CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1En dépit d’une faible légitimité dans le champ académique, le rock fait, depuis plusieurs décennies, l’objet d’un investissement croissant au sein des sciences sociales. Les rock studies sont progressivement devenues une branche de la socio-anthropologie de la culture au poids non négligeable [parmi une littérature pléthorique, voir Frith, 1978 ; Bennett, 1980 ; Mignon et Hennion, 1991 ; Hein, 2006]. Toutefois, si ces études soulignent volontiers la dimension sociale et économique du rock, il est nettement plus rare qu’elles envisagent sa dimension entrepreneuriale [Peterson et Berger, 1971]. Or, si l’on accepte l’idée qu’une entreprise est « un lieu où des hommes et des femmes coopèrent entre eux, s’organisent pour produire, inventent des règles et des façons de faire, échangent en permanence avec la société qui les entoure » [Thuderoz, 2010], tout porte à penser que le monde du rock se compose d’une multiplicité d’entreprises culturelles. En réalité, cette dimension entrepreneuriale est transversale à toute forme artistique et culturelle [Elias, 1991 ; Bourdieu, 2001 ; Weber 2004]. En effet, alors qu’une unité créative se trouve encore à un stade embryonnaire, il est déjà question de production, de projet, de recrutement, d’équipement, de répétition, de concert, de disques, etc. Plus tard, il sera question de réseau, d’intégration, de contrat, de droits, de promotion, de distribution, etc. En conséquence, il semble évident que toute unité créative – quels que soient sa taille et son niveau de développement – obéisse à une dynamique de rationalisation typiquement entrepreneuriale en matière de division du travail et de coordination. Dans le champ académique, il est assez signifiant de noter que seule la scène punk rock semble aujourd’hui abordée en ces termes [Thompson, 2004 ; O’Connor, 2008]. Il se trouve en effet que la centralité de l’entrepreneuriat y est nettement plus affirmée que dans d’autres scènes musicales. En raison, notamment, de l’instauration d’une vulgate spécifique – le « DIY » (Do It Yourself) – ayant présidé au développement d’un véritable entrepreneuriat punk. Cette vulgate présente d’autant plus d’intérêt pour la socio-économie qu’elle permet à la fois de rendre compte des fondements culturels de l’action entrepreneuriale et de l’émergence d’organisations et de collectifs productifs – qui constituent des domaines de connaissance peu traités à ce jour [Bréchet et Prouteau, 2010]. À plus forte raison, qu’elle permet également de souligner la dimension entrepreneuriale des pratiques créatives et qu’elle interroge les rapports entre organisation et marché ou encore entre contre-culture et capitalisme. Dans cette perspective, cet article prend appui sur une enquête menée auprès d’un échantillon de labels phonographiques punk rock. Si la filière de l’industrie phonographique fait l’objet de travaux socio-économiques réguliers [parmi une littérature pléthorique, voir Hennion et Vignolle, 1978 ; Gronow, 1983 ; D’Angelo, 1997 ; Curien et Moreau, 2006], les structures de l’édition phonographique (labels) font quant à elles plus rarement l’objet d’enquêtes spécifiques [pour l’essentiel, voir Gray, 1988 ; Mabry, 1990 ; Lee, 1995 ; Hesmondhalgh, 1997 ; Bakker, 2006 ; Strachan, 2007 ; O’Connor, 2008]. Ce constat invite à considérer l’existence d’un vaste continent sous-exploré pour l’étude duquel il convient de mobiliser un regard sociologique fidèle aux enseignements d’Everett Hugues [1996]. À savoir un regard attentif aux structures de taille modeste dont les labels punk rock sont éminemment représentatifs [1]. L’enjeu paraît d’autant plus important que ces petites structures sont peu documentées, alors même qu’elles semblent bien placées pour relever les défis d’une économie à taille humaine. Ainsi, après avoir fourni quelques précisions méthodologiques préalables, ce texte propose d’examiner la manière dont un fondement culturel spécifique peut potentiellement déterminer l’action entrepreneuriale. Partant, un premier niveau d’analyse nous conduira au régime d’action DIY. Un second niveau abordera la question de ses conditions : l’indépendance et l’authenticité. Enfin, un troisième évoquera les cadres structurels de l’action.

Méthodologie

Pour cet article, mon corpus rassemble 43 entretiens de première et de seconde main. Les entretiens de première main (semi-directifs) ont été réalisés par mes soins auprès de 23 acteurs (anonymisés) de la scène punk rock française (7), allemande (7), américaine (6) et canadienne (3) entre 2000 et 2012. Les 20 entretiens de seconde main (essentiellement utilisés à titre confirmatoire) ont quant à eux été tirés de la presse spécialisée (fanzines, magazines, webzines) internationale et comptent des labels américains (4), britanniques (4), italiens (2), français (2), allemands (2), grecs (2), espagnols (1), tchèques (1), brésiliens (1) et argentins (1).
Seules les caractéristiques sociales de l’échantillon de première main ont pu être déterminées avec précision. Celui-ci se compose d’individus ayant entre 20 et 45 ans (32 ans d’âge moyen). Ils sont plutôt fortement diplômés (bac+3 en moyenne) mais ont rarement suivi un cursus préparatoire à une activité commerciale. Dix-sept d’entre eux tirent leurs revenus principaux de leur label (ils appartiennent de fait à la catégorie commerçants et chefs d’entreprise). Les six autres se répartissent de façon quasiment égale au sein des cinq grands groupes socioprofessionnels suivants : ouvriers (1), professions intermédiaires (1 infirmier), commerçants (1 disquaire) et chefs d’entreprise (1 directeur d’agence de communication), cadres (1 fonctionnaire territorial) ainsi que demandeurs d’emploi (1), en l’occurrence, bénéficiaire d’un dispositif de création d’entreprise au moment de l’entretien.
La majorité de l’échantillon se compose d’hommes (une femme). Tous se définissent unanimement comme de grands amateurs de punk rock entièrement dédiés à la « cause » punk rock. Ce qui explique leur polyvalence, étant donné qu’ils cumulent généralement une activité de musicien, d’éditeur ou de rédacteur de fanzine/webzine, voire d’animateur radio, en parallèle de la gestion de leur label (qualifié de label indépendant [2]). Par ailleurs, 80 % des structures de l’échantillon (34) sont de type unipersonnel (administrées par une seule personne). Les 20 % restantes (9) comptent quant à elle moins de trois employés. À quoi il faut ajouter qu’un quart (11) des structures de l’échantillon ne sont rentables ni économiquement ni professionnellement. Dans ce cas, elles sont gérées bénévolement sur le temps libre des acteurs. Parfois de manière délibérée (elles entendent rester une activité de loisir), mais le plus fréquemment par défaut (dans la perspective d’un développement d’activité). Pour finir, d’un point de vue juridique, les trois quarts des structures de l’échantillon (32) se composent de sociétés commerciales (ou de sociétés coopératives) tandis que le quart restant (11) est constitué d’associations à but non lucratif. Structures dont l’âge médian se situe aux alentours de 13 ans (avec un écart de 3 à 26 ans fin 2012).

