations. De surcroît, la plupart des études se focalisent sur la mobilité « permanente » qui intervient lors d’un changement d’emploi, occultant les mobilités temporaires. Nous cherchons alors à comprendre la construction des collaborations scientifiques et développons un cadre méthodologique pour étudier l’impact de la trajectoire géographique des chercheurs dans la dynamique de leur co-authorship, en utilisant conjointement trois sources de données (publications, CV, entretiens). Les publications permettent de révéler des dynamiques relationnelles, les CV de retracer les trajectoires des chercheurs, et les entretiens d’examiner les processus de mise en relation des chercheurs et les contextes de rencontre des co-auteurs. Nous éprouvons cette méthode sur des cas de chimistes et de mathématiciens, et étudions près de 3 000 collaborations et 900 relations. Les résultats relativisent le caractère déterminant de la trajectoire géographique dans la construction des collaborations et révèlent l’importance des mobilités temporaires et des réseaux sociaux, grâce auxquels la géographie des collaborations d’un chercheur n’est pas si dépendante de la géographie de sa carrière.

4Bastien BERNELA, Post-doctorant, INCREASE CNRS, bastien.bernela@univ-poitiers.fr

Louise Briec, La place de l’environnement dans l’économie : une analyse régulationniste du cas du Brésil. Thèse d’Économie sous la direction de Bruno BOIDIN, Maître de conférences HDR, Clersé, Université de Lille 1, et Bertrand ZUINDEAU, Conseiller technique HDR, Conseil régional Nord-Pas-de-Calais, soutenue le 12 mai 2015 à l’Université de Lille 1. Jury composé de Gilles ALLAIRE, Directeur de recherches, INRA Toulouse ; Tom BAULER, Professeur, Université libre de Bruxelles (rapporteur) ; Catherine FIGUIÈRE, Maître de conférences HDR, Université Pierre Mendès France (rapporteure) ; Denis REQUIER-DESJARDINS, Professeur émérite, IEP Toulouse

5Cette thèse porte sur la place de l’environnement dans un système socio-économique. L’analyse est centrée sur les interrelations entre les dynamiques socio-économiques et l’environnement au Brésil, et sur la mise en œuvre des règles environnementales au Pará (Amazonie brésilienne).

6La première partie est théorique. Après avoir présenté de manière critique l’approche orthodoxe de l’environnement et l’économie écologique, la thèse montre que seule une approche hétérodoxe, en socio-économie de l’environnement, permet d’identifier les relations profondes entre le social, l’économique et la nature. En se plaçant dans une telle approche, la thèse montre que la théorie de la régulation est équipée pour participer à ce projet de socio-économie de l’environnement.

7La seconde partie propose un cadre analytique régulationniste étendu. À la suite de précédents travaux, la thèse montre que l’ajout d’une sixième forme institutionnelle dédiée à l’environnement est susceptible d’appréhender cette problématique, en se focalisant sur les caractéristiques des rapports sociaux à la nature. Une telle approche permet ainsi d’intégrer une dimension environnementale au cadre analytique régulationniste et de fournir à la socio-économie de l’environnement des outils pour l’étude des interrelations entre les dynamiques socio-économiques et l’environnement.

8La méthode d’analyse proposée dans la thèse se compose de deux étapes complémentaires. La première consiste en une analyse diachronique visant à expliquer la viabilité d’un mode de régulation constatée ex post. Après avoir identifié le (ou les) régime(s) d’accumulation au cours d’une période, il s’agit de les examiner, par l’étude conjointe des six formes institutionnelles. Il s’agit également de caractériser les traits dominants des régimes d’accumulation, en ayant recours aux concepts de hiérarchie et de complémentarité institutionnelles. La seconde étape consiste en une analyse synchronique visant à étudier la mise en œuvre concrète des règles environnementales. Cette analyse permet d’examiner la genèse des règles environnementales, ainsi que leur impact sur les comportements des individus et leur actualisation par ces derniers.

