1 – Introduction
1Les recherches en sciences sociales portant sur les services, le commerce et sur la grande distribution en particulier se sont multipliées depuis deux décennies [Alonzo, 1997 ; Baret et al., 1998 ; Soares, 1998 ; Weller, 1999 ; Cochoy, 2002 ; Gadrey, 2003 ; Ferreras, 2007 ; Dujarrier, 2008 ; Waelli, 2009 ; Benquet, 2011, 2013 ; Bernard, 2012 ; Tiffon, 2013]. Qu’elles abordent les questions du temps de travail et de son organisation, des formes de résistance et de satisfaction au travail, ou encore du rôle du client-consommateur dans l’organisation, elles sont fréquemment centrées sur deux populations, les caissières et les chefs de rayon, et sur un type de distribution, les hypermarchés des grandes entreprises intégrées de la branche. Parallèlement, les historiens [Porter Benson, 1988 ; Williams, 1982 ; Miller, 1981] se sont intéressés à la première révolution commerciale via l’étude monographique des grands magasins français et américains au xixe siècle et l’analyse du triptyque employé-e/client-e/encadrement de proximité et des dispositifs techniques et organisationnels mis en place dans ces premières « cathédrales de la consommation » [Ritzer, 1999]. Mais entre ces deux champs de recherche et ces deux types de production, peu de travaux ont analysé les processus conduisant de cette première vague de modernisation du commerce de détail à la grande distribution contemporaine [Chessel, Chatriot, 2006].
2Certains spécialistes ont contribué, par leurs recherches, à une meilleure compréhension de la naissance de la grande distribution, de son influence sur le commerce et plus largement sur l’économie [Thil, 1964, 1966 ; Roy, 1971 ; Marseille, 1997 ; Daumas, 2006], mais la recherche en sciences sociales demeure pauvre en travaux, répondant à l’ambition d’appréhender la branche, qu’il s’agisse du développement et des mutations de son capital comme de sa main-d’œuvre [Beau, 2004], à partir d’une perspective socio-historique. Un examen de la recherche en sciences économiques et de gestion sur la grande distribution fait apparaître un intérêt à la fois faible et tardif pour le secteur [Fache et al., 2010]. Il révèle par ailleurs un double décalage historique et thématique entre l’émergence d’un phénomène économique majeur et sa prise en compte académique [d’Hauteville, 2000]. Décalage historique d’abord, car à de rares exceptions près [Elvinger, 1925 ; Thil, op. cit. ; Roy, op. cit.], l’essentiel de la recherche sur la branche a débuté dans les années 1980, soit une vingtaine d’années après les premiers travaux américains. Décalage thématique ensuite, car les questions liées aux changements économiques et sociaux, à la taille et la croissance de la branche s’avèrent très peu discutées en France, tout comme celle des enjeux liés à l’informatique et à la traçabilité.
3Dans cette introduction au dossier, nous reviendrons sur deux facteurs qui peuvent expliquer ce nouvel intérêt pour la grande distribution : sa constitution en oligopole à la fin de l’âge d’or du secteur dans les années 1990 et, plus récemment, la remise en question du modèle commercial classique, en particulier celui des hypermarchés. C’est principalement ce second volet qu’explore ce dossier de la Revue française de socio-économie sur les crises de la grande distribution.
2 – Du développement du volet commercial du fordisme à l’inversion du rapport de force avec l’industrie
4À la fin des années 1990, la grande distribution devient une branche majeure de l’économie. En quatre décennies de développement, la centaine d’enseignes régionales s’est transformée en un oligopole. En 1980, six groupes contrôlaient 28 % du marché ; aujourd’hui, six groupements contrôlent la vente de plus de 90 % des produits de grande consommation à travers leurs centrales d’achats : Carrefour, Leclerc, Système U, Casino, Intermarché et Auchan. Ces chiffres illustrent la force et la rapidité de la concentration capitalistique d’une grande distribution devenue un acteur charnière de l’économie, mais aussi un « goulot d’étranglement » [Le Déaut, 2000] entre les producteurs de biens de consommation et les consommateurs en parvenant à inverser le rapport de force avec ses fournisseurs industriels.
2.1 – La modernisation du commerce
5Après la Seconde Guerre mondiale, les commerces de détail se multiplient. Au cours de cette période de fortes mutations de la structure sociale, marquée à la fois par la salarisation de la population active et par la rationalisation du travail industriel, les distributeurs émergent au sein d’une population commerçante méprisée pour s’être enrichie au profit du reste de la population pendant la guerre [Roy, 1971, p. 24]. Dans un pays marqué à l’époque par une pénurie de fonds de commerce, le commerçant est un véritable rentier. Beaucoup décident alors d’acquérir une boutique. Le coût modéré et la simplicité relative de moyens de distribution encore rudimentaires permettent de devenir commerçant avec un faible apport en capital. Mais si on assiste immédiatement après la Seconde Guerre mondiale à près de 400 000 reconversions dans le commerce de gros et de détail, les deux tiers ne résistent pas au brutal ralentissement de l’inflation du début des années 1950.
