Mathieu Fulla, Le Parti socialiste face à la question économique (1945-1981). Une histoire économique du politique. Thèse d’Histoire contemporaine, réalisée sous la direction de Marc LAZAR, Professeur, Institut d’études politiques de Paris, soutenue le 6 décembre 2012 à l’Institut d’études politiques de Paris
1Jury composé de Michel MARGAIRAZ, Professeur, Université Paris 1 ; Alain BERGOUNIOUX, Inspecteur général de l’Éducation nationale (rapporteur) ; Laurent JALABERT, Professeur, Université de Pau et des Pays de l’Adour (rapporteur) ; Nicolas ROUSSELLIER, Maître de conférences habilité, Institut d’études politiques de Paris.
2En matière de compétence économique, la droite bénéficie toujours de la présomption d’innocence tandis que la gauche ne parvient pas à sortir de l’ère du soupçon. Partant de ce constat, deux ambitions étroitement liées sont à l’origine de cette thèse. La première est de combler une lacune historiographique. L’étude du rapport entretenu par le socialisme politique à l’économie après 1945 constitue un angle mort de la production historienne. La deuxième ambition est de nature épistémologique. L’analyse conjointe, au sein d’un parti, du contenu de ses propositions économiques, de leur usage politique et des experts chargés de leur élaboration ne fait l’objet d’aucune recherche spécifique pour le second xxe siècle. L’histoire économique du politique proposée dans ce travail souhaite saisir simultanément l’évolution de l’usage fait par les partis socialistes de la ressource économique en fonction du contexte politique, social et culturel dans lequel ils se meuvent, et leur perméabilité aux avancées théoriques de la science économique.
3Le croisement de sources plurielles – partisanes, syndicales, imprimées, orales – a permis de distinguer quatre temps dans ce rapport à la question économique. Entre 1945 et 1958, les difficultés politiques de la SFIO rejaillissent sur sa capacité à peser dans le débat par rapport à ses concurrents communiste et mendésiste. Les tentatives de rénovation doctrinale sont impitoyablement repoussées par son secrétaire général, Guy Mollet.
4Dans la décennie suivante, les marges socialistes et socialisantes – CFTC/CFDT, PSA/PSU, Club Jean Moulin – et la minorité SFIO hostile à Guy Mollet s’efforcent de résoudre le problème en convertissant la gauche non communiste à une approche « keynésiano-mendésiste » des problèmes. Le rapprochement stratégique avec le Parti communiste, initié en 1962, nécessite toutefois le maintien de concepts marxistes dans la doctrine officielle. La mue réformiste reste partielle et inachevée.
5Mai 1968 dessine une nouvelle configuration. En 1969, le Parti socialiste désormais dirigé par Alain Savary adopte un programme inscrit dans un triangle composé des nationalisations, de la planification démocratique et de l’autogestion. Après la victoire de François Mitterrand au congrès d’Épinay de 1971, l’accent mis sur les nationalisations facilite la conclusion d’un programme commun de gouvernement avec les communistes en juin 1972. L’échec de l’union de la gauche aux élections législatives l’année suivante pousse néanmoins le premier secrétaire du PS à prendre en partie ses distances avec ce document.
6Sa courte défaite à l’élection présidentielle de 1974 ouvre une dernière séquence où la montée du chômage constitue la toile de fond de tous les débats. Si l’émergence de la crise contraint François Mitterrand à renforcer la crédibilité économique de sa formation, elle lui fournit également un terrain plus favorable pour contester le monopole de la parole économique légitime détenu par la droite. Soumis aux pressions convergentes – et contraires – du PCF et de la « deuxième gauche », il prend soin de maintenir un équilibre entre Marx et Keynes dans tous ses programmes. Le leader socialiste est aidé dans sa tâche par de nombreux experts, pour la plupart issus des grandes directions du ministère des Finances, du commissariat général du Plan et de l’INSEE.
7En s’appropriant le vocabulaire et les savoir-faire de la culture économique dominante au sommet de l’État, le PS et son chef gagnent en autorité sur la question. En 1981, le débat de l’entre-deux-tours témoigne des progrès accomplis, le candidat Mitterrand parvenant à neutraliser Valéry Giscard d’Estaing sur son terrain de prédilection.
