CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« Trop occupés par leur système d’entreprise à faire tourner, ils préparent déjà la saison d’après sans se soucier du passé. [...] Pas le temps de penser à 1’humain, il faut renouveler le bétail pour faire venir le peuple. Voilà ce qu’on est... »
[Poulain, 2011, p. 226]

1« Pros : 46 “chômeurs”. Bonne nouvelle : alors que Provale craignait qu’une centaine de joueurs professionnels reste sur le carreau au terme de la période des transferts, qui a pris fin pour les clubs promus à minuit, ils sont finalement 46 à être susceptibles de demander une période de mutation supplémentaire. » C’est par ces termes que l’organe de presse français Rugbyrama, spécialiste de l’actualité rugbystique, informait le 16 juillet 2010 sur la situation du marché du travail des joueurs professionnels de rugby [2]. Compte tenu du contexte de crise économique national et européen où le taux de chômage global ne cesse de croître, il n’est rien d’aberrant dans le fait de constater que le sport professionnel, dont le rugby, soit également traversé par des difficultés d’ajustement de l’emploi. Cette donnée constitue néanmoins une énigme professionnelle [Juskowiak et al., 2009] si l’on considère les caractéristiques propres du rugby professionnel français. À l’image d’autres secteurs localisant un volume d’emplois privés connu par avance [3], le rugby professionnel s’avère à l’abri de toute concurrence externe compte tenu du degré de spécialisation corporelle qu’il suppose. En vertu de cette même spécialisation athlétique, le secteur doit également se doter d’un dispositif de formation propre qui assure avec précision la régulation démographique des flux d’entrants et de sortants, et enfin de multiples dispositifs de clôture (notamment syndical et étatique [4]) pour en protéger le périmètre [Lallement, 2007]. Ces conditions rendent les joueurs professionnels captifs de leur compétence spécifique. Aussi, la probabilité de fuite vers, et par conséquent d’intrusion depuis, d’autres marchés du travail se trouve-t-elle quasiment réduite à néant. La circulation des travailleurs ne peut alors correspondre qu’à une mobilité interne, même si celle-ci peut prendre un tour international, dont le jeu est nécessairement à somme nulle, avec pour chaque club concerné un niveau de recrutement en théorie strictement ajusté à la quantité de départs. Mais le contrepoint de la relative stabilité de ce marché spécifique au plan global trouve sa traduction dans la très forte incertitude à pouvoir fixer dans le temps les performances des joueurs et des équipes. De la sorte, ce marché se caractérise par une très forte concurrence interne avec des contrats de travail de relativement courte durée (le plus souvent deux ans) qui doivent être perpétuellement renégociés. Ceci explique la circulation d’une partie des joueurs professionnels d’une année sur l’autre, au cours de laquelle il apparaît que certains d’entre eux ne parviennent pas à renouveler leur contrat.

2Dans ce contexte particulier, le marché du travail rugbystique produit, à la marge, du chômage. Prenant acte de ce cas dans son existence singulière et dans sa « dynamique opératoire de révision des croyances » [Passeron, Revel, 2005], le présent article cherche donc à appréhender ce que recouvre la réalité de chômage spécifique afin d’en explorer les principales dimensions sociologiques.

3Après le nécessaire travail de réflexion sur ce qu’on entend par chômeur dans le rugby professionnel, tout en soulignant notamment les difficultés à le décrire dans sa réalité objective, nous rappelons combien les explications de sens commun, bien que prégnantes dans les représentations que les différents acteurs se forgent du phénomène, demeurent peu opératoires pour en saisir toute la portée sociologique. Partant alors de l’hypothèse démographique autour de la dynamique des flux d’entrants et de sortants, notre démarche cherche, dans un premier temps, à appréhender ce qui, dans les propriétés strictement sportives de l’ensemble des joueurs (temps de jeu, nombre de matchs, clubs fréquentés…), serait susceptible d’en éclairer les mécanismes d’éviction. Cette première phase se révélant faiblement heuristique, notre analyse s’attache, dans un second temps, aux propriétés biographiques des seuls chômeurs afin de comprendre les déterminations à durer et persister sur un marché du travail aussi sélectif, fonction des conditions d’entrée sur celui-ci et de leurs trajectoires sociales propres. Enfin, ne pouvant s’en tenir à un pur examen des trajectoires biographiques indépendamment de leur contexte d’expression, notre analyse est rapportée à la conjoncture spécifique du marché du rugby professionnel. L’objectif de ce travail espère ainsi participer à une meilleure connaissance du monde rugbystique et contribuer en même temps, dans le cadre de ce que Lahire [2004] désigne comme une forme de sociologie expérimentale, à une réflexion conceptuelle sur le processus de construction sociale des situations de chômage.

1 – La difficile catégorisation du chômage et des chômeurs dans le monde du rugby professionnel

4En 2005, le syndicat des joueurs de rugby professionnels, Provale, se fait l’écho pour la première fois, via la presse spécialisée, de l’existence de chômeurs pour désigner les joueurs restés sans contrat de travail au cours de l’intersaison fixant officiellement le régime des mutations (soit les règles de mobilité) entre les clubs. A priori, et de manière limitative, le terme « chômeurs » ne comprend pas ici les joueurs qui, arrivés à échéance de contrat, se présentent sous le statut encadré par la loi de demandeurs d’emploi en faisant valoir leurs droits aux allocations auprès de Pôle Emploi et prennent du même du coup leur retraite sportive. Dans ce cadre, ces derniers peuvent cependant se déclarer à la recherche effective d’un emploi (autre que rugbystique) et se trouver comptabilisés parmi les chômeurs habituellement désignés comme tels dans la population active comme l’explique un dirigeant syndical de Provale:

5

« Le vrai chiffre encadré, à clarifier, ce sont les chiffres des joueurs qui sortent du rugby professionnel tous les ans. Qui s’établit à peu près entre 200 et 250 joueurs. […] À partir de là, après, on a ce que nous, on appelle “chômeurs” et sur lesquels on communique, sur les joueurs qui, effectivement, pendant la période de mutation sont en difficulté, ne trouvent pas de contrat [5]. »

6A contrario, il s’agit donc exclusivement de ceux qui se trouvent en situation de travailleurs réguliers involontairement privés d’emploi [Demazière, (1995) 2006] et qui, en rupture de contrat, cherchent à se maintenir sur le seul marché du travail rugbystique indépendamment des autres secteurs. À la manière de ce qui a déjà pu être observé dans le football professionnel [Juskowiak et al., 2009], ce sont bien les joueurs restés sans contrat de travail qui ont suscité notre attention même si des liens ont pu trouver leur prolongement dans leurs relations avec le statut de demandeur d’emploi dans sa définition institutionnelle, notamment quand certains d’entre eux font le choix (provisoire) d’évoluer dans le secteur du plus haut niveau amateur en attendant une sollicitation plus intéressante. Ici, comme dans les autres secteurs d’emploi, un différentiel important peut donc se faire jour entre le chômage dit spontané [Demazière, (1995) 2006] répondant à la représentation subjective des joueurs à la recherche d’un contrat professionnel en bonne et due forme et évoluant de l’antichambre du professionnalisme faute de mieux, et le chômage dit enregistré, tel qu’il est officiellement comptabilisé par les institutions sportives.

