CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1La plupart des travaux sur l’économie sociale et solidaire (ESS) partent d’un même constat : malgré un bilan flatteur sur le plan des chiffres, la qualification rigoureuse de cette « autre économie » demeure une tâche difficile et le sujet de très nombreux débats. En effet, si son utilité sociale est le plus souvent reconnue, on sait que l’accolement quelque peu sibyllin des mots « économie », « social » et « solidaire » ne laisse pas de susciter des réserves tant il recouvre un ensemble protéiforme d’acteurs, d’organisations, de projets, mais également de valeurs. Comme l’indique le titre, au demeurant provocateur, d’un article de Matthieu Hély, l’idée s’est fait même jour selon laquelle l’ESS n’existerait pas, ou alors n’existerait que sous la forme d’un concept qui aurait été élaboré uniquement afin de donner une illusoire homogénéité à un champ aussi hétérogène qu’hétéronome [Hély, 2008]. Ce qui montre bien qu’en dépit des très nombreuses tentatives d’élaboration d’une « théorie de l’ESS » [Caillé, 2003 ; Draperi, 2011 ; Flahault, Noguès, Schieb-Bienfait, 2011 ; Hiez, Lavillunière, 2013 ; Laville, 2011 et 2013 ; Lamarche, 2013], le syntagme d’ESS reste encore entouré d’une nuée d’imprécisions – au point, selon certains, de lui conférer le statut d’une véritable « énigme scientifique » [Alcolea-Bureth, 2004].

2Partant, la question, qui ne se pose sans doute pas dans ces termes partout sur le globe [2], est de savoir comment construire un discours sur l’ESS qui permette d’en assurer la reconnaissance et le développement sur des principes partagés et consensuels. Car, sauf à se contenter de la définir comme une économie qui serait uniquement vouée à traiter des problématiques que le marché et l’État ne savent pas et/ou ne peuvent pas résoudre, l’ESS ne pourra se constituer comme un espace d’action collective autonome sans préciser une bonne fois pour toutes en quoi son ambition d’apporter des réponses collectives aux besoins sociaux non satisfaits par l’entrepreneuriat capitaliste mérite qu’on lui concède un statut particulier. Et cela encore moins que la récente loi de l’ESS retient une définition inclusive de cette économie, c’est-à-dire qui intègre des entreprises qui s’en approprient les principes sans pour autant faire partie des familles historiques du secteur (comme les associations, coopératives, mutuelles, fondations). En effet, dans ce contexte, le besoin de s’entendre sur une définition « positive » de l’ESS est d’autant plus pressant que le risque est grand qu’une telle ouverture fasse le jeu de sociétés purement commerciales, voire de certaines grandes sociétés prédatrices qui pourraient ne pas hésiter à créer des filiales sur mesure afin d’assurer leur « social » ou leur « green washing » à grande échelle…

3Aussi, et pour autant que l’on adhère à l’idée selon laquelle ce que l’on dit « sur » l’ESS est constitutif de ce qui se fait « dedans » [Caillé, 2005], l’objectif de notre article est de montrer que le concept de propriété sociale offre une prise intéressante et prometteuse pour répondre à cette question des frontières définissant le périmètre identitaire de l’ESS [3]. Comme nous le verrons, derrière un concept qui a été pensé à la fin du xixe siècle pour promouvoir un certain mode d’égalité entre les hommes via la mise à disposition de biens et de services collectifs aux non-propriétaires, il est en effet question de préserver la propriété que chaque individu humain a et doit avoir de lui-même. Ce qui en soi témoigne de l’intérêt qu’il y a de l’importer dans les débats actuels concernant la définition de l’ESS, étant entendu que les organisations qui se revendiquent de ses principes sont pareillement censées travailler dans un souci constant du bien commun et de manière à ce que chacun ait accès à l’indépendance et à la « propriété de soi ». L’intégration de la notion de propriété sociale dans la compréhension de l’ESS serait par là même un moyen de rappeler que si elle est issue d’initiatives décentralisées portées par les différents groupes et communautés qui composent la société, cette économie renvoie à un idéal normatif d’identité entre propriétaires et non-propriétaires dont ce concept est sans doute l’une des traductions les plus abouties.

4De ce point de vue, l’enjeu de l’argumentation qui va suivre est donc double. D’une part, il s’agit d’affirmer la modernité d’un concept qui se présente comme l’analogon de la propriété privée pour les non-propriétaires [Castel, 2001]. D’autre part, de montrer qu’il peut servir de support à l’expression des nouveaux rapports entre société, économie et démocratie à laquelle l’ESS nous invite et, ainsi, l’aider à se démarquer de l’économie marchande dite « classique ». Cela ne veut pas dire qu’il faille pour autant réduire les spécificités des organisations de l’ESS à cette seule question de la propriété et abandonner les questions plus traditionnelles de leurs propriétés institutionnelles et juridiques, des objectifs qu’elles poursuivent ou, encore, des règles internes de gestion qu’elles suivent. En d’autres termes, notre proposition doit plutôt être comprise comme un complément par rapport à l’ensemble des travaux qui considèrent, dans cette veine, que les organisations de l’ESS regroupent

5

« l’ensemble des activités économiques soumis à la volonté d’un agir démocratique où les rapports sociaux de solidarité priment sur l’intérêt individuel ou le profit matériel, [contribuant] ainsi à la démocratisation de l’économie à partir d’engagements citoyens »
[Eme, Laville, 2005, p. 253]

6Par où l’on voit que, sans avoir la prétention de croire que nous puissions ainsi établir ce qu’une théorie de l’ESS devrait être, notre article s’inscrit dans la lignée des tentatives visant à conceptualiser une économie qui souffre d’une certaine sous-conceptualisation bien qu’elle ait le vent en poupe. Notre objectif est d’évoquer, à partir de la question de la propriété, les raisons qui permettent de comprendre ce qui fait l’unité d’un mouvement qui recouvre un spectre tellement large d’activités, intervient dans des secteurs si divers, porte des idées à ce point différentes que l’on en vient parfois à oublier qu’il s’enracine dans un projet de société tout à fait particulier – lequel est donc tout entier contenu dans le concept de propriété sociale et est ultimement un projet d’intégration à l’adresse des modernes sociétés d’individus.

7Pour ce faire, nous avons jugé qu’un retour à l’histoire de l’association était nécessaire. En rapport avec une volonté très tôt exprimée au sortir de la Révolution de renforcer des liens sociaux par l’entraide mutuelle et la gestion collective des problèmes sociaux liés à l’industrialisation, l’objectif sera de rappeler que l’ESS s’inscrit dans le prolongement de l’associationnisme pionnier quand elle entend fonder l’action économique sur des motifs sociaux de solidarité (2). Une fois ce rappel fait, nous pourrons alors insister sur l’idée que, loin de se réduire à un pis-aller qui aurait pour unique fonction de conjurer les effets funestes de la concurrence sociale, cette économie se présente comme l’une des principales modalités de production de propriété sociale – autrement dit d’une relative homogénéité des conditions de vie individuelle (3). Partant, nous serons à même alors de justifier la proposition que nous faisons de définir l’ESS au regard de ce concept de propriété sociale en montrant que, dans le contexte actuel de fragilisation de l’État-providence, c’est à elle que revient en priorité la charge d’en défendre la portée (4).

