1 – Introduction
1Le salariat fait partie des notions incessamment réinterrogées. Hier à propos des ruptures conventionnelles ou du contrat unique, le débat est aujourd’hui relancé sur le sujet du statut d’auto-entrepreneur ou du travail bénévole [Simonet, 2010]. Il semble prédire la fin de l’ère du salariat [Pennel, 2015], car si le nombre de salariés reste bien supérieur en France aux travailleurs non salariés, les formes d’emploi tendent à se diversifier et hybrider davantage travail indépendant et salariat [Petit, Thévenot, 2006]. Les salariés peuvent gagner en autonomie en même temps qu’en responsabilité, quand dans le même temps se développent des formes de parasubordination chez les indépendants [Chauchard, Hardy-Dubernet, 2003]. Paradoxalement, si les débats sont récurrents, les revendications semblent s’être inversées : tandis qu’au début du xxe siècle, on réclamait plutôt la suppression du salariat et de la relation asymétrique qu’il légalisait, on semble aujourd’hui davantage craindre la disparition du salariat et l’ensemble des dispositifs de protection sociale qu’il entraîne : « Le contrat de travail est un échange de subordination contre protection. Veut-on abandonner cette combinaison ou la transformer ? » [A. Lyon-Caen, La Tribune, 10 octobre 2007].
2Ces débats et leurs paradoxes sont symptomatiques de la difficulté à saisir la notion de salariat. Comme l’a souligné récemment F. Vatin, la sociologie – sans doute parce qu’elle était trop étroitement liée à la relation de salariat – n’en a fait que tardivement un objet de recherche à part entière [Vatin, 2007]. La sociologie du travail elle-même aurait été encline à rabattre le travail sur le rapport salarial et la norme économique [Bidet, 2011]. Mais cette lecture marchande, outre qu’elle passe à côté du « vrai boulot », souffre de deux limites majeures : la première est qu’elle ne permet pas de légitimer la relation de subordination, dont la justification est de plus en plus problématique [Ferreras, 2012]. La seconde est qu’elle n’offre guère de prise pour concevoir des alternatives à la subordination, dépasser l’opposition entre travail indépendant et salariat ou poser les bases au xxie siècle d’un nouveau contrat de travail plus conforme aux aspirations individuelles et collectives.
3Ces dernières années, la recherche a toutefois considérablement progressé. On comprend mieux à la fois l’histoire, la conception et le destin du salariat et du contrat de travail [Cottereau, 2002 ; Pasquier, 2010]. On saisit aussi beaucoup mieux comment les mutations des activités productives ont affecté la réalité du travail [Vatin, 2014]. Et on mesure du même coup mieux la place qu’a occupée la lecture économique du salariat et comment les représentations « marchandes » de la relation de travail ont pu façonner les normes du salariat et le droit du travail. Dans cet article, nous voudrions partir de ce renouvellement des sciences sociales sur le salariat pour souligner combien la réflexion a été orientée par une lecture économique traditionnelle du salariat. En modélisant le salariat comme une relation marchande, cette lecture a en partie occulté les effets réels du management sur les individus. Elle a masqué la rupture qu’a constituée la naissance du contrat de travail à la fin du xixe siècle. Or, si on prend en compte le rôle du management, la légitimité de l’autorité de gestion peut être mieux fondée et on peut rendre compte de l’adhésion des individus à un projet collectif, tout en veillant à encadrer ses effets de manière plus équitable. En l’occurrence, au lieu d’accepter une relation – toujours suspecte – de « subordination », ne faut-il pas conceptualiser l’adhésion à un projet de création collective ? Et au lieu de concevoir des individus subordonnés, c’est-à-dire soumis aux ordres d’un dirigeant, ne faut-il pas réfléchir à un contrat d’engagement dans un futur souhaité et commun ? Nous proposons ici de considérer un contrat d’association ou de coopérative qui associerait les individus non pas sur leur apport mais sur leur engagement dans un projet commun. Et nous montrons que cette piste n’est pas déconnectée de la réalité, mais qu’elle trouve d’ores et déjà plusieurs déclinaisons dans l’histoire et, actuellement, dans les « entreprises à mission » [Levillain, 2015].
2 – Le salariat : histoire d’une impossible réforme ?
4La notion de salariat est d’autant plus difficile à saisir qu’elle se déploie dans des réalités très hétérogènes et qu’elle a profondément changé de forme au cours de l’histoire. Comme l’a remarqué F. Vatin, ce sont surtout les juristes et les économistes qui ont modelé cette notion d’un point de vue théorique [Vatin, 2007]. Mais l’histoire est aujourd’hui bien connue, et nous nous bornerons, dans le cadre de cet article, à souligner quelques jalons de l’histoire moderne du salariat.
