CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1« Je jure, comme Avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. » Le serment que prête l’avocat est le socle de la déontologie de son métier et régit les relations qu’il noue avec ses clients, ses confrères, l’ordre, son bâtonnier, les organismes professionnels, les institutions judiciaires, les membres des autres professions du droit et ses concurrents sur le « marché du droit ». Exprimant les valeurs de la profession [Damien et Ader, 2006], la déontologie est constituée de règles de droit positif issues des usages de la profession, progressivement unifiés en un RIN (Règlement intérieur national), aujourd’hui publié au Journal officiel [Taisne, 2007] [1]. Ultime étape de la professionnalisation [Wilensky, 1964], l’adoption de ce code d’exercice professionnel fonde la répression disciplinaire. La discipline professionnelle réprime ainsi les manquements commis par les avocats à leurs obligations déontologiques.

2Déontologie et discipline professionnelles sont l’objet de conceptions opposées, dans le champ économique comme dans le champ sociologique. D’un côté, la doctrine libérale, dans sa dénonciation des professions comme monopolistes, considère que les règles déontologiques défendent des intérêts corporatistes – et non l’intérêt général – contribuant dès lors à maintenir un prix des services juridiques [2] supérieur au prix concurrentiel [Shaked et Sutton, 1981 ; Ogus, 1995]. La discipline exercée par les pairs participe, dans une perspective néo-wébérienne, de la stratégie de la profession visant à sa fermeture sociale [Sarfatti-Larson, 1977]. Elle relève alors d’un mode de gestion interne à un cartel de producteurs de services, dont la théorie économique montre qu’il protège avant tout les intérêts de la profession [Núñez, 2007]. Relayée par plusieurs rapports institutionnels [OCDE, 2007 ; Attali, 2008 ; Prada, 2011], la Commission européenne [2004 ; 2005] adopte une telle perspective lorsqu’elle préconise de déréglementer les marchés de services professionnels dans les pays membres. L’ensemble des règles professionnelles sont ainsi jugées « restrictives [car elles] visent souvent à limiter la concurrence. Elles risquent […] d’empêcher les professionnels de travailler d’une manière efficace par rapport aux coûts, de réduire les prix, d’améliorer la qualité ou d’innover. Cela est mauvais pour les consommateurs, pour l’économie et pour la société en général » [Commission européenne, 2005, p. 4].

3À l’opposé, la perspective fonctionnaliste, et plus récemment la socio-économie de la qualité, mettent en avant les avantages de la déontologie et de la discipline [Parsons, 1952 ; Karpik, 1995, 2007 ; Favereau et al., 2009b]. Elles constituent des garanties essentielles pour des clients le plus souvent incapables d’évaluer la qualité réelle de leurs achats. Les services juridiques se définissent en effet comme des biens de confiance ou singuliers [Darby et Karni, 1973 ; Karpik, 2007], dont le consommateur ne peut apprécier la qualité ni ex ante ni ex post – ou alors à très long terme. La déontologie constitue dans ce cadre un moyen de réduire le risque d’opportunisme de l’avocat [Abel, 2008], à l’instar du serment d’Hippocrate qui limite la production de soins de santé de mauvaise qualité [Dulleck et Kerschbamer, 2006]. L’auto-organisation de la justice disciplinaire est alors envisagée comme un mode de gestion collective de la qualité des services [Freidson, 2001], qualifié de collégial [Lazega, 2001], et présentant des avantages informationnels certains [Miller, 1985 ; Gehrig et Jost, 1995 ; Ogus, 1995]. Dans cette optique, la profession met en avant sa déontologie et ses avantages en termes de protection du public [3]. Ce discours est destiné à mettre en valeur la qualité des services fournis par les avocats, que le respect de règles déontologiques rend dignes de la confiance des clients.

4En dépit des questions essentielles soulevées par ces conceptions opposées de la déontologie et de la discipline de la profession d’avocat, cette dernière n’a encore jamais fait l’objet d’une analyse empirique systématique. Quel est le niveau d’activité des instances disciplinaires ? Les plaintes sont-elles nombreuses ? Qui en est à l’origine ? Quelles en sont les issues ? Dans quels délais ? Quelles sont les fautes alors commises par les avocats ? Les sanctions sont-elles sévères ? Quels en sont les effets pour la clientèle ou pour les confrères ?

5L’objectif de cet article est de fournir des éléments de réponse à ces questions. Suite à une première étude à la demande des instances représentatives de la profession [Favereau et al., 2009a], certains ordres locaux nous ont permis de réaliser une enquête empirique sur les affaires disciplinaires de leurs barreaux. Nous avons ainsi eu accès à l’intégralité des dossiers traités par un CRD (conseil régional de discipline) depuis les travaux préparatoires à sa mise en place en 2005. De plus, le barreau de Paris a fourni ses statistiques disciplinaires sur trois années (2009-2011). Ces sources nous ont permis d’élaborer une base de données originale sur la discipline de la profession. Enfin, nous avons mené à l’appui de notre démarche plusieurs entretiens informatifs auprès d’avocats investis dans les instances professionnelles [4].

6Notre enquête offre ainsi une première approche de la justice disciplinaire des avocats en France [5]. Nous la présentons en trois parties. La première explicite nos données et expose les principaux aspects de la procédure disciplinaire de la profession. La deuxième tente d’apprécier l’effectivité de la discipline, à partir d’une première estimation du volume d’affaires traité, des délais, des peines prononcées, de leur sévérité et de leurs effets. La profession cherche-t-elle à « couvrir » les fautes de ses membres et les sanctions prises à leur encontre, afin de ne pas nuire à sa réputation ? Dans la troisième partie, nous nous interrogeons sur les infractions déontologiques les plus fréquemment condamnées par les instances disciplinaires et montrons que la discipline contribue à l’entretien de la collégialité professionnelle. Nous interprétons ces résultats, dans une perspective socio-économique, comme étroitement liés à l’élargissement actuel de la logique marchande sur le marché du droit.

2 – L’activité des autorités disciplinaires de la profession d’avocat : présentation de l’enquête

7Notre étude porte sur les affaires disciplinaires de deux conseils de discipline : l’un situé en région (le CRD) et celui du barreau de Paris. Le premier relève d’une cour d’appel de taille importante (plus de 1 000 avocats) [6]. Nous avons pu consulter les dossiers de toutes les affaires qu’il a jugées entre septembre 2005 (date du début de ses activités) à juin 2012 – en tout, une trentaine de cas. Les nombreuses pièces justificatives et procès-verbaux figurant dans les dossiers nous ont permis de reconstituer en détail le déroulement de chaque affaire et d’élaborer une première base de données. Celle-ci a ensuite été enrichie des statistiques qui nous ont été fournies lors de nos entretiens concernant l’activité du conseil de discipline du barreau de Paris de 2009 à 2011. Nous n’avons pas eu accès à l’intégralité des dossiers parisiens, mais avons néanmoins obtenu des informations sur les 390 affaires pour lesquelles le conseil a été saisi durant ces trois années.

