CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1Pour la lecture régulationniste en sociologie, que l’on associe dans ses fondements à la Théorie de la régulation sociale (TRS) de J.-D. Reynaud et à l’Analyse stratégique des organisations (ASO) de M. Crozier et E. Friedberg, les marchés sont organisés. Pour les auteurs de cette lecture, se saisir des fonctionnements des marchés réels nécessite donc de prendre la mesure de ce caractère organisé ou régulé. Il reste néanmoins, notamment pour la TRS, que l’attention s’est plus portée sur les organisations et les relations sociales que sur les marchés, ce dont témoigneraient aisément les ouvrages de référence. Notre intérêt pour la lecture régulationniste directement inspirée de la TRS nous conduit à vouloir en préciser et développer l’application au marché.

2Comme nous allons le voir, les volontés de privilégier l’approvisionnement biologique et local en matière de restauration collective se heurtent, au-delà des initiatives qu’il s’agit d’engager, au caractère problématique de l’organisation de la mise en relation de l’offre et la demande. Il apparaît rapidement que c’est la dimension locale plus que le caractère biologique qui pose problème. Les protagonistes du local se heurtent à des difficultés qui leur font prendre la mesure des fonctions et des tâches de rapprochement de l’offre et de la demande qu’assure la distribution.

3Mais aborder ces questions dans le cadre régulationniste annoncé ne va pas de soi, et l’on dispose de peu de travaux théoriques et empiriques de référence [2]. L’objectif de ce papier est de montrer l’intérêt d’une telle lecture théorique appliquée aux marchés compris comme rencontre d’activités de régulation. On constatera que les volontés de rapprocher l’offre et la demande locales recouvrent des expérimentations multiples qui témoignent de ce que la maîtrise de l’organisation du marché peut aussi se comprendre comme un projet politique.

4Nous construirons notre propos en présentant le cadre théorique régulationniste, dans ses fondements généraux (2), puis dans son application au marché qui dévoile les difficultés de mise en relation de l’offre et de la demande sur le terrain de l’approvisionnement de la restauration collective publique (3). Comme nous le verrons, ces difficultés constituent le contexte dans lequel apparaissent les initiatives et les expérimentations entre le recours à l’intermédiation traditionnelle et la rencontre directe et co-construite entre les acteurs de l’offre et de la demande locales (4). Les volontés de (re)localiser le marché se comprennent alors comme des activités de régulation qui manifestent le souhait de s’affranchir des formes actuelles de la régulation de contrôle du marché (5). Il apparaît enfin que le souhait de recourir au local recouvre un véritable projet politique pour les parties prenantes d’une économie de proximité (6).

2 – De quelle lecture régulationniste parle-t-on ?

5Le cadre théorique retenu à titre principal est celui de la Théorie de la régulation sociale (TRS) de J.-D. Reynaud [1997], rapprochée ici de l’Analyse stratégique des organisations (ASO) de M. Crozier et E. Friedberg [Crozier et Friedberg, 1977 ; Friedberg, 1993]. La première se présente comme une théorie ouverte, réceptacle, dont l’auteur affirme depuis toujours son souhait de travailler à une problématique d’accueil qui fait son intérêt pour beaucoup de chercheurs (cf. par exemple : Terssac [2003b, p. 13]). La seconde affirme clairement sa posture heuristique et interventionniste : l’analyse stratégique est tout entière dans sa méthode, nous dit E. Friedberg [1994] [3].

6Cette différence de positionnement et d’orientation nous paraît marquante, mais, sur l’essentiel des facettes épistémologiques, méthodologiques et théoriques, ces deux sociologies peuvent être rapprochées eu égard à ce qui les distingue d’autres lectures, l’économie orthodoxe par exemple. D’ailleurs, leurs auteurs ne revendiquent pas des différences qui les éloigneraient fondamentalement. L’enjeu du débat engagé avec des efforts de théorisation éloignés nous semble ainsi prévaloir sur l’instruction des écarts entre ces deux sociologies.

7Nous retenons l’expression de régulation sociale et partant de TRS, directement en lien avec le travail de J.-D. Reynaud, car cette appellation, qui dans notre esprit fait toute sa place à l’ASO, permet une identification relativement claire, notamment en France. Son souci du dialogue avec les autres lectures théoriques de l’action lui confère un positionnement et une appellation correctement perçus, même si le terme de régulation se traduit difficilement (en anglais notamment) et pose toujours quelques problèmes. La régulation sociale au sens de la TRS se distingue de la régulation au sens de la cybernétique, tout comme de la régulation de nature macroéconomique avancée par les théoriciens de la régulation en économie [cf. Boyer et Saillard, 1995]. Il s’agit d’une régulation de nature plutôt microsociale, nourrie d’individualisme méthodologique. Mais il demeure que l’articulation des niveaux d’analyse constitue une perspective de recherche stimulante et directement contributive. En témoigne le souci de se saisir des conflits sur la règle et des conflits de règles entre niveaux, par exemple entre régulation globale (expression du pouvoir politique et du droit notamment) et régulation locale ou autonome produite par les groupes sociaux [Groux, 2003]. En témoigne aussi le souci d’auteurs, sur des terrains et des problématiques proches des nôtres, de penser les régulations locales ou territoriales [Benko et Lipietz, 2002 ; Gilly et Pecqueur, 2002].

8Il apparaîtra aussi à chacun que des liens pourraient être établis avec des lectures qui s’inscrivent dans le dépassement du dualisme acteur-système ou qui portent leur attention sur la construction de l’action collective. Ainsi en est-il, par exemple, de la théorie de l’acteur-réseau qui s’ancre complètement dans le dépassement du dualisme acteur-système au point d’en récuser la pertinence même [Latour, 2005]. Ces lectures sont nombreuses et principalement rattachées à la sociologie [Amblard et al., 2005] et notamment au champ de la sociologie économique [Steiner et Vatin, 2009]. Nous n’aurons pas ici le souci d’établir des ponts avec ces diverses approches dans notre objectif d’affirmer la lecture régulationniste retenue. Cet objectif tient au fait que nous pensons que la TRS est plus à même d’engager le débat avec la science économique à travers le maniement des notions de règle et de régulation, ce que semble d’ailleurs manifester sa mobilisation par les auteurs hétérodoxes [Favereau, 2003 ; Postel, 2003 ; Postel et Sobel, 2006] [4], par exemple.

