CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

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« La société d’aujourd’hui, en voie de mondialisation, est fondée sur la course au profit. Le choix des produits, les modes de productions [...], sont de plus en plus concentrés dans les mains de quelques multinationales gérées (essentiellement) sur une base financière à court terme sans égard pour la vie de l’entreprise à long terme et encore moins pour le personnel et l’environnement social et physique. Nous, citoyens, avons de moins en moins de pouvoir sur notre propre vie économique, culturelle, sociale et politique. »

2Extrait de la charte de l’association de commerce équitable Minga, ce texte pourrait passer pour un tract de manifestation. La confusion possible n’est pas le fruit du hasard ; la réunion de diverses initiatives sous le nom d’« économie sociale et solidaire » (ESS) est étroitement liée au champ politique [Darbus, 2009 ; Jérôme, 2007]. Bien que mal délimité, ce secteur désigne aujourd’hui à la fois l’économie sociale traditionnelle (associations, coopératives, mutuelles) et l’économie « solidaire ». Cette dernière renvoie à un ensemble d’organisations faisant primer des objectifs autres que le profit, tels le renforcement des liens sociaux, la réduction de certaines inégalités économiques et la préservation de l’environnement, quels que soient leur statut (entreprise, association…) et l’origine des ressources mobilisées.

3La dimension contestataire de l’ESS a déjà été soulignée [Pleyers, 2011]. Celle-ci répond par exemple pour Guy Groux [2009] à la définition d’un mouvement social selon Alain Touraine [1973] et renvoie à un phénomène agissant sur la société en tant que telle. Les membres de ce secteur cherchent en effet pour cet auteur à agir sur le « capitalisme omniprésent » par des activités comme l’insertion sociale, l’épargne solidaire ou le commerce équitable, et en favorisant la démocratie participative [Groux, 2009, p. 146]. La prise en compte de l’ESS comme mouvement social reste pourtant encore mal établie : le Dictionnaire des mouvements sociaux [Fillieule et al., 2009] ne mentionne ce domaine qu’à travers l’entrée « consommation engagée » [Balsiger, 2009] et ignore donc la visée contestataire pouvant accompagner la production. Les analyses empiriques de l’ESS portent davantage sur les activités économiques qui s’y déroulent [Le Velly, 2006 ; Dubuisson-Quellier, Lamine, 2004 ; Servet, 2009] ou sur la place qu’y occupe le travail [Hély, Simonet, 2013]. Envisager l’ESS comme mouvement social implique de se demander comment s’articulent les dimensions économiques et contestataires de ses organisations. S’intéressant plus particulièrement à l’économie solidaire telle que définie plus haut, cet article vise à analyser la dimension militante de ces démarches et son articulation avec des activités productives, en observant le rôle qu’y jouent les « dispositifs de qualité » – chartes, certifications avec label ou logo [1] et systèmes participatifs d’évaluation ou de garantie.

4En se multipliant sous des formes diverses depuis les années 1990, ces dispositifs apparaissent comme des objets particulièrement pertinents pour approfondir ce questionnement. Mis en avant par les réseaux [2] d’économie solidaire sur les biens produits (labels, logos) ou sur leurs sites internet (chartes), ces dispositifs semblent indiquer en première approche de quelle façon ces collectifs cherchent à se distinguer de l’économie « standard ». L’hypothèse faite ici est que l’économie solidaire est un secteur en tension entre activités économiques et mouvement social et que les dispositifs de qualité permettent d’articuler ces deux dimensions.

5Un premier temps montrera que les réseaux d’économie solidaire sont appréhendés par leurs membres les plus actifs [3] comme des mouvements sociaux. Conduite à leur initiative, la création de dispositifs de qualité pour définir une identité collective sera ensuite exposée. Les usages de ces dispositifs comme modes d’action contestataire et outils de mobilisation seront enfin développés successivement.

Méthodologie

Cette recherche repose sur une thèse sur les dispositifs de qualité de l’économie solidaire (certifications par tiers avec logo, chartes, systèmes participatifs de garantie ou d’évaluation). Cinquante et un entretiens semi-directifs ont été effectués auprès des responsables des réseaux à l’origine d’un dispositif et de membres de structures qui en sont dotées. Des observations de l’élaboration et la mise en œuvre de ces outils ont été réalisées. De nombreux documents de présentation de ces dispositifs par leurs réseaux respectifs ont enfin été analysés.
Trois types de dispositifs sont étudiés :
1) Les certifications par tiers (CPT) : assurance écrite donnée par un organisme, indépendant des parties en cause, de la conformité d’une organisation, d’un bien ou d’un service à un cahier des charges ou une norme.
2) Les systèmes participatifs (SP) : dispositifs créés dans les années 1960 et de façon croissante à partir des années 2000, favorisant la participation des parties prenantes à l’évaluation ou à la garantie de qualité [Rodet, 2011].
3) Les chartes seules : cas où un réseau dispose pour faire référence à sa qualité (ou à celle de ses biens ou services) d’une charte uniquement, sans aucun autre des dispositifs ci-dessus.
Réseaux étudiés et dispositifs :
Commerce et tourisme équitable
- Max Havelaar, association créée aux Pays-Bas en 1988, en France en 1992. CPT.
- Minga, association créée en 1999. SP.
- Plate-forme du commerce équitable (PFCE), Collectif de promotion du commerce équitable, créée en 1997. Charte seule.
- Association pour le tourisme équitable et solidaire (ATES), créée en 2006 pour fédérer les acteurs du tourisme équitable et solidaire. SP.
Agriculture biologique
- AB, label propriété du ministère de l’Agriculture et de la Pêche, en application du règlement européen sur l’agriculture biologique depuis 1991. CPT.
- Nature et Progrès, association créée en 1964. SP.
Échanges non marchands
- FORESCO, mouvement des Réseaux d’échanges réciproques des savoirs (RERS), associations organisant des échanges non marchands et non monétaires de savoirs et de savoir-faire entre ses membres, depuis les années 1970. Charte seule.
- SEL’idaire, réseau des Systèmes d’échanges locaux (SEL), associations organisant des échanges non marchands de biens et services sur la base d’une unité de compte fondée sur le temps, apparues en France en 1994. Charte seule.
Insertion par l’activité économique
- Conseil national des entreprises d’insertion (CNEI), fédération créée en 1988. Regroupe les entreprises d’insertion. CPT.
- Conseil national de liaison des régies de quartier (CNLRQ), associations locales de gestion urbaine réunissant collectivités locales, logeurs sociaux et habitants du ou des quartiers concernés. SP en cours d’élaboration.
Autres
- Finansol, association de financeurs solidaires fondée en 1995. CPT.
- Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne d’Île-de-France, circuits courts de distribution créés en France en 2001. SP.