2.1 – Caractéristiques de l’échantillon

8Si nous ne disposons que de données générales sur l’activité de l’instance parisienne pour les années 2009 et 2010 (nombre de procédures et types de sanctions principalement), les données fournies pour l’année 2011 sont relativement plus détaillées – sauf mention contraire, nous nous appuierons donc sur celles-ci dans le reste de l’article. Le conseil de discipline de Paris (composé de quatre chambres) s’est réuni 25 fois dans l’année 2011 et a rendu en tout 95 décisions concernant les comportements déontologiques de 81 avocats. Huit avocats ont fait l’objet de plusieurs décisions dans la même année, notamment des décisions dites « article 24 », selon lequel un avocat faisant l’objet de poursuites pénales peut être suspendu de ses fonctions avant l’aboutissement de la procédure engagée à son encontre « lorsque l’urgence ou la protection du public l’exigent ». Cette suspension provisoire couvre un délai de quatre mois renouvelable. Trois avocats parisiens ont été ainsi suspendus durant huit mois – ils n’ont alors pas eu le droit d’exercer, de recevoir leurs clients ni de plaider – avant que leurs pairs n’arrêtent leur sanction définitive (qui, dans les trois cas, fut une radiation).

9Concernant le CRD, notre échantillon contient des informations détaillées sur la totalité des procédures entamées à l’encontre d’avocats des barreaux de la cour d’appel durant la période 2005-2012. Dans ce cas également, trois avocats ont fait l’objet de plusieurs décisions sur la période. Les affaires semblent ici suffisamment peu nombreuses pour que chacune donne lieu à une audience spécifique du CRD (une vingtaine). Au final, une saisine sur deux donne lieu à une sanction disciplinaire ; cependant, aucune radiation n’a encore été prononcée.

10Une première analyse de nos données fait ressortir deux variables socio-démographiques : le genre et l’âge. Alors que les femmes sont majoritaires dans la profession (presque 52 %), elles font moins souvent l’objet de poursuites disciplinaires que les hommes. 64,5 % des affaires du CRD et presque 77 % de celles traitées à Paris concernent en effet des hommes. L’explication la plus plausible de cet écart réside dans le constat de modalités d’exercice différentes selon le genre des avocats. Les femmes représentent en effet la majorité des avocats salariés (qui ne peuvent pas développer de clientèle propre) et sont moins nombreuses que les hommes à choisir l’exercice individuel [Lapeyre, 2006 ; CNB, 2012]. De plus, une femme sur quatre quitte l’advocature au cours de ses neuf premières années d’exercice (contre moins d’un homme sur cinq) et une sur trois au-delà [CNB, 2010] [7].

11Or la variable la plus structurante de notre échantillon est l’âge ou l’ancienneté de l’avocat. Les avocats mis en cause dans des affaires disciplinaires sont en effet parmi les plus âgés. Alors que l’âge moyen des avocats de la cour d’appel étudiée est de 43 ans, celui des avocats poursuivis dépasse 48 ans. Tous sauf un ont plus de 10 ans d’ancienneté. À Paris, si les chiffres sont à prendre avec plus de précaution car l’information n’est disponible que pour 53 des 81 avocats poursuivis, on observe toutefois une ancienneté moyenne encore plus élevée, autour de 20 ans d’exercice ; seuls 10 avocats ont prêté serment moins de 10 ans auparavant. Dans son analyse, Abel [2008] relie lui aussi âge et faute professionnelle – les six affaires qu’il étudie concernent des lawyers de plus de 10 ans d’ancienneté. Logiquement, l’ancienneté accroît le nombre d’opportunités de commettre une infraction déontologique. Dans cette perspective, on observe une multiplicité de motifs de poursuite dans une majorité d’affaires. Dans un peu plus de 54 % des cas de notre échantillon, l’avocat est poursuivi pour plusieurs griefs simultanément et cette multiplicité pourrait motiver les poursuites :

12

« Il y a des cas où le confrère se trouve dans une situation difficile. Il ajoute les erreurs aux erreurs, il s’enfonce. La première fois, le bâtonnier le convoque […] le client se plaint, les confrères se plaignent […] au bout d’un certain nombre de fois, il passe en disciplinaire. »
(Ancien président du CRD)

13Ainsi, plus l’ancienneté de l’avocat augmente, plus la multiplicité des griefs devient probable et la sanction disciplinaire inévitable.

2.2 – La procédure disciplinaire

14La discipline de la profession d’avocat est organisée par la loi du 11 février 2004 et le décret du 24 mai 2005. Jusqu’à cette date, elle relevait des confrères du seul barreau de l’avocat poursuivi, ce qui l’inscrivait pleinement dans une logique d’autorégulation de la profession [8]. La loi de 2004 institue un conseil de discipline dans chaque cour d’appel (rassemblant plusieurs barreaux) et instaure une stricte séparation entre les trois étapes de la procédure : (i) le procureur général ou le bâtonnier déclenchent les poursuites à l’encontre d’un avocat du barreau, (ii) un membre du conseil de l’ordre instruit le cas et (iii) le conseil de discipline juge (encadré 1). Celui-ci est composé d’avocats des différents barreaux de la cour d’appel élus par leurs pairs, et n’y siègent ni le bâtonnier ni l’avocat ayant instruit l’affaire [9]. Seul le barreau de Paris a conservé ses anciennes prérogatives en matière disciplinaire. Étant donné qu’il concentre plus de 40 % des avocats français (soit presque 23 000), la taille du barreau est supposée garantir l’impartialité de l’instance disciplinaire [10].

Encadré 1

Le déroulement de la procédure disciplinaire

Encadré 1

Le déroulement de la procédure disciplinaire

15Les clients ne sont pas partie prenante de la procédure disciplinaire ; ils n’ont pas la possibilité de saisir directement le conseil de discipline. S’ils sont à l’origine des poursuites, ils sont simplement tenus informés de l’évolution et de l’issue de la procédure [11].

16Lorsque la procédure est suivie jusqu’à son terme (ce qui n’est pas toujours le cas, comme nous le verrons plus loin), l’avocat peut être relaxé ou, au contraire, condamné à une peine disciplinaire. Il peut être sanctionné, par ordre croissant de gravité, d’un avertissement, un blâme, une interdiction temporaire d’exercice (qui ne peut excéder trois ans) ou être radié du Tableau – c’est-à-dire définitivement interdit d’exercer la profession. Ce jugement peut être contesté devant la cour d’appel, par l’avocat, le bâtonnier ou le Parquet, dans un délai d’un mois. À partir de ce second degré – le cas pouvant ensuite être pourvu en Cassation –, l’avocat n’est plus jugé par ses pairs, mais par des magistrats ; « le contentieux disciplinaire échappe ainsi en partie à son image de “contentieux uniquement professionnel” » [Moret-Bailly, 2007, p. 87].

