CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1À la frontière entre sociologie économique et sociologie des professions, une série de travaux s’interrogent depuis une dizaine d’années sur la manière dont les professionnels du marché agissent et « performent » leur secteur d’activité [Cochoy, Dubuisson-Quellier, 2000 ; Canu, 2009]. S’atteler à établir une sociologie du travail marchand consiste, dans cette perspective, à étudier la manière dont ces acteurs contribuent à la genèse de marchés « concrets », à leur structuration, à leur développement et au maintien de leur existence [Cusin, Benamouzig, 2004, p. 211]. Dans cette lignée, la présente recherche s’intéresse au cas des professionnels des industries des articles de sport (IAS) et à la manière dont ils perçoivent, appréhendent et saisissent leur(s) marché(s).

2Afin de comprendre les relations et modes de coordination entre professionnels et marchés, la notion de dispositif s’est avérée particulièrement féconde. Cette notion, d’origine foucaldienne, permet de décrire ce qui « intègre » et « équipe » les acteurs lors de leurs actions sur et avec leur environnement économique. Trois grands types de dispositifs de cet ordre sont aujourd’hui décrits par la littérature. Les perspectives les plus anciennes se sont intéressées aux dispositifs de gestion [Berry, 1983 ; Pichault, 1990 ; Boussard, 2001 ; Chiapello, Gilbert, 2009], avant tout « conçus comme autant d’artefacts qui permettent d’enserrer ou de coordonner les actions par d’autres moyens que la prescription, la coopération ou la négociation, en somme comme autant d’outils susceptibles de faire tenir ensemble les éléments internes de l’organisation » [Cochoy, 2004, p. 12]. Les travaux entrepris par Lucien Karpik [1996, 2007, 2009] sur les économies de la qualité et des singularités permettent quant à eux de définir des dispositifs de jugement, élaborés pour apporter aux consommateurs les informations nécessaires à la qualification et à la discrimination des biens ou services et donc à la réalisation de leurs choix. Enfin, les recherches de Franck Cochoy [2004, 2011] explorent les dispositifs de captation dont la vocation est d’attirer, sélectionner et fidéliser la clientèle en la détournant de ses habitudes. Les premiers sont orientés de professionnels vers d’autres professionnels, contribuant ainsi à reconfigurer les normes et les relations de travail au sein d’une même entreprise, tandis que les deux autres sont dirigés des professionnels vers le marché.

3Il existe également des dispositifs orientés du marché vers les professionnels, qui renvoient aux connaissances et informations nécessaires à ces derniers pour caractériser leurs concurrents et les consommateurs auxquels ils souhaitent s’adresser. Mais ce type de technologie économique, qui se rattache à ce que Sophie Dubuisson-Quellier [2003] nomme le « travail de connaissance du marché », est encore peu traité de façon directe par la sociologie. Parallèlement, des recherches en sciences de gestion abordent ces questions, mais selon une approche plutôt normative, tantôt restreinte à travers la thématique de la « veille stratégique » [Chalus-Sauvannet, 2006 ; Lesca, 2008], tantôt élargie avec celle de « l’intelligence économique » [François, Levy, 2003 ; Le Bon, 2006 ; Moinet, 2011].

4Partant de ces considérations, cet article propose d’établir une réflexion à la fois conceptuelle et empirique sur ce que nous nommons les « dispositifs de perception mercatique », notion qui peut venir s’articuler à celles décrivant déjà l’équipement du travail marchand, aspect sur lequel nous reviendrons en conclusion. Les grands types de dispositifs cités peuvent en effet être organisés les uns par rapport aux autres selon qu’ils sont avant tout orientés en direction des consommateurs (dispositifs de jugement et de captation) ou des producteurs (dispositifs de gestion et de perception) ; mais aussi selon leur régime de temporalité, les uns et les autres étant plutôt conçus en référence à un passé stabilisé (dispositifs de jugement et de gestion) ou à un futur hypothétique (dispositif de captation ou de perception), ces deux horizons étant plus ou moins proches.

Tableau 1

Catégorisation des dispositifs équipant le travail marchand

Tableau 1
Type de dispositif Régime de temporalité et logique ex post Régime de temporalité et logique ex ante Orientés vers les consommateurs Dispositifs de jugement Dispositifs de captation Orientés vers les producteurs Dispositifs de gestion Dispositifs de perception

Catégorisation des dispositifs équipant le travail marchand

5En première acception, les dispositifs de perception mercatique sont définis comme un ensemble de pratiques et d’objets sociotechniques plus ou moins formalisés et orientés donnant aux professionnels une ou plusieurs prises jugées crédibles et pertinentes sur leur(s) marché(s). Le terme d’« objet sociotechnique » renvoie aux appareils, outils ou instruments alliant inextricablement dimensions sociales (valeurs, croyances, etc.) et techniques (ingénierie, mesure, calcul, etc.) [Akrich et al., 2006]. Reprenant la proposition de Lucien Karpik, nous pouvons également avancer que ces dispositifs sont orientés, dans le sens où « un critère de jugement (ou une configuration de critères de jugement), souvent implicite, organise la construction de la connaissance » [Karpik, 2009, p. 173]. Dans le cas présent, l’orientation consiste à recueillir toute information portant aussi bien sur la concurrence que sur les consommateurs, susceptible de participer à la pérennisation de l’activité de l’entreprise ou son accroissement. La notion de « prise » est entendue comme le « produit de la rencontre entre un dispositif porté par la ou les personnes engagées dans l’épreuve et un réseau de corps fournissant des saillances, des plis, des interstices » [Bessy, Chateauraynaud, 1995, p. 239]. Il s’agit donc d’une partie des caractéristiques saillantes d’un objet « humain » ou « non humain », qui activent les repères précédemment incorporés par les acteurs, et dans le cas des professionnels du marché intégrés à leur expérience marchande [Mallard, 2011], conduisant à la possibilité d’établir un jugement [Bessy, Chateauraynaud, 2010]. Enfin, selon les cas, ces prises seront désignées par les acteurs comme plus ou moins crédibles, dans la mesure où « le jugement et la confiance sont les deux faces de la même réalité » [Karpik, 2007, p. 82].

6Six types de dispositifs de perception mercatique peuvent être décrits. Ils s’organisent autour de deux axes : le premier distingue les dispositifs principalement orientés vers la concurrence ou les marchés connexes et ceux concernant avant tout les consommateurs ou clients finaux ; le second opère une séparation, toujours relative, entre des dispositifs « matériels » (reposant prioritairement sur des objets ou des systèmes techniques), des dispositifs « incarnés » (mobilisant des réseaux d’interconnaissances) et des dispositifs « mixtes » (où des systèmes techniques créent et maintiennent des réseaux d’interconnaissances).