2 – Entreprendre en régime DIY

2.1 – La scène punk rock

2Historiquement, la scène musicale punk rock émerge tout d’abord à New York au cours des années 1975-1976 sous l’influence d’artistes tels que les Ramones, Television, Suicide, etc., le fanzine Punk et les clubs CBGB’s et Max’s Kansas City [McNeil et McCain, 2006]. Ses principaux attributs culturels vont rapidement être importés en Grande-Bretagne. Le succès est tel que dès le mois d’août 1976, Londres devient l’épicentre du punk rock. Dans les grandes lignes, les efforts conjugués des Sex Pistols, des Damned, des Clash, etc., du fanzine Sniffin’ Glue, du Roxy Club, du 100 Club et des médias nationaux provoquent un véritable phénomène culturel [Savage, 2002 ; Hebdige, 2008], à partir de quoi, la scène punk londonienne va stimuler le développement d’une multiplicité d’autres scènes punk à l’échelle de la planète. Ce qui signifie qu’à travers le monde, des milliers de jeunes amateurs vont tenter de retraduire la dynamique punk à leur façon, au sens ou « l’adopter c’est l’adapter » [Akrich et al., 1988]. Au sens où l’on répète les choses tout en y introduisant de la différence [Appadurai, 2005]. C’est ainsi que l’arbre phylogénétique du punk rock va s’étendre tous azimuts. Depuis le déferlement punk de 1977, les scènes affiliées ne cessent de proliférer. Grosso modo, une branche est devenue post-punk. Une autre s’est radicalisée sous la forme du hardcore, branche elle-même ramifiée en une multitude de courants. Une série de branches se sont politisées avec la Oi !, le crust punk, l’anarcho-punk et le punk alternatif. Certaines ont fait l’objet de greffes avec le metal, le glam, le rock gothique, le ska, la folk ou encore la country, tandis que d’autres, traversées par le grunge et la pop, sont devenues plus mélodiques et ont fini par rencontrer d’importants succès commerciaux et médiatiques, à l’instar de formations telles que Bad Religion, The Offspring, Rancid, Green Day ou Rise Against. Ce qui rend parfois difficile d’envisager cette scène musicale d’un seul tenant. Quoi qu’il en soit, probablement plus qu’aucune autre scène musicale, la scène punk rock fait l’objet d’un investissement académique [3], littéraire [4], cinématographique et documentaire [5] croissant. De même qu’elle fait désormais l’objet d’expositions [6], qu’elle dispose de festivals dédiés comme le Vans Warped Tour [7] et qu’elle ne cesse de produire toute une gamme de produits culturels punk. En gros, le punk rock est devenu un marché de niche qui s’est déployé dans la majorité des secteurs des industries créatives (musique évidemment, mais également littérature, poésie, peinture, photographie, cinéma, bande dessinée, théâtre ou encore mode). Si bien que la scène punk rock a fortement gagné en légitimité culturelle. D’autant plus qu’elle est sous-tendue par des manières de faire et de penser originales et redevables d’une vulgate particulièrement puissante.

2.2 – L’émergence d’une vulgate

3Selon Dick Hebdige, la « maxime suprême de la philosophie punk » [Hebdige, 2008] tient dans une illustration parue dans le fanzine britannique Sideburns en décembre 1976. L’illustration en question représente une tablature comportant trois accords [la, mi et sol] auxquels sont adjointes les mentions suivantes : « Voici un accord, en voici un autre, en voilà un troisième, maintenant monte ton propre groupe » [Savage, 2002]. En réalité, cette figure va puissamment participer de la démocratisation des pratiques culturelles. En démystifiant le processus de production culturelle, se popularise l’idée que chacun est désormais en capacité de faire [Frith, 1983 ; Dale, 2012]. Une idée qui va progressivement se cristalliser sous la forme d’une vulgate (DIY, cf. infra). L’effet produit est d’autant plus remarquable qu’il ne touche pas simplement la création artistique, mais affecte l’ensemble de la chaîne de production culturelle : les maisons de disques, les structures de distribution, les médias, les détaillants et, en bout de chaîne, les consommateurs. On mesure mieux la résonance de cette vulgate à la lumière des propos tenus par deux figures tutélaires de la scène punk. Loran, guitariste du groupe français Bérurier Noir [8], explique : « Ce qui m’a plu dans le punk, ce que j’en ai compris, c’était vraiment ça : fais ton groupe, fais ton label, sois indépendant, arrête de consommer comme un idiot en ouvrant le bec et en gobant tout » [Pépin, 2007]. Selon le groupe britannique Crass [9] : « Si vous pensez que le punk est juste un divertissement du samedi soir, vous n’avez absolument rien compris... Il est grand temps de saisir qu’être punk consiste à faire par ses propres moyens. À être créatif et non pas destructif. [...] Bougez vos fesses et passez à l’action ! » [Calmbach, 2007]. En ce sens, la vulgate punk conduit tout d’abord à prendre conscience de sa capacité à agir, puis, dans un second temps, à prendre concrètement les choses en main. On comprend dès lors pourquoi certains slogans particulièrement populaires au sein de la scène punk rock survalorisent à ce point l’action. On peut penser, par exemple, à « Talk – Action = 0 » ou à « Action speaks louder than words ». De toute évidence, le punk n’entend pas se payer de mots. La notion de performation (lorsque dire c’est faire) s’avère centrale. En regard de quoi, le bouillonnement punk apparaît comme un puissant appel que la scène punk va stabiliser, qualifier et sacraliser sous l’acronyme DIY.

2.3 – Do It Yourself !

4Le DIY peut être entendu comme un régime d’action [Boltanski, 1990]. À savoir un système de dispositions et d’attentes normatives. La scène punk rock apparaît en effet comme une configuration fondée par une vulgate ayant donné lieu à un ensemble de règles. À ce titre, le DIY opère comme une grammaire permettant d’agencer les actions et les coordinations au sein de la scène punk rock.

