CAIRN.INFO : Matières à réflexion
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1 – Introduction

1À l’automne 2011, au pied des plus grandes places financières de la planète, le mouvement social #OCCUPY a dénoncé conjointement le poids excessif de la finance et l’enrichissement des plus riches (avec le slogan « We are the 99% ! »). Cette double dénonciation rencontre le programme de recherche des années 2000 autour de la notion de financiarisation [Krippner, 2005 ; van der Zwan, 2014]. Un de ses axes consiste à aller au-delà de l’étude interne de la finance et à appréhender les conséquences de son développement sur la cohésion sociale. Or l’une des transformations les plus remarquables des sociétés de marché au cours des quarante dernières années est l’augmentation des inégalités. Celle-ci se manifeste par la hausse de la part des plus prospères dans la masse des salaires, des revenus ou des richesses [Piketty, Saez, 2003 ; Atkinson, Piketty, 2010 ; Piketty, 2013]. La financiarisation est-elle responsable de cette transformation majeure ? La décomposition sectorielle des fractions les mieux loties a déjà mis en évidence que les rémunérations élevées dans la finance contribuent de manière substantielle à l’accroissement des inégalités, expliquant ainsi entre un sixième et un tiers de leur hausse aux États-Unis [Philippon, Reshef, 2012 ; Bakija et al., 2010], la moitié en France [Godechot, 2012] et les deux tiers au Royaume-Uni [Bell, Van Reenen, 2013]. Ce mouvement est-il spécifique à ces quelques pays ? On peut désormais répondre en mettant en relation les données agrégées sur les inégalités telles que la Word Top Income Database alimentée par les recherches de Tony Atkinson, Thomas Piketty et leurs collaborateurs, et des données macroéconomiques sur l’activité financière produites par les organismes internationaux. Kus et Dünhaupt ont ainsi déjà mis en évidence pour les pays de l’OCDE que, depuis une vingtaine d’années, plusieurs indicateurs de financiarisation étaient significativement corrélés à la hausse des inégalités mesurée par l’indicateur de Gini et par la part du top 1 % [Kus, 2013 ; Dünhaupt, 2014]. La présente contribution à la fois confirme et prolonge ces derniers travaux en analysant plus finement les impacts de la financiarisation à plusieurs niveaux de la distribution des rémunérations d’une part (rapports interdéciles et part des fractiles supérieurs du top 10 % au top 0,01 %), en étudiant une plage temporelle plus large (1970-2012) et, enfin, en analysant plus systématiquement l’impact sur la hausse des inégalités des différentes variétés de financiarisation identifiées jusqu’ici. En effet, la notion de financiarisation est pluridimensionnelle : elle peut renvoyer à l’augmentation du secteur financier dans son ensemble, à celle des seules activités de marché, ou au-delà à la financiarisation des secteurs institutionnels non financiers, qu’il s’agisse des entreprises ou des ménages. Nous montrons ainsi que, mesurée à l’aune de son impact sur les inégalités, la financiarisation est avant tout un phénomène de marchéisation, que nous proposons de définir comme l’accroissement de l’activité sociale dévolue au commerce des titres sur les marchés financiers.

2 – Les variétés de la financiarisation. Retour sur les apports de la littérature

2La notion de financiarisation a d’abord été forgée par des auteurs post-keynésiens ou néomarxistes comme un nouveau « régime d’accumulation dans lequel le profit se réalise plus par des canaux financiers que par la production et le commerce des marchandises » [Krippner, 2005]. Un des acquis de ces travaux est de montrer que cette accumulation entame celle du capital productif [Stockhammer, 2004 ; Orhangazi, 2008 ; Hecht, 2014 ; Tomaskovic-Devey et al., 2015 ; Alvarez, 2015]. La financiarisation n’en reste pas moins une notion multiple, pour ne pas dire floue, lorsqu’elle est définie comme « l’importance croissante des motifs financiers, des marchés financiers, des acteurs financiers, et des institutions financières dans les activités économiques locales et internationales » [Epstein, 2005, p. 3].

3En première approche, la manière la plus simple de la mesurer grâce aux outils comptables est de calculer la part des revenus, des salaires ou des profits réalisés dans le secteur finance, banques et assurances. La part du PIB réalisée dans ce secteur a été ainsi multipliée par 1,7 aux États-Unis depuis 1980, passant de 5 à 8 % [Greenwood, Scharfstein, 2013]. Elle augmente à un rythme proche dans les autres pays de l’OCDE [Philippon, Reshef, 2013]. Cette évolution va de pair, paradoxalement, avec une augmentation du coût des services financiers [Philippon, 2014 ; Bazot, 2014] et laisse présumer l’existence de rentes [Tomaskovic-Devey, Lin, 2011] alimentées par la dérégulation financière [Krippner, 2011 ; Philippon, Reshef, 2012] et captées par ses salariés les mieux payés [Godechot, 2012 ; Bell, Van Reenen, 2013 ; Boustanifar et al., 2014]. L’approche sectorielle agrège toutefois des activités financières très différentes, des activités de réseau plus traditionnelles dont l’extension dans les années 1960 et 1970 (nommée « bancarisation ») ne semble pas avoir augmenté les inégalités, et de nouvelles activités de marché, en forte croissance depuis le milieu des années 1980 [Greenwood, Scharfstein, 2013]. Ce pourrait être moins la financiarisation qui alimente les inégalités que la marchéisation de la finance. Celle-ci combine à la fois la titrisation – la transformation d’actifs financiers, en particulier des créances, en titres financiers négociables sur le marché – et la croissance du volume d’échange pour chaque titre. Elle entraîne le développement de structures d’intervention sur les marchés (en particulier les salles de marché) avec leur organisation sociale spécifique et leur mode de répartition des salaires. De nombreux travaux soulignent le potentiel inégalitaire de ces activités en France, au Royaume-Uni ou aux États-Unis [Godechot, 2012 ; Bell, Van Reenen, 2013]. Au niveau international, les indicateurs d’activité des marchés financiers et la croissance des titres dans les bilans bancaires sont corrélés avec l’augmentation de l’indice de Gini et de la part du 1 % [Kus, 2013 ; Dünhaupt, 2014].