2 – Un secteur appréhendé comme mouvement social par ses membres les plus actifs

6L’économie solidaire est habituellement présentée comme un secteur économique, rassemblant des initiatives telles que le commerce équitable ou l’insertion par l’activité économique. L’analyse des parcours militants des membres fondateurs ou coordinateurs de ces réseaux met au jour également la visée contestataire qui est à leur fondement. Ces individus affirment s’opposer par leur action à différentes formes de dominations et avoir ainsi une action politique « sans faire de la politique ».

2.1 – Des membres actifs militants

7Les collectifs de l’économie solidaire sont portés, aussi bien à leur origine que dans leur fonctionnement ultérieur, par des militants. Le secteur réunit des membres aux motivations diverses. Deux catégories de personnes peuvent être distinguées en fonction de leur affichage explicite (ou non) d’une volonté de changement social d’une part, et leur contribution (ou non) à l’existence d’un réseau à l’échelle nationale [4], d’autre part. La première catégorie est celle des « membres actifs [5] », qui affirment la dimension contestataire de leur action, c’est-à-dire manifestent « toute forme de participation durable à une action collective visant la défense ou la promotion d’une cause » [Sawicki, Siméant, 2009]. Ces membres participent de plus activement à l’existence de leur réseau régional ou national. La seconde catégorie correspond aux « simples » adhérents (producteurs, consommateurs ou usagers) qui affichent avant tout leur participation à des échanges économiques et sociaux plutôt qu’une volonté de changement social dépassant le niveau local.

8Les membres actifs rassemblent les fondateurs des initiatives d’économie solidaire (d’un réseau de commerce équitable, du réseau des RERS…), les salariés des réseaux nationaux [6] ainsi que d’autres membres affichant leur militantisme et contribuant au réseau sans toutefois en être des piliers. Ces membres ont en commun d’être des militants : qu’ils aient eu d’autres expériences contestataires dans le passé ou que ce soit toujours le cas aujourd’hui.

9Les fondateurs sont militants avant d’être entrepreneurs. Un grand nombre d’entre eux évoquent dans leur parcours l’influence de « Mai 1968 », d’une socialisation au sein de la gauche française, de l’économie sociale au sein strict (association, coopératives, mutuelles) ou encore des mouvements chrétiens. Jeune enseignante de grande banlieue parisienne dans les années 1970, Anne [7] fonde le premier RERS avec l’aide de son mari, adjoint au maire socialiste de la même commune. Elle présente son action dans la lignée de diverses expériences militantes :

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« Je suis la fille d’un grand mutualiste […] on entendait parler sans arrêt à la maison de la “Tutélaire [8]” […]. Et puis des gens qui étaient militants de l’action catholique. […] Je pense qu’il y a quand même beaucoup de gens, au moins de nos âges […], qui ont été des chrétiens progressistes. […] C’était vraiment des mouvements d’éducation populaire, et pour agir. Pour se transformer soi-même et transformer le monde. Moi j’ai baigné là-dedans. C’est sans doute une des racines [des RERS] […] c’était après 68. »

11Les personnalités à l’origine du mouvement des AMAP sont quant à elles étroitement liées aussi bien à l’altermondialisme qu’à la Confédération paysanne. Devenu un membre central du réseau, Luc, le principal rédacteur de la charte est un homme d’une soixantaine d’années, passé par différentes organisations avant de cofonder le Mouvement interrégional des AMAP :

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« Mon parcours, c’est un parcours politique, je dirais, d’extrême gauche… après 1968. Quand même déjà assez politisé […] j’ai arrêté de militer je dirais à la fin des années 1970, comme beaucoup de gens au moment de la crise de l’extrême gauche. […] j’ai repris finalement le militantisme associatif au travers de projets solidaires […] et c’est à travers ATTAC [9] que… j’ai participé au lancement de la première AMAP. »

13Les membres actifs de ces collectifs comprennent également des salariés souvent trentenaires. Si ces derniers ont eu moins d’engagements militants préalables (mais sans doute en partie du fait de leur âge), ils n’en sont pas moins de véritables militants des réseaux qui les emploient. Leur embauche dans un réseau est souvent précédée d’une période de bénévolat. C’est le cas de Manon, coordonnatrice des AMAP, de celle l’ayant précédée, et des trois autres salariées. Détenteurs d’un fort capital culturel, ces salariés ne sont pas arrivés dans ce premier véritable emploi au gré de leurs expériences professionnelles, mais cherchaient à s’insérer dans un milieu militant. Ils se rapprochent en cela des membres actifs plus généralement : gérants ou salariés de boutiques ou encore directeurs de régies de quartier, exerçant leur activité avec une forte conscience du projet politique de leur réseau.

14L’ensemble de ces membres actifs se caractérise par des engagements politiques et/ou militants autres que celui manifesté dans l’économie solidaire. Leurs récits viennent confirmer les liens entre l’institutionnalisation du secteur et la montée électorale du parti des Verts mis en lumière par F. Darbus [2009 ; 2012]. Le premier président du réseau des AMAP-IdF était par exemple sur une liste « Europe écologie » aux élections régionales de mars 2010. Au sein des SEL, la participation de nombreux militants d’« Europe écologie » est également soulignée par plusieurs enquêtés. Chez Minga, le principal salarié depuis dix ans a commencé sa carrière comme documentaliste pour les Verts.

15L’influence des mouvements chrétiens est également non négligeable et passe en particulier par une ONG incontournable, le CCFD-Terre Solidaire. Celle-ci a contribué aussi bien au développement du commerce équitable en France (notamment via la création de Solidar’Monde [10] et de Max Havelaar) qu’à sa structuration : l’ONG est membre fondateur de la Plate-forme française du commerce équitable. Cette dernière a elle-même contribué ensuite à la création de l’Association pour le tourisme équitable et solidaire (ATES) et de Finansol. Une partie des membres de l’économie solidaire (fondateurs, salariés des réseaux, principalement) conçoit ainsi sa participation aux activités du secteur dans une visée militante.