17Dans plus des trois quarts des cas de notre échantillon, l’instance disciplinaire est saisie par le bâtonnier, suite à une plainte d’un client ou d’un confrère. Les saisines par le Parquet sont motivées par l’ouverture d’une instruction mettant en cause la responsabilité pénale (ou parfois civile) de l’avocat.

2.3 – Les responsabilités de l’avocat : civile, pénale et disciplinaire

18Lorsqu’un avocat est poursuivi devant une juridiction pénale, une procédure disciplinaire est enclenchée. S’il est condamné, il le sera aussi en discipline ; ces doubles condamnations représentent 12,8 % de notre échantillon. Toute contravention à la loi est ainsi considérée comme une faute déontologique et la responsabilité pénale de l’avocat rejoint ici sa responsabilité disciplinaire.

19La distinction entre les responsabilités civile et disciplinaire de l’avocat est nettement plus subtile. En théorie, la responsabilité civile se caractérise par le préjudice causé à autrui, alors que l’action en discipline ne réprime pas l’atteinte au droit d’autrui [Avril, 2008]. Lorsque l’avocat commet une erreur ou une négligence qui lèse directement un tiers (il laisse passer un délai de prescription, oublie de réclamer des pièces indispensables, ne renseigne pas correctement son client sur les procédures à suivre, les délais ou les formalités, etc.), celui-ci est fondé à réclamer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Chaque barreau contracte à cette fin une assurance collective en responsabilité civile, obligatoire pour tous ses membres, qui garantit les dommages causés par leurs fautes professionnelles.

20Une faute professionnelle n’implique pas nécessairement une infraction déontologique [12]. L’activité du CRD met bien en évidence une telle distinction. On y observe qu’un tiers des poursuites ont été abandonnées au plus tard après la phase d’instruction. Ces poursuites étaient motivées par un manquement à l’obligation de formation continue. Le décret de 2005 impose en effet aux avocats l’obligation de suivre 20 heures de formation par an, qu’ils doivent justifier auprès du bâtonnier. Or, les textes ne précisent pas les sanctions encourues. Si la formation continue soutient la compétence professionnelle et garantit la qualité des services [Dubar et Tripier, 2005], relève-t-elle pour autant de la responsabilité civile de l’avocat ? De sa responsabilité disciplinaire ? En 2008, un bâtonnier a choisi cette dernière voie et a saisi le CRD une dizaine de fois la même année à l’encontre des membres de son barreau n’ayant pas respecté l’obligation de formation continue – suivi en cela par des bâtonniers d’autres barreaux en 2009 et 2010.

21

« Le client ne subit pas de préjudice, ils ne peuvent pas poursuivre l’avocat. Non, c’est sûr que c’est déontologique. […] Le bâtonnier a voulu faire un exemple, les confrères se sont engagés à faire leurs heures et l’affaire s’est arrêtée là. »
(Ancien président du CRD)

22La justice disciplinaire réprime ainsi les seules infractions déontologiques, qui recouvrent traditionnellement les infractions pénales, mais pas forcément les fautes professionnelles. Les valeurs déontologiques au titre desquelles l’avocat peut être poursuivi sont analysées dans la troisième partie de l’article. Auparavant, nous étudions les pratiques et l’effectivité de la discipline.

3 – L’effectivité de la discipline des avocats

23La crédibilité d’une profession à offrir des services de qualité dépend non seulement de la visibilité des règles déontologiques, mais aussi de l’effectivité de la discipline [Canning et O’Dwyer, 2001]. Or la justice disciplinaire des avocats est régulièrement taxée de laxisme. Cette critique revient à remettre en cause les privilèges octroyés à la profession en échange d’une autorégulation effective des comportements déviants [Karpik, 1995 ; Abel, 2008]. Face à une telle critique, les instances professionnelles sont prisonnières d’un dilemme : vaut-il mieux exposer ou dissimuler ? [Núñez, 2007 ; Boisgeol et Bastard, 2013]. Faut-il exposer l’activité disciplinaire de la profession, dévoiler les affaires, et donner l’image d’une profession à la fois ferme et transparente, tant vis-à-vis du public que de ses membres ? Au contraire, ne vaut-il pas mieux étouffer les affaires afin de donner l’image d’une profession unie et loyale, dont les agissements de quelques-uns n’entachent pas la qualité globale ? Quelle est la meilleure solution pour être une profession réputée digne de confiance qui offre des services de qualité ?

24Selon Karpik [1995], même si les avis divergent au sein des avocats, la profession a plutôt opté pour la seconde solution. Nos données confirment-elles ce point de vue ? Pour répondre à cette question, nous cherchons à évaluer l’effectivité de la justice disciplinaire : à quelle fréquence les instances disciplinaires sont-elles saisies ? Sanctionnent-elles souvent, fortement et rapidement les membres fautifs ? Quels sont les effets concrets visibles de ces sanctions ? Cette évaluation souligne toute l’ambiguïté des informations sur la discipline professionnelle.

3.1 – Saisines, sanctions et délais : effectivité et accès au droit

25Une première estimation de l’activité disciplinaire consiste à rapporter le nombre de procédures engagées chaque année au nombre d’avocats des barreaux concernés. On obtient ainsi un « taux de saisine » annuel autour de 0,25 % pour le CRD (pour la période 2005-2012) et 0,37 % à Paris (pour la période 2009-2011). Ceci signifie, toutes choses égales par ailleurs, que chaque année 5 avocats sur 2 000 dans la région enquêtée, et moins de 4 avocats sur 1 000 à Paris font l’objet d’une instruction disciplinaire. La différence, non négligeable, entre les deux taux s’expliquerait, selon un ancien membre du conseil de l’ordre de Paris, par le fait que :

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« À Paris, on est plus vigilants […] notamment parce qu’on a les moyens de cette vigilance. »

27Toutes les affaires ne vont pas jusqu’à l’audience, comme celles évoquées précédemment concernant l’obligation de formation continue. De plus, les instances peuvent décider de renvoyer l’audience à une date ultérieure ; certaines affaires de notre échantillon n’ont ainsi pas (encore) d’issue. On peut alors évaluer un « taux de sanction » sur l’ensemble des affaires qui vont jusqu’au bout de la procédure. Ce taux s’élève à 0,15 % pour le CRD et 0,38 % à Paris [13]. Sachant, enfin, que 14 % des affaires de notre échantillon se soldent par une relaxe, et 3,5 % n’aboutissent pas pour cause de nullité de la procédure, on obtient au final des « taux de condamnation » annuels de 0,11 % pour le CRD et 0,36 % à Paris [14]. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, un avocat sur 1 000 dans la région enquêtée et moins de 4 sur 1 000 à Paris sont condamnés annuellement pour infraction déontologique.