Tableau 2

Catégorisation des dispositifs de perception mercatique

Tableau 2
Orientés vers les « consommateurs » Orientés vers les « concurrents » Dispositifs « matériels » Études de marché Revues professionnelles Dispositifs « incarnés » Relations personnelles Relations aux distributeurs Dispositifs « mixtes » Web analytics & web mining Salons professionnels

Catégorisation des dispositifs de perception mercatique

7Le concept et sa déclinaison sont éprouvés à partir de l’étude empirique du cas des professionnels de l’industrie des articles de sport (IAS) et plus particulièrement de sports de nature [1]. Vingt-huit entretiens semi-directifs (cf. tableau en annexe), d’une durée moyenne d’une heure et vingt minutes, ont été réalisés auprès de cadres du secteur chargés des tâches de prévision stratégique : gérants d’entreprises, directeurs de service marketing ou responsables produit, selon les cas. Sans prétendre à la représentativité, ces entretiens ont été sollicités auprès d’une grande variété d’entreprises, allant de filiales françaises de sociétés cotées en bourse à des EURL et relevant de différentes spécialités sportives (e.g. surf, ski, alpinisme, parapente, trail-running, kayak, etc.). Pour comprendre ce choix méthodologique, deux caractéristiques majeures de ce secteur d’activité doivent être évoquées : la nature des produits commercialisés, d’une part, l’hétérogénéité des spécialisations et le positionnement d’une majorité d’entreprises sur des « marchés de niche » de l’autre. Le secteur des IAS met aujourd’hui en vente des produits relevant de biens techniques (baudriers d’escalade, planches de snowboard, combinaisons de surf, etc.), connaissant une forte pression à l’innovation et induisant une concurrence avec les grandes majors généralistes du sport (Nike, Adidas, etc.), et également de biens de mode ou life-style (t-shirts ou sweat-shirts siglés, etc.), portant également la concurrence du côté des firmes de la fastfashion (H&M, American Apparel, etc.). De ce fait, trois types d’entreprises ont été approchées : celles produisant majoritairement des produits techniques, celles induisant une composante de mode et enfin des structures proposant des services aux marques du secteur (conseil en marketing, réalisation d’événements, etc.). Par ailleurs, ce marché, qui représente en France une dépense proche de 7,1 milliards d’euros de la part des ménages [2] et mobilise plus de 550 structures, se caractérise « par un morcellement d’entreprises de taille moyenne à petite et très petite, une forte spécialisation et segmentation par produit des entreprises du secteur et enfin, un marché fortement tourné vers les exportations » [Hillairet, 2002a, p. 77] [3]. En ce sens, le secteur des IAS semble relever du modèle « distancié » décrit dans la typologie des « mondes marchands » établie par Alexandre Mallard [2007], catégorie où la localisation de la clientèle aux échelons national et international est prépondérante, de même que l’intensité des relations entretenues avec les concurrents et partenaires (cf. infra). Pour tenir compte de ces deux aspects, il s’est avéré nécessaire d’établir un corpus le plus varié possible. Nous avons ainsi sollicité de manière aléatoire des entreprises présentes dans les annuaires des deux associations professionnelles du secteur reconnues par la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR) sous la dénomination de Systèmes productifs locaux (SPL), dont l’une est basée en Aquitaine (13 entretiens/28) [4] et l’autre en Rhône-Alpes (15 entretiens/28) [5].

2 – Des dispositifs « matériels » consultés pour la forme

8Les dispositifs qualifiés de « matériels » ont pour caractéristique centrale de proposer un modèle de connaissance du marché reposant sur un ensemble de documents agrégeant un grand nombre d’informations, le plus souvent écrits et produits à l’extérieur des entreprises, où les « prises » prennent la forme d’indicateurs économiques. Sur ce plan, peuvent être mis en parallèle les rapports émanant de sondages ou d’études marketing et d’opinion ainsi que le contenu rédactionnel des revues professionnelles. Dans le cas du marché des IAS, l’usage de ce type d’outils ne semble pas aller de soi malgré leur fréquente mention.

2.1 – Sondages & revues professionnelles

9Avec le développement et l’internationalisation des marchés des IAS, les grands instituts de sondage et cabinets de conseil en marketing ont développé des services spécialisés en la matière. Les entreprises qui en ont les moyens peuvent ainsi se référer à différents baromètres ou panels, traitant de la thématique « sport » afin de mieux cerner pratiquants et consommateurs. Citons par exemple : a) le Sport Tracking Europe® du groupe NPD, qui depuis plus d’une dizaine d’années dispose d’un vaste panel de consommateurs et distributeurs ; b) les études de la « division sport » du groupe Kantar-Média, qui évaluent auprès de ses panélistes les « valeurs » associées à une longue série de familles sportives ou encore les retombées médiatiques des compétitions majeures (SportifSIMM™, Soccerscope™, Rugbyscope™) ; c) les sondages biannuels réalisés par l’institut TNS-Sofres sur les « sportifs préférés des Français », employés pour étayer les stratégies de sponsoring, etc.

10Ici, comme sur d’autres marchés [Dubuisson-Quellier, 2003, p. 24], les coûts de telles études sont élevés et leur achat est hors de portée de la plupart des entreprises dans un secteur qui comporte avant tout des PME et des TPE malgré la visibilité de quelques grands groupes. Toutefois, le rassemblement d’entreprises au sein de Systèmes productifs locaux a notamment pour objectif de pallier cette difficulté en favorisant la mutualisation de ressources [Grossetti, 2004]. Chaque entreprise adhérente abonde ainsi selon son chiffre d’affaires à une ligne budgétaire de l’association, permettant la commande d’études économiques sectorielles en multisouscriptions, puis le partage de l’information. Ceci fait écho à la propension des acteurs économiques à participer à des formes de « coopétition », mettant en relation des « partenaires-adversaires » dans la réalisation de certains projets tout en restant concurrents sur d’autres [Lazega, 2009]. Outre l’achat des résultats d’enquêtes instituées, le regroupement en SPL et la constitution en leur sein de « commissions marketing » et d’« observatoires économiques » permettent également la réflexion autour d’études spécifiques, censées « apporter une connaissance utile à l’ensemble des entreprises du secteur », qui sont ensuite commandées et réalisées par des cabinets d’étude ou des bureaux de conseil spécialisés. Toutefois, ce système mutualiste reste dépendant de la présence des « gros donateurs » et des thématiques qu’ils souhaitent privilégier. Les entreprises ayant des besoins très pointus auxquels ne répondent pas les données collectives fournies par le SPL sont donc amenées à réaliser des « études maison ». Dans tous ces cas de figure, les « prises » permettant d’appréhender le marché et les consommateurs s’appuient sur des « plis » de la réalité [Bessy, Chateauraynaud, 1995] correspondant à des indicateurs économiques simples (e.g. taille du marché en Mds € de chiffre d’affaires, taux de croissance, notoriété des marques, taux de pratiques des activités sportives concernées, etc.).

