1 – Introduction
1Si l’on admet qu’une condition et une dimension fondamentale du développement est le lien social, la qualité relationnelle à l’intérieur d’une société, comment apprécier les responsabilités des entreprises à cet égard ? Une première objection, massive, consiste à souligner que les entreprises ont pour mission de fournir des biens et services (supposés utiles) et que ce sont les acteurs publics qui ont en charge la régulation des institutions afin de promouvoir un lien social de qualité. Une distinction forte a d’ailleurs été faite par un certain nombre de penseurs, comme Hannah Arendt [1958], entre la sphère politique, concernée par les enjeux du monde commun à bâtir, et la sphère économique, concernée par les questions relatives aux besoins de base, de nature non politique. Dans la ligne d’analyses critiques de cette dichotomie entre l’économique et le politique [Sennett, 2010 ; Disselkamp, Sobel, 2011 ; Ferreras, 2012], la perspective de philosophie politique, pratique ici défendue, consiste à souligner que les enjeux économiques sont des enjeux politiques et à montrer les impasses auxquelles conduit une perspective sur l’entreprise qui la réduit à une organisation économique mue par une rationalité gestionnaire. Cette conception est étroitement liée à la pensée dominante sur la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) qui raisonne à l’intérieur du paradigme néoclassique. Le présent article définit une responsabilité politique de l’entreprise au service de la maximisation du lien social et écologique. Il s’agit d’étudier les modèles économiques au prisme des principes d’une « éco-justice », qui sous-tend une telle responsabilité politique de l’entreprise [Renouard, 2014a]. Une confirmation empirique de la perspective normative non idéale ici présentée est fournie par les résultats d’enquêtes menées depuis dix ans dans des zones touchées par l’activité pétrolière dans le delta du Niger, au Nigeria.
2Dans un premier temps, la littérature sur le lien social comme capital social est mise en parallèle avec les façons dont les pratiques relatives à la RSE, à l’éthique des affaires et au développement durable ont été élaborées. Leur trait commun est une conception instrumentale, qui puise ses origines dans les courants de pensée à la fois utilitariste et contractualiste. Nous montrons en particulier comment la conception dominante de la RSE, telle qu’elle est mise en œuvre par le secteur extractif, loin d’atténuer les effets sociétaux négatifs de l’activité économique, contribue à accentuer la détérioration du lien social. Dans un deuxième moment, nous nous intéresserons aux conditions d’une contribution des entreprises au lien social et écologique. Les principes d’une éco-justice sont définis et appliqués aux entreprises, en particulier au cas du secteur pétrolier au Nigeria.
2 – Le capital social et la RSE, moyen ou fin ?
3La notion de capital social est la façon privilégiée dont à la fois le champ académique et les acteurs économiques, en particulier les agences internationales (comme la Banque mondiale et le PNUD), ont traité des enjeux relatifs au lien social et de son importance pour la croissance économique. Cette littérature a vu une expansion forte ces trente dernières années, depuis la définition par Pierre Bourdieu, en 1980, du capital social comme « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’inter-reconnaissance ». La perspective développée par le sociologue tend à souligner les bénéfices et profits tirés par un individu de sa participation à un groupe, qui « sont au fondement de la solidarité qui les rend possibles » [Bourdieu, 1980, p. 2]. Ces différents groupes d’appartenance se caractérisent par une forte homogénéité ; Bourdieu file la métaphore financière, en l’élargissant du capital financier au capital social et au capital culturel pour insister sur leur rendement d’autant plus important que leur valeur est élevée (liée par exemple au fait d’appartenir à une famille de « grand nom »).
2.1 – La double face du capital social
4Dans les pays anglo-saxons, c’est Coleman qui contribue à faire émerger cette notion, reprise et popularisée ensuite par Putnam [1993, 2000]. Coleman souligne que le capital social est l’effet positif de la fermeture sociale, celle-ci étant source de liens assurant une cohésion sociale au sein d’un groupe ; il s’agit donc de promouvoir un tel environnement qui facilite la confiance et la coopération entre acteurs [Coleman, 1988, 1990]. Coleman et Bourdieu considèrent l’un et l’autre le capital social comme des ressources relationnelles qui peuvent être accumulées tout au long de la vie à travers différents investissements sociaux et donner accès à différents biens et opportunités.
5À propos du lien qui existe entre le capital social et le capital économique et culturel, Bourdieu montre comment le capital social est souvent accru par l’appartenance à un milieu socioculturel privilégié et par l’étendue des réseaux et biens possédés par les membres. De ce point de vue, la théorie du capital social souligne le rôle instrumental de celui-ci vis-à-vis de la croissance économique. Cette perspective est fortement accentuée par Burt [1992] à travers la théorie des trous structuraux : dans nos sociétés en réseaux, un individu réussit financièrement s’il est capable de repérer des trous, des « niches » dans les réseaux qui constituent la vie sociale, et de les combler par une activité économique adaptée.