4Le capital humain, très important dans les activités de marché, et les politiques d’incitation, deux facteurs que l’on pourrait rendre responsables de cette corrélation, n’expliquent que faiblement les écarts de salaire et, partant, les inégalités [Godechot, 2011 ; Philippon, Reshef, 2012]. Récemment, une explication néoclassique des salaires financiers a été proposée à partir d’un mécanisme marchand de type superstar [Célérier, Vallée, 2015]. La taille des activités financières contribuerait à démultiplier le talent. Si un opérateur financier peut obtenir sur un portefeuille un rendement d’un epsilon supplémentaire par rapport à son collègue, alors il est rentable de lui attribuer un portefeuille plus important et il peut réclamer une rémunération supplémentaire de cet epsilon multiplié par la taille du portefeuille qu’il gère. Cette interprétation, qui repose sur un assortiment marchand parfait des hiérarchies de talent « inné » et des tailles de portefeuille, a sans doute une certaine pertinence mais rend difficilement compte de certains phénomènes patents de rente, comme les carrières bien meilleures obtenues par les étudiants des écoles de commerce d’élite entrés sur le marché du travail en période de boom financier, par rapport à ceux entrés en période de crise financière [Oyer, 2008]. Une explication plus réaliste peut être donnée de ces rémunérations et des inégalités qui en découlent par un mécanisme de hold-up [Godechot, 2006 ; Godechot, 2014]. Elle diffère de la théorie des superstars, en élargissant la notion de « talent » non plus au seul talent « inné » (ou acquis lors des études), mais aussi au « talent » acquis sur le tas et plus généralement à l’ensemble des ressources accumulées dans l’entreprise financière. La finance permet plus qu’ailleurs de s’approprier individuellement du capital humain (savoirs, savoir-faire, etc.) et du capital social (clients, équipes), et de les mouvoir ailleurs – ou de menacer de le faire. Les salariés qui peuvent transporter l’activité obtiennent alors des rémunérations considérables, lesquelles, loin d’être anecdotiques, pourraient nourrir la dynamique inégalitaire contemporaine.

5Toutefois, la financiarisation ne limite pas ses effets aux seuls marchés financiers. Elle déborde les frontières des secteurs institutionnels et concerne aussi les entreprises non financières. Ces dernières ont été ainsi profondément transformées par la nouvelle doctrine managériale de la valeur actionnariale [Useem, 1996 ; Fligstein, 2002]. Celle-ci, forgée par des économistes universitaires libéraux [Jensen, Meckling, 1979] et portée par des cabinets de conseil [Froud et al., 2000 ; Lordon, 2000], s’est diffusée à la faveur d’une lutte entre raiders, investisseurs institutionnels et patrons pour la domination dans le champ économique [Heilbron et al., 2014]. Elle prône le downsize and distribute contre le retain and reinvest traditionnel [Lazonick, O’Sullivan, 2000] et donne aussi la priorité à la rémunération des actionnaires par le versement de dividendes ou le rachat d’actions. Elle favorise par ailleurs le recours à l’endettement (comme source de financement et comme discipline) et à des plans de rémunération généreux et incitatifs sous forme de stock-options pour les PDG [Jensen, Murphy, 1990 ; Dobbin, Jung, 2010]. Cette nouvelle orientation non seulement réduit l’investissement productif [Orhangazi, 2008 ; Hecht, 2014], mais favoriserait les inégalités par plusieurs canaux : augmentation des versements de dividendes qui alimentent les revenus des plus fortunés, rémunération à la fois plus incitative et plus élevée pour les P-DG et les cadres exécutifs, salaires des catégories moyennes et inférieures soumis à la pression de la restructuration. Dünhaupt trouve ainsi que la priorité donnée aux dividendes des actionnaires va de pair avec une hausse des inégalités [Dünhaupt, 2014].

6En outre, les entreprises non financières consacrent à la manière des banques une part importante de leurs activités aux opérations financières [Krippner, 2005]. Elles acquièrent ainsi d’importants portefeuilles de titres financiers et accompagnent la vente de biens et de services par la vente de crédits permettant aux consommateurs de les acquérir, en particulier dans l’automobile. Ce mouvement, quoique différent, est vu comme un indicateur de l’orientation vers l’actionnaire et favoriserait les inégalités pour les raisons évoquées ci-dessus. En outre, il y contribue aussi en marginalisant le travail productif par rapport au travail financier. Il va de pair avec un recul de la part du travail dans la valeur ajoutée en France [Alvarez, 2015] et aux États-Unis [Tomaskovic-Devey et al., 2015], ainsi que dans ce pays, avec une hausse des inégalités et une hausse des rémunérations patronales [Lin, Tomaskovic-Devey, 2013].

7La promotion de la valeur actionnariale d’une part, et ce que nous proposons de désigner comme leur bancarisation d’autre part ne sont toutefois pas complètement congruents. En effet cette bancarisation va à l’encontre de l’impératif de dédiversification et de concentration sur les activités du cœur de métier promu par la doctrine de la valeur actionnariale et soutenu en particulier par les analystes financiers [Zuckerman, 1999 ; Dobbin, Jung, 2010]. Crotty [2005] propose néanmoins de les réconcilier en expliquant que la financiarisation soumet à la fois les entreprises non financières à de nouvelles contraintes (l’orientation vers l’actionnaire) tout en leur permettant de profiter de nouvelles opportunités (la bancarisation).