2 – L’esprit égalitaire de l’autre économie

8Bien qu’elle se soit construite avec l’ambition de mettre fin à la peur et à la misère via la sacralisation de l’idée d’égalité, on sait que l’utopie d’une société moderne qui réserverait la même puissance d’agir à tous les individus a très tôt fait place à l’extension et à l’aggravation de la souffrance et de la misère publiques [Rosanvallon, 2011]. Dès le sortir de la Révolution, c’est ainsi que les observateurs de l’époque, du moins ceux qui attribuaient l’origine de ce contraste à l’organisation industrielle plutôt qu’à l’imprévoyance des classes défavorisées, ont entrepris de résoudre un problème qui menaçait le pacte social auquel se rattachent la plupart des idéaux contemporains – celui qui attribue aux individus la responsabilité de leurs réussites comme de leurs échecs. Aussi est-ce dans l’espoir d’achever la dynamique réformatrice enclenchée par les révolutions des xviie et xviiie siècles qu’ils se mirent pour cela en quête de modèles alternatifs de régulation économique, lesquels devaient selon eux permettre d’associer progrès économique et progrès social et, ainsi, d’éviter le péril d’une annulation du droit politique par le fait économique.

9Or, dans ce contexte, il est bon de rappeler que, de Saint-Simon à Louis Blanc, en passant par Fourier, Cabet, Leroux ou encore Buchez, le mot association ralliait les esprits. En effet, s’ils concevaient sa réalisation sous des modes différents, tous s’accordaient pour reconnaître dans l’association le moyen pouvant le mieux répondre aux besoins des plus démunis – et cela même si, péril d’un retour à la société d’ordres oblige, les corporations et autres associations professionnelles avaient été frappées d’interdiction au lendemain de la Révolution. Pour eux, l’objectif de l’association n’était pas de réduire et/ou de contraindre la réalisation des intérêts privés de telle ou telle classe d’individus, mais de montrer à chaque citoyen que sa liberté individuelle dépend de la cohésion de la société dans laquelle il vit. C’est ainsi que, chez Tocqueville, l’association était pour cela considérée comme un principe moral, au sens où elle représentait à ses yeux l’institution essentielle pour canaliser les effets des inégalités sociales et renforcer les liens sociaux sur la base d’un sentiment de solidarité [Ferraton, 2004, p. 58]. En sorte qu’il appelait explicitement au développement de la mouvance associationniste, prouvant ainsi son attachement à cette idée que le maintien de la cohésion sociale dans une société démocratique dépend de l’engagement et de la participation des citoyens dans le gouvernement de la société :

10

« […] dans les pays démocratiques, la science de l’association est la science mère […]. Pour que les hommes restent civilisés ou le deviennent, il faut que parmi eux l’art de s’associer se développe et se perfectionne dans le même rapport que l’égalité des conditions s’accroît. »
[Tocqueville, 1961 (1840), p. 159]

11Un peu comme si, pour terminer la « révolution des droits de l’homme », il était paradoxalement nécessaire que les individus subordonnent leurs intérêts et leurs efforts particuliers à la poursuite d’actions et de fins communes… [Chanial, 2009b]. La contradiction n’est cependant qu’apparente quand on admet que la liberté de l’individu ne s’oppose pas à la vie associée, mais se réalise, au contraire, par sa participation et sa coopération à la vie commune. En effet, dans cette perspective, où l’association est pensée comme la condition de l’individuation elle-même, le fait associatif n’est plus que la manifestation de la capacité de la société civile à construire son propre devenir. Ce qui revient à dire que si le mot est teinté de nostalgies corporatistes et d’une vision enchantée de l’ancien monde des compagnonnages et de leur esprit de fraternité [Rosanvallon, 2011], l’association participe en cela d’une société que rien ne transcende mais qui transcende tous ses membres, au sens où c’est par son intermédiaire que l’on peut semble-t-il répondre aux objectifs de l’État de droit démocratique [Chanial, 2001 ; Laville, 2002].

12Aussi est-il important de souligner que, de ce point de vue, la politique de la société civile portée au xixe siècle par le mouvement associationniste constitue le berceau de ce que l’on nommait hier « économie sociale » et que nous sommes désormais convenu d’appeler ESS. Car si l’ESS regroupe des organisations aussi différentes que des banques, des mutuelles de santé et d’assurance, des représentants de collectivités territoriales, des syndicats, des coopératives de consommation et de production ou, encore, des associations à vocation fortement différenciée, on sait que toutes ont en partage ce principe de l’associationnisme pionnier selon lequel l’expérience de chaque individu est enrichie par son engagement et sa participation à la vie commune [4]. Où l’on comprend alors que l’enjeu, dans le contexte actuel du débat sur les frontières de l’ESS, est de produire une représentation du monde qui puisse aider à réaffirmer l’importance d’une filiation qui est donc, selon nous, constitutive d’un mouvement qui entend renouer avec les idéaux de cohésion sociale et de citoyenneté active dont nos sociétés modernes et démocratiques sont porteuses.

13Or, sans négliger le scepticisme que toute tentative de définition de l’ESS peut susciter aux yeux de ceux qui estiment qu’elle est avant tout un champ de valeurs, de principes et d’actions qui ne se prête guère à la théorisation [Lamarche, 2013], nous allons voir ci-après que c’est précisément dans cette visée que l’on peut mobiliser le concept de propriété sociale. Lequel est notamment bien fait, en raison de la place qu’il accorde à l’idée selon laquelle c’est à la société qu’il revient de mettre à disposition des non-propriétaires le minimum de ressources leur permettant d’échapper à la misère et d’accéder à l’indépendance sociale, pour réaffirmer l’ambition politique d’une économie qui entend promouvoir des solidarités et des adhésions sincères aux actions publiques. Ce qui constitue un motif qui nous semble en effet suffisant pour justifier d’en étudier la nature et la portée aujourd’hui que le développement du domaine des solidarités volontaires oblige, sans doute plus que jamais, à réfléchir aux caractéristiques de cette économie qui veut échapper à la marginalité, tout comme aux dérives bureaucratiques et autres contraintes de la valorisation marchande.

3 – La propriété sociale comme point fixe normatif

14Parce qu’elle est à la base de toutes les inégalités sociales d’avoir, de pouvoir ou de savoir qui empêchent et/ou limitent la réalisation des promesses de la modernité (c’est-à-dire l’émancipation des individus par le travail), la distinction entre propriétaires et non-propriétaires est au cœur du dilemme auquel l’ESS est confrontée. Bien qu’elle ait été occultée ces dernières années par ceux-là mêmes qui en faisaient auparavant le centre de leur réflexion, nous estimons pour cette raison que la question de la propriété est une entrée qui doit être privilégiée dans tout travail un tant soit peu rigoureux de définition de l’ESS. En sus du rappel que nous avons fait quant aux liens qu’elle entretient avec les mouvements associationnistes du xixe siècle, nous espérons par là même montrer que, par rapport aux problèmes que la consécration du droit de propriété privée dans l’espace moderne pose à l’idéal démocratique d’égalité (3.1), le concept de propriété sociale offre la possibilité de définir l’ESS comme un mouvement qui regroupe un ensemble d’activités qui contribuent, au contraire, au respect de cet idéal via la mise en place de dispositifs qui assurent un minimum de sécurité et d’indépendance pour ceux qui sont en dehors de la propriété (3.2).