7Au-delà des particularismes de définition propres au cas sportif, la situation des chômeurs, devenue stable depuis 2005 (figure 1) présente des caractéristiques communes avec le chômage en général et de son histoire singulière qui rappelle comment l’émergence de la figure est étroitement synchrone avec l’extension du salariat [Topalov, 1994]. Officiellement amateur jusqu’au milieu des années 1990, le rugby français ne s’est en effet ouvert au salariat que depuis peu et de façon très progressive [Fleuriel, Vincent, 2007]. Les réaménagements successifs de l’élite rugbystique française (création d’une Ligue nationale de rugby, accès des championnats d’élite aux seuls professionnels…) ont cependant conduit à un durcissement des conditions de la pratique par une réduction drastique du nombre de joueurs concernés par les championnats de haut niveau. C’est au fond la « professionnalisation » [Loirand, 2005] du rugby qui a fait émerger le phénomène de désajustement qui lui est concomitant, celui de l’offre et de la demande de travail. La fin de « l’amateurisme marron », selon l’expression en usage dans le milieu, met ainsi un terme aux formes de régulation informelle d’un marché du travail au noir dont les contours restent à ce jour peu étudiés, mais dont les témoignages convergent pour en souligner la dimension paternaliste [Dorian, Magnol, 2003]. La fin des emplois de complaisance dans les entreprises ou collectivités locales, et des rémunérations d’appoint le plus souvent en espèce, débouche sur la formalisation des premiers bulletins de salaire versé au titre de l’activité rugbystique et ouvre des perspectives nouvelles quant à la gestion des contrats et des carrières qui se traduisent par la reconnaissance pleine et entière du métier de rugbyman. C’est, de fait, le contexte d’intégration progressive d’une économie au départ informelle qui rend possible et surtout perceptible l’émergence d’un groupe de travailleurs excédentaires capables de se mobiliser légitimement autour de leur situation de vacance d’emploi et d’en informer des patrons de clubs.

Figure 1

Évolution du nombre de joueurs au « chômage »[6]

Figure 1

Évolution du nombre de joueurs au « chômage »[6]

Sources : Provale, mises en forme par nos soins

8Prendre le parti d’enquêter sur les joueurs restés sans contrat à l’issue de l’intersaison, nommés pour les besoins du texte chômeurs, appelle à une grande vigilance compte tenu de l’ambivalence sémantique dans laquelle les différents acteurs concernés situent leur analyse et expriment leur point de vue. Sur un plan statistique, il y a tout lieu de considérer avec prudence la production chiffrée, issue le plus souvent d’une source unique à l’initiative du syndicat des joueurs professionnels. Les multiples débats sur les manipulations réelles ou supposées, occasionnées par les opérations de comptage et de catégorisation des chômeurs [Brutus, 2006 ; Demazière, (1995) 2006], et toutes les formes de désaveu ou de dénégation qu’elles occasionnent [Demazière, 2003] peuvent aisément se transposer au monde du rugby. D’une part, parce que Provale effectue son recensement sur la base purement déclarative des joueurs qui souhaitent faire savoir qu’ils sont disponibles, ce qui exclut tous ceux qui se coupent de la ressource syndicale et cherchent à retrouver un contrat par d’autres moyens, notamment par le biais des agents de joueurs ou par leur propre réseau. Au cours de l’enquête, il est par exemple apparu que des joueurs déclarés chômeurs ne l’étaient finalement plus, et qu’inversement des rugbymen réputés sous contrat s’étaient en fait retranchés vers les niveaux amateurs, dans l’attente d’une situation plus favorable, sans s’être manifestés auprès de Provale. D’autre part, parce que ni la FFR, ni la LNR en charge du secteur professionnel, ni encore les clubs professionnels, ne semblent disposés à communiquer et à considérer la question, la laissant aux seuls soins du syndicat. Du coup, les contrôles collectifs et réciproques pour définir ce qu’est le chômage au rugby et co-construire un appareil de mesure standardisé du phénomène restent à développer pour rendre les statistiques fiables.

9Comme le rappelle Alain Desrosières [2008], dans tout exercice de quantification, dont celui des chômeurs, ce ne sont pas tant les opérations de mesure, au demeurant assez simples, qui posent problème que les conventions qui en sont à l’origine et pour lesquelles les contrôles demeurent faibles. Ceci est d’autant plus manifeste que le chômage apparaît, en même temps qu’il se perpétue, comme un enjeu politique sérieux que la mise en visibilité vient questionner. Constater et déplorer dans la presse l’existence de chômeurs dans le milieu du rugby est une chose, objectiver le phénomène pour l’expliquer et le comprendre en est une autre.

2 – Enquête et méthodes de recherche

10Dans une démarche d’objectivation, nous avons observé les flux d’entrants et de sortants d’une année sur l’autre pour en saisir la dynamique globale et repérer les déterminants de la mobilité. C’est dans cet esprit que nous avons constitué une base de données de 1 070 joueurs professionnels évoluant en Top 14 et Pro D2 [7] (dont les chômeurs) permettant d’identifier leur trajectoire sportive sur six années consécutives et reconstituer des profils types de joueur selon un ensemble de critères disponibles tels que l’âge, le poste de jeu, le nombre de clubs fréquentés, les niveaux de jeu successifs atteints, le type de contrat professionnel engagé, etc.

11Pour constituer la base de données, nous nous sommes tout d’abord appuyés sur les documents publiés par la LNR qui officialisent les effectifs de chaque club engagé dans les deux divisions professionnelles. À la clôture de chaque période annuelle de mutation, les clubs doivent fournir à la LNR la liste des joueurs contractualisés qui homologue ainsi ces contrats de travail pour la saison rugbystique à venir. Parallèlement aux informations relatives à la biographie des joueurs, cette première source institutionnelle nous a permis de reconstituer la mobilité des 1 070 joueurs des saisons 2005-2006 à 2010-2011. Nous avons ensuite croisé deux types de sources médiatiques pour construire les statistiques de jeu et analyser de manière plus qualitative l’identité des joueurs en ciblant plus particulièrement leurs ressources rugbystiques. La première source est le site informatique itsrugby[8] qui fournit une base de données sur le rugby continuellement mise à jour. Elle permet de collecter des informations sur le nombre de matchs joués et le temps de jeu par joueur ainsi que les clubs successifs fréquentés, le type et éventuellement le nombre de sélections. Pour sécuriser ces données, nous les avons croisées avec celles du Midi Olympique. Ce journal bihebdomadaire français appartenant au groupe La Dépêche est spécialisé dans le rugby. Il couvre aussi bien l’actualité du rugby professionnel du Top 14 et de la Pro D2 que celles des équipes amateurs du niveau national au niveau régional. À partir des comptes rendus de match, nous avons pu vérifier l’exactitude des données fournies par le site informatique.

12Le croisement de ces deux sources a permis d’objectiver les profils types des joueurs évoluant dans le championnat professionnel en distinguant différents indicateurs potentiellement nécessaires pour spécifier les chômeurs dans le monde du rugby.