8Les travaux sur la financiarisation mettent enfin l’accent sur un troisième secteur institutionnel : les ménages [Martin, 2002]. La promotion du « capitalisme populaire » dans les années 1980 et plus encore des retraites par capitalisation [Montagne, 2006] a orienté l’épargne des ménages vers la détention de titres financiers. Par ailleurs, dans le cadre d’une croissance atone et d’une crise de l’État providence, le recours à l’endettement a été le moyen pour eux de maintenir ou d’accroître leur niveau de vie [Streeck, 2014], en particulier sous forme de crédit hypothécaire, mais aussi de crédit à la consommation [Poon, 2009] ou de crédit étudiant. Le rôle crucial de l’endettement dans la crise financière de 2007-2008 (à travers le rôle des subprimes) a conduit à une réévaluation du rôle de l’endettement des ménages sur la dynamique de financiarisation. Elle en serait une composante majeure et son accroissement contribue significativement à l’éclatement régulier de crises financières [Jordà et al., 2014]. La financiarisation des ménages peut contribuer aux inégalités par plusieurs canaux : les ménages les plus riches, qui peuvent pour cela s’endetter à bas coût, investissent dans des placements plus lucratifs [Piketty, 2013 ; Fligstein, Goldstein, 2015], les ménages modestes pour maintenir leur niveau de vie, s’endettent eux à des taux élevés, et paient des intérêts élevés sur les crédits, qui via la titrisation, sont détenus par les ménages riches [Kumhof et al., 2015]. Enfin la financiarisation croissante des ménages accroît le rôle d’intermédiation de l’industrie financière qui touche des revenus pour ce rôle.

3 – Données et modèle

9Le champ de l’étude porte essentiellement sur dix-huit pays de l’OCDE pour lesquels nous disposons de mesures d’inégalité et de mesures de financiarisation [2].

10Vu que les indicateurs synthétiques d’inégalité (comme l’indice de Gini, de Theil, etc.) résument de manière insatisfaisante toute une distribution, il est intéressant d’étudier les écarts de revenu à différents niveaux de la distribution. Nous utilisons ici comme variables dépendantes l’indice de Gini contenu dans la base SWIID 4.0 [Solt, 2009], les ratios interdéciles d’inégalité de l’OCDE D5/D1 (ratio de la médiane D5 sur le seuil supérieur du premier décile D1), D9/D1 (ratio du seuil supérieur du neuvième décile D9 sur le seuil supérieur du premier décile D1) et D9/D5 (ratio du seuil supérieur du neuvième décile D9 sur la médiane D5), et à partir de la World Top Income Database la part des revenus touchée par les 10 %, 1 %, 0,1 % et 0,01 % les mieux rémunérés (cf. descriptif des variables dans le tableau A1 des annexes électroniques [3]). L’augmentation des inégalités sur l’ensemble considéré est générale et patente depuis 1980 (figure 1 et figures A1 à A8) : de 1980 à 2007, l’indice de Gini est multiplié par 1,2 (passant de 0,37 à 0,43), le ratio D9/D1 par 1,1 (passant de 2,9 à 3,2), la part du top 1 % est multipliée par 1,6 (passant de 6,5 % à 10,2 % de la masse des revenus), et celle du top 0,01 % par 2,7 (passant de 0,5 % à 1,4 %).

11Nous utilisons comme variables explicatives des indicateurs des différentes formes de financiarisation et quelques variables de contrôle disponibles pour l’ensemble des pays – le PIB par personne, le taux de syndicalisation, le taux d’importation – dont la littérature sur les inégalités souligne le possible impact [Kristal, 2010 ; Volscho, Kelly, 2012]. Nous avons vérifié par ailleurs que l’inclusion de variables de contrôle supplémentaires disponibles pour un échantillon plus restreint (tels que les investissements dans les NTIC ou la part des salariés diplômés du tertiaire) ne modifie pas sensiblement nos conclusions sur nos variables d’intérêt.

12Le modèle de base que nous utilisons est celui des moindres carrés ordinaires sur données de panel avec des effets fixes pays gi et des effets fixes temps pour chaque année pt et des erreurs types robustes pour données de panel pour tenir compte de l’autocorrélation temporelle des séries [Beck, Katz, 1995].

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Figure 1

Évolution de la part des revenus touchée par les 1 % les mieux rémunérés

Figure 1

Évolution de la part des revenus touchée par les 1 % les mieux rémunérés

Note : En 2012, les 1 % les mieux rémunérés aux États-Unis percevaient 19,3 % des revenus nationaux. Pour faciliter la lecture, seuls cinq pays sont représentés. La moyenne (avec correction pour rester sur périmètre constant) est calculée sur dix-huit pays (avec, outre ceux représentés, l’Australie, le Canada, la Finlande, l’Irlande, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Portugal, l’Espagne, la Suède, la Suisse).

14L’introduction de l’effet fixe pays permet de prendre en compte l’hétérogénéité inobservée constante dans le temps. Par conséquent, l’indicateur de financiarisation mesure non pas les différences entre pays qui pourraient résulter de variables confondantes inobservées constantes, mais uniquement l’effet de ses variations intrapays sur les variations intrapays d’inégalité. L’effet fixe temps capture des variations temporelles communes aux différents pays. La variable de financiarisation capturera donc uniquement les effets des variations temporelles intrapays spécifiques à chaque pays. L’introduction d’un retard d’un an permet d’asseoir une interprétation causale de nos résultats. En annexe, nous testons des variantes de panel dynamique pour corroborer les résultats de notre modèle de base.

4 – L’impact du secteur financier sur les inégalités

15En première approche, la financiarisation peut être approchée assez simplement par la part de l’activité économique (à savoir le PIB) réalisée dans le secteur financier (qui réunit à la fois la finance et l’assurance [4]) dans les comptes économiques nationaux sectoriels réunis et standardisés par l’OCDE (figure 2). D’une part, les transformations financières les plus emblématiques de la financiarisation (comme l’irruption des marchés financiers) ont eu lieu précisément dans ce secteur. D’autre part, la plupart des transformations financières ayant lieu hors du secteur des entreprises financières se traduisent aussi par des opérations financières que l’on retrouve au moins en partie dans la valeur ajoutée du secteur financier.