8Mathieu FULLA, Agrégé et docteur en histoire ; enseignant au Lycée Monod d’Enghien-les-Bains (Val-d’Oise), mathieu.fulla@sciencespo.fr
Benjamin Huver, Du présentéisme au travail : mesure et facteurs explicatifs. Thèse d’Économie, réalisée sous la direction de Nicolas VANEECLOO, Professeur, Université Lille 1, et Sébastien RICHARD, Maître de conférences, Université Lille 1, soutenue le 3 décembre 2013 au Clersé-Lille 1
9Jury composé de Daniel SZPIRO, Professeur, Université Paris-Est (président) ; Thomas BARNAY, Maître de conférences HDR, Université Paris-Est (rapporteur) ; Jean-Claude RAY, Professeur émérite, Université de Lorraine (rapporteur) ; Éric GOSSELIN, Professeur, Université du Québec en Outaouais ; Hervé LELEU, DR CNRS, Laboratoire LEM.
10Si la plupart des entreprises s’interrogent sur leur « taux d’absentéisme » et sur la meilleure façon de le réduire, peu nombreuses sont celles qui prennent en compte le problème du présentéisme. Ce phénomène caractérise la situation de salariés qui travaillent malgré la maladie, alors même qu’une absence serait justifiée. Une littérature encore jeune (dernière décennie) décrit le présentéisme comme le résultat d’un processus décisionnel influencé par divers facteurs : la nature et la gravité de la maladie, l’environnement de travail (charge de travail, relations interpersonnelles, possibilité de remplacement, perte de salaire, etc.), mais aussi les caractéristiques individuelles d’un individu (sexe, âge, contexte familial, profil psychologique, etc.). Les conséquences négatives de ce comportement sont également mises en avant, notamment la dégradation de la santé des présentéistes et le risque de contagion au sein des équipes de travail.
11Ces résultats de la recherche, synthétisés au début de la thèse, proviennent exclusivement d’enquêtes déclaratives. Or l’interrogation directe des salariés est souvent difficile à déployer dans le contexte de l’entreprise, ce qui limite les possibilités de diagnostics locaux. L’objectif central de cette thèse est précisément de proposer une méthodologie de mesure du présentéisme reposant sur une information aisément disponible en entreprise, à savoir le nombre de jours d’absence-maladie au cours d’une année pour chaque salarié.
12Dans cette variable, le présentéisme se manifeste typiquement par une valeur nulle (aucune absence), voire par une réduction de la durée des absences. Par conséquent, il s’agit de distinguer les valeurs nulles qui relèvent de ce comportement présentéiste (le salarié est présent alors qu’il aurait dû s’absenter) et celles qui relèvent d’un processus normal d’absence (le salarié n’a pas été absent parce qu’il n’a pas été malade). Pour ce faire, nous proposons d’utiliser un modèle binomial négatif à inflation de zéros dont les mécanismes théoriques sont détaillés dans la deuxième partie de la thèse. Des simulations de Monte-Carlo vérifient que le modèle réagit correctement, même lorsque ses hypothèses initiales sont relâchées.
13Dans un troisième temps, l’application empirique du modèle étaye les résultats obtenus par simulation et confirme le bon ajustement du modèle aux données réelles. Elle permet surtout l’identification des principaux facteurs explicatifs du présentéisme, dans le cas de deux entreprises : un centre hospitalier (4 000 salariés) et un établissement bancaire d’envergure régionale (2 500 salariés).
14De nombreux facteurs individuels et organisationnels sont ainsi examinés. Parmi les résultats saillants, nous trouvons par exemple que si l’absence-maladie progresse effectivement avec l’âge, il en va de même pour le présentéisme. Ceci peut, certes, s’expliquer par des différences générationnelles dans la relation au travail, mais également par le souci des seniors de s’afficher pleinement « opérationnels », et ce malgré des absences plus longues par ailleurs.
15Le présentéisme est également plus élevé parmi les salariés qui encadrent une équipe de travail. Ces managers planifient quotidiennement les activités et disposent d’un pouvoir décisionnel. Ils estiment donc que leur présence est nécessaire, en dépit de la maladie. Par ailleurs, nous mettons en lumière leur statut d’exemple vis-à-vis de leurs subordonnés, dont la propension au présentéisme est en relation positive avec celle de leur manager direct.