11Parallèlement, de façon à se tenir informés des « grandes tendances macroéconomiques du marché », les enquêtés évoquent le recours à un ensemble de revues professionnelles. Les marchés du sport, qui donnent lieu à l’édition d’un grand nombre de titres de presse spécialisée – figurant d’ailleurs parmi les vecteurs de communication privilégiés des marques –, sont aussi auscultés par une myriade de titres professionnels : e.g. Sport-Première, Outdoor Experts, Sport-Éco, Sport Stratégies, Boardsport Source, Sports Insight, etc., mais aussi de titres généralistes relevant des professions du marketing, de la communication et du commerce : e.g. CBNews, Marketing Direct, Stratégies, etc. Tout comme les études marketing et d’opinion, mais pour un coût bien inférieur, ces titres fournissent un point de vue surplombant sur le marché et donnent prise sur lui à partir de sa quantification, les principaux résultats de sondages étant périodiquement mis en avant dans leurs colonnes. Ils permettent également d’entrer dans les replis de la profession et d’offrir une visibilité sur l’activité de la concurrence (e.g. nouvelles nominations à des postes clés, lancement de nouveaux produits, point de vue d’un dirigeant sur l’état du marché, etc.). Toutefois, le développement d’Internet et des éditeurs de contenu en ligne modifie progressivement les habitudes de travail et les relations à cette presse professionnelle. Les abonnements aux newsletters de sites spécialisés ou le recours à des plateformes d’informations en continu tendent à se développer : e.g. OutdoorData, Business Daily News & Database, Worth Global Style Network, SportOneSource, etc.

12Malgré tout, si la majorité des interviewés reconnaissent que leur entreprise achète des études (19/28) ou sont abonnées à la presse professionnelle (24/28), la question est de savoir comment ces outils sont appropriés et l’avis que les acteurs de l’entreprise émettent sur eux.

2.2 – Une mise à distance des dispositifs « matériels »

13Indiquons-le d’emblée, les enquêtés ne jugent pas ces outils de façon très favorable. Du côté des revues professionnelles, l’avis général est de les considérer comme un moyen de conduire a minima une « veille passive », dont seule la récurrence des lectures permet de faire émerger une information véritablement pertinente à la fois du point de vue de son champ d’application et de sa temporalité. À ce titre, il apparaît que ces revues sont en fait lues uniquement par quelques cadres et dirigeants. Les enquêtés les perçoivent tout au plus comme une façon d’entretenir la culture commune aux acteurs du marché, mais leur usage opérationnel est grevé par une fréquence de publication jugée insuffisante, donnant finalement à lire des « informations déjà périmées » dans « un marché qui change tous les jours », critique à laquelle répondent en partie les plates-formes d’information en continu. Pour le dire autrement, si les indicateurs prégnants contenus dans cette presse s’avèrent pertinents et crédibles, les prises qu’elle fournit seraient néanmoins fuyantes, car décalées dans le temps.

14Les propos sont encore plus acerbes en ce qui concerne les études marketing et d’opinion. En effet, « faire » ou « ne pas faire » d’études est indépendant de la croyance en la validité de ces dispositifs. De rares enquêtés (4/28) vont jusqu’à regretter leur usage.

15

Maintenant, les boîtes, elles intègrent des études de sociologie, des études de marché. C’est pas pour rien que l’EuroSIMA est là pour les boîtes. Elles font des études de consommation, elles ont des outils. Alors qu’avant c’était au flair et puis on avançait. C’est ça qui était génial d’un autre côté. Et c’est là où ils ont surpris tout le monde. Comment la fleur au fusil ils ont pu avoir un tel marché ? Ça, Nike, ils ne comprenaient pas, parce que, eux, ils passent leur temps à analyser.
[E10]

16Plus souvent, les résultats obtenus sont regardés avec circonspection (14/28). L’un des reproches fait aux études est de méconnaître les spécificités du marché des IAS et de ses sous-domaines. En d’autres termes, les mailles du filet analytique déployé par les instituts et bureaux se révèlent souvent bien trop larges pour satisfaire des professionnels désirant des données sur des produits très précis.

17

On a souvent une attitude distante sur les études, souvent on s’est retrouvés à regarder des études qui ont été commandées et on ne se reconnaissait pas. […] Je prends un exemple, quand on interroge aujourd’hui NPD sur le marché du boardshort – le boardshort c’est un short de bain, mais un produit spécifique pour les surfeurs –, quand on leur demande de nous remonter des chiffres sur le marché du boardshort, typiquement ils sont incapables de le faire. Pourquoi, parce que, pour eux, c’est du maillot de bain. Ils ne font pas cette différence.
[E28]

18La difficulté à opérationnaliser la variété des résultats issus des études marketing commandées est parfois telle que de véritables opérations de synthèses peuvent être nécessaires. Lors de l’enquête, l’un des SPL approchés a ainsi commandité un cabinet de conseil pour effectuer une méta-analyse de l’ensemble des études souscrites au cours des cinq dernières années afin d’en dégager des lignes d’intelligibilité et d’action.

19Enfin, la justification finale de cette défiance, voire l’absence de nécessité de recourir à des études, est contenue dans l’assertion selon laquelle les professionnels du marché des IAS seraient déjà en parfaite cohérence avec leurs consommateurs du fait de leur engagement dans le champ sportif en dehors de leur activité professionnelle.

20

Pour nous, les études pour comprendre notre cible… Non… On la vit au quotidien. Notre réseau d’amis fait partie de cette communauté et toute notre vie tourne autour de cet univers. Que ce soient nos passions, nos loisirs, tout ce que l’on fait, on est au cœur de la cible. Donc, par rapport à ça, on n’a pas du tout de décalage. […] Je ne dis pas que dans dix ans il ne faudra pas réfléchir différemment. Parce que dans dix ans je pense que toutes ces études nous permettront de comprendre cette cible dont on ne fera plus partie. Ce sera essentiel, mais en tout cas, à l’heure actuelle cela ne l’est pas pour nous.
[E21]