16Le tableau 1 indique l’effet des variations du poids du secteur financier sur les variations des écarts de revenu à différents niveaux de la distribution. La financiarisation n’a pas d’effet sur les inégalités lorsqu’on appréhende ces dernières avec l’indicateur synthétique de Gini (dont la qualité est médiocre [5]), mais affecte significativement les écarts interdéciles et la part des fractiles supérieurs. Elle n’a pas d’effet sur le ratio D5/D1, mais elle augmente les ratios D9/D5 et D9/D1. Un écart-type de finance augmente de 0,12 écart-type la part du top 10 %, de 0,23 celle du top 1 %, de 0,28 celle du top 0,1 % et de 0,41 celle du top 0,01 %. Ces premières indications montrent que l’effet inégalitaire de la financiarisation est d’autant plus fort que l’on monte dans l’échelle de distribution des revenus. Pour le redire autrement, si l’on croît notre régression et si l’on se concentre sur la séquence 1980-2007 d’approfondissement des inégalités (cf. figure 1 et figures A1 à A8), un cinquième de l’accroissement de la part dévolue au top 1 %, un quart pour le top 0,1 % et 40 % pour le top 0,01 % résultent de la financiarisation (tableau A3).

Figure 2

Évolution de la part de la finance dans le PIB

Figure 2

Évolution de la part de la finance dans le PIB

Note : En 2010, le secteur financier constituait 9 % du PIB aux États-Unis. Pour faciliter la lecture, seuls cinq pays sont représentés. La moyenne (avec correction pour rester sur périmètre constant) est calculée sur dix-huit pays (avec outre ceux représentés, l’Australie, le Canada, la Finlande, l’Irlande, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Portugal, l’Espagne, la Suède, la Suisse).
Tableau 1

Impact de la part du secteur financier dans le PIB sur les inégalités de revenu

Tableau 1
Indice de Gini D5/D1 D9/D1 D9/D5 Part du top 10 % Part du top 1 % Part du top 0,1 % Part du top 0,01 % PIB par tête (t-1) -0,51*** 0,62*** 0,34** 0,13* -0,21* 0,04 -0,02 0,02 Taux de syndicalisation (t-1) -0,27*** -0,16** -0,23*** -0,25*** -0,36*** -0,23*** -0,1** -0,14*** Taux d’importation (t-1) -0,15*** 0,41*** 0,17* -0,03 -0,11** -0,13** -0,15** 0,17* Finance & assurance/PIB (t-1) -0,04 -0,04 0,16** 0,18*** 0,12*** 0,23*** 0,28*** 0,41*** R2 aj. « within » 0,150 0,081 0,086 0,152 0,174 0,147 0,127 0,229 Nb. obs./pays/années 673/18/42 391/18/42 391/18/42 391/18/42 604/18/42 623/18/42 538/17/42 368/14/42

Impact de la part du secteur financier dans le PIB sur les inégalités de revenu

Lecture : modèles MCO avec effets fixes pays et années et des erreurs types corrigées pour données de panel.
***p < 0,001, **p < 0,01, *p < 0,05, ·p < 0,1. La définition des variables et leurs sources sont détaillées en annexe électronique dans le tableau A1.
Nous présentons ici les paramètres standardisés « démoyennisés » par pays pour comparer les effets des différentes variables en termes d’écarts-types intrapays : un écart-type intrapays de part de finance dans le PIB en plus augmente la part du 1 % de 23 % d’écart-type.

17Nous contrôlons par ailleurs cet effet de la financiarisation (outre les effets fixes pays et période) par trois variables : la variation du revenu par tête, celle du taux de syndicalisation et celle du taux de pénétration des importations. Comme dans les travaux précédents [Alderson, Nielsen, 2002 ; Kristal, 2010 ; Volscho, Kelly, 2012], nous trouvons que la syndicalisation a un effet réducteur des inégalités en limitant plus particulièrement la concentration des revenus au sein du décile supérieur et l’écart de son seuil avec la médiane. L’ouverture aux importations, qui cherche à approcher les effets de la globalisation [Sassen, 2001] et de la concurrence extérieure, n’a des effets inégalitaires que pour le bas de la distribution. Au contraire, sur le haut de la distribution, les effets sont plus contradictoires et vont plutôt dans le sens d’une réduction des inégalités. Enfin, le PIB par tête capture l’effet de la croissance moderne, dont on discute du caractère désormais plus inégalitaire [Cohen, 1997]. Cet effet se rencontre notamment au niveau des groupes médians, en particulier au sein de la moitié inférieure, mais en revanche ne joue pas sur la concentration des revenus au plus haut niveau de la distribution.

18On pourrait s’inquiéter de l’effet de variables inobservées du fait du nombre limité de variables de contrôle. En annexe, on introduit sur les sous-échantillons pour lesquels ces variables sont disponibles un indicateur, d’une part, de l’informatisation (tableau A4) et d’autre part, de capital humain (tableau A5). La puissance statistique est diminuée du fait de la réduction de l’échantillon, mais les conclusions restent globalement les mêmes. On pourrait également craindre que l’introduction du seul secteur financier ne capture aussi l’effet d’autres évolutions sectorielles qui lui sont corrélées. L’effet de la finance se maintient relativement aux autres secteurs lorsque l’on introduit l’ensemble de la partition sectorielle. L’effet du secteur financier est l’un des plus significatifs et des plus robustes sur l’ensemble de la distribution des revenus [6] (tableau A6).

19À ce problème d’hétérogénéité inobservée discutée au-dessus s’ajoute un risque de causalité inverse. Est-ce la financiarisation qui génère des inégalités ou les inégalités qui favorisent la financiarisation ? Les élites sont en effet fortement consommatrices de services financiers et l’accroissement de leurs ressources pourrait augmenter la valeur ajoutée de ce secteur. En outre, l’endettement des ménages modestes a pu être favorisé comme solution pour ne pas laisser leur niveau de vie se détériorer relativement à celui fortement croissant des ménages les plus riches [Kumhof et al., 2015]. On s’assure en annexe tout d’abord que la corrélation entre financiarisation et inégalité (ici le top 1 %) est plus forte lorsque l’indicateur de financiarisation est retardé d’un an que lorsqu’il est simultané ou avancé (tableau A7). On mesure différents modèles qui cherchent à tenir compte de l’éventuelle dynamique entre variables dépendantes et variables explicatives : modèles avec variables dépendantes retardées (tableau A8), modèles dynamiques de Blundell-Bond (tableau A9) et modèles à correction d’erreur (tableau A10). Ces modèles confirment l’effet significatif de la financiarisation sur la concentration des revenus en haut de la distribution.