16Benjamin HUVER, Maître de conférences, Université Lille 1-Clersé, benjamin.huver@univlille1.fr
Diane Rodet, Une production engagée. Sociologie des labels, chartes et systèmes participatifs de l’économie solidaire. Thèse de Sociologie, réalisée sous la direction d’Antoine BEVORT, Professeur, CNAM, soutenue le 12 novembre 2013 au CNAM à Paris
17Jury composé de Sophie DUBUISSON-QUELLIER, Directrice de recherche CNRS, CSO, Sciences-Po Paris (rapportrice) ; Florence JANY-CATRICE, Professeure, Université Lille 1 (présidente) ; Dominique MÉDA, Professeure, Université de Paris-Dauphine (rapportrice) ; Ronan LE VELLY, Maître de conférences, Montpellier SupAgro.
18Les labels et logos attribués aux biens et services ont-ils toujours pour objectif de guider les acheteurs ? De nombreux travaux les désignent comme des « dispositifs de jugement » ou « de captation » des consommateurs, permettant aux marchés de fonctionner. Ce rôle ne semble pourtant pas pleinement rempli. Les associations consuméristes dénoncent en effet régulièrement le peu de clarté de ces symboles et voient dans leur multiplication une source de confusion. Cette situation pose question dans la mesure où ces objets sont précisément pensés, par les sciences sociales comme par l’action publique, comme les vecteurs d’une information mal connue.
19Cette thèse vise à éclairer ce paradoxe en analysant le cas des dispositifs de l’économie solidaire. Ce secteur renvoie à des activités regroupées sous ce terme dans les années 1980 et partageant le fait de poursuivre des objectifs autres que le profit, tels qu’à l’origine le renforcement du lien social ou l’insertion par l’activité économique. Les certifications par tiers avec label ou logo et les chartes s’y multiplient depuis les années 1990, de même que les « systèmes participatifs », développés comme alternative aux « labels » classiques. Le choix d’un tel terrain mêlant échanges marchands et non marchands, permet de déplacer l’analyse d’une réflexion sur le seul fonctionnement du marché à un questionnement plus ouvert quant aux usages de ces dispositifs.
20L’analyse repart de la genèse des certifications, chartes et systèmes participatifs de l’économie solidaire, puis analyse les représentations qui les sous-tendent et enfin les usages qui en sont faits par ceux qui en sont à l’origine, les producteurs et distributeurs. Elle se fonde sur des entretiens semi-directifs auprès des membres de douze réseaux du secteur (commerce équitable, AMAP, SEL, agriculture biologique, régies de quartier…), des observations, l’analyse de documents notamment à l’aide du logiciel Alceste et la passation d’un questionnaire.
21La thèse montre que ces « dispositifs de qualité » sont élaborés au moment où un réseau s’étend ; ils ne viennent pas apporter une information sur un bien ou service préexistant, mais contribuent à la conception de celui-ci tout en confortant une identité collective. Leurs usages par la suite permettent de réaffirmer ou de faire évoluer cette identité et d’attirer de nouveaux adhérents. Ces dispositifs sont mobilisés par les membres les plus actifs des réseaux (fondateurs, salariés…) pour rassembler des structures locales derrière un même projet et gérer l’hétérogénéité des adhérents : rappeler à l’ordre, parfois exclure.
22Ces dispositifs participent à la promotion de valeurs, aussi bien par leur contenu que par leur fonctionnement : ils traduisent notamment différentes conceptions de la confiance (interpersonnelle ou institutionnelle) et de la qualité (une conception de ce qu’est un « bon » produit ou encore un échange « équitable »). Le choix d’une certification par tiers, d’une seule charte ou d’un système participatif renvoie à des enjeux démocratiques, tels qu’en premier lieu la place accordée aux consommateurs dans le processus de production. Ces dispositifs traduisent enfin les différents positionnements des réseaux d’économie solidaire par rapport aux entreprises conventionnelles, mais également les uns par rapport aux autres.