2.1 – Les contrats de louage au xixe siècle
5Depuis la Révolution, la possibilité de rompre la relation de travail constitue une réelle avancée sociale par rapport aux relations de servage ou aux corporations [Didry, Brouté, 2006]. Dans les faits, la contractualisation de la relation n’a été effective que très progressivement [Deakin, 2009 ; Le Goff, 2004]. Mais cette orientation est réaffirmée par le Code civil : la relation de travail fait l’objet d’un contrat synallagmatique. Cottereau cite le premier projet de Code civil, proposé par Cambacérès le 22 août 1793 et son article 3 :
« Le bail de main-d’œuvre est un louage, l’ouvrier qui promet sa peine, le matelot qui s’engage pour une course, l’homme de gage qui loue ses services, sont de vrais bailleurs ; celui qui les emploie est le preneur. »
7Le Code civil (1804) formalise donc la relation d’emploi comme une relation de louage, en reprenant la vieille notion romaine, qu’il s’agisse de louage de service (traditionnellement davantage associé aux travaux des domestiques) ou de louage d’ouvrage. Cette formalisation est indéniablement un progrès pour les libéraux. Le contrat de travail est assimilé à un contrat de gré à gré, caractérisé à la fois par la liberté (notamment de rompre le contrat) et la sécurité qu’il est censé procurer au salarié dans la mesure où la rétribution de ce dernier est convenue d’avance et ne dépend pas des aléas du marché. Le salariat permet donc simultanément la liberté du travail, le fonctionnement d’un marché du travail et la sécurité d’une rémunération convenue d’avance.
8Le contrat de louage est ainsi assimilé à une prestation de service ou, plus exactement, à une relation marchande où « le travail s’objective en une chose vendue » [Supiot, 1994 [2007]]. L’analyse marxiste clarifiera le modèle au milieu du xixe siècle. Pour Marx, « le temps pendant lequel l’ouvrier travaille est le temps pendant lequel le capitaliste consomme la force de travail qu’il lui a achetée ». Ce n’est pas le travail, c’est la force de travail que le prolétaire vend. Dans cette vision, le salaire est le prix d’une quantité de travail. Du coup, l’entreprise est l’affaire de l’employeur et la « chose travaillée » ne rentre pas dans les termes de l’échange, ce qui explique que le salarié n’a pas de droit sur le produit de son travail ou sur le produit de sa vente.
9Cette lecture marchande, il faut le souligner, est largement dominante, bien au-delà des courants marxistes. On retrouve par exemple exactement la même analyse chez Charles Gide, alors professeur au collège de France, en 1924 [Gide, 1924]. À cette époque, le droit du travail se met progressivement en place, mais la référence au contrat de louage est toujours de mise. Charles Gide définit alors le salariat de la manière suivante :
« Situation de l’homme qui, n’ayant pas les moyens de produire pour lui-même, est obligé de louer ses services, ses bras, sa personne ».
11Le salariat s’oppose donc à la condition du travailleur libre, c’est-à-dire celui qui vend ses produits et qui est propriétaire des résultats : « Le travailleur salarié est celui qui a renoncé par avance à toute propriété sur les produits de son travail ou les services qu’il est en état de rendre », écrit Gide [p. 4].
2.2 – Le contrat de travail au xixe siècle, objet de multiples griefs
12L’apparition du contrat de travail, à la toute fin du xixe siècle [Cottereau, 2002 ; Lefebvre, 2009] donne un nouveau visage au salariat. Et certains livrent alors une interprétation très différente de la relation : au lieu d’y voir une relation marchande, le professeur « d’économie et de législation industrielles », A. Boissard, interprète le contrat de travail comme un contrat d’association :
« Le contrat de collaboration, ou contrat de travail proprement dit, est une convention par laquelle une personne s’engage à collaborer à une entreprise de production donnée par une prestation de travail intellectuel ou physique, et renonce vis-à-vis des autres parties contractantes à sa part dans la propriété du produit commun éventuel, moyennant une rémunération périodique et forfaitaire, ou salaire, calculée soit à proportion de la durée, soit à proportion de l’intensité du travail fourni, soit d’après toutes autres bases arrêtées par les parties ».
14Néanmoins, cette approche restera minoritaire et, sur le fond, ne change pas la propriété des résultats, ce qui explique comment l’introduction du contrat de travail est apparue comme une normalisation d’une relation de domination économique. La notion de subordination serait venue en quelque sorte entériner une asymétrie juridique et économique : en reconnaissant la soumission à l’ordre patronal, le contrat de travail aurait permis de reconnaître en contrepartie la responsabilité des employeurs ; la loi de 1898 sur les accidents du travail est un bon marqueur de ce retournement.
15Dans les faits, l’introduction du contrat de travail n’a toutefois ni modifié ni atténué les griefs formulés à l’égard du salariat. Au contraire. On peut synthétiser ces griefs selon deux dimensions.