9À partir de ce cadre analytique régulationniste étendu, dans la troisième partie, une étude empirique basée sur un programme de recherche qualitatif est réalisée, employant deux méthodes faisant écho aux deux étapes du cadre théorique : une analyse historique et une étude de cas. D’une part, l’analyse historique de la succession des régimes d’accumulation du Brésil de 1930 à 2013, au travers de l’étude conjointe des six formes institutionnelles, permet de mettre en évidence les configurations successives du rapport social à la nature au Brésil au cours du temps et sa place dans le régime d’accumulation, de montrer l’influence exercée par les autres formes institutionnelles sur les configurations du rapport social à la nature, et ainsi d’illustrer l’intérêt d’un cadre analytique régulationniste étendu en matière d’étude des questions environnementales.

10D’autre part, l’analyse synchronique de l’institutionnalisation du rapport social à la nature dans l’État du Pará dans le cadre d’une étude de cas portant sur les pratiques contemporaines de gestion du secteur forestier montre que les composantes analytiques du rapport social à la nature rendent possible l’appréhension des relations économie-nature, ce qui permet de souligner que certains facteurs empêchent l’actualisation des règles par les comportements.

11Louise BRIEC, Docteure en économie, Clersé, louise_briec@hotmail.com

Mamoudou Camara, Croissance économique et impact environnemental : le découplage est-il possible ? Thèse d’économie, réalisée sous la direction de Bruno BOIDIN, Maître de conférences-HDR, Université de Lille 1, Clersé, et Bertrand ZUINDEAU, HDR, Conseiller technique, Cabinet du Président du Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais, soutenue le 15 juin 2015 au Clersé-Lille 1. Jury composé de Jean-Marie CARDEBAT, Professeur, Université de Bordeaux ; Géraldine FROGER, Maître de conférences-HDR, UVSQ (Rapporteure) ; Muriel MAILLEFERT, Professeure, Université de Lyon 3 (Rapporteure) ; Edwin ZACCAI, Professeur, Université libre de Bruxelles

12La multiplication des problèmes écologiques ces dernières décennies a entraîné une certaine prise de conscience à l’égard de l’environnement. Une des manifestations de cette prise de conscience a été la tenue de plusieurs sommets internationaux sur l’environnement. Dans ces sommets, il a surtout été question de découpler les pressions sur l’environnement de la croissance économique. Ce découplage correspond à « une rupture des liens entre les maux environnementaux et les biens économiques » (OCDE, 2002). Cependant, si cet objectif de découplage a été plébiscité presque à chaque sommet, les économistes sont très partagés quant à la possibilité d’y parvenir. L’objectif de cette thèse est non seulement de contribuer à ce débat en apportant un nouvel éclairage sur cette question, mais aussi de proposer de nouvelles approches pour mieux traiter cette problématique.

13La première partie de la thèse porte sur l’analyse du débat autour de la question du découplage. Dans le premier chapitre, la thèse revient, dans une perspective historique, sur différents positionnements théoriques concernant la problématique environnementale. De cette analyse, il ressort que le débat sur cette problématique n’est pas récent, variant parfois selon les préoccupations environnementales de chaque époque. Le deuxième chapitre porte sur une analyse exploratoire du concept de découplage où nous avons voulu montrer la réalité d’un découplage. Ainsi, après avoir mis en évidence la complexité de ce concept et les limites des principales méthodes utilisées pour mesurer le découplage, nous avons étudié le découplage sur 124 pays entre 1980 et 2005 dans le cas du CO2 et du SO2 à partir d’une version revisitée du modèle STIRPAT. Les résultats montrent les preuves d’un découplage absolu dans le cas de certains pays développés et des économies en transition.

14La seconde partie de la thèse traite des déterminants du découplage. Le chapitre 3 nous a permis d’identifier trois facteurs à la base du découplage (le niveau de développement, la structure de l’économie et le rapport socio-économique à l’environnement). Il apparaît aussi que la plupart de ces déterminants ont un impact sur le découplage limité dans le temps, ce qui expliquerait la difficulté de parvenir à un découplage de façon pérenne. Parmi ces trois déterminants du découplage, le rapport socio-économique à l’environnement apparaît comme le plus important dans la mesure où il est susceptible d’influencer les deux autres déterminants. Le dernier chapitre de la thèse est consacré à un approfondissement de l’analyse du rôle central du rapport socio-économique à l’environnement dans le découplage, dans une perspective régulationniste. Cette approche nous a permis de montrer que les composantes du rapport socio-économique à l’environnement (le degré de préoccupations écologiques et la qualité des institutions) sont des facteurs déterminants pour réaliser le découplage dans un pays.