2.2 – S’opposer à des formes de domination

16Si l’on s’en tient aux discours et pratiques de ces membres actifs, l’économie solidaire constitue un mouvement social dans une acception large, c’est-à-dire celle d’une mobilisation collective contestant « différentes formes de domination socialement instituées, qu’elles soient liées ou non à l’État ou à d’autres institutions telles que la famille, l’Église, le marché » [Ancelovici, Rousseau, 2009]. Les revendications portées à l’origine des collectifs renvoient à la contestation des relations marchandes, à laquelle sont attribuées des iniquités et la dégradation de l’environnement (commerce équitable, Nature et Progrès, AMAP, ATES, CNEI, CNLRQ, Finansol…), ou encore à celle de l’usage généralisé de la monnaie (SEL, RERS, AMAP…). La remise en cause de ces formes de domination a pour objectif d’obtenir de meilleurs revenus pour les « producteurs du Sud » (Max Havelaar), pour les acteurs de la production en général (Minga, PFCE), ou pour les agriculteurs (Nature et Progrès, AMAP). Il s’agit également d’améliorer des conditions d’emploi : l’ATES exige de ses membres la formalisation du contrat de travail des partenaires touristiques au Sud. Par son ambition de financer des projets issus de l’économie (sociale et) solidaire, l’association Finansol participe à de telles revendications. Les critères du commerce équitable encouragent la démocratie par le regroupement des producteurs en coopératives. L’attention à l’environnement est consensuelle. Le souhait de plus de lien social (par des contacts directs lors des échanges ou la limitation des intermédiaires) est transversal.

17Ces initiatives partagent le fait d’être nées à la faveur d’une crise, élément déjà identifié par la recherche sur les mouvements sociaux pour rendre compte de l’émergence de nouveaux modes d’action, au-delà de facteurs plus structurels [Fillieule, 2010]. Il s’agit pour l’agriculture biologique des crises alimentaires se succédant depuis les années 1990 : crise dite de la « vache folle » de 1996, crises de surproduction chroniques liées à la Politique agricole commune de l’Union européenne [Piriou, 2002]. Ce contexte, mêlé à la crise structurelle du monde paysan et à celle, conjoncturelle, de la menace d’expropriation de deux agriculteurs près de Toulon en 2001 [11], est aussi celui de la naissance des AMAP. Dans le cas du commerce équitable, Max Havelaar est fondé lors de la crise des cours du café [Roozen, Van der Hoff, 2001]. Les régies de quartiers émergent à l’occasion de crises urbaines au début des années 1980, dans l’élan de la politique de la ville et du développement de l’insertion par l’activité économique [Anselme et al., 1985].

18Chaque collectif se distingue à sa création par la défense d’une cause précise. Le projet initial des AMAP renvoie à la préservation de l’agriculture traditionnelle (« paysanne ») tandis que les régies de quartiers œuvrent à l’intégration économique et à la participation des habitants à la vie de leur quartier. En dépit de cette spécialisation, les réseaux convergent avec le temps vers la poursuite d’objectifs communs et tendent à des degrés divers, à devenir à la fois solidaires des plus démunis (« équitables »), écologiques (ou « bio ») et attentifs à la diffusion des savoirs (à l’éducation populaire). Les produits « équitables » sont par exemple de plus en plus souvent labellisés « bio » : 53 % des produits Max Havelaar auraient le label AB d’après un salarié de l’association. Ces causes renvoient en définitive, pour tous les réseaux, à un socle commun incluant l’intégration économique et sociale et l’écologie [Rodet, 2011].

2.3 – Avoir une action politique sans « faire de la politique »

19Les membres les plus actifs des collectifs affirment porter des revendications politiques, bien que le terme fasse l’objet d’une grande prudence, liée à la peur d’être associés à un parti politique. Gérante d’une boutique « équitable » membre de Minga, Sandrine est identifiée par les autres membres de l’association comme ayant un avis sur les objectifs militants du réseau et l’exposant facilement. La jeune femme n’est pas à l’origine de Minga, mais elle est arrivée dans les premiers temps de sa création et ce pour des raisons dépassant largement l’activité économique qu’elle y exerce :

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« Cette “équité”, qu’importe le nom qu’on met dessus, justice sociale, etc., ce sont quand même des enjeux qui engagent un peu tout le monde. […] La responsabilité est forcément partagée. Aucun individu ne peut être responsable d’un monde plus écologique ! Le collectif, c’est une affaire de citoyenneté, de politique. […] C’est pas une politique partisane. C’est pas quelque chose qui doit nous engager à adhérer ou créer des partenariats avec telle branche politique, ou telle autre. »

21Certains réseaux (Minga, Nature et Progrès) affichent davantage leur action politique que d’autres (les SEL ou les RERS). Tous les membres actifs affirment pourtant le caractère politique de leur activité. Salarié des RERS depuis près de vingt ans, Thierry l’exprime en ces termes :

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« Pour moi, on fait de la politique. Mais pas de la politique… on va dire, allez, trans-courants, trans-partis… Et encore pas tous hein, parce que y en a… Je ne vois pas en quoi on pourrait se retrouver sur notre charte et nos valeurs voilà, tout ce qui extrême, aussi bien à gauche qu’à droite. Je… après nous on ne choisit pas les gens qui viennent. On ne leur demande pas leur parti. »

23Les réseaux se positionnent parfois publiquement sur différents sujets. Minga et Nature et Progrès signent par exemple en 2007, aux côtés de la Confédération paysanne, une « contribution aux débats du COPOLCO [12] », intitulée « Priorité à la souveraineté alimentaire des peuples et à la préservation de la bio-diversité ». Minga intervient sur des sujets qui lui sont éloignés, comme en juin 2013 lorsqu’elle condamne sur son site le déversement de lisier par un syndicat d’agriculteurs sur des terres agricoles où s’étaient installés des gens du voyage. Ces enquêtés soulignent que leurs mouvements se préoccupent d’équité, de justice sociale ou encore d’écologie, sans pour autant se rattacher aux canaux politiques institutionnels. L’économie solidaire rejoint les mouvements sociaux classiques dans leur dimension anti-institutionnelle, en particulier du fait de leur action en marge du champ politique [Mathieu, 2012].

2.4 – Un secteur en tension entre activité économique et mouvement social

24Analysés à partir de leurs membres actifs, les réseaux étudiés présentent les caractéristiques d’un mouvement social, c’est-à-dire d’une mobilisation collective contestant différentes formes de domination socialement instituées. L’économie solidaire se compose néanmoins également d’autres membres, plus éloignés du projet militant initial. Ceux-ci n’en participent pas moins à l’activité régulière des collectifs, du fait de leur contribution aux échanges marchands ou non qui se déroulent dans ces réseaux [Rodet, 2013]. Les fondateurs des initiatives d’économie solidaire ont, dès l’origine, situé leur démarche entre militantisme et activité économique en élaborant une action contestataire agissant via des échanges économiques (marchands ou non). Ce positionnement initial induit une forte hétérogénéité des adhérents ultérieurs – dont certains recherchent avant tout des échanges économiques et sociaux – en dépit du souhait des membres actifs d’inclure la totalité des membres dans un projet militant.