9Nous retiendrons trois entrées pour poser les fondements de la TRS : la compréhension de la rationalité reconnue aux acteurs, la question de l’action collective que la TRS met en son cœur, enfin l’idée-force que toute régulation se comprend comme rencontre de régulations [5].

10La rationalité élargie [6] attribuée aux acteurs (individuels et collectifs sous certaines conditions d’unité de décision et d’action) s’exprime dans l’action. Elle mêle les multiples arguments de l’agir – affects, savoirs, valeurs, intérêts, calculs… –, dans les bonnes raisons [7] que les acteurs ont de faire ce qu’ils font. C’est une rationalité subjective située, qui se comprend ainsi comme une attention – en fonction de quelque projet – et une interdépendance aux acteurs, aux facteurs et aux dispositifs du contexte, notamment les dispositifs techniques [8]. Cette compréhension exclut toute attribution a priori de comportements, conformément à la récusation du dualisme acteur-système ou l’affirmation de son corollaire, le façonnement conjoint de l’acteur et du contexte [Thévenot, 2006]. Elle repousse les explications causales ou déterministes pour s’attacher, conformément à la position de M. Weber, au sens de l’action [9], donc aux valeurs, aux idées et aux intérêts [Kalberg, 2010] qui s’expriment en contexte, ce qui n’exclut donc pas de prendre en compte ce qui contraint l’action parfois fortement. Si l’on ajoute que les acteurs sont capables d’invention, on peut considérer qu’un agir créatif est en jeu dans une posture englobante eu égard à l’agir axiologique et instrumental [Joas, 1999]. Avec J.-P. Boutinet [1990], nous sommes enclin à attribuer aux acteurs un agir projectif [10], existentiel et opératoire, qui ajoute la prise en compte explicite du temps aux arguments que nous venons d’évoquer [11].

11La TRS s’intéresse à l’action collective ou sociale [12], de l’entreprise aux marchés considérés comme organisés, une telle expression ne renvoyant pas à un état ou un équilibre, mais à une dynamique de régulation. L’entrée par l’activité de régulation, qui constitue le corollaire de la récusation du dualisme acteur-système, s’impose à l’analyste, car c’est la régulation qui fait la règle. Les phénomènes d’interprétation, d’adaptation et de négociation en sont constitutifs. Prenant acte que la régulation suppose d’inventer des règles et de les faire vivre, on retiendra que la TRS se donne pour objet les efforts de conception et de régulation de l’action collective [13], déployés par les acteurs [14]. Elle se doit alors de faire une place centrale à la constitution des acteurs collectifs à travers les règles qu’ils se reconnaissent, qu’ils inventent et qu’ils font vivre [Desreumaux et Bréchet, 2009], avec ce que cela comporte d’incertitudes de coopération, de coordination et d’aboutissement, sans oublier la grande variété des formes d’action collective. Il faut ajouter que les systèmes sociaux, particulièrement ceux qui recouvrent une pluralité d’acteurs collectifs, voient aussi sans cesse naître en leur sein, par différenciation, donc par affirmation de règles propres, des acteurs collectifs qui affirment une autonomie et participent alors des régulations d’ensemble.

12Toute régulation se comprend comme rencontre de régulations. Dit autrement, tout système social, de l’entreprise au marché, se comprend comme l’expression de dynamiques de régulations enchevêtrées. Celles-ci sont le fait d’acteurs qui prennent des initiatives et nourrissent des prétentions à la régulation. Dans les contextes d’entreprise et de travail prescrit, la rencontre des régulations de contrôle et autonome [15] produit une régulation que l’on peut qualifier de conjointe. On pourrait considérer le qualificatif de mixte [16] comme plus neutre que celui de conjoint, car, de fait, la rencontre de régulations peut conduire à un partage du territoire et l’on parle avec la TRS de régulation commune, mais non conjointe, réservant cette expression à la reconnaissance d’une négociation productrice de métarègles négociées et acceptées par les acteurs [Lichtenberger, 2003]. Au cœur de la rencontre des régulations, se jouent des négociations, du pouvoir ou des échanges négociés de comportements dirait l’ASO, des règles dirait la TRS en soulignant que l’exercice du pouvoir va toujours de pair avec la recherche d’une légitimité [Reynaud, 2003b]. Ce ne sont pas seulement des intérêts immédiats, notamment liés à un échange de biens, qui s’affrontent, mais bien des prétentions à la maîtrise des règles. L’échange social est un échange de règles qui se comprend aussi comme établissement de règles par l’échange.

13Comme nous allons le voir, ces diverses facettes de la TRS, pour abstraite qu’en soit la présentation à ce stade, vont nourrir la compréhension de notre terrain.

3 – Le marché comme rencontre de régulations : les défis de la relocalisation des approvisionnements

14Aborder le marché à travers une lecture régulationniste, c’est d’abord prendre en considération qu’une rencontre d’activités de régulation est en jeu. Le marché avant d’être un échange de biens met en jeu des régulations multiples et entremêlées [Le Velly et Bréchet, 2011]. Comme nous le verrons par la suite, les acteurs qui souhaitent « prendre la main » et revendiquent la « co-détermination » d’une politique ou d’une régulation, en l’occurrence celle de la production et des échanges marchands dans l’univers agro-alimentaire à l’échelle locale, s’y trouveront directement confrontés. Mais de quelle rencontre de régulations parle-t-on ? Sans prétendre à l’exhaustivité, nous allons chercher à en saisir les facettes plurielles et imbriquées pour comprendre pourquoi les volontés de s’extraire des régulations englobantes et de privilégier l’ancrage territorial ne vont pas de soi. Le terrain de la restauration collective publique avec les nombreuses initiatives visant à privilégier les produits issus de l’agriculture biologique et locale dans les approvisionnements va nous servir d’illustration (cf. encadré 1) [17].