3.1 – La propriété privée dans son rapport avec la démocratie

15Faisant suite à une époque où la société s’organisait autour du fait religieux, on a souvent souligné que la période moderne avait été marquée par un renversement des valeurs de la société traditionnelle et la découverte de la centralité de la valeur travail. Bien qu’il faille éviter d’être péremptoire sur le sujet, étant donné que ce renversement ne s’est pas fait sans heurt, c’est-à-dire sans que la marque de l’Un collectif que produisait la religion n’ait imprégné la pensée des philosophes à l’origine de ce renversement [Gauchet, 1998 ; 2002], c’est ainsi que, depuis John Locke en particulier, on a affirmé que le travail offrait aux individus la possibilité d’échapper à toute totalité surplombante et intégratrice, c’est-à-dire de s’émanciper de la chaîne continue de subordination qui allait « de Dieu au roi ou au père, puis aux autres hommes, enfin à la totalité de la création » [Raynaud, 2005, p. 413]. Dans la foulée de Locke, l’idée selon laquelle la liberté de l’homme voulue par le Créateur ne pouvait s’actualiser qu’avec les mains industrieuses, soit au travers de cette faculté proprement humaine de pouvoir agir sur le monde afin de mieux s’y adapter, s’est même imposée jusque dans les cercles catholiques – comme en témoigne l’inspiration libérale de l’encyclique Rerum novarum [Astier, Disselkamp, 2010] –, ce qui est sans doute le principal symbole d’une évolution dont la portée se fait encore sentir de nos jours.

16Néanmoins, derrière cette interprétation tellement familière qu’on en oublie parfois qu’elle est le produit d’une histoire séculaire, demeure une question : comment expliquer que cette valorisation d’homo faber n’ait pas été accompagnée d’une promotion des travailleurs ? En d’autres termes, que la modernisation de nos sociétés se soit payée au prix d’une misère croissante des masses laborieuses ? La réponse tient au fait qu’à travers cette sacralisation du travail on a également consacré une façon de concevoir la propriété sur les « choses de la nature » comme étant une prolongation de la propriété de l’homme sur lui-même [5] :

17

« L’homme […] étant le maître et le propriétaire de sa personne, de toutes ses actions, de tout son travail, a toujours en soi le grand fondement de la propriété. »
[Locke, 1994 (1690), V, §44]

18Ce qui a eu pour effet de légitimer une conception privée de la propriété qui néglige qu’en fait son origine est toujours suspecte de violence initiale, d’accaparement et/ou de vol [Proudhon, 1966 (1840)]. Sans aller jusqu’à faire de Locke un apologiste de l’accumulation capitaliste et de la dictature bourgeoise, interprétation injuste dans la mesure où elle ignore la profondeur d’une théorie qui vise à établir le caractère ontologique de la démocratie [Raynaud, 2005], on veut dire par là que son affirmation de la légitimité de la propriété que chacun a sur sa personne n’empêche pas que le rapport des hommes entre eux quant à l’usage des choses – qui est une définition du droit de propriété au sens large – puisse être déterminé par d’autres variables que le seul travail. L’on sait en particulier que l’inscription du droit de propriété au rang de « droit inviolable et sacré » dont nul ne peut être privé (Code civil, art. 17) cache le fait que, loin de ne trouver son unique fondement du côté du sujet humain et de ses potentiels, la propriété est également liée à l’héritage économique et culturel – ce qui introduit des différences en termes de chances et de handicaps qui mettent en cause l’architecture de justification des inégalités sociales par le travail dans son ensemble [6].

19On explique ainsi pourquoi, étant dépendante du pouvoir social et des moyens que chacun a à sa disposition pour le conquérir, la propriété privée en est venue à concentrer sur elle toutes les critiques. Car comment s’assurer que chacun reçoive l’équivalent de son dû, autrement dit les fruits de son travail, si les conditions de départ des activités d’appropriation ne sont pas les mêmes pour tout le monde ? On le voit d’emblée, et c’est l’un des principaux leitmotive de la pensée socialiste du xixe siècle, l’oubli de l’héritage fait effectivement problème de ce point de vue étant donné que cela revient à nier ce qui a pourtant la force de l’évidence, à savoir que la capacité d’agir au mieux de ses intérêts est extrêmement variable quand la propriété privée est posée comme un principe de définition de la liberté elle-même et que les droits civiques sont en action avec les droits de propriété. Par-delà les différences entre les analyses d’un Proudhon, d’un Marx ou encore d’un Kropotkine, c’est d’ailleurs toujours la même rengaine qui s’exprime à destination d’une institution qui, loin d’être aussi naturelle que ne le pensaient les libéraux de la première heure (Locke, mais également Say ou encore Bastiat), serait plutôt source d’injustice et de nouvelles inégalités – comme si les intérêts des propriétaires s’étaient finalement substitués aux droits seigneuriaux avec l’avènement de la modernité. Lesquelles inégalités engendrent alors cette image paradoxale d’une société moderne qui s’est construite sur l’utopie d’une société de justice et d’égalité mais qui a très tôt été, sous l’action des droits de propriété privés, le théâtre d’un antagonisme entre propriétaires et non-propriétaires qui marque l’opposition entre l’existence et la non-existence sociale, c’est-à-dire entre le fait de pouvoir exister positivement comme citoyen et le fait d’être renvoyé à une totale insignifiance sociale [Castel, 2008].

20En conséquence de quoi nous estimons que, derrière la volonté affichée de soumettre la production et la distribution de biens et services à l’arbitrage démocratique via la reconfiguration des rapports entre l’économique, le social et le politique, c’est bien une modification du droit de propriété qui était également recherchée par les tenants de cet associationnisme pionnier dont l’ESS est l’héritière. Ou, pour être plus exact, sachant que les interventions directes sur la propriété et sur l’économie étaient exclues en vertu du Code civil, une limitation des conséquences funestes que ce droit risque toujours d’entraîner pour la très grande majorité des non-propriétaires, à commencer par celui d’être dépossédés de leurs droits civiques et politiques par la minorité sociale possédant les ressources économiques nécessaires à l’acquisition des droits politiques. La promotion d’un « autre agir économique » depuis la première moitié du xixe siècle jusqu’à nos jours ne pouvant se faire, quoi qu’il en soit, qu’à la condition d’abolir le clivage entre le patrimoine et le travail et de dessiner les contours d’un compromis qui permette de rétablir l’identité des propriétaires et des non-propriétaires [Castel, 1995].

3.2 – La propriété sociale : véritable moteur de la solidarité démocratique

21Or c’est justement dans cette visée que le concept de propriété sociale a progressivement été introduit dans le langage des réformateurs sociaux de la fin du xixe siècle [Fouillée, 1884]. Sorte de mutation de la propriété elle-même, cette dernière, en effet, est l’épicentre d’une réflexion qui, sur la base de l’idée que les individus sont incapables de créer quoi que ce soit sans tirer profit de l’outillage matériel et intellectuel que l’humanité leur a légué [7], entendait tirer les conséquences du fait que chaque propriétaire privé est en ce sens comptable d’une « dette » pour l’utilisation qu’il fait des ressources communes et pour la part de valeur dont la collaboration sociale enrichit ses biens. Soit une propriété qui est dite « sociale » parce qu’elle vise à socialiser les protections et les bénéfices attachés à la propriété privée et, par extension, soustraire les non-propriétaires à la menace que constitue pour eux la libido dominandi des classes possédantes – tout en préservant ces dernières des dangers de l’option révolutionnaire retenue par une partie des classes ouvrières. Ce qui veut donc dire qu’en fait de modification, et d’une manière qui pourrait sembler paradoxale en apparence, c’est plutôt une extension de la propriété individuelle qui était visée à travers cette volonté de définir un type de propriété qui puisse échapper à l’arbitraire des usages privés et être mise au service de l’intérêt général :