6Jusque dans les années 1960, la concentration du capital commercial se heurte à des obstacles plus grands que dans le secteur de la production industrielle [1]. À cette époque, la concentration du capital s’inscrit dans un contexte d’augmentation des charges fixes et d’une chute du taux de profit. Dans l’industrie, où domine une structure de marché monopolistique, les firmes ne sont pas en mesure de préserver leurs marges et donc de financer leur développement. Ce n’est pas le cas dans le commerce où prédomine une structure concurrentielle qui empêche la constitution de capitaux autonomes suffisamment puissants pour engager une consolidation du secteur [Mandel, 1964].
2.1.1 – Adapter la distribution à la production de masse
7Face à cette vente au « compte-gouttes » de produits manufacturés [Thil, 1966], différents acteurs s’engagent dans la transformation du paysage commercial français. Afin d’accroître la productivité des magasins, la « Mission sur les structures et les techniques commerciales américaines » [Catherine et al., 1951] préconise la modernisation progressive du commerce par l’adoption du principe de grande surface en libre-service inspiré des supermarchés américains qui se sont développés rapidement au cours de la Grande Dépression. Ainsi, dans le cadre du Plan Marshall, les « missions de productivité » se multiplient. Elles consistent notamment à envoyer des entrepreneurs français aux États-Unis pour s’imprégner des principes « modernes » de distribution. La presse spécialisée, naissante (LSA, Libre-Service Actualité fondée en 1958) ou en mutation (la Revue de l’épicerie en gros, rebaptisée en 1961 Techniques marchandes modernes), dénonçant le « retard français », poussent les entrepreneurs, petits commerçants, épiciers, grossistes, artisans, à moderniser leurs organisations productives afin de répondre aux attentes des nouveaux consommateurs pressés et recherchant avant tout les prix bas. Ainsi apparaît en France la grande distribution, reposant sur la suppression des intermédiaires et la vente à prix bas (faible marge), une combinaison qui va être rendue possible par le développement du libre-service, par le changement d’échelle des surfaces de ventes, de leurs achats, de leur audience, et entretenue par la rotation rapide des stocks. En effet, entre 1950 et 1969, si le budget annuel moyen du consommateur a doublé [Daumas, 2006], il s’oriente avant tout vers l’équipement des ménages (automobile, réfrigérateur). Le capitalisme commercial contribue dans sa mutation au développement de cette nouvelle norme de consommation : la consommation de masse. Le triptyque automobile-chariot-parking définit une nouvelle manière de consommer, sans contrainte de quantité, de distance et de temps, différents commerces étant regroupés dans un même lieu, souvent en banlieue des villes. L’expansion des supermarchés est telle qu’entre 1962 et 1969, leur nombre passe de 207 à 1 453. La part du chiffre d’affaires du commerce réalisé par le grand commerce, limitée à 11,9 % en 1960, atteint 30 % au début des années 1970 [Albert, 1974].
2.1.2 – Salarisation et concentration
8Parmi les nombreux indicateurs du développement et de la concentration des grandes surfaces, nous retiendrons ceux dont l’influence sur le procès de travail et la constitution d’une industrie de main-d’œuvre est la plus directe : le regroupement des réseaux, la salarisation de la branche et la concentration de l’emploi. Les réseaux deviennent plus vastes et moins nombreux.
9Dès les années 1950, on retrouve dans le commerce, en particulier alimentaire, en France, mais aussi en Allemagne, en Angleterre ainsi qu’aux États-Unis [2] les signes habituels de la concentration du capital : la concentration des ventes et la salarisation des effectifs dans de grands établissements et réseaux de magasins comptant de nombreux magasins. En France, le succursalisme est relayé au cours des années 1960 par les groupements d’indépendants (Leclerc, Intermarché), au cours des années 1970, avec l’apparition de l’hypermarché, par les grandes structures intégrées (Auchan, Carrefour, Promodès), puis à partir des années 1980 par la franchise, structure plus adéquate aux concentrations à grande échelle (tableau 1).
Entreprises de détail à prédominance alimentaire comptant plus de dix succursales [3]

Entreprises de détail à prédominance alimentaire comptant plus de dix succursales [3]
10En 2009, le commerce alimentaire possède le nombre de points de vente par réseau le plus élevé du commerce : 390 en moyenne pour les supérettes et commerces d’alimentation générale (24 réseaux) et 325 pour les Grandes surfaces alimentaires (GSA : hypermarchés, supermarchés et magasins populaires ; 35 réseaux). Ces dernières réalisent plus de la moitié du chiffre d’affaires du commerce de détail [Reif, Solard, 2009].