13Parallèlement à la collecte de ces données statistiques, nous avons cherché à reconstituer les trajectoires sociales et sportives des joueurs afin de « comprendre les chômeurs » [Demazière, (1995) 2006] dans leur subjectivité et saisir les ressources qu’ils mobilisent pour faire face à une situation difficile et complexe sans pour autant succomber dans une forme de misérabilisme qui en substantialiserait la condition [Maurer, Pierru, 2001]. À partir d’un corpus d’une vingtaine d’entretiens réalisés auprès de plusieurs catégories d’acteurs (entraîneurs, responsables de centre de formation, dirigeants syndicaux, joueurs…) initialement orientés vers les effets de la « professionnalisation » plus que vers le chômage à proprement parler (dont la thématique a progressivement émergé), nous avons alors, pour les besoins de ce compte rendu, procédé à une sélection par élimination. L’enjeu était de construire un groupe suffisamment homogène pour identifier les caractéristiques les plus typiques de la situation de chômage et la manière dont ils sont devenus chômeurs. C’est pourquoi nous avons retenu le cas de cinq joueurs qui présentaient des caractéristiques suffisamment stables pour spécifier qualitativement la question du chômage en rugby. Au moment des entretiens, ces joueurs étaient toujours en situation de chômage après une saison rugbystique (soit un an après la fin de leur contrat de rugbyman professionnel) sans avoir rejoué dans aucune compétition professionnelle, ils étaient également licenciés dans des clubs de l’élite amateur [9] justifiant ainsi d’une disponibilité et d’une recherche d’emploi dans le monde du rugby professionnel. Par ailleurs, leur visibilité médiatique et professionnelle de faible importance renforçait l’homogénéité de ce groupe d’interviewés en les distinguant des chômeurs « icônes » (anciens internationaux). En effet, nous avons considéré que l’exposition relative de ces derniers pouvait constituer un biais en faisant apparaître des singularités pas nécessairement significatives dans l’état de ces notes provisoires. Enfin, ces cinq joueurs étaient représentatifs des différents postes occupés dans la division du travail technique d’une équipe de rugby en recouvrant aussi bien les postes d’avants que d’arrières.

3 – Un régime d’explications de sens commun

14Avant de s’intéresser aux chômeurs et à leurs trajectoires propres pour comprendre ce que leur état doit à leurs histoires singulières, il est utile de dresser le panorama des explications de sens commun que les acteurs se donnent pour justifier l’émergence récente du chômage dans le monde du rugby. Il est ici frappant de constater combien le régime d’explications proposé est analogue à celui en vigueur pour le chômage en général à propos duquel certains observateurs ont fait un inventaire des plus critiques [Cordonnier, 2000 ; Pierru, 2005]. L’examen des solutions proposées par Provale pour remédier au problème est à ce titre révélateur des manières d’en envisager les causes. Jusqu’en 2011, le syndicat propose en effet plusieurs pistes pour corriger le défaut avec notamment l’organisation d’un match opposant les chômeurs à une équipe professionnelle pendant l’intersaison. L’idée est de faire se produire les joueurs restés sans contrat devant un parterre de dirigeants de clubs qui n’auraient pas totalement bouclé leur effectif avant la fin des mutations. L’implicite du dispositif consiste ici à suggérer l’imperfection du marché du travail qui ne parviendrait pas à assurer exactement la rencontre entre l’offre et la demande de travail, laissant à la marge des besoins complémentaires qui ne se répondent pas parce qu’ils s’ignorent réciproquement. Selon cette analyse, le match organisé pour les chômeurs répond à la problématique en organisant un surcroît de visibilité des besoins. Mais le faible succès rencontré par cette solution a conduit en 2011 les dirigeants de Provale à renoncer à l’organisation de ce match en raison des difficultés à mobiliser des joueurs en nombre suffisant.

15Le deuxième outil de régulation proposé par le syndicat consiste à proroger la période officielle de mutation pendant laquelle les transferts entre clubs sont autorisés. Alors que dans le droit commun la circulation du travailleur est érigée comme un principe de liberté absolu, celle-ci se doit d’être aménagée dans le monde sportif pour tenir compte de sa spécificité et maintenir l’intérêt des compétitions en empêchant les sportifs de changer de club en dehors d’une période légale, la période dite de mutation ou de transfert. Là encore, l’implicite tient à une supposée imperfection du marché consécutive à sa singularité compétitive qui entrave la libre circulation des travailleurs et amoindrit la fluidité des échanges et serait à l’origine d’un chômage résiduel. L’objectif de la demande de prorogation vise alors à réintroduire de la souplesse pour permettre des ajustements de dernière minute.

16À côté de ces supposées rigidités structurelles affectant marginalement la toute théorique fluidité du marché du travail, d’autres explications de nature plus conjoncturelle affleurent tout aussi régulièrement, au premier rang desquelles figure l’excessif appétit salarial des joueurs qui viendrait déplacer le point d’équilibre entre offre et demande de travail en faisant sensiblement diminuer la première exprimée par les dirigeants de clubs. Selon une lecture mécanique des règles de fonctionnement du marché du travail, il est alors suggéré que, face aux exigences salariales des joueurs en contexte de crise, c’est la ressource en main-d’œuvre qui devient la variable d’ajustement selon une logique où les dirigeants préféreraient sacrifier deux à trois emplois pour limiter la croissance de leur masse salariale [10]. Le corollaire de cette manière d’appréhender la réalité du chômage se fixe alors quasi naturellement sur le recours à une main-d’œuvre a priori moins exigeante sur le plan des rémunérations et constituée du contingent des joueurs étrangers. Le directeur administratif de Provale confirmait cette analyse par les propos suivants :

17

« En France, donc il y a 961 contrats qui sont offerts, une fois que tu as pris les 200 ou 300 meilleurs Français, tu es le 301e, il vaut mieux avoir le premier Argentin que le 301e Français. C’est schématique et basique, mais c’est la réalité. D’autant plus qu’on a eu une tendance très forte sur les trois dernières années où les joueurs français ont eu tendance à demander des salaires qui étaient exorbitants et le jeune qui n’avait pas prouvé à 23 ans, se proposait à des salaires qui étaient supérieurs au Fidjien qui voulait rentrer en Europe et qui était une star dans son pays, ou une star au niveau mondial [11]. »

18Imperfection structurelle du marché du travail, inflation salariale et concurrence étrangère composent ainsi le régime courant d’explication du chômage dans le rugby professionnel. Notre travail n’ayant pas vocation à se positionner sur le terrain de l’analyse économique, nous ne chercherons pas à discuter ici la validité des thèses défendues. Il est apparu néanmoins utile de les rappeler dans la mesure où elles ne sont pas sans produire d’effets sur le comportement des acteurs, et ce, indépendamment de leur validité scientifique. L’accord collectif sur l’existence du chômage, sur ses causes, et sur ses modes de traitement est une dimension de la réalité qu’il convient de prendre en compte [Demazière, 2003]. La nature performative de ces analyses produit de la croyance en leur réalité et contribue à faire intérioriser les grilles de lecture et de compréhension ad hoc du problème et du même coup des réponses à lui apporter.