21Cette citation concentre des éléments essentiels à la compréhension de l’usage des dispositifs de perception mercatique dans ce secteur. Ce qui se joue autour des dispositifs « matériels » est la mise en opposition entre deux formes de connaissance. D’une part, celle produite par les études qui, bien que de nature quantitative et objectivée à travers toute la méthodologie des sondages et l’appareillage des traitements statistiques, relève aux yeux des enquêtés d’une forme de « savoir vague » ou « diffus ». D’autre part, celle émanant d’une « connaissance directe » du marché via sa propre pratique, son réseau amical et finalement son expérience sensible (cf. infra). Les dispositifs les plus construits sont donc parfois rejetés en ce qu’ils dérogent aux expériences pratique et marchande des acteurs pris à un moment de leur trajectoire [Mallard, 2011]. Les professionnels des IAS sont ainsi marqués par une grille de lecture du monde économique fortement empreinte d’un rapport « communautaire » à la pratique et au marché. Ces résultats rejoignent ceux de plusieurs travaux portant sur les TPE, indiquant que les chefs d’entreprise déploient régulièrement un rapport « intuitif » à leurs marchés [Dubuisson-Quellier, 2003 ; Pacitto, Julien, 2007]. Toutefois, avec les IAS, nous ne sommes pas dans le cas de « commerces de proximité », mais dans celui de sociétés « distanciées » dont les ventes se répartissent sur de très larges territoires [Mallard, 2007], ce qui peut conduire à interroger plus fortement le fondement du mésusage de ce type de dispositifs. L’extrait précédent montre d’ailleurs que ces dispositifs « matériels », aussi imparfaits soient-ils jugés, pourraient se révéler indispensables lorsque les acteurs cessent d’appartenir à un groupe aux caractéristiques semblables à celles de leurs consommateurs, que ce soit en termes générationnels, de pratiques culturelles et de loisirs ou de modes de sociabilité.

3 – L’idéalisation de la « réalité » à portée de main

22Outre les dispositifs « matériels », les professionnels rencontrés ont massivement recours aux informations qu’ils recueillent auprès de réseaux interpersonnels. Ces dispositifs « incarnés » sont définis comme la mobilisation de réseaux à la structure plus ou moins lâche, mêlant liens forts et liens faibles [Granovetter, 1973], de nature « verticale » (des consommateurs effectifs ou potentiels vers les professionnels) ou « horizontale » (de professionnels vers d’autres professionnels), permettant l’obtention d’informations peu structurées transmises oralement et sans l’intervention de tiers. Deux types de réseaux interpersonnels se superposent en se recoupant parfois : celui des connaissances amicales ou des rencontres « fortuites » et celui des relations qu’entretiennent les professionnels du marché avec leurs concurrents, leurs distributeurs ou leurs fournisseurs le cas échéant. Dans le contexte du rapport au marché qui est le leur, valorisant l’engagement des professionnels dans l’univers des activités de loisirs des consommateurs, la qualité des prises et la pertinence des informations recueillies par ce biais apparaissent importantes, pour autant que se maintient la similitude entre les catégories de discours et de pratiques des professionnels et de leurs clients.

3.1 – Réseaux personnels & de distributeurs

23Sur le marché des IAS comme ailleurs, le « bouche-à-oreille » est fréquemment évoqué comme un puissant vecteur d’entrée sur le marché et de diffusion du nom de l’entreprise auprès des consommateurs [Mallard, 2003, 2011]. Loin d’être à sens unique, ce mode de communication « informel » est également employé par les professionnels du marché afin de « sentir » au sens propre, l’état des attentes concernant leurs produits. Les multiples rencontres fournies par la sociabilité amicale ou associative peuvent ainsi venir amorcer la conception d’un nouveau produit. De même, les enquêtés sont parfois assimilables à des « utilisateurs-pionniers » [Hippel, 1986, 2005], ou tout du moins connectés à ce type de groupe, à l’exemple de ce qui a été observé concernant les produits du VTT [Lutje et al., 2003] ou du kitesurf [Hillairet, 2012]. Les membres du réseau constituent alors la première clientèle. Plus encore, les réseaux amicaux des professionnels des IAS intègrent souvent (25/28) des personnes travaillant pour d’autres entreprises du secteur. Compte tenu de la forte concentration géographique de ces entreprises en France, « tout le monde finit par se connaître » : du fait de la mobilité professionnelle intra-sectorielle et inter-entreprise, ou du fait des rencontres sur des sites de pratiques [6]. Chacun est donc amené à échanger des informations, épier les discours des autres, observer le matériel employé :

24

On a des infos sur les tendances, parce qu’on a beaucoup d’amis dans l’industrie, on se connaît tous. Et on sait ce sur quoi travaillent les autres. […] Et on se retrouve aussi sur les lieux de pratique. Et puis, comme on se connaît depuis qu’on est tout petits… et puis rien qu’en observant : « Tiens, ce produit que t’as sur toi, il existe pas, t’es en train de l’essayer, qu’est-ce que c’est ? » Alors, on essaie d’être discrets quand on fait nos essais, on masque un peu nos produits, on les déguise pour pas que les autres les voient… mais on est tous ensemble et on voit vite les petits détails. On est tous très attentifs à ça.
[E24]

25Dans tous les cas décrits, les prises qui retiennent l’attention des enquêtés se trouvent dans les « petits détails », dans ces plis les plus fins qui valorisent l’expertise pratique des professionnels tout en faisant écho aux repères qu’ils ont pu incorporer au cours de leur apprentissage des techniques du corps auxquelles renvoient les sports de nature, contrairement aux « grandes lignes » qui caractérisent par définition les dispositifs « matériels ».

26Par ailleurs, comme dans d’autres secteurs [Le Bon, 2006], les enquêtés mobilisent les relations qu’ils entretiennent avec les distributeurs de leurs produits (22/28), qui dans le domaine des IAS couvrent toute la palette allant des « shops » et petits magasins spécialisés jusqu’aux enseignes intégrées de la distribution d’articles de sport. À travers eux, la volonté est grande de conserver le lien le plus direct possible avec la clientèle, mais aussi d’obtenir un avis sur la concurrence. Pour les plus petites entreprises étudiées, tout l’enjeu est de nouer des relations fondées sur la connivence. Les entreprises de taille plus importante ajoutent à ces relations « de confiance » une structuration plus importante du recueil de l’information, allant jusqu’à la réalisation de reporting précis et calibrés [Le Bon, 2006]. Bien entendu, cette inscription des dispositifs est encore exacerbée lorsque l’entreprise fait partie d’un groupe disposant d’un réseau de distribution intégré ou franchisé.

27

Dans notre milieu, on n’est pas trop dans le formalisme, c’est-à-dire que toute l’industrie est plutôt « à la cool »… Et si on envoie des études bien carrées, mail, etc., on a très peu de taux de retours. Donc on est plus sur la relation du représentant, qui pose des questions, qui note tout ça rapidement et qui repart avec ces informations pour nous les transmettre au clair. […] Dans le passé on avait des remontées d’informations au coup par coup, mais il n’y avait pas de centralisation. Maintenant, on a vraiment créé des postes de référents et de chefs de marché. […] On fait deux meetings par an pour les représentants. Ce sont des meetings qui ont deux vocations : présenter les collections que les représentants vont avoir à vendre. Mais on garde toujours une journée complète sur la semaine pour tout ce qui est remontée d’informations des clients, pour le développement des collections suivantes.
[E24]

28Cet exemple exprime pleinement la manière dont la mobilisation du réseau « vertical » peut se trouver solidifiée dans un système sociotechnique visant à garder trace des plis fournis par le comportement des consommateurs à l’égard de certains produits et à inscrire des repères dans la mémoire de l’entreprise permettant par incrémentation de définir ce qui est ou non pertinent. Là encore, les prises se situent « dans les détails » puisqu’il s’agit par exemple de cerner si « le client est rentré et qu’il a pas regardé la PLV, le client il est rentré il est allé sur ce produit alors que pour nous c’était un produit qui n’était pas inintéressant et qu’on avait mis un peu de côté ».