22

« La propriété individuelle m’apparaît comme le prolongement et la garantie de la liberté. Elle résulte du travail, elle est à son origine tout simplement le droit de ne pas consommer sur le champ, de réserver, en vue de la disette possible de demain, une partie de la nourriture d’aujourd’hui. Le développement de la propriété individuelle, non sa suppression, voilà pour moi le but, et mon idéal social est celui dans lequel chacun serait arrivé dans la mesure de la justice à la propriété individuelle. »
[Bourgeois, 1901, p. 34]

23Les prises de position de Léon Bourgeois dans les débats sur l’idée de solidarité au début du xxe siècle sont à cet égard exemplaires [Bourgeois, 1901]. Si le fait de clamer son attachement à la propriété privée était pour lui un moyen de contrer les accusations de collectivisme dont il était régulièrement la cible, on sait en effet qu’il ne témoignait pas moins, ce faisant, du sentiment plus général qu’une intervention active de la collectivité était néanmoins requise pour éviter qu’elle ne demeure le privilège de quelques-uns. Ses appels répétés en faveur d’un rétablissement du rapport d’équivalence dans l’échange des services sociaux faisaient d’ailleurs écho aux prises de position d’Alfred Fouillée lorsque, dans sa tentative de caractérisation de la propriété sociale, ce dernier rappelait que les individus n’ayant rien qui puisse leur appartenir en propre et en entier, il était nécessaire d’établir un compte courant par « doit et avoir » entre chaque propriétaire et la société afin de faire la balance entre ce que la société doit à chacun et ce que chacun lui doit [Fouillée, 1884]. À ce titre, l’objectif poursuivi était donc, pour Bourgeois comme pour Fouillée, de garantir à tous les membres de la société, et non plus aux seuls propriétaires, des libertés réelles, c’est-à-dire d’assurer la possibilité que chacun puisse effectivement faire le choix « de ne pas consommer sur le champ » plutôt que d’être obligé de vivre « au jour la journée »…

24Où l’on voit donc bien que si elle constitue une troisième voie entre les défenseurs de la propriété privée partisans du statu quo et les défenseurs – socialistes révolutionnaires et marxistes – de la suppression de cette dernière au profit d’une propriété collective, l’invention de la propriété sociale n’en constitue pas moins une vraie mutation. Car à travers l’affirmation selon laquelle elle est une prérogative qui découle de l’appartenance à un collectif, il est clair qu’elle inaugure un nouveau registre de sécurité pour les individus qui sont en dehors de la propriété [Portier, 2003]. Ces derniers étant désormais reconnus comme des ayants droit qui, pour être en mesure de participer activement à la vie sociale et politique, ont accès à un ensemble de biens et de services collectifs sans lesquels ils seraient incapables de conduire les projets qu’ils sont enjoints à mettre en œuvre. Ces « supports », comme aimait à les appeler le regretté Robert Castel, et qui sont pour l’essentiel des protections contre la vieillesse, les accidents, la maladie, ou encore le chômage, offrant en ce sens une réponse à la question des limites de la propriété privée pour, sinon réaliser l’égalité de fait, du moins promouvoir une société de semblables ; c’est-à-dire une société à l’intérieur de laquelle les individus n’auraient plus à souffrir les méfaits du développement sauvage de l’économie ainsi que les risques d’une désaffiliation sociale.

25Or, qu’est-ce à dire au fond, sinon que cela fait écho aux principes que les tenants de l’associationnisme du xixe siècle ont toujours revendiqués avant que les thuriféraires de l’ESS ne prennent leur relais ? Si le dépassement de la propriété privée par la propriété sociale a surtout été porté par l’État social, au sens où c’est l’État qui a mis en place l’essentiel des réformes qui visaient à assurer la sécurité des non-propriétaires en même temps que la possibilité qu’ils accèdent à des services publics [Hatzfeld, 2004], on sait en effet que c’est une tâche à laquelle se sont également consacrées toutes ces institutions qui, avant même que l’État n’ait été affublé du qualificatif « social », travaillaient à rendre le champ économique perméable à une morale socialement construite et à l’appréhension des droits civiques à côté des droits de propriété. Et l’on pense en particulier aux mutuelles, qui ont joué un rôle décisif en matière d’incapacité du travail, de maladie ou de vieillesse, au sens où elles ont constitué une véritable matrice pour l’action publique en organisant des secours qui ont préfiguré les systèmes de protection sociale que nous connaissons encore aujourd’hui [Dreyfus, 2001].

26Dans une approche du « pluralisme de la protection sociale » [Evers, 1997], on peut même affirmer que le rôle de l’État dans la production de propriété sociale ne serait pas celui qu’on lui connaît si ces institutions auxquelles l’associationnisme pionnier a donné naissance ne lui avaient en quelque sorte tracé la voie. En écho au principe énoncé par Léon Bourgeois selon lequel les institutions d’initiative privée sont les plus aptes à saisir les besoins du moment [Bourgeois, 1901], c’est là une conséquence du fait qu’elles ont très souvent su défricher les demandes sociales émergentes qui ont ensuite été intégrées au service public – entraînant par là même un accroissement de la complexité des processus dynamiques de production de la propriété sociale. Partant du principe qu’il n’y a rien à gagner en matière de conceptualisation de l’ESS à opposer systématiquement État, marché et organisation à but non lucratif et qu’il est plus pertinent, au contraire, d’examiner les dynamiques socio-historiques qui les associent dans la perspective d’une « économie plurielle », on veut dire par là que la production de propriété sociale peut du même coup devenir un critère de définition de l’ESS. Lequel critère permettrait notamment d’insister sur le fait que la volonté affichée par les tenants de l’ESS de subordonner l’intérêt individuel à un intérêt commun doit notamment s’éprouver à l’aune des bénéfices que leurs activités engendrent pour les non-propriétaires…

27Ce qui est en effet primordial aujourd’hui que la crise nous aide à redécouvrir que le fait économique peut toujours annuler le droit politique et que les remises en cause de l’État-providence peuvent être lues, par ailleurs, comme autant de tentatives qui visent à réduire la sphère de juridiction de la propriété sociale [Castel, 2008]. Car, sauf à accepter cette réduction du champ de protection des individus induit par la notion de propriété sociale, on ne voit pas bien comment on pourrait compenser ce processus d’évidement du politique sans que l’on ne réactive un « pouvoir agir » des citoyens analogue à celui que le « moment 1848 » avait contribué à ancrer dans les esprits – lequel s’est notamment exprimé au tournant du xixe au xxe siècle [Laville, 2010b]. Où l’on comprend que le fait d’intégrer le concept de propriété sociale dans la compréhension de l’ESS est aussi, de ce point de vue, une manière de valoriser de nouvelles formes d’engagement public dans un contexte où il est devenu essentiel d’opter pour un meilleur partage, entre l’État et le corps social, des capacités de décision et d’attribution des ressources nécessaires à la gestion de la nouvelle question sociale – qui est tout à la fois urbaine, familiale, scolaire voire encore raciale [Paugam, 2011].