19Bien que simpliste, c’est bien cette vision du marché qui justifie l’intervention généralisée d’un tiers, le plus souvent professionnel, capable de faire l’intermédiaire entre offre et demande de travail et désigné par le milieu sportif en qualité d’agent de joueurs. Au cours de nos entretiens, les rugbymen rappellent régulièrement comment la peur d’être invisible sur le marché, et par conséquent de rater une occasion, finit par rendre indispensable le recours à un agent de joueurs :

20

« Si on voulait évoluer et se faire voir un petit peu, c’est vrai que quand on ne joue pas trop trop, c’est quand même assez difficile de pouvoir s’en sortir seul. Ou alors à moins d’avoir des connaissances dans d’autres clubs, de personnes, de joueurs ou autre. C’est dire que l’agent c’est le moyen, de beaucoup, le plus facile pour diffuser un petit peu le CV [12]. »

21De même, l’intériorisation de l’excessive avidité salariale des joueurs débouche immanquablement sur la crainte de formuler des exigences inappropriées à la situation ou à la capacité financière du club. Là encore, le recours à l’agent de joueur, en principe au fait de l’état du marché, vient s’imposer comme le meilleur moyen de réduire la dissymétrie d’informations entre les parties et de garantir la réussite de la transaction au plus juste (« Et l’agent aussi me dit “tu vaux minimum, tu vaux au moins 1 300 euros nets”, mais vraiment minimum quoi. Tu peux espérer au moins avoir ça parce que tu as quand même un niveau [13]. »). L’existence du phénomène de chômage et son régime d’explication n’est donc pas neutre : l’intériorisation d’une possible menace instille un principe d’incertitude qui détermine efficacement le comportement des acteurs en suscitant, par exemple, des attitudes de censure salariale « spontanée » face à la concurrence étrangère comme ci-dessous :

22

« […] les clubs font trop confiance aux étrangers. Ils vont chercher un étranger qu’un Français pourrait faire la même chose. Ici je touche 3 000 euros, à un poste où c’est un poste assez important en première ligne, et je suis sous-payé à… à moitié prix du marché. À moitié prix, à 30 ans [14]. »

23Les représentations associées au chômage sollicitent ici principalement le registre économique pour expliquer son émergence autour des mécanismes de marché les plus élémentaires. Surtout produites par certains dirigeants du rugby (dont les dirigeants de Provale), elles semblent légitimer un argumentaire de sens commun à dominante économique. Il convient alors de dépasser ces explications trop faciles et/ou trop évidentes par l’exploration d’autres raisons possibles, plus orientées sur la spécificité de l’activité elle-même.

4 – Une relative invalidité des causes endogènes

24Afin de ne pas céder aux prénotions tirées du registre économique, d’autres hypothèses méritent d’être explorées. S’agissant d’un univers de travail circonscrit autour de compétences ultraspécialisées et clairement définies (être capable de jouer au rugby de haut niveau), il s’agit de vérifier dans quelle mesure les situations du chômage au rugby peuvent être expliquées par le rugby lui-même et quelles en seraient leurs causes endogènes. Autrement dit, c’est l’hypothèse de l’incompétence spécifique ou encore celle de l’employabilité qui rejaillit sous l’idée que les joueurs touchés par le chômage le sont parce qu’ils ne disposent pas de toutes les qualités nécessaires pour se maintenir sur un marché très exigeant et fortement concurrentiel. Pour le dire plus trivialement encore, les chômeurs correspondraient au fond aux joueurs les moins compétitifs d’un championnat fondé sur l’élitisme et la spectacularisation.

25Placés dans l’incapacité d’apprécier subjectivement les qualités technico-tactiques des joueurs, nous nous sommes bornés à prendre pour critères objectifs le nombre de matchs effectués au cours d’une saison ainsi que le temps de jeu cumulé comme des indicateurs assez fiables de l’expérience accumulée par chacun d’entre eux, et du niveau d’exploitation de leurs compétences par leurs dirigeants respectifs. Disposant de la totalité des effectifs engagés dans les deux championnats professionnels pendant plusieurs saisons, nous avons collecté de façon exhaustive dans notre base de données les informations disponibles sur le nombre total de matchs joués dans lesdits championnats ainsi que le cumul des temps de jeu sur l’ensemble de leur carrière, les participations aux sélections nationales, etc. La démarche a consisté alors à comparer le volume moyen d’expérience et de jeu du groupe des chômeurs à celui de l’ensemble de la population des joueurs afin de vérifier dans quelle mesure l’hypothétique sous-exploitation de la force de travail des premiers pouvait être prédictive à terme d’une situation de chômage. Les comparaisons des deux populations montrent que les différences entre les temps moyens de jeu d’une part et le nombre moyen de matchs d’autre part ne sont pas significatives, les chômeurs ayant été utilisés en moyenne autant que leurs homologues en activité (tableaux 1 et 2). Nous avons également cherché à contrôler si la spécialisation par poste de jeu (en cinq groupes composés des piliers et talonneurs, des deuxièmes et troisièmes lignes, des demis de mêlée et demis d’ouverture, des centres, et enfin des ailiers et arrières) était dotée d’un pouvoir explicatif, à la manière d’une analyse en termes de chômage sectoriel consécutif à un excès de spécialisation de la main-d’œuvre. Là encore, le test comparatif (tableau 3) invite à rejeter tout effet de la division du travail rugbystique sur le phénomène, tous les postes de jeu étant sensiblement touchés dans les mêmes proportions que leur distribution effective pour l’ensemble de la population. En résumé, la plupart des éléments disponibles dans la base donnée, que ce soit en termes d’ancienneté dans le jeu, de fréquentation des sélections nationales, de vécu de sportif en termes d’ascension ou de régression du club, ne permettent pas d’établir de corrélation significative avec le fait d’être au chômage ou bien en activité.

Tableau 1

Temps de jeu cumulé moyen (en minutes) par catégories de joueur (n = 1070)

Tableau 1
Temps de jeu Joueurs en activité 3 449,91 Joueurs au chômage 3 334,25 TOTAL 3 443,82

Temps de jeu cumulé moyen (en minutes) par catégories de joueur (n = 1070)

La différence n’est pas significative (t = 0,29, 1 – p = 23,7 %)
Tableau 2

Nombre moyen de matchs cumulés par catégories de joueur (n = 1070)

Tableau 2
Nombre de matchs total Joueurs en activité 61,70 Joueurs au chômage 61,16 TOTAL 61,67

Nombre moyen de matchs cumulés par catégories de joueur (n = 1070)

La différence n’est pas significative (t = 0,08, 1-p = 10,3 %)
Tableau 3

Exposition au chômage en fonction du poste de jeu (n = 1070)

Tableau 3
Joueurs en activité Joueurs au chômage TOTAL Piliers/Talonneurs 95,4 % 4,6 % 100 % 2e et 3e lignes 96,3 % 3,7 % 100 % 1/2 mêlée et 1/2 d’ouverture 95,2 % 4,8 % 100 % Centres 96,0 % 4,0 % 100 % Ailiers/Arrières 93,2 % 6,8 % 100 % TOTAL 95,3 % 4,7 % 100 %

Exposition au chômage en fonction du poste de jeu (n = 1070)

La dépendance n’est pas significative. chi2 = 2,72, ddl = 4, 1 – p = 39,45 %.