6De façon convergente, Luc Boltanski et Ève Chiapello [1999] caractérisent les sociétés capitalistes contemporaines comme marquées par le passage d’un management hiérarchique à une évaluation par les pairs, au sein de sociétés de plus en plus horizontales, en réseaux, où les gagnants sont les personnes mobiles et connectées. L’analyse de Boltanski et Chiapello met en évidence une double figure qui correspond selon nous à une double compréhension du capital social : le faiseur de liens et le mailleur. Le faiseur est celui qui utilise les trous structuraux à son profit personnel, de façon exclusivement privée, comme un avantage compétitif, sans s’intéresser au tissu social en tant que tel ; le mailleur est celui dont l’activité contribue à créer du lien social, de façon coopérative, sans se rendre indispensable au maintien des relations qu’il a suscitées.
7Ce deuxième versant, centré sur la qualité du lien social, apparaît dans une partie de la littérature sur le capital social, notamment dans les analyses de Putnam [2000] : les enquêtes menées par ce dernier aux États-Unis montrent qu’une détérioration du capital social, une baisse de la participation des citoyens à des groupes, compromettent la vie démocratique et ont des effets négatifs sur la croissance économique.
8De façon générale, la littérature sur le capital social mobilisée par les institutions internationales définit celui-ci de façon très floue [Méda, 2002]. L’aspect principal, qui est aussi celui des économistes contemporains mettant l’accent sur cette notion [Algan, Cahuc, 2014], est relatif à la confiance, dans sa dimension instrumentale [Fukuyama, 1995 ; Guiso et al., 2004]. Les travaux mentionnés par ces chercheurs indiquent que les sociétés dont le niveau de confiance interpersonnelle généralisée est bas sont des sociétés dans lesquelles la croissance économique est en panne. Notons une difficulté importante de ces études : elles reposent sur des questions extrêmement larges comme celle de la confiance généralisée envers les autres, sans distinction entre la confiance envers les proches, les personnes connues et des inconnus…
9Nous voulons mettre en évidence la valeur intrinsèque et pas seulement instrumentale de la qualité relationnelle. À cet égard, notre perspective rejoint celle de Coleman quand il souligne que l’un des aspects par lesquels le capital social se distingue d’autres capitaux est son statut de bien public [Coleman, 1988, p. 119]. Il s’agit donc de reconnaître que sa dimension instrumentale est seconde par rapport à sa valeur intrinsèque, ou qu’à tout le moins cette dernière ne peut être écartée d’un projet de développement économique et social. Plusieurs études montrent la valeur intrinsèque qu’accordent des personnes à la coopération, indépendamment de toute incitation ou motivation économique [Bowles, Polania-Reyes, 2012 ; Kahneman, Tversky, 2011]. Il s’agit dans cette perspective de favoriser le lien social de qualité non pas seulement parce que c’est une condition de la réussite économique, mais aussi parce que c’est une donnée fondamentale du vivre-ensemble.
10Notre propos se situe dans la ligne des approches en philosophie politique pratique qui opèrent un va-et-vient entre une conception normative sur les fins – relatives à la personne humaine et au vivre-ensemble – et une analyse des moyens concrets de les réaliser dans la diversité des contextes des sociétés humaines. Une telle théorie non idéale justifie à la fois le recours à une analyse critique du fonctionnement social en référence à ces fins, à des valeurs et droits réels fondamentaux défendus comme constituant des conditions d’une vie digne, et la mobilisation de connaissances tirées de différentes disciplines (économie, science politique, sociologie, etc.) en vue de soumettre ces analyses théoriques à l’épreuve des faits, d’interpréter ces derniers et de favoriser des chemins de transformation effective des sociétés.
2.2 – Les limites de la conception instrumentale de la RSE : éléments théoriques
11Il apparaît que la façon dont la RSE a été promue dans la théorie et la pratique du management des entreprises relève d’une conception instrumentale privative qui fait le jeu de la première face du capital social (dans la ligne de Bourdieu) et non pas de son verso, son statut de bien public. Dès lors, les programmes liés à la RSE peuvent contribuer non pas à une amélioration de la cohésion sociale, mais à l’inverse, à un renforcement d’identités particulières au service de l’enrichissement de quelques-uns. Il en résulte – c’est la thèse que les pages qui suivent veulent étayer – que les perspectives centrées sur l’intérêt bien compris des acteurs économiques sont mises en défaut par le recours à une conception seulement instrumentale et relative du capital social, et doivent donc s’ouvrir à la reconnaissance de l’objectif prioritaire de la qualité du lien social comme, alors seulement, condition du succès de l’activité économique. Révolution copernicienne ?