28Ces taux peuvent apparaître particulièrement faibles [15]. Ils se prêtent en tout état de cause à des interprétations divergentes, au cœur du dilemme professionnel. Selon une première interprétation, le petit nombre d’affaires et de condamnations traduit les quelques cas qui ne peuvent pas être étouffés par la profession, car trop visibles – tel celui, très médiatique, de Karim Achaoui en 2010. Une faible activité disciplinaire serait alors la marque, en pratique, d’un faible accès au droit des justiciables. A contrario, une seconde interprétation analyse la faible activité disciplinaire comme le signe du peu d’infractions déontologiques des avocats, qui témoigne de la vigilance des instances professionnelles dont le contrôle exercé sur les membres garantit ex ante le respect de la déontologie.

29Au-delà de ces taux, on s’intéresse à la gravité des jugements rendus. Si le taux moyen de sanction peut en effet sembler faible, les peines disciplinaires prononcées ne le sont pas. Dans presque 70 % des cas, les avocats reconnus fautifs sont interdits d’exercice, au moins pendant un certain temps. La figure 1 détaille plus précisément les jugements des deux instances disciplinaires étudiées.

Figure 1

Peines disciplinaires prononcées (CRD, 2005-2012 ; conseil de discipline de Paris, 2011)

Figure 1

Peines disciplinaires prononcées (CRD, 2005-2012 ; conseil de discipline de Paris, 2011)

30Avertissements et blâmes forment à peine plus d’un cinquième des peines prononcées. Ces sanctions n’ont aucun effet particulier sur l’activité de l’avocat, mais constituent des précédents dont les pairs tiendront compte en cas de nouvelle poursuite [16]. En revanche, les peines les plus lourdes, qui sont aussi les plus fréquentes, modifient substantiellement l’activité de l’avocat condamné. La radiation le prive à jamais du droit d’exercer la profession. Si le CRD n’a pas radié d’avocat durant la période 2005-2012, on compte pas moins de sept radiations par an en moyenne à Paris. Le nom de l’avocat radié disparaît alors de la liste des avocats publiée annuellement par chaque barreau et accessible au public (le Tableau). S’il est condamné à une ITE (interdiction temporaire d’exercice), l’avocat n’est pas rayé du tableau, mais ne peut plus travailler. Son cabinet est géré par un confrère, nommé administrateur provisoire, pendant toute la durée de la peine. En moyenne sur notre échantillon, cette durée s’élève à un peu moins de 11 mois.

31La question des délais de jugement est également une question sensible pour l’ensemble des juridictions, et une composante essentielle de la problématique de l’accès au droit des justiciables. À cet égard, les délais impartis pour rendre une décision disciplinaire sont clairement précisés dans les textes. Une fois saisi, le conseil de discipline a en effet huit mois pour rendre son jugement, sous peine de nullité. Notre échantillon contient deux cas de nullité due au dépassement des délais. La procédure la plus courte fut de 34 jours, suite à la saisine du CRD par le procureur général à l’encontre d’un avocat tout juste condamné au pénal. En moyenne, le CRD a mis cinq mois pour rendre sa décision. La justice disciplinaire semble ainsi être rapide [17].

32Au final, nos données offriraient deux arguments à l’appui d’une effectivité réelle de la discipline : la gravité des peines disciplinaires auxquelles sont condamnés les avocats fautifs et la rapidité avec laquelle ces condamnations sont prononcées. De plus, nos entretiens font état du rôle essentiel joué par les bâtonniers en amont de la procédure disciplinaire pour désamorcer les conflits et réguler les comportements. En ce sens, une partie non négligeable de la régulation interne de la profession, empruntant des canaux informels, échapperait aux statistiques.

3.2 – Une justice informelle

3.2.1 – La face cachée du disciplinaire

33Le bâtonnier reçoit les plaintes des clients, des confrères et du Parquet concernant le comportement des membres de son barreau. Sa première fonction est alors de « ventiler » ces plaintes, en séparant celles qui portent sur les honoraires, celles qui relèvent des fautes professionnelles, et celles qui supposent des manquements à la déontologie. Seules ces dernières peuvent conduire à l’ouverture de poursuites disciplinaires. Les premières sont directement traitées par le bâtonnier, « juge des honoraires » en première instance. Les deuxièmes doivent trouver une issue soit transactionnelle, via les assurances souscrites par le barreau, soit devant la juridiction civile, où elles pourront donner lieu au versement de dommages et intérêts au plaignant.

34À Paris, la ventilation des affaires et leur traitement en première instance relèvent de services spécifiques. Le service des honoraires reçoit environ 3 000 plaintes par an. Rapporté au nombre d’avocats, le taux de plainte s’établit ici autour de 13 % – bien supérieur au taux de saisine de l’instance disciplinaire [18]. Le service de la déontologie, lui, traite environ 5 000 dossiers par an : 4 937 en 2013 selon le site internet du barreau de Paris [19] ; 5 090 en 2008 selon le Bulletin de l’ordre, dont « seuls 13,79 % d’entre eux, soit 703 dossiers, ont été ouverts sur des réclamations émanant de clients. Les autres dossiers ont été réglés entre avocats [20] ». Le taux de plainte annuel est ici de 22,6 % : plus d’un avocat sur quatre en moyenne fait l’objet d’une plainte pour infraction déontologique de la part d’un confrère, d’un client ou du Parquet. Seuls 4 sur 1 000, rappelons-le, seront formellement poursuivis en discipline.

35Le service de la déontologie est lui-même subdivisé en commissions spécialisées, dont la plupart concernent les rapports entre avocats ou avec les juridictions, comme la commission « Respect du contradictoire » (384 plaintes de confrères en 2008) ou celle sur l’exercice professionnel (2 056 dossiers). On comprend alors pourquoi nos données présentent peu d’affaires disciplinaires portant sur un problème d’honoraires (deux cas à Paris en 2011), les plaintes étant traitées par le service des honoraires, ou peu d’affaires portant sur le respect du principe du contradictoire (là aussi deux cas), les conflits étant réglés au sein de la commission dédiée.

36Les infractions déontologiques légères sont sanctionnées par une admonestation paternelle, définie comme « une simple remontrance que le bâtonnier est en droit d’adresser à un avocat pris en défaut sans condition de forme ou de procédure particulière [21] ». Ce n’est donc qu’après ventilation des plaintes et/ou au-delà d’un certain seuil de gravité d’infraction que le bâtonnier recourt au disciplinaire – ce qui expliquerait la multiplicité des griefs que nous observons dans les affaires de notre échantillon. La procédure disciplinaire est ainsi l’étape ultime d’un processus de gestion des plaintes concernant les comportements des avocats :

37

« Le service de déontologie est un moyen d’écrémer le disciplinaire. »
(Ancien membre du conseil de l’ordre de Paris)

38Bâtonnier et membres du conseil de l’ordre semblent consacrer une part importante de leur temps à cet « écrémage [22] ». La discipline est de ce fait en grande partie informelle, la procédure formelle enclenchée par la saisine du conseil de discipline étant la partie émergée de l’iceberg disciplinaire.