Encadré 1. Le terrain étudié

L’exploration du terrain s’est faite sur la base de plusieurs enquêtes menées par les chercheurs du projet de recherche LiProCo (Liens Producteurs Consommateurs) en Bretagne et Pays de la Loire. Ce programme de recherche inter-régional et pluridisciplinaire « Pour et Sur le Développement Régional dans le Grand Ouest » (noté PSDR GO) a été lancé par l’Inra et le Cemagref sur la période 2008-2011, en partenariat avec les régions Basse-Normandie, Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes. Sur les Pays de la Loire, des chercheurs ont suivi pendant plus d’un an les travaux d’un groupe de travail – RGO (Réseau Grand Ouest Commande Publique et Développement Durable) – composé d’une trentaine de techniciens de collectivités territoriales, dont la mission était d’explorer les possibles en matière d’approvisionnement biologique et/ou local. Ont aussi été étudiées de manière approfondie les conditions concrètes d’approvisionnement en produits locaux de différentes collectivités territoriales, de taille importante (Brest, Angers et Nantes, dont les cuisines centrales fournissent en période scolaire respectivement 6 000, 7 000 et 12 000 repas), parfois plus petites (Langouët en Ille-et-Vilaine, Bouvron en Loire-Atlantique, chacune une centaine de repas). Un certain nombre d’expériences ont aussi été suivies, par exemple l’introduction de poulets fermiers à la cuisine centrale de Nantes. En tout, les cuisines du RGO représentent plus de 400 000 repas par jour. L’enjeu était alors de décrire les circuits mis en place pour cet approvisionnement et les engagements des différentes parties prenantes associées. Ce travail d’exploration et de restitution des expériences a été pour une part importante réalisée lors de stages et fait l’objet d’un certain nombre de restitutions [cf. Le Velly et al., 2010 ; Le Velly et Bréchet, 2011]. C’est ce travail que nous exploitons ici dans la globalité des réflexions qu’il suggère, mais dans le contexte de la confrontation au terrain menée en Pays de la Loire.

15Comprendre le marché comme rencontre d’activités de régulation invite à pointer la multiplicité des acteurs et des niveaux d’analyse, des régulations et des dispositifs qu’ils font vivre, et partant des incertitudes mêlées de la situation :

  • multiplicité d’acteurs aux profils très variés par catégorie : producteurs, distributeurs, acteurs publics, acteurs du monde associatif ou du monde politique, acteurs médiateurs créés spécifiquement (du type RGO, cf. encadré ci-dessus)… ;
  • pluralité de niveaux d’analyse : micro (producteur, transformateur, cuisine centrale…), méso (filières, villes, départements…), macro (Europe, État, régulations économiques d’ensemble…) ;
  • diversité de dispositifs et d’actions : règles et codes privés ou publics encadrant les échanges ; modalités de production, de transformation, de commercialisation ; rencontres et manifestations diverses, groupes de travail, rapports et études… ;
  • incertitudes et contraintes plurielles, évolutives et mêlées qu’elles tiennent aux facteurs (offre, demande, technologie…) ou aux acteurs (incertitudes comportementales, méconnaissance…).
Il ne saurait être question d’envisager une démarche analytique et exhaustive, vraisemblablement impossible, et qui rendrait sans doute mal compte des interdépendances des phénomènes étudiés. Nous allons donc privilégier un certain nombre d’observations, en envisageant successivement l’offre, la demande et l’intermédiation.

16L’achat de produits de l’agriculture biologique (AB) dans la restauration collective publique s’est développé à la suite des crises sanitaires des années 1990. Depuis le milieu des années 2000, cette préoccupation s’est couplée avec celle d’un approvisionnement local, à tel point que l’origine locale des produits prend parfois le pas sur celle du biologique. Il ne manque pas d’acteurs, parmi les élus et techniciens de collectivités territoriales ou dans le monde agricole, pour considérer peu cohérent que les produits biologiques proviennent de l’autre bout de l’Europe ou du monde. De fait, nous y reviendrons, c’est bien le recours au local qui perturbe particulièrement les régulations existantes qui ne sont pas organisées localement (à l’échelle d’un département ou d’une région par exemple). La problématique de l’approvisionnement biologique dans la restauration collective rejoint donc celle des circuits courts et/ou locaux. Mais on doit aussitôt observer que certains circuits locaux sont plus ou moins courts selon le nombre d’intermédiaires qu’ils recouvrent, de la transformation ou de la logistique par exemple. Ce qui conduit certains acteurs du local à préférer parler de la perspective d’une économie de proximité plus que de circuits courts, ou bien encore à employer, de plus en fréquemment, l’expression de « circuits courts de proximité ».

17À propos de l’offre, il convient de souligner qu’il n’est pas sûr que l’offre locale permette de satisfaire la demande locale. Une première raison a trait aux caractéristiques du territoire et aux cultures ou élevages pratiqués. Mais l’exigence locale peut aussi poser problème, quand bien même l’offre locale existerait. Ainsi, au commencement de l’expérience brestoise que nous évoquerons par la suite [18], il existait une production de légumes biologiques abondante dans le nord du Finistère (regroupée dans l’Association des producteurs de fruits et légumes biologiques de Bretagne, APFLBB), mais celle-ci était essentiellement commercialisée en circuits longs, intermédiés et lointains. Dans ce cas, les producteurs engagés en circuits courts locaux peuvent alors apparaître comme une source intéressante d’approvisionnement pour les cuisines centrales. Dans cette perspective des collectifs de producteurs de type « Manger bio » ont été créés dans plusieurs départements, sans pour autant qu’ils soient réellement en mesure de satisfaire les demandes de volumes des grandes collectivités. De plus, les agriculteurs engagés en circuits courts ne voient pas toujours l’intérêt de fournir la restauration collective alors qu’ils valorisent déjà leur production en vente directe aux consommateurs. Ils redoutent aussi parfois d’investir dans des productions sans l’assurance d’une certaine pérennité des engagements des collectivités.

18Pour ce qui est de la demande, notamment en provenance des cuisines centrales, les choix technologiques réalisés depuis une quinzaine d’années dans la plupart des cuisines des collectivités de taille importante représentent une contrainte forte. L’absence de personnel ou d’outils de transformation (pas de légumerie, par exemple) implique de trouver des produits prêts à l’emploi, dits de quatrième et de cinquième gamme, sauf à remettre en cause les fonctionnements existants. Comme il est rare que des agriculteurs locaux en proposent, les responsables de cuisine s’adressent aux transformateurs ou aux distributeurs, sans être alors assurés de l’origine géographique des produits. Ils peuvent aussi privilégier les approvisionnements directs en circuits courts, ce qui constitue aussi une façon d’affirmer plus nettement le souci de l’ancrage territorial. Un autre ensemble de contraintes trouve son origine dans le code des marchés publics, qui interdit l’exigence de provenance locale, jugée discriminatoire. La proximité géographique peut être un élément de preuve quant à la capacité du candidat à correctement répondre aux demandes exprimées dans l’appel d’offres (réactivité, fraîcheur…), mais elle ne peut pas être demandée en tant que telle. Toutefois, certains acteurs parviennent à privilégier le local en contournant tout ou partie des textes, voire en prenant quelques risques. Observons aussi qu’à la suite des directives communautaires de 2004, les réformes récentes du code rendent pleinement possible d’inscrire dans les appels d’offres des impératifs de développement durable [Schiesser et Cantillon, 2007].