2.2.1 – Un partage inéquitable et inefficace de la valeur créée
16Le premier grief tient au caractère injuste, mais aussi inefficace, du partage de la valeur créée. Le salarié se caractérise par le fait qu’il « n’acquiert à aucun moment de droit sur la chose travaillée. Cette dernière ne participe jamais de l’échange des prestations » [Supiot, 1994, p. 60]. Comment expliquer une telle règle alors que, dans le Code civil, ce sont des principes très différents d’équité naturelle qui sont institués : si une chose est créée par « mélange » de matières et main-d’œuvre, alors les principes de l’équité naturelle devraient prévaloir dans l’allocation des droits de propriété (art. 565 du Code civil) ? Faut-il considérer que la certitude d’un salaire fixe et la sécurité procurée aux travailleurs justifient le renoncement à ces principes d’équité naturelle ? Cet argument a été maintes fois critiqué tant la sécurité est fictive, dès lors notamment que les salariés peuvent être mis au chômage [Bureau, 1902]. Et on pourrait ajouter aujourd’hui que les salariés ne sont pas sans être affectés de multiples façons par les choix de gestion (employabilité, compétences, etc.). Surtout, la critique est également d’ordre économique, car l’absence d’incitation est susceptible de conduire, ainsi que le souligne Ch. Gide, à une « stérilisation » du travail.
2.2.2 – Un assujettissement non justifié
17Le second grand grief exprimé à l’encontre du salariat concerne le concept même de subordination. Pour la jurisprudence, le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L’étymologie du terme renvoie bien à une dépendance et à une relation d’infériorité [3]. Le salarié accepte donc le « pouvoir de direction » de l’employeur, ainsi que son pouvoir normatif (règlement intérieur). Mais quelle est la légitimité d’un tel pouvoir [Verdier, 1990] ? Et comment accepter que les salariés, citoyens dans la cité, soient dans l’entreprise dans une condition d’infériorité, « aux ordres » [Ferreras, 2012] ? Si d’aucuns parlent de « soumission volontaire », A. Supiot y voit une aporie du Code du travail. Et les justifications avancées restent irrecevables : d’une part la propriété des actifs ne saurait justifier un droit de donner des directives sur les individus, quand bien même ils utiliseraient ces actifs [Chaigneau, Vernac, 2012]. D’autre part, si un salarié consent contractuellement à la subordination, c’est alors la dépendance économique, mais non la légitimité de l’autorité, qui semble être au fondement de la subordination [McMahon, 2013].
2.3 – Quelles alternatives au salariat ? « Voici le terrible problème »
18Dès lors, la recherche d’alternatives a été permanente tout au long du xxe siècle. En 1924, Charles Gide écrivait : « Le salariat, aux yeux des coopérateurs et de bon nombre d’esprits, même modérés, ne paraît pas un régime qui puisse être accepté comme normal et définitif. » Et l’auteur de poursuivre : « Mais alors, par quoi le remplacer ? Voilà le terrible problème » (p. 17). Sans prétendre faire ici une synthèse des pistes discutées au long du xxe siècle, on peut repartir de l’analyse que dresse alors Charles Gide : il constate que tous les bords politiques sont à la recherche de solutions pour abolir le salariat. Mais à l’issue d’une analyse systématique, il arrive à la conclusion qu’il n’y a pas vraiment de solution. Plus exactement, son analyse économique l’amène à considérer, outre la voie marxiste, deux grandes alternatives qui préfigurent, d’après nous, l’essentiel des options envisagées au cours du xxe siècle.
2.3.1 – La voie coopérative
19La première voie consiste à s’attaquer à la répartition de la propriété des moyens de production. C’est évidemment la voie poursuivie par le mouvement coopératif dont Charles Gide est l’un des grands défenseurs. Selon lui, revenir à la production autonome (entrepreneurs indépendants ou en commandites d’ateliers) n’est pas réaliste dans un contexte d’industrialisation. La voie coopérative est plus pertinente. Mais Gide lui-même est conduit à reconnaître que le développement des coopératives n’est pas de nature à supprimer la subordination. Si les salariés sont les principaux actionnaires dans une coopérative de production, celle-ci est surtout adaptée aux secteurs où les besoins en capitaux sont limités, mais d’abord, où les salariés sont eux-mêmes des professionnels autonomes, avec des enjeux de coordination faibles entre eux. Et dès lors qu’il faut une organisation centralisée, la coopérative ne permettra pas de transformer les salariés en administrateurs. Gide constate :
Si la coopérative de production a prouvé, depuis sa reconnaissance en droit en 1867, qu’elle était à la fois robuste et attractive pour de nombreuses professions, elle semble avoir pâti d’une certaine ambiguïté concernant le rôle du management : la subordination a toujours ainsi semblé difficilement compatible avec la possibilité d’être en position de nommer ou d’évaluer les dirigeants.« Il y a une sorte d’incompatibilité entre le fait d’être employé dans une entreprise pendant la journée et puis le soir, à l’assemblée, d’être l’administrateur qui dirige. Quand cet employé aura été réprimandé durant la journée par ses chefs, n’aura-t-il pas la tentation le soir de faire punir, à son tour, celui qui l’aura puni au cours du travail ? Il y a là une sorte d’alternance des fonctions qui risque de rendre impossible toute espèce d’administration et de saper toute autorité. »
2.3.2 – La voie d’une nouvelle répartition des résultats
20Au final, Gide renonce à proposer l’abolition du salariat. Il suggère toutefois une alternative. La seconde voie consiste en effet à abolir les profits plutôt que le salariat. Cette piste renvoie à tout un ensemble de propositions qui seront débattues et dans certains cas, mises en œuvre ultérieurement. Depuis 1967, les grandes entreprises sont par exemple obligées de négocier des plans de participation « aux fruits de l’expansion », associant ainsi les salariés aux augmentations de capital rendues possibles par la croissance de l’entreprise [Despax, 1968].