23Cette thèse montre en définitive que les dispositifs de qualité de l’économie solidaire ne sont pas prioritairement destinés à l’orientation des consommateurs, mais sont élaborés et mis en œuvre par des « producteurs engagés » pour promouvoir, à travers des échanges économiques et sociaux et la constitution d’un mouvement, un ensemble de valeurs se voulant alternatives à celles de l’économie classique. La multiplication de ces dispositifs et les alertes quant à une possible confusion des consommateurs se trouvent ainsi éclairées d’un jour nouveau.
24Diane RODET, Maîtresse de conférences, Lyon 2, Centre Max Weber, diane.rodet@cnam.fr
Camille Signoretto, Licenciements et rupture conventionnelle : analyse et évaluation empirique des comportements des employeurs. Thèse d’Économie, réalisée sous la direction de Julie VALENTIN, Maître de conférences, Université Paris 1, soutenue le 20 novembre 2013 à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
25Jury composé de Luc BEHAGHEL, Chargé de recherche INRA, Professeur associé à l’École d’Économie de Paris ; François LEGENDRE, Professeur, Université Paris-Est-Créteil Val-de-Marne (rapporteur) ; Florent NOËL, Professeur, IAE de Paris 1 ; Antoine REBÉRIOUX, Professeur, Université des Antilles et de la Guyane (rapporteur).
26En 2008, une réforme du droit du travail français a introduit une nouvelle modalité de rupture du contrat à durée indéterminée (CDI), dénommée la rupture conventionnelle (RC). La création de la RC semble répondre aux préconisations de réformes, présentes dans le débat économique et public depuis près de quinze ans, concernant les règles de rupture des CDI jugées trop rigides pour un fonctionnement optimal du marché du travail. Cette nouvelle modalité de rupture du CDI apparaît ainsi comme un objet d’étude pertinent puisqu’elle modifie les coûts et la difficulté de séparation pour l’employeur.
27Dans ce contexte, la thèse propose une analyse empirique du comportement des employeurs en matière d’utilisation des modalités de rupture du CDI, c’est-à-dire de la RC, mais aussi du licenciement pour motif personnel (LMP) et pour motif économique (LME). L’approche générale retenue dans la thèse se veut inductive et microéconomique. L’objectif est d’abord de mieux caractériser la mise en œuvre effective du droit, pour ensuite analyser les fondements microéconomiques des possibles conséquences macroéconomiques de ces règles juridiques rassemblées habituellement sous le terme de législation sur la protection de l’emploi. Enfin, le travail empirique réalisé mobilise une base de données construite à partir de l’appariement des données sur les mouvements de main-d’œuvre des établissements (Emmo-Dmmo) et des enquêtes annuelles d’entreprises (EAE-Esane), sur la période 1999-2009.
28Dans un premier temps et afin d’enrichir la connaissance statistique sur les pratiques des employeurs, notre analyse prend en compte l’interdépendance entre l’usage de chacune des modalités de rupture et aboutit à l’hypothèse d’une perméabilité entre les frontières de leurs catégories statistiques. Cette hypothèse est testée empiriquement à partir de la mise en évidence des facteurs explicatifs du recours aux LMP et aux LME sur une décennie, puis à la RC entre 2008 et 2009. Ces facteurs, relatifs à l’environnement économique et aux stratégies de gestion de la main-d’œuvre, apparaissent déterminants dans le recours aux trois types de rupture, mais se distinguent par leur degré d’influence variable selon la modalité de rupture.
29Dans un second temps, nous centrons notre analyse plus spécifiquement sur la RC, dont le principe est de reposer sur un commun accord entre l’employeur et le salarié. Nous montrons d’abord qu’elle peut être considérée comme l’aboutissement du développement de formes de rupture comprenant une adhésion du salarié et visant à diminuer la contestation sociale et juridique de la perte d’emploi. Nous évaluons ensuite les effets de son introduction sur le comportement des employeurs en testant les hypothèses, fondées sur la littérature théorique, que la RC faciliterait, d’une part, les ruptures de la relation d’emploi et pourrait, d’autre part, se substituer au licenciement devenu plus cher et plus risqué. Les résultats empiriques valident essentiellement la première hypothèse dans la mesure où la RC semble avoir intensifié les sorties d’emploi et plus généralement les destructions d’emploi entre 2008 et 2009. En revanche, les résultats ne montrent que des signes d’une substitution des RC avec les licenciements économiques, mais pas avec les autres modalités de rupture (LMP et démission).