26Bien qu’il soit peu fréquent de présenter des résultats non significatifs, nous voudrions souligner qu’en la circonstance, ces derniers restent utiles afin d’échapper aux analyses indigènes qui voudraient trouver dans le rugby même, et dans ses propriétés intrinsèques, les causes du chômage : ici un club qui connaît une régression dans le championnat et qui doit licencier massivement (tableau 4), là l’idée que certains postes de jeu sont plus exposés que d’autres. Rien de tout cela n’a pu être statistiquement vérifié. Ce n’est donc peut-être pas exclusivement sur le terrain de jeu au sens propre du terme que le chômage s’engendre.

Tableau 4

Exposition au chômage en fonction du vécu sportif (n = 1 070)

Tableau 4
profil/Chômeur Joueurs en activité Joueurs au chômage TOTAL A connu une descente dans sa carrière 93,3 % 6,7 % 100 % N’a jamais connu de descente 95,7 % 4,3 % 100 % TOTAL 95,3 % 4,7 % 100 %

Exposition au chômage en fonction du vécu sportif (n = 1 070)

La dépendance n’est pas significative. chi2 = 0,19, ddl = 1, 1 – p = 33,58 %.

27En effet, les explications économiques de sens commun ainsi que l’analyse des rôles et compétences techniques des joueurs paraissent, à ce stade, faiblement heuristiques pour appréhender les situations de chômage au rugby et appellent à l’exploration de nouvelles hypothèses de recherche. L’observation sur un temps plus long de la genèse et de l’évolution de la carrière des joueurs/chômeurs structurant l’exercice de leur activité semble ici pouvoir constituer une piste d’exploration crédible.

5 – Un effet de rémanence

28La base de données permet d’apprendre que le nombre moyen de clubs fréquentés par les chômeurs est significativement plus élevé que celui observé pour l’ensemble de la population des rugbymen professionnels (tableau 5). Cet indice, anodin en apparence, ouvre cependant une piste de réflexion tangible sur la qualité des manières d’entrer sur le marché du travail rugbystique conduisant parfois, lorsqu’elle est inadaptée, à devoir changer de club employeur plus fréquemment que ne l’indique l’usage. Tous les chômeurs de notre population attestent d’une quantité de travail (nombre de matchs et temps de jeu) conforme à la moyenne de l’ensemble, et ont connu leur instant de gloire souvent symbolisé par une exposition médiatique révélatrice (« C’était 1 800 euros d’argent de poche, je joue en première division de rugby, ça passe un peu à la télé… C’est une super histoire qui commence pour moi » ; « j’étais même passé à la télé, j’avais joué contre les plus grosses équipes du championnat, donc… C’est pas qu’on s’y croit, mais on se sent comme il faut là ») ; ou plus simplement par un temps de jeu significatif : « Donc j’ai eu du temps de jeu, j’ai intégré réellement le groupe pro, sur la saison, je fais 18 feuilles de match en Pro D2, donc j’avais eu du temps de jeu. Donc c’était intéressant, là, j’étais… j’étais inclus, j’étais dans le groupe quoi. »

Tableau 5

Nombre moyen de clubs fréquentés selon la catégorie de joueurs (n = 1070)

Tableau 5
Nombre de clubs fréquentés Joueurs en activité 1,75 Joueurs au chômage 2,26 TOTAL 1,78

Nombre moyen de clubs fréquentés selon la catégorie de joueurs (n = 1070)

La différence est très significative (t = 2,99, 1 – p = 99,7 %)

29En revanche, l’analyse des trajectoires sportives corrobore bien l’existence de réelles difficultés rencontrées à l’entrée sur le marché et caractérisées par une attente prolongée avant l’obtention d’un véritable contrat professionnel, soit sous la forme d’un maintien en centre de formation, soit par le recours au contrat de joueur apprenti ou stagiaire. Comme il existe en matière scolaire des voies royales plus efficaces et plus rapides que les voies détournées, la mobilité relative des joueurs au moment de l’entrée est une traduction tangible de la formation d’un réseau d’accès secondaire au marché du travail rugbystique en marge des parcours linéaires accomplis dans les centres de formation des clubs les plus prestigieux [15]. Même si ces voies plus longues et plus incertaines ne compromettent pas à proprement parler les réussites, dont on a souligné plus haut leur effectivité, tout se passe comme si elles pesaient de toute leur réalité au moment des ruptures de contrats problématiques, comme s’il fallait tout refaire. Ainsi, Daniel [16] initialement entré en section sportive rugby d’établissement échoue la première fois qu’il cherche à intégrer un centre de formation d’un club professionnel très éloigné de sa résidence parentale et doit reporter sa tentative après le lycée où il suit un bac professionnel de dessin industriel. Il parvient à y entrer deux ans plus tard, à 20 ans, sans réussir cependant à intégrer le collectif de l’équipe professionnelle (« Après [dans ce club], je ne passais plus en contrat pro, ils me proposaient un contrat bâtard, ça consistait à m’entraîner avec eux, mais je restais étudiant. »). Il se voit alors contraint à un nouveau déménagement vers un autre club professionnel où il parvient progressivement à gagner la confiance de ses nouveaux dirigeants. Mais à la suite d’une blessure sérieuse qui l’éloigne des terrains pendant près de 10 mois, le cercle vertueux s’enraye avec une seconde blessure, pourtant bénigne, qui vient définitivement altérer le regard que les dirigeants portent sur lui. C’est précisément à ce point de rupture que le parcours tortueux que Daniel a dû emprunter sonne comme un rappel des origines prenant une tournure discriminatoire qui le conduira à la situation de chômage.

30

« Je me suis blessé au mollet droit et ça m’a valu deux mois d’arrêt. Et là, on repart à zéro parce que c’était l’année dernière, je pensais que tout allait reprendre le cours normal et en fait non. Ils m’avaient considéré comme un joueur nouveau, comme quelqu’un qui doit refaire ses preuves. Donc, j’ai galéré, pendant les deux premiers mois, j’ai rejoué, ça ne s’est pas très bien passé, j’étais un petit peu sous pression, je voyais que ça sentait un petit peu mauvais [17]. »

31Dans un autre contexte, Guy évolue à la périphérie d’un centre de formation très prestigieux et parvient un temps à bénéficier de l’aura du club autour d’un statut hybride (« je suis arrivé, j’avais un contrat, c’était une sorte de contrat amateur, ce n’était même pas un contrat espoir, je jouais qu’avec les espoirs, j’avais quasiment rien à voir avec les pro ») pour se faire recruter dans un club concurrent sans néanmoins réussir à y jouer suffisamment. Transféré dans un troisième club professionnel, il parvient en définitive à s’y faire un nom et à obtenir l’estime du milieu. Dans ce cas-ci, la rupture n’est pas consécutive à une blessure (même s’il en connaît une sérieuse qui n’interdira pas son retour), mais à un deuil familial conduisant à son éviction définitive du collectif, qui le fera par la suite abandonner tout espoir d’un nouveau contrat dans un autre club. Pleinement conscient des détours par lesquels il a dû passer pour devenir professionnel, Guy réalise alors le constat suivant :

32

« Moi, je suis une erreur dans le rugby pro. Je n’ai jamais été international jeune, je suis arrivé à [nom du club] à la fin de ma formation, des comme moi, maintenant, je ne pense pas qu’il y en ait beaucoup quoi. Et maintenant, on arrive, on a moins de 17 ans, on a joué les équipes de France, ou alors on est déjà dans un grand club, c’est rare qu’il y ait quelqu’un qui arrive, on ne doit pas être beaucoup à avoir évolué comme ça [18]. »