19À propos de l’intermédiation, l’analyse des expériences que nous avons suivies pointe l’importance de la distribution et des fonctions qu’elle assure. À bien des égards, on pourrait dire, d’une formule ramassée, que « c’est la distribution qui fait le marché ». Construisant la médiation entre l’offre et la demande, elle participe à la construction de l’offre et de la demande elles-mêmes. Le mode d’organisation dominant des filières agricoles explique que les approvisionnements, au moins pour les grosses collectivités, ne proviennent pas directement d’organisations de producteurs ou d’entreprises agro-alimentaires, mais des distributeurs, tels que Pomona, Hexagro ou Eurofrais, qui s’approvisionnent à des échelles parfois régionales, mais aussi nationales et internationales. Cette modalité d’organisation constitue un réel obstacle à l’établissement de relations plus locales. On prend ensuite conscience, s’il en était besoin, que la rencontre entre l’offre et la demande se construit à travers une chaîne d’activités qui recouvre l’ensemble des stades interdépendants de production, transformation, distribution qui vont de la matière première à la consommation finale. Entre le producteur et l’utilisateur final se glisse un ensemble de tâches de collecte, de logistique, de transformation, de commercialisation dont la remise en cause de la distribution rappelle immédiatement l’importance. Car c’est bien la distribution qui joue un rôle charnière dans la sélection et la rencontre de l’offre et de la demande de produits alimentaires à travers les choix qu’elle opère ou favorise (de producteurs, de transformateurs, etc.), et les échanges qu’elle organise entre les acteurs de la chaîne de valorisation. Cette intermédiation d’ensemble se trouve ici directement concernée par les projets envisagés de recours au local.

20On ajoutera à cette présentation que, sous des formes diverses, parents (via des associations et des interventions), collectivités et élus (par des initiatives et des soutiens), enfants ou consommateurs des repas produits, nutritionnistes, etc., interviennent aussi dans les régulations. Le monde agricole que nous avons simplement évoqué se montre aussi pluriel, représenté par des chambres consulaires, des associations de développement, des syndicats et des élus plus ou moins actifs.

21Dans un contexte de contingences multiples – présence ou non de producteurs et de production, taille des collectivités et partant de la cuisine centrale, technologies des cuisines, mode d’organisation des circuits d’approvisionnement autour du rôle central de la distribution, etc.–, la rencontre de régulations est bien celle d’une pluralité de sources de régulations : pluralité d’acteurs et d’univers d’acteurs, pluralité de niveaux d’analyse, pluralité de dispositifs et de modes d’action. Au cœur de cette régulation composite, productrice d’inerties et d’émergences ou d’effets de système, on retrouve des incertitudes imbriquées et évolutives, conditions et en même temps résultats des jeux d’acteurs, expression de la volonté des uns et des autres de peser sur la régulation d’ensemble et sur les facettes des régulations qui les concernent.

22Finalement, les modes de structuration des circuits d’approvisionnement, le manque de connaissance et de confiance entre les acteurs de l’offre et de la demande, expliquent bien, nous semble-t-il, les difficultés des circuits courts et du recours à l’approvisionnement local. Selon des termes que nous avons souvent entendus : « sur ce dossier, tout le monde s’attend… ». Du côté des cuisines centrales, on attend des producteurs des capacités à satisfaire les demandes dans une relative ignorance de leurs possibilités et de leurs contraintes. Du côté des producteurs, on aimerait de la part de la restauration collective publique des engagements fermes et une visibilité élargie à moyen et long terme pour investir et s’investir. Non seulement les circuits de transformation et de commercialisation restent souvent à construire à l’échelle locale, mais leur élaboration requiert un engagement de part et d’autre qui ne va pas de soi. On comprend alors pourquoi, dans les projets d’approvisionnement bio et local, c’est bien la dimension locale qui pose problème [19].

4 – Un foisonnement d’initiatives : entre recours à l’intermédiation de la distribution existante et co-construction de relations de vente directe

23Sur les terrains étudiés, les projets de relocalisation des approvisionnements de la restauration collective se sont manifestés par des initiatives et des expériences multiples qui composent avec deux grandes logiques : celle d’une adaptation de l’intermédiation existante réalisée par la distribution, celle d’une co-construction de relation de vente directe entre producteurs et acteurs de la restauration.

24Dans un premier cas que nous avons étudié [Le Velly et Bréchet, 2011], à Brest, les responsables de l’approvisionnement de la cuisine centrale se sont engagés dans la relocalisation des flux de produits en constituant une chaîne d’approvisionnement recouvrant le travail de nombreux intermédiaires. À la suite d’une concertation pilotée par la MAB 29 (Maison de l’agriculture biologique), il a été établi en 2007 un circuit d’approvisionnement associant un collectif de producteurs de fruits et légumes du nord du département (APFLBB), un expéditeur qui collecte les produits bruts aux portes des exploitations et opère leur agréage et calibrage, un transformateur qui se charge d’éplucher, laver et ébouter les légumes, un distributeur qui gère les commandes et assure les livraisons à la cuisine centrale et enfin une grande entreprise de restauration [20]. Par exemple encore, lorsque la cuisine de Langouët passe une commande au GIE Manger Bio 35, celle-ci est répartie entre les différents agriculteurs du groupement. Certains d’entre eux apportent alors leurs produits directement à la cuisine de Langouët, d’autres les déposent à la plate-forme logistique de Biocoop Distribution qui en assurera la livraison à la cuisine, en même temps que d’autres produits, locaux ou non. Ces deux exemples, que l’on pourrait multiplier, montrent que les produits locaux qui arrivent dans une cuisine centrale sont souvent issus d’une combinaison hétérogène de médiations.