21Ainsi, les principales propositions pour dépasser les limites du salariat ont schématiquement oscillé entre d’une part une réallocation de la propriété (et des droits de contrôle afférents) et d’autre part une réaffectation des résultats. Certes, d’autres modèles ont été suggérés (management participatif, représentation des salariés aux conseils d’administration, etc.). Surtout, le droit du travail a renforcé la protection sociale et s’est continuellement efforcé de corriger la vision purement contractuelle de la relation de travail en essayant de rétablir des éléments « institutionnels ». On est ainsi dans une forme d’échange entre l’acceptation d’une subordination contre la prise en charge par l’entreprise, mais aussi très rapidement par l’État des risques sociaux [Deakin, 2009]. Comme l’a très bien montré Supiot, la relation contractuelle « incorpore » de facto des dispositions du droit du travail qui qualifie le « statut » du salarié et lui adjoint tout un ensemble de dispositions obligatoires. Toute la réglementation (hygiène et sécurité, etc.) est associée au contrat qui dote le salarié d’un véritable statut. Le contrat est une forme de déclencheur de l’application systématique d’un ensemble de normes, indépendamment de la volonté des parties [Supiot, 1994 [2007]]. Malgré tout, la vision contractuelle prime sur une vision « communautaire » et la représentation marchande de la relation est restée dominante, en dépit de la difficulté à penser l’autorité dans ce cadre. Et surtout, peut-on ajouter, sans que les effets réels de cette autorité sur les individus salariés puissent alors être réellement ni reconnus ni gérés.
3 – La mutation du salarié par le management : une relecture du contrat de travail
22La lecture classique du salariat sous-estime beaucoup le rôle et les effets du management. Dans les théories économiques modernes de l’entreprise, la relation hiérarchique apparaît comme un moyen de réduire les coûts (coûts d’agence, coûts de transaction, etc.). D’autres analyses, comme celle de F. Vatin, ont mis l’accent sur la nécessité d’une fonction managériale dans l’activité productive, ne serait-ce que pour juger du caractère productif et positif d’une activité collective. Mais même si elle est reconnue comme un moyen de construire de nouvelles richesses, la hiérarchie est rarement vue comme un vecteur de transformation des capacités individuelles. Or la naissance du management moderne à la fin du xixe siècle va précisément bouleverser les relations de travail dans la mesure où il va prendre en charge le développement de nouvelles compétences et de nouveaux métiers. La naissance du contrat de travail, bien loin d’être la simple suite logique d’une domination économique dans les faits, peut être interprétée comme la conséquence de ce bouleversement.
3.1 – Une rupture sous-estimée dans l’histoire du salariat : le management moderne
23Car l’introduction en droit du contrat de travail a constitué une vraie rupture. Elle a pris à revers l’ensemble de la jurisprudence et des doctrines juridiques du xixe siècle : tandis que depuis cent ans, la jurisprudence s’efforçait de sortir du louage de services pour ne pas reproduire les relations de servitude, le contrat de travail à l’inverse, rabat précisément le louage d’ouvrage sur le louage de services [Bessy, 2007]. Selon Cottereau, on passe alors d’un schéma libéral contractuel fondé sur l’exigence de consentements réciproques à un schéma fondé sur la dissymétrie de l’échange entre « subordination protégée du salarié » d’une part et « gouvernement exclusif de l’entreprise par l’employeur » d’autre part. C’est un véritable « coup de force » dogmatique [Cottereau, 2002, p. 1526].