11La révolution des GSA affecte aussi la structure capitalistique du commerce dans son ensemble. Comme dans l’industrie, elle implique des investissements croissants en capitaux renvoyant notamment aux besoins de liquidités (achat massif de marchandises aux fournisseurs), à l’augmentation du prix du foncier, à la saturation commerciale du territoire et au soutien d’une croissance interne forte. Dès lors, la propriété des moyens de production devient progressivement inaccessible à l’immense majorité des indépendants et passe entre les mains d’une catégorie sociale disposant des capitaux nécessaires. Entre 1958 et 2013, le nombre de commerçants indépendants, qu’il s’agisse du commerce de gros, de détail, comme automobile, est divisé par dix, passant d’un million à 90 000, alors qu’au cours de la même période, les salariés du commerce sont passés de 1,3 à 3 millions. Ainsi, les commerçants indépendants représentent, en 2013, 3 % des effectifs d’un commerce composé à 91 % de salariés, contre respectivement 43 % et 57 %, 50 ans en arrière [Mandel, 1964 ; Insee, 2008 (tableau 2)].
La salarisation du commerce dans son ensemble (gros, détail, commerce automobile)

La salarisation du commerce dans son ensemble (gros, détail, commerce automobile)
12En outre, si la part des indépendants dans l’ensemble du commerce de détail est aujourd’hui de 14 %, elle est de moins de 1 % dans les grandes et moyennes surfaces [Insee, 2015]. Les établissements commerciaux deviennent plus grands et plus friands en main-d’œuvre. Le développement des grandes surfaces alimentaires a abouti à la concentration de l’emploi commercial dans de grandes unités décisionnelles. Entre 1979 et 2006, le pourcentage de salariés du commerce employés dans des supermarchés et hypermarchés est passé de 52 % à 71 % lorsque la proportion de salariés du commerce à prédominance alimentaire travaillant dans des établissements comptant moins de 10 salariés est passée de 48 % à 29 %. Ainsi, les GSA représentent 1,3 % des entreprises du commerce de détail, mais emploient un tiers des salariés tout en réalisant près de la moitié du chiffre d’affaires total du secteur [Cottet, 2010] [4].
2.1.3 – L’hypermarché, volet commercial du fordisme
13L’hypermarché, entièrement dédié à une consommation de masse en consonance avec l’équipement des ménages comme avec les nécessités du capital industriel, contribue largement à l’émergence du capitalisme commercial oligopolistique. Localisé en périphérie des grandes villes, le format résulte de l’idée du « tout sous un même toit », dans sa version française, en s’appuyant sur de grandes surfaces, sur des parkings pouvant accueillir des centaines de voitures, sur des chariots remplaçant les paniers ainsi que sur un assortiment de produits variés allant des textiles aux surgelés. Reposant à l’instar du supermarché sur le discount, une orientation privilégiée en France [Gadrey, Jany-Catrice, 2000 ; Carré et al., 2010], l’hypermarché innove sur de nombreux aspects : des structures de direction légères, des frais de personnel réduits par la diffusion du libre-service (LS) et une attention portée aux méthodes de stockage et de manutention, une massification des commandes, une rotation accélérée des stocks (quinze fois par an dans les grandes surfaces contre huit fois chez les succursalistes), un aménagement dépouillé des magasins et des marges réduites [Bessire, in Marseille, 1997]. L’objectif est alors de vendre en masse à des consommateurs plus soucieux de bon marché que de service ou de qualité. Il en résulte « une complète dépersonnalisation des rapports marchands, les employés de l’hypermarché n’ayant guère, pendant cette période, de tâches de conseil ou de service » [Daumas, 2006]. Les modes de commercialisation se limitent au déploiement à grande échelle des techniques traditionnelles appliquées sur les marchés : présentation, abondance de marchandises, effet de masse, remplacement des paniers par des chariots, fond musical et animations commerciales destinés à créer une atmosphère propice aux achats. Malgré la concentration progressive des enseignes et la taille croissante des surfaces de vente, les décisions doivent selon les dirigeants être prises par les salariés au contact de la clientèle. Décentralisées, les firmes de la branche n’ont alors pas de département marketing, mais des chefs de rayon chargés des assortiments, des aménagements et des tarifs élaborés en fonction de la rentabilité des références (en fonction de leurs ventes et des taux de marge réalisés) et de la zone de chalandise. Les indicateurs de performance leur permettent de connaître les comportements des rayons, des produits, mais pas encore ceux du client [Barrey, 2004].
2.2 – L’inversion du rapport de force avec l’industrie
14Jusqu’aux années 1960, l’ingérence des trusts industriels sur l’activité commerciale, alors disparate et éclatée en une multitude de structures régionales sur l’ensemble du territoire, est considérable. Elle se manifeste principalement par un report du risque concurrentiel industriel sur le commerce, qui passe par l’extension de la pratique des prix imposés. Afin d’atténuer le rapport de subordination qui caractérise leurs relations avec le secteur industriel, les distributeurs se développent et forment des alliances.
2.2.1 – Le service du commerce au capital industriel
15Pour s’approprier une partie de la plus-value issue de la production industrielle, les commerçants s’appuient sur un principe fondamental : acheter pour revendre. Ils doivent vendre rapidement les marchandises achetées afin de dégager une plus-value de cette revente de manière répétée [Marx, 1867]. Si la concentration du capital commercial permet le développement d’innovations qui favorisent les économies d’échelle, la densification du maillage commercial et la forte concurrence la rendent nécessaire.