15Au final, cette thèse souligne l’importance du rapport socio-économique à l’environnement pour parvenir au découplage. Elle tend aussi à montrer que les possibilités de découplage peuvent dépendre du type de polluant ou encore du niveau d’échelle de l’étude. Ainsi, même dans le cas des polluants comme le CO2, le découplage semble parfois possible, mais peut difficilement être pérenne.

16Mamoudou CAMARA, ATER, Université de Lille 1, Clersé, moud1camara@yahoo.fr

Alexandre Coulondre, Faire une place au marché. La création des centres commerciaux en France par les promoteurs immobiliers. Thèse de Sociologie, sous la direction de François CUSIN, Maître de conférences HDR, Institut de Recherche Interdisciplinaire en Sciences Sociales (IRISSO), soutenue le 15 juin 2015 à l’Université Paris-Dauphine. Jury composé de Sophie DUBUISSON-QUELLIER, Directeur de recherche, CNRS, Sciences Po Paris (rapporteure) ; Alexandre MALLARD, Directeur de recherche, CSI, Mines Paristech (rapporteur) ; Gilles PINSON, Professeur, Sciences Po Bordeaux ; Pierre VOLLE, Professeur, Université Paris-Dauphine

17La thèse questionne le développement des centres commerciaux, dans les villes françaises, depuis leur apparition il y a cinquante ans. Alors que ce phénomène est analysé par l’économie géographique comme un ordre spontané, comme un équilibre local entre des besoins de consommation et des surfaces de vente, la thèse l’envisage plutôt comme une construction menée du côté de l’offre. Ainsi, elle se focalise sur l’activité des acteurs économiques qui portent la diffusion des centres commerciaux : les promoteurs d’immobilier commercial.

18En articulant des méthodes à la fois qualitatives (observations non participantes, entretiens semi-directifs, monographies) et quantitatives (création et exploitation d’une base de données sur le parc de centres commerciaux), ce travail de recherche révèle la complexité des systèmes d’action dans lesquels les promoteurs s’inscrivent localement. Les centres commerciaux sont des biens immobiliers qui prennent la forme de places de marché. À ce titre, les promoteurs doivent enrôler à chaque réalisation des commerçants-locataires. Ils doivent aussi se faire une place dans les territoires. Là, ils se confrontent aux élus locaux. La diffusion des centres commerciaux dépend finalement de la capacité des représentants de l’offre immobilière (les promoteurs) à obtenir localement des accords avec les représentants de l’offre commerciale (les commerçants) et de l’offre urbaine (les élus locaux).

19En s’inscrivant à la fois dans les débats théoriques de la sociologie économique, de la sociologie de l’action organisée et de la sociologie urbaine, la thèse montre que cette activité d’enrôlement s’appuie sur un travail de qualification-requalification des biens immobiliers en projet. Dans chaque réalisation, les caractéristiques du futur centre commercial sont profilées progressivement de sorte que les commerçants et les élus soient en quelque sorte incorporés dans les caractéristiques du bien.

20Auprès des commerçants, les promoteurs agissent principalement sur les qualités territoriales du centre commercial, car ce sont elles qui sont questionnées par les détaillants pour évaluer le potentiel local de la clientèle. Auprès des élus, les promoteurs agissent bien plus souvent sur les dimensions architecturales et sur la programmation commerciale. Ces dimensions peuvent en effet porter les stratégies politiques locales poursuivies dans un contexte de concurrence interurbaine.

21De cette triple définition des biens (immobilière, commerçante, politique) émergent des tensions. Le travail sur les qualités mené localement en direction des uns peut s’avérer contradictoire avec les attentes des autres. Plusieurs modélisations statistiques présentées dans la dernière partie de la thèse permettent de rendre compte de l’état actuel de ce rapport de force. En l’occurrence, la thèse démontre une propension récente des promoteurs à faire primer la vision des élus locaux sur celle des commerçants.