« Le DIY ? C’est un état d’esprit et un mode de vie qui te permet de garder le contrôle, d’avoir la main sur les choses. Ça garantit ton indépendance. Ça signifie faire autant que possible par ses propres moyens. Et donc, c’est se coltiner des trucs qu’on maîtrise pas forcément beaucoup au départ, mais qu’on apprend sur le tas. Ça va de la conception graphique à la promotion, de la comptabilité à la distribution. Ça veut dire passer ses week-ends sur des listings Excel ou glisser des disques dans des pochettes... C’est pas toujours marrant, mais c’est DIY ! »
(Moritz, 29 ans, codirige un label (Munich) ayant produit plus d’une soixantaine de disques dont il tire l’essentiel de ses revenus, entretien réalisé en 2011)
Dans les faits, la scène punk rock encourage ses acteurs à inventer et à innover. Autrement dit, à expérimenter. Moyennant quoi, cette dynamique va dépendre pour l’essentiel de la détermination de ses acteurs à produire (et à coproduire). Plus exactement, c’est l’autodétermination qui va conduire progressivement, en situation, à l’autoproduction des compétences, des structures, des réseaux et des œuvres constitutifs de l’expérience punk. La scène punk se présente ainsi comme un terrain d’apprentissage doté d’une force formatrice puissante. Les acteurs y sont tenus d’apprendre à identifier des ressources, à saisir des opportunités et à élaborer des stratégies. Ces observations rendent le régime DIY exemplaire à double titre. D’une part, en tant qu’il témoigne d’une « créativité de l’agir » [Joas, 1999] d’autant plus déterminante qu’elle transforme à la fois le réel et celui qui agit sur lui [Dewey, 1975]. D’autre part, en tant qu’il participe d’un processus d’empowerment « par lequel un individu ou un groupe acquiert les moyens de renforcer sa capacité d’action, de s’émanciper » [Bacqué, 2005]. En somme, contrairement aux idées reçues, la scène punk rock est objectivement structurante. En instaurant le régime DIY comme « principe supérieur commun », le simple acronyme DIY prend valeur de texte sacré au sein de la communauté punk [10]. À partir de quoi, le DIY (en tant que mot d’ordre) va s’imposer comme régime d’action cardinal de la scène punk [11] et, partant, puissamment stimuler l’émergence des premiers labels punk rock.

2.4 – Premiers labels

5Les historiens s’accordent généralement à situer l’acte fondateur de l’entrepreneuriat phonographique punk en janvier 1977 [Savage 2002 ; Reynolds 2007]. En effet, à cette date, les Buzzcocks, un groupe originaire de Manchester, fait paraître Spiral Scratch, réputé être le premier disque entièrement autoproduit – sous régime DIY – de l’histoire du punk rock [12]. Pour l’occasion, le groupe crée son propre label, New Hormones. Il réalise un premier pressage de mille disques pour 600 livres sterling (soit, en tenant compte de l’inflation, environ 3 500 euros actuels). Le disque est essentiellement vendu par correspondance. À son échelle, c’est un véritable succès. Spiral Scratch s’écoule à 6 000 exemplaires en l’espace d’un trimestre. Six mois plus tard, le chiffre atteint les 16 000 exemplaires. En démystifiant le processus de production et de distribution d’un disque, Spiral Scratch prend aussitôt valeur paradigmatique pour quantité de jeunes amateurs de punk rock. Dès le mois d’août 1977, le groupe Desperate Bicycles va se positionner comme l’un des plus fervents promoteurs de l’autoproduction en martelant à longueur de disques et d’interviews qu’enregistrer, presser et distribuer un disque est à la portée de chacun [13] [Reynolds, 2007]. Début 1978, d’illustres labels comme Factory Records ou Rough Trade Records, vont à leur tour faire la démonstration que le modèle économique instauré par New Hormones est parfaitement viable. Comme Greil Marcus le souligne dans son Lipstick Traces [1999], sans le savoir, les premiers punks sont les héritiers du dadaïsme, qui entre 1916 et 1920 s’affirme comme le premier mouvement artistique à vouloir briser la barrière, alors infranchissable, entre acteur et spectateur [Dachy, 2005]. Une ambition que l’on retrouve également dès 1957 au sein de l’Internationale situationniste [Chollet, 2004] qui vise à transformer les spectateurs en acteurs culturels à part entière. En somme, on passe alors d’une culture de la consommation à une culture de la participation [McKay 1998]. Ce qui va marquer les prémices de l’entrepreneuriat punk.

2.5 – L’entrepreneuriat punk rock

6Alain Ehrenberg observe qu’entre « les années 1970 et les années 1980, se produit un changement dans l’esprit de l’action qui fait de l’autonomie des individus, de la capacité à se gouverner par soi-même et à agir de soi-même, la valeur suprême » [Ehrenberg, 2010]. Des appels à la réalisation de soi tels que « Soyez autonomes », « Soyez responsables », « Soyez créatifs », « Prenez des initiatives », deviennent des sommations parfaitement en phase avec le « nouvel esprit du capitalisme » [Boltanski et Chiapello, 1999], lui-même indissociable de « l’esprit d’entreprise » propre aux années 1980 [Cusset, 2008]. Dans ce contexte, l’entreprise, qui était jusqu’alors un « instrument de domination sur les classes populaires [va devenir] un modèle de conduite pour tous les individus » [Ehrenberg, 1991]. Punks y compris. Dans les faits, les conditions cognitives, matérielles et sociales semblent réunies pour produire des « cadres interprétatifs » [Karpik, 2007] propices au développement d’un entrepreneuriat punk. Si l’on s’en tient à la seule dimension phonographique, Simon Frith souligne, par exemple, que « quatre-vingt-dix nouveaux labels apparaissent en Grande-Bretagne au cours du premier semestre de l’année 1980. Les maisons de disques indépendantes ont toujours existé sur le territoire britannique – notamment pour des genres musicaux minoritaires comme le jazz et le folk – mais la production de rock indépendant a incontestablement explosé depuis 1977 » [Frith, 1983, voir également Hesmondhalgh, 1997]. Pour donner un ordre de grandeur, on estime qu’au cours de l’année 1982, 3 000 labels indépendants ont édité pas moins de 16 000 disques punk rock à travers la planète [Gronow et Saunio, 1999]. L’une des caractéristiques les plus remarquables de ce phénomène tient à ce que ces labels sont très majoritairement administrés par des individus totalement étrangers au monde des affaires [O’Connor, 2008]. De fait, ces expériences confirment que la faiblesse des compétences et des ressources ne constitue nullement un obstacle à la création d’entreprise [Baker et Nelson, 2005]. Au contraire, ces lacunes semblent systématiquement compensées par le passage d’une « faculté de rêver et de désirer » [Joas, 1999] à l’instauration d’un régime d’action DIY à forte tonalité expérimentale. En l’espèce, participer à la circulation de biens culturels punk semble être une expérience fondatrice récurrente au sein des acteurs de l’échantillon.