25Le souci de s’extraire des régulations de marché prend aussi, pour beaucoup de militants, la forme du refus d’une intermédiation entre l’offre et la demande. Nombre d’acteurs de la restauration désirent ainsi trouver des solutions en partenariat avec des producteurs qui, eux-mêmes, souhaitent établir des relations de vente directe avec des collectivités. Parfois, leur identification dans un annuaire géré par des structures comme Manger Bio leur permet d’obtenir de nouveaux contacts. À Nantes, récemment, une expérience a été tentée de servir du poulet fermier, à la suite d’une rencontre entre le directeur de la cuisine centrale et un responsable de CAP44 (émanation de la Confédération paysanne en Loire-Atlantique). Elle a nécessité la planification de l’élevage d’une cohorte de poulets, posé le problème de la préparation et de la découpe des volailles, celui aussi de la recette et de la cuisson pour garantir une tendreté homogène. Finalement, cette expérience, riche d’enseignements sur divers plans, a mis en évidence des surcoûts importants et la contradiction forte entre le mode de fonctionnement industriel de la cuisine et les modes de production fermiers ou artisanaux, peu, voire pas industrialisés, des éleveurs. On mesure que le souci de s’extraire des régulations dominantes du marché qui prend, pour beaucoup d’acteurs militants du local, la forme du refus du recours à la distribution traditionnelle, pose la question des diverses fonctions de transformation assurées traditionnellement par cette dernière.

26Pour conclure sur ces expériences, on voit que certains acteurs trouvent des solutions en s’appuyant sur l’intermédiation en place. On peut alors parler d’adaptation dans le cadre intermédié existant, soulignant ainsi qu’une volonté de relocaliser les approvisionnements n’exclut pas le recours aux acteurs actuels de l’intermédiation. Mais la logique de co-construction entre producteurs et consommateurs de solutions d’échanges non intermédiés est aussi présente et même privilégiée par certaines collectivités. Elle conduit à l’éviction des acteurs de la distribution au profit de contacts directs entre les cuisines et les producteurs. Elle bute alors, le plus souvent, sur la capacité des protagonistes de ces rapprochements directs de prendre en charge certaines tâches de transformation sans oublier les aspects de coordination. Du point de vue de la lecture régulationniste, ces expériences témoignent aussi des réponses singulières, contingentes, adaptées, voire bricolées, qu’apportent les acteurs du local. À bien des égards, sur les terrains étudiés, on constate, eu égard aux deux grandes logiques que nous venons de repérer, des hybridations multiples. C’est bien l’action elle-même, dit autrement l’activité de régulation, l’objet d’étude, qui témoigne des solutions trouvées, de l’expression de la rationalité située, en contexte, qui préside aux réalisations effectives.

5 – La régulation du marché comme enjeu : quête d’autonomie, prise d’initiative et travail de régulation

27Le recours à l’approvisionnement local se comprend d’abord comme l’expression d’une volonté de s’extraire des régulations marchandes dominantes. Penser le changement, c’est envisager des pratiques d’autonomisation, comprises comme la capacité à imaginer et faire vivre de nouvelles règles, plus précisément de nouvelles régulations. On retrouve les ingrédients de la problématique autonomie-contrôle, fondatrice de la TRS. Mais, à l’instar de ce que nous suggère J.-D. Reynaud [21], la problématique autonomie-contrôle issue de la TRS ne saurait s’appliquer telle quelle. La régulation mixte dans le réseau d’acteurs étudié ne met pas en jeu une hiérarchie de contrôle au sens où il s’agirait de prescriptions émanant d’un acteur qui, de par la propriété ou le mandat, aurait des prérogatives hiérarchiques ou d’autorité. Il reste néanmoins que l’inscription des acteurs dans des régulations à multiples facettes peut fort bien se comprendre comme une forme de contrôle. Pour une part, il est l’expression d’activités de régulation provenant d’acteurs qui pèsent dans les négociations et les échanges et qui, pour certains, peuvent être aussi producteurs de règles qui cadrent ces diverses négociations (cadre juridique, cahier des charges…). Mais on doit aussi prendre la mesure de la nature systémique de cette rencontre de régulations, qui produit des émergences ou des effets de système qui agissent comme des forces [Le Velly, 2012]. Pourtant, les contraintes et les inerties n’excluent pas les incertitudes et les possibilités irréductibles d’action des acteurs, comme en témoignent nos terrains et comme a su l’affirmer la lecture régulationniste.

28On peut alors considérer que les initiatives et les expériences témoignent de la volonté de faire prévaloir des régulations autonomes eu égard à la régulation de contrôle du marché [22]. Conformément à ce que nous suggère la TRS, ces pratiques d’autonomie supposent une capacité d’initiative, une capacité à prendre la main qui est aussi une capacité d’invention ou d’innovation. Cet aspect est essentiel sur notre terrain qui voit les régulations habituelles remises en cause sous le poids d’initiatives plurielles, innovantes à des degrés divers et provenant d’acteurs multiples. Se pose ensuite la question du rapprochement de l’offre et de la demande locales.

29Dans la situation d’intermédiation traditionnelle, les acteurs de l’offre et de la demande peuvent s’ignorer, les acteurs de l’intermédiation assurant l’interface. Les acteurs de la relocalisation ont ainsi à faire porter leurs efforts sur le comportement souhaité de la distribution. Les expériences d’approvisionnement direct confrontent à un autre cas de figure, qui nécessite des mises en relation des acteurs de l’offre et de la demande. Les divers courants théoriques qui s’intéressent aux pratiques sociales dites parfois pratiques stratégiques dans l’univers du management – strategy as practice – (théorie de l’acteur-réseau, théorie des conventions, économies de la grandeur notamment), trouvent ici un champ d’application évident. Les acteurs, en explorant ou en expérimentant, se découvrent, « réseautent », enrôlent, traduisent, trouvent des compromis provisoires, négocient, etc. Ne sont pas en jeu que des valeurs ou des conflits de référentiels, mais bien des régulations à multiples facettes dont une, bien réelle, de dispositifs marchands, de structuration de filière, de technologies diverses de production, transformation et de production des repas dans les cuisines. C’est bien l’activité de régulation, l’objet d’étude, qui témoigne des solutions originales que les protagonistes font prévaloir.