4 – La propriété sociale et l’ESS : proposition pour une théorisation

28Même si le détour par l’histoire est un exercice périlleux pour le non-historien, au sens où ce dernier risque toujours de prendre prétexte de l’histoire pour éclairer le présent sous le jour qui lui sied, il n’en demeure pas moins une nécessité quand on accepte que le passé est un lieu de questionnement de ce qui fonctionne aujourd’hui comme évidence, universalité, nécessité. C’est ainsi que, par rapport au traitement réservé à la question sociale au xixe siècle par les tenants de l’associationnisme comme étant précisément ce lieu d’où l’on peut semble-t-il le mieux interroger l’actualité de l’ESS, nous avons rappelé que cette économie est porteuse d’une ambition politique qui est tout entière contenue dans le concept de propriété sociale, ce prolongement de la propriété privée qui permet de donner à chacun l’accès à l’indépendance et à la propriété de soi. Aussi est-ce pour cette raison que, par rapport au déficit de légitimité dont elle souffre, nous estimons que ce concept est l’un des supports doctrinaux dont l’ESS a besoin pour devenir un artefact langagier mobilisateur et apte à engendrer de nouveaux rapports de solidarité (4.1). Nous prendrons d’ailleurs des exemples qui permettent d’illustrer ce qu’un nouvel usage de la propriété sociale signifie dans cette perspective, y compris quant à la redéfinition des rapports qu’elle appelle entre les actions issues de la société civile et l’action publique (4.2).

4.1 – Un support doctrinal essentiel pour « repenser la solidarité »

29À l’heure où les économistes sont fustigés par l’opinion pour n’avoir pas su prévoir la crise économique actuelle – quand ils ne sont pas accusés de l’avoir carrément provoquée –, il est intéressant de noter que les tentatives sont nombreuses pour réhabiliter l’idée qu’un « autre agir économique » est possible [Laville, 2011]. Portées par des courants hétérodoxes dont il n’est pas toujours facile de savoir ce qu’ils ont en commun sinon une farouche volonté d’en finir avec le néoclassicisme [Pouch, Sobel, 2008], il se trouve en effet que les travaux se multiplient depuis plusieurs années pour rendre raison de pratiques qui, du point de vue de l’économie néolibérale, sont jugées sinon archaïques, du moins négligeables quant à leur importance dans le devenir des sociétés capitalistes modernes. Qu’ils mobilisent Mauss, Polanyi ou, encore, Perroux, c’est ainsi que le don, la réciprocité, la gratuité, la générosité, etc., y sont même présentés comme des objets de recherche d’autant plus dignes d’intérêt que l’éclatement du compromis fordiste et l’émergence d’une nouvelle question sociale obligent à repenser la solidarité [Paugam, 2011].

30À ce titre, le problème n’est d’ailleurs pas tant l’essor du domaine des solidarités civiles, qui regroupent des forces de réparation jugées parfois trop marginales et fragmentées pour mériter d’être reconnu comme formant un mouvement unifié, que le besoin de montrer en quoi et dans quelle mesure la dénomination ESS fait sens malgré cette impression gênante que la diversité des initiatives prises sur le terrain social tend à susciter. En témoignent les critiques formulées par certains des contempteurs les plus révolutionnaires de l’économie capitaliste, qui n’hésitent pas à affirmer que l’association des mots « solidarité » et « économie » relève d’un oxymore et revient à négliger que cette dernière serait par définition unidimensionnelle – parce qu’enracinée dans l’anthropologie libérale et l’égoïsme de l’homo œconomicus [Latouche, 2003]. Critiques qui montrent bien en effet que, malgré les succès qui sont les siens, l’ESS pâtit d’un déficit de légitimité assez profond, suffisant en tout cas pour qu’elle soit encore considérée comme une « sous-économie », soit une sorte d’économie des pauvres qui serait destinée à la marginalité face à une économie marchande toute puissante – et qui bénéficie pour sa part de l’autorité de la doctrine économique libérale sur laquelle elle s’arrime.

31Aussi, partant du principe que l’on ne peut transformer le monde matériellement sans le transformer par idéation, nous avons estimé que la réflexion théorique était donc tout sauf oiseuse et/ou superflue de ce point de vue – soit un « luxe de théoricien en chambre » [Caillé, 2005, p. 201] –, mais au contraire essentielle pour que l’ESS soit capable d’engendrer de nouvelles formes de lien social et, partant, d’investir pleinement le terrain du combat politique [Crémieux, 2002]. Car, si ce problème de légitimité dont elle souffre est en partie lié au fait qu’il peut y avoir loin entre le projet d’une économie mise au service de l’humain et sa réalisation – hiatus inévitable mais qui prend parfois une envergure telle qu’il devient difficile de ne pas y voir une trahison de l’utopie qui guide les organisations de l’ESS –, il est aussi, en creux, le signe d’une certaine insuffisance sur le plan doctrinal. La réhabilitation de l’ESS comme mouvement de développement économique ayant ses lois et ses fins propres passe alors par un travail sur le discours, lequel doit permettre de comprendre ce qu’il y a par conséquent de commun derrière la multiplicité des initiatives qui sont prises par les organisations qui se revendiquent de ses principes [Draperi, 2011].

32Or, comme nous l’avons montré dans la section précédente, c’est précisément dans cette visée de performativité du discours sur l’ESS qu’il nous semble primordial de revisiter le concept de propriété sociale. Lequel est effectivement bien fait, en raison de la place qu’il accorde à l’idée selon laquelle c’est à la société que revient la charge d’organiser les formes et les relations de propriété afin d’éviter qu’elles ne deviennent le terreau des pires injustices, pour rappeler que c’est notamment à l’aune de leurs capacités à restaurer l’identité des propriétaires et des « non-propriétaires » que les organisations de l’ESS sont susceptibles d’être jugées. Dans le contexte actuel de redéfinition de l’espace public, où l’action des acteurs issus de la société civile devient aussi importante en matière d’organisation de la solidarité et de la protection sociale que celle qui s’exerce par le biais du service public, on gagnerait ainsi une compréhension nouvelle de l’ESS en tant que force de transformation sociale alternative à l’économie dominante. Sans prétendre que ce soit « LE » concept clé pour élaborer une théorie de l’ESS, ce qui serait évidemment naïf et présomptueux au regard des avancées qui ont déjà eu lieu sur le plan de la théorisation de l’ESS, on veut dire par là que le fait d’arrimer l’ESS sur le concept de propriété sociale pourrait notamment aider à en faire un artefact langagier d’autant plus mobilisateur que l’enjeu est aussi de tirer les conséquences des carences et de l’essoufflement de l’État-Providence et de montrer que la société civile peut jouer le rôle d’un intendant actif de la richesse collective – et non plus celui d’un bénéficiaire passif [Portier, 2003 ; Supiot, 2013].

4.2 – Quand l’ESS produit de la propriété sociale : exemples et conséquences

33Les exemples d’ailleurs ne manquent pas pour illustrer ce que l’usage du concept de propriété sociale pourrait signifier dans cette perspective où l’on estime, en d’autres termes, que l’État ne peut plus être le seul le garant des droits sociaux et de l’intérêt collectif. Car que ce soit au regard des finalités qu’elles poursuivent (comme répondre à des besoins mal couverts et dont la prise en charge présente un haut niveau d’utilité pour la collectivité), des modes de gestion éthiques qu’elles mettent en œuvre (rémunération du capital limitée ou nulle, encadrement des salaires) ou bien, encore, des principes dont elles font la promotion dans l’exercice du pouvoir (« une personne, une voix »), les organisations de l’ESS rivalisent souvent d’inventivité lorsqu’il est question de créer des innovations sociales permettant d’universaliser le droit d’accès à des biens et à des services et, partant, d’éviter l’exclusion des « non-propriétaires ».