39Cet aspect informel de la discipline est ambivalent. Il peut, d’un côté, être interprété d’une façon positive, conduisant à relativiser la faiblesse des taux de saisine et de condamnation estimés précédemment. L’activité de l’ordre en amont de la procédure disciplinaire proprement dite paraît en effet avérée, et de nombreux avocats considèrent que l’ordre remplit ici sa mission :

40

« Oui, je pense qu’on punit suffisamment […] j’estime que les manquements des confrères en matière de respect de la déontologie, notamment entre confrères, ne doivent pas se traduire par des punitions, ils doivent se traduire par une prise de conscience que doit faire le bâtonnier […] c’est-à-dire que je préfère que mon bâtonnier arrive à convaincre un confrère qu’il ne faut pas continuer à se comporter de cette manière-là plutôt qu’il soit sanctionné d’un blâme ou d’une suspension. J’en ai rien à faire qu’il soit sanctionné d’un blâme ou d’une suspension. Ce qu’il faut c’est qu’il change et qu’il revienne dans les clous. »
(Ancien bâtonnier)

41D’un autre côté, une justice informelle pose la question des infractions qu’elle dissimule. Elle est alors interprétée d’autant plus négativement que son caractère informel s’étend à certains pans de la procédure disciplinaire formelle elle-même ou à ses effets, et qu’elle touche tout aussi bien le public que les membres de la profession elle-même.

3.2.2 – Informalité ou désinformation ?

42Depuis la réforme de 2004, les débats lors de l’audience du conseil de discipline sont a priori publics. Le huis clos peut cependant être justifié par la sauvegarde du secret professionnel ou le respect de la vie privée (un seul cas sur notre échantillon, à la demande d’un avocat poursuivi suite à sa condamnation en correctionnel pour violences conjugales). En principe, chacun peut donc assister à l’audience, ainsi qu’au prononcé du jugement. De plus, à titre de sanction accessoire, ce jugement peut exiger la publicité de la peine disciplinaire. Par exemple, la formation de jugement n° 4 du barreau de Paris a condamné un avocat en 2011 à une « interdiction d’exercice de la profession d’avocat pendant une durée d’un an. Publicité de la décision lorsque celle-ci sera passée en force de la chose jugée. » Presque 13 % des décisions de notre échantillon sont assorties d’une telle sanction accessoire – notamment toutes les radiations (sauf une), l’instance disciplinaire cherchant à leur donner une certaine visibilité.

43En pratique cependant, cette visibilité est toute relative. D’une part, aucun texte ne précise comment informer le public du lieu et de la date des audiences disciplinaires. De plus, une certaine liberté semble être prise avec les exigences de publicité :

44

« Non, non, on fait pas de communication pour signaler les débats. […] On n’affiche pas les sanctions, enfin si, quelquefois à l’étage, là, sur la porte… mais la plupart du temps on n’affiche pas. »
(Bâtonnier)

45En fait, tant que leur avocat n’est pas radié, les clients peuvent ne pas être informés d’une éventuelle sanction. D’une part, on l’a vu, blâmes et avertissements n’ont pas d’effet. De plus, l’ITE est bien souvent assortie du sursis ; elle n’est alors pas exécutée dans l’immédiat [23]. Dans notre échantillon, les trois quarts des condamnations à une ITE s’accompagnent ainsi d’un sursis au moins partiel de la peine, et la majorité d’un sursis total (tableau 1). La condamnation est alors invisible pour la clientèle.

Tableau 1

Modalités d’ITE dans notre échantillon

Tableau 1
ITE (sur l’ensemble des peines prononcées) 69 % Sur l’ensemble des ITE : ITE assortie du sursis 76 % ITE assortie d’un sursis total 58 %

Modalités d’ITE dans notre échantillon

46D’autre part, même si l’avocat est fermement condamné à une ITE, il est tout à fait possible que certains clients ne s’en rendent pas compte, puisque les activités du cabinet sont maintenues sous la direction d’un confrère :

47

« Le client appelle, il verra l’administrateur provisoire qui lui dira que Me X ne peut pas le recevoir avant dans trois mois par exemple, sans forcément s’étendre sur la raison de cette absence. »
(Bâtonnier)

48À Paris, l’ordre publie un bulletin accessible au public, qui annonce régulièrement l’ouverture de poursuites disciplinaires. Karpik [1995] dénonçait le caractère elliptique de ces annonces, mais celles-ci ont été rendues un peu plus transparentes aujourd’hui. On peut ainsi lire dans le Bulletin du 4 février 2014 que « le 28 janvier, l’autorité de poursuite a engagé des procédures disciplinaires […] pour les motifs suivants : […] Non-respect des règles interdisant la prise de contact avec la partie adverse lorsque cette dernière se trouve régulièrement représentée par un conseil dont l’identité est connue [24]. » Cependant, ces annonces sont totalement anonymisées. Au final, si le public peut constater qu’il y a bien une certaine activité disciplinaire au sein du barreau, il n’est toutefois informé ni des audiences, ni des jugements – même ceux exigeant leur propre publicité –, ni de la condamnation de leur propre avocat, même à une peine relativement lourde.

49Cette opacité s’étend bien souvent aux membres de la profession eux-mêmes. L’ordre du barreau de Paris a récemment mis en ligne pour ses membres une « base déontologique professionnelle » recueillant les décisions disciplinaires – sans que l’on sache, toutefois, si le recueil est systématique. Certes, « la connaissance des décisions disciplinaires ne peut être qu’un progrès au plan de la prévention » [Avril, 2008, p. 275]. Cependant, la publication étant anonyme, le caractère dissuasif de la publication est loin d’être certain. En outre, il n’existe aucun recensement centralisé des radiations, ce qui octroie la possibilité à certains avocats frauduleux de s’inscrire au Tableau d’un barreau éloigné de celui dont ils ont été radiés [25]. Le tableau dépeint par Karpik [1995, p. 343-344] a finalement peu changé : « Si tout avocat est à la merci de la plainte d’un client ou d’un confrère, si l’intervention de l’ordre est redoutée, si d’ailleurs le recours aux peines les plus graves n’est nullement exceptionnel, la pratique disciplinaire, qui ne se présente publiquement que sous une forme éclatée, partielle, reste opaque et fait l’objet d’une interrogation collective inquiète. »

4 – Discipline et collégialité de la profession

50Le contrôle des comportements des membres de la profession est donc en large part informel, et se déroule avant la procédure disciplinaire formelle. Quelles sont les infractions qu’il n’a pas été possible de gérer en amont et qui ont requis la saisine de l’instance disciplinaire ? Nous nous interrogeons dans cette partie sur les motifs des poursuites disciplinaires.