33En marge des trajectoires sportives les plus légitimes et consacrées, une frange de joueurs aux compétences athlétiques de niveau quasiment égal, évolue donc à la périphérie des clubs professionnels sous des contrats ou des statuts hybrides. Employés surtout pour compléter les collectifs, ces joueurs ont bien rencontré le succès au cours du jeu, et démontrent des temps de pratique comparables à leurs homologues. Ils subissent cependant un effet de rémanence qui les renvoie à leurs origines dès les premières difficultés traversées, qu’elles soient blessures ou autres accidents biographiques. Décrivant la carrière brisée d’un demandeur d’emploi devenu cadre par la promotion interne, par opposition à l’accès à la fonction par les titres scolaires, Louis Pinto constatait en substance que la manière de vivre la condition de chômeur et de la surmonter dépendait étroitement du capital initialement possédé [Pinto, 1993]. À la lumière des trajectoires sportives observées, il semble que les choses ne soient pas très différentes pour les cas des rugbymen professionnels où les événements prennent une tournure variable, tantôt incidents, tantôt accidents, selon les parcours réalisés de telle façon que les joueurs déclarés chômeurs sortent du marché du travail et s’en trouvent exclus aussi difficilement qu’ils y sont entrés.

5.1 – Une situation à résonance populaire

34Le tableau du chômage au rugby ne serait pas complet si, comme le souligne Louis Pinto, on ne s’attachait pas à décrire en amont le volume et la structure des capitaux effectivement possédés par les victimes du chômage. Selon une formulation à peine différente, Dominique Schnapper [1981, p. 50] affirmait, elle aussi, « que la probabilité d’être chômeur et la manière de vivre cette situation varient selon les ressources matérielles et intellectuelles des individus et leur inégale capacité, socialement constituée, à les mobiliser […] ».

35Outre la compétence sportive, dont nous avons suggéré plus haut qu’elle demeure en soi assez peu prédictive des situations de chômage, il convient de s’attarder sur l’ensemble des ressources dont disposent effectivement les joueurs de rugby. La vérité des rapports contractuels qui caractérisent les relations entre employeurs et employés sous la forme indigène du couple dirigeants de clubs / joueurs professionnels s’objective dans les énoncés souvent violents des rapports de domination exprimés par les enquêtés. Aux vertus cardinales du rugby aux prétentions humanistes sont en effet opposées les réalités d’un marché du travail dont les principales forces productives sont constituées des joueurs placés sous dépendance et que les représentations verbalisées ne démentent que très peu. Les expressions du genre « on est un peu de la barbaque » oscillent, un peu à la manière des boxeurs enquêtés par Loïc Wacquant [2003], entre cynisme et réalisme cru pour décrire des rapports de sujétion à l’œuvre dans la relation contractuelle entretenue avec les dirigeants de club. Envisagée à travers le prisme d’une certaine dépossession dans la capacité à dialoguer d’égal à égal, la réalité salariale fait ici ressurgir des déterminants cachés par le poids de la seule compétence athlétique sous l’angle de la compétence sociale à maîtriser une relation manifestement dissymétrique, compétence elle-même en liaison étroite avec le milieu social des joueurs de rugby professionnels. Si le rugby d’élite a longtemps véhiculé l’image sulfureuse de « sport de voyous pratiqué par des gentlemen », force est de constater que les joueurs touchés par le chômage dont il est ici question relèvent plus des milieux populaires et intermédiaires que des milieux socialement favorisés, que ce soit par leur origine sociale, par les titres scolaires possédés ou encore par les emplois visés au terme de leur carrière sportive (tableau 7). Nous relevons empiriquement que la structuration du marché et l’intensification de la préparation qui en découle ont considérablement renforcé le rôle des centres de formation, relativement peu compatible avec la poursuite d’études supérieures. Ce constat est le même pour le sociologue Franck Eisenberg [2007, p. 89], chargé par Provale de produire en 2007 un rapport sur la fin de carrière et la reconversion des rugbymen professionnels :

36

« […] Alors certes, les plus célèbres […], parviendront toujours à faire fructifier leur palmarès et leur notoriété. […] Mais les autres, les plus anonymes et les plus nombreux aussi, risquent de manquer cruellement de ressources et d’alternative à l’heure de la retraite sportive. »

Tableau 7

Principaux éléments biographiques des chômeurs sélectionnés pour l’analyse

Tableau 7
Joueur Âge Début de la carrière prof. Nombre de saisons avec le statut de prof. Reprise de l’activité avec le statut de prof. Nombre de clubs prof. au cours de la carrière Poste de jeu Situation maritale Titres scolaires Origine sociale Expérience vécue de la relation de travail Aspirations à moyen terme Daniel 28 2004 5 Non 4 Ailier En couple BEP Productique, Bac Pro dessin industriel Père : tourneur fraiseur. Mère : employée de mairie Je ne suis plus une priorité par rapport à d’autres joueurs, [je ne suis plus] jeune, frais, sur la pente, qui coûte pas cher et qui n’a pas été blessé. Cadre commercial Guy 31 2001 8 Non 5 Demi d’ouverture Marié CAP Charpentier, Brevet technicien encadrement de chantier ? Moi, je suis une erreur du rugby professionnel. Cadre commercial Max 25 2008 2 Non 2 3e ligne En couple Bac Pro Sciences et techniques médicosociales Père : technicien de maintenance informatique, Mère : assistante maternelle Je leur ai dit c’est du foutage de gueule, donc je me suis fait couillonner. Reçu au concours de gardien de la paix Francis 29 2002 11 Oui (en cours) 4 Talonneur Marié BEP Mécanique Père : marin Mère : employée de grande surface On est un peu de la barbaque. Bûcheron Stan 24 2007 3 Oui (une saison) 2 Centre En couple Bac Pro commerce Père : cadre informatique Mère : infirmière C’est con, mais on est à la disposition de… voilà on est des machines, on est à la disposition du club et des agents et tout ça. Éducateur sportif

Principaux éléments biographiques des chômeurs sélectionnés pour l’analyse

37Dans ce contexte de montée en puissance du droit d’entrée pour la réalisation d’une carrière relativement risquée, la désaffection relative des prétendants les mieux dotés socialement reste une hypothèse crédible. A fortiori, les joueurs au chômage que nous avons enquêtés ne contredisent pas cette présomption en rapportant fréquemment leur propre position à celle de la condition ouvrière, soit comme repoussoir (« Par rapport à ma formation, je ne me vois pas du tout retourner dans une usine à travailler, ça non ! », Stan), soit en termes d’ascension sociale (« Mais on gagne mieux qu’un ouvrier. On pointe pas à la mine tous les matins, on gagne pas 1 000 euros par mois. », Francis). Penser la condition de joueur de rugby professionnel, et son corollaire le risque de chômage, invite donc à tenir ensemble les deux faces opposées d’une même situation : d’une part, le dénuement relatif de joueurs appelés à co-contracter avec des dirigeants dans le cadre d’une relation dissymétrique exposant les plus fragiles à un exit brutal ; d’autre part, l’aspiration à se démarquer d’une condition populaire dont ils ne sont pas très éloignés et qui force tendanciellement toutes les formes d’accommodation à leur situation contractuelle afin de préserver une position somme toute avantageuse. C’est sur cette ambivalence que Stan (tableau 7) concluait l’entretien, interdisant aussi bien une lecture exclusivement misérabiliste que complaisante de son propre sort :