12De façon théorique, la RSE est liée à une conception instrumentale de l’éthique et du développement durable typique de l’ethos libéral [Renouard, 2007, 2014b ; Salmon, 2009]. Une analyse des sources morales de la RSE permet de montrer comment la conception utilitariste héritée de Bentham [1815] argumente en faveur d’une contribution quasi mécanique des intérêts privés à l’intérêt général, par un mécanisme peu différent de la main invisible d’Adam Smith [1776, p. 42-43]. Il s’agit d’une approche gagnant-gagnant qui consiste à promouvoir un comportement éthique et des engagements sociaux et environnementaux dans la mesure où ils contribuent à la profitabilité accrue de l’entreprise. Les garde-fous réglementaires visent à assurer le respect de normes, mais la possibilité d’une tension, voire d’une contradiction entre objectifs, est passée sous silence. Il en découle une très grande fragilité de ces programmes – menacés d’être laissés de côté si la performance financière n’est pas au rendez-vous. Par ailleurs, la valeur intrinsèque du lien social n’est pas prise en compte. Cette difficulté est renforcée par la façon dont une autre source morale de la pensée libérale, le contractualisme, conçoit les conditions d’un vivre-ensemble durable : topique est la perspective de Rawls [1971], lui-même critique de la dimension sacrificielle de l’utilitarisme. En réalité, la conception du contrat social définie par le philosophe comme coopération pour un avantage mutuel conduit également à laisser de côté ceux qui n’ont pas les mêmes capacités et ne sont également libres et rationnels dans la société [Nussbaum, 2006]. Notons que Rawls ne prend pas non plus en compte les rapports de force entre États à l’échelle internationale, pas plus qu’il ne considère les enjeux relatifs au milieu naturel et les éventuels droits de la nature, ni – ou de façon très limitée – les générations futures. Pour ce qui nous concerne ici, retenons que les principes de la justice rawlsiens sont adossés à une conception instrumentale de la coopération qui ne garantit pas le respect de chaque membre de la société ni ne recherche des relations de qualité entre tous.
2.3 – Les limites de la conception instrumentale de la RSE : vérification empirique
13Le cas de l’exploitation pétrolière dans le delta du Niger est à cet égard paradigmatique des problèmes engendrés par la contribution des multinationales à des économies de rente [Frynas, 2009]. La détérioration du lien social peut être mesurée de différentes manières. Un indicateur est l’aggravation du nombre de kidnappings, d’actes violents et de meurtres. La guerre du Biafra (1967-1970) fut largement due à la présence de l’or noir dans le sous-sol nigérian et à des revendications concurrentes sur la maîtrise de cette ressource. Dans les années 1990, la pendaison de Ken Saro-Wiwa et d’autres activistes du mouvement autonomiste non violent des Ogonis a mis en évidence les collusions entre intérêts des compagnies pétrolières internationales (Shell en l’occurrence) et de l’État. Shell, accusé de complicité au moins passive à l’égard des violations des droits humains dans sa sphère d’influence, a reconnu quinze ans plus tard porter une responsabilité à l’égard du non-développement du delta du Niger. À partir de ces années 1990, d’abord sous la dictature d’Abacha, puis sous les différents mandats de présidents démocratiquement élus [Bach, 2006], les compagnies pétrolières ont fortement augmenté les montants et le contenu de leur engagement sociétal, leur discours et leurs plans d’action étant menés en référence à l’émergence d’un discours en faveur de la RSE et du développement durable. Le discours officiel consiste à invoquer le passage de pratiques clientélistes et assistancialistes à une contribution au développement pérenne des communautés [Renouard, 2007]. Des efforts ont été fournis pour arrêter les paiements en nature face aux doléances des habitants (« no cash payment »), pour stopper le versement de salaires à des employés fictifs (« no work no pay »), pour favoriser des décisions conjointes entre entreprises et communautés locales (dans le cadre de Memoranda of Understanding – MoU) à propos des projets de développement prioritaires, et mettre en place des comités de mise en œuvre et de suivi pilotés par les représentants des villageois. Dans la réalité, les compagnies pétrolières reconnaissent la très grande difficulté à infléchir les tendances et la permanence, voire le renforcement du rôle de ceux qui sont dénommés les « benefit captors », à l’intérieur des entreprises et dans les villages : ceux qui ont su capter des miettes de la rente, des « faiseurs » dans la terminologie de Boltanski et Chiapello.
14Les enquêtes quantitatives et qualitatives menées depuis douze ans au sein du programme de recherche Codev dans cette région, dans plusieurs zones touchées directement ou indirectement par l’activité pétrolière dans les États de Rivers, d’Akwa Ibom et Bayelsa, font apparaître la détérioration de la qualité du lien social. Les recherches qualitatives, menées avec différents chercheurs français, togolais et nigérians [1] ont en particulier montré le renforcement de conduites adolescentes à risque et de pathologies sociales : ainsi, en 2009, les entretiens menés de façon aléatoire dans une quinzaine de villages auprès de parents indiquaient qu’un tiers des filles se livrent à la prostitution régulière et un tiers des garçons à des pratiques cultistes (mafieuses). De plus, les compagnies pétrolières utilisent l’argument de la diversité culturelle et du respect des cultures d’une façon qui peut être dommageable : différents travaux indiquent combien la présence pétrolière a contribué à renforcer les identités ethniques, les frustrations entre les villages de clans proches des sites d’extraction (les host ou core communities) et ceux plus éloignés. Au sein même des clans, une différence forte a pu être faite par les compagnies pétrolières entre les « oil and gaz families » et les autres [Fanchette, 2006]. Sachant que les pétroliers déduisent des impôts versés à l’État nigérian les sommes dépensées au titre des programmes sociétaux, apparaissent clairement les effets pervers d’actions ciblées vers certaines parties de la population, alors que d’autres ne bénéficient pas de programmes de la part d’un État ultra-corrompu et largement absent dans ces zones.