22Alexandre COULONDRE, Post-doctorant, IRISSO, Université Paris-Dauphine, alexandre.coulondre@gmail.com

Léonard Moulin, Frais d’inscription dans l’enseignement supérieur : enjeux, limites et perspectives. Thèse d’Économie, sous la direction de David FLACHER, Maître de conférences HDR, Université Paris 13, et Hugo HARARI-KERMADEC, Maître de conférences, École Normale Supérieure de Cachan, soutenue le 27 juin 2014 à l’Université Paris 13. Jury composé de Philippe AGHION, Professeur, Harvard University (rapporteur) ; Jean-François GIRET, Professeur, Université de Bourgogne (rapporteur) ; Laurent LESNARD, Chargé de recherche CNRS, Sciences Po Paris ; Hélène ZAJDELA, Professeure, Université Paris 13

23La recomposition de l’enseignement supérieur aux niveaux national et international se traduit par l’émergence ou l’approfondissement d’un grand marché de l’éducation, en partie mondialisé, qui conduit de nombreux pays à faire participer les étudiants au coût de leur scolarité. La littérature a donné lieu à des résultats nombreux et différents, voire divergents, sur la question des effets des frais d’inscription sur l’accès, les parcours et la réussite des étudiants dans l’enseignement supérieur ; elle souffre cependant de plusieurs limites importantes, auxquelles ma thèse tente d’apporter des réponses en utilisant à la fois des outils standards en économie de l’éducation (dans la lignée des travaux de la théorie du capital humain), mais également en utilisant des approches complémentaires.

24La première partie de ma thèse est consacrée à une étude théorique des frais d’inscription. Je procède à une revue de littérature critique et pluridisciplinaire des arguments couramment avancés en faveur des frais d’inscription (l’effet redistributif, l’effet incitatif et l’effet contributif), dont je conteste la validité. Je m’intéresse ensuite aux implications de la prise en compte de biais comportementaux dans l’analyse économique des frais d’inscription, en ayant recours à une modélisation qui s’inscrit dans le cadre de la théorie des perspectives. Je montre que la mise en œuvre de frais progressifs, si elle peut constituer une solution équitable d’un point de vue purement théorique, soulève d’autres problèmes.

25Alors que mes conclusions théoriques suggèrent d’importantes limites aux politiques de mise en œuvre de frais d’inscription, l’objectif de la deuxième partie est de tirer des enseignements des effets des politiques d’introduction ou de relèvement des frais d’inscription. Je commence par souligner le caractère contrasté des résultats présentés dans la littérature avant de dresser une typologie des contextes institutionnels. Je montre qu’il existe deux grands régimes institutionnels stables à long terme, le régime « social-démocrate » et le régime « libéral », qui renvoient à deux logiques très différentes de l’éducation : l’éducation en tant qu’investissement collectif contre l’éducation en tant qu’investissement individuel. Je propose ensuite la première étude portant sur les effets des frais d’inscription dans le contexte institutionnel français (de type « conservateur »), caractérisé, jusque très récemment, par une quasi-gratuité de l’accès à l’université. L’utilisation de bases de données riches, et quasi inexploitées dans les travaux de recherche, et de méthodes quantitatives originales croisant analyse de séquences et économétrie, me permet de souligner les effets potentiellement ségrégatifs et inégalitaires liés à l’introduction de frais d’inscription à l’Université Paris 9 Dauphine, mais, contrairement aux prescriptions des modèles théoriques, sans effet sur le niveau des étudiants. Je mets ensuite en évidence les effets potentiels de la généralisation des frais d’inscription aux autres universités françaises.

26Alors que la littérature en économie de l’éducation est centrée autour du concept de capital humain, naturellement favorable à la mise en place de frais d’inscription, je réfléchis dans la troisième partie de ma thèse à une autre grille de lecture. Par opposition à un système par « capitalisation », dans lequel l’éducation constitue un investissement privé en capital humain qu’il convient avant tout de rentabiliser, je montre qu’il est possible de mettre en place un autre mode de financement de l’éducation, que je qualifie de système par « répartition », par analogie au système des retraites. Ce système se caractérise par une dotation significativement plus élevée en licence, financée par l’impôt, et une allocation universelle d’autonomie accordée à tous les étudiants (quelle que soit leur origine sociale), financée par une branche de la sécurité sociale. Mes travaux montrent qu’un tel système peut se révéler équitable, efficient et efficace pour financer le système éducatif, ouvrant ainsi à la fois des perspectives de recherche et des réflexions concrètes sur les politiques publiques pour l’enseignement supérieur.