38

« On est un produit, mais c’est pour notre bonheur aussi. On a une qualité de vie et une chance de vivre ça qui est… qui rend heureux, quoi. Quand je vois que je me fais 1 400 euros nets à m’entraîner 35 heures ou même 38 heures dans le mois ! Alors qu’il y en a qui se font 1 200 en travaillant 35 heures dans la semaine et qui se lèvent à 6 heures. Voilà, moi, je me lève pour aller jouer au rugby. J’ai énormément de chance, je dis. Mais après c’est aussi… C’est aussi dur, quoi, pour y arriver, il ne faut pas l’oublier. Parce qu’il y a beaucoup de gens, ils me disent “tu ne fous rien, moi je me lève à 6 heures.” Alors je dis “oui, ok, mais fais-le alors, fais-le si c’est facile quoi”. Aujourd’hui, j’ai 23 ans, j’ai déjà deux vis, une vis dans chaque épaule… avec le rugby, je ne sais pas comment je vais être à 40 ans… »

39Les ressources dont disposent les joueurs pour faire face au chômage ne s’apprécient pas seulement à l’aune de l’objectivation du positionnement social et des titres scolaires, elles s’alimentent aussi dans la capacité de l’entourage familial à apporter les soutiens matériels et affectifs indispensables à leur équilibre [Schnapper, 1981]. La pratique du rugby en professionnel implique régulièrement, par la mobilité géographique qu’elle impose, des formes de déracinement précoce vis-à-vis du cadre familial [Castel, 1991]. Tant qu’ils se trouvent pris dans la dynamique de la compétition et du succès professionnel, les joueurs surmontent plutôt aisément la mise à distance de ce cadre de référence. Mais son manque rejaillit presque systématiquement aux premières difficultés, plus particulièrement dans les cas de blessures graves, et aussi de chômage, qui produisent une désocialisation brutale vis-à-vis du collectif de travail en club et font apparaître en creux l’absence de soutien affectif dû à l’éloignement familial. Beaucoup témoignent alors d’un retour en famille dans ces moments difficiles pour restaurer des liens négligés en période de compétition. Ce peut être alors l’occasion, comme dans le cas de Max (tableau 7), de revisiter intégralement ses aspirations et définir un projet professionnel présentant des perspectives plus sûres en termes de carrière. Après un déménagement précoce pour rejoindre un club d’élite (« je vivais là-bas, j’avais mon appartement qui était financé par le club, j’avais mon contrat, je rentrais le week-end de temps en temps ici pour voir mes parents, la famille, mes amis quand je pouvais »), l’échec de sa professionnalisation l’incite en effet à un retour chez ses parents dans un contexte suffisamment rassurant pour dédramatiser la situation et se réorienter vers le concours de gardien de la paix qu’il obtiendra avec succès.

40Le rôle du cadre familial n’est pas neutre dans le contexte d’insécurité réelle dans laquelle se trouvent régulièrement placés les joueurs professionnels. Potentiellement tenu à distance par la nature même du marché du travail rugbystique, son rôle stabilisateur entre en effet en tension avec les exigences de la professionnalisation. Bien que souvent placé en spectateur d’une carrière qui lui échappe, l’entourage familial se présente comme la dernière instance de socialisation, la ressource de dernier recours pour atténuer les effets parfois néfastes du marché.

41Lorsqu’ils sont issus de milieu populaire, et parfois installés dans des contextes d’isolement tangible, il apparaît que les joueurs en situation de chômage ne se trouvent pas placés dans des conditions favorables pour conduire une négociation équilibrée de la prolongation de leur contrat de travail ou bien de la signature d’un nouveau contrat avec les dirigeants d’un autre club. Il semble alors que ces difficultés soient tout à la fois la cause et la conséquence d’une socialisation rendue complexe dans le milieu du rugby professionnel.

5.2 – Des facteurs de désocialisation convergeant vers une situation de chômage

42Compte tenu de son ampleur relativement modérée, on peut interpréter l’apparition de ce type chômage comme la résultante du processus de réallocation permanente du travail et des contrats afférents, c’est-à-dire comme une forme de chômage purement frictionnel [Demazière, (1995) 2006] produit par la logique de mobilité des joueurs d’un club à l’autre pendant la période de transferts. Mais ce qui apparaît significatif dans les conditions conduisant ces joueurs à la situation de chômage, ce sont leurs difficultés à s’adapter à cette logique de mobilité. Imposée et subie, elle conduit à une rupture du lien quasi organique selon la formule durkheimienne avec le club, ce qui altère la position sociale de ces joueurs en remettant en cause leur place et leur utilité dans le groupe des joueurs au travail. Par ailleurs, soumis à la pression de contrat de travail de courte durée (souvent deux ans) dans un milieu où le chômage est récent, les joueurs ne disposent pas de toutes les ressources pour se prémunir face à cette période de fin de contrat et pour se projeter efficacement vers d’autres espaces d’emplois.

43Le parcours biographique de ces joueurs montre un processus progressif de désocialisation les conduisant à une disqualification rugbystique. En effet, ces joueurs cumulent tout un ensemble de handicaps les rendant de plus en plus vulnérables face à l’incertitude du marché du travail [Paugam, 2006]. La blessure suivie d’une interruption significative de l’activité sportive (au minimum trois mois d’arrêt) apparaît comme un des premiers facteurs de vulnérabilité en isolant pour un temps le joueur d’une participation effective et directe à l’activité rugbystique. Aussi, le retour à la compétition s’avère-t-il d’autant plus compliqué que les temps de jeu raccourcis ne leur permettent pas de se valoriser efficacement pour faire valoir à nouveau leurs capacités sur le marché du travail.

44L’incapacité à mobiliser des moyens de résistance dans des situations de vulnérabilité se traduit également par la difficulté à mettre en place des stratégies de participations informelles aux échanges du marché rugbystique pour éviter cette disqualification rugbystique et rester visible dans le milieu. L’annonce du non-renouvellement de contrat au milieu de la deuxième saison est une période déterminante dans la capacité du joueur à préserver ou non sa capacité d’emploi. Cumulant l’absence d’agents sportifs opérationnels [19], l’éloignement du milieu familial et l’accès à un réseau sportif limité, ces joueurs ne parviennent pas toujours à rompre le processus d’isolement progressif. Contrairement à ceux bénéficiant d’une renommée nationale ou internationale, ils n’ont pas pu se construire un réseau suffisamment riche pour s’ouvrir vers l’extérieur et profiter des ressources liées à un marché parallèle informel qui fonctionne par cooptation et par bouche-à-oreille.

