CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1Le paiement pour services environnementaux ou écosystémiques (PSE) est un outil de gestion des ressources naturelles conceptualisé, entre autres, par les travaux de Pagiola et Platais [2002] et de Wunder [2005]. Le PSE correspond à une transaction privée et directe, en espèces ou en nature, aidant à préserver notamment la capacité des écosystèmes à purifier l’eau, à stocker du carbone ou encore à conserver la biodiversité [Büscher, Arsel, 2012 ; Muradian, 2013]. Différents types de service peuvent être concernés par les PSE, comme les services de régulation (maintien de la qualité de l’eau, pollinisation, captation du carbone, etc.) ou encore les services culturels, apportant des avantages non matériels (récréation, éducation, etc.) [MEA, 2005]. Wunder [2005] différencie, lui, quatre types de PSE : séquestration du carbone, conservation de la biodiversité, gestion des bassins versants et préservation du paysage.

2Associés aux « stratégies paradigmatiques néolibérales telles que la dérégulation, la décentralisation […] et la création de marchés pour la commercialisation du “capital naturel” » [Fletcher, Breitling, 2012, p. 402, notre traduction], les PSE ont été accusés d’évincer les institutions qui s’opposeraient à la marchandisation de la nature et des rapports sociaux sous-tendant la gouvernance environnementale [Kosoy, Corbera, 2010 ; Robertson, 2011]. Diverses analyses de PSE montrent toutefois qu’ils s’inscrivent dans un gradient complexe allant du tout marchand au non-marchand [McAfee, Shapiro, 2010]. Constatant « l’écart entre rhétorique [néolibérale] et pratique des PSE » [Fletcher, Breitling, 2012, p. 403], plusieurs auteurs attribuent cette diversité tant aux caractéristiques des écosystèmes et des biens (rivaux ou non, exclusifs ou non) auxquels les services environnementaux sont liés, qu’au fait que les PSE reproduisent en partie les règles et les normes existant au sein des sociétés dans lesquelles ils se développent [Corbera et al., 2007 ; Vatn, 2010].

3En étudiant, par une lecture polanyienne, le fonctionnement des PSE appelés Acuerdos Reciprocos por el Agua (ARA), développés dès 2003 par la fondation Natura Bolivia aux alentours du parc national Amboro en Bolivie, nous montrons que ces PSE articulent aux régulations marchandes des principes organisationnels réciprocitaires et redistributifs relevant pour partie des traditions indigènes [Sabourin, 2012]. Cette hybridation contribuant à la reproduction des systèmes compensatoires mis en place, elle ne saurait être vue comme un phénomène transitoire.

2 – Les PSE : un laminoir néolibéral ?

4Selon Wunder [2005], le PSE est un outil de gestion des ressources naturelles consistant en une « (1) transaction volontaire, où (2) un service environnemental bien défini (ou l’usage des terres correspondant), est (3) acheté par un agent (au minimum) (4) auprès d’un (au minimum) fournisseur de services (5) si et seulement si la fourniture de services est garantie par la conditionnalité » [art. cité, p. 4, notre traduction]. Cette transaction n’aurait lieu que si elle rémunère une contribution active à la formation d’un service environnemental additionnel – ou d’une gestion garantissant l’accomplissement de ce service – au regard d’une situation initiale [Wunder et al., 2008]. Les PSE se différencient des instruments dits de conservation et développement intégrés, auxquels on reprocha d’être des subsides déguisés et d’échouer tant à préserver la nature qu’à réduire la pauvreté [Muradian, 2013].

5L’émergence des PSE dans les années 2000 fait suite aux travaux de Costanza et al. [1997] qui, les premiers, tentèrent d’évaluer monétairement les services écosystémiques et le capital naturel mondial, complétés par les recherches du MEA [2005]. Les travaux de Landell-Mills et Porras [2002] et de Pagiola et al. [2004] ont toutefois constitué un apport fondamental pour permettre au principe de PSE de se faire jour sur la base de l’hypothèse néolibérale, à savoir que la privatisation, l’activation des marchés et l’allocation des ressources à travers les signaux de prix éviteraient les apories des régulations antérieures ayant abouti à la dégradation, voire à l’épuisement, des écosystèmes [Engberg-Pedersen et al., 1996]. Dans cette optique, largement inspirée par les contributions de Hardin [1968] et d’Alchian et Demsetz [1973] sur les biens rivaux mais non exclusifs dits communs – par exemple les forêts, pâturage, eaux de surface ou souterraines –, l’exploitation non soutenable des ressources naturelles serait en premier lieu imputable à la non-attribution de droits de propriété. Leur absence ne permettant pas la constitution d’un marché destiné à les échanger, la détermination d’une valeur par les prix issus de la confrontation entre l’offre et la demande serait impossible. Sans valeur marchande, les biens environnementaux ne pourraient alors échapper à la non-préservation ou à la surexploitation. En favorisant la privatisation et l’échange entre parties prenantes des droits sur des biens, antérieurement communs souvent – mais pas exclusivement –, le PSE serait à même d’amorcer une gestion soutenable des ressources naturelles [Van Hecken, Bastiaensen, 2010]. Les réflexions autour de l’économie des écosystèmes et de la biodiversité du Programme des Nations unies pour l’environnement (initiative TEEB) et, dès 2005, l’initiative REDD+ de l’ONU ont contribué à une large diffusion des PSE [Corbera, 2012].