« Au départ, j’avais un petit fanzine que j’échangeais contre d’autres fanzines ou contre des cassettes. Ça m’a rapidement permis d’avoir un gros carnet d’adresses et un max d’infos. J’en ai profité pour lancer un petit catalogue de disques difficiles à dénicher pour rendre service à mes potes. Ça a commencé à pas mal marcher. Comme je rentrais un peu de thunes et que je recevais des tonnes de démos, je me suis dit que j’allais lancer une compilation de trucs que j’aimais. Elle s’est super bien vendue [1 500 copies]. Il a fallu que je la represse trois semaines après sa sortie [2 000 copies]. C’était dingue ! Du coup, comme je rentrais pas mal de fric, je me suis dit que j’avais de quoi monter carrément un label. C’est devenu une activité à plein-temps par la force des choses. Je faisais plus que ça. Mais c’est quand j’ai trouvé un gros distributeur (enfin, c’est plutôt lui qui m’a trouvé) [rires] que j’ai décidé d’arrêter la fac. Mes parents n’avaient plus vraiment d’arguments pour m’en dissuader [rires]. Mais faut bien que tu comprennes que j’ai commencé le label parce que j’aimais le punk rock avant tout, pas pour monter un bizness. C’est devenu un boulot “réel” parce que des gens appréciaient mon travail, mais au départ, le but n’était certainement pas d’en faire une affaire à plein-temps. »
(John, 35 ans, dirige un label (Colombus, OH) employant deux personnes et ayant produit près de 150 disques dont il tire ses revenus principaux, édite également un webzine à parution trimestrielle, entretien réalisé en 2003)
Procéder ainsi permet de se livrer à une étude de marché informelle permettant d’évaluer intuitivement la possibilité d’un marché. En fonction de quoi, il devient graduellement possible d’augmenter son engagement productif. Conformément aux impératifs d’authenticité punk rock (cf. infra), les acteurs de l’échantillon se défendent généralement de toute intention entrepreneuriale à visée commerciale. Ils préfèrent invoquer la dimension du jeu, de la solidarité, de l’opportunité, voire du hasard. Dans les faits, l’expérience a valeur de test et valide le bien-fondé du projet entrepreneurial. L’argument du plébiscite populaire vient ensuite la conforter, réduisant d’autant l’incertitude inhérente au lancement de l’activité. La trajectoire de l’entrepreneur punk est donc jalonnée par une série d’épreuves de nature à renforcer potentiellement « l’agir projectif » [Bréchet et Prouteau, 2010] sous forme d’engagement inconditionnel dans l’activité. Engagement qui semble néanmoins devoir satisfaire à deux critères essentiels aux yeux de la scène punk rock. À savoir l’indépendance et l’authenticité comme conditions de l’action entrepreneuriale en régime DIY.

3 – Conditions de l’action entrepreneuriale

3.1 – L’indépendance en question

7À ce stade de l’analyse, le régime DIY apparaît au principe de l’entrepreneuriat punk. À un second niveau, il s’avère que cet entrepreneuriat semble indissociable de la notion d’indépendance qui va à son tour déterminer l’authenticité punk comme on le verra plus loin.

8

« Pour moi, être indépendant c’est fonctionner à l’inverse des majors. C’est refuser de faire leur jeu niaiseux pour le fric, la gloire, le pouvoir, la drogue, l’alcool, les putes et tout ce bullshit. Ça n’a pas de bon sens. Moi je tiens les considérations commerciales au second plan. C’est la musique qui me fait triper. Ça, c’est pour moi être indépendant. C’est un maximum de liberté. C’est comme disait Crass, n’avoir à rendre de comptes à personne si ce n’est à toi-même où à ceux qui bossent directement avec toi. C’est viser à hauteur de ses capacités. C’est développer les choses autour de soi, sans péter plus haut que le trou… C’est une histoire de conscience, de respect de soi et des autres. C’est ce que m’a enseigné la punk rock high school [rires]. »
(Matthieu, 23 ans, dirige un label unipersonnel ayant produit plus d’une trentaine de disques (Montréal) dont il tire ses revenus principaux, édite également un fanzine à parution bisannuelle, entretien réalisé en 2009)

9Ce genre de propos, largement partagé par l’échantillon, semble indiquer que l’indépendance est assurément la plus haute aspiration des entrepreneurs punk rock. Dans le secteur culturel, cette aspiration se définit généralement par une indépendance financière, éditoriale, organisationnelle et commerciale [Robin, 2008]. Pour la majeure partie des entrepreneurs punk, il s’agit en outre d’un rapport de défiance par rapport à l’industrie musicale dominante. Les multinationales sont généralement leur bête noire. Plusieurs études soulignent l’importance que revêt l’indépendance pour comprendre les sources de la dynamique entrepreneuriale [Baker et Nelson, 2005 ; Lescure, 2001]. Sans compter que cette indépendance constitue également un véritable enjeu identitaire [Noël, 2011]. Adossée au régime DIY, elle opère à la fois comme un trait distinctif par rapport aux multinationales du disque et comme un marqueur de reconnaissance entre pairs (selon la logique du Eux et Nous). Dans Les mondes de l’art, Howard Becker note que la volonté d’indépendance conduit à s’affranchir des conventions. « En règle générale, la rupture avec les conventions, et avec toutes les manifestations dans les structures sociales et dans la production matérielle, accroît les difficultés de [l’entrepreneur culturel] et réduit la diffusion de ses œuvres. Mais en même temps, elle augmente sa liberté d’opter pour des solutions originales à l’écart des sentiers battus » [Becker, 1988]. Cette liberté d’action semble absolument centrale au sein de la scène punk rock. Elle constitue généralement une grande source de fierté pour ses acteurs et repose essentiellement sur leurs capacités d’autofinancement ou, plus largement, sur leurs capacités à mobiliser des ressources. Sauf qu’à l’observation, l’indépendance apparaît comme une notion relativement plastique tant les définitions des situations sont variables. L’exemple de la distribution des disques offre un éclairage intéressant sur ce point. La distribution a toujours posé un sérieux problème pour quantité d’acteurs culturels en charge de diffuser des biens physiques (livres, œuvres d’art, films…) [14]. Si bien qu’elle a vu émerger différents systèmes de distribution. Au sein de la scène punk rock, certains labels autodistribuent leurs disques. D’autres passent par des structures de distribution indépendantes. D’autres encore, passent contrat avec des multinationales pour bénéficier de la puissance de leurs réseaux. Et comme dans le cas ci-dessous, certains peuvent se trouver liés à leur insu à une multinationale, pour peu que leur distributeur indépendant initial ait été racheté par une major.