34Ainsi, dans le foisonnement des initiatives, nous pensons par exemple à la structure d’insertion par l’activité économique « Impulse toit » qui, pour répondre à des problèmes d’exclusion sociale, agit sur la question des freins à l’emploi et propose des solutions à des familles en grande nécessité et ayant des impératifs de déménagement et de garde-meubles. Ou à l’engagement d’« Ethiquable », cette coopérative pionnière des pratiques de commerce équitable « qui entend remédier à l’exclusion ou à la marginalisation sur le marché des populations des pays en développement » à travers des projets d’accompagnement et d’autonomisation menés auprès de communautés paysannes qui défendent les spécificités de leurs terroirs. Voire encore à celui de l’association nantaise Libertic qui, montrant de son côté qu’il n’est pas exclu d’envisager la mise en place de modalités de la propriété sociale adaptées à la nouvelle donne économique et technologique, sensibilise le grand public et les acteurs de l’ESS à l’Open data avec des ateliers pratiques et pédagogiques qui ont pour objectif d’accompagner sur les territoires le développement et l’utilisation d’applications numériques d’intérêt général.

35Toutes ces initiatives, en effet, ont en commun d’être déterminées par une vision du progrès économique qui va au-delà des indicateurs usuels de création de richesse et qui, au contraire, favorise la qualité du lien social, le développement de la participation des personnes aux décisions qui les concernent, l’accès de tous à des services de qualité. Par-delà la diversité des besoins sociaux auxquels elles tentent d’apporter une réponse, c’est ainsi qu’elles offrent une parfaite illustration des voies possibles d’actualisation de la propriété sociale dans l’ESS, au sens où elles participent ce faisant d’une sorte de « sociocratie » ; qui se définit comme une forme d’appropriation collective, c’est-à-dire associative, des fonctions publiques visant à la réalisation du projet démocratique d’émancipation des individus. À la faveur de cette idée-force selon laquelle l’organisation démocratique d’une société est proportionnée au niveau d’engagement et de participation consenti par ses membres, c’est-à-dire au fait que l’homme ne peut vivre en harmonie avec le bien social le plus élevé qu’en participant lui-même à sa définition et à sa mise en œuvre [Dewey, 2010], c’est aussi ce qui ressort de l’exemple de la NEF (Nouvelle économie fraternelle). Lequel, en effet, est des plus remarquable dans la mesure où il montre que le réveil du civisme et de l’esprit social auquel les théoriciens de la propriété sociale appelaient peut également trouver à s’exprimer dans un domaine aussi décrié que la banque, en l’occurrence ici à travers le développement d’outils financiers qui ont pour objet de soutenir des projets sociaux et alternatifs – et qui sont généralement exclus des réseaux bancaires classiques [8].

36À l’heure où la domination des actionnaires dans les sociétés de capitaux est souvent décriée pour les inégalités qu’elle contribue à engendrer, et que la multiplication des crises montre le caractère insoutenable d’une économie qui exacerbe les intérêts particuliers et pousse à une concurrence sans limite entre les individus, les entreprises, les territoires et les États, l’on peut d’ailleurs se réjouir que les exemples de pratiques économiques faisant ainsi preuve d’utilité sociale puissent être multipliés à l’envi – comme en témoignent les initiatives exemplaires que le « Labo de l’ESS » présente sur son site. Selon nous, c’est le signe qu’à la tentation du chacun pour soi, les acteurs sont nombreux à opposer la coopération et la mutualisation comme des réponses pragmatiques permettant de coupler le développement économique au souci de la protection sociale et, partant, de permettre à chaque individu – et notamment ceux qui se trouvent dans des situations difficiles – de « faire société ». Au reste, c’est aussi pour cette raison qu’il ne faut pas négliger les bénéfices que l’on peut tirer du concept de propriété sociale dans les questions relatives à la définition du périmètre de l’ESS, étant entendu que ce concept porte en lui cette figure neuve d’un collectif conçu comme une association entre des individus unis par les liens de la justice réciproque. En outre, rappelons que ce rapprochement entre l’ESS et la propriété sociale permettrait également de réaffirmer l’importance de la filiation qui existe entre les pratiques associationnistes d’hier et les institutions et dispositifs qui concourent à l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques de l’ESS. Laquelle filiation est en effet décisive étant donné que l’ESS ne pourra exister comme une composante à part entière de l’économie et une pièce maîtresse de l’action publique sans assumer pleinement cet héritage – qui constitue en quelque sorte son ADN –, dans la richesse duquel elle peut trouver de quoi réhabiliter la puissance collective qui émane de la réciprocité et s’éprouve dans des mobilisations collectives.

37Pour cela, il faudrait néanmoins que l’ESS puisse bénéficier d’un soutien public pour redéfinir à nouveaux frais le contrat social – étant entendu que la réalisation d’actions économiques qui répondent à des motifs solidaires ne peut suffire à elle seule à son maintien et, en particulier, à la logique du projet politique que ces actions sont supposées servir [Ferraton, 2007]. Aujourd’hui que l’interdépendance entre les actions issues de la société civile et l’action publique est reconnue comme un facteur fondamental de socialisation de l’économie, c’est seulement ainsi que l’ESS sera en capacité de renforcer l’apprentissage de la vie publique et de compléter, par le truchement d’une solidarité volontaire, la solidarité dite redistributive. En ce sens, la politique non institutionnelle dont elle est le moteur doit donc trouver le moyen de s’imbriquer dans le politique institutionnel, et cela non seulement pour réhabiliter la force instituante de la solidarité, mais aussi remettre en cause le message de l’idéologie néolibérale selon lequel l’économie de marché est seule productrice de richesses [Laville, 2010b]. Dans cette perspective, une nouvelle alliance entre les pouvoirs publics et la société civile contre la démesure du capital et le « tout marché » se présente même comme une véritable priorité pour que l’ESS soit en mesure de préserver cet imaginaire d’une république sociale et juste que porte le concept de propriété sociale – imaginaire qui risque toujours d’être condamné au motif que la protection sociale coûterait trop cher à l’heure de la mondialisation et qu’il faudrait couper dans les dépenses sociales afin de ne pas hypothéquer l’avenir de notre société.

5 – Conclusion

38Dans cet article, nous sommes partis de l’idée selon laquelle les risques de banalisation, de récupération et/ou d’instrumentalisation des initiatives portées par les organisations de l’ESS sont la contrepartie du fait que cette économie peine à s’ancrer dans un corps doctrinal suffisamment robuste pour donner du sens à l’ensemble des pratiques qui entrent dans son giron. Aussi est-ce la raison pour laquelle nous avons jugé utile de commencer ce travail par un rappel quant aux éléments de continuité qui existent entre la façon dont l’ESS se donne aujourd’hui à saisir et la matrice associationniste qui en est le berceau. Car si de nombreux auteurs ont déjà exploré cette voie pour montrer combien elle est importante pour comprendre les spécificités d’une économie qui entend réaliser tout autant l’idéal de justice sociale que l’impératif de liberté et d’autonomie politique des individus, nous avons estimé que le problème de la définition de son périmètre identitaire ne pouvait être résolu sans insister sur le fait qu’elle s’enracine en cela dans un idéal normatif dont le concept de propriété sociale est l’expression la plus aboutie.