6Le primat supposé des incitations économiques et de la négociation directe et privée des prix et des modalités de paiement des services environnementaux fait que plusieurs auteurs estiment que les PSE participent d’un processus amenant à la fois à l’acculturation à la doxa capitaliste [Sullivan, 2010] et à un fétichisme de la marchandise réduisant les relations sociales à l’échange de biens ou de services [Kosoy, Corbera, 2010]. Gomez-Baggethun et al. [2010] considèrent ainsi que la mise en place d’incitations économiques à la conservation (qu’elles soient issues de transactions directes ou indirectes) engendrerait des logiques individualistes auparavant inexistantes dans les sociétés organisées sur une base communautaire. Cette hypothèse a été testée par simulation par Reeson et Tisdell [2010] qui en ont conclu que l’introduction d’institutions marchandes dans la gestion environnementale engendrerait un instinct de marché chez les participants qui abandonneraient tout mode relationnel non marchand. Narloch et al. [2012] évoquent, quant à eux, un risque d’éviction des normes sociales à travers la monétisation des incitations morales. Partant, la diffusion des PSE contribuerait à la création (volontaire ou non) de l’« homo œconomicus dans des régions où une telle logique était inexistante ou culturellement découragée par les structures institutionnelles existantes » [Gomez-Baggethun et al., 2010, p. 1216, notre traduction].

7Une analyse plus large de la littérature amène cependant à refuser de souscrire à la thèse selon laquelle les PSE contribueraient par éviction à la disparition de régulations non marchandes, qu’elles soient relatives à la nature ou aux rapports sociaux. McAfee et Shapiro [2010, p. 580] montrent que la mise en application des PSE témoigne d’un « large spectre de positions, [allant] de l’application stricte de raisonnements orientés-marché au rejet complet de la propriété privée et de l’évaluation économique de la nature » [notre traduction]. Il convient de relier la diversité des PSE dont parlent McAfee et Shapiro [2010] tout autant à la particularité des biens et des services concernés qu’à celle des arrangements institutionnels dans lesquels ils s’inscrivent et qui les portent.

8Premièrement, définir les services écosystémiques et en évaluer la valeur économique est d’une complexité largement mise en évidence par De Groot et al. [2002] et les travaux précurseurs de Pearce et Turner [1990]. Deuxièmement, il est également difficile d’individualiser la transaction en déterminant à la fois la part prise par chaque prestataire de services environnementaux dans la création de cette valeur et la répartition effective de cette dernière entre les bénéficiaires, ne serait-ce qu’en raison du décalage temporel entre un changement d’activité associée à des systèmes naturels et sa répercussion en termes de services [Barnaud et al., 2011]. Troisièmement, la fixation du prix par le jeu de l’offre et de la demande ne s’applique guère aux services environnementaux rendus de façon non intentionnelle sous forme d’externalités positives, la transaction ne rémunérant pas les coûts liés à une contribution active spécifique [Aznar et al., 2007]. Pour ces raisons, Muradian [2013] estime que la plupart des initiatives de PSE mettent en place des incitations plus que des transactions marchandes déterminées en fonction de la valeur économique des efforts ou des services fournis.

9Quatrièmement, conditionner la prestation à un paiement n’est pas systématiquement possible dans le cas des services environnementaux adossés à des biens communs. Dans ce cas, la mise en place et la pérennisation de PSE ne peuvent faire l’économie d’une grammaire différente de celle appliquée aux transactions portant sur des biens privés, rivaux et exclusifs [Coriat, 2013 ; Muradian et al., 2010]. Ostrom [1990] en a témoigné en montrant qu’imaginer que les biens communs étaient des ressources disponibles sur lesquelles ne s’exerçait aucun droit de propriété était fallacieux. En réalité, leur non-privatisation et l’absence de transaction marchande n’excluent pas des formes spécifiques de propriété et d’usage adaptées aux particularités des communs et issues de négociations guidées par un ensemble de règles – définissant ce qui est requis, interdit ou permis – et de normes – acquises dans un cadre communautaire et ne visant pas à en retirer un gain matériel ou à éviter un coût à court terme. Elle propose d’appeler communs les systèmes de règles et de normes, et non plus uniquement les biens sur lesquels celles-ci portent [Crawford, Ostrom, 1995]. Partant, si les biens communs sont un construit institutionnel fait de règles et de normes préexistant aux PSE, ceux-ci ne pourront pas en faire abstraction. Ce d’autant plus que les coûts de transaction liés à la conception et à l’application des PSE y sont corrélés [Ostrom, Hess, 2007]. Or ces règles et ces normes ne sont pas forcément compatibles avec la logique marchande. Par extension, quel que soit le type de biens auxquels on envisage d’adosser des PSE (biens de club, biens communs, etc.), il serait non pertinent d’imaginer que les PSE se font jour dans des contextes donnant toujours à la privatisation et à la régulation marchande toute latitude pour s’y imposer. L’éviction, par les PSE, des normes sociales non marchandes n’est certes pas à exclure, mais elle n’est qu’une possibilité parmi d’autres, pas une fatalité.

10C’est dans cette optique concevant les PSE comme des institutions émergentes liées aux règles et aux normes sociales organisant l’action collective qu’ont travaillé Hayes [2012] et Shapiro-Garza [2013], dont l’objectif heuristique est de comprendre comment les PSE entrent en relation avec les formes organisationnelles (pré)existantes. Nous nous proposons d’analyser les initiatives de PSE dans le département de Santa Cruz à l’est de la Bolivie dans le prolongement de ces travaux.

11Choisir un référentiel permettant de travailler sur ce qui est susceptible, dans une structure institutionnelle faite de règles et de normes, d’entrer en résonance avec la mise en place de PSE constitue toutefois un préalable pour guider l’analyse. À cette fin, nous mobilisons le cadre conceptuel polanyien, lisant l’activité économique comme « un ensemble de mouvements de production, de circulation et d’appropriation de biens matériels » qui « acquiert unité et stabilité car il est institutionnalisé, fonctionne comme ou à travers des institutions, c’est-à-dire des rapports sociaux généraux des hommes entre eux ou au sein d’une société » [Godelier, 1975, p. 14]. Polanyi considère ainsi que l’activité économique est encastrée, car « englobée dans des institutions économiques et non économiques » [Polanyi, 1975, p. 244]. Cette conception d’une économie incluse dans diverses logiques d’organisation sociale permet à Polanyi de suggérer l’existence de trois modes d’intégration conférant « unité et stabilité aux “économies empiriques” : la réciprocité, l’échange marchand et la redistribution » [Polanyi et al., 1975, p. 244, cité in Servet, 2007, p. 261]. Ces types idéaux d’arrangements institutionnels sont vus comme « l’expression […] des rapports sociaux […], [et] traduisent la présence et la logique de fonctionnement de structures sociales » [Godelier, 1975, p. 18].