25La diversité des motivations des membres est toutefois un trait commun aux mouvements sociaux. La constitution d’un tel collectif n’est jamais totalement acquise et constitue un enjeu de la pratique contestataire [Mathieu, 2012]. Les fins poursuivies par un mouvement sont de même souvent diverses et objets de débats internes. La construction d’une identité collective forte participe à l’action protestataire : il s’agit d’une ressource à la fois pour la mobilisation des membres eux-mêmes et pour leur visibilité dans l’espace public [Neveu, 1996]. Soucieux de préserver la dimension militante de leur action face aux « simples adhérents » n’en percevant pas toujours la nécessité, les membres actifs de l’économie solidaire élaborent et mettent en œuvre des « dispositifs de qualité » (chartes, CPT, SP) dans le but de définir et préserver l’identité collective du mouvement.

3 – Des dispositifs pour définir et préserver l’identité collective

26La construction d’un mouvement contestataire passe par la définition d’une identité collective. Au sein de l’économie solidaire, cette élaboration repose en grande partie sur des dispositifs de qualité. Renvoyant à ce dans quoi se reconnaît un individu et ce dans quoi les autres le reconnaissent, l’identité est à la fois affirmation d’une ressemblance entre les membres du groupe identitaire et d’une différence avec « les autres » [Akoun, 1999]. Les dispositifs de qualité sont mis en place pour répondre à la nécessité d’avoir une identité collective, puis mobilisés pour conforter celle-ci.

3.1 – Définir l’identité d’un collectif qui s’étend

27La création d’un réseau d’économie solidaire s’accompagne de l’élaboration d’un dispositif servant de support d’identité collective. Il s’agit ainsi de déterminer collectivement « qui l’on est », d’être reconnu par le public ou encore de défendre son identité.

3.1.1 – Définir qui l’on est

28La structuration d’un mouvement au-delà du noyau initial des fondateurs s’accompagne de la mise en place d’un dispositif de qualité. Celui-ci prend souvent la forme d’une charte mais peut parfois être une CPT (Finansol) ou un SP (Nature et Progrès). Interrogés sur ces créations les enquêtés invoquent la nécessité de « définir qui l’on est » au sein du collectif. La création du réseau (régional ou national le cas échéant) des AMAP, des régies de quartiers, des SEL, des entreprises d’insertion ou des RERS donne lieu à la rédaction d’une charte. Salarié de longue date du réseau des RERS, Thierry l’expose ainsi : « La charte, c’est en 87 quand ils ont décidé de créer le mouvement, il leur fallait un document de référence, au moins qui dise qui on est et ce qu’on fait. » Lorsqu’elle a lieu plusieurs années après la naissance du collectif, la création d’un dispositif correspond au souci de redéfinir l’identité. C’est le cas pour Nature et Progrès, dont la charte est rédigée quarante ans après sa création, comme le relate Bruno, administrateur bénévole de la fédération depuis 2008, après en avoir été salarié :

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« Depuis très longtemps à Nature et Progrès il y avait cette démarche un peu de définir qu’est-ce que c’est la démarche de Nature et Progrès… Et en 2004 il y a eu l’idée de dire, ben on va l’écrire, le mettre vraiment sur un document spécifique qui va être la charte. »

30La perspective d’adopter un jour une CPT est envisagée par Thierry, salarié de FORESCO, comme avant tout destinée à conforter l’identité collective, « faire mouvement » :

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« Il y a toujours cette idée de… travailler autour de la labellisation […] y en a qui rêvent un peu… comme une franchise là… avec un logo-type […]. Mais je pense que c’était aussi à un moment donné ou il y avait un besoin de… de se reconnaître entre nous, quoi. Et de voir qu’il y avait tellement de disparités aussi bien dans… et besoin de faire mouvement, de refaire mouvement ! Et pour ça, on a besoin d’avoir des signes de reconnaissance communs. »

32Présentés par les membres actifs comme des outils de reconnaissance interne au réseau, ces dispositifs n’en ont pas moins un rôle vis-à-vis du public extérieur.

3.1.2 – Être reconnu par le public

33La création des dispositifs de qualité renvoie également à la nécessité d’être reconnu par des consommateurs ou usagers. Le logo Max Havelaar est créé à la suite de la revendication de producteurs de cafés de placer leurs produits en grande distribution tout en les différenciant des autres produits [Roozen, von der Hoff, 2001]. Il en est de même dans le cas de l’agriculture biologique. Ancien steward adhérent de Nature et Progrès depuis 1973 et bénévole, Jacques associe la création du logo à la nécessité de distinguer les produits :

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« Dans le contexte de l’époque, il fallait qu’il y ait un logo. Puisque pour reconnaître les produits, les choses, il fallait bien qu’il y a un logo.
– (DR) Vous parlez des consommateurs ?
– Oui. De reconnaître que ce produit est différent. »

35Principalement invoquée pour les logos, la reconnaissance par les consommateurs est aussi avancée pour expliquer l’élaboration d’un système participatif, comme le souligne Martin, salarié de Minga :

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« L’origine du projet [SP] est importante. […] C’était lié quand même à une problématique d’importateurs qui se posaient des questions de comment je peux évaluer, comment je peux montrer aussi aux boutiques, aux clients, bah… que j’essaie de faire des choses un peu différentes, sur quels critères… »

37La structuration d’un mouvement d’économie solidaire s’appuie sur la création de dispositifs de qualité, définissant une identité pour le public et pour les membres. Ces derniers cherchent également à défendre cette identité.

3.1.3 – Défendre son identité

38Le besoin de lutter contre des « dérives » ou des « récupérations » est également avancé pour justifier la création d’un dispositif de qualité. La dérive mentionnée par les enquêtés correspond au dévoiement du projet initial par des structures locales. Il peut s’agir d’une situation où le nom de l’initiative (« RERS ») est utilisé sans que soit appliqué le fonctionnement imaginé par les fondateurs. L’identité du projet semble menacée. Ce motif est invoqué pour les trois types de dispositifs. Embauché dans le cadre d’un stage de fin d’études d’ingénieur agronome pour élaborer le SP des AMAP-Île-de-France, Vincent explique :

« C’est le… [fait] de constater simplement qu’il y avait un certain nombre de dérives au sein des AMAP, assez facilement identifiables, et de constater qu’il n’y avait pas d’outils vraiment […] qui permettent de faire un retour aux fondamentaux de ce que doit être une AMAP et de trouver un outil satisfaisant […] pour permettre de gérer ces dérives-là. »
La volonté de protéger l’identité du projet peut conduire à un dépôt du nom à l’Inpi [13] au moment de la rédaction d’une charte. C’est le cas pour les Amap, les régies de quartier et les RERS. Les fondateurs et membres actifs des initiatives d’économie solidaire élaborent des dispositifs de qualité pour doter leur mouvement en formation d’une identité collective et défendre celle-ci. Ces dispositifs font ensuite également l’objet d’usages identitaires.