10

« Jade Tree appartient à Tim Owen et moi [Darren Walters]. Le label ne bénéficie d’aucune aide. Ce qui fait de Jade Tree un label indépendant à 100 %, même si nous passons par le distributeur ADA (propriété de Warner) pour la distribution dans les chaînes de magasins et les grandes surfaces conformément à notre contrat avec Touch and Go. »
(Entretien paru dans Maximumrock’n’roll, n° 276, 2006)

11Il peut sembler curieux que l’on puisse se prétendre totalement indépendant tout en étant lié à une multinationale. Il s’agit pourtant d’un phénomène assez répandu au sein du secteur culturel. Ainsi, une étude portant sur des maisons d’édition britanniques affichant une identité radicale, critique et indépendante montre que pour ces dernières, le marché n’est « pas perçu comme un principe hétéronome mettant en péril l’autonomie de ces éditeurs indépendants, mais bien plutôt comme un mode d’évaluation indispensable de leur activité leur donnant les moyens de travailler en toute indépendance » [Noël, 2011]. Dans ce cas précis, le prix de l’indépendance passe par des objectifs de rentabilité, l’importation de normes « gestionnaires » et de techniques marketing. Bien entendu, un tel montant pourra paraître exorbitant et rédhibitoire à quantité de structures prétendument radicales. Mais l’exemple indique que les définitions de l’indépendance sont parfois très divergentes, y compris parmi les entrepreneurs les plus radicaux. En dernière analyse, on peut également y voir une instrumentalisation du terme « indépendance » à des fins de communication [Robin, 2008], bien que cela soit difficile à apprécier ici. Selon toute vraisemblance, il semble plus pertinent de mettre cette dissonance en regard des multiples critères fondant l’authenticité punk.

3.2 – L’authenticité punk

12En 2003, Plastic Bomb (n° 43), magazine punk rock allemand de référence [15], fait paraître un encart publicitaire pour le compte du label américain Asian Man Records (figure 1).

Figure 1

Publicité Asian Man Records [Plastic Bomb n° 42, 2003, p. 83]

Figure 1

Publicité Asian Man Records [Plastic Bomb n° 42, 2003, p. 83]

13Ce curieux message publicitaire [16] s’apparentant davantage à une sorte de communiqué de presse est particulièrement représentatif de ce qui fonde l’authenticité des entrepreneurs punk rock. En réalité, Mike Park, le fondateur du label, cherche à rectifier l’image de son label. Il se trouve, en effet, que certains disques produits par Asian Man ont atteint des chiffres de ventes particulièrement éloquents, de l’ordre de 100 000 exemplaires [O’Connor, 2008]. Avec pour effet de rendre le label potentiellement suspect aux yeux de la scène punk rock. Et pour cause. En regard de l’authenticité punk rock, rien ne semble plus infamant qu’être qualifié d’artiste ou de label commercial [17]. Raison pour laquelle Park se livre à un exercice de justification – relativiser ses chiffres de vente – afin d’éviter que sa crédibilité ne soit entamée. L’exemple d’Epitaph Records offre ici un contraste éclairant. Ce label, lancé très classiquement en 1980 à Hollywood, CA, selon les principes DIY va connaître une ascension fulgurante en écoulant pas moins de 16 millions d’exemplaires du Smash d’Offspring courant 1994. Il figure aujourd’hui parmi les plus importants labels punk rock au monde. Du point de vue de son organisation, ce type de label est structuré hiérarchiquement et compte généralement un effectif d’une vingtaine à une quarantaine d’employés (actuellement 33 pour Epitaph Records). Il dispose fréquemment de bureaux à l’étranger et s’assure d’un lien contractuel avec ses artistes. Ses disques sont distribués par une multinationale. De même qu’il réalise un travail promotionnel conséquent (représentant environ 25 % des coûts de production) pour chaque nouveau disque. Ces données le contraignent à un effort de productivité du même type que celui d’une major, ce qui semble le disqualifier en tant que label DIY au regard de certains.