12La redistribution désigne « des mouvements d’appropriation en direction d’un centre, puis de celui-ci vers l’extérieur » [Polanyi, 1975, p. 245]. Elle suppose l’existence d’une structure sociale avec un « centre établi antérieurement » au sein d’un groupe [Polanyi, 2011 (1977), p. 81]. L’échange marchand, quant à lui, suppose, d’une part, l’existence d’individus « vecteurs de mobiles économiques individuels autonomes » [Servet, 2007, p. 262], indépendants, équivalents – donc interchangeables – et, d’autre part, l’émergence « d’un marché créateur de prix » [Polanyi, 1975, p. 245]. La réciprocité est, elle, un système complexe, non réductible au système de dons/contre-dons. Elle implique des relations « de complémentarité et interdépendance volontaires » et donc des individus « non superposables » et par là même non commutables [Servet, 2007, p. 264]. Si une aide est reçue, une prestation en retour n’est « pas obligatoire en termes contractuels ou dans l’absolu : [elle] est attendu[e] en termes de sociabilité et d’humanité » [Sabourin, 2007a, p. 202]. En conséquence, si l’échange marchand constitue « une transaction portant sur des objets », la réciprocité consiste en une « relation entre les personnes » [Sabourin, 2007b, p. 44]. La portée matérielle de la réciprocité ne constitue donc pas la motivation unique et principale de l’entrée en relation, contrairement aux liens d’amitié, de confiance et à la cohésion produite par la réciprocité [Temple, Chabal, 1995]. Aristote différenciait déjà la réciprocité proportionnelle (assimilable à l’échange marchand) ayant pour finalité la justesse de l’échange et la réciprocité incommensurable ayant pour finalité un projet commun, la création de « ces liens fondamentaux qui renforcent la moralité d’un individu » (Aristote, cité dans Cattacin [2001, p. 2]). La réciprocité participe aussi d’attentes normatives liées à une recherche de reconnaissance intersubjective et non de maximisation de l’utilité individuelle [Habermas, 1987 ; Honneth, 2000].

13Polanyi pose que ces modes d’intégration (échange marchand, réciprocité, redistribution) ne sont ni exclusifs ni hiérarchisables et coexistent dans différentes configurations historiquement situées [Servet, 2007]. Dans cette perspective, Sabourin [2007a] montre que si l’on imagine souvent que le marchand « s’est imposé progressivement, parvenant à se superposer aux pratiques de réciprocité et à les masquer » [art. cité, p. 214], les observations témoignent d’une non-éradication des logiques redistributives et réciprocitaires. Sabourin [2012] identifie trois relations possibles entre ces modes d’intégration : la juxtaposition (pas de coordination entre les logiques) ; la contradiction avec des tensions pouvant mener à la « paralysie mutuelle des deux systèmes ou à la domination de l’un sur l’autre » [op. cit., p. 235] ; la complémentarité, soit un interfaçage des trois logiques sans éviction d’un ou de plusieurs modes d’intégration. Laville [2007] postule que la complémentarité échange marchand-réciprocité-redistribution est la configuration la plus souhaitable, en ce sens qu’elle permet de « cumuler les avantages de l’économie monétaire, source de liberté individuelle par le marché et facteur d’égalité par la redistribution, avec ceux de l’économie non monétaire qui contextualise les échanges et les sort de l’anonymat » [p. 98]. Cet interfaçage constitue par ailleurs le fondement de l’économie sociale et solidaire : un ensemble de pratiques économiques « mixtes, où l’impulsion réciprocitaire est amplifiée par le recours au marché et à la redistribution dans le fonctionnement d’institutions micro-économiques » [ibid., p. 96].

14La capacité analytique du référentiel polanyien possède cependant des limites. Bien que Polanyi ait rendu explicite la « place changeante de l’économie dans diverses sociétés » [Godelier, 1974, p. 24] et « l’analyse de[s] conséquences [de l’ordre économique libéral] sur la démocratie » [Laville, 2008, p. 3], il n’a pas élaboré, au contraire des approches néo-institutionnalistes [Rizza, 2008], une théorie des processus contribuant à la formation des institutions économiques, pas plus qu’élucidé pourquoi les individus sont conditionnés, dans leurs choix, par des règles et des normes qu’ils ont contribué à créer. Toutefois, même si la portée du référentiel polanyien est limitée de par son objectif initial – celui de montrer que tant le libéralisme que la planification centralisée prétéritent le contrôle social de notre devenir [Maucourant, Plociniczak, 2011] –, son utilisation comme « grille d’analyse permettant d’appréhender le caractère pluriel de l’économie réelle par la mise en évidence d’une diversité de principes économiques » [Laville, 2008, p. 8] contribue à « rendre plus lisible une réalité complexe et variée et d’avoir des grilles de lectures ordonnant une grande diversité » [Roustang, 2006, p. 8].

15Les concepts polanyiens ont été utilisés à large échelle, notamment pour l’analyse de l’économie solidaire au Brésil [Lemaître, 2009] et en Europe [Degavre, Lemaître, 2008], ou encore celle de sociétés paysannes au Brésil, en Nouvelle-Calédonie et en France [Sabourin, 2012]. Hillenkamp [2008] y a également recouru pour rendre compte de l’économie populaire en milieu urbain en Bolivie. Nous l’appliquerons au contexte rural bolivien où les normes de réciprocité et redistribution dans leurs versions traditionnelles (ayne, minga) sont encore prégnantes [Sabourin, 2012].