51Ces motifs sont étudiés en rapprochant les comportements reprochés aux avocats poursuivis et les valeurs déontologiques violées. L’accès aux dossiers du CRD permet de restituer les faits à l’origine des poursuites et de les associer aux manquements visés par l’acte de saisine ou par le jugement. Pour les affaires parisiennes, en revanche, l’information n’a pu être reconstituée que partiellement, en reliant les statistiques fournies aux annonces disciplinaires publiées au Bulletin de l’ordre. Celles-ci exposent en effet les valeurs et les comportements visés par la décision disciplinaire. Manque ainsi « à la délicatesse et à la modération, l’avocat pénalement condamné pour avoir conduit un véhicule en état d’ivresse » – manquements pour lesquels, selon les données recueillies, il est sanctionné en 2011 d’un avertissement [26].

52Délicatesse et modération sont deux des 16 obligations déontologiques encadrant l’activité de l’avocat, dont la discipline sanctionne la violation. Issues de son serment, elles sont énumérées à l’article 1 du RIN de la profession : « L’avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d’honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie. Il fait preuve, à l’égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence. » En associant chaque affaire aux manquements déontologiques poursuivis (la majorité des affaires étant caractérisée, on l’a vu, par une multiplicité de griefs), nous avons pu établir le tableau 2.

Tableau 2

Fréquence des manquements déontologiques poursuivis

Tableau 2
Dévouement 1,9 % Compétence 3,8 % Humanité 3,8 % Désintéressement 5,8 % Conscience 5,8 % Indépendance 7,7 % Modération 9,6 % Prudence 9,6 % Diligence 13,5 % Dignité 15,4 % Courtoisie 19,2 % Loyauté 21,2 % Confraternité 28,8 % Probité 34,6 % Honneur 42,3 % Délicatesse 50 %

Fréquence des manquements déontologiques poursuivis

4.1 – La discipline : un rappel de la collégialité de la profession

53Le désintéressement a longtemps porté l’idéologie de la profession [Boigeol, 1981]. C’est aujourd’hui l’indépendance qui est plus fortement affirmée ; 34 % des avocats la considèrent comme étant le principe essentiel de la profession [Favereau et al., 2013]. Pourtant, l’un et l’autre concernent peu d’affaires disciplinaires. Étant considérés comme essentiels et donc abondamment discutés et documentés, ces principes sont-ils plus intériorisés par les avocats que les autres obligations qui leur incombent ? Une autre explication serait que la violation de ces principes n’est pas moins fréquente que celle des autres valeurs, mais que ce n’est pas ce type d’infraction que les pairs sanctionnent. Autrement dit, nous interprétons les manquements les plus fréquemment poursuivis comme révélant les règles les plus valorisées par la profession, définissant de la sorte les comportements jugés inacceptables en son sein.

54À cet égard, Raguin [1972, p. 181] note : « Une revue de la jurisprudence disciplinaire, telle que l’exposent les manuels et traités professionnels, montre que les sanctions concernent plus l’honorabilité de l’avocat et ses rapports respectueux avec ses confrères et les magistrats, que le désintéressement et l’indépendance dans la vie quotidienne de l’avocat. Il s’agit surtout de ne pas mettre en cause l’honneur de l’ordre. » On observe en effet que les jugements disciplinaires recueillis sanctionnent le plus souvent la violation d’obligations déontologiques tournées vers la profession elle-même. Les poursuites pour infractions à la délicatesse, à l’honneur, à la probité et à la confraternité sont ainsi notablement plus fréquentes (tableau 2). Ces valeurs n’encadrent pas directement la prestation au client, mais soutiennent l’image et le bon fonctionnement interne de la profession. Ainsi, la délicatesse est au cœur des rapports de l’avocat avec ses confrères : ne pas répondre aux sollicitations de son bâtonnier, régler avec retard la rétrocession d’un collaborateur ou ne pas restituer tous ses dossiers à un ancien associé sont des comportements condamnés pour défaut de délicatesse. « Même à l’extérieur de son cabinet, indépendamment d’anciens associés ou de collaborateurs, l’avocat doit agir avec une délicatesse constante », souligne Avril [2008, p. 210]. Les conduites hors-la-loi condamnées au pénal (agression, violences conjugales, vol, conduite en état d’ivresse, etc.) constituent, elles, une infraction à l’honneur, qui ternit l’image de la profession. La probité encadre l’ensemble des opérations pécuniaires réalisées par l’avocat. En disciplinaire, elle concerne peu de cas d’honoraires avec la clientèle – ceux-ci étant directement traités par le bâtonnier (cf. supra). La probité est donc principalement invoquée dans les rapports avec l’ordre et les autres instances professionnelles (cotisations diverses, paiement des droits de plaidoirie, maniements de fonds, etc.). La confraternité, enfin, caractérise la politesse et les égards que doivent entretenir les avocats entre eux, étant donné qu’ils sont membres égaux du même ordre.

55La discipline sanctionne ainsi plus fréquemment les manquements aux obligations de délicatesse, honneur, probité et confraternité que ceux concernant l’indépendance, le désintéressement, ou encore la compétence et le dévouement. Autrement dit, la discipline condamne avant tout le non-respect des règles de la « collégialité » [Lazega, 1992 ; Karpik, 1995], qui soutiennent les bonnes mœurs et la cohésion de la profession. Elle défend nettement moins souvent les valeurs encadrant directement le comportement de l’avocat dans sa prestation de service au client. Alors que les avocats présentent la déontologie comme un ensemble contraignant de règles destiné à assurer la qualité du service juridique, ils contrôlent en fait, au travers de la discipline, le respect des valeurs orientées non pas vers le client, mais vers la profession elle-même.

4.2 – Des valeurs individuelles davantage sanctionnées en responsabilité civile

56Les devoirs envers les clients reposent, comme le rappelle le RIN, sur la compétence, le dévouement, la diligence et la prudence. Ces valeurs déontologiques relèvent aussi, en grande partie, de la responsabilité civile. Manquer à l’une ou l’autre qualifie en effet un comportement opportuniste de l’avocat ayant un impact direct sur la qualité du service juridique. Le client est alors fondé à réclamer des dommages et intérêts.

57La cour d’appel dont relève le CRD enquêté a connu légèrement plus de deux fois plus de fautes professionnelles que de poursuites disciplinaires sur la période 2007-2011 (figure 2) [27]. La principale plainte de la clientèle concerne le devoir de conseil ; elle concerne à elle seule 27 % des cas de responsabilité professionnelle. On observe que les défauts de diligence et de prudence représentent le même nombre de cas. Ces comportements constituent des fautes professionnelles ouvrant droit à compensation, mais ils n’ont pas donné lieu à l’ouverture d’actions en discipline, bien qu’ils constituent autant d’infractions déontologiques. L’instance disciplinaire sanctionne peu ces comportements en pratique, suggérant que se conduire de manière déontologique ne signifie pas tant être compétent et dévoué à son client mais, avant tout, avoir une conduite honorable et collégiale.