24Ce « coup de force » est aujourd’hui mieux compris si l’on prend en compte l’apparition du management moderne. Pour Berle et Means, l’apparition de l’entreprise moderne (« modern corporation ») est une véritable révolution, notamment par rapport à la propriété : elle consacre une transformation profonde des relations au sein de l’entreprise. Avec le management moderne, les statuts des uns et des autres sont bouleversés :
« The status of those involved, worker or property owner, was radically changed. The independent worker who entered the factory became a wage laborer surrendering the direction of his labor to his industrial master. The property owner who invests in a modern corporation so far surrenders his wealth to those in control of the corporation that he has exchanged the position of independent owner for one in which he may become merely recipient of the wages of capital [4]. »
26Dit autrement, fournisseurs de travail et fournisseurs de capital voient leurs statuts transformés dans la mesure où l’usage de leur potentiel passe sous la direction du management [Berle, Means, 1932]. Ce mouvement peut être perçu comme la mise en coupe réglée par les ingénieurs de l’organisation du travail : le salarié se soumettrait à une rationalité scientifique et désincarnée, et non plus à une autorité personnelle [Pillon, Vatin, 2007]. Mais, comme nous l’avons développé ailleurs avec Armand Hatchuel, la fonction managériale apparaît surtout en réaction aux organisations capitalistes classiques, et dans un contexte d’accélération du progrès technologique et scientifique [Segrestin, Hatchuel, 2012]. Constatant que les salariés ne disposent pas a priori des compétences ou des outils nécessaires pour les nouvelles technologies, il ne s’agit plus de produire, mais de produire du nouveau. Il s’agit donc d’organiser, au sein d’un collectif rationalisé, le développement de nouvelles méthodes ou de nouveaux savoir-faire. C’est là l’enjeu du « scientific management », qui spécialisera des ingénieurs dans l’étude et la spécification des processus de travail. Et pour le salarié, c’est une transformation radicale : pour participer aux processus d’innovation, il doit renoncer à son corpus de connaissances, pour adopter les méthodes développées par le management. L’organisation ne coordonne pas seulement des agents de la production, elle transforme les acteurs pour explorer de nouveaux modes de production.
27Si la notion de salariat demeure, comme celle de contrat de société, cette continuité cache une mutation radicale dans la relation de travail et d’association.
3.2 – D’une relation d’échange à une relation transformatrice
28Il faut dès lors penser le contrat de travail dans des termes très différents d’une relation marchande. Afin de le décrire de manière simplifiée, nous parlerons de « potentiel d’action » pour désigner l’ensemble des capacités d’action d’un individu. Ce potentiel d’action individuel renvoie donc aussi bien au patrimoine individuel au sens classique qu’aux prestations qui sont dues à l’individu (ses créances), aux compétences ou au « capital humain » [Becker, 1964], ou encore au capital relationnel ou réputationnel… La notion de potentiel généralise ainsi l’idée de patrimoine comme celle de force de travail. Elle permet de rendre compte du développement de compétences par les apprentissages en situation de travail. Elle a aussi le mérite de sortir du clivage traditionnel entre capital et travail, tout en permettant de revisiter la notion de subordination : en acceptant les directives de l’employeur, le salarié ne cède pas de droit sur son corps ou sur son potentiel. Il ne cède pas non plus ses capacités d’action. Pour être plus précis, il cède le droit de gérer ces capacités, autrement dit de décider de l’usage qui en sera fait, et donc de leur valeur future.
29Si, pour un individu donné, un potentiel d’action P donne accès à un espace d’action {A}, alors sa capacité propre de gestion lui fera choisir un flux d’activité « a » dans {A} de manière à maximiser son potentiel final, c’est-à-dire son potentiel transformé par l’activité menée : P’ = a(P). Dans la relation marchande, on peut dire que le salarié met à disposition son potentiel (P) contre un salaire (noté s). Le salaire rétribue le travail, c’est-à-dire le flux d’activité (noté a) mis en œuvre à partir du potentiel d’action P.
30Or, dans le contrat de travail, il faut prendre en compte le fait que le flux d’activité, qui transforme le potentiel de l’individu, est cette fois décidé par l’autorité de gestion (G) :

Deux lectures possibles du salariat

Deux lectures possibles du salariat
32Par rapport à la lecture marchande, cette relecture invite à prendre en compte les effets sur les individus des choix de gestion.
33– Tout d’abord, les effets du management peuvent être négatifs. De ce point de vue, les risques ne sont pas assumés par les actionnaires seulement.
34– Ensuite, le management vient aussi enrichir les potentiels individuels. Les flux d’activité sont déterminés dans l’entreprise, non pas seulement pour réduire les coûts de coordination, mais pour développer les potentiels individuels et pour en déduire des capacités collectives nouvelles. La naissance de l’entreprise moderne, avec les contrats de travail, a été rendue nécessaire parce qu’il s’agissait de gérer des processus de création collective [Segrestin, Hatchuel, 2012].
35Cela signifie que la responsabilité du développement des potentiels individuels incombe, dans une relation de création collective, au management. Alors qu’actuellement, les salariés sont souvent enjoints d’être acteurs de leur parcours, et de participer à la performance collective pour mieux développer leur propre employabilité [Monchatre, 2010], la reconnaissance du rôle du management revient à assigner la responsabilité des apprentissages au management. Et dans cette perspective, le potentiel renvoie moins à l’idéologie des « talents » ou des « dons » individuels qu’à des capacités « en puissance », qu’il s’agit d’actualiser et de développer au sein d’une action collective.
36Nous pouvons ainsi reprendre les deux principales critiques qui étaient faites au salariat dans la première partie pour souligner comment elles sont déplacées.