3 – La Bolivie entre tentation néolibérale et économie plurielle

16Historiquement, la gouvernance néolibérale de l’environnement a trouvé dans l’Amérique latine des années 1970-1990 un « terrain fertile » [Arbona, 2007]. Elle a cependant par la suite rencontré de fortes oppositions, tant et si bien que la région « oscille aujourd’hui entre néodéveloppementalisme extractiviste insoutenable et constructions-expérimentations de modèles de développement alternatifs » [Chartier, Löwy, 2013, p. 15]. Ces résistances sont observables en Bolivie, considérée comme une « ligne de front insurrectionnelle » des mouvements sociaux de contestation en Amérique latine [Hylton, Thomson, 2005, p. 41, notre traduction].

17La Bolivie a en effet connu, suite aux réformes néolibérales effectuées dans les années 1980, un contre-mouvement – notamment lors des protestations contre la privatisation des services d’eau en 2000 et durant les révoltes qui suivirent dans les zones rurales de Cochabamba – exigeant que soient développées une économie et une gestion des ressources naturelles intégrant la cosmologie indigène andine, célébrant la complémentarité entre les éléments (le chaud et le froid, la femme et l’homme, l’homme et la nature) : « À chaque être et à chaque action correspond un élément complémentaire qui constitue ainsi un tout intégral » [Valdivia, 2006, p. 2, notre traduction]. L’individu y est considéré comme « inséré dans un système de relations multiples » lesquelles sont des « garanties de vies » [Valdivia, 2006, p. 2, notre traduction]. Cette complémentarité engendre la « responsabilité partagée de répondre à une obligation mutuelle » [Porter, Monard, 2001, p. 6, notre traduction], assimilable, pour partie, aux principes de réciprocité et de redistribution. Elle est mise en pratique dans les régions rurales boliviennes par l’ayne et la minga, organisant le travail agricole.

18L’ayne est une relation personnalisée où un membre de la communauté fournit son aide à un autre membre. Cette aide ne fait pas l’objet d’un contrat mais d’une obligation morale de retourner l’aide sous une forme qui peut différer et dans une temporalité large. L’aide peut être rendue par un autre membre de la famille de la personne l’ayant reçue. L’ayne n’a ainsi pas uniquement pour objectif de satisfaire à un besoin de main-d’œuvre à un moment donné mais aussi de créer « un lien affectif qui perdure et dépasse la satisfaction des besoins matériels immédiats » [Michaud et al., 2003, p. 7, notre traduction]. Lors d’une minga, une autorité locale mandate un groupe de personnes pour créer des infrastructures collectives. Bien qu’elle relève plutôt d’une logique redistributive, la minga peut toutefois être aussi initiée par les membres de la communauté pour des activités – p.ex. désherbage ou récolte – sur les champs d’un membre de la communauté. Celui-ci se charge de fournir nourriture et boissons et d’organiser une fête en fin de journée avec distribution de chicha (boisson traditionnelle de maïs fermenté). Il sera moralement obligé de participer à la prochaine minga demandée.

19Cette économie indigène a été encouragée par Evo Morales, dont l’ambition est d’instaurer une économie plurielle, composée de quatre piliers complémentaires et articulés [Wanderley, 2010] : une économie communautaire (à forte composante indigène et basée sur le principe de réciprocité) ; une économie étatique (redistributive) ; une économie privée (marchande) et une économie coopérative. Cette économie plurielle est formalisée dans la loi-cadre n° 300 sur la Terre Mère – e.g. article 4, alinéa 15 –, qui la reconnaît comme un modèle économique spécifiquement bolivien, basé sur les principes de complémentarité, réciprocité, solidarité, redistribution, égalité, durabilité, équilibre et harmonie [Ministerio de Medio Ambiente y Agua, 2012], assimilables, tout en les dépassant, aux modes d’intégration évoqués par Polanyi.

20C’est sur cette base que le gouvernement Morales s’est opposé dès 2010 à l’initiative REDD+ et au principe de PSE, considérant que leur implantation contribuerait à marginaliser les principes non marchands et l’économie indigène. Cette hostilité au sommet de l’État n’a toutefois pas empêché le développement d’initiatives de PSE au niveau local, tels que les Acuerdos Reciprocos por el Agua (ARA) mis en place, dès 2003, par la fondation Natura Bolivia dans le département de Santa Cruz. Territoire marginal, isolé et faiblement peuplé jusque dans les années 1950 – bien que recouvrant un tiers de la superficie du pays –, le département de Santa Cruz a connu une évolution économique spectaculaire dans la seconde moitié du XXe siècle [Rolland, Chassin, 2007]. La découverte de gisements de gaz exploitables en 1990 va achever d’accroître le poids économique de la région. Les zones rurales du département – dont les velléités indépendantistes sont connues – sont loin d’être homogènes en termes sociaux et environnementaux. Les campesinos (paysans descendants des colons européens ne revendiquant pas une identité indigène), les exploitants agro-industriels, les indigènes locaux et les migrants indigènes andins y coexistent, exploitant la terre selon des modalités différentes.

21Les Acuerdos Reciprocos por el Agua (ARA) de la fondation Natura Bolivia ont fait l’objet de plusieurs recherches, notamment en raison de l’obtention de prix internationaux (le International ReSource Award for Sustainable Watershed Management de SwissRe en 2010 et le Innovation Marketplace Award du CGIAR en 2006, conjointement avec le CIFOR). Les études menées se sont toutefois essentiellement concentrées sur l’analyse de la pertinence environnementale et économique des PSE [Asquith, Vargas, 2007 ; Asquith et al., 2008 ; Le Tellier et al., 2009 ; Robertson, Wunder, 2005] en négligeant celle des PSE en tant construits institutionnels liés à une architecture spécifique de règles et de normes marchandes, réciprocitaires et redistributives. Pour y suppléer nous avons mené, durant les automnes 2012 et 2013, des entretiens avec des participants au système ARA, complétés par une analyse de documents relatifs.