30On prend aussi la mesure du fait que des acteurs porteurs de valeurs proches (attachement au biologique et au local de façon large) trouvent, conformément aux fondements de la lecture régulationniste, des solutions singulières, contingentes au sens radical du terme. Certes, les attachements et les principes dont ils sont porteurs importent, mais ils vont en trouver diverses formes d’expression, des modalités particulières d’application qui composent à des degrés divers avec les contraintes de l’action, qui se construisent et évoluent dans l’action elle-même [Reynaud et Richebé, 2007]. Ces propos tenus à l’échelle des acteurs sont aussi valides à une échelle plus globale. La rencontre de régulations est aussi la rencontre de mondes sociaux avec leurs règles, leurs pratiques, leurs professionnalisations, sans que l’on puisse considérer ces mondes comme homogènes ni susceptibles de jouer comme des déterminismes. La pluralité des pratiques apparaît comme la manifestation des réponses originales que les acteurs trouvent face aux multiples paramètres de l’action (selon la taille des collectivités, selon les secteurs ou les produits, selon les types de cuisine, selon la présence des producteurs ou transformateurs, selon le contexte politique, selon les relations existantes entre les acteurs, etc.).

31Le rôle central de la distribution « qui fait le marché » dans la régulation marchande dominante se trouve remis en cause à des degrés divers, selon qu’elle est ou non en mesure de satisfaire aux exigences de cahiers des charges sur le plan des qualités biologiques des produits et de leur origine locale, selon aussi que son intervention est souhaitée ou récusée. Les acteurs des circuits courts ont, semble-t-il, fait leur choix : celui de s’extraire des régulations dominantes, de tourner le dos à la distribution et donc de favoriser la rencontre directe de l’offre et de la demande. Mais ce choix, pour simple qu’il soit dans son expression, n’en demeure pas moins problématique. Se substituer à la main visible de la distribution qui fait la main invisible du marché [Cochoy, 1999] suppose un projet politique, celui d’une économie de proximité.

6 – La relocalisation et la régulation du marché comme projet politique

32J.-D. Reynaud rappelle très souvent l’importance de rattacher les règles à des projets collectifs au sens large de l’expression. La constitution des acteurs collectifs autour des règles qu’ils inventent et adoptent ne peut qu’occuper une place centrale dans une lecture régulationniste. Ce dont témoigneraient aussi, en économie, des travaux s’intéressant à l’action collective, par exemple ceux de E. Ostrom [1990] qui mobilisent une lecture par le jeu des règles sur un mode très proche de la TRS. Se saisissant de cette question dans le champ des théories de l’entreprise, il a été proposé, pour les sciences de gestion, une théorie de l’entreprise fondée sur le projet de nature ontogénétique [Desreumaux et Bréchet, 2009]. Pour celle-ci, il faut faire toute sa place à la question de l’émergence des projets collectifs qui articulent nécessairement des dimensions politiques, économiques et organisationnelles. Tentons simplement ici d’illustrer ces différentes facettes des projets de relocalisation dans les liens indéfectibles qui les unissent.

33L’entrée dans la réflexion peut se faire sur la base d’une question sémantique qui s’avère de nature politique. Elle tient à la définition même de la notion de circuit court et aux perspectives d’action qu’engagent les diverses compréhensions du terme. Un dossier relativement récent du journal de la Confédération paysanne [Campagnes solidaires, n° 266, octobre 2011] donne succinctement les éléments des débats. La définition commerciale, à savoir au plus un intermédiaire, ne semble nullement satisfaisante pour nombre de protagonistes parmi les plus actifs. Pour la Confédération paysanne et ses partenaires de InPact (plate-forme associative qui accompagne le développement de l’agriculture durable), il est indispensable que la notion de circuit court intègre non seulement le mode de commercialisation, mais aussi les conditions de production (partage équitable de la valeur ajoutée, proximité géographique des produits et des opérations de transformation, qualité des produits…). La relocalisation se comprend comme une autre manière de produire, de commercialiser et de consommer. Le local se trouve indéfectiblement associé à la viabilité d’une économie de proximité qui ne s’épuise pas dans la promotion des seuls circuits courts, car les échanges locaux peuvent être intermédiés. Le glissement est ici important. L’organisation du marché ainsi comprise se révèle bien plus qu’une organisation de l’échange marchand.

34On peut approfondir la compréhension de ces projets à la fois politique, économique et organisationnel. Pour les parties prenantes multiples qu’ils impliquent, ils vont nécessiter de rompre avec les logiques existantes, de prendre la main et de mettre en place des solutions pérennes. « Il faut générer une économie équitable qui permette, notamment aux producteurs et transformateurs, de vivre dignement de leurs activités », nous disaient un responsable syndical de CAP44 [23] et des élus des collectivités dans une réunion en novembre 2011, évoquant la solution d’une économie semi-administrée pour assurer la coordination des actions entre les acteurs de cette économie territorialisée. Pour prendre un exemple, si l’on veut que des producteurs et transformateurs locaux puissent satisfaire une demande de viande pour faire du bœuf braisé, il faut leur assurer simultanément des débouchés pour les autres morceaux de viande des bêtes, en programmant par exemple des steaks hachés.

35La logique de territoire ou de relocalisation se montre aussi peu compatible avec une logique de filière strictement biologique ou dédiée à un seul animal d’abattage. Ainsi, les projets d’abattoirs de proximité sont envisagés pour satisfaire aux abattages de diverses espèces et de divers types d’agriculture. Une certaine polyvalence est requise pour des questions de dimensionnement. Les projets nécessitent aussi le soutien des acteurs publics et notamment des collectivités territoriales, car un abattoir, quel que soit son statut, ne peut supporter le coût total de l’investissement qu’il représente. Celui-ci est pris en charge pour partie par des subventions d’investissement dans le cadre des aides à l’agriculture (à l’échelle européenne et de la PAC pour les grands abattoirs industriels) ou, dans les cas que nous étudions, par les collectivités partenaires. Dans un cas, c’est une communauté de communes qui va investir et prendre en charge l’investissement de départ, dans un autre, c’est le Conseil général qui s’engage. Les arguments de ces participations sont la volonté politique de favoriser le développement du territoire, de faire en sorte de soutenir l’agriculture locale aux prises avec le développement urbain. Il faut aussi comprendre que les logiques dominantes n’offrent pas de solutions. Un projet d’abattoir de proximité a par exemple été présenté à une coopérative envisagée comme partenaire financier. L’argument avancé auprès de la coopérative portait sur le sens qu’un tel projet local pouvait (re)donner à son action. Les dirigeants de la coopérative rencontrés disent comprendre l’argumentation, la légitimité du projet pour le monde agricole local et plus largement le territoire dans son ensemble, mais la logique gestionnaire qui est la leur les conduit à fermer les petits abattoirs et à procéder aux regroupements sur de très grosses structures. Quand bien même la proximité serait-elle porteuse de sens, elle représente une telle rupture de la logique dominante qu’elle n’est pas envisageable.