3.2.1 – Création collective et répartition des résultats
37Concernant le partage de la valeur créée, cette lecture du salariat force à prendre en compte les effets réels de la subordination dans la mesure où la relation transforme son potentiel, positivement ou négativement [Segrestin, Hatchuel, 2009]. La participation à l’entreprise, en tant que délégation de gestion de son potentiel d’action, permet de rendre compte des risques pris par les individus quant à leur réputation, leur employabilité, leur carrière, etc. Mais on peut aussi souligner que, pour penser une répartition juste des fruits de la collaboration, il ne faut pas se limiter au versement d’un salaire ni même au partage des bénéfices comptables : il faut prendre en compte l’ensemble des potentiels créés par l’action collective. En particulier, il faudrait intégrer dans les calculs de répartition aussi bien la valeur des actions pour les actionnaires que l’employabilité pour les salariés. Cet élargissement est d’autant plus critique que les effets des choix de management, notamment en situation d’innovation radicale, sur les individus ne sont pas connaissables ex ante [Knight, 1921].
3.2.2 – Autorité de gestion et nouvelle rationalité de l’engagement individuel
38Concernant ensuite la légitimité de l’autorité, l’analyse est profondément révisée. Au lieu de sceller une domination économique, l’introduction du contrat de travail a pu être perçue comme une avancée sociale majeure et pas seulement parce qu’elle introduisait la possibilité de mécanisme de protection sociale. Elle traduisait l’abandon d’une théorie marchande du travail pour une nouvelle théorie du potentiel (ou « goodwill ») : la représentation de la capacité de travail comme « commodité » laissait place à l’idée d’un potentiel recelant des possibilités infinies et à construire. Commons parle d’une théorie du travail et de ses « unknown possibilities ». Le management a alors le devoir d’inventer de nouvelles manières d’utiliser les potentiels individuels pour construire des richesses nouvelles [Commons, 1919]. Et la participation du salarié retrouve une forme de rationalité là où la subordination apparaissait comme une distorsion de la rationalité individuelle : comment expliquer en effet qu’un individu se soumette à un autre malgré l’indétermination des obligations qui pèseront sur lui ? Et comment expliquer qu’un individu se comporte dans l’intérêt de son employeur et non dans le sien propre [5] [Freeland, 2009] ? Cette apparente distorsion de la rationalité peut se justifier si on inverse la proposition : l’individu salarié confie le développement de son potentiel à son employeur. Il conserve bien une rationalité maximisatrice dans la mesure où l’intégration au sein d’un collectif peut ouvrir davantage de perspectives que l’action individuelle. Mais on peut souligner que cette rationalité est enrichie et peut prendre en compte des aspirations variées, et pas uniquement financières.
39Ainsi, l’autorité dans l’entreprise trouverait ses fondements non pas dans la propriété du capital ou des moyens de production, mais dans la possibilité de générer des richesses futures. Et la critique du salariat change alors d’objet : au lieu de chercher à abolir la relation asymétrique, l’enjeu n’est-il pas plutôt d’assurer que les dirigeants, à qui sont confiés les potentiels des salariés, sont compétents pour concevoir des usages générateurs de richesse ? Et qu’ils mobilisent les potentiels à bon escient, c’est-à-dire dans un sens désirable par les salariés eux-mêmes ? Ne s’agit-il pas alors de donner aux salariés un droit de contrôler que le processus de création collective est à la fois efficace et équitable ?
4 – Des contrats d’engagement dans l’inconnu : la voie des « entreprises à mission »
40Charles Gide, on l’a vu, tout en renonçant à abolir le salariat, préconisait le développement des coopératives et l’abolition du profit. L’analyse qui précède montre toutefois qu’une autre voie est envisageable si l’on s’efforce de mieux décrire le caractère transformateur du contrat de travail. La hiérarchie est difficilement acceptable si son autorité provient de la propriété d’un capital et qu’elle peut faire exécuter par les salariés une activité donnée, sans partager les résultats ni assumer les effets de cette activité. Mais, comme on l’a dit, la propriété d’une chose ou d’un capital ne confère pas en soi d’autorité sur un individu. Il faut inverser le raisonnement : supposons que des individus investissent une équipe de management d’une certaine autorité et lui confient la mission de développer leur potentiel. Dans ce cas, l’autorité de gestion est chargée de concevoir le flux d’activité qui permettra de construire des potentiels nouveaux. Il s’agirait plutôt d’une relation de service où le management est chargé de développer les potentiels des salariés. Quelle serait alors la forme du contrat possible ? Et comment définir la relation, autrement que par la subordination, dès lors qu’elle suppose malgré tout un engagement des salariés ?
41Une voie semble possible, qui n’est assurément pas la seule, mais qui mérite d’être explorée : c’est celle où les salariés acceptent de s’engager et d’habiliter les dirigeants d’une certaine autorité si, en contrepartie, le contrat d’engagement spécifie la mission confiée aux dirigeants et les potentiels qu’ils sont chargés de développer (voir tableau 2).