20Les statistiques sectorielles de l’OCDE permettent enfin de décomposer le partage capital-travail de la valeur ajoutée. Sans surprise, la baisse de la part du travail dans le partage de la valeur ajoutée dans les secteurs non financiers est corrélée à l’augmentation des inégalités (tableau A11). En revanche, plus la part du travail est importante dans le secteur financier, plus les inégalités le sont dans l’économie, et ce, même en contrôlant la part du secteur financier dans l’ensemble de l’économie (dont la contribution reste positive). Ceci signifie donc que l’augmentation des inégalités est due non seulement à l’augmentation de la part du secteur financier dans les profits, mais plus encore à l’augmentation de la part de ce dernier au sein de la masse salariale. Ce résultat contraste avec ceux de Tomaskovic-Devey et Lin [2011] qui estiment que les deux tiers de l’augmentation de la rente financière découlent de la hausse des profits financiers.

5 – Les variétés de financiarisation

21Nous souhaitons désormais analyser l’impact de la financiarisation, à la fois au-delà et en deçà de l’indicateur synthétique sectoriel de la section précédente. La financiarisation a été vue avant tout comme un mouvement de transformation des entreprises non financières, en les soumettant aux nouvelles contraintes de création de valeur pour l’actionnaire, laquelle privilégie le recours à l’endettement (multiplication par 1,2 entre 1990 et 2007 – figure A12) et le versement de dividendes nets pour les actionnaires (multiplication par 1,1 – figure A13), et en les poussant à agir comme de quasi-banques en attribuant des crédits et en acquérant des titres financiers (multiplication dans les deux cas par 1,8 – figures A14 et A15).

22La soumission à la valeur actionnariale ne contribue que modérément à la hausse des inégalités (tableau 2, lignes 1 et 2). L’endettement des entreprises va clairement de pair avec un secteur financier plus important. Mais son impact sur les inégalités est assez hétérogène selon les indicateurs proposés : positif pour l’inégalité en bas de la distribution (D5/D1) et pour la concentration au plus haut (top 0,1 %), il est en revanche négatif sur la part du top 10 %. La priorité donnée à la rémunération des actionnaires a de même des effets hétérogènes sur les inégalités, positifs dans le haut de la distribution comme dans Dünhaupt [2014], mais très modérés et significatifs seulement pour la part du top 10 %, et négatifs pour le ratio D9/D5. Ce résultat en demi-teinte vient peut-être du fait que dans certains pays, en particulier les États-Unis, l’orientation vers l’actionnaire se traduit plus par des politiques de rachat de titres que par le versement de dividendes [Hecht, 2014].

Tableau 2

Impact de la financiarisation des entreprises non financières sur les inégalités de revenu

Tableau 2
Finance/PIB Indice de Gini D5/D1 D9/D1 D9/D5 Part du top 10 % Part du top 1 % Part du top 0,1 % Part du top 0,01 % 1 Endettement/PIB (t-1) 0,17*** -0,03 0,13* 0,09 0,04 -0,07* 0,01 0,05· 0,05 Nb. obs./pays/années 563/16/42 600/16/42 373/16/42 373/16/42 373/16/42 536/16/42 555/16/42 503/15/42 384/13/42 2 Dividendes nets distribués/EBE (t-1) -0,36*** -0,043  0,031  -0,085  -0,13* 0,14** 0,086  0,13  -0,072  Nb. obs./pays/années 289/15/42 304/15/42 224/15/30 224/15/30 224/15/30 266/15/42 280/15/42 226/13/42 150/10/42 3 Revenus financiers / EBE (t-1) 0,08 -0,12* -0,36*** -0,33*** -0,09 -0,4*** -0,3*** -0,23** 0,07 Nb. obs./pays/années 289/15/42 304/15/42 224/15/30 224/15/30 224/15/30 266/15/42 280/15/42 226/13/42 150/10/42 4 Actifs financiers/PIB (t-1) -0,09 -0,17· -0,3*** -0,16* 0,04 -0,35*** -0,19*** -0,15· -0,18· Nb. obs./pays/années 267/16 /23  287/16 /23  236/16 /23  236/16 /23  236/16 /23  260/16 /23  260/16 /23  225/14 /23  165/11/23

Impact de la financiarisation des entreprises non financières sur les inégalités de revenu

Lecture : chaque cellule correspond à un modèle différent. Tous les modèles sont estimés avec la méthode des MCO avec effets fixes pays et années et des erreurs types corrigées pour données de panel. Nous utilisons aussi le PIB par tête, le taux de syndicalisation et le taux d’importation en variables de contrôle ainsi que, pour les modèles de la ligne 4, l’indice boursier pour contrôler la montée du prix des actifs financiers. Les modèles complets sont détaillés en annexe (tableaux A12 à A15).
***p < 0,001, **p < 0,01, *p < 0,05, ·p < 0,1. La définition des variables et leurs sources sont détaillées en annexe électronique dans le tableau A1.
Nous présentons ici les paramètres standardisés « démoyennisés » par pays pour comparer les effets des différentes variables en termes d’écarts-types intrapays.