3.2 – Des usages identitaires pour la cohésion d’un mouvement

39L’usage des dispositifs de qualité le plus souvent mis en avant par les sciences sociales est celui d’attirer des acheteurs ou partenaires commerciaux [Cochoy, 2004] et peut être qualifié d’« économique ». Dans les cas étudiés ici, cet usage s’accompagne d’usages « identitaires », liés à la constitution d’un mouvement : il s’agit de réfléchir aux pratiques et de gérer des divergences internes pour souder le collectif autour d’une même identité.

3.2.1 – Un outil de réflexivité

40Les enquêtés présentent les dispositifs une fois créés comme des outils de réflexivité sur les pratiques. Certains évoquent le souhait de voir si la réalité est toujours « conforme au projet de départ ». C’est le cas de Christian, adhérent du CNLRQ d’une soixantaine d’années, devenu président d’honneur :

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« [Le SP] c’est une démarche volontaire de la part des régies de quartier. Une démarche qui cherche, avec des consultants extérieurs, qui permet de revisiter un peu le projet que l’on a dans la régie de quartier pour savoir où on en est. […] c’est revisiter le projet et voir qu’on est toujours bien… Deux ans après, trois ans après on est toujours bien dans le projet régie de quartier. »

42D’autres tels que Vincent (stagiaire pour le réseau AMAP-IdF) avancent plus généralement le besoin de réfléchir aux pratiques des structures qui composent le mouvement :

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« Le but du [SP], on pourrait dire que c’est d’abord se fortifier. […] C’est-à-dire, pour savoir qu’est-ce qui est fait, pour travailler la transparence des pratiques, échanger sur les pratiques, savoir qu’est-ce qu’on fait vraiment… Sans se contrôler. Pour pouvoir être conscient de nos points à améliorer, des dérives qu’il y a, pour travailler dans une moins grande opacité. »

44Cet usage réflexif pourrait même paraître plus important que celui d’attraction des consommateurs ou d’obtention de marchés publics pour justifier d’une certification. Dans le secteur de l’insertion par l’activité économique, une étude de 2007 recense les motifs d’engagement des entreprises d’insertion (EI) dans la certification « Qualirei » : le motif « entrer dans un processus d’amélioration interne » arrive en tête, devant « promouvoir le concept d’EI », « valorisation auprès des partenaires institutionnels » et « valorisation auprès des partenaires commerciaux [14] ». De même une brochure de l’Union régionale des entreprises d’insertion (UREI) Rhône-Alpes présente parmi les « points forts » de la démarche d’obtention du label « un impact interne indéniable : meilleure communication, démarche fédératrice, projet social mieux partagé » puis « l’intérêt de la prise de recul pour faire un bilan et mettre à plat des années de pratique en engageant un processus d’amélioration continue [15] ».

45Si les dispositifs de qualité sont mobilisés comme supports de réflexivité et contribuent ainsi à définir l’action du mouvement, ces outils et démarches permettent également de surmonter des désaccords menaçant l’identité collective.

3.2.2 – Surmonter des divergences internes

46Les chartes, CPT et SP, sont également décrits par les enquêtés comme des éléments de cohésion pour surmonter les dissensions internes. Laissant la possibilité d’interprétations multiples, leur fréquent manque de précision semble préservé dans ce but. La charte de Minga remplit par un exemple un rôle important lors de désaccords, comme l’indique Gabriel, salarié trentenaire d’une boutique de commerce équitable :

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« [La charte, dite] le cahier des charges, c’est l’outil qui nous rappelle tous à nos fondamentaux. Donc lorsqu’il y a des discussions des débats, des réflexions, il y a toujours un moment où on en vient au cahier des charges, où on dit, “on est réunis autour de ça, il faut se le rappeler”, donc… c’est ça qu’on partage. »

48La salariée en charge du SP de Nature et Progrès présente de même la conciliation des avis divergents comme un des objectifs du dispositif :

49

« Il peut y avoir des divergences d’opinion, de pratiques assez fortes, et justement le [SP] permet de cadrer ces divergences, dans la mesure où l’un des principes c’est la vision commune, et à Nature et Progrès la vision commune c’est les cahiers des charges, c’est ça qui encadre la production agricole. »

50Les dispositifs de qualité sont parfois identifiés comme des facteurs de cohésion en soi, sans qu’un désaccord particulier ait été identifié. Lors de la journée consacrée aux « évaluations croisées » (SP) de l’ATES, les animateurs précisent à plusieurs reprises que l’intérêt du dispositif est « déjà » que les associations « se rencontrent », puissent « échanger ». Au cours du déjeuner, l’animatrice salariée de l’événement confie sa déception que des associations aient refusé de participer ou se soient désistées au dernier moment. Le fait de ne pas s’impliquer dans le SP représente pour elle un problème quant à l’appartenance de ces structures au réseau : « [Telle association] n’est pas venue, elle ne veut pas participer, mais si vraiment elle ne le fait pas, ça ne va pas être possible, elle ne va pas appartenir au collectif ! »

51Ces dispositifs sont mobilisés par les membres actifs pour définir et préserver l’identité collective de leur mouvement. Ces démarches font également partie des modes d’action et des outils de mobilisation de ces mouvements.

4 – Les dispositifs de qualité comme modes d’action

52Envisagés par les sciences sociales comme les supports d’une consommation engagée, les dispositifs de qualité sont de façon symétrique des modes d’action politique par le marché pour les producteurs eux-mêmes.

4.1 – Les modes d’action d’une production engagée

53Les chartes, CPT et SP appartiennent au « répertoire d’action » [Tilly, 1986] d’associations ou d’Organisations non gouvernementales (ONG) souhaitant agir politiquement. Utilisés pour des pratiques de « buycott », à côté du « boycott », ces objets ont déjà été analysés comme les modes d’action de la consommation engagée [Fillieule, 2010]. Ils renvoient pourtant avant tout au répertoire d’action d’une « production » engagée. Il ne s’agit pas de nier l’action des consommateurs qui, soucieux de l’impact politique de leurs achats, se saisissent des modes d’action à leur disposition, mais plutôt de prendre en considération les collectifs qui rendent possibles ces mêmes actes.