29Ce rapide portrait des professionnels du marché en « ethnologues », comme s’est défini l’un des enquêtés, avides des bribes d’informations vues ou entendues « sur le terrain », patiemment collectées dans le cadre des « relations amicales », donne à voir toute la valeur qu’ils accordent aux éléments de première main, au contact « direct » et, pourrait-on dire, de « corps à corps » avec le marché, même si ce point de contact n’en constitue jamais qu’une petite partie socialement située : celle du sous-espace des producteurs ou des pratiquants les plus assidus. Ce mode de communication, où personne n’est jamais totalement dupe, porte ainsi la marque d’un entre-soi où se retrouvent étroitement mêlés consommateurs-pratiquants, professionnels-pratiquants et confrères-concurrents.

3.2 – Se référer à sa propre pratique

30Cela a été évoqué : si les enquêtés disposent de tels réseaux, c’est notamment en raison de leur engagement « passionnel » personnel dans les pratiques sportives avant même leur entrée dans le métier, engagement poursuivi par la suite, parfois comme utilisateurs-pionniers et jusqu’à devenir entrepreneurs. En cela, leur cas rejoint ce qui a été observé sur certains marchés des industries culturelles, notamment celui des jeux vidéo où la référence à la « passion » et au « passé de gamer » est fréquente [Genvo, 2006 ; Roy-Valex, 2008]. Le récit d’une longue et précoce implication dans un ou plusieurs sports traverse la quasi-totalité des entretiens (24/28), dans un discours où s’imbriquent loisirs et vocation professionnelle.

31

Je suis ingénieur, mais je pense que ça a finalement peu d’impact sur le travail effectif… Dans ce milieu-là, il y a beaucoup d’autodidactes qui montent leur boîte tout seul, des passionnés bricoleurs. […] Il y a beaucoup de bricolage au départ. […] On a plusieurs exemples de gens qui étaient intéressés par le milieu, qui ont essayé d’arriver avec des techniques de commercialisation standard, apprises à l’école, etc. Et ils se sont tous cassé la figure.
[E13]

32Cet extrait montre l’importance voire la primauté accordée à la pratique pour « réussir » dans ce secteur économique [7], allant même à l’encontre des « techniques de commercialisation standard » qui ne seraient pas opérantes sur ce marché. À ce propos, P. Bourdieu [2000, p. 20] avait déjà bien montré l’importance de l’incorporation des codes et règles de fonctionnement du marché, dénigrant souvent le calcul économique et stratégique. Dans ce rapport au travail marchand, où les produits sont « faits par des sportifs, pour des sportifs », comme l’annoncent les slogans de certaines marques, l’idée centrale est que la « connaissance par corps » des activités donnerait aux professionnels un accès immédiat, transparent et total à ce qu’ils nomment « la réalité du marché », à la connaissance des goûts, besoins et attentes (mais aussi de leurs réciproques : dégoûts, désintérêts, etc.) des consommateurs, qui sont alors perçus comme autant d’homologues.

33Appréhender un marché de cette façon, aussi restreint soit-il, repose sur une forme de croyance qui revient à prendre la partie de l’expérience individuelle du professionnel, nécessairement socialement, géographiquement et historiquement située, pour le tout d’une constellation de consommateurs qui n’est jamais homogène. En d’autres termes, les professionnels du marché des IAS, notamment dans les TPE et PME, ne se positionnent pas tant à partir d’une analyse rationalisée du marché, qu’ils ont néanmoins étudié lors de leur formation en écoles de commerce, IAE ou MBA, qu’à partir de la conception de produits et de services qui seraient susceptibles de les satisfaire eux-mêmes comme consommateurs. C’est en cela, et avec une efficacité économique certaine jusqu’à présent, que ces acteurs peuvent avancer qu’ils « sentent » le marché de façon « intuitive » et n’ont besoin d’aucune autre information.

34

La connaissance de la clientèle, disons que c’est très direct. Étant à Chamonix, c’est un avantage, parce qu’on est en contact direct avec le milieu. J’ai aussi des « consultants », c’est deux copains guides [de haute montagne], l’un est dans le conseil des guides en Italie, l’autre a longtemps été guide à Chamonix. De ce point de vue, on est assez à l’intérieur du marché. Le danger, c’est que, étant à Chamonix même, on regarde un petit peu trop la niche de la niche. Donc il faut ouvrir un petit peu les yeux.
[E11]

35Comme le montre ce dernier extrait, les professionnels font tout de même preuve d’une certaine réflexivité sur la position à partir de laquelle ils observent le marché. S’appuyer trop longtemps sur un réseau restreint – géographiquement ou socialement – fait courir le risque de percevoir le marché à travers un prisme déformant ou produire des points aveugles. Plusieurs des entreprises approchées ont déjà fait les frais d’un trop grand décalage entre les caractéristiques de la cible, telle qu’elle est perçue comme « allant de soi » à travers le réseau relationnel de ses cadres, et celles de la clientèle effective.

36

On a travaillé sur une ligne d’accessoires qu’on vend dans notre réseau. […] on avait produit beaucoup de protections pour des X [smartphones et tablettes dernière génération]. Design, sympa et tout. Et en fait on s’est rendu compte que les clients n’étaient pas équipés, que le taux d’équipement n’était pas si important que cela sur cette tranche d’âge qui nous concerne nous. Alors que nous on se disait « tous les jeunes sont équipés avec le super high-tech ».
[E28]

37De la même manière, certaines circonstances peuvent venir entraver la circulation d’informations entre distributeurs et producteurs. Plusieurs enquêtés (11/28) constatent que le développement continu du marché conduit de plus en plus de magasins à ne pas toujours faire appel à des employés au fait de la connaissance des produits et des pratiques, ce qui diminue d’autant la qualité des informations qu’ils sont susceptibles de tirer de leur relation avec les distributeurs.