23La bancarisation des entreprises non financières n’est pas associée à une augmentation des inégalités intrapays. Au contraire, ce mouvement est à la fois corrélé négativement et significativement à l’accroissement du secteur financier et à la hausse des inégalités (tableau 2, lignes 3 et 4). Il s’agit moins ici d’interpréter causalement ce résultat (ce qui supposerait d’en détailler plus avant les mécanismes) que de constater qu’il contredit le lien positif établi pour les secteurs non financiers étasuniens [Lin, Tomaskovic-Devey, 2013]. La divergence peut devoir à une différence de champ (États-Unis versus OCDE), de sources et de définition des variables. Lin et Tomaskovic-Devey se concentrent en outre sur les effets de bancarisation des entreprises non financières sur la seule dynamique des inégalités intrasectorielles (hors secteur financier). Or il se peut que cette dynamique soit à contre-tendance de l’évolution des inégalités agrégées au niveau de l’économie (alimentées notamment par le différentiel croissant des rémunérations entre le secteur financier et non financier). Enfin, les variables de dividendes et d’actifs financiers issues de la comptabilité nationale ne sont pas consolidées et les indicateurs utilisés peuvent capturer aussi une tendance à la filialisation de la production.

24La financiarisation des ménages est appréhendée par trois variables : la montée des placements financiers au sein de l’épargne des ménages, que ceux-ci soient directement en actions (multipliés par 1,8 entre 1990 et 2007 – cf. figure A16) ou qu’ils soient gérés pour compte de tiers dans un organisme de placement collectif (multipliés par 4,7 au cours de la même période – figure A17), et la montée de l’endettement (multiplié par 1,6 – figure A18).

25La transformation de l’épargne en faveur de la détention des titres financiers se fait plus particulièrement en faveur de la gestion intermédiée par des entreprises financières de type fonds de pension, grâce à des mesures propices à leur développement, en particulier aux États-Unis [Montagne, 2006 ; Saez, Zucman, 2014]. C’est d’ailleurs cette forme-là de financiarisation qui est corrélée avec la croissance des inégalités, en particulier en contribuant à l’écartement des déciles, mais aussi en impactant la concentration au plus haut niveau (tableau 3).

Tableau 3

Impact de la financiarisation des ménages sur les inégalités de revenu

Tableau 3
Finance/PIB Indice de Gini D5/D1 D9/D1 D9/D5 Part du top 10 % Part du top 1 % Part du top 0,1 % Part du top 0,01 % 1 Actions et autres participations des ménages hors organisme de placement collectif/PIB (t-1) -0,29*** -0,25** -0,16* -0,25*** -0,24*** -0,18*** -0,04 0,06 0,1 Parts d’organismes de placement collectif/PIB (t-1) 0,1 0,41*** 0,3*** 0,55*** 0,5*** 0,07 0,11* 0,17** 0,36*** Nb. obs./pays/années 245/15/23 263/15/23 219/15/23 219/15/23 219/15/23 238/15/23 238/15/23 211/14/23 155/11/23 2 Endettement/PIB (t-1) 0,52*** 0 0,1 0,29** 0,27*** 0,03 0,11* 0,17*** 0,17** Nb. obs./pays/années 563/16/42 600/16/42 373/16/42 373/16/42 373/16/42 536/16/42 555/16/42 503/15/42 384/13/42

Impact de la financiarisation des ménages sur les inégalités de revenu

Lecture : chaque cellule correspond à un modèle différent. Tous les modèles sont estimés avec la méthode des MCO avec effets fixes pays et années et des erreurs types corrigées pour données de panel. Nous utilisons aussi le PIB par tête, le taux de syndicalisation et le taux d’importation en variables de contrôle ainsi que pour les modèles de la ligne 1, l’indice boursier pour contrôler la montée du prix des actifs financiers. Les modèles complets sont détaillés en annexe (tableaux A16 à A17).
***p < 0,001, **p < 0,01, *p < 0,05, ·p < 0,1. La définition des variables et leurs sources sont détaillées en annexe électronique dans le tableau A1.
Nous présentons ici les paramètres standardisés « démoyennisés » par pays pour comparer les effets des différentes variables en termes d’écarts-types intrapays.

26De même, la montée de l’endettement contribue sensiblement à l’augmentation des inégalités en milieu de distribution, et dans une moindre mesure à la concentration des rémunérations à son sommet. Au vu de ces premières statistiques, la financiarisation des ménages contribue plus à l’augmentation des inégalités que celle des entreprises.

27Examinons enfin deux facteurs de transformation interne du secteur financier liés à la montée en puissance des marchés financiers et à la substitution du commerce de titres financiers aux relations personnalisées de crédit : d’une part l’accroissement du volume de titres échangés sur les Bourses nationales, multiplié par 11 entre 1990 et 2007 (figure A19) et d’autre part le gonflement des titres financiers détenu à l’actif des banques, multiplié par 3,2 pendant la même période (figure A21).

28Les modèles de la première ligne du tableau 4 confirment les travaux de Dunhaupt [2014] et Kus [2013] en montrant clairement que l’activité de marché, mesurée par le volume de transactions, contribue à l’accroissement des inégalités. Ils apportent en plus la confirmation que l’impact s’accroît au fur à mesure que l’on monte dans la distribution des revenus : un écart-type de volatilité en plus augmente ainsi d’un demi-écart-type la part du dix millième supérieur des revenus. Les modèles de la deuxième ligne montrent quant à eux l’impact crucial non seulement du gonflement des bilans bancaires, mais aussi de leur marchéisation. L’encours de crédit n’a pas de rôle significatif robuste. En revanche, les actions possédées dans le bilan des banques sont très significativement corrélées à l’augmentation des inégalités, et ce d’autant plus que l’on met la focale au plus haut niveau.