« Epitaph n’a plus rien d’un label DIY depuis longtemps. [Brett] Gurewitz [fondateur et directeur général] est un biznessman qui brasse du blé. C’est comme une major pour moi. Avec des avocats, des contrats pour cinq albums, des directeurs des ventes, des départements marketing et tout le toutim. C’est même pas dit que le personnel aime le punk rock. Probablement qu’ils s’en tapent. On leur demande pas d’aimer le punk rock. On leur demande de le vendre. Nuance.
D’accord, mais c’est tout de même un label indé[pendant] non ?
Mouais… Indé à la limite. Mais pas DIY. Si tu veux, j’aime bien certains groupes Epitaph comme Bad Religion ou Rancid. Mais c’est tout de même un autre monde pour moi. C’est même à des années-lumière. Pour moi, être DIY, c’est réduire les contraintes au maximum. Et en premier lieu, celles liées aux chiffres de ventes. »
(Niklas, 36 ans, dirige un label unipersonnel (Hambourg) ayant produit près de 80 disques, dont il tire une partie de ses revenus, édite également un petit fanzine à parution aléatoire, infirmier à mi-temps, entretien réalisé en 2011)
Ce genre d’opinion tranchée est particulièrement représentatif [18] de l’intarissable débat visant à établir l’authenticité punk. Il se fonde sur un distinguo très net entre label commercial (fût-il indépendant) et label DIY. Si Epitaph délègue effectivement la distribution de ses disques à ADA, filiale de Warner, il n’en reste pas moins indépendant sur le plan éditorial, financier et commercial. Le marché est garant de son indépendance. Ce qui semble être le cœur du problème au sein de la scène punk rock. Car s’y affrontent deux conceptions de l’indépendance. Les labels commerciaux entendent jouer selon les règles du marché, tandis que les labels DIY s’y refusent, préférant inventer leurs propres règles [Rindova et al., 2009] pour assurer le cycle d’exploitation d’un disque. D’une certaine manière, les premiers s’adressent à des clients, tandis que les seconds entendent s’adresser à leurs pairs. Si bien que l’authenticité punk rock, en tant que construction sociale [Peterson, 1992], présuppose un certain nombre d’autolimitations. Une limite d’ordre économique tout d’abord, puisque faire par ses propres moyens consiste généralement à faire avec peu de moyens (ce qui est au principe de la coopération entre pairs). Une limite structurelle ensuite, puisque fonctionner avec des moyens et des effectifs réduits contraint à accepter une logique de très faible croissance concomitante d’une relative confidentialité de la production. Une limite axiologique pour finir, puisqu’entre l’acceptation des limites (être un label DIY) et les occasions de s’en affranchir (devenir un label commercial), il s’agit de tracer une ligne et de définir les valeurs et les grands principes directeurs organisant l’activité. Dans ces conditions, il semble a priori difficile qu’un label DIY puisse écouler plus de 20 000 disques de ses artistes les plus importants (2 000 étant la moyenne) tant son cadre d’activité est soumis à toute une série d’[auto]contraintes. De manière générale, un label DIY ne compte jamais qu’un nombre restreint de salariés (trois maximum) [19]. De même qu’il nécessite que le travail soit réalisé à domicile. Que la division du travail soit très peu marquée. Que les coûts de production, de distribution, de promotion soient réduits au minimum. Que le vinyle soit préféré à tout autre type de support. Que les prix soient fixés au plus près des coûts réels. Que seul un contrat moral lie les différents protagonistes entre eux. Dans cette configuration minimaliste, le degré d’indépendance vis-à-vis de l’industrie musicale dominante (et de son marché) ne semble pas être une condition d’authenticité suffisante. De sorte que l’authenticité est évaluée à hauteur d’une multiplicité de paramètres : la taille du label, sa structuration organisationnelle, sa visibilité, ses méthodes commerciales, ses supports de diffusion et ses circuits de distribution, comme autant de témoignages d’un attachement inconditionnel au régime DIY. De ce point de vue, les logiques propres aux labels DIY semblent radicalement inverses à celles des labels commerciaux. Alan O’Connor y voit deux mondes distincts [2008]. Mais est-ce vraiment le cas ? Si l’on considère qu’aucun label n’échappe à la marchandisation et par conséquent à l’économie de marché, il semble raisonnablement permis d’en douter. Ce qui nous conduit, pour finir, à examiner les cadres structurels des labels de façon à mieux saisir leurs relations contrastées au marché.

4 – Marché, contre-marché

14Il serait caricatural de prétendre que les labels commerciaux n’ont que faire de la musique (tant ils sont obnubilés par leurs chiffres de vente) ou que les labels DIY sont indifférents à tout équilibre budgétaire (tant ils sont envoûtés par la musique). Dans une perspective wébérienne, il serait plus pertinent d’avancer que l’action des uns est rationnelle en valeur au sens où la grammaire DIY est interprétée strictement, alors que pour les autres, plutôt centrés sur le rendement commercial, l’action apparaît rationnelle en finalité. En creux se rejoue la scène du management culturel face à la critique artiste [Chiapello, 1998]. Dans les deux cas, la production de disques constitue leur activité centrale. Compte tenu de leur définition de la production, il est indéniable qu’ils diffèrent du point de vue de leurs modes de production, de leurs niveaux de production et de leurs ressources. Sauf qu’il n’est jamais exclu qu’un label DIY puisse rencontrer d’importants succès commerciaux comme en atteste l’exemple Asian Man, de même que celui de plusieurs labels de l’échantillon. Se pose alors une véritable « épreuve de grandeur » [Heinich, 1999] traversée par une possible réversibilité des positionnements initiaux. Les options sont les suivantes : tirer parti de la situation au risque de devenir un label commercial ou gérer le succès commercial sans renoncer aux principes DIY ? L’exemple du label Dischord Records, référence absolue de la scène punk américaine, peut nous aider à approfondir cette ambivalence. Fondé en 1980, le label est unanimement reconnu comme un modèle d’intégrité [O’Hara, 2004]. Dischord ne signe aucun contrat avec ses artistes, organise le travail de manière horizontale et distribue uniquement ses disques via le circuit indépendant. Contre toute attente, certains disques du label s’écoulent à des millions d’exemplaires. Bien entendu, Dischord Records va faire l’objet de multiples offres de rachat de la part de multinationales. Quand bien même le label reste farouchement attaché au régime DIY. Ce qui se traduit par un contrôle des prix de vente des disques, une résistance aux codes-barres, le refus de toute publicité (y compris indirecte via le format vidéoclip) et de tout merchandising ainsi que par une sélection drastique des médias (rejet de la presse commerciale au profit des fanzines). En refusant de composer avec les majors, le label va gagner une très haute estime au sein de la communauté punk [Thompson, 2004]. Pour intéressant que soit ce positionnement, force est de reconnaître qu’il ne constitue jamais qu’une forme entrepreneuriale alternative dont la portée contre-culturelle se résume, pour l’essentiel, à la création d’un contre-marché. Le fait est qu’un disque de Fugazi (Dischord Records) ou de Bad Religion (Epitaph Records) fait nécessairement l’objet d’une marchandisation. Par ailleurs, il est piquant de noter que les disques Dischord sont aujourd’hui distribués dans les grandes surfaces américaines par Fontana, filiale d’Universal. Ce qui incline à penser, avec les philosophes politiques Joseph Heath et Andrew Potter que, sur le fond, il n’existe aucune contradiction entre culture « dominante » et culture « alternative ». Que « la rébellion culturelle […] ne constitue pas une menace pour le système [capitaliste]… mais qu’elle est le système [capitaliste] » [Heath et Potter, 2005]. Boltanski et Chiapello [1999] parleraient d’une « boucle de récupération ». Effectivement, loin de redéfinir l’industrie musicale sur des bases non capitalistes, les modalités d’action initiées par des structures emblématiques et tutélaires comme Dischord ou Asian Man, tout comme celles qui composent l’échantillon, vont simplement s’inscrire dans un capitalisme de petite échelle se déployant sur un marché de niche. La résurgence des audiocassettes et la fétichisation des disques vinyles [20] en constituent une preuve éclatante. De même que la diversification des labels DIY qui n’hésitent plus à se positionner sur des créneaux comme la mode punk (blousons, t-shirts, chaussures…), le merchandising punk (badges, posters, sacs…) ou encore les skateboards punk. A priori, « celui qui refuse et critique quelque chose doit pouvoir s’en passer et montrer qu’il met sa vie en accord avec ses paroles, pour garder quelque crédit » [Chiapello, 1998]. C’est un principe de cohérence. Mais de toute évidence, en dépit de leurs efforts, les labels DIY peinent à s’abstraire intégralement des règles du jeu de l’économie marchande dominante. L’indépendance et l’authenticité sont donc toujours question de degrés. Sans compter que des comportements apparemment erratiques peuvent également être envisagés comme des « pratiques concrètes de résistance dissimulées » [Scott, 2008]. Après tout, sachant la difficulté d’échapper aux règles du jeu économique, pourquoi ne pas tirer avantage du système capitaliste ? Henry Rollins, autre grande figure de la scène punk américaine explique, non sans ironie : « J’aime être invité par les grands médias, les émissions bien faites. Je vais y chercher le fric que je peux investir ensuite dans mes propres petits projets artistiques. J’adore consacrer l’argent de ces entreprises à des entreprises contre-culturelles. C’est une mission à la Rambo. Je ne le fais pas pour devenir une rock-star. Maintenant que j’ai de l’argent et que beaucoup de gens font attention à ce que je raconte, je dispose d’une opportunité formidable. Pour moi, cela représente un coup à jouer. Entrer, faire mon truc, avoir le privilège de jouer au con, mais ne jamais être un vendu » [Andersen et Jenkins, 2009]. Selon cette stratégie, il s’agit moins d’allumer des contre-feux dans la citadelle ennemie suivant la tactique du cheval de Troie que d’inverser la boucle de récupération. Processus qui s’apparente dès lors à une sorte de « braconnage culturel » cher à Michel de Certeau [1990] consistant à déployer des « tactiques par lesquelles les faibles utilisent les forts » [Holmes, 2007]. En résumé, ce comportement de type infrapolitique conteste les industries culturelles dominantes tout en utilisant leur puissance sous couvert de ruse et de dissimulation. Cette stratégie de la feinte échappe généralement à l’analyse (sociologique, économique ou politique). Elle révèle toute la fragilité de la notion d’authenticité et témoigne de ce que la lutte pour l’indépendance au sein de l’entrepreneuriat punk est avant tout une lutte pour les ressources. Ce qui tend à relativiser sérieusement l’opposition entre labels commerciaux et labels DIY. En définitive, ce qui compte réellement, c’est agir, c’est créer, c’est entreprendre, conformément à la vulgate DIY.