36Pour apprécier ces contraintes et ces défis techno-économiques, il faut toutefois garder à l’esprit plusieurs idées. Tout d’abord que la restauration collective publique n’est pas la seule composante de la demande et même qu’elle n’en représente qu’une faible part. Ensuite, que le local ne permet sans doute pas toujours d’atteindre les seuils d’activité susceptibles d’assurer une performance économique durable. Enfin, plus globalement, que l’économie de proximité ne représente qu’une part des volumes d’ensemble des industries agroalimentaires locales. Pour illustrer cette idée, un acteur du monde syndical (CAP 44) nous indiquait des perspectives, selon lui souhaitables et réalisables, de 10 % des volumes en vente directe (actuellement 4 %) et d’une économie de proximité, intégrant donc des circuits intermédiés, de 15 à 20 %.

37On pourrait d’ailleurs ajouter ici des considérations écologiques. Un agriculteur biologique nous confiait ainsi qu’il faudrait redécouvrir, dans une perspective de développement durable, les territoires physiques propices ou non à telle culture alors qu’avec le temps et l’évolution des pratiques culturales « on avait fini par faire un petit peu de tout n’importe où ». Le local pertinent serait ainsi, non la région ou le département, mais le « bassin versant » par exemple.

38Globalement, ce qui ressort, pour « s’extraire du marché », pour « relocaliser les activités », c’est l’importance d’un projet politique avec ce qu’il suppose d’engagements qui interdiront que prévale l’ordre marchand dominant : d’abord parce que les projets ne peuvent être lancés, portés et durablement implantés que si les acteurs publics et privés se retrouvent, ensuite parce que ces partenariats représentent des engagements de long terme, une régulation sociopolitique qui se comprend comme un projet politique avec ce que cela suppose de considérations politiques, économiques et écologiques, mêlées et indissociables, impliquant les diverses parties prenantes des actions de relocalisation. On constate d’ailleurs l’importance de la vie politique locale autour de ces projets de recours au territoire de proximité.

39De ce point de vue, l’action publique reste un moyen de prendre la main, de faire évoluer les référentiels et les idées [Muller, 2005]. Elle contribue par ses actions à envoyer des signaux, à sensibiliser, à favoriser les expérimentations. Elle est aussi régulation : émission de règles, intervention, accompagnement, à l’échelon central ou local. Que l’action soit parfois portée par des élus peut être vécu comme un frein aux coordinations ou coopérations directes, mais « c’est aussi parce que c’est porté par des élus que cela avance » nous disaient des militants actifs de l’économie de proximité.

40Au total, on pourrait dire qu’une triple viabilité est en jeu, politique, économique, écologique.

7 – Conclusion

41Sur la thématique du marché, l’orthodoxie économique nous livre une lecture qui, sous l’hypothèse d’un bien donné, permet de comprendre les ajustements de l’offre et de la demande à travers le prix. C’est tout à fait fondamental pour saisir cette facette importante de l’échange marchand qu’est l’influence du prix. La sociologie économique, sans ignorer cette dimension, s’est intéressée au bien, produit ou service, et à l’échange lui-même. Au-delà des multiples jeux connus de différenciation, il s’agit de comprendre comment la rencontre de l’offre et de la demande, qui ne va pas de soi, se fait : le bien doit être identifié, connu, évalué et sa mise à disposition nécessite des acteurs et des dispositifs qui assurent la médiation [Cochoy, 1999 ; Cochoy et Dubuisson-Quellier, 2000]. Ces résultats sont maintenant acquis et des contextes fort différents ont permis de qualifier les ingrédients de l’échange marchand [Le Velly, 2006 ; 2012].

42Dans ce contexte d’une sociologie du marché active, nous avons privilégié une lecture régulationniste, la Théorie de la régulation sociale (TRS) de J.-D. Reynaud, proche sur bien des plans de l’Analyse stratégique des organisations (ASO) de M. Crozier et E. Friedberg. L’action collective ou sociale se comprend dans ce cadre comme une activité de régulation, expression de la rencontre de régulations. Cette lecture régulationniste trouve ici tout son sens sur le terrain du marché, et non sur celui des relations sociales qui l’a vu naître. Les projets de « reprise en main » du marché appellent un travail de régulation : engager des initiatives, « mettre un pied dans la porte » disent certains, inventer et expérimenter des solutions innovantes à des degrés divers, bref, contribuer de diverses manières à la mise en place de nouvelles règles et de nouvelles régulations. Mais si l’on peut voir derrière ces défis de l’action collective un travail d’organisation du marché, des considérations techno-économiques et organisationnelles mêlées, il faut aussi comprendre qu’il s’agit d’un projet politique exigeant qui demande à être porté, c’est-à-dire imaginé, conçu et mis en œuvre par les parties prenantes du développement local.

43L’injonction du local qui perturbe énormément le modèle dominant du marché se traduit ainsi par de réels défis de coopération et de coordination pour les acteurs d’un ancrage territorial du marché ou d’une économie de proximité. L’exploration des expérimentations des acteurs, dans le contexte de l’approvisionnement de la restauration collective, n’est pas exempte, croyons-nous, d’enseignements de portée générale sur la question de la relocalisation et de l’organisation problématique du marché à des échelles plus larges.