30Camille SIGNORETTO, ATER, Université Paris 1, Centre d’Économie de la Sorbonne, camille.signoretto@univ-paris1.fr
Claire Vivés, L’institutionnalisation du recours aux opérateurs privés de placement au cœur des conflits de régulation du service public de l’emploi (2003-2011). Thèse de Sociologie, réalisée sous la direction d’Annette JOBERT, Directrice de recherche CNRS IDHE, Paris Ouest Nanterre, soutenue le 25 novembre 2013 à l’Université Paris Ouest Nanterre
31Jury composé de Jean-Claude BARBIER, Directeur de recherche CNRS, CES – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; Marnix DRESSEN, Professeur à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (rapporteur) ; Jérôme GAUTIÉ, Professeur l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (rapporteur) ; Carole TUCHSZIRER, Chargée de recherche, Centre d’études de l’emploi.
32Cette thèse porte sur l’introduction et l’institutionnalisation du recours à des opérateurs privés de placement (OPP) au sein du service public de l’emploi (SPE), à partir de 2003. Recourir aux OPP consiste à confier à des opérateurs privés, dans le cadre d’un contrat marchand, l’accompagnement et le placement des demandeurs d’emploi, et à les rémunérer en fonction des résultats obtenus. Cette recherche vise fondamentalement à comprendre les transformations du SPE et de ses régulations au prisme du recours aux OPP. L’entrée choisie permet de saisir l’évolution des rôles respectifs de l’État et des partenaires sociaux dans les régulations du SPE et des politiques d’emploi.
33Cette recherche se fonde sur une enquête réalisée en grande partie en tant que doctorante CIFRE au sein de l’Unédic. L’étude des évolutions du cadre réglementaire du SPE et des documents contractuels est éclairée notamment par des entretiens (n=96) avec des représentants des organisations syndicales et patronales et des salariés et agents des institutions du SPE.
34Partant de la spécificité de l’architecture institutionnelle du SPE français, la première partie explique le passage du monopole comme fondement du SPE à l’idée que la concurrence sur le placement serait source d’efficacité. Jusqu’à la fusion, le placement incombe à un opérateur public, l’ANPE, et l’indemnisation à la seule institution authentiquement paritaire en France, le régime d’assurance chômage. Le partage des tâches entre ces acteurs et institutions n’est toutefois jamais clairement établi et la montée en puissance de « l’activation », parce qu’elle vise à lier davantage indemnisation et placement, est à l’origine d’un brouillage de leurs champs d’intervention qui va jusqu’à la mise en cause par le régime d’assurance chômage, du monopole de l’opérateur public ANPE sur le placement.
35La deuxième partie révèle que les gestionnaires de l’assurance chômage, en faisant appel à des opérateurs privés de placement entre 2003 et 2008, ont une double ambition : accélérer le reclassement des chômeurs et étendre leurs prérogatives en matière d’aide au retour à l’emploi. L’introduction expérimentale de l’externalisation (recours aux OPP) cristallise alors les conflits de régulation du service public de l’emploi entre régime paritaire, opérateur public et services du ministère du Travail.
36La troisième partie montre que, alors que l’institution paritaire était dans une dynamique d’extension de son champ d’intervention, la nouvelle configuration institutionnelle issue de la fusion de l’ANPE et des Assédic en 2008 est marquée par une reprise en main par l’État. Cependant, l’externalisation du placement et son institutionnalisation se poursuivent avec une réappropriation par l’opérateur public qui mobilise les OPP comme variable d’ajustement, illustrant ainsi sa position de domination qui confine à un nouveau monopole. Cette nouvelle fonction, et l’approfondissement des relations de sous-traitance, confirment que la régulation concurrentielle est introduite au cœur du service public, mais n’est pas synonyme de désengagement.
37Signe de la confiance faite au secteur privé, les OPP demeurent un horizon de réforme pour le secteur public même lorsque les évaluations échouent à démontrer leur efficacité supérieure. Les résultats sont peu mobilisés et, lorsqu’ils le sont, ils sont réinterprétés en fonction des besoins de communication politique du moment, relativisant ainsi l’idée de rationalisation de la conduite de l’action publique.
38Claire VIVÉS, Chercheure associée, IDHE, clairevives@hotmail.com