38

Le problème qu’on a nous dans notre réseau en France c’est que les magasins sont de moins en moins prescripteurs. Il y a de moins en moins d’aide à la vente, même dans les magasins spécialisés. Il faut faire du volume, faire du chiffre, donc il faut employer des personnes qui ne sont pas forcément ultra-qualifiées et donc c’est des personnes qui ont du mal à connaître leur marché, connaître leurs clients et connaître leurs produits. Du coup on est obligés, on est vraiment obligés de parler au client final… pour avoir un retour direct.
[E23]

39Dans ce dernier cas, la prise fournie par le réseau de distribution n’est plus pertinente dans la mesure où les personnels en contact avec la clientèle perdent une part de leur crédibilité, faute d’une formation jugée adéquate, autrement dit de repères semblables à ceux des responsables marketing ou produits des marques qu’ils distribuent. À travers leurs actions, tous les professionnels rencontrés cherchent, cela va de soi, à éviter autant que possible de tels contrecoups commerciaux ou à se prémunir contre « l’aveuglement » pouvant résulter de la modification des recrutements au sein des entreprises de distribution.

4 – Des outils « mixtes » pour un compromis à moindre coût ?

40En raison de l’accroissement de la taille des entreprises, il n’est pas toujours aisé de maintenir une relation de proximité avec les consommateurs ou les concurrents. Néanmoins, les enquêtés usent de dispositifs que nous qualifierons de « mixtes », avec pour effet de recréer artificiellement cette proximité. Ces dispositifs sont définis comme des scènes sociales provisoires, mais potentiellement récurrentes, permettant de faire entrer en relation des individus éloignés en temps ordinaire, ce qui donne accès à une sorte de marché en réduction. Il s’agit concrètement des salons professionnels auxquels participent les enquêtés et des outils aujourd’hui offerts en matière de web analytics et de web mining. Si ce dernier type de dispositif suscite grandement l’intérêt des interviewés, il apparaît que l’appropriation des outils en ligne n’en est qu’à ses balbutiements dans le secteur des IAS, alors qu’il y est abondamment utilisé en matière de communication.

4.1 – Des salons professionnels pour « voir et être vu » – le web pour « voir sans être vu »

41La concentration géographique des entreprises relevant d’un même domaine d’activité ou de domaines connexes, favorise l’échange et la mutualisation d’informations entre les professionnels (cf. supra) [Grossetti, 2004]. Toutefois, cette coprésence n’est pas absolue et ne concerne que les structures implantées en France alors que le marché des IAS est international. Des salons professionnels à fort rayonnement permettent de plus grands rassemblements de spécialistes du domaine sportif. C’est par exemple le cas de l’ISPO à Munich, de l’Outdoor Friedrichshafen, du Bread & Butter ou du Bright Trade Show à Berlin ou encore du Global Sport Forum Barcelona. D’autres, davantage axés sur l’innovation technique ou les textiles, sont également visités par les professionnels du marché des IAS tels les salons Who’s next et Première Vision organisés à Paris.

42Une fois encore, la taille de l’entreprise joue sur les choix effectués. Les coûts et les temps de déplacement exigent de la part des plus petites structures une plus forte sélection des salons auxquels elles participent. Les « grandes » entreprises sont bien plus souvent représentées dans les salons. Mais les coûts engendrés par la location d’un emplacement et le montage d’un stand conforme au prestige de leur(s) marque(s) les conduisent parfois à renoncer au statut d’exposant pour celui de simple observateur. Cependant, l’appartenance à un SPL permet là aussi une mutualisation de moyens et favorise les « voyages groupés ». Quoi qu’il en soit, les prises fournies par ces salons apparaissent particulièrement pertinentes, car elles tendent à combiner une large couverture du marché, comme le font les revues professionnelles, avec l’établissement d’une relation directe et en temps réel avec les concurrents.

43Bien qu’apparemment très éloignée, une autre scène sociale permet de recréer l’illusion d’un marché à taille humaine où les professionnels peuvent entrer en contact, quasi instantané, avec une variété de clients dispersés sur des centaines ou milliers de kilomètres : les blogs et forums Internet tenus et animés par des « passionnés » [Rocamora, 2011]. Comme en atteste le nombre toujours en hausse d’ouvrages ou d’articles portant sur le « marketing digital » ou le « web marketing », Internet est devenu un puissant outil de connaissance des marchés et du comportement des consommateurs [Deschamps, Moinet, 2011]. Sur ce plan, deux types de dispositifs trouvent leur utilité auprès des entreprises. D’une part, les applications de web analytics, qui donnent accès aux caractéristiques comportementales des internautes visitant un site : pays de provenance, mode d’entrée et temps passé sur le site, nombre et localisation de clics, destination sortante, etc. Les enquêtés les plus avancées dans l’usage de ces dispositifs procèdent par l’intermédiaire de reporting précis sur la fréquentation de leurs sites (6/28). D’autre part, les outils de veille et d’analyse sémantique, dits de web mining permettent de reconstituer la cartographie des blogs concernant un domaine, d’y repérer les sites les plus influents et d’en extraire les discours portant sur un thème et d’en catégoriser le contenu [Ifrah, 2010]. Sur ce plan, les enquêtés semblent encore assez éloignés des possibilités qu’offrent les techniques informatiques et aucune situation de « surinformation » [Lesca et al., 2010] n’a été signalée. Alors que l’outil web est très utilisé par les services communication des entreprises enquêtées pour produire des dispositifs de captation (teaser, jeux-concours, etc.) [Cochoy, 2004], la manière dont les responsables produits ou marketing appréhendent l’information sur Internet reste encore très empirique (15/28) et dépendante des compétences, des envies de chacun et du peu de temps laissé libre par les autres tâches.

44Dans le cas présent, si les outils fournissent des indicateurs à profusion, les enquêtés semblent peiner pour définir la prise qu’ils leur donneraient sur le marché. Les uns ont besoin de discussions avec des spécialistes pour traduire les indicateurs et séparer « ce qui fonctionne » de « ce qui ne fonctionne pas », tandis que d’autres hésitent face à la multitude des indicateurs possibles : « façon dont est présentée l’offre », « intensité de la présence », « avis des consommateurs ». En d’autres termes, ces outils étant relativement récents, ils ne donnent pas encore une prise assurée, faute de plis directement intelligibles et de repères incorporés par ces professionnels.

4.2 – Recréer le marché à l’échelle de l’individu

45Les enquêtés s’accordent sur le caractère indispensable des salons professionnels (26/28) dans la mesure où ils permettent de rencontrer l’ensemble de la profession : producteurs, sous-traitants, fournisseurs divers, donneurs d’ordre, distributeurs et détaillants, etc. Au final, ce dispositif de perception mercatique, bien que relayé par des organisateurs extérieurs et une infrastructure importante, est celui qui se rapproche le plus par ses effets de la mobilisation des réseaux personnels précédemment décrits. Ces salons permettent de voir la présentation que chaque entreprise donne d’elle-même et de ses futurs produits, mais l’essentiel se déroule en grande partie en dehors des stands et des halls d’exposition au cours des discussions informelles lors des « moments de convivialité » proposés par les organisateurs.