4 – Acuerdos Reciprocos por el Agua (ARA): origine et systèmes d’acteurs

22Les ARA ont été instaurés dès 2003 à l’initiative de la fondation Natura Bolivia qui les considère comme « un système communautaire innovant de compensations pour services environnementaux hydriques » [Natura Bolivia, 2004, p. 1, notre traduction]. La fondation Natura Bolivia est une organisation non gouvernementale sans but lucratif, basée à Santa Cruz et active dans la région depuis le début des années 2000. Selon son directeur scientifique, la fondation naît à un moment où le champ de la conservation de la nature est « à la recherche de nouvelles réponses, qui soient plus efficaces et plus justes » [H. Azurduy, Fondation Natura Bolivia, octobre 2012]. La fondation Natura Bolivia concentre son intérêt sur trois services environnementaux pouvant être fournis par les acteurs en amont des bassins versants locaux, par la conservation de la forêt au profit des individus vivant en aval : la qualité de l’eau, la régulation du débit et la conservation de la biodiversité. Les ARA ont été développés au sud du parc national Amboro et à proximité de la frontière avec le département de Cochabamba. Il s’agit d’une zone de transition entre deux régions socio-écologiques : la zone quechua de l’altiplano et la zone tropicale guarani. Originellement campesina, cette région capte depuis quelques dizaines d’années des migrants indigènes des régions andines (essentiellement quechuas) et des plaines (principalement guaranis).

23Les prestataires de services, composés essentiellement d’exploitants pratiquant une agriculture sédentaire non mécanisée sur brûlis (chaqueos), font partie de communautés établies en amont, administrativement liées aux municipalités en aval mais disposant de leurs propres autorités et organisées soit sur la base de syndicats agraires, soit sur celle d’Organisations Territoriales de Base (OTB), chargés d’organiser le travail collectif relatif à la création et au maintien d’infrastructures communes (écoles, routes, canalisations). Seuls les propriétaires de jure des parcelles forestières potentiellement concernées par un ARA peuvent devenir prestataires, alors que plupart des immigrants arrivés dans les dix dernières années n’accèdent à la terre que par la location ou des accords dits al partido (le propriétaire met à disposition l’accès à la terre et les engrais, l’exploitant fournit la semence et la récolte est divisée en deux). Les services environnementaux ARA sont donc systématiquement adossés en amont à des biens fonciers privés.

24Les bénéficiaires sont des utilisateurs d’eau privés ayant créé, au sein des diverses municipalités, des coopératives dites de services publics – une par municipalité, sauf à El Torno qui en compte deux dans le village-capitale municipal en raison d’une population relativement plus nombreuse –, chargées de leur approvisionnement en eau et de son assainissement. Malgré ce que pourrait donner à penser leur appellation, ces coopératives ne fournissent pas un service à l’ensemble de la collectivité. Leur budget est alimenté par les apports de leurs membres (dépôt initial et factures d’eau). Les autorités municipales fournissent au besoin une assistance technique pour la création et l’entretien des infrastructures mises en place par ces coopératives, en échange de l’organisation par celles-ci de campagnes de sensibilisation sur les bons usages de l’eau (lutter contre le gaspillage, éviter les contaminations, etc.). Dans la zone étudiée, cinq municipalités ont vu la mise en place d’ARA (un par municipalité) (tableau 1).

Tableau 1

Les municipalités et communautés participant aux ARA

Tableau 1
Municipalités Villages en aval appartenant à la municipalité (village-capitale en italique) participant aux ARA Commnautés en amont appartenant à la municipalité et participant aux ARA Los Negros Los Negros, Pampagrande Santa Rosa de Lima, Palma Sola Comarapa Comarapa, Saipina Verdecillos El Torno El Torno, Limoncito, Jorochito, La Angostura, San Luis, Santa Rita Huaracal, Villa Paraiso, Quebrada Leon, La Lira Mairana Mairana La Yunga, Cerro Verde Quirusillas Quirusillas Philadelfia, Rodeo, San Luis

Les municipalités et communautés participant aux ARA

25Les ARA fonctionnent sur la base d’une convention tripartite entre les acteurs en aval au sein d’une municipalité – soit le gouvernement municipal, la coopérative de services publics et la fondation Natura Bolivia – qui permet la création d’un fonds local destiné à compenser les acteurs en amont ayant décidé de mettre une partie de leur terre en conservation. Les fonds de la municipalité proviennent de la redistribution du budget national lié à la décentralisation des compétences de gestion environnementale ; ceux de la coopérative proviennent des membres qui acceptent de rajouter un à deux pour cent à leurs factures mensuelles d’eau pour alimenter le fonds ; ceux de la fondation Natura Bolivia ont pour origine des bailleurs de fonds internationaux tels que Forest Trends (une organisation états-unienne de conservation de la forêt à l’origine de l’initiative ecosystem marketplace), le PNUD, USAID, le Bureau de coopération suisse, ainsi que des organismes privés comme le groupe suisse de réassurance SwissRe à travers son programme de « responsabilité sociale ».