15Nos enquêtes quantitatives confirment les analyses qualitatives. Nous avons construit un indicateur destiné à saisir la qualité relationnelle à partir de trois dimensions principales : l’accès à des réseaux (information, communication, etc.) ; les relations privées (amour, amitié, confiance envers les proches) ; l’engagement civique (participation à des groupes, vote, engagement civique, confiance envers des inconnus) [Giraud et al., 2013]. Une enquête menée en 2008, puis en 2012, dans deux zones affectées par la présence plus ou moins directe des compagnies pétrolières (onshore ou offshore) fait apparaître une nette dégradation du niveau de confiance envers les proches dans la zone de production onshore [Giraud et al., 2014]. Cette dégradation est très inquiétante dans une zone où l’amélioration des conditions matérielles des populations est nette et reconnue par les habitants. Elle est significative des effets pervers de programmes mis en œuvre d’une façon clientéliste et des frustrations, comparaisons, jalousies induites par le fait que les avantages sont très mal distribués, d’une façon très inégalitaire, entre familles, entre hommes et femmes [Lado, Renouard, 2012]. D’autres analyses menées à partir d’itinéraires de leaders, responsables de projets de développement, dans la région [Renouard, 2015] insistent sur la détérioration concomitante des capacités relationnelles et critiques des personnes et des groupes : la réduction du nombre des actions non violentes en faveur de la justice est significative de la difficile mobilisation de la société civile. Les réseaux d’appartenance fermés, comme le cultisme et les mouvements militants, etc., tendent à être plus rétributeurs que l’animation du « community development committee » du village, par exemple. Le délitement de certaines références morales, l’affaiblissement de la mise en œuvre d’une raison pratique apparaissent en contrepoint de la mobilisation de la rhétorique morale par les entreprises pétrolières.
16L’exemple du delta du Niger montre que les actions menées au titre de la RSE non seulement ne traitent que des symptômes et pas des causes des problèmes, mais renforcent même ces derniers : l’argent est dépensé parfois de façon somptuaire (par exemple, en 2012, l’indemnisation de 150 jeunes d’un village ayant assuré la garde d’une zone concernée par un accident technique leur a permis de s’acheter chacun une voiture au bout de huit mois…) et régulièrement de façon inutile et inique : les femmes sont les grandes oubliées. Alors même que ce sont elles qui travaillent aux champs, quasiment aucun budget n’est alloué aux projets de développement agricole dans le cadre des négociations entre villageois et pétroliers, les femmes n’étant que symboliquement représentées. Il en résulte un ethos de prédation privée qui est à l’inverse des intentions affichées par les porteurs des projets (développement participatif et inclusif, durable et solidaire).
17L’incohérence de ces pratiques est à comprendre en lien avec une difficulté accrue dans le secteur pétrolier, bien mise en évidence par Timothy Mitchell [2012] : à la différence de l’extraction du charbon, intensive en main-d’œuvre et géographiquement proche des lieux de consommation, l’industrie pétrolière est peu intensive en main-d’œuvre, et les sites d’extraction éloignés des lieux de consommation par les populations des pays du Nord ; d’où une moindre importance des mouvements sociaux locaux pour faire bouger les lignes. Il faut en particulier noter, dans le contexte du Nigeria, que les oubliés du partage de la rente ne sont pas les salariés nationaux des compagnies pétrolières, dont les syndicats ont su défendre les droits sans peine (vu le caractère stratégique de la satisfaction des techniciens et ingénieurs pour le maintien de la production pétrolière). L’enjeu principal concerne le partage de la richesse créée au long de la chaîne de valeur et à l’intérieur du pays [Sébille-Lopez, 2005].
18En définitive, non seulement le pétrole, mais aussi la mise en œuvre de pratiques de RSE au service du seul maintien de la production font le jeu de la détérioration du lien social, de la perte des capacités relationnelles et critiques des acteurs. Comment peut-on sortir de cet engrenage mortifère ? Une double piste de réponse est proposée dans les pages qui suivent : la recherche des conditions de l’amélioration du lien social et écologique conduit à contester la radicale distinction évoquée entre l’économique et le politique, pour mobiliser une conception de l’économique au service du bien commun élémentaire entendu au sens minimal de la survie des populations. À partir de là, les conditions d’une éco-justice sont définies, en situant la production, la distribution et les échanges de biens et services dans la perspective du bien commun relationnel qu’est le lien social.