16Le développement de la production industrielle conduit à la généralisation progressive de magasins à la taille et au procès de distribution adaptés à ce mode de production. Les commerçants rendent un double service aux capitalistes industriels. Le premier est la réduction du temps de circulation de leurs propres marchandises (produits finis). Le second est la réduction du temps de circulation des marchandises qu’ils désirent acheter (matières premières, brutes). En cela le commerce est nécessaire à la production à la fois en aval et en amont d’elle-même et participe activement à sa fluidification et à la réalisation de la plus-value tout en contribuant à augmenter la quantité de marchandises produites. Sur la base de l’appropriation des « moyens d’approvisionnement » [Weber, 1971 (1922), p. 224], le capital commercial contribue ainsi à une meilleure rentabilité du capital industriel.
17Dans les sociétés précapitalistes, pour éviter les frais d’attente et le coût d’un arrêt temporaire de l’activité auxquels ils s’exposent en vendant eux-mêmes les produits de leur travail, les petits artisans cèdent à la fois la revente de ces derniers et une partie de leurs gains aux marchands. Sous le mode de production capitaliste, les capitalistes industriels confient l’essentiel des activités réalisées en aval de la production des marchandises aux commerçants. Dans cette perspective, la grande distribution, en tant que modèle commercial, constitue un tournant majeur permettant de comprendre comment cette branche est devenue à la fin du xxe siècle l’une des plus importantes branches spécialisées du capital. « Traitements de courtiers, commissions de grossistes, salaires de voyageurs de commerce, dépenses de publicité… proviennent tous en partie des efforts de vendeurs et d’industriels pour trouver des débouchés de détail pour leurs marchandises… [mais] quand la fonction de grossiste est intégrée avec celle de vente au détail, il n’est plus nécessaire de “conquérir” le magasin du détaillant. Voilà la clé qui explique beaucoup, sinon tous les avantages que les épiceries à succursales multiples possèdent par rapport au système du détaillant et du grossiste indépendants l’un de l’autre » [Mandel, 1964, p. 28]. L’intégration de la fonction de grossiste n’est que le début d’un processus de concentration et d’appropriation à double titre de l’ensemble du procès de distribution par les firmes françaises. Cette appropriation passe à la fois par l’internalisation des canaux de distribution (filiales et filières de production, logistique) et par leur transformation au motif de la rationalisation de leurs coûts.
2.2.2 – La maîtrise du circuit de distribution
18Durant les années 1970 et 1980, les firmes de la grande distribution s’intéressent progressivement à la production des biens de consommation, auparavant chasse gardée des grandes firmes industrielles concentrées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Afin de poursuivre leur croissance dans un contexte de récession économique, les distributeurs profitent à leur tour de leur concentration pour élargir l’horizon de la distribution au-delà des moyens d’approvisionnement. Ils s’approprient ainsi une partie des moyens de production tout en développant les techniques de commercialisation. Progressivement, le capitalisme commercial prend l’ascendant sur le capitalisme industriel. L’affirmation du pouvoir des distributeurs face aux industriels se traduit dès 1969 par l’arrêt « Nivea/Carrefour [5] ». Les techniques sont variées et les batailles se déroulent à différentes échelles. Parmi elles, les marges arrière se répandent. Elles consistent le plus souvent en des rabais exprimés en pourcentage du prix de vente initial et obtenus par les distributeurs en fin d’année sur certains produits. Elles sont généralement la contrepartie d’objectifs commerciaux en termes de volume de vente, de visibilité du produit ou de collecte à fins de recyclage de la part du distributeur. Au plus fort de la pratique, ces marges arrière représentent de 30 à 40 % du prix initialement facturé [Jacquiau, 2000]. On observe ces rabais, qui témoignent de la dépendance croissante (et accrue durant les périodes de récession) des producteurs à l’égard des distributeurs, dans les enseignes concentrées américaines dès les années 1930. Malgré une législation interdisant la vente à perte [6] dès 1963, l’utilisation croissante de ces marges arrière a permis sa réintroduction discrète, en considérant ces remises hors prix d’achat ou, pour reprendre la terminologie des lois Dutreil (2005) et Chatel (2008), comme « autre avantage financier ». Gagnant en puissance commerciale comme en capacité de négociation avec les producteurs industriels, les distributeurs parviennent progressivement à inverser le rapport de dépendance qui les unit. L’émergence d’un oligopole dans la distribution conduit enfin à l’allongement de délais de paiement des marchandises auprès des fournisseurs [7], libérant une partie des fonds nécessaires à la poursuite de la croissance interne, et notamment au financement de la construction de magasins.