Tableau 4

Impact de la marchéisation du secteur financier sur les inégalités de revenu

Tableau 4
Finance/PIB Indice de Gini D5/D1 D9/D1 D9/D5 Part du top 10 % Part du top 1 % Part du top 0,1 % Part du top 0,01 % 1 Volume de transactions à la Bourse/ PIB (t-1) 0,39*** 0,1* -0,06 0,18* 0,22*** 0,24*** 0,28*** 0,3*** 0,49*** Nb. obs. 356/18/23 385/18/23 308/18/23 308/18/23 308/18/23 355/18/23 355/18/23 285/15/23 206/12/23 2 Encours de crédit à l’actif/PIB (t-1) 0,42*** -0,07 -0,05 -0,06 -0,05 -0,14· -0,06 0,18** 0,08 Actions et fonds d’investissement à l’actif/PIB (t-1) 0,12 0,31** -0,08 0,15 0,26* 0,14* 0,17* 0,43*** 0,61*** Nb. obs. 267/16/23 287/16/23 236/16/23 236/16/23 236/16/23 260/16/23 260/16/23 225/14/23 165/11/23

Impact de la marchéisation du secteur financier sur les inégalités de revenu

Lecture : Chaque cellule correspond à un modèle différent. Tous les modèles sont estimés avec la méthode des MCO avec effets fixes pays et années et des erreurs types corrigées pour données de panel. Nous utilisons aussi le PIB par tête, le taux de syndicalisation et le taux d’importation en variables de contrôle ainsi que l’indice boursier pour contrôler la montée du prix des actifs financiers. Les modèles complets sont détaillés en annexe (tableaux A18 à A19).
***p < 0,001, **p < 0,01, *p < 0,05, ·p < 0,1. La définition des variables et leurs sources sont détaillées en annexe électronique dans le tableau A1.
Nous présentons ici les paramètres standardisés « démoyennisés » par pays pour comparer les effets des différentes variables en termes d’écarts-types intrapays.

29Quel bilan tirer de ces différents résultats ? Les différentes dimensions de l’activité financière sont fortement intriquées, rendant leur interprétation « toutes choses égales par ailleurs » quelque peu délicate [7], sans compter le fait que le cumul des données manquantes des différentes séries peut réduire sensiblement la puissance statistique. Dans le tableau 5, nous tentons l’exercice avec les quatre variables les plus liées à l’accroissement des inégalités dans les modèles qui précèdent : l’épargne sous forme de placements collectifs, l’endettement des ménages, le volume de transactions boursières et le montant de titres financiers à l’actif des banques. Premier résultat frappant, l’effet inégalitaire de l’endettement des ménages disparaît dès lors que l’on contrôle par l’activité boursière. Ainsi, ce n’est pas tant la croissance de l’activité financière de crédit aux particuliers, somme toute traditionnelle, qui favoriserait les inégalités, que sa marchéisation récente, laquelle a aussi fortement contribué à la crise financière [Fligstein, Goldstein, 2010]. L’impact de l’épargne placée collectivement est de même sensiblement amoindri par l’introduction des indicateurs d’activité des marchés financiers, mais conserve néanmoins un effet positif significatif sur l’écartement interdécile. Le volume de transactions à la Bourse et les titres à l’actif des banques conservent en revanche leur pouvoir explicatif et rendent particulièrement compte de la concentration des rémunérations au sein des fractions les plus prospères. Le volume de transactions a au final l’effet le plus robuste, entraînant des variations de 0,2 à 0,4 écart-type des indicateurs d’inégalité considérés.

Tableau 5

Tableau d’ensemble

Tableau 5
Finance/PIB Indice de Gini D5/D1 D9/D1 D9/D5 Part du top 10 % Part du top 1 % Part du top 0,1 % Part du top 0,01 % Parts d’organisme de placement collectif détenues par les ménages/PIB (t-1) -0,12 0,28*** 0,38*** 0,43*** 0,24** -0,08 -0,01 -0,01 0,15* Endettement des ménages/PIB (t-1) 0,18· -0,08 -0,28** -0,14 -0,03 -0,21** -0,12· 0,04 0,39** Volume des transactions boursières/PIB (t-1) 0,39*** -0,08 -0,12 0,18· 0,38*** 0,22** 0,28*** 0,24** 0,21· Actions et fonds d’investissement à l’actif des banques/ PIB (t-1) 0,26** 0,14 -0,3*** -0,01 0,24** 0,04 0,19* 0,44*** 0,66*** Nb. obs./pays/années 245/15/23 263/15/23 219/15/23 219/15/23 219/15/23 238/15/23 238/15/23 211/14/23 155/11/23

Tableau d’ensemble

Lecture : tous les modèles sont estimés avec la méthode des MCO avec effets fixes pays et années et des erreurs types corrigées pour données de panel. Nous utilisons aussi le PIB par tête, le taux de syndicalisation et le taux d’importation en variables de contrôle, ainsi que l’indice boursier pour contrôler le prix des actifs financiers.
***p < 0,001, **p < 0,01, *p < 0,05, ·p < 0,1. La définition des variables et leurs sources sont détaillées en annexe électronique dans le tableau A1. Les modèles complets sont détaillés en annexe (tableau A20).
Nous présentons ici les paramètres standardisés « démoyennisés » par pays pour comparer les effets des différentes variables en termes d’écarts-types intrapays.

6 – La financiarisation est une marchéisation

30Ce tour d’horizon statistique corrobore sur un périmètre géographique large le lien – dénoncé par #OCCUPY – entre financiarisation et croissance des inégalités. Il permet en outre de mesurer l’impact respectif de ses différentes formes. Celle des entreprises non financières n’y contribue pas lorsqu’elle prend la forme d’une bancarisation, ou peu sous la composante de l’orientation vers l’actionnaire. La financiarisation des ménages la nourrit plus, mais pour autant qu’elle est accompagnée par la délégation de compétences à des intermédiaires financiers (sous la forme de fonds de pension) et par la titrisation des crédits. Au sein du secteur financier, ce n’est pas toute l’activité financière qui favorise l’accroissement des inégalités. L’activité traditionnelle de crédit aux ménages et aux entreprises a peu d’impact. Ce sont donc les activités nouvelles autour des marchés financiers qui favorisent le plus leur développement, comme le montrent l’impact des actions au bilan des banques et le volume de transactions. Un des aliments importants de l’accroissement des inégalités tient au fait que sur les marchés financiers, le mode organisation du travail permet à certains acteurs (traders, vendeurs et plus encore chefs de salle) de s’approprier une partie des actifs clés, de les mouvoir ailleurs (ou de menacer de le faire) et, partant, d’en collecter les fruits [Godechot, 2006]. Mesuré à l’aune du test inégalitaire, ce qu’on appelle financiarisation est donc moins un accroissement de l’ensemble des activités financières qu’un phénomène de marchéisation.