39Pour nous, qui jugeons primordial de réfléchir aux conditions de possibilité théorique qui sont nécessaires à la réalisation du projet sociopolitique de l’ESS, cela veut dit que l’objectif n’est pas de minimiser les spécificités des organisations de l’ESS pour tenter de créer un tout unifié – qui ne serait alors qu’artificiel –, mais de montrer que le recours au concept de propriété sociale permet de comprendre ce qu’il peut y avoir d’« inactuel » dans l’ESS. Cette « autre économie » qui, historiquement, a toujours cherché à faire vivre cette idée que le droit individuel d’être soi, d’être à soi, présuppose un droit social de propriété, autrement dit la possibilité offerte à chacun de jouir des bénéfices généralement attachés à la propriété privée. Le fait d’arrimer l’ESS sur le concept de propriété sociale pourrait par là même offrir une possibilité pour distinguer celles qui, parmi les innombrables organisations qui disent œuvrer à la recomposition des rapports entre société, économie et démocratie via la mise en place d’activités à finalité sociale et/ou sociétale, méritent vraiment d’être considérées comme travaillent en ce sens contre le temps, donc sur le temps, et espérons-le, au bénéfice d’un temps à venir – en écho à la définition nietzschéenne du qualificatif d’inactuel [Nietzsche, 2000]. L’objectif que nous avons suivi étant donc modeste de ce point de vue, à compter qu’il s’agit simplement d’inviter celles et ceux qui travaillent à la conceptualisation de l’ESS de réfléchir au potentiel performatif d’un concept de propriété sociale qui, dans tous les cas, mérite une attention particulière à l’heure où il est devenu nécessaire de perfectionner les interventions de l’État social à travers une redéfinition de l’espace public et un approfondissement de la démocratie sur une base citoyenne [Supiot, 2013].

Notes

  • [1]
    L’auteur remercie vivement les deux rapporteurs anonymes de cet article et reste bien entendu seul responsable des erreurs, omissions ou imprécisions qui pourraient subsister.
  • [2]
    En disant cela, nous voulons simplement insister sur le fait que les diverses élaborations théoriques sur l’ESS ont diversement abouti selon les contextes et que la reconnaissance de l’ESS est souvent inégale d’un pays et/ou d’une région à l’autre – si bien qu’il faudrait nuancer les critiques récurrentes sur l’insuffisante profondeur de la théorie de l’ESS. Par exemple, en Amérique latine, où l’on parle d’« économie solidaire » et/ou « populaire » plutôt que d’ESS, la perspective théorique et politique mise depuis longtemps sur le concept d’autogestion, en l’associant à la participation des travailleurs ainsi qu’à la démocratisation et à la maîtrise des lieux de travail. En rapport avec des positions anticapitalistes plus clairement et fréquemment affirmées que dans les réseaux nordiques d’ESS, on explique ainsi pourquoi le discours sur l’ESS se caractérise dans cette région par la référence à un « projet d’économie et de société alternatif très lointain, à long terme, très maximaliste, très utopique, telle une “nouvelle civilisation” s’apparentant à une sorte de “grand soir” ou d’horizon quasi eschatologique » [Vaillancourt, 2013].
  • [3]
    Et cela même si la polysémie du terme et la multiplicité de ses usages rend difficile toute tentative de synthèse sur la propriété sociale. Une telle difficulté peut toutefois être levée si l’on accepte qu’entre les partisans du radicalisme social – solidaristes et apparentés (Bourgeois, Bouglé, Fouillée) –, les coopérativistes (Gide, Lavergne), chrétiens ou laïcs, et les collectivistes de toutes obédiences – étatistes, municipalistes, associationnistes –, les différents défenseurs de la propriété sociale reconnaissent tous que la « propriété apparaît de plus en plus nettement comme le résultat d’une coopération anonyme et moins comme un droit strictement subjectif et doit tendre sinon à s’évanouir dans la socialisation collectiviste du moins à s’adapter de plus en plus à des fins collectives ou des fonctions sociales » [Chanial, 2009a, p. 144]. Cet accord de fond quant à la réalité anthropologique et historique de la propriété sociale est en tout cas, pour nous, le point d’ancrage d’une réflexion qui, sans négliger l’importance que la diversité des usages du concept de propriété sociale peut avoir dans une perspective d’histoire de la pensée, entend montrer que l’ESS gagnerait à être définie en rapport avec cette idée générale qu’il existe un type de propriété ayant une origine et une finalité sociales.
  • [4]
    Au reste, c’est bien pour cette raison que, plus d’un siècle et demi après les expériences des équitables pionniers de Rochdale, la plupart des travaux sur l’ESS continuent de se référer à cette autre histoire économique qui voit dans le modèle associationniste l’origine de pratiques entrepreneuriales qui se spécifient par leur caractère collectif [Ferraton, 2007]. Ce recours au passé pour mieux éclairer le présent étant en quelque sorte la preuve que si le récit dominant des mouvements qui s’en sont inspirés au xixe siècle est le plus souvent celui de leur échec, ils n’en gardent pas moins valeur d’exemple et continuent à alimenter l’imaginaire social de l’ESS [Laville, 2010a].
  • [5]
    À la suite de nombreux débats quant à l’origine et la nature de cette propriété, on sait en effet que la déclaration française des droits de l’homme a entériné cette idée-force de la théorie politique libérale selon laquelle le pouvoir que les hommes détiennent sur la nature dérive d’une activité de transformation du monde qui ne serait que le prolongement direct de leur subjectivité.
  • [6]
    Si bien qu’il ne faut pas s’étonner d’être conduit vers cet apparent paradoxe qui veut que ceux-là mêmes qui se trouvent au foyer de la dynamique de la modernisation puissent être placés en situation de quasi-exclusion sociale. Ce phénomène étant la conséquence du fait que, n’ayant d’autre propriété que leur force de travail, les membres des classes laborieuses devaient le plus souvent se résoudre à vendre cette dernière à un prix tout juste nécessaire à sa reproduction.
  • [7]
    C’est le sens de la différence établie par Fouillée [1884] entre les « produits » de la volonté humaine et les « instruments » sur lesquels elle s’exerce, laquelle revient à distinguer ce qui, dans les relations que les individus entretiennent avec le monde extérieur, relève d’une « fécondité créatrice » – et peut donc donner lieu à une appropriation – et ce qui relève du fonds commun de l’humanité – soit d’une sorte de res communis, terme juridique désignant des choses qui appartiennent à tous ou à personne et dont chacun doit pouvoir user à sa convenance. Idée que Durkheim reprendra à son compte dans sa recension de l’ouvrage de Fouillée : « [S’il] existe quelque part un objet qui ait été entièrement créé par un homme, il lui appartient tout entier : voilà ce que l’on peut accorder à l’individualisme. Mais une propriété absolue, sans réserve et sans restriction, ne se trouve pas pour cela justifiée ; car avec nos seules forces, nous ne pouvons rien créer. Nous ne produisons que des formes et tous nos efforts d’appliquent à une matière que nous fournit la nature. Ce fonds n’est pas notre œuvre ; pourquoi le détiendrions-nous à perpétuité ? » [Durkheim, 1886, p. 447]
  • [8]
    Think tank « destiné à faire (re)connaître une économie plus respectueuse de l’homme et de son environnement à travers échanges, réflexions et actions ». Le site est à l’adresse suivante : http://www.lelabo-ess.org/spip.php.
Français

Souvent discutée et prétexte à de très nombreux débats, la question de l’élaboration d’une « théorie de l’ESS » est plus que jamais importante pour assurer la reconnaissance et la légitimité de cette « autre économie ». Dans cette perspective, il apparaît utile de redécouvrir le concept de propriété sociale qui a été pensé à la fin du xixe siècle pour promouvoir une société de semblables et justifier la mise à disposition de biens et de services collectifs aux non-propriétaires. Dans un contexte où l’action des acteurs issus de la société civile est devenue aussi importante en matière d’organisation de la solidarité et de la protection sociale que celle qui s’exerce par le biais du service public, nous montrons que ce concept permet de suggérer un nouveau critère de démarcation de l’ESS, qui s’est historiquement construite sur l’ambition de préserver l’imaginaire d’une république sociale et juste.
Classification JEL : A13, B59