27Léonard MOULIN, ATER, Université Paris 7 Diderot, leonard.moulin@ens-cachan.org

Gilles Rivet, Émergence de l’idée démocratique en situation de travail. L’expérimentation des associations ouvrières de 1848 à 1851. Thèse de Sociologie sous la direction de Sébastien FLEURIEL, Professeur, Université de Lille 1, Clersé, soutenue le 25 juin 2015 à l’Université de Lille 1. Jury composé d’Antoine BEVORT, Professeur, CNAM (rapporteur) ; Hervé DEFALVARD, Maître de conférences-HDR, Université Paris Est-Marne la Vallée (rapporteur) ; Jacques LEMIÈRE, Maître de conférences, Université de Lille 1

28Les salariés de l’économie sociale se sentent souvent mal reconnus et l’observation des pratiques de démocratie sociale dans leurs entreprises confirme une situation insatisfaisante. Si les réseaux et les lieux de recherche de ce secteur commencent à prendre en considération cette question, il est apparu nécessaire de comprendre les ressorts de cette discordance entre les principes énoncés et les pratiques.

29Dans une démarche socio-historique, ma thèse se propose de revenir à la genèse de l’économie sociale pour y puiser des éléments de compréhension, sinon d’explication, aux réalités contemporaines. Je formule l’hypothèse que c’est dès le milieu du xixe siècle, quand se mirent en place les associations ouvrières de production se proposant d’articuler les dimensions économique et politique, que se sont élaborées les innovations du modèle et qu’en ont été constatées les limites.

30Pour vérifier cette hypothèse, l’expérience des associations ouvrières de production soutenues par la Deuxième République de 1848 à 1851, a constitué le terrain de cette recherche. La description de la vie quotidienne de trente-sept de ces associations ouvrières a fourni un matériau vivant permettant d’analyser la créativité à l’œuvre dans ces entreprises inédites, les délicates régulations des relations sociales entre ouvriers, les arbitrages complexes entre pari démocratique et contraintes économiques, les rapports d’interdépendance avec un État soucieux de contrôler ces entreprises innovantes.

31Il est ensuite proposé une lecture plus théorique des enseignements de cette histoire, traitant successivement des composantes d’un pari démocratique en situation de travail, de la place de l’individu dans le cadre d’un pari de solidarité collective, d’une nouvelle formulation de l’articulation entre sphères économique et politique.

32Le retour à l’économie sociale contemporaine fournit l’occasion de revenir sur quelques défis de l’économie sociale portant respectivement sur les figures du sociétaire et du salarié, dans une tension entre engagement et dissociation, sur les arbitrages effectués dans les entreprises d’économie sociale entre producteurs et consommateurs, sur leur double dimension économique et politique, favorisant une pratique de la démocratie sociale adaptée au projet radicalement novateur de l’économie sociale. Je suggère en effet que c’est en assumant pleinement cette double identité que les entreprises d’économie sociale seront en capacité d’inventer des pratiques de démocratie sociale en cohérence avec ce qui est en fait un projet démocratique global.

33Gilles RIVET, consultant en politiques sociales, Maître de conférences associé à l’Université Paris-Est Créteil, gilles.rivet@u-pec.fr

Julien Saint-Roman, Le geste et la révolution. Pratiques sociales et modernité politique des ouvriers de l’arsenal de Toulon (vers 1760 – vers 1815). Thèse d’Histoire moderne, sous la direction de Christine PEYRARD, Professeure d’histoire moderne, Aix-Marseille Université, soutenue le 7 novembre 2014 à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme d’Aix-en-Provence. Jury composé de Malcolm CROOK, Professeur émérite d’histoire moderne, Keele University (Angleterre) (rapporteur) ; Corine MAITTE, Professeure d’histoire moderne, Université Paris Est Marne-la-Vallée (rapporteure) ; Brigitte MARIN, Professeure d’histoire moderne, Aix-Marseille Université ; Michel VOVELLE, Professeur émérite d’histoire moderne, Université Paris I Panthéon Sorbonne

34Cette thèse porte sur les pratiques sociales et la politisation des ouvriers de l’arsenal de Toulon à la fin de l’époque moderne et durant la Révolution française.