54La consommation engagée (mêlant consommation et visée politique) serait dans bien des cas impossible sans l’intervention en amont de producteurs proposant de nouveaux modes de participation politique par les échanges. Dans le cas étudié, cette participation est permise par les dispositifs de qualité. Ces formes de consommation sont souvent perçues comme individuelles, comme l’indique le succès de l’expression d’« action collective individualisée » de M. Micheletti [2003]. Or ces actions émergent en partie grâce au travail d’organisations collectives, analysé notamment pour le mouvement anti-publicitaire [Dubuisson-Quellier, Barrier, 2007] et la campagne pour des vêtements « propres [16] » [Balsiger, 2010].

55Également notable au sein de l’économie solidaire, la mise en cohérence des actions individuelles par des organisations collectives s’appuie sur les chartes, CPT et SP. Au sein du tourisme solidaire, la charte et le système participatif de l’ATES réunissent des associations qui sans cela demeureraient juxtaposées et peu visibles pour les voyageurs. Le label AB est utilisé de la même façon. Chargée de la communication pour celui-ci, l’Agence Bio indique que « d’après [son baromètre] 2012, 93 % des Français connaissent la marque AB et 80 % des consommateurs l’utilisent comme repère lors de l’achat de produits biologiques [17] ».

56Ces dispositifs côtoient d’autres formes d’action moins spécifiques du secteur. Des communiqués sont diffusés par Minga sur des sujets tels que l’huile de palme ou le commerce équitable plus généralement. Cette association signe un texte intitulé « Alimentons l’Europe » aux côtés de Nature et Progrès et des AMAP en mai 2009, pour attirer l’attention des candidats aux élections européennes sur des questions agricoles. La participation aux forums sociaux mondiaux, qui comptent de nombreux réseaux d’économie solidaire parmi leurs membres, est un autre mode d’action possible [Agrikoliansky et al., 2005].

57Les CPT, chartes et SP appartiennent au « répertoire tactique » de l’économie solidaire, c’est-à-dire à un agencement de modes d’actions qui lui est propre [Tilly, 2006]. La mention Nature et Progrès a par exemple un usage moins marchand qu’identitaire et contestataire, comme l’explique Johan, éleveur de chèvres, ancien président de la fédération, resté administrateur :

58

« La mention Nature et Progrès c’est souvent… […] L’enjeu par rapport au marché est faible. Je dirais… C’est une volonté de se distinguer sur le marché mais… C’est se faire reconnaître comme démarche… C’est soutenir un mouvement social. »

59Ces dispositifs incarnent des modes d’actions différents selon les réseaux. Leur élaboration repose sur des représentations distinctes de l’individu, participant au « cadre culturel » qui influence la forme prise par une action collective [Taylor, Van Dyke, 2004]. Dans le cas des réseaux mettant en œuvre la CPT, les producteurs et consommateurs sont envisagés comme avant tout à la recherche de leur intérêt individuel, demandeurs d’une information simple et peu désireux de s’impliquer au-delà de l’acte de production ou d’achat [Rodet, 2012]. Le mode d’action proposé dans ce cas renvoie à une « action collective individualisée » [Micheletti, 2003] : l’action collective naît de l’agrégation des actes d’achats individuels, guidés par les logos.

60Dans le cas des SP, les producteurs et consommateurs sont pensés comme soucieux de l’intérêt collectif, demandeurs d’une information riche et susceptibles de s’impliquer au-delà de leur acte économique. Le mode d’action proposé est collectif et comprend l’adhésion à une association, la participation aux enquêtes chez les producteurs (ou opérateurs de tourisme) et une délibération collective sur le mode de production. Les SP sont présentés comme des outils de mobilisation des « citoyens » sur des sujets revendiqués comme politiques et ne pouvant, par conséquent, être laissés à des organismes privés. L’association Minga diffuse en mai 2010 un communiqué dénonçant le recours à des certificateurs privés pour le commerce équitable et l’agriculture biologique, et proposant son SP comme alternative :

61

« Les gouvernements se déchargent de plus en plus sur des organismes privés des missions qui sont normalement les siennes […]. Les certifications réduisent à un argument de vente l’engagement pour des pratiques agricoles plus respectueuses de la biodiversité et des pratiques commerciales plus équitables. […] Le seul engagement qui tienne est celui de comprendre que derrière un prix il y a des coûts, des matières tirées d’environnements à préserver et des gens qui travaillent […]. C’est le sens de l’action que mènent les membres de Minga pour une évaluation collective des pratiques économiques […]. [Note :] […] Minga met en œuvre un système de garantie et d’amélioration participatif qui mobilise les acteurs concernés, clients y compris, autour de l’évaluation d’une filière [18]. »

62La conception de l’individu véhiculée au sein des SEL ou des RERS (dotés d’une charte) est comparable à celle des collectifs développant des SP. L’investissement demandé aux adhérents est faible dans la mesure où aucun système d’évaluation des pratiques n’est mis en œuvre. Les membres de ces réseaux adhèrent néanmoins à une association locale où l’interconnaissance est forte, et manifestent leur adhésion à un collectif.

4.2 – Entre contestation et reconnaissance étatique

63Les représentants de l’État ou des collectivités locales ne sont jamais loin lors de la création d’une CPT (Finansol, AB) ou d’une charte (ATES). Ces dispositifs sont à des degrés variables le produit d’une co-construction entre pouvoirs publics et mouvements protestataires comme souvent observé pour les répertoires tactiques [Fillieule, 2010]. Reconnaître officiellement un dispositif de qualité ou l’instituer comme cela s’est passé pour l’agriculture biologique. Cela s’inscrit dans une dynamique d’intégration de la critique sociale par l’État. Une telle pratique s’apparente à la création de ministères spécialisés dans une cause à la suite des actions collectives [Neveu, 1996]. Aux ministères créés dans les années 1970 (pour les droits des femmes ou l’environnement) succèdent la création d’un secrétariat d’État à l’économie solidaire en 2000, celle d’un ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire en 2012. Les réflexions autour de la création d’un label de commerce équitable (commission AFNOR de 2002 à 2005) ou « d’économie sociale » (Rapport Vercamer de 2010) participent d’un tel processus, tout comme le projet de loi sur l’ESS de juillet 2013. Les rapports avec la puissance publique sont ambivalents :