3 – Pour une responsabilité politique de l’entreprise au service du lien social et écologique
19Le cas nigérian montre l’échec auquel conduit une conception de la RSE subordonnée à l’impératif de croissance économique maximale et déconnectée d’une exigence à l’égard du maintien d’un lien social et écologique de qualité. La détérioration de la confiance envers les proches est un indicateur puissant de la gravité des dommages causés sur le tissu social. Comment concevoir la responsabilité de l’entreprise ? Nous défendons, dans une perspective normative, la responsabilité politique de l’entreprise vis-à-vis des biens communs mondiaux, en particulier vis-à-vis du bien commun relationnel qu’est le lien social et écologique : les impasses auxquelles mène une conception du capital social comme bien privé et simple auxiliaire de la croissance sont manifestes. Cette approche instrumentale se révèle insuffisante pour garantir le maintien d’un lien social de qualité entre entreprise et parties prenantes, et entre parties prenantes concernées par l’activité économique. Il s’agit dès lors de mettre l’accent sur la finalité que représente le capital social comme bien commun ou public, tel que défini précédemment. Nous préférons appeler cette finalité la qualité du lien social et écologique, pour bien la distinguer d’une conception « capitaliste » du capital social entendu comme investissement privé dans des relations à exploiter de façon concurrentielle. Nous rajoutons le qualificatif écologique à celui de social pour insister sur les enjeux de long terme, sur l’articulation étroite entre la question du lien social et de la cohésion sociale avec celle de la relation de qualité entre l’être humain et son milieu naturel.
3.1 – L’éco-justice
20Cette perspective est fondée sur une anthropologie relationnelle, critique des perspectives dominantes au sein des courants utilitaristes et contractualistes. Elle est convergente avec les recherches menées par Michel Capron et Françoise Quairel [2015] ainsi qu’Olivier Favereau [2014] sur l’entreprise dans la société. Notre point de départ dans une réflexion philosophique normative sur le développement humain conduit à chercher les conditions d’une transformation institutionnelle qui permette de subordonner l’activité de l’entreprise au souci de la qualité du lien social et écologique. Cette perspective rejoint des tentatives actuelles de promouvoir une analyse de l’entreprise en termes de justice relationnelle [Neron, 2015]. Nous avons décrit les principes d’une éco-justice appliqués à l’entreprise dans les différents domaines où se déploie son activité : économique et financier, social et culturel, politique [Bernard, 1999 ; Fraser, 2009 ; Renouard, 2014a]. Quant à la compréhension de la dimension politique, la perspective présentée ici se situe dans la ligne de la conception développée par Michaël Walzer dans Sphères de justice [1983] : la sphère politique est à la fois une parmi d’autres, quand elle a trait au fonctionnement des institutions de l’État, aux modèles de prises de décision, de gouvernance ; et elle admet aussi une dimension méta ou architectonique, au sens où elle rend possibles la différenciation entre les sphères ainsi que des critères de valorisation différents dans chaque sphère. Nous résumons cette distinction en caractérisant la première approche comme relative à la politique comme vie politique et la deuxième comme relative au politique entendu comme le soubassement de toute institution, touchant à la vie commune, au vivre-ensemble. Pour ce qui concerne l’entreprise, la politique a trait à la gouvernance et le politique désigne la compréhension de l’organisation économique comme une institution, concernée par le vivre-ensemble d’une triple manière, économique, socioculturelle et politique : la production et le partage de la richesse créée, l’attention concrète aux personnes et les dispositifs de représentation de toutes les parties prenantes affectées en vue de préserver les biens communs mondiaux.
3.2 – Dimension économique
21Il s’agit de considérer comment la production et la distribution des biens et richesses favorisent la qualité du lien social et écologique : deux domaines doivent être particulièrement étudiés. Le premier est celui de la chaîne de production, depuis les choix d’investissement jusqu’aux choix des sous-traitants et aux conditions de travail et de vie des salariés et de leur famille. Comment la richesse est-elle créée et répartie dans l’entreprise et au long de la chaîne de valeur ? Notons que le critère relatif à l’intégration des limites écologiques et sociales comme condition d’une juste création de richesses a été quasiment absent de la réflexion libérale sur la justice sociale, préoccupée avant tout par les enjeux distributifs. Dans la logique du devoir de vigilance des entreprises à l’égard du respect des droits humains dans leur sphère d’influence, maintenant reconnu par les institutions comme l’ONU et l’OCDE [Ruggie, 2011 ; OCDE, 2011] un moyen pour y parvenir serait de déterminer un plancher social et un plafond écologique (relatifs aux principes de l’OIT et aux objectifs sectoriels et locaux fixés dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique) [Renouard, 2013] et de veiller aux dispositifs mis en œuvre par les maisons mères et entreprises donneuses d’ordre afin que toute la chaîne de sous-traitance respecte ces seuils.