Figure 2

Répartition par cause des affaires relevant des assurances professionnelles (cour d’appel enquêtée, 2007-2011)

Figure 2

Répartition par cause des affaires relevant des assurances professionnelles (cour d’appel enquêtée, 2007-2011)

5 – Conclusion : déontologie et discipline professionnelles face à la logique marchande

58Cette dualité de la profession qui, d’un côté, insiste largement sur les avantages de sa déontologie pour le client mais dont la discipline, de l’autre côté, sanctionne principalement les infractions à la collégialité, peut s’expliquer selon nous par l’intérêt qu’y trouve la profession dans son positionnement sur le marché du droit. Cet intérêt est d’autant plus prégnant que la logique de marché s’impose de plus en plus à la profession depuis quelques décennies sous l’influence croissante de la doctrine libérale [Favereau et al., 2009a, 2009b ; Harnay et al., 2013].

59Dans la lutte permanente autour des frontières des compétences professionnelles [Abott, 1988], les avocats rencontrent aujourd’hui une concurrence particulièrement forte de la part des autres professions du droit et du chiffre [Jamin, 2012]. Ils brandissent alors leur déontologie comme la garantie d’une qualité de service supérieure à celles des autres professionnels, qui ne s’obligent pas à respecter les mêmes règles. Ce discours participe d’un processus de singularisation [Karpik, 2007] destiné à « constituer un atout essentiel face à une concurrence accrue sur des services juridiques de plus en plus largement diversifiés » [de Lamaze et Pujalte, 2009, p. 26].

60Parallèlement à ce discours, notre analyse montre que les pratiques disciplinaires sont principalement orientées vers le respect des valeurs collégiales. Dans une perspective socio-économique, celles-ci participent de la définition du groupe, alors qu’il est exposé à une concurrence interne croissante, renforcée par le développement du modèle de la law firm, l’émergence de cabinets internationaux opérant à l’échelle mondiale et le mouvement de globalisation des services juridiques [Dezalay, 1992 ; Garoupa, 2014]. Les avocats sont toujours plus nombreux, spécialisés et donc divers [Barszcz, 2012 ; Favereau et al., 2013]. Comme l’observe Karpik [2003, p. 208], « la différenciation fait son œuvre : elle provoque l’hétérogénéité croissante des connaissances, des pratiques, des intérêts, des idéologies et des visées ». Dans ce contexte, le rappel disciplinaire des valeurs collégiales constitue selon nous un vecteur d’unité puissant de la profession. Ces valeurs s’appliquent en effet aux avocats uniformément, formant un ciment identitaire commun aux différents segments de la profession. En d’autres termes, la justice disciplinaire pourrait contribuer aujourd’hui à maintenir l’intérêt collectif d’une profession marquée par une différenciation croissante.

61Le secret de la part de la profession sur ses affaires disciplinaires fait alors question. Notre analyse a mis en évidence toute l’ambiguïté de la communication disciplinaire, au cœur du « dilemme professionnel ». Elle a souligné l’informalité d’une large part de la justice disciplinaire – dont seule la procédure formelle offre une certaine visibilité – voire son opacité – comme en témoignent nos difficultés importantes d’accès aux données. Cette opacité apparaît aujourd’hui relativement contre-productive, tant face à l’accélération de la différenciation interne de la profession que face aux fortes critiques d’inspiration libérale de leur indépendance dont font aujourd’hui l’objet les professions réglementées.