35La première partie consiste à montrer la spécificité du lien social créé par le travail dans un contexte d’entreprise d’État. La multitude des métiers, les fluctuations rapides des effectifs au gré des événements politiques, les hiérarchies des grades, la diversité des affectations sur terre et sur mer, et les inégalités de salaires montrent une communauté ouvrière hétérogène, dont les contours avec les autres catégories laborieuses de l’arsenal (marins, forçats) sont souvent flous. Pour autant, la réalisation du navire de guerre, de plus en plus standardisé, implique une coopération approfondie des métiers. La pénibilité au travail contribue également à forger un sentiment d’appartenance au groupe ouvrier. Mais les mises à l’entreprise des travaux de l’arsenal ainsi que l’émergence de nouveaux rapports d’autorité à travers la figure de l’ingénieur dans les années 1760-1780, obligent les ouvriers à reformuler leur identité.

36La deuxième partie est consacrée à l’analyse de la place des ouvriers dans la sociologie toulonnaise. Leur origine méridionale et leur forte reproduction sociale marquent leur insertion dans la cité mais leur inégale répartition spatiale intra-muros s’accentue à la fin du xviiie siècle. Sur le plan matériel, la dépendance des ouvriers envers la Marine se vérifie par les distributions de pain et de bois de chauffage au sein de la base navale. Pendant la Révolution, l’accès aux biens de première nécessité fait l’objet d’une lutte pour le droit à l’existence, montrant une interpénétration du social et du politique dans les consciences ouvrières. La logique redistributive se ressent aussi dans les rapports de sociabilité partagés au quotidien en dehors du travail, faisant le lien entre la confraternité d’Ancien Régime et l’entraide mutuelle du xixe siècle.

37La troisième partie de la thèse étudie l’émergence de la politique moderne chez les ouvriers de l’arsenal. Le cadre maritime et militaire a entretenu une conscience politique « archaïque », caractérisée par de constantes et nombreuses déviances (désertions, mutineries). Mais à partir de 1789, s’amorce la naissance d’un « imaginaire politique ouvrier ». Les ouvriers s’immiscent dans les nouveaux pouvoirs civils (sections, garde nationale, municipalité) et participent à la définition de la citoyenneté à travers leur collectif de travail. La classe ouvrière prend forme par la mise en commun de ses volontés lors des assemblées primaires et surtout avec la création en 1792 d’un Comité central, représentant les travailleurs auprès des autorités civiles et militaires. Mais la force interne de ce nouveau collectif se trouve affaiblie par la crise économique, dans un contexte de guerre et de contre-révolution en Provence. La trahison royaliste de 1793 et la reprise de la ville par les Républicains, puis la répression de la révolte jacobine de l’an III ont successivement coupé l’élan né en 1789, même si elles n’ont pas effacé l’exigence du droit à l’existence teinté de jacobinisme des ouvriers de l’arsenal de Toulon.

38Julien SAINT-ROMAN, Professeur certifié d’histoire-géographie, Telemme AMU-CNRS, julien.saint-roman@ac-nice.fr

Philippe Semenowicz, Une analyse conventionnaliste des collaborations entre entreprises sociales et entreprises commerciales : l’exemple de l’insertion par l’activité économique. Thèse d’Économie sous la direction d’Hervé DEFALVARD, Maître de conférences HDR, Université Paris-Est Marne-la-Vallée, soutenue le 18 novembre 2015 à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Jury composé de Philippe BATIFOULIER, Professeur, Université Paris XIII ; Bernard BAUDRY, Professeur, Université Lumière Lyon II ; Florence JANY-CATRICE, Professeure, Université de Lille 1 ; Yannick L’HORTY, Professeur, Université Paris-Est Marne-la-Vallée ; Marthe NYSSENS, Professeure, Université catholique de Louvain

39Les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) proposent à des personnes rencontrant des difficultés sociales ou professionnelles particulières une mise en situation de travail et une prise en charge de ces besoins sociaux et professionnels. Depuis une dizaine d’années, les SIAE ont engagé un processus de rapprochement avec les entreprises commerciales, alors qu’antérieurement prévalaient des relations de méfiance réciproque. L’objet de la thèse est précisément d’analyser le fonctionnement des « collaborations » nouées entre les SIAE et les entreprises commerciales.