22Le second chantier, distributif, est celui de la fiscalité. Plus le montant des impôts et taxes versés est transparent, plus il est aisé de détecter les pratiques d’optimisation fiscale agressive et dommageable, ainsi que les fraudes avérées, et les manques à gagner pour les administrations fiscales et, de ce fait, pour les populations locales [Chantérac, Renouard, 2012 ; OCDE, 2014]. Les travaux réalisés – notamment dans le cadre de l’OCDE – depuis quelques années soulignent l’inadéquation des modèles liés à une territorialisation de l’impôt sur les sociétés alors que les flux sont transnationaux. Des dispositifs comptables et fiscaux permettent aux entreprises de déplacer le profit, par le biais des prix de transfert sur les immatériels en particulier (frais de marques, brevets, technologies, management, etc.). Ces dispositifs d’optimisation fiscale vont du business restructuring [2] aux instruments hybrides qui sont considérés comme titres de dettes dans un pays et titres de participation dans un autre, et peuvent aboutir à une double exonération fiscale.
23La responsabilité fiscale de l’entreprise n’est quasiment jamais mentionnée par les groupes comme une dimension de la RSE. Il est toutefois très clair qu’une prise en compte du lien social comme fin nécessite une interrogation sur les critères d’un juste partage de la valeur créée et de la contribution des entreprises aux moyens financiers, pour les États, d’assurer des conditions matérielles d’un vivre-ensemble harmonieux.
3.3 – Dimension socioculturelle
24Dans le domaine socioculturel, la sphère de la reconnaissance permet de s’interroger sur la façon dont chaque personne ou groupe impliqué dans l’activité économique fait l’objet d’une reconnaissance à la fois éthique et juridique. La non-reconnaissance ou mépris social [Honneth, 2006] est la manifestation évidente de la mauvaise qualité du lien social. Les formes de violence qui peuvent exister en entreprise sont de trois ordres [Renouard, 2011] : 1) des relations et des conditions de travail horizontales marquées par des rapports de force, des conflits, des violences verbales, voire physiques, des luttes pour le pouvoir entre collègues, une absence de lien positif entre les acteurs de l’entreprise [Wieviorka, 1999] ; 2) des relations hiérarchiques marquées par la pression psychologique, le harcèlement [Hirigoyen, 1998 ; Ravisy, 2004], la manipulation de la part de « leaders toxiques » [Thévenet, 2008] ; 3) une culture d’entreprise qui ne promeut pas le respect des personnes, ou dont le discours « éthique » est en décalage ou en complète contradiction avec les pratiques effectives [Marzano, 2008]. Il existe par ailleurs de multiples formes de « placardisation » par laquelle des individus gênants (pour leurs prises de position, leur engagement syndical, etc.), considérés comme inaptes ou inutiles, sont mis à l’écart, sans que leur soit donné de motif satisfaisant, et se voient privés des modes de reconnaissance que constituent la fixation d’objectifs et leur évaluation, à l’intérieur même de leur entreprise ; faisant l’expérience de l’humiliation et de la honte, ostracisés par leurs pairs, ils perdent l’estime de soi, sans ressources intérieures ni soutiens extérieurs suffisants pour résister à ces formes de violence insidieuse ou quitter l’organisation qui les détruit [Lhuilier, 2002]. La reconnaissance pourrait être mesurée par des indicateurs comme l’indicateur de capacité relationnelle décrit plus haut, notamment dans ses dimensions relatives aux liens interpersonnels et à l’engagement civique, en les adaptant à une évaluation des relations sociales dans l’entreprise, du bien-être au travail et des engagements citoyens des personnes et organisations.
3.4 – Dimension politique
25Enfin, au plan politique, la représentation des personnes et groupes affectés, aujourd’hui ou demain, est un enjeu majeur de l’éco-justice afin de reconnaître les droits des plus vulnérables, et de donner des moyens de recours à ceux qui sont affectés par des dommages engendrés par l’activité économique. Il s’agit d’étudier les structures de gouvernance pour vérifier si et comment elles favorisent de tels recours, et de favoriser des formes juridiques, des dispositifs organisationnels et managériaux adaptés. À cet égard, deux types de démarches récentes vont dans cette direction : celles de juristes et d’organisations tirant les conséquences du cadre onusien concernant la responsabilité des entreprises vis-à-vis du respect des droits humains dans leur sphère d’influence [Ruggie, 2011] et soulignant combien ce droit mou international amène à une transformation des pratiques des entreprises [Queinnec, 2014]. D’autres initiatives sont liées à l’interrogation sur l’extension des principes valant dans certaines formes juridiques (comme les coopératives) à d’autres modèles d’entreprise, assurant une prise en compte de l’intérêt général à court et long terme dans la définition juridique de la société commerciale [Hurstel, 2012].