Notes

  • [1]
    L’auteur tient à remercier vivement les évaluateurs de la revue pour la qualité de leurs remarques qui ont permis d’améliorer significativement cet article. Cette contribution tient aussi beaucoup au travail collectif d’exploration du terrain réalisé dans le cadre du projet de recherche LiProCo (cf. encadré 1) : que les collègues qui ne manqueront pas de se reconnaître soient chaleureusement remerciés. Il doit enfin particulièrement aux échanges avec Ronan Le Velly et à son attention de sociologue toujours extrêmement vigilante. Des remerciements tout particuliers lui sont adressés. Nous terminerons par l’expression de notre profonde gratitude à Jean-Daniel Reynaud pour les échanges écrits précieux que nous avons pu avoir avec lui à propos de la TRS appliquée au marché, sans nullement toutefois qu’ils accréditent les développements spécifiques de ce papier qui sont de la seule responsabilité de leur auteur.
  • [2]
    On mentionnera Dupuy et Thoenig [1986] pour une approche globale dans les termes de l’ASO.
  • [3]
    À ce titre, elle constitue une méthode d’élucidation ex post des comportements organisationnels de nature plutôt synchronique.
  • [4]
    Sur la prise en compte des règles, sans référence explicite à la TRS, on peut aussi retenir March et al. [2000], Ostrom [1990], B. Reynaud [2004].
  • [5]
    Nous appuyons à titre principal sur les écrits majeurs qui présentent la TRS et l’ASO (cf. dans la bibliographie les références associées à Crozier, Friedberg, Pavé, Reynaud, de Terssac). Cf. aussi Bréchet [2008] pour une présentation de synthèse de la TRS en lien avec J.-D. Reynaud.
  • [6]
    Il est courant de parler, à la suite de H. Simon, de rationalité limitée, en ayant comme référence la rationalité substantive et optimisatrice. On préfère la qualifier d’élargie pour prendre la mesure de la pertinence des dimensions liées au sujet et au contexte pour comprendre l’action. Il ne manque pas d’arguments, qui ne pourront être développés ici, pour défendre l’enrichissement que représente la prise en compte des facteurs considérés comme des limitations.
  • [7]
    Pour reprendre une terminologie de R. Boudon. Cf. Boudon [2003], par exemple, pour une analyse fouillée des lectures de la rationalité.
  • [8]
    La théorie de l’acteur-réseau évoquée plus haut a largement pointé leur importance. On citera aussi le travail fondamental et remarquable de G. Simondon [1958/2012].
  • [9]
    Le sens qui met en jeu à la fois direction, signification et sensibilité. J.-D. Reynaud [2003] en souligne les aspects de cognition interactive et inventive.
  • [10]
    Le projet alors compris comme anticipation opératoire de type flou d’un avenir désiré.
  • [11]
    Ce que retient aussi la sociologie américaine alors contrainte d’importer le concept de projet dans ce sens fondamental [Emirbayer et Mische, 1998]. Cf. Bréchet et Desreumaux [2010], Bréchet et Prouteau [2010].
  • [12]
    L’ancrage dans l’action associe, sur de nombreux plans, la TRS au courant pragmatiste (C.S. Pierce, W. James, J. Dewey…). Ce point mériterait d’être approfondi.
  • [13]
    Il y a bien sûr une certaine redondance à dire les choses ainsi, mais cela permet d’affirmer qu’une conception est en jeu, ce que l’idée de régulation n’intègre pas immédiatement pour nombre de personnes. Pour J.-D. Reynaud, en revanche, il est clair que la régulation comprend l’invention des règles et, à ce titre, engage une activité de conception.
  • [14]
    Du travail de régulation ainsi compris, on peut dire qu’il engage un effort, toujours à reprendre, pour construire les savoirs et les relations qui rendent l’action collective possible [Hatchuel, 2000 ; 2005].
  • [15]
    Observons qu’une règle n’est pas de contrôle ou autonome par nature, mais selon l’utilisation qui en est faite.
  • [16]
    Avec l’ASO, on parlerait plus des règles formelles et informelles dont le jeu produit la régulation mixte des contextes d’action.
  • [17]
    Les restitutions du terrain empruntent largement à des travaux et des publications communes au groupe de chercheurs et qui ont fait l’objet de communications ou de publications cf. Traversac [2010].
  • [18]
    Décrite dans Le Velly et Bréchet [2011].
  • [19]
    D’ailleurs, ces dernières années, les distributeurs de produits agroalimentaires travaillant pour la restauration collective publique ont développé une gamme de produits bio, y compris transformés. Par exemple, le leader français de ce secteur, Pomona, a pour cela acheté, en janvier 2008, le distributeur spécialisé Biofinesse. Mais ces gammes bio, aussi larges soient-elles, ne sont pas élaborées région par région et ne permettent pas de satisfaire un objectif d’approvisionnement local [Le Velly et Bréchet, 2011].
  • [20]
    Le terrain du Dauphiné étudié dans le cadre de LiProCo fournirait des exemples comparables [Le Velly et Bréchet, 2011].
  • [21]
    Notamment dans un échange récent, été 2011.
  • [22]
    Précisons que l’on peut comprendre cette idée de deux façons différentes. Une première recouvrirait les tentatives de régulation visant à se protéger des forces de marché, par exemple en singularisant les produits. La seconde correspond plus aux situations décrites dans cet article, donc aux actions que les acteurs engagent pour construire des régulations visant à contester les régulations mises en place par les intermédiaires commerciaux et jusqu’ici dominantes (acceptées ou conventionnelles) [Le Velly et Bréchet, 2011].
  • [23]
    Émanation de la Confédération paysanne en Loire-Altantique.
Français

La lecture régulationniste, d’inspiration sociologique – Théorie de la régulation sociale de J.-D. Reynaud, Analyse stratégique des organisations de M. Crozier et E. Friedberg –, retient que l’action collective ou organisée se comprend sur un continuum organisation-marché. L’article propose d’en discuter l’application au marché. Le terrain de l’approvisionnement biologique et local dans la restauration collective publique témoigne des initiatives et solutions originales que trouvent les acteurs des changements dans le travail d’organisation du marché qu’ils engagent.

Mots clés

  • marché
  • théorie de la régulation sociale
  • relocalisation
  • restauration collective

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Jean-Pierre Bréchet [1]
LEMNA, Université de Nantes
  • [1]
    L’auteur tient à remercier vivement les évaluateurs de la revue pour la qualité de leurs remarques qui ont permis d’améliorer significativement cet article. Cette contribution tient aussi beaucoup au travail collectif d’exploration du terrain réalisé dans le cadre du projet de recherche LiProCo (cf. encadré 1) : que les collègues qui ne manqueront pas de se reconnaître soient chaleureusement remerciés. Il doit enfin particulièrement aux échanges avec Ronan Le Velly et à son attention de sociologue toujours extrêmement vigilante. Des remerciements tout particuliers lui sont adressés. Nous terminerons par l’expression de notre profonde gratitude à Jean-Daniel Reynaud pour les échanges écrits précieux que nous avons pu avoir avec lui à propos de la TRS appliquée au marché, sans nullement toutefois qu’ils accréditent les développements spécifiques de ce papier qui sont de la seule responsabilité de leur auteur.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 24/12/2013
https://doi.org/10.3917/rfse.012.0191
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