31Le lien entre finance et inégalités tient donc surtout à la constitution d’une rente sur les marchés financiers et à son appropriation par une minorité. Certains aspects de ce phénomène sont bien expliqués tandis que d’autres demandent à être encore explorés. La théorie des superstars, et plus encore celle du hold-up, rendent bien compte de la distribution très inégale de cette rente. En outre, son origine commence à être élucidée. La dérégulation financière des trente dernières années, créant de nouveaux marchés, en est l’origine principale [Philippon, Reshef, 2012 ; Philippon, Reshef, 2013 ; Boustanifar et al., 2014]. Nous retrouvons donc logiquement sur nos données un lien entre dérégulation financière et inégalités de revenu (cf. tableau A21). En revanche, les raisons de la persistance de cette rente sont moins connues. Pourquoi croît-elle à moyen terme et ne se réduit-elle pas avec le temps par libre entrée et diffusion du savoir-faire nécessaire à son exploitation ? La concentration bancaire, qui limite la concurrence, y contribue sans doute, comme le montre son impact positif significatif sur les ratios D9/D1, D9/D5 et sur la part du top 0,01 % (cf. tableau A21). Les sauvetages fréquents du secteur par l’État alimentent aussi artificiellement sa rentabilité. Enfin, la théorie du hold-up pourrait, elle aussi, apporter des éléments. Si l’organisation du travail financier ne peut empêcher un certain degré appropriation des actifs clés par certains salariés et si les entreprises ne peuvent non plus indexer les contrats de travail à cette éventualité, alors cette appropriation devient un coût irrécupérable (sunk cost) nécessaire à l’existence de l’activité financière. Par libre entrée, les profits des entreprises du secteur financier pourraient baisser jusqu’au niveau de ceux des autres secteurs, tandis que les salariés qui peuvent s’approprier des actifs resteraient mieux payés qu’ailleurs. À la limite, la rente pourrait n’être touchée que par certains salariés. Démêler les raisons de la persistance à long terme de la rente financière permettrait de mieux comprendre la dynamique inégalitaire du capitalisme contemporain.

Notes

  • [1]
    Je remercie Moritz Schularick d’avoir partagé ses précieuses données sur l’endettement [Jordà et al., 2014] et Ariel Reshef pour ses conseils, ainsi que les rapporteurs anonymes pour leurs critiques constructives.
  • [2]
    Ces pays sont l’Allemagne, l’Australie, le Canada, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse. La part du top 0,1 % n’est pas définie pour la Finlande, et celle du top 0,01 % pour la Finlande, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande, la Norvège.
  • [3]
    Pour des raisons de place, nous ne présentons au sein du corps de l’article que les résultats essentiels et nous renvoyons le lecteur aux annexes électroniques disponibles à l’adresse http://www.cairn.info/loadextraweb.php?ID_ARTICLE=RFSE_HS1_0051 pour la description des variables (tableau A1), pour les figures présentant leurs évolutions (figures A1 à A23), pour les régressions complètes et les variantes (tableaux A2 à A21).
  • [4]
    La délimitation entre finance et assurance n’est pas toujours disponible et elle semble quelque peu hétérogène d’une année ou d’un pays à l’autre.
  • [5]
    Solt estime l’indice de Gini tous les trois ans à partir de la base du Luxemburg Income Study et complète ensuite les données pour les années manquantes par interpolation [Solt, 2009]. Ceci conduit la variable à manquer de grain. En outre, des évolutions pour certains pays paraissent curieuses et à contre-tendance de ce que l’on sait par ailleurs (cf. le Danemark dans les années 1970 - figure A1).
  • [6]
    Notons un effet positif du secteur agricole sur les inégalités de revenu déjà remarqué ailleurs [Alderson, Nielsen, 2002]. La réduction du poids du secteur agricole a ainsi contribué à la réduction des inégalités dans les années 1970. Le secteur de la construction est aussi sensiblement lié à la hausse des inégalités pour le haut de la distribution, sans que les mécanismes sous-jacents ne soient très clairs.
  • [7]
    Lorsqu’une activité financière implique (quasi) mécaniquement une autre, alors la variable représentant la première doit être plutôt vue comme une variable d’interaction que comme une variable dont l’effet pourrait être mesuré indépendamment des autres.
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Nous étudions l’impact de la financiarisation sur la montée des inégalités au sein de dix-huit pays de l’OCDE de 1970 à 2011 et nous mesurons les rôles respectifs de diverses formes de financiarisation : la croissance du secteur financier, la croissance de l’un de ses sous-composants, les marchés financiers, la financiarisation des entreprises non financières et celle des ménages. Nous testons ces impacts grâce à des modèles de régression de panel à effets fixes sur données agrégées au niveau national. Nous utilisons comme variables dépendantes l’indice de Gini de la base SWIID, les mesures d’inégalité interdéciles de l’OCDE et les parts des revenus touchées par les fractions les mieux rémunérées grâce à la World Top Income Database. Nous montrons d’abord que la part du secteur de la finance dans le PIB est un moteur important de l’inégalité dans le monde, qui explique de 20 % à 40 % de son accroissement entre 1980 et 2007. Lorsque nous décomposons cet effet du secteur financier, nous constatons que cette évolution est principalement tirée par l’augmentation du volume des transactions boursières et par le montant des actions détenues à l’actif du bilan des banques. Au contraire, la financiarisation des entreprises non financières et celle des ménages ne jouent pas un rôle important. Sur la base de ce test d’inégalité, nous interprétons donc la financiarisation comme étant essentiellement un phénomène de marchéisation, défini comme la croissance de l’activité sociale consacrée au commerce des titres sur les marchés financiers.

Mots-clés

  • financiarisation
  • marchéisation
  • inégalités de revenu
  • OCDE

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Olivier Godechot
Sciences Po, MaxPo et OSC-Cnrs
Mis en ligne sur Cairn.info le 13/11/2015
https://doi.org/10.3917/rfse.hs1.0051
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