26Cette perspective normative qui essaie de dessiner les contours d’une éco-justice pour l’entreprise est liée à une double approche de la responsabilité, telle qu’elle est proposée par Ricœur [Ricœur, 1991 ; Vallaeys, 2013] : une responsabilité comme imputation à l’égard du passé et comme mission à l’égard de l’avenir. D’un côté, l’entreprise doit rendre compte de la façon dont elle exerce ses responsabilités vis-à-vis des effets de son action sur différentes parties prenantes et peut être amenée à réparer et compenser les dommages provoqués. De l’autre, elle est appelée à s’engager de façon proactive dans l’évaluation des effets combinés, émergents, de son action future vis-à-vis des biens communs mondiaux et dans l’élaboration de stratégies coopératives afin d’assumer une telle responsabilité partagée pour l’avenir.
3.5 – Application empirique
27Dans le contexte de la production pétrolière et gazière au Nigeria, quels sont les enjeux clefs pour la mise en œuvre de ces principes ?
28En ce qui concerne la production, la question du niveau des standards sociaux et environnementaux se pose à la fois pour les entreprises et pour les sous-traitants : si, comme on l’a dit plus haut, les standards sociaux vis-à-vis des salariés des multinationales pétrolières sont élevés, le décalage avec ceux des sous-traitants est très important. Une réflexion sur les échelles de rémunération au sein des grands groupes et vis-à-vis des sous-traitants mériterait d’être menée [Giraud, Renouard, 2012]. Par exemple, un chauffeur travaillant pour un sous-traitant d’une compagnie pétrolière depuis 25 ans peut gagner l’équivalent du salaire minimal des fonctionnaires – 90 euros par mois – alors qu’un technicien nigérian salarié de la même compagnie sera payé aussi bien qu’un expatrié (c’est-à-dire de 12 000 à 15 000 euros par mois, si l’on additionne son salaire avec les indemnités perçues pour s’acheter une deuxième voiture, un générateur, etc.) ; dans ce cadre, les avancées récentes autour de la reconnaissance du devoir de vigilance des maisons mères vis-à-vis des filiales et sous-traitants prennent toute leur importance. On peut à l’évidence douter de la volonté politique des acteurs (publics et privés) de s’atteler à cette question des inégalités de revenus qui met en cause l’architecture des rémunérations dans les groupes internationaux. Néanmoins, le creusement abyssal des rémunérations représente aujourd’hui un risque autant réputationnel que financier pour les entreprises, et pourrait conduire à infléchir des pratiques. Il en va de même pour ce qui concerne la minimisation et la réparation des dommages, notamment au plan environnemental.
29En termes de fiscalité, la question de la répartition juste et équitable de la manne pétrolière aux échelles internationale, nationale et locale dépasse la seule redevabilité des compagnies pétrolières (qui ne sont pas concernées par les choix distributifs effectués par les pouvoirs publics à l’égard des territoires). Toutefois, celles-ci sont responsables à plusieurs égards, relativement aux pratiques de corruption et d’optimisation fiscale dommageable, voire d’évasion fiscale : elles sont signataires des engagements pris dans le cadre de l’initiative EITI (Extractive Industry Transparency Initiative). Les compagnies européennes et celles cotées à la Bourse de New York (loi Dodd Frank, 2010) sont obligées de déclarer les versements pays par pays dans ceux où elles opèrent. Les mesures décidées par le G20 fin 2014 à l’égard de la lutte contre les pratiques de double exonération fiscale de la part de grands groupes, ainsi que les scandales comme Luxleaks, indiquent une plus faible tolérance des opinions publiques et des États aujourd’hui que dans les dernières décennies, à l’égard de ceux qui échappent à l’impôt. Au Nigeria, les effets pervers du clientélisme érigé en absolu indiquent la nécessité de changer de façons de procéder, sous peine d’arrêt de l’activité économique : Shell a d’ailleurs vendu une partie de ses activités onshore en raison des mauvaises relations avec les communautés locales, source de forte diminution de la production.
30La dimension socioculturelle de l’activité économique pourrait être honorée par la mise en œuvre de diverses formes concrètes de reconnaissance vis-à-vis des populations locales comme des salariés et sous-traitants. Diverses études de praticiens des relations sociétales détaillent les effets délétères de la coupure entre expatriés ou cadres fortunés des entreprises et les populations locales pauvres [Zandvliet, Anderson, 2009]. Les murs érigés par les entreprises pour assurer la sécurité de leurs installations et de leur personnel contribuent à établir un fossé aussi réel que symbolique entre les uns et les autres. Parmi les causes de la défiance à l’intérieur des communautés et entre représentants des entreprises et habitants des villages, l’invisibilité sociale des uns au regard des autres est un facteur clef. Une condition nécessaire de ce rétablissement de la reconnaissance est bien la réduction des inégalités, sources, à l’heure actuelle, de la coexistence parallèle ou violente de deux mondes.