Du contrat de travail au contrat d’engagement

Du contrat de travail au contrat d’engagement
42Plutôt que d’attribuer à l’employeur un pouvoir de direction pour un usage indéterminé et sans contrôle, ne serait-il pas possible en effet de prévoir un engagement des salariés sur des missions particulières qu’ils assigneraient à l’employeur ? Cela inverse le raisonnement habituel : la hiérarchie n’a pas nécessairement autorité pour juger quelle production mettre en œuvre afin de transformer l’état du monde dans un sens préférable. L’autorité de gestion peut se voir assigner une mission : il s’agirait alors de définir les propriétés attendues par les salariés des actions collectives. Et la spécification d’une mission ouvrirait du même coup la possibilité d’un contrôle. Un contrat d’engagement pourrait se décrire de la manière suivante : c’est un contrat par lequel un individu accepte de reconnaître une autorité de gestion, et de renoncer ainsi à son autonomie de gestion, pour confier au management la gestion de son potentiel dans une perspective spécifiée et contrôlable.
43Dans les faits, il convient de souligner que le droit des sociétés a déjà en partie intégré dans les obligations de l’employeur des missions, notamment sur la préservation des potentiels initiaux : l’employeur par exemple est tenu de ne pas dégrader l’employabilité de ses salariés. Mais le droit du travail a vraisemblablement intégré les obligations normales d’un « employeur ». Il serait possible d’aller beaucoup plus loin et d’avoir des contrats qui engagent les managers, non pas seulement en tant qu’employeurs, mais en tant que chargés de concevoir l’activité collective dans une certaine finalité. Les contrats pourraient ainsi préciser des objectifs quant au respect de l’environnement, ou bien au développement du territoire… Mais ils pourraient aussi incorporer des objectifs plus novateurs en dotant les collectifs d’objets encore inconnus, par exemple le développement d’une architecture de ville à énergie positive, ou d’une nouvelle génération de thérapies contre le cancer, etc. La notion de contrat d’engagement, pourvu que soit spécifié son objet (i.e. la mission des dirigeants), est alors d’autant plus féconde qu’elle rend possible l’engagement sur des objets désirables, mais partiellement inconnus : ces « inconnus communs » [Weil, Le Masson, 2011 ; Le Masson, Weil, 2014], tels que de nouvelles thérapies pour une maladie aujourd’hui incurable ou un moyen de transport écologique, sont en effet à la fois mobilisateurs et porteurs de progrès scientifiques, humanitaires ou environnementaux.
44Peut-être que Charles Gide ou ses contemporains auraient pu, en se déprenant de la lecture économique du contrat de travail, envisager un tel contrat d’engagement collectif à côté des coopératives. Ils auraient pu proposer une forme de coopérative « de l’inconnu » et non pas une coopérative associant les salariés qui seraient également apporteurs de capitaux. Peut-être d’ailleurs cette idée de contrat d’engagement n’est-elle pas étrangère au modèle allemand d’entreprise et de codétermination. Dans ce modèle, les salariés, sans être associés au contrat de société et sans disposer de parts du capital social, participent au « conseil de surveillance » avec les actionnaires. Cette pratique du conseil de surveillance a été généralisée par une loi de 1937 à la suite d’un débat qui a duré plus de vingt ans au début du xxe siècle sur l’évolution du droit des sociétés vers un droit de l’entreprise (« Unternehmensrecht »). La loi de 1937 reconnaissait et renforçait l’autorité des dirigeants d’entreprise, mais celle-ci était soumise en contrepartie à une clause d’intérêt commun (la « Gemeinwolhklausel »). Cette clause stipulait que le directoire (« Vorstand ») devait :
« manage the company in the best interests of the enterprise and its entourage as well as the common benefit of the people and the realm ».
46Selon G. Teubner, cette clause définissait en quelque sorte la mission à l’aune de laquelle le conseil de surveillance opérait son contrôle sur l’action du management : elle devait permettre de mettre en cause les dirigeants avec des dispositions qui pouvaient aller jusqu’à provoquer la révocation du directoire et demander des réparations en cas de dommages [Teubner, 1985]. En pratique, et notamment parce qu’elle a été associée dans l’histoire allemande au Führerprinzip, cette clause n’a toutefois jamais été mobilisée de manière contraignante. On peut faire l’hypothèse que les débats des années 1920 avaient bien abouti à introduire en droit une mission des dirigeants. Leur autorité était ainsi reconnue en droit, mais dans le même temps, son exercice faisait l’objet d’une surveillance de la part de l’ensemble des parties soumises à cette autorité (actionnaires et salariés).