26La fondation Natura Bolivia effectue régulièrement des réunions dites de socialisation dans les municipalités. Lorsqu’un gouvernement municipal et une coopérative acceptent de participer à un ARA, ces réunions sont alors effectuées au sein des communautés en amont. Si des membres de ces communautés expriment leur intérêt de participer au système, une équipe technique de la fondation Natura Bolivia s’occupe de mesurer les hectares mis en conservation. Des contrats privés sont ensuite établis entre le directoire du fonds (représentants de la coopérative de services publics, de Natura Bolivia et de la municipalité) et les prestataires de services en amont, confirmant les surfaces mises en conservation, les activités permises et non permises, et stipulant la durée du contrat, entre 3 et 20 ans. Le montant de la compensation varie en fonction de la distance des terrains au cours d’eau et du nombre d’hectares de forêt conservés. La somme est supposée être négociée entre les acteurs en aval et en amont (ce qui de fait n’est pas le cas). Entrent alors dans le schéma uniquement les prestataires potentiels de services à qui la compensation convient [P. Pinto, Fondation Natura Bolivia, octobre 2012]. Les compensations ne se font pas sous forme monétaire, mais en nature : ruches, plants d’arbres fruitiers, de cacao ou de café, fils barbelés, tubes de polystyrène, réservoirs d’eau, etc., selon les préférences des paysans-prestataires. S’y ajoutent des formations techniques et le soutien des municipalités à la constitution de coopératives de producteurs pour la commercialisation des produits obtenus (miel, café, cacao, fruits).

27Dans les premières années de mise en place des projets, la fondation Natura Bolivia a régulièrement organisé des réunions auxquelles participaient les différents acteurs. Par la suite, cette responsabilité a été déléguée aux coopératives de services publics responsables de la gestion du fonds, voire sur demande à d’autres acteurs. Récemment, la fondation Natura Bolivia a mis en place une Escuela ARA (École ARA), censée contribuer à l’échange d’expériences et à la socialisation entre les différents acteurs.

5 – ARA : des PSE hybrides

28À la suite, d’une part, des entretiens effectués avec des membres des coopératives, des municipalités, de la fondation Natura Bolivia et d’une trentaine de prestataires et de futurs prestataires de services en amont, et, d’autre part, de l’analyse de documents des différentes parties prenantes, il a été possible de déterminer, à l’aune de la grille de lecture polanyienne, les logiques mobilisées et combinées au sein des ARA. Le tableau 2 rappelle les critères permettant d’identifier les trois modes d’intégration définis par Polanyi. L’application de ce filtre interprétatif aux initiatives ARA en révèle le caractère hybride, ces PSE empruntant, dans leur conception et leur mise en pratique, tant aux logiques marchandes que réciprocitaires et redistributives.

Tableau 2

Critères d’analyse polanyiens

Tableau 2
Réciprocité Redistribution Échange Personnalisation de l’échange Relation personnalisée et individualisée Relation entre des groupes d’individus et une autorité Commutabilité des partenaires Formalité des modalités d’échange Obligation morale Obligation morale et/ou contractuelle Obligation contractuelle Temporalité de l’échange Durée indéterminée Durée indéterminée ou déterminée Durée déterminée Définition de la valeur Par la coutume Par l’autorité centrale Par le marché créateur de prix Finalité de l’échange Cohésion sociale Projet collectif et/ou mutualisation des coûts Maximisation de l’utilité – au sens de Pareto

Critères d’analyse polanyiens

29Diverses caractéristiques inscrivent les ARA dans une logique marchande. Premièrement, l’essentiel des bénéficiaires de services en aval interrogés ne souhaitent pas avoir de relations personnalisées avec des prestataires. Seules comptent la conservation effective des forêts en amont et la préservation ou l’augmentation de la productivité agricole en aval qui en découle. Les coopératives de services publics de Mairana et Comarapa ont d’ailleurs commencé à acheter, dans la mesure du possible, les terrains les plus proches des prises d’eau approvisionnant les municipalités en aval, qualifiant cette pratique de plus sûre et avec plus de garantie de conservation des terrains que le PSE. Deuxièmement, les prestataires désirent que la compensation leur parvienne dans un délai relativement court après la signature du contrat et apprécient que ce délai soit mentionné à l’avance et respecté. La volonté de préciser les temporalités de la compensation (du retour de l’aide) ne correspond pas aux logiques réciprocitaires. Reste que ce qu’est un contrat – inexistant dans l’économie traditionnelle – n’est pas toujours bien compris par les prestataires indigènes, certains interprétant le fait d’accoler sur le papier leurs noms à ceux des représentants des bénéficiaires et de la fondation Natura Bolivia comme un engagement à ce que la relation sera personnalisée et perdurera au-delà des échéances fixées. La signature d’un contrat est également parfois mal vécue par les prestataires, car elle tend à être considérée comme une preuve de la défiance des bénéficiaires, dont beaucoup n’ont effectivement « pas assez confiance en ceux d’en haut, du moins ceux qu’on ne connaît pas » [A. Illañez, Los Negros, novembre 2012]. Les bailleurs de fonds de la fondation Natura Bolivia considèrent eux aussi le contrat comme un gage de sécurisation des fonds investis [P. Pinto, Fondation Natura Bolivia, octobre 2012].

30Si la qualité de l’eau en aval et la biodiversité des terrains conservés en amont sont mesurées par les équipes techniques de la fondation Natura Bolivia et par celles des coopératives de services publics et des municipalités, leur valeur n’est toutefois pas déterminée par le jeu de l’offre et de la demande des partenaires, ce qui s’éloigne de la logique marchande. La fourniture du service est tout d’abord forfaitairement déduite de l’appartenance de la parcelle au modèle d’écoulement du bassin versant (défini par un système d’information géographique) et de la distance au cours d’eau et aux sources. Ce sont ensuite, dans un mode redistributif, les municipalités et les coopératives de services publics qui en décident la valeur et les montants associés, lesquels sont ensuite fixes et ne varient pas en fonction de la demande et de l’offre. Les prestataires se contentent dès lors de pouvoir choisir la forme que prendra la compensation matérielle. Le monitoring consiste ensuite à vérifier la non-exploitation de la parcelle sous contrat et à mesurer l’amélioration de la qualité de l’eau sans en déduire de manière précise la part induite par la conservation. La création des fonds récoltant les contributions qui seront ensuite versées aux acteurs en amont participe, elle aussi, d’une logique de redistribution, car elle nécessite que le comité gérant ce fonds – constitué de représentants des différents groupes d’acteurs en aval et présidé par une coopérative de services publics de chaque municipalité – soit légitimé comme centre.