40Après avoir présenté la diversité des SIAE et leur évolution historique, la thèse présente les débats qu’elles ont suscités dans le champ académique. Elle analyse ce qui fait leur originalité par rapport aux entreprises commerciales, en mobilisant à cette fin la littérature internationale sur l’entreprise sociale. Les entreprises sociales, dont les SIAE font partie, sont distinguées de l’entrepreneuriat social, qui est défini dans la thèse comme une stratégie particulière qui s’offre à elles : privilégier les collaborations avec les entreprises commerciales comme modalité d’action et de développement. Un modèle d’analyse inspiré de l’économie des conventions est élaboré pour mettre à l’épreuve l’enquête qualitative réalisée (trois fines monographies).

41Ce travail permet de distinguer trois « conventions d’insertion » (civique-marchande, civique-industrielle et civique-connexionniste), qui sont autant de compromis permettant une coordination entre SIAE et entreprises commerciales. Ces « conventions d’insertion » sont présentes au sein de chacune des études de cas mais dans des proportions variables, en fonction des milieux institutionnels dans lesquels évoluent SIAE et entreprises commerciales : les entreprises commerciales abordent l’insertion en se la réappropriant, selon les objectifs qu’elles poursuivent et les contraintes auxquelles elles sont exposées. La dimension civique est constamment mêlée à d’autres principes supérieurs communs. L’insertion apparaît au final comme une notion ouverte à plusieurs acceptions. L’enjeu principal des collaborations entre SIAE et entreprises commerciales réside alors dans l’adoption de conventions d’insertion exigeantes.

42Philippe SEMENOWICZ, Professeur agrégé de sciences économiques et sociales, UFR SESS/STAPS – UPEC, Docteur en sciences économiques, Laboratoire ERUDITE/Chaire ESS – UPEM, philippe.semenowicz@u-pec.fr