Notes

  • [1]
    Le CNB (Conseil national des barreaux), créé en 1990 afin de représenter la profession auprès des pouvoirs publics, a d’abord été chargé de « veiller à l’harmonisation » des règles et usages des différents ordres locaux (1990), puis de les « unifier » (2004), arrêtant alors le RIN, repris dans le décret du 24 mai 2005 relatif à la discipline de la profession.
  • [2]
    Les avocats produisent des services « juridiques », dans le cadre de leur activité de conseil, et des services « judiciaires », dans le cadre de leur activité contentieuse. Pour simplifier, nous utilisons le terme de « service juridique » pour désigner l’ensemble de ces services.
  • [3]
    Tous les sites internet des barreaux rappellent ainsi les devoirs de l’avocat. Celui du barreau de Marseille, par exemple, mentionne que « [l]’avocat est aussi astreint au respect d’un code de déontologie stricte consacré par la loi et le règlement » ; celui d’Agen explique que le respect du secret professionnel « garantit à tout citoyen l’absence d’ingérence des pouvoirs publics dans sa défense, et ce quoi qu’il ait pu faire. C’est une garantie majeure dans un État de droit » ; celui de Lille précise que « [l]a déontologie n’est pas l’organisation de la défense d’une profession face à ses clients, ni l’expression d’un corporatisme », etc. Les règles déontologiques figurent aussi sur de nombreux sites internet de cabinets.
  • [4]
    Nous avons mené huit entretiens auprès de cinq bâtonniers et anciens bâtonniers (dont deux anciens présidents du CRD), de deux anciens membres du conseil de l’ordre de Paris ayant œuvré, respectivement, au service de l’arbitrage et des honoraires et au service disciplinaire, ainsi qu’auprès du secrétariat d’un conseil de discipline. En partie informatifs, ces entretiens avaient aussi pour but de comprendre les enjeux de la discipline dans la profession. Nous avons également assisté à la dernière audience du CRD avant sa fermeture à l’été 2012.
  • [5]
    À notre connaissance, la seule étude empirique (non publiée) réalisée sur le même sujet est celle de Boigeol et Bastard [2013], à partir d’un échantillon de 103 décisions disciplinaires du barreau de Paris sur trois années (2002, 2005 et 2008), publiées au Bulletin officiel de l’ordre des avocats de Paris. Notre travail diffère substantiellement de cette étude, car nous avons obtenu toutes les décisions du barreau de Paris sur trois années consécutives et, surtout, l’intégralité des dossiers des affaires disciplinaires au niveau d’une cour d’appel, nous offrant des informations détaillées.
  • [6]
    La France compte 36 cours d’appel, dont la moitié comprend moins de 550 avocats. Seules 10 comptent plus de 1 000 avocats (http://www.justice.gouv.fr/art_pix/1_1_commentaires2012.pdf). La cour d’appel nous ayant ouvert les portes de son CRD est donc une « grande » cour. Les conditions strictes d’anonymat sous lesquelles nous avons été autorisées à consulter les dossiers ne nous permettent pas de spécifier exactement le nombre d’affaires traitées par le CRD ni sa localisation. Ces contraintes expliquent aussi pourquoi, tant que la taille de notre échantillon n’augmente pas de manière substantielle (grâce à l’accès aux dossiers d’autres conseils), nous ne pouvons proposer beaucoup plus d’informations que celles contenues dans cet article.
  • [7]
    Nous n’avons aucune donnée relative à la structure d’exercice des avocats poursuivis. On peut s’attendre à ce qu’ils exercent en individuel ou dans de très petites structures. Lazega [2001] montre en effet que la collégialité pratiquée au sein des grandes structures fonde une discipline sociale où les membres se surveillent mutuellement – ce qui réduit la probabilité de recourir à la justice disciplinaire.
  • [8]
    Le conseil de l’ordre et son bâtonnier étaient responsables de toute la procédure disciplinaire, dès lors soupçonnée de partialité, compte tenu des risques élevés de proximité avec les avocats poursuivis. Plus de la moitié des 161 barreaux français comptent en effet moins de 100 avocats.
  • [9]
    Ajoutons que l’instruction est contradictoire (l’avocat poursuivi est obligatoirement convoqué par le rapporteur) et que l’audience et la décision du conseil de discipline sont publiques, ce qui rend la discipline de l’advocature « équitable », « indépendante », « publique » et « contradictoire », conformément aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme.
  • [10]
    Décision du Conseil constitutionnel du 29 septembre 2011.
  • [11]
    Le rapport Darrois [2009] propose que le ou les plaignants soient auditionnés lors de l’instruction et entendus lors de l’audience, propositions soumises à la concertation de la profession. Il écarte toutefois la possibilité d’une saisine directe du conseil de discipline (alors que cette possibilité existe depuis 2002 dans certaines professions médicales), car « de nombreuses plaintes sont infondées et des saisines directes auraient pour principal effet l’engorgement des conseils, et donc leur inefficacité » [p. 44].
  • [12]
    Inversement, l’avocat peut être sanctionné par une peine disciplinaire sans pour autant avoir commis une faute professionnelle (cf. partie 3).
  • [13]
    Il inclut des décisions prises suite à des saisines antérieures à 2009. De plus, sans l’accès aux dossiers parisiens, nous n’avons pas pu reconstituer toutes les affaires ; certaines poursuites abandonnées n’apparaissent probablement pas dans les statistiques fournies.
  • [14]
    Dans notre échantillon, une condamnation sur quatre a fait ou fait encore aujourd’hui l’objet d’un recours auprès de la cour d’appel, dans 95 % des cas formé par l’avocat poursuivi. Pour les affaires achevées, on observe que la condamnation est confirmée dans 70 % des cas, ce qui pourrait corroborer l’idée d’une certaine effectivité de la discipline.
  • [15]
    À titre de comparaison, le taux de saisine annuel des instances disciplinaires de la magistrature s’élève à 0,79 % (http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/sites/all/themes/csm/rapports/CSM_Rapport2011.pdf) et celui de l’ordre des médecins des Pays de la Loire à 0,5 % par an (http://www.pays-de-la-loire.ordre.medecin.fr/node/4919). L’organisation de la discipline diffère toutefois d’une profession à l’autre.
  • [16]
    Les sanctions disciplinaires sont en effet établies au cas par cas, et la lourdeur de la peine dépend certes de l’ampleur et la nature de la faute commise, mais aussi des antécédents disciplinaires de l’avocat. C’est pourquoi il n’est pas possible de relier systématiquement les faits reprochés et la sanction prononcée. Par exemple, sur deux avocats poursuivis en 2011 pour les mêmes faits (publicité illicite), l’un fut sanctionné par un avertissement, l’autre condamné à 36 mois d’interdiction d’exercice. C’était la quatrième fois que ce dernier était poursuivi en discipline – à la cinquième, fin 2011, il sera d’ailleurs radié du barreau.
  • [17]
    En 2010, la durée moyenne de traitement d’une affaire en TGI était de 7,1 mois et de 9,3 mois pour les procédures du fond (http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_annuaire_2011-2012.pdf). Magendie [2004] estime la durée moyenne d’instruction au pénal à 19,6 mois.
  • [18]
    D’après les informations obtenues lors de nos entretiens, 70 % de ces plaintes apparaissent fondées et donnent lieu à une décision du bâtonnier. Dans la moitié des cas, celui-ci fixe un nouvel honoraire, 20 % des affaires aboutissent à une restitution par l’avocat de tout ou partie des honoraires versés par son client, et dans les 30 % restants, le demandeur est débouté.
  • [19]
    http://www.avocatparis.org/avocats/services-de-lordre/service-de-la-deontologie.html
  • [20]
    Bulletin de l’ordre, n° 33, 30 septembre 2008, p. 319.
  • [21]
    Cassation, 1re ch. civ., 16 mai 2012.
  • [22]
    Le barreau de Paris évalue ainsi le travail effectué par chaque membre et ancien membre du conseil de l’ordre à 58 heures par mois [Bulletin de l’ordre, n° 33, 30 septembre 2008, p. 319].
  • [23]
    Elle ne sera exécutée que si l’avocat est de nouveau sanctionné disciplinairement dans les cinq ans.
  • [24]
    À titre de comparaison, on apprenait dans le Bulletin du 1er février 2011 que « le 11 janvier, l’autorité de poursuite a engagé des procédures disciplinaires pour […] non-respect des dispositions de l’article 12.0.2 du Règlement intérieur du barreau de Paris et de l’article 10, § 4 et 5, de l’annexe n° 1 à l’article 12 du même Règlement intérieur », sans aucune restitution des faits pour lesquels l’avocat était poursuivi.
  • [25]
    Boigeol et Bastard [2013] mentionnent ainsi la radiation d’un avocat du barreau de Paris en 2002 suite à la « dissimulation de sa radiation dans un autre barreau ».
  • [26]
    Cette troisième partie porte donc sur 52 cas (deux tiers des cas du CRD et 40 % de ceux de Paris en 2011).
  • [27]
    Ces statistiques nous ont été fournies par la Société de courtage des barreaux, principal courtier des ordres régionaux en assurance professionnelle.
Français

Cet article présente la première étude empirique sur données françaises de la justice disciplinaire au sein de la profession d’avocat. Celle-ci sanctionne le respect par les avocats de leurs obligations déontologiques. Nous mettons en évidence l’ambiguïté d’une telle justice, soumise au « dilemme professionnel » : vaut-il mieux exposer ou dissimuler les infractions ? Nous soulignons de plus la persistance d’une logique collégiale sur un marché du droit où la logique marchande s’impose de façon croissante.

Mots-clés

  • profession
  • discipline
  • déontologie
  • avocat
  • services juridiques

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Camille Chaserant
EDEHN, Université du Havre
Sophie Harnay
BETA et EconomiX CNRS, Université de Lorraine
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Mis en ligne sur Cairn.info le 25/02/2016
https://doi.org/10.3917/rfse.016.0119
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