47À l’heure où des sociétés de missions (purpose-driven corporations) sont introduites aux États-Unis, il est sans doute possible de reprendre la question de la réforme sur contrat de travail en sortant de l’opposition entre salariat et travail indépendant. Les sociétés américaines, telles que les Flexible Purpose Corporations (FPC), ne changent ni le périmètre du contrat de société ni le droit de contrôle exclusif des actionnaires sur la gestion. Mais elles engagent les associés sur une mission d’entreprise [Levillain et al., 2014 ; Levillain, 2015]. Ce faisant, elles empêchent que les finalités de l’entreprise ne soient rabattues, à l’occasion d’un changement d’actionnariat par exemple, sur l’intérêt exclusif des associés. Si une super-majorité des actionnaires approuve leurs formulations, les dirigeants auront alors des missions (special purposes) autres que celle du profit, comme des objectifs caritatifs ou environnementaux. Les FPC peuvent ainsi chercher, selon la loi, à « accentuer les effets positifs ou minimiser les effets négatifs à court ou à long terme des activités sur : (i) les salariés, les fournisseurs, les clients ou les créanciers de la FPC ; (ii) la communauté et la société ; (iii) l’environnement » (texte de loi californienne SB 201, traduite par nos soins).
48Mais ces sociétés, dont l’objet peut engager d’autres parties et viser des intérêts communs ou généraux, restent malgré tout exclusivement contrôlées par les représentants des actionnaires. Pour être cohérent avec la fonction managériale, et la nature des projets collectifs, nous avons suggéré un contrat de société à mission qui reconnaisse l’engagement des salariés : en spécifiant une mission (d’ordre scientifique, social ou environnemental) de l’entreprise, les associés devraient soumettre le choix ou la révision de la mission à l’approbation des salariés. Et la société devrait également mettre en place un conseil de surveillance ou conseil de mission, parallèlement au conseil d’administration, où siégeraient des représentants des salariés, voire de toutes les parties prenantes engagées : ce conseil aurait vocation, à la différence du conseil d’administration actuel, à évaluer la stratégie menée au regard de la mission. Son rapport serait alors opposable et le conseil d’administration devrait le prendre en considération. On construirait alors un contrat d’engagement collectif où les salariés ne seraient pas « sub-ordonnés » : ils pourraient manifester leur adhésion au projet d’entreprise et participer à la définition de la mission et à l’évaluation de la gestion à l’aune de cette mission [Segrestin et al., 2014].
49Dépasser les apories dans lesquelles une lecture économique réductrice a enfermé le salariat : tel est l’objectif d’une proposition comme le contrat d’engagement ou d’une coopérative de l’inconnu. Il ne s’agit à ce stade que de propositions, dont les modalités concrètes restent largement à définir. Il reste par exemple à voir comment, en pratique, l’expression d’une mission pourrait assurer un équilibre entre le développement des potentiels des parties. Ou bien s’il faudrait envisager, en complément d’une mission commune, des dispositifs de solidarité pour compenser d’éventuelles disparités dans les évolutions de potentiels. De la même manière, les conditions de révision et de renouvellement des « futurs communs » sont à préciser. Mais à ce stade, le principe d’un contrat d’engagement vise surtout à montrer qu’il est possible d’inventer de nouvelles formes d’organisation collective du travail. Et c’est sans doute une condition pour rendre possible l’exploration de nouveaux ordres sociaux et de mondes plus équitables.
Notes
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[1]
Chaire Théorie de l’entreprise. Modèles de gouvernance et création collective.
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[2]
Cet article est le résultat d’un programme de recherche interdisciplinaire soutenu par le Collège des Bernardins (2009-2014) ainsi que du projet de recherche soutenu par l’ANR (projet IMpACT, 2014-2017).
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[3]
Étymol. et Hist. 1. 1610 « Dépendance par rapport à ce qui a un rang supérieur » (P. Coton, Institution catholique, t. 1, p. 105, in R. Philol. fr., t. 43, p. 133) ; 2. 1872 gramm. (Littré). Dér. de subordonner* d’apr. le b. lat. subordinatio, -onis « délégation » déb. vie s., in Blaise, Lat. chrét., dér. de ordinatio, -onis « action de mettre dans un ordre », v. ordination, préf. sub- marquant une position inférieure.
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[4]
Notre traduction : « Le statut des parties concernées, travailleurs ou propriétaires, a été radicalement changé. Le travailleur indépendant qui est entré dans l’usine est devenu un salarié subordonnant la direction de son travail à un dirigeant d’entreprise. Le propriétaire qui investit dans une société moderne subordonne de même sa richesse à ceux qui contrôlent la société, de telle sorte qu’il a échangé sa situation de propriétaire indépendant avec une situation où il reçoit simplement un traitement pour le capital. »
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[5]
Selon R. Freeland [2009], la loi confère trois caractéristiques à la relation de travail : 1) obéir à l’employeur ; 2) agir au nom et dans l’intérêt de l’employeur et non dans le sien propre ; 3) en tant que mandataire, agir pour le compte de l’employeur et non pour le sien. Un employé peut par exemple être puni de ne pas donner d’information ou de ne pas révéler sa compétence.
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[6]
« Der Vorstand hat unter eigener Verantwortung die Gesellschaft so zu leiten, wie das Wohl des Betriebs und seiner Gefolgschaft und der gemeine Nutzen von Volk und Reich es fordern. »