46

On fait énormément d’événements professionnels et on est vraiment en contact direct avec tous les gens de l’industrie. Après, c’est du copinage. C’est machin qui sur un salon te dit : « Tiens, il y a X qui a fait ça, vous devriez y réfléchir, ils ont géré tel problème de telle manière. » Après il te dit : « Tiens regarde, là je pense que t’as fait une connerie, regarde comment se passe le marché. » […] Et puis il y a vraiment autre chose qui est créé, parce qu’au-delà de ça, les apéros, les soirées, c’est là qu’on échange le plus.
[E21]

47Ces grands salons, qui rassemblent plusieurs centaines d’entreprises, autorisent à travers une promiscuité sociale forte, mais limitée dans le temps, un accès à ce que font les acteurs du marché et à certains plis de l’information qui ne seraient accessibles ni via la presse ni via les distributeurs. Participer à ces salons permet également d’obtenir en « un seul coup d’œil une vue d’ensemble sur l’industrie ».

48Du côté d’Internet, c’est avant tout le maintien ou la réaffirmation d’un lien direct avec les consommateurs-pratiquants qui est recherché, avec le net avantage de « pouvoir voir le marché sans être vu » [Cochoy, 2003], « tentation panoptique » propres aux systèmes d’information [Pichault, 1990].

49

C’est beaucoup sur les forums maintenant. Quelqu’un qui se renseigne, qui cherche. Moi c’est quelque chose que je suis beaucoup, on n’intervient pas, parce qu’on n’a pas le temps, mais on surveille ce qui se dit. Justement, comme toute notre image est basée sur le bouche-à-oreille, il faut qu’on soit très réactifs s’il y a quelque chose qui ne plaît pas, etc. […] C’est pas mal de temps passé sur les forums, à écouter ce qui se dit. Mais jamais je donnerai de réponse, même s’il y a une grosse connerie qui est dite sur nos produits, une grosse erreur ou quelqu’un d’aigri. Je sais que c’est là, bon… mais il y a aussi d’autres clients qui sont satisfaits qui vont faire le boulot à notre place. Mais s’il s’avère que certains mécontentements ou récriminations sont récurrents, bon ben là, on se pose la question.
[E13]

50Ce dirigeant d’entreprise témoigne ici que les internautes-pratiquants sont considérés avec grande attention. Toutefois, les avis sur la pertinence de ces outils restent partagés dans le sens où se pose toujours la question de la crédibilité que l’on peut accorder aux commentateurs, dont on peut parfois douter qu’ils soient les « vrais pratiquants » si prisés par les enquêtés (cf. supra).

51

Nous, les forums on est plutôt méfiants, parce que les gens qui sont sur l’ordinateur à donner leur avis ne sont pas forcément… enfin, nous, on considère qu’ils ont moins le temps de pratiquer que ceux qui sont tout le temps dans l’eau et qui n’ont pas le temps d’aller mettre des commentaires sur les réseaux. Donc tous les forums, on regarde ce qui se dit, mais on n’est pas très attentifs à ça.
[E24]

52En fin de compte, on perçoit ici que la difficulté à qualifier la prise provient une fois encore de ce que les professionnels se réfèrent à une définition a priori de ce que seraient les « vrais » consommateurs-pratiquants.

5 – Conclusion

53Tout au long de cet article, nous avons cherché à décrire la façon dont les professionnels du marché des industries des articles de sport parviennent à obtenir des informations sur l’état et le devenir de leurs concurrents ou des consommateurs au travers d’une technologie économique spécifique : les dispositifs de perception mercatique. Dans notre perspective, l’important n’est pas tant de juger la justesse ou l’efficience de l’information produite par tel ou tel dispositif, ou encore de ses conditions de félicité, ce à quoi s’intéressent davantage les travaux en sciences de gestion, mais de comprendre comment les effets de connaissance produits par la variété de la déclinaison de ces instruments agissent conjointement, selon une forme de cognition distribuée. Ce n’est que la superposition des différents procédés qui permet d’aboutir à la représentation la plus claire et la plus précise possible du marché, même si elle conserve toujours son caractère impressionniste et mosaïque. Comme l’a noté Alexandre Mallard, les dirigeants de TPE s’approprient des connaissances sur leur clientèle par un processus de triangulation où chaque « professionnel apprend progressivement à percevoir son environnement au travers d’une focale multiple, en ajustant des informations issues du marché tel qu’il le voit et des informations qualifiant le marché tel qu’il est vu par d’autres. » [Mallard, 2011, p. 72]. On retrouve ainsi le sens premier accordé par Foucault à la notion de dispositif qu’il décrivait comme un « ensemble résolument hétérogène », en ajoutant « le dispositif lui-même, c’est le réseau que l’on peut établir entre ces éléments » [Foucault, 1994, p. 299]. De plus, il est clairement apparu que l’économie des affaires n’est pas seulement une affaire économique, mais bien celles d’agents sociaux disposant d’une culture spécifique et d’un ethos professionnel en partie ancrés dans leur vécu de pratiquant sportif. Ce secteur se caractérise en effet par une relation consubstantielle avec un domaine social de prime abord non professionnel et relevant des loisirs, à l’image de ce que l’on peut observer sur les marchés du jeu vidéo ou de la musique par exemple. Les premières accumulations de savoirs et savoir-faire en tant que pratiquants et consommateurs, voire comme utilisateurs-pionniers [Hippel, 1986, 2005 ; Hillairet, 2012], progressivement incorporées et formant le noyau de leur expérience marchande [Mallard, 2011], placent durablement devant leurs yeux des filtres guidant la lecture du monde économique qui est le leur. Toutefois, expérience marchande et dispositifs de perception ne peuvent se confondre. Chaque dispositif de perception (matériel, incarné, mixte, etc.), renvoie à un pli particulier de la réalité sociale et économique et donne aux professionnels une prise plus ou moins assurée sur le marché en fonction des repères acquis antérieurement ou formalisés au sein de l’entreprise. Si l’expérience marchande s’avère difficilement transmissible, car relevant de la raison pratique [Dubuisson-Quellier, 2003, p. 26 ; Mallard, 2011], les dispositifs peuvent plus aisément être découplés des parcours individuels.