64

« La reconnaissance officielle du système participatif de Nature et Progrès serait un plus pour l’agriculture biologique et serait complémentaire à la certification par tiers. […] Mais c’est sûr que notre système participatif… si reconnaissance officielle il y avait… il serait déformé. […] Mais… Je pense quand même qu’il y a un impact social positif à ce que ce soit reconnu. […] Mais derrière il faut travailler à d’autres produits, d’autres idées et pour renouveler le débat et pour que l’évolution de la société… que la société évolue. Et dans cette idée-là le système participatif peut aider la société… à évoluer. »
[Nature et Progrès, Administrateur]

65Les formes d’expertises et de recours au droit mobilisés par les réseaux apparaissent souvent comme des manières de garder l’État à distance. Le développement de dispositifs de qualité par les membres les plus actifs de l’économie solidaire participe du recours croissant à ces pratiques expertes et/ou juridiques, identifié dans de nombreux espaces sociaux depuis la fin des années 1960 [Agrikoliansky et al., 2010 ; Lima, 2009]. Les SP sont conçus par leurs initiateurs comme favorisant une expertise profane et collective. L’usage d’une CPT avec logo (AB, Max Havelaar, CNEI, Finansol) correspond en revanche à la mobilisation d’experts spécialisés pour la défense d’une cause [Mathieu, 2004]. L’expert « indépendant » est perçu comme un gage de légitimité supérieur pour faire progresser des revendications. Autre forme de mobilisation du droit, le dépôt à l’Inpi (RERS, AMAP, Régies de quartier) apparaît comme une protection juridique contre l’État (Régies de quartier) ou d’autres associations comparables susceptibles de s’emparer de la ressource symbolique que constitue le nom, lorsque celui-ci a atteint une certaine notoriété (AMAP, RERS).

66Comme toute forme de critique sociale, celle portée par l’économie solidaire oscille entre contestation et institutionnalisation. Pris dans cette tension, les dispositifs de qualité peuvent incarner aussi bien une critique sociale (SP de Minga) qu’une intégration de celle-ci par l’État (label AB). La reconnaissance officielle est elle-même ambiguë : elle met en lumière les revendications et comporte la menace de leur dévoiement. Pionniers de l’agriculture biologique, les adhérents de Nature et Progrès ont en particulier été fortement déçus par la création du label AB.

67Les usages des répertoires tactiques peuvent être répartis en deux catégories analytiques le plus souvent imbriquées [Balsiger, 2010] : un usage « substantiel [19] » d’une part, renvoyant ici au fait de rendre possible à travers les échanges des choix politiques, et un usage « interne » ou de « mobilisation » d’autre part. C’est ce deuxième usage qui va être étudié à présent.

5 – Des dispositifs pour mobiliser

68Les dispositifs de qualité sont utilisés par les membres actifs des réseaux pour agir (porter des revendications, rendre possible une consommation engagée) et mobiliser autour de leur cause. Avant même leur action en termes de sélection des membres (attribution ou retrait d’un logo, d’une mention) les dispositifs mobilisent par le cadrage de l’expérience contestataire et la théorisation d’une nouvelle identité.

5.1 – Cadrer l’expérience contestataire

69Les chartes, CPT et SP opèrent un double cadrage, portant sur les caractéristiques du bien, service ou projet concerné, mais également sur l’expérience contestataire qui l’accompagne. Au sein d’un mouvement social, l’adoption d’un cadre d’injustice permet aux individus d’envisager la mobilisation [Snow et al., 1986]. Ces cadres peuvent diverger et leur alignement exact ne s’avère pas toujours un préalable indispensable à l’action [Mathieu, 2012]. Plusieurs des textes des dispositifs (charte, descriptif de SP ou de CPT) apparaissent néanmoins comme des tentatives d’instaurer un minimum d’alignement des cadres d’injustices entre les membres. Ces documents débutent ainsi souvent par une dénonciation de la situation économique et sociale :

70

« La biodiversité de tous les organismes vivants est en voie de destruction, pas seulement à cause des menaces que font courir les OGM, mais aussi à cause du système économique et financier dominant qui condamne également tous les paysans de la planète. À travers nos actes de consommation, d’échanges et de production, c’est la recherche d’un projet de société plus juste, plus respectueux de la Vie et de tous les habitants de la planète qui donne toute sa cohérence à la démarche de la fédération Nature & Progrès. »
[Nature et Progrès, charte]

71La dénonciation apparaît parfois en creux, comme dans le préambule de la charte des AMAP. L’association y sous-entend que l’agriculture telle qu’elle est pratiquée actuellement n’est pas durable, que les villes et les campagnes ne sont pas solidaires, et qu’enfin les consommateurs ne sont en mesure ni de manger sainement à un prix accessible, ni de définir et contrôler ce qu’ils consomment :

72

« [Le réseau des AMAP] souhaite contribuer au développement d’une agriculture durable et à la mise en place d’une économie solidaire entre villes et campagnes. [Il] souhaite permettre aux consommateurs de manger sainement à un prix juste et accessible et qu’ils puissent définir et contrôler ce qu’ils ont dans leur assiette. »
[Charte des AMAP]

73De même au sein des réseaux mettant en œuvre la CPT, les documents de présentation du dispositif comprennent une dénonciation de la situation économique et sociale comme motif de l’action menée. Chez Max Havelaar, le mémento distribué aux bénévoles chargés de la promotion du logo débute de la façon suivante :

74

« Les échanges commerciaux internationaux se sont multipliés aux dépens des pays du Sud, creusant les inégalités entre les hommes et menaçant l’équilibre planétaire. […] Des millions d’ouvriers et de petits cultivateurs des pays en développement vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Dans le commerce international conventionnel, ces producteurs sont confrontés aux problèmes suivants : prix mondiaux des matières premières bas et fluctuants […], rapports de forces défavorables […]. Le commerce équitable […] tente de rétablir l’équilibre et permet aux petits producteurs du Sud de sortir de la misère et de vivre dignement de leur travail. »
[Max Havelaar, Mémento, 2007]

75Par les textes qui les constituent ou les présentent, les dispositifs de qualité de l’économie solidaire opèrent un cadrage de l’expérience contestataire. Ces discours visent les consommateurs et d’autres personnes plus proches de la production telles que les bénévoles ou les producteurs eux-mêmes. À travers ces dispositifs, l’économie solidaire participe à la critique des formes de dominations associées aux relations marchandes : dénonciation de ce qui est perçu comme de l’iniquité dans les échanges à différentes échelles, de la domination des échanges monétarisés, de la dégradation de l’environnement. Les usages des dispositifs de qualité en termes de mobilisation rejoignent également la dimension identitaire mise au jour plus tôt.