5 – Conclusion

15Au terme de cette étude, les labels punk rock apparaissent comme de formidables laboratoires pour la socio-économie. Ils permettent en effet d’explorer les structures de l’action entrepreneuriale dans des cadres variés. De toute évidence, les entrepreneurs de l’échantillon sont éminemment conscients des cadres – au sens goffmanien du terme – qui bornent leurs activités [Goffman, 1974]. À savoir que leur engagement entrepreneurial est animé par une dimension à la fois affective (l’attachement au punk rock et à sa communauté) et cognitive (un sens fixé par la vulgate DIY). Ce sont précisément ces cadres qui les incitent à entreprendre. Ce sont également ces cadres qui déterminent le sens qu’ils donnent à leurs actions. De même que ce sont ces cadres qui, à des degrés divers, les poussent à préserver coûte que coûte leur indépendance [21]. Il en va de leur authenticité. Au premier abord, la multiplicité des positions, déclarations et jugements tend à brouiller les logiques d’action par un jeu d’opposition binaire relativement conventionnel. Un brouillage renforcé par une dynamique entrepreneuriale n’offrant a priori aucune réelle alternative à l’économie de marché. À ceci près que cette dynamique entrepreneuriale n’est jamais entièrement inféodée à l’économie de marché. De sorte que l’entrepreneuriat punk se trouve précisément structuré par des organisations à taille humaine cherchant à tirer le meilleur parti du marché. Autrement dit, cherchant à placer l’économie au service des êtres humains (et de leurs facultés créatives) et non l’inverse. Ce qui constitue probablement la spécificité majeure de l’entrepreneuriat punk rock. Il est possible d’y voir une stratégie de résistance à l’économie néolibérale. Mais sur le fond, ce pragmatisme éthique permet avant tout une meilleure compréhension de la force agissante de certains contextes culturels.