45

« Parce que si du fait d’être reconnu au sein du club, peut-être qu’il y a des gens qui après en parlent à droite à gauche, et tout se fait un petit peu par bouche-à-oreille on va dire. Il suffit qu’il sente que le joueur a du potentiel ou qu’il sente que c’est bloqué au sein du club, qu’il connaisse quelqu’un, ça en parle, et là, ils en reparlent dans d’autres clubs aux entraîneurs ou autres [20]. »

46Quand les joueurs arrivent à mobiliser leur réseau social en s’appuyant sur les anciens partenaires des précédents clubs, ils exploitent personnellement les opportunités offertes sans se servir des intermédiaires habituellement institués et échappent partiellement à l’isolement.

47

« C’est pas mon agent qui a trouvé, c’est moi qui me suis déplacé, c’est moi qui ai fait la démarche d’aller voir un match, d’aller voir à la fin du match les entraîneurs, leur proposer mes services, leur dire voilà […] [21]. »

48À l’inverse, lorsque ces joueurs n’ont pas un réseau suffisamment efficace et élargi, ils deviennent « comme un inconnu, passé de suite à l’oubliette » [22]. Cette situation d’anonymat accentue les difficultés à communiquer aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du club et réduit de ce fait leur visibilité dans les moments cruciaux qui précèdent la période de mutations.

49La perte de visibilité est d’autant plus forte que les clubs n’assument pas leur part de responsabilité et ne fournissent aucun moyen pour aider les joueurs à appréhender la période de fin de contrat. En effet, les dirigeants ont plutôt tendance à se décharger progressivement de leur mission de protection élémentaire de leur « futur ex-joueur », pourtant toujours membre de la communauté. La solidarité construite au début de contrat se désagrège en réduisant au minimum les échanges sociaux avec les autres joueurs, les poussant alors progressivement dans des situations d’isolement ou de désaffiliation [Castel, 1993]. C’est ici que le relatif déficit scolaire et culturel de ces joueurs peut expliquer leurs difficultés à mobiliser des ressources efficaces pour rompre l’isolement en maintenant une socialisation rugbystique minimale.

6 – Conclusion

50L’analyse des parcours de joueurs semble donc indiquer que leur situation de chômeurs pourrait notamment s’expliquer par un processus de désocialisation progressif les conduisant à un isolement sportif. Face aux situations de vulnérabilité liées aux blessures, aux fins de contrat, à la concurrence sportive, ces joueurs ne possèdent pas tous les ressources sociales pour affronter ces périodes d’instabilité et de perte d’emploi. Ils rentrent manifestement dans des situations d’isolement entraînant un processus progressif de disqualification sociale et sportive où le moindre accident biographique semble se payer par un effet de rémanence invisible qui fait ressurgir les affres de débuts de carrière sinon chaotiques du moins hésitants et éloignés des formes les plus consacrées d’accès aux clubs d’élite. Dans ce contexte, les joueurs déjà fragilisés par la perte d’emploi le sont d’autant plus en raison des faibles ressources dont ils disposent pour faire face. Plutôt issus de milieux populaires et intermédiaires, dotés de titres scolaires faiblement légitimes, et parfois tenus à distance de leur entourage familial, les conditions d’une indignation collective pour faire prendre en considération leurs difficultés par les dirigeants et peser sur leurs conditions d’embauche semblent encore loin d’être réunies.

Notes

  • [1]
    En l’état des connaissances disponibles sur la question, nous précisons aux lecteurs qu’il s’agit de notes provisoires sur le marché du travail des rugbymen professionnels français.
  • [2]
    Consultable en ligne :
    http://www.rugbyrama.fr/rugby/top-14/2010-2011/pros-46-chomeurs_sto2399863/flashnews.shtml.
  • [3]
    On compte 1 050 emplois disponibles sur les deux divisions professionnelles.
  • [4]
    Outre la formation du syndicat national des joueurs de rugby en 1998, devenu Provale en 2001, on se bornera à rappeler ici le rôle de l’État sous la forme de l’attribution du monopole de l’activité rugbystique à la FFR (Fédération française de rugby) qui délègue la gestion du secteur professionnel à la LNR (Ligue nationale de rugby).
  • [5]
    Entretien du 20 septembre 2010.
  • [6]
    Désigne les joueurs d’élite déclarés à la recherche d’un contrat avec un club professionnel à la fin de la période de mutations fixée par la LNR qui clôture chaque saison rugbystique. Jusqu’en 2010, une liste des joueurs placés dans cette situation était officiellement communiquée sous les termes génériques de Liste des chômeurs du rugby professionnel.
  • [7]
    Le TOP 14 et la Pro D2 correspondent au championnat rugbystique disputé annuellement par l’élite des clubs français et organisé en deux divisions. Le Top 14 constitue la 1re division de cette élite avec 14 clubs, la Pro D2 représente la 2e division avec 16 clubs. Chaque année, les deux derniers clubs du Top 14 descendent dans la division inférieure et sont remplacés par les deux premiers de Pro D2.
  • [8]
  • [9]
    L’élite amateur correspond au championnat de Fédérale 1 situé juste en dessous des divisions professionnelles.
  • [10]
    Une illustration typique de ce genre d’analyse est consultable sur le site de presse sportive Sport.fr à l’adresse suivante : http://www.sport.fr/rugby/Top-14-60-chomeurs-dans-le-rugby-francais-160850.shtm.
  • [11]
    Entretien du 20 septembre 2010.
  • [12]
    Entretien du 28 avril 2010.
  • [13]
    Entretien du 7 octobre 2010.
  • [14]
    Entretien du 28 avril 2011.
  • [15]
    Toutes proportions gardées, Julien Bertrand [2012, p. 142] objective des phénomènes analogues dans le football professionnel.
  • [16]
    Afin de préserver l’anonymat des enquêtés, les prénoms des joueurs ainsi que le nom des clubs sont fictifs.
  • [17]
    Entretien du 28 avril 2010.
  • [18]
    Entretien du 29 avril 2010.
  • [19]
    Si ces joueurs sont sous contrat avec un agent sportif, ils ne sont pas pour autant sur la liste prioritaire de ces derniers dans les transactions avec les clubs. Ils font partie d’une liste secondaire présentée le cas échéant en fonction des discussions et opportunités avec les dirigeants de club.
  • [20]
    Entretien du 28 avril 2010.
  • [21]
    Entretien du 2 mai 2011.
  • [22]
    Entretien du 2 mai 2011.
Français

L’ouverture officielle du rugby d’élite au professionnalisme (1996) se traduit, en France, par la formalisation d’un marché du travail et l’émergence de contrats de courte durée favorisant la mobilité des joueurs. Ce contexte conduit ceux qui ne parviennent pas à renouveler leur contrat à se déclarer « chômeurs ». Ces notes proposent d’explorer les déterminants sociaux de ces situations de chômage et formulent des premières hypothèses d’explication en postulant un réel ancrage populaire des joueurs atteints ainsi qu’un processus de désocialisation qui les tient éloignés du marché du travail.

Mots-clés

  • chômage
  • rugby professionnel
  • marché du travail
  • sociologie du sport
  • milieux populaires

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Sébastien Fleuriel
CLERSÉ, Université Lille 1
sebastien.fleuriel@univ-lille1.fr
Joris Vincent
ER3S, Université de Lille 2
joris.vincent@univ-lille2.fr
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Mis en ligne sur Cairn.info le 30/05/2014
https://doi.org/10.3917/rfse.013.0151
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