Mots clés

  • propriété sociale
  • démocratie
  • économie sociale et solidaire
  • association

Bibliographie

  • Alcolea-Bureth A.-M. (2004), Pratiques et théories de l’économie solidaire, L’Harmattan, Paris.
  • En ligneAstier I., Disselkamp A. (2010), « Pauvreté et propriété dans l’encyclique Rerum Novarum », Cahiers d’économie politique, n° 59, p. 205-224.
  • Bourgeois L. (1896), Solidarité, Armand Colin, Paris.
  • Bourgeois L. (1901), Essai d’une philosophie de la solidarité, conférences et discussions présidées par Léon Bourgeois et Alfred Croiset, Alcan, Paris.
  • En ligneCaillé A. (2003), « Sur les concepts d’économie en général et d’économie solidaire en particulier », Revue du MAUSS, n° 21, p. 215-236.
  • Caillé A. (2005), « Incertitudes de l’économie solidaire », in A. Caillé, Dé-penser l’économique. Contre le fatalisme (p. 199-205), La Découverte, Paris.
  • Castel R. (1995), Les métamorphoses de la question sociale, Gallimard, Paris.
  • Castel R. (2001), « La réhabilitation des non-propriétaires », in R. Castel et C. Haroche, Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi (p. 71-106), Fayard, Paris.
  • Castel R. (2008), « La propriété sociale : émergence, transformations et remise en cause », Esprit, nos 8-9, p. 171-190.
  • Chanial P. (2001), Justice, don et association : la délicate essence de la démocratie, La Découverte, Paris.
  • Chanial P. (2009a), La délicate essence du socialisme, Le bord de l’eau, Lormont.
  • Chanial P. (2009b), « Associationnisme », in A. Caillé et R. Sue, De gauche ?, Fayard, Paris.
  • En ligneCrémieux R. (2002), « L’avenir de l’économie sociale et solidaire : un enjeu politique », Mouvements, n° 19, p. 29-34.
  • Dewey J. (2010 [1915]), Le public et ses problèmes, Gallimard, Paris.
  • En ligneDraperi J.-F. (2011), L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoires et démocratie, Dunod, Paris.
  • En ligneDrefus M. (2001), Liberté, égalité, mutualité. Mutualisme et syndicalisme 1852-1967, Les éditions de l’atelier, Paris.
  • Durkheim É. (1885), « Alfred Fouillée, La propriété sociale et la démocratie », Revue philosophique, n° 19, p. 446-453.
  • Eme B., Laville J.-L. (2005), « Économie solidaire », in J.-L. Laville et A. Cattani, Dictionnaire de l’autre économie, Desclée de Brouwer, Paris.
  • Evers A. (1997), « Le tiers secteur au regard d’une conception pluraliste de la protection sociale », in Produire les solidarités. La part des associations, Mire, Paris, avec la collaboration de la Fondation de France.
  • En ligneFerraton C. (2004), « L’idée d’association chez Alexis de Tocqueville », Cahiers d’économie politique, n° 46, p. 45-65.
  • Ferraton C. (2007), Associations et coopératives. Une autre histoire économique, Érès, Ramonville Saint-Agne.
  • En ligneFlahault E., Noguès H., Schieb-Bienfait N. (2011), L’économie sociale et solidaire : nouvelles pratiques et dynamiques territoriales, Presses universitaires de Rennes, Rennes.
  • Fouillée A. (1884), La propriété sociale et la démocratie, Hachette et Cie, Paris.
  • Gauchet M. (1998), La religion dans la démocratie : parcours de la laïcité, Gallimard, Paris.
  • Gauchet M. (2002), La démocratie contre elle-même, Gallimard, Paris.
  • Hatzfeld H. (2004 [1971]), Du paupérisme à la sécurité sociale. 1850-1940, Presses universitaires de Nancy, Nancy.
  • Hély M. (2008), « L’économie sociale et solidaire n’existe pas », La Vie des idées, 11 février 2008, ISSN : 2105-3030, en ligne : http://www.laviedesidees.fr/L-economie-sociale-et-solidaire-n.html.
  • Hély M., Moulévrier P. (2013), L’économie sociale et solidaire : de l’utopie aux pratiques, La Dispute, Paris.
  • Hiez D., Lavillunière E. (2013), Vers une théorie de l’économie sociale et solidaire, Larcier, Bruxelles.
  • Lamarche T. (2013), « Une théorie générale ou une approche institutionnaliste pour l’économie sociale et solidaire ? Compte rendu de l’ouvrage de Jean-François Draperi, L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoires et démocratie, Paris, Dunod, 2012 », Revue française de socio-économie, n° 11, p. 229-233.
  • En ligneLatouche S. (2003), « L’oxymore de l’économie solidaire », Revue du MAUSS, n° 21, p. 145-150.
  • En ligneLaville J.-L. (2002), « L’association comme lien social », Connexions, n° 77, p. 43-54.
  • En ligneLaville J.-L. (2010a), « Histoire et actualité de l’associationnisme : l’apport de Marcel Mauss », Revue du MAUSS, n° 36, p. 295-307.
  • Laville J.-L. (2010b), Politique de l’association, Le Seuil, Paris.
  • Laville J.-L. (2011), Agir à gauche. L’économie sociale et solidaire, Desclée de Brouwer, Paris.
  • Laville J.-L. (2013), L’économie solidaire. Une perspective internationale, Fayard, Paris.
  • Locke J. (1994 [1690]), Le second traité du gouvernement, Presses universitaires de France, Paris.
  • Nietzsche F. (2000 [1874]), « De l’utilité et des inconvénients de l’histoire pour la vie », in F. Nietzsche, Œuvres (p. 499-575), Gallimard, Paris.
  • Paugam S. (2011 [2007]), Repenser la solidarité, Presses universitaires de France, Paris.
  • En lignePortier P. (2003), « Les trois âges de la sécurité », Le Débat, n° 127, p. 85-93.
  • En lignePouch T., Sobel R. (2008), « L’hétérodoxie, quelle hétérodoxie ? », L’Homme et la Société, nos 170-171, p. 9-14.
  • Proudhon P.-J. (1966 [1840]), Qu’est-ce que la propriété ? Ou recherches sur le principe du droit et du gouvernement, Garnier-Flammarion, Paris.
  • Raynaud P. (2005), « Locke », in P. Raynaud et S. Rials (dir.), Dictionnaire de philosophie politique (p. 409-416), Presses universitaires de France, Paris.
  • Rosanvallon P. (2011), La société des égaux, Le Seuil, Paris.
  • En ligneSupiot A. (2013), Grandeur et misère de l’État social, Fayard, Paris.
  • Tocqueville A. de (1961 [1840]), De la démocratie en Amérique, tome 2, Gallimard, Paris.
  • Vaillancourt Y. (2013), « L’économie sociale et solidaire en Amérique latine depuis Rio+20 », Vie économique, vol. 5, n° 1, en ligne : http://www.eve.coop/?a=202.
Benjamin Chapas
ESDES-Recherche, Université catholique de Lyon
Mis en ligne sur Cairn.info le 10/04/2015
https://doi.org/10.3917/rfse.015.0135
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...