2.2.3 – Le contrôle de la production
19La poursuite de la croissance interne conduit à l’internalisation partielle de la production. Dès 1976, Carrefour invente les « produits libres », rapidement repris par Promodès avec les « produits blancs », puis Mammouth avec les « produits familiaux ». Ces produits préfigurent le développement des marques de distributeur (MDD) et l’ingérence croissante de la distribution dans la production. En devenant donneurs d’ordres auprès de sous-traitants de l’industrie agroalimentaire ou en créant leurs propres filières de production [8], les distributeurs poursuivent leurs économies d’échelle non seulement par la suppression des intermédiaires, mais par leur intégration, permettant un contrôle des coûts de production et des taux de marge supérieurs. Les distributeurs entrent en concurrence directe avec les industriels, tout en devenant des acteurs centraux dans le processus d’écoulement de la production de masse. Cette maîtrise des canaux de distribution est progressive. Par la sous-traitance d’une partie de la production des marchandises distribuées, les firmes usent de canaux alternatifs leur permettant à la fois de dégager des marges plus importantes sur la vente des produits tout en pesant en leur faveur dans la balance des négociations avec les grands groupes industriels, devenus à la fois concurrents et collaborateurs. En outre, le développement des marques de distributeurs, expérimentées dans les années 1970 par Carrefour, signe l’émergence d’une compétence marketing dans la branche [Moati, Volle, 2010]. Longtemps laissées aux fournisseurs, les techniques de commercialisation (publicité, packaging) développées par les distributeurs se multiplient et s’étoffent. Elles prennent en compte des critères de complexité croissante tel l’emplacement des magasins, des rayons, des produits et débordent progressivement le champ du produit pour pénétrer la communication externe et interne. L’évolution de la fonction marketing et de la communication est ainsi concomitante de la centralisation décisionnelle [Lhermie, 2001] et de la puissance acquise par les distributeurs dans le procès de production et de consommation.
3 – Crises, restructurations discrètes et permanentes
20Cet âge d’or de la grande distribution prend fin dans les années 1990 [Moati, 2001], près de trois décennies après l’entrée en crise du fordisme industriel. L’arrivée à maturation du secteur avec la constitution d’un nouveau maillage territorial de l’appareil commercial coïncide avec une recomposition du rapport de force économique avec les producteurs. Les liens avec les fournisseurs se redéfinissent, les modes de consommation se transforment. Faisant face au développement de l’e-commerce qui représente en 2015, d’après les données de la Fevad (Fédération e-commerce et vente à distance), 9 % des ventes du commerce de détail non alimentaire et 6 % des ventes du commerce de détail alimentaire en France, les hypermarchés cèdent leur place à des formats plus modestes et plus proches des centres-villes, les produits standardisés à des gammes élargies, mais aussi à l’expérimentation d’autres canaux (courses en ligne, drive) censés s’adapter à un public plus diversifié et à de nouvelles habitudes d’achat. Le commerce de masse en magasin tente de devenir un commerce de précision, ou plutôt de « sur-mesure de masse » [Askenazy, 2004]. Parallèlement, et de façon apparemment contradictoire, les enseignes de hard discount, leurs prix bas et leur offre réduite se développent massivement. Les grandes enseignes deviennent des industries de main-d’œuvre emblématiques du développement d’une main-d’œuvre féminine précaire entre emploi non qualifié et travail à temps partiel [Maruani, Drancourt, 1989].
3.1 – Vers une remise en question du modèle commercial
21Élément essentiel de la tertiarisation de l’économie, de sa féminisation comme de la diffusion du salariat, le développement rapide de la grande distribution à partir des années 1950 et sa concentration capitalistique à partir des années 1990 en font un acteur charnière de l’économie. On assiste néanmoins depuis les années 2000 à un ralentissement de la croissance du commerce de détail et à une remise en question des grandes surfaces standardisées en libre-service.
22En 2010, la grande distribution alimentaire représente 44 % des ventes du commerce de détail en France, un chiffre stable depuis le début des années 2000, alors que ces firmes ne constituent que 6 % des sociétés non financières et entrepreneurs individuels (SNFEI) du commerce de détail [Insee, 2012].
23Dès les années 1970, les distributeurs ont su profiter d’une rente de situation pour accélérer leur développement. En s’appuyant sur des lois visant initialement à protéger le petit commerce, ils sont parvenus à faire de la France le pays à la plus forte concentration en grandes surfaces en Europe [Bouchoucha et al., 2008]. Par les restrictions et les commissions imposées en fonction de la surface de vente, la loi Royer (1973) a indirectement encouragé les distributeurs à l’implantation massive de supermarchés en périphérie faute de pouvoir ouvrir des hypermarchés [Daumas, op. cit]. En voulant casser l’essor des hypermarchés et atteindre la cible électorale du petit commerce et des PME alimentaires ayant le sentiment d’être asservis [Parienté, 1998], elle a contribué à la démultiplication des grandes surfaces spécialisées. La loi Raffarin (1993) et la réduction à 300 m2 du seuil de passage devant une commission d’urbanisme commercial ont entraîné la baisse des ouvertures de supermarchés et d’hypermarchés dans un contexte déjà marqué par la saturation. Le nombre de mètres carrés continue cependant à évoluer avec une spectaculaire croissance du nombre de magasins hard discount, pendant que l’ensemble de la branche se tourne vers la croissance externe (les fusions et rachats ne faisant l’objet d’aucun encadrement particulier) puis intensive couplée à l’internationalisation. Tout porte ainsi à croire que l’essor des politiques d’internationalisation, mais aussi les différences nationales en matière de prix, de rentabilité au mètre carré ou encore de valeur ajoutée par employé reposent principalement sur la législation nationale [Askenazy, Weindenfeld, 2008 ; Askenazy et al., 2012] perçue, dans le cas des distributeurs français, à la fois comme une protection face aux firmes étrangères et une limite au développement national.