5.2 – Théoriser une nouvelle identité

76Les chartes, CPT et SP contribuent à la théorisation d’une nouvelle identité collective. La théorisation apparaît comme la source de changement d’échelle d’un mouvement, dans la mesure où « sans théorisation, les similarités entre militants et les recrues potentielles peuvent être latentes plutôt que manifestes et les manifestations locales et innovations, incapables de se répandre [20] » [Rao et al., 2003, p. 837]. Les dispositifs de qualité de l’économie solidaire jouent ce rôle : sans logo, mention, charte ou SP, les structures locales se développeraient indépendamment les unes des autres, dans des sens parfois divergents, comme le risque de « dérives » souvent mentionné le signale. La juxtaposition d’initiatives parfois comparables mais parfois également très éloignées et ne partageant qu’un même nom ne formerait pas un collectif. Le deuxième paragraphe de la charte de Nature et Progrès assigne cet objectif au texte qui le suit :

77

« Cette charte […] doit être le ciment qui unit dans le respect de l’éthique de la fédération, consommateurs, paysans, transformateurs… Son acceptation, ou mieux son appropriation, est un acte volontaire. L’application au plus près des principes préconisés permettra à Nature & Progrès de conforter son identité. »
[Nature et Progrès, charte]

78Les mouvements sociaux sont des moments privilégiés de construction d’identité individuelle et collective [Neveu, 1996 ; Voegtli, 2010]. Comme le rappelle P. Braud, « le sentiment de partager avec d’autres une identité commune favorise la diffusion au sein du groupe d’opinions convergentes sur la légitimité de l’action collective » [Braud, 2002, p. 315]. L’analyse des dispositifs de qualité met en lumière le travail identitaire réalisé par les membres actifs de l’économie solidaire pour faire exister celle-ci comme mouvement social.

79Cet usage des dispositifs est d’autant plus important que la dimension contestataire de ce secteur n’est pas évidente. Seule une partie des membres des réseaux considérés tente de faire vivre un mouvement social, en rappelant qu’il existe des formes de domination contre lesquelles résister. Certains de ces membres actifs peuvent être qualifiés d’« entrepreneurs de protestation » [Mac Carthy, Zald, 1977] : des individus ayant un rôle décisif dans l’apparition et la structuration des mobilisations, collectant des ressources diverses (telles que du temps et de l’argent) pour les mettre au service de l’action collective.

6 – Conclusion

80L’économie solidaire mène des activités économiques et contestataires. Elle correspond à un mouvement social porté par ses fondateurs, salariés et autres membres actifs. La démarche de ces individus renvoie en effet à une mobilisation collective contestant différentes formes de domination socialement instituées, dont la prise de parole emprunte des canaux autres que ceux du strict champ politique. D’autres membres participent néanmoins également à l’économie solidaire, davantage pour les échanges économiques et sociaux qu’ils y réalisent (ou les emplois dont ils bénéficient) que pour le projet militant initial des fondateurs. L’ensemble de ces personnes forme un espace social en tension entre activités économiques et militantisme.

81L’existence et la pérennité de la dimension contestataire de l’économie solidaire reposent sur la formulation d’une identité partagée entre ces différents membres. S’il s’agit d’un trait de toute action collective, la spécificité de l’économie solidaire réside dans le fait que les divergences entre membres ne portent pas sur les causes défendues ou la façon de les défendre, mais sur le fait même de porter une contestation sociale ou non. L’identité collective nécessaire à un mouvement social réunit l’expression des buts de l’action, les moyens mis en œuvre pour agir et les rapports du collectif à l’environnement [Melucci, 1989]. Les dispositifs de qualité qui se multiplient au sein de l’économie solidaire depuis les années 1990 réunissent ces dimensions et contribuent ainsi largement à l’existence de ce secteur comme mouvement social. Par le rôle qu’ils jouent en termes de définition et de préservation de valeurs et de pratiques, le mode d’action qu’ils incarnent et leurs usages pour mobiliser, ces dispositifs assurent la cohérence d’initiatives qui, sans cela, ne feraient que se juxtaposer. Les chartes, certifications et systèmes participatifs ont ainsi la particularité d’agir dans les deux dimensions de l’économie solidaire, en opérant un cadrage économique (des biens, services, projets) et contestataire (causes défendues).

Notes

  • [1]
    Le terme label est réservé en France aux certifications par tiers reconnues officiellement, telles que AB.
  • [2]
    Ce terme désigne les collectifs étudiés sans référence à la sociologie des réseaux.
  • [3]
    Catégorie explicitée plus loin.
  • [4]
    Régionale, le cas échéant.
  • [5]
    Le terme est à entendre en rapport avec la construction d’un collectif contestataire et non dans l’absolu. Les « simples adhérents » ne sont par contraste « moins actifs », qu’au regard de cette dimension.
  • [6]
    Ces deux catégories se recoupant parfois.
  • [7]
    Les prénoms ont été modifiés.
  • [8]
    Mutuelle agréée en 1907.
  • [9]
    Association pour la taxation des transactions financières et l’aide aux citoyens, fondée en France en 1998.
  • [10]
    Centrale d’achat des produits Artisans du Monde, créée en 1984.
  • [11]
    Fondateurs de la première AMAP.
  • [12]
    Comité de l’ISO pour la politique en matière de consommation, chargé de la promotion des intérêts des consommateurs dans la normalisation.
  • [13]
    Institut national de la propriété industrielle.
  • [14]
    http://ureira.org/orga_ureira/uploads/public/1726livret_qualirei_en_Rh_Alp_-_juin_2009.pdf.
  • [15]
    Ibid., p. 18.
  • [16]
    C’est-à-dire issus de conditions de travail jugées décentes.
  • [17]
    www.agencebio.org, janvier 2011.
  • [18]
    Minga, communiqué 2010 : « La certification “agriculture biologique” ou “commerce équitable” : un marché au détriment de la biodiversité et des droits de l’Homme. »
  • [19]
    Substantive use.
  • [20]
    Traduit par nos soins.
Français

L’objectif de cet article est de montrer que l’économie solidaire est en tension entre activités économiques et mouvement social et que les « dispositifs de qualité » (chartes, labels...) permettent d’articuler ces dimensions. Une partie des membres de ce secteur cherche en effet à valoriser la dimension contestataire des activités réalisées. Ces militants sont à l’initiative de dispositifs visant à définir et préserver une identité collective, constituant au final des modes d’action et des outils de mobilisation pour faire vivre un mouvement social.

Mots clés

  • économie solidaire
  • mouvement social
  • dispositifs de jugement
  • identité

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Diane Rodet
Centre Max Weber, Université Lumière Lyon 2
Mis en ligne sur Cairn.info le 10/04/2015
https://doi.org/10.3917/rfse.015.0193
Pour citer cet article
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