  1. Bastien Bernela, Trajectoires géographiques des chercheurs et collaborations scientifiques : contributions empiriques et méthodologiques. Thèse d’Économie sous la direction d’Olivier BOUBA-OLGA, Professeur, Université de Poitiers et Marie FERRU, Maître de conférences, Université de Poitiers, soutenue publiquement le 30 septembre 2015 à l’Université de Poitiers. Jury composé de Liliane BONNAL, Professeure, Université de Poitiers ; Michel GROSSETTI, Directeur de recherche CNRS, LISST-CERS ; Mareva SABATIER, Professeure, Université de Savoie (rapporteure) ; Jean-Benoît ZIMMERMANN, Directeur de recherche CNRS, GREQAM (rapporteur)
  2. Louise Briec, La place de l’environnement dans l’économie : une analyse régulationniste du cas du Brésil. Thèse d’Économie sous la direction de Bruno BOIDIN, Maître de conférences HDR, Clersé, Université de Lille 1, et Bertrand ZUINDEAU, Conseiller technique HDR, Conseil régional Nord-Pas-de-Calais, soutenue le 12 mai 2015 à l’Université de Lille 1. Jury composé de Gilles ALLAIRE, Directeur de recherches, INRA Toulouse ; Tom BAULER, Professeur, Université libre de Bruxelles (rapporteur) ; Catherine FIGUIÈRE, Maître de conférences HDR, Université Pierre Mendès France (rapporteure) ; Denis REQUIER-DESJARDINS, Professeur émérite, IEP Toulouse
  3. Mamoudou Camara, Croissance économique et impact environnemental : le découplage est-il possible ? Thèse d’économie, réalisée sous la direction de Bruno BOIDIN, Maître de conférences-HDR, Université de Lille 1, Clersé, et Bertrand ZUINDEAU, HDR, Conseiller technique, Cabinet du Président du Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais, soutenue le 15 juin 2015 au Clersé-Lille 1. Jury composé de Jean-Marie CARDEBAT, Professeur, Université de Bordeaux ; Géraldine FROGER, Maître de conférences-HDR, UVSQ (Rapporteure) ; Muriel MAILLEFERT, Professeure, Université de Lyon 3 (Rapporteure) ; Edwin ZACCAI, Professeur, Université libre de Bruxelles
  4. Alexandre Coulondre, Faire une place au marché. La création des centres commerciaux en France par les promoteurs immobiliers. Thèse de Sociologie, sous la direction de François CUSIN, Maître de conférences HDR, Institut de Recherche Interdisciplinaire en Sciences Sociales (IRISSO), soutenue le 15 juin 2015 à l’Université Paris-Dauphine. Jury composé de Sophie DUBUISSON-QUELLIER, Directeur de recherche, CNRS, Sciences Po Paris (rapporteure) ; Alexandre MALLARD, Directeur de recherche, CSI, Mines Paristech (rapporteur) ; Gilles PINSON, Professeur, Sciences Po Bordeaux ; Pierre VOLLE, Professeur, Université Paris-Dauphine
  5. Léonard Moulin, Frais d’inscription dans l’enseignement supérieur : enjeux, limites et perspectives. Thèse d’Économie, sous la direction de David FLACHER, Maître de conférences HDR, Université Paris 13, et Hugo HARARI-KERMADEC, Maître de conférences, École Normale Supérieure de Cachan, soutenue le 27 juin 2014 à l’Université Paris 13. Jury composé de Philippe AGHION, Professeur, Harvard University (rapporteur) ; Jean-François GIRET, Professeur, Université de Bourgogne (rapporteur) ; Laurent LESNARD, Chargé de recherche CNRS, Sciences Po Paris ; Hélène ZAJDELA, Professeure, Université Paris 13
  6. Gilles Rivet, Émergence de l’idée démocratique en situation de travail. L’expérimentation des associations ouvrières de 1848 à 1851. Thèse de Sociologie sous la direction de Sébastien FLEURIEL, Professeur, Université de Lille 1, Clersé, soutenue le 25 juin 2015 à l’Université de Lille 1. Jury composé d’Antoine BEVORT, Professeur, CNAM (rapporteur) ; Hervé DEFALVARD, Maître de conférences-HDR, Université Paris Est-Marne la Vallée (rapporteur) ; Jacques LEMIÈRE, Maître de conférences, Université de Lille 1
  7. Julien Saint-Roman, Le geste et la révolution. Pratiques sociales et modernité politique des ouvriers de l’arsenal de Toulon (vers 1760 – vers 1815). Thèse d’Histoire moderne, sous la direction de Christine PEYRARD, Professeure d’histoire moderne, Aix-Marseille Université, soutenue le 7 novembre 2014 à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme d’Aix-en-Provence. Jury composé de Malcolm CROOK, Professeur émérite d’histoire moderne, Keele University (Angleterre) (rapporteur) ; Corine MAITTE, Professeure d’histoire moderne, Université Paris Est Marne-la-Vallée (rapporteure) ; Brigitte MARIN, Professeure d’histoire moderne, Aix-Marseille Université ; Michel VOVELLE, Professeur émérite d’histoire moderne, Université Paris I Panthéon Sorbonne
  8. Philippe Semenowicz, Une analyse conventionnaliste des collaborations entre entreprises sociales et entreprises commerciales : l’exemple de l’insertion par l’activité économique. Thèse d’Économie sous la direction d’Hervé DEFALVARD, Maître de conférences HDR, Université Paris-Est Marne-la-Vallée, soutenue le 18 novembre 2015 à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Jury composé de Philippe BATIFOULIER, Professeur, Université Paris XIII ; Bernard BAUDRY, Professeur, Université Lumière Lyon II ; Florence JANY-CATRICE, Professeure, Université de Lille 1 ; Yannick L’HORTY, Professeur, Université Paris-Est Marne-la-Vallée ; Marthe NYSSENS, Professeure, Université catholique de Louvain
Mis en ligne sur Cairn.info le 25/02/2016
https://doi.org/10.3917/rfse.016.0279
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