54Remarquons encore, comme indiqué en introduction, que les dispositifs de perception mercatique ne constituent que l’un des moyens dont l’entreprise dispose pour appréhender son ou ses marchés. Certains dispositifs de gestion, plus particulièrement les systèmes d’information commerciale et de comptabilité, fournissent également un point de vue sur l’état des marchés et de l’entreprise (e.g. nombre de clients, nombre de produits vendus, montant du panier moyen, rentabilité de tel ou tel produit ou gamme de produits, etc.). Mais si les dispositifs de perception ont avant tout pour objectif d’anticiper l’état futur du marché pour orienter l’action et sont en cela consubstantiellement marqués par l’incertitude [Lesca, 2008], les dispositifs de gestion portent sur le passé immédiat, figé dans les ventes de l’entreprise et les bilans trimestriels. De même, les dispositifs de perception se distinguent des dispositifs de jugement décrits par Lucien Karpik [2007]. S’il existe des similitudes, à travers leur objectif de limitation du déficit cognitif et de levée de l’opacité du marché à partir d’informations jugées crédibles, les seconds se distinguent des premiers en ce qu’ils sont orientés des entreprises vers les consommateurs finaux. Plus fondamentalement encore, les deux types de dispositifs tendent à produire des formes de connaissance divergentes. Les dispositifs de jugement visent à séparer et discriminer les produits entre eux suite à leur mise sur marché et, avant tout, dans un raisonnement ex post de façon à faciliter les choix individuels dans une sorte de processus de « réduction en singularité ». Les dispositifs de perception procèdent quant à eux d’une forme de « montée en généralité » qui opère par agrégation d’éléments disparates pour aboutir à un point de vue global sur le marché et orienter, par anticipation, l’action des entreprises selon une logique ex ante.

55Toute la question, qui pourrait fournir l’entame aux développements ultérieurs de cette première recherche, est alors de comprendre comment se concilient, au sein d’une même entreprise, des dispositifs aux temporalités différentes, aux pertinences concurrentes et relevant de groupes professionnels distincts. Les modes de coordination, encastrement ou découplage entre dispositifs, outils et instruments constituent en effet une perspective de recherche en soi. Quoi qu’il en soit, l’enjeu épistémologique est toujours le même : réinjecter les composantes du social dans l’analyse de marchés « concrets ».

6 – Annexe : présentation des interviewé(e)s et de leur entreprise

tableau im3
Code Qualité de l’interviewé(e) Taille de l’entreprise Zone d’implantation Types de produits E1 Directeur général Moins de 10 salariés Rhône-Alpes Services E2 Directeur général Moins de 10 salariés Rhône-Alpes Services E3 Chef d’entreprise Moins de 10 salariés Rhône-Alpes Services E4 Chef d’entreprise Moins de 10 salariés Rhône-Alpes Services E5 Directeur général Moins de 10 salariés Rhône-Alpes Services E6 Directeur général Moins de 10 salariés Aquitaine Services E7 Chef d’entreprise Moins de 10 salariés Aquitaine Services E8 Chef d’entreprise Moins de 10 salariés Aquitaine Services E9 Chef d’entreprise 10 à 49 salariés Rhône-Alpes Services E10 Chef d’entreprise 10 à 49 salariés Aquitaine Services E11 Chef d’entreprise Moins de 10 salariés Rhône-Alpes Techniques E12 Chef d’entreprise Moins de 10 salariés Rhône-Alpes Techniques E13 Chef d’entreprise Moins de 10 salariés Rhône-Alpes Techniques E14 Directeur général Moins de 10 salariés Rhône-Alpes Techniques E15 Responsable produits Moins de 10 salariés Rhône-Alpes Techniques E16 Responsable produits et marketing Moins de 10 salariés Aquitaine Techniques E17 Responsable marketing Moins de 10 salariés Aquitaine Techniques E18 Chef d’entreprise 10 à 49 salariés Rhône-Alpes Techniques E19 Chef d’entreprise 10 à 49 salariés Rhône-Alpes Techniques E20 Chef d’entreprise 10 à 49 salariés Rhône-Alpes Techniques E21 Chef d’entreprise Moins de 10 salariés Rhône-Alpes Modes E22 Directeur commercial Moins de 10 salariés Aquitaine Modes E23 Responsable produits et marketing 10 à 49 salariés Aquitaine Modes E24 Responsable produits et marketing 10 à 49 salariés Aquitaine Modes & Techniques E25 Responsable marketing 10 à 49 salariés Aquitaine Modes & Techniques E26 Responsable marketing 10 à 49 salariés Aquitaine Modes & Techniques E27 Responsable marketing 50 à 250 salariés Aquitaine Modes & Techniques E28 Responsable marketing 50 à 250 salariés Aquitaine Modes & Techniques

Notes

  • [1]
    Ce travail s’inscrit pour partie dans le cadre d’un contrat de recherche financé par le conseil régional d’Aquitaine et dirigé par Marina Honta [2012].
  • [2]
    Source : INSEE – Comptes nationaux annuels (2013).
  • [3]
    En France, 95 % des entreprises du secteur des IAS comptent moins de 20 salariés. Source : INSEE – Démographie des entreprises et des établissements (2011).
  • [4]
    L’EuroSIMA, qui regroupait 125 structures en 2012, réunit sur la côte basco-landaise différents segments rattachés aux industries des « sports de glisse » [Ginsbourger et al., 2006 ; Herrera-Cazenave, 2007].
  • [5]
    L’Outdoor Sports Valley (OSV), qui regroupait 150 structures en 2012, rassemble des industriels de sports de montagne et de l’outdoor [Richard, 2007a, 2007b].
  • [6]
    L’implantation des industries des sports de nature recoupe en grande partie la localisation des grands espaces de pratiques. Ainsi, les industries du surf sont très majoritairement localisées en région Aquitaine, celles portant sur les activités de montagne (escalade, alpinisme, ski, VTT, etc.) en région Rhône-Alpes, celles touchant au nautisme en Bretagne, etc.
  • [7]
    À côté des facteurs « classiques » démontrés favorisant l’entrepreneuriat (position et capital social de l’entrepreneur, etc.), d’autres sembleraient surdéterminants dans le secteur sportif, tel « le côté très passionnel de l’entrepreneur dans son projet professionnel » [Hillairet, 2002b, p. 85]. De même, des travaux portant sur l’innovation dans le secteur des IAS ont pu montrer que « chaque produit sportif innovant est en adéquation avec l’histoire personnelle du “mini-PDG” (des pratiquants passionnés essentiellement) » [Richard, 2007a, p. 96].
Français

Dans la lignée d’une sociologie des professionnels du marché, ce texte porte sur les industries des articles de sport (IAS) et sur la façon dont les professionnels qui y travaillent appréhendent le marché. À partir d’une réflexion conceptuelle sur les dispositifs de perception mercatique et du traitement de vingt-huit entretiens réalisés auprès de dirigeants ou cadres du secteur, l’objet est de décrire la façon dont ils mettent en œuvre ces dispositifs, les types de prises et formes de connaissance qui leur sont associées, mais aussi et surtout de saisir le sens qu’ils leur accordent.

Mots-clés

  • industrie des articles de sport
  • professionnels du marché
  • veille
  • intelligence économique
  • dispositif

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Mis en ligne sur Cairn.info le 26/11/2014
https://doi.org/10.3917/rfse.014.0169
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