31En ce qui concerne le mode réciprocitaire, les responsables de la fondation Natura Bolivia estiment que l’acceptabilité des ARA a été facilitée par la pratique traditionnelle de l’ayne : « L’ayne fonctionne sur la réciprocité : si je t’aide à semer, tu m’aides à récolter, etc. Ainsi nous faisons la même chose, de l’ayne, mais avec la forêt. Quand nous présentons les choses ainsi, les gens comprennent plus rapidement le principe des ARA » [H. Azurduy, Fondation Natura Bolivia, octobre 2012]. Cette mise en perspective, par la fondation Natura Bolivia, des ARA avec l’ayne trouve un écho parmi les prestataires, même si ce lien n’est que rarement explicité. Seuls deux prestataires sur 70 ont spontanément décrit les ARA comme des mécanismes similaires à l’ayne.

32La réciprocité entre également en jeu lorsque les prestataires évaluent l’impact des ARA. Les entretiens ont montré que la motivation principale évoquée par les prestataires de services pour participer à un ARA était l’espoir qu’il contribue à l’amélioration du bien-être collectif dans les communautés. La capacité des ARA à le faire n’est toutefois pas évaluée par les prestataires qu’à l’aune des compensations matérielles promises et des bénéfices espérés des nouvelles productions permises (miel, café, etc.), difficiles à estimer. L’aptitude des ARA à préserver – et générer – du lien social et de la reconnaissance, au sens de Honneth [2000], est considérée comme essentielle. Les prestataires soulignent que la mise en place des ARA et les discussions relatives ont amélioré, autour d’un projet collectif, le sentiment d’appartenance communautaire et les relations avec les autres acteurs : « Ce serait même bon de faire plus de réunions avec tous les participants, que nous participions tous, aussi pour discuter d’autres problèmes que nous avons et juste pour se rencontrer et partager. » [J. Caldero, Los Negros, octobre 2012] La relation est valorisée per se et pas uniquement pour les gains matériels induits, même s’il va de soi que l’amélioration de la relation avec la municipalité permet potentiellement d’avoir accès à de nouvelles ressources. « Avant, il n’y avait pas de relations [avec le conseil municipal]. Ce dernier ne soutenait pas les communautés en amont, il disait que c’était gaspiller de l’argent. […] Maintenant il y a plus de relations avec le conseil municipal, et nous avons signé un accord avec eux […] je crois que c’est ça le changement le plus important. Parce que s’il n’y a pas de relations au sein de la communauté et aussi avec nos amis qui vivent en bas au village et dans les autres communautés, on n’est pas grand-chose… on ne peut pas vivre bien et être heureux. » [D. Marcelino, Comunidad Palma Sola, Los Negros, octobre 2012]

33Les prestataires de services expriment également un désir de personnalisation de l’échange, en exigeant de traiter toujours avec les mêmes personnes de la fondation Natura Bolivia et des coopératives en aval. Cette volonté est illustrée par le souhait d’immortaliser chaque rencontre et chaque événement (signature de contrat, séances de formation technique en apiculture, etc.) par des photos des différents participants. Un sentiment d’abandon a été mentionné à plusieurs reprises par des prestataires regrettant le manque d’interaction avec certains membres de la fondation Natura Bolivia et des coopératives : « À présent ils ont étendu le projet à d’autres municipalités […] et ils ne se sont plus occupés de nous [nos han descuidado]. Avant, 5 à 6 personnes de Natura et d’en bas venaient par semaine, pour socialiser, donner des formations […], mais à présent ils ne viennent plus, ils nous ont abandonnés pour ainsi dire. » [L. Patiño, Comunidad Santa Rosa, Los Negros, septembre 2013] ; « Une fois que tu as signé le contrat, plus personne ne nous rend visite […] cela fait 8 mois que plus personne n’est venu. » [L. Asillo, El Torno, octobre 2012] Ce qui pourrait être a priori considéré comme des coquetteries révèle en réalité, pour les responsables de la fondation Natura Bolivia, que les ARA sont investis chez les prestataires d’une dimension symbolique liée à la logique de réciprocité encore prégnante au sein des communautés en amont, en porte-à-faux avec les logiques mobilisées par les autres acteurs, plus sensibles aux modes d’intégration marchand et redistributif [H. Azurduy, Fondation Natura Bolivia, octobre 2012]. Ce sentiment d’abandon a motivé, entre 2011 et 2012, le retrait de certains prestataires de la communauté de Santa Rosa (ARA de Los Negros) [L. Patiño, Comunidad Santa Rosa, Los Negros, octobre 2013]. La fondation Natura Bolivia a réussi à faire revenir certains d’entre eux, sans augmentation des tarifs proposés, mais en faisant en sorte que plus d’attention leur soit portée (réunions regroupant prestataires et bénéficiaires, création d’événements festifs, etc.). La fondation Natura Bolivia effectue ainsi un important travail de médiation afin de faire comprendre aux bénéficiaires que la pérennisation des ARA nécessite la prise en considération des représentations et des aspirations des prestataires. Cette action est d’autant plus nécessaire que le peu de place fait à la réciprocité dans les principes guidant l’action des coopératives de services publics – plus sensibles à la logique marchande et souhaitant, par là même, une dépersonnalisation et une commutabilité des relations – fragilise les modalités actuelles de la régulation des ARA telles que voulues par la fondation Natura Bolivia. Les divergences entre bénéficiaires et prestataires quant à leur souhait d’inscrire leurs échanges dans une logique marchande ou réciprocitaire n’ont jusqu’à présent pas abouti à la domination d’un mode d’intégration sur l’autre parce que la fondation Natura Bolivia a souhaité et organisé un relatif équilibre entre les pouvoirs de négociation des acteurs impliqués. Si son rôle n’est pour l’instant contesté ni par les coopératives de services publics ni par les municipalités, un conflit à l’issue incertaine pour l’évolution des ARA n’est pas à exclure si la fondation Natura Bolivia voyait diminuer sa capacité à amener les parties prenantes à faire des concessions mutuelles.