Notes

  • [1]
    Les labels punk rock sont d’autant plus intéressants à étudier qu’ils s’avèrent relativement peu affectés par la dématérialisation de la musique. Il se trouve en effet que les amateurs de punk rock sont de grands consommateurs de disques (vinyles notamment) qu’ils souhaitent généralement posséder physiquement et qu’ils apprécient tout particulièrement d’acheter lors de concerts. Comme le rappelle Daniel Lupton du label Sorry State Records : « C’est lié au genre. Collectionner les disques est la grosse affaire de la scène punk/hardcore. Les gens sont globalement très concernés par l’objet disque » (entretien paru dans Indy Week, 2010). Aucun label de l’échantillon ne propose ses disques à la vente sous format numérique. En revanche, une dizaine d’entre eux continuent à éditer des cassettes audio en hommage à la tradition du tape trading, un système personnalisé d’échange gratuit de cassettes, fondé sur la réciprocité, marquant une sorte d’âge d’or de la scène punk rock des années 1980 et 1990 auquel la majorité des punks continue de se référer à ce jour. Ces pratiques n’annulent évidemment pas l’usage des fichiers audionumériques. Les platines vinyles permettant la conversion du son en fichier MP3 étant particulièrement populaires au sein de la scène punk rock. S’ils n’ont évidemment pas la même valeur, tout semble indiquer que les deux formats (physique/numérique) sont néanmoins complémentaires [O’Connor, 2008].
  • [2]
    En théorie, un label est dit indépendant dès lors qu’il n’est pas inféodé à l’industrie musicale dominante et qu’il se dispense, à ce titre, de tout lien contractuel avec elle. En pratique, il est assez fréquent que les labels indépendants s’appuient sur des structures de distribution qui se présentent comme indépendantes, mais s’avèrent être des filiales de multinationales. Par exemple, ADA (Alternative Distribution Alliance) appartient à Warner Music Group. La puissance de distribution, internationale notamment, d’une telle structure est sans commune mesure avec celle d’une structure de distribution véritablement indépendante dont le rayonnement se réduit généralement au territoire national dans lequel elle se trouve implantée.
  • [3]
    La recherche académique, surtout d’origine anglo-saxonne, investit fortement le domaine avec des publications abondantes [voir Furness, 2012] et des colloques, tel celui qui s’est tenu à Oxford Brookes University autour de Crass et de la scène anarcho-punk en juin 2013 par exemple.
  • [4]
    En France, les éditions Allia s’en sont fait une spécialité avec des auteurs comme Jon Savage, Simon Reynolds ou Greil Marcus.
  • [5]
    Punk Attitude de Don Letts [2006], Une éducation norvégienne de Jens Lien [2011] ou Salad Days. The Birth of Punk In The Nation’s Capital de Scott Crawford [2014] en constituent des illustrations récentes.
  • [6]
    Europunk  : exposition temporaire à la Cité de la Musique, du 15 octobre 2013 au 19 janvier 2014.
  • [7]
    Né en 1995 à l’initiative du fabricant de chaussures de skateboard Vans, ce festival itinérant est une référence incontournable pour la scène punk rock. Référence d’autant plus prisée qu’elle offre une surface d’exposition inégalable (une quarantaine de dates de concerts à travers les États-Unis, et à une moindre échelle, une demi-douzaine de dates pour la version locale française nommée Vans-Wheels of rock).
  • [8]
    Bérurier Noir était un groupe phare de la scène punk rock française (parfois qualifiée de scène « punk alternative ») aux côtés de la Mano Negra, des Wampas et des Garçons Bouchers pour les plus connus d’entre eux.
  • [9]
    Crass reste à ce jour la référence majeure de la scène anarcho-punk pacifiste. Farouchement indépendant, le groupe a toujours édité ses disques sur son propre label Crass Records.
  • [10]
    On observe depuis peu une inflexion du DIY au DIT « Do It Together », prenant acte de la dimension collective de l’action.
  • [11]
    Ses plus ardents prosélytes vont jusqu’à tatouer l’acronyme DIY sur leur corps.
  • [12]
    En réalité, les premières expériences d’autoproduction punk sont antérieures à cette date. Patti Smith rappelle que son premier 45 tours « Hey Joe » a été autoproduit sur son propre label Mer Records en 1974 [Smith, 2010]. Terry Ork a quant à lui lancé son propre label Ork Records en 1975 pour éditer « Little Johnny Jewel », le premier 45 tours de Television dont il était alors le manager [Dale, 2008].
  • [13]
    Les Desperate Bicycles vont à leur tour lancer leur propre label : Refill Records. Leurs chiffres de ventes n’atteindront cependant jamais le niveau des Buzzcocks, puisqu’ils resteront globalement inférieurs à 10 000 exemplaires.
  • [14]
    La dématérialisation des biens culturels a indéniablement augmenté leur circulation, parfois, il est vrai, au détriment des ventes et des droits de propriété intellectuelle. Toutefois, compte tenu de l’attachement de la scène punk au disque vinyle, le phénomène numérique a surtout permis aux labels de gagner en surface d’exposition via leurs propres sites Internet les autorisant à pratiquer la vente directe plus facilement que jamais (avant Internet, la communication s’effectuait pour l’essentiel via les fanzines et les flyers). Par ailleurs, il est intéressant de noter que plus l’industrie musicale dominante dématérialise ses supports sous format numérique, plus les labels punk rock augmentent la gamme des supports physiques : audiocassettes, CD, vinyles. Ce qui a probablement trait à l’humeur contestataire de la scène punk et qui semble confirmer l’existence d’une véritable niche économique.
  • [15]
    Son tirage trimestriel est de l’ordre de 10 000 exemplaires.
  • [16]
    La tonalité du propos est toujours analogue en 2014, puisque ce texte figure sur le site web du label dans une version légèrement remaniée. Voir : http://www.asianmanrecords.com/about.html
  • [17]
    « Sell out » (« vendu ») est l’expression consacrée. Écouter « Never sell out » du groupe The Exploited [Fuck the system, 2002, Dream Catcher].
  • [18]
    Voir notamment les entretiens réalisés par Robert Strachan [2007] et Alan O’Connor [2008]. Par ailleurs, il faut noter que Maximumrock’n’roll, fanzine de référence, est probablement l’arbitre le plus sévère de la scène punk rock. Tout lien avéré avec une multinationale vaut excommunication. À un moment de leur carrière, Bad Religion, Rancid, Offspring, Chumbawamba ou Green Day se sont vus refuser les colonnes du fanzine dont ils avaient pourtant les faveurs. De même qu’ils n’ont plus jamais été programmés au 924 Gilman Street (Berkeley, CA), la salle de concert autogérée du fanzine.
  • [19]
    Sauf cas particulier – typiquement français – à base d’emplois aidés. Pour donner un exemple, le label et distributeur Overcome Records, spécialisé dans le punk rock et le hardcore, a pu employer cinq personnes grâce aux emplois aidés entre 1997 et 2007.
  • [20]
    Ce qui ne va pas sans engendrer des réactions contrastées, sinon contradictoires : « Je trouve normal qu’on s’offusque de voir des gens dévaliser une distro et acheter 200 euros de skeuds [disques]. Mais quand tu y réfléchis, la personne qui fait ça montre plus de curiosité, d’intérêt et de dynamisme que le pékin moyen » (Phil, Shogun Records, entretien paru dans Kérosène n° 4, 2004).
  • [21]
    Les ruptures de cadre sont toujours possibles, mais, à ma connaissance, ne concernent pas les labels. En revanche, l’histoire du punk regorge d’artistes (Sex Pistols, Wampas, Green Day pour les plus célèbres) ayant intégré des multinationales du disque et renoncé délibérément à leur indépendance.
Français

Prenant appui sur un échantillon de labels phonographiques punk, cet article entend examiner les fondements culturels de l’action entrepreneuriale. Il met en lumière un régime d’action spécifique, puis s’attache aux conditions de mise en œuvre et aux cadres structurels de l’action entrepreneuriale.

Mots-clés

  • entrepreneuriat
  • édition phonographique
  • DIY
  • indépendance
  • authenticité

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Fabien Hein
Université de Lorraine
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Mis en ligne sur Cairn.info le 25/02/2016
https://doi.org/10.3917/rfse.016.0183
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