242003 est, pour les distributeurs français, l’année du premier ralentissement significatif d’un développement auparavant constant. Fait inédit depuis la création du format dans les années 1960, aucun hypermarché ne sera ouvert et, en dépit de la faible évolution de la consommation alimentaire des ménages et de la saturation du parc des points de vente, les ouvertures de magasins hard discount se multiplient, représentant la moitié des ouvertures de magasins. Outre la lutte pour l’accès aux centres-villes, générer de nouveaux profits passe désormais par un développement à l’échelle internationale. En France, la stagnation des parts de marché, des ventes en volume et la remise en question des formats de magasin originels, hypermarchés en tête, se traduisent par des restructurations qui obéissent à trois principes : la suppression des intermédiaires, la centralisation des systèmes d’achats et le contrôle des lieux de vente [Appay, 2005 ; Grugulis, Bozkurt, 2011], et qui sont illustrées par le développement du hard discount et les transformations techniques et organisationnelles au sein des supermarchés et hypermarchés.
3.1.1 – Le hard discount, idéal-type d’un après-fordisme commercial ?
25Le durcissement de la législation en matière d’implantation et d’autorisation d’ouverture de grandes surfaces alimentaires a indirectement favorisé l’intérêt des firmes de la branche pour un nouveau format venu d’Allemagne. Si le discount alimentaire est présent en France depuis l’épicerie de Landernau fondée par Édouard Leclerc en 1949, le maxi-discompte (ou hard discount), proposant sur de petites surfaces de ventes un assortiment de produits limité, redéfinit les bases de la chasse aux frais généraux. La formule, implantée en France en 1988, constitue depuis le principal format de grande surface soutenant la croissance de la branche. Dans un contexte de crise de l’emploi et de remise en question de la centralité du travail, le hard discount se caractérise principalement par des magasins urbains de petite taille, une politique de prix agressive autour d’un faible nombre de références et par une gestion de la main-d’œuvre ad hoc se traduisant par un usage élevé du temps partiel, de la polyvalence et un fort turnover de la main-d’œuvre. Le succès du format (mesuré par sa rentabilité et son développement) en fait aujourd’hui une source d’inspiration pour la gestion de la main-d’œuvre dans la branche. Alors que les TIC se diffusent dans le commerce (scanner, gestion des stocks et commandes informatisés), l’organisation de ces petites surfaces de vente situées en pleine ville repose principalement sur un sous-équipement structurel. Ainsi, la saisie des références de produits se fait à la main, les tire-palettes sont manuels et non électriques et l’outil informatique (destiné à la gestion et à la comptabilité notamment) demeure aujourd’hui encore rare dans les magasins. En outre, le maintien d’un écart en termes de frais généraux avec la concurrence passe par une productivité accrue. La densité de main-d’œuvre est faible, la gamme de produits est réduite, directement présentée sur palettes et laisse peu de place aux grandes marques pour des marges accrues. Par le maxi-discompte, les grandes firmes de la distribution reconquièrent rapidement le petit commerce dont sont originaires les instigateurs de la modernisation du capitalisme commercial. Le succès du format scelle la fin de l’âge d’or de la branche, accompagnant non sans contradictions la remise en cause du modèle de consommation, la saturation du marché national et les inquiétudes émergentes des consommateurs en matière de santé.
3.1.2 – Une refonte du travail et de l’emploi dans les supermarchés et hypermarchés
26La focalisation des distributeurs sur le management des marchandises et de la clientèle tout au long de la chaîne de distribution relègue les grandes surfaces, auparavant centres de décision à part entière, au second plan. La concentration du capital et les innovations techniques dans la branche au cours de ces trois dernières décennies ont abouti à considérer le travail d’exécution comme une variable d’ajustement. L’importance des effectifs du commerce de détail (représentant au moins 10 % de la population active dans l’ensemble des pays de l’OCDE) favorise une croissance intensive, s’appuyant sur un aplanissement hiérarchique (horizontalisation des organigrammes, alignement des rémunérations). Enfin, le développement de la polyvalence et de la flexibilité, l’homogénéisation des salaires à l’embauche entre services et rayons (s’alignant sur le SMIC ou le salaire minimum conventionnel) et l’orientation vers des usages variés du temps partiel [Jany-Catrice, Lehndorff, 2005], des contrats de 30 heures hebdomadaires et des horaires modulables depuis le début des années 2000 contribuent à un nivellement par le bas des conditions de travail et d’emploi dans les grandes surfaces. Alors que les distributeurs exigent davantage de polyvalence et de disponibilité des salarié-e-s, le travail en magasin est fragmenté, peu valorisé et facteur d’incertitudes pour la main-d’œuvre.