31En ce qui concerne la dimension politique, la représentation des différentes parties prenantes affectées n’est pas acquise. La révision de la façon qu’ont les entreprises d’engager des négociations avec les communautés locales (MoUs) et de les mettre en œuvre irait dans ce sens. La plupart des entreprises continuent à mettre en œuvre les modèles destructeurs du lien social, hérités du passé, décrits plus haut. Il s’agirait de renforcer les capacités de négociation et de gouvernance de toutes les parties prenantes, en faisant en sorte d’inclure non seulement les « benefit captors », terme par lequel ceux qui captent la rente sont désignés par les habitants des villages eux-mêmes, mais aussi des représentants de toutes les catégories de la population, notamment les femmes. En convergence avec l’analyse faite par Aurélien Colson et Alain Lempereur [2008], à la lumière de leur expérience au Burundi et en RDC, soulignons que le succès d’un dispositif de médiation repose sur deux principes : la construction du consensus se fait de l’intérieur ; elle se fait sur place et dans la durée. Il ne s’agit donc en aucun cas de plaquer de l’extérieur des recettes toutes faites ; une intervention externe vise à faciliter et rendre possible une reconfiguration des relations entre parties prenantes, processus qui ne peut se faire que grâce à la motivation des acteurs locaux eux-mêmes.
32La représentation des groupes affectés concerne aussi le milieu naturel et les générations futures. Certaines ONG nigérianes, comme les Amis de la Terre, ont proposé en 2009 l’arrêt de l’octroi par le gouvernement nigérian de nouveaux permis d’explorer, arguant du fait que le pétrole n’a en rien contribué au développement du pays [3]. La proposition alternative de l’ONG consistait en la constitution d’un fonds de développement auquel abonderaient les Nigérians détenteurs d’une certaine richesse, au prorata de celle-ci. Cette initiative a évidemment très peu de chances d’aboutir – d’autant que le pétrole nigérian est d’excellente qualité, demandant peu de raffinage –, mais elle fait réfléchir aux conditions d’une création de richesse pérenne et équitable, à l’inverse de ce qu’a représenté jusqu’à présent l’or noir pour le Nigeria.
4 – Conclusion
33Le cas nigérian est un cas limite, qui illustre dramatiquement la contradiction possible entre l’objectif de l’extraction maximale d’une ressource énergétique et celui de l’amélioration du lien social et écologique. Dans ce contexte, la responsabilité des compagnies pétrolières d’origine occidentale est avérée : l’effet le plus pervers de leur activité n’est sans doute pas la négligence, voire parfois la faute lourde au plan environnemental, mais plutôt le délitement du lien social engendré par les pratiques clientélistes parées de la rhétorique de la RSE. Les habitants des villages eux-mêmes incriminent autant, sinon davantage, leurs concitoyens que les entreprises elles-mêmes… Pour autant, ces dernières se sont laissé prendre au fil des relations court-termistes engagées au long des années avec les benefit captors locaux. Pourraient-elles mettre en œuvre, aujourd’hui, les principes de l’éco-justice décrits dans ces pages, au service d’un tissu social et écologique de qualité ? Pour y parvenir, les avancées nécessaires sont à la fois juridiques et éducatives. Elles impliquent le renforcement des capacités politiques (négociation, médiation, action non violente) des acteurs locaux, seuls à même, peut-être, de contribuer à une transformation des politiques publiques et des pratiques des élites. Elles impliquent le durcissement des dispositifs réglementaires vis-à-vis des entreprises multinationales, notamment l’amélioration des moyens de recours judiciaire pour les populations victimes de violations des droits humains, non seulement de la part des filiales des entreprises, mais aussi de la part de sous-traitants. Elles nécessitent aussi une révolution mentale chez les décideurs, afin de faire non pas de la pérennité à court terme de la production, mais de la qualité relationnelle le critère de succès durable de l’activité. Ces avancées sont sans doute exorbitantes au vu des rapports de force existants. Mais la prise de conscience actuelle du risque d’explosion sociale relatif à la déliquescence des institutions et du lien social doit s’accompagner d’une analyse structurelle des problèmes. À cet égard, la révision de la hiérarchisation des priorités proposée dans ces pages n’apparaît pas irréaliste en termes d’intérêt bien compris des acteurs économiques…
Notes
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[1]
Hervé Lado (doctorant, Paris 1), Marc-Antoine Pérouse de Montclos (IRD), Denis Ekpo (Uniport, Port Harcourt), Ukoha Ukiwo (Uniport, Port Harcourt), Romuald Kossi Ekluboko (doctorant, Lomé), avec la collaboration pour les enquêtes quantitatives de Yves Mouvy (Lomé).
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[2]
Une production n’est pas vendue directement par le fabricant, mais par une société mère dans un État taxant moins les bénéfices ; le profit réalisé par la filiale qui fabrique diminue, entraînant la diminution de l’impôt perçu par l’État où se trouve cette filiale.
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[3]
http://www.oilwatch.org/doc/paises/nigeria/building_a_post_petroleum_nigeria.pdf, consulté le 24 décembre 2014.