34L’utilisation discursive de la réciprocité par la fondation Natura Bolivia (ne serait-ce que dans l’appellation des ARA : accords réciproques pour l’eau) doit également être soulignée. Même s’il s’agit largement d’une instrumentalisation politique – dans la mesure où l’usage du terme réciprocité permet aux ARA d’être en phase avec la politique nationale refusant les PSE strictement marchands –, elle évite une disqualification des traditions indigènes andines en montrant qu’elles n’ont pas à se dissoudre dans la logique marchande. À noter que Wunder et Vargas [2005] ont montré que, dans le cas des PSE boliviens liés à la séquestration du carbone, le terme « paiements » et la référence au marché n’étaient guère utilisés, certains « paysans andins cro[yant] que la commercialisation du carbone signifie “vendre de l’oxygène aux gringos” » [art. cité, p. 28, notre traduction].

35À la lumière des différents concepts identifiés par Polanyi, les ARA apparaissent ainsi comme des outils encastrés dans un contexte institutionnel mobilisant différentes formes d’intégration, irréductibles – et dans leur fonctionnement et dans leur perception – à une transaction marchande. Les ARA combinent eux-mêmes des pratiques et des représentations relevant tout autant des logiques de réciprocité que des logiques marchandes et redistributives. Cette articulation est d’autant plus nécessaire que des apories (information imparfaite quant aux services rendus, dissociation intérêt privé en amont/intérêt collectif en aval, etc.) rendraient difficile une coordination strictement marchande. On retrouve ainsi l’intuition polanyienne selon laquelle le marchand doit sa reproduction au fait qu’il est adossé, selon des configurations variables, au réciprocitaire et au redistributif.

6 – Conclusion

36Le référentiel polanyien suggère qu’il convient de nuancer l’idée selon laquelle la mise en place de PSE contribuerait à une éviction des normes non marchandes dans la gestion des ressources environnementales. Dans cette perspective, la dimension marchande des PSE ne saurait exclure, voire nécessiterait, la mobilisation conjointe des principes de réciprocité et de redistribution dans leur mise en pratique. Les PSE de la fondation Natura Bolivia témoignent d’un tel fonctionnement hybridant échange marchand, redistribution et réciprocité. Les initiatives ARA apparaissent comme une illustration de ce que Cleaver [2012] dénomme un bricolage institutionnel. Les changements des pratiques « se font et se feront par des procédés de construction de groupes et d’institutions nouvelles à côté et au-dessus des anciennes » [Mauss, cité dans Laville, 2008, p. 9].

37L’hybridité des ARA est à triple dividende. En sus de la conservation de services de régulation hydrique, elle permet non seulement de disposer, via les modes d’intégration réciprocitaire et redistributif, de mécanismes de coordination et d’aide à la décision aptes à se substituer à la logique marchande lorsqu’elle ne peut pas s’appliquer, mais aussi de réduire la vulnérabilité et la périphérisation des communautés paysannes en amont, en favorisant tout autant leur bien-être matériel – par les compensations – que la mise en place de relations personnalisées et supposées pérennes entre ces dernières et les bénéficiaires en aval, génératrices de capital social [Hickey, Du Toit, 2007].

38Le référentiel polanyien, pour lequel les contextes sont déterminants, oblige toutefois à considérer que ces constats ne sauraient être généralisés. Les effets vertueux de l’hybridation des logiques réciprocitaires, marchandes et redistributives sont liés aux normes, aux règles, aux caractéristiques des services environnementaux concernés, à celles des biens auxquels ils sont liés, mais également au fait que les acteurs locaux, qu’ils soient prestataires ou bénéficiaires de service, disposent de facto d’une large autonomie face aux autorités nationales et à l’action médiatrice de la fondation Natura Bolivia, soucieuse que les ARA soient un compromis entre les aspirations des acteurs impliqués. Partant, si la complémentarité échange marchand-réciprocité-redistribution agit positivement sur le fonctionnement des ARA, l’on ne saurait en induire qu’elle peut et doit être reproduite à d’autres PSE.

Notes

  • [1]
    Remerciements : Les auteurs remercient la fondation Natura Bolivia d’avoir bien voulu leur consacrer le temps et le support institutionnel nécessaires pour faciliter la phase de recherche sur le terrain, de même que les relecteurs pour leurs commentaires constructifs.
Français

La diffusion internationale des paiements pour services environnementaux (PSE) a été interprétée en 2010 par le gouvernement bolivien d’Evo Morales comme une réponse strictement néolibérale à la nécessité d’assurer une gestion durable des ressources naturelles. Supposée amener à terme à l’éviction de toute régulation autre que marchande – qu’elle s’applique à la nature ou aux rapports entre personnes –, la mise en place de PSE n’a pas été encouragée par les autorités nationales boliviennes. Des projets de PSE ont toutefois été lancés, dont les Acuerdos Reciprocos por el Agua (ARA), issus d’un partenariat public-privé dans le département de Santa Cruz. En analysant leur conception et leur fonctionnement au prisme du référentiel polanyien, nous montrons que, contrairement aux craintes gouvernementales, ces PSE ne font pas abstraction des logiques organisationnelles réciprocitaires et redistributives, ajustant au contexte local un objet global.

Mots clés

  • paiements pour services environnementaux
  • hybridité
  • Polanyi
  • réciprocité
  • redistribution
  • logique marchande
  • Bolivie

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Florence Bétrisey
Institut de Géographie et Durabilité, Université de Lausanne
Christophe Mager
Institut de Géographie et Durabilité, Université de Lausanne
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 10/04/2015
https://doi.org/10.3917/rfse.015.0039
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