3.1.3 – Une ère de restructurations permanentes et discrètes
27Les restructurations ainsi opérées par les distributeurs sont devenues permanentes et protéiformes [Aubert, Beaujolin-Bellet, 2004] tout en demeurant particulièrement discrètes [Campinos-Dubernet, 2003]. Elles échappent largement aux indicateurs institutionnels les plus visibles tels que les Plans de sauvegarde de l’emploi et les fermetures d’établissements. Ces restructurations illustrent les transformations du rapport entre capital et travail (arrivée de nouveaux acteurs financiers dans la gouvernance des grandes firmes de distribution intégrées) qui surviennent conjointement à la remise en question d’un régime d’accumulation qui a permis à la branche un développement rapide à l’échelle nationale [Hocquelet, 2014]. Elles s’illustrent par un report du risque en cascade depuis les principaux détenteurs de capitaux jusqu’à la sphère productive.
28Elles se sont accentuées avec la récession économique depuis 2008. À titre d’exemple, entre 2008 et 2010, 2 500 emplois ont disparu chez Cora, un quart des postes ont disparu entre 2008 et 2012 chez Casino et près de 17 % chez Carrefour entre 2006 et 2011 pour une baisse d’effectif de 5 % par an dans le secteur au cours de ces dernières années [Liaisons sociales, novembre 2012]. On observe en outre une baisse rapide et importante au cours de cette dernière décennie de la proportion de cadres et agents de maîtrise (dépassant les 20 %) dans tous les formats de magasins [Hocquelet, 2012].
3.2 – Appréhender les crises et recompositions de la branche
29Consacrer un dossier de la Revue française de socio-économie aux crises de la grande distribution repose ainsi sur le constat du caractère décisif de l’analyse du secteur de la grande distribution pour saisir les évolutions du capitalisme contemporain, en raison de la nature de son activité, de son poids et de son degré de concentration. Canal de distribution des marchandises produites, le secteur occupe une place stratégique entre la production et la consommation. Comme il est un point de passage nécessaire pour la réalisation finale de la plus-value pour de nombreuses branches, il est un maillon central de la circulation du capital. Mais comme mode d’écoulement de la production, l’évolution de la manière dont il rend les marchandises disponibles pour la consommation se construit conjointement aux modalités de la production. S’attacher à décrire les « crises » de ce secteur, c’est s’engager dans un effort de caractérisation d’une période de remise en question d’un modèle commercial qui a perduré durant près de cinq décennies, et éclairer ainsi les mutations contemporaines du réseau de circulation du capital et des marchandises.
30Centrale par la nature de son activité, la grande distribution l’est aussi par l’ampleur de la concentration capitalistique de ses firmes. Par leurs chiffres d’affaires, leurs résultats, leurs périmètres géographiques, les six groupements, Carrefour, Leclerc, Système U, Casino, Intermarché et Auchan, font figure de mastodontes dans le paysage entrepreneurial français. Secteur pensé comme emblématique d’une économie postindustrielle désormais dominée par le secteur tertiaire [Gadrey, 2003], la grande distribution est en effet, en dépit de l’entrée annoncée dans l’ère de la « nouvelle économie », l’un des secteurs les plus consommateurs de main-d’œuvre avec plus de 600 000 salariés. Carrefour est actuellement en France le premier employeur privé comme l’est Wal-Mart aux États-Unis. L’analyse de ce secteur, parfois présenté comme un « laboratoire » des nouvelles formes d’emploi [Maruani, 2000], renseigne donc immédiatement sur les évolutions des modes de gestion des entreprises aussi bien que des types de financement et d’actionnariat des firmes. Les grandes firmes du secteur ont été, à partir de la fin des années 1990, au cœur des processus de financiarisation de l’actionnariat et des stratégies de croissance des firmes, ainsi que de la mise sous tension des entreprises via l’intensification du travail [Coutrot, 1999], le passage de la logique de métier à une logique de tâche et du développement de la polyvalence et de la flexibilité salariées [Benquet, 2015].
31« Les crises de la grande distribution » qui engagent, dans ce dossier [9], un dialogue entre la sociologie du travail, la sociologie économique et l’économie politique désignent donc à la fois les mutations propres à ce secteur et les ruptures du capitalisme comprises à partir de la grande distribution. Au-delà de leurs différences en termes d’approche, de méthodologie et des aspects étudiés des crises, les articles du dossier convergent sur deux points essentiels. D’abord, la grande distribution est saisie dans une temporalité sociale qui ne se réduit ni à la relation de service ni à l’espace du magasin, mais est structurée par les contraintes de l’accumulation capitaliste. Ensuite, les articles historicisent tous leur analyse : les crises de la distribution examinées sont partie intégrante des turbulences générées par l’instabilité macroéconomique résultant de la crise du capitalisme financiarisé et des transformations de la structure du capital.
32C’est sur ce dernier aspect que se centrent Marlène Benquet et Cédric Durand dans leur contribution. Leur étude de la trajectoire de l’entreprise Carrefour au cours de la première décennie du xxie siècle montre comment la restructuration de l’actionnariat a précipité un bouleversement de la stratégie de profit avec des conséquences négatives rapides et marquées sur les opérations, la relation salariale et les rapports avec les autres parties prenantes. Un autre aspect de la financiarisation étudié par Sophie Bernard concerne plus directement la relation salariale en ce qu’elle touche aux rémunérations. Durant une trentaine d’années, les dispositifs d’épargne salariale mis en œuvre dans une enseigne de la grande distribution ont permis aux salariés d’accroître leurs rémunérations, favorisant une forte émulation collective et un attachement à l’entreprise. Les difficultés persistantes du secteur remettent en question ce cercle vertueux de partage des bénéfices et le transforment en un cercle vicieux de partage des risques avec une baisse des rémunérations pour la majorité des salariés. Philippe Moati examine les transformations en cours à l’aune de la nature même de l’activité de la distribution commerciale. Un aspect décisif est l’épuisement du modèle économique qui a fait le succès de la grande distribution, le discount. La pertinence de ce modèle est remise en cause par un renouvellement des modalités de la satisfaction des besoins de consommation finale et conduit à une fragilisation qui se manifeste notamment par le brouillage des frontières entre l’industrie et le commerce à travers la figure de l’intégrateur. Enfin, Emmanuelle Dutertre et Bernard Jullien se centrent sur un des sous-secteurs du commerce de détail : la réparation automobile. Ils témoignent de la résilience d’un artisanat dans ce domaine, en dépit de l’offensive des chaînes de réparations rapides structurées sur le modèle de la grande distribution dès la fin des années 1970. L’échec relatif de cette tentative de reconfiguration du marché s’explique à la fois par les propriétés intrinsèques de l’objet automobile et par la complexité d’interprétation des besoins du client. Leur travail indique une barrière au développement de la grande distribution susceptible de se dresser dans d’autres segments de l’activité commerciale.
Notes
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[1]
Comme le résume Ernest Mandel : « Les conditions hautement compétitives qui dominent le commerce en gros et en détail et la somme réduite d’argent qui suffit pour ouvrir un magasin aboutissent à un afflux rapide de nouvelles entreprises, qui disparaissent tout aussi rapidement, mais qui entre-temps ont opéré avec pertes, ont conduit une affaire non rentable et ont ainsi réduit le niveau moyen de productivité de l’industrie dans son ensemble. » [Mandel, 1962, p. 35]
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[2]
Au Royaume-Uni, en 1965, 255 entreprises réalisent un chiffre d’affaires équivalent à 27 000 petits commerces. En Allemagne, les trois quarts des petits magasins ne réalisent qu’un peu plus d’un cinquième du chiffre d’affaires du commerce. Aux États-Unis, dès 1954, deux tiers des magasins réalisent un cinquième du chiffre d’affaires du secteur, alors que 1 % des entreprises en réalisent 26 %. En 1955, 6 % des supermarchés représentent 60 % du chiffre d’affaires du commerce lorsque les 80 % de petits magasins ne font que 13,9 % du chiffre d’affaires [Mandel, 1964].
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[3]
Au moment de la rédaction de cet article, les dernières enquêtes de l’INSEE sur les réseaux du commerce de détail sont celles effectuées en 2006-2007 (http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=sources/ope-enq-contours-reseaux-cdetail-service.htm). Les données les plus récentes présentées dans le tableau 1 sont issues de la synthèse de cette enquête réalisée par Xavier Reif et Gwennaël Solard [2009].
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[4]
À l’inverse, près de 95 % des entreprises du commerce de détail, ont moins de 10 salariés et 42,4 % d’entre elles n’ont pas de salarié.
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[5]
Beiersdorf, produisant la marque Nivea reproche à Carrefour de vendre ses produits 30 % moins cher que la moyenne, nuisant ainsi à son image de qualité. Le groupe refuse alors de fournir l’enseigne de distribution avant que le jugement rendu ne considère que la baisse des prix pratiquée par les distributeurs ne relève pas du dumping [Lhermie, 2001].
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[6]
La vente à perte consiste en la revente d’un produit à un prix inférieur à son prix d’achat effectif. Ces offres ou pratiques ont pour objectif et/ou pour effet d’éliminer d’un marché ou d’empêcher une entreprise concurrente d’accéder à un marché.
-
[7]
Jusqu’à 90 jours selon Christian Jacquiau, 2000.
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[8]
Par exemple, le groupe Intermarché comprend près de 600 filières et filiales allant de la pêche à la logistique en passant par les assurances et les voyages et la production alimentaire. Leur diversité n’empêche pas un développement poussé, les mousquetaires disposant d’une des plus grandes puissances logistiques tout en étant le premier armateur français.
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[9]
Ce dossier s’inscrit en partie dans le prolongement des échanges menés dans le cadre du Réseau interdisciplinaire sur la distribution entre 2011 et 2014 avec le soutien de la MSH-Paris Nord. Le séminaire « Grandes Entreprises » du Centre de sociologie des organisations, lancé en 2013 à l’initiative de Denis Segrestin et deux doctorants, Scott Viallet-Thévenin et Sebastien Billows, tente d’inscrire un tel dialogue dans la durée.