CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1Le Japon et la France font partie des économies les plus riches de la planète et présentent de nombreuses similarités en termes de développement économique et de progrès social. L’examen de statistiques globales du marché du travail comme les taux d’activité des femmes parmi l’ensemble de la population – âgée de 15 à 64 ans –, assez proches (autour de 70 % en 2007) ne permet pas de se prononcer d’emblée sur des écarts significatifs de situation entre les deux pays. Toutefois, la prise en compte de catégories plus fines, comme la part des emplois dans le management [2] ou celle des femmes en emploi avec un enfant en bas âge, trahit une position des femmes japonaises en retrait de celle de leurs homologues occidentales.

2France et Japon relèvent aussi d’un même régime d’État providence selon Esping-Andersen [1990, 1999] qualifié de « régime d’État providence conservateur ». Ce type de régime tend, en général, à renforcer le statut de la famille comme unité privée de base pour la production et la reproduction, tout en permettant le maintien d’attitudes traditionnelles en matière de répartition des rôles familial et professionnel. Cependant, ces deux nations ne partagent ni les mêmes principes en matière de politique familiale et d’idéal de famille ni le même type de régulation du travail. Le Japon se caractérisait jusqu’à l’orée des années 1990 par un fort « familialisme traditionnel », c’est-à-dire une faible intervention publique dans les affaires familiales et un rôle important des femmes dans la production de services domestiques au sein de la famille [Nohara, 1999].

3De son côté, la France se démarque par un « familialisme républicain » où l’État s’autorise à intervenir dans les affaires familiales, tout en soutenant l’emploi des femmes et la conciliation travail-famille. Les femmes françaises sont ainsi aidées par divers dispositifs publics facilitant leur investissement professionnel, tout en continuant à prendre en charge une grande part des travaux domestiques [Ponthieux et Schreiber, 2006], notamment en présence d’enfants [Régnier-Loilier et Hiron, 2010]. Si les inégalités sur le marché du travail persistent entre hommes et femmes, tant sur le plan salarial [Meurs et Ponthieux, 2006] qu’en matière de ségrégation professionnelle [Méron et al., 2006], la continuité de l’activité des femmes est assurée depuis plus de 30 ans grâce aux progrès législatifs et culturels et à l’essor de la politique familiale.

4Les réformes en matière de politique familiale et de réglementation du marché du travail ont pris effet dans les années 1990 au Japon avec comme enjeux, d’une part la lutte contre la baisse de la fécondité et, d’autre part, l’amélioration de la capacité des femmes à concilier vies professionnelle et familiale. En effet, l’évolution culturelle qui touche surtout les femmes des générations récentes compromet l’idéal de répartition des rôles sexués. Leur aspiration de plus en plus affirmée à l’autonomie économique est souvent considérée comme l’une des causes de la baisse de la natalité [Schoppa, 2010]. En France, la politique familiale s’est réorientée avec des prestations en faveur des parents qui travaillent au détriment du soutien au coût direct des enfants [Daune-Richard et Letablier, 2011 ; Périvier, 2010]. Dans le même temps, la réforme de la Prestation d’accueil du jeune enfant (PAGE) en 2004 a accru les interruptions d’activité après la naissance du premier enfant [Marical, 2007 ; Joseph et al., 2012]. Ces transformations interviennent en outre dans un cycle économique qui enregistre d’importants soubresauts tant en France qu’au Japon. Il est donc intéressant de comparer l’évolution de l’offre de travail des femmes au regard de leur rôle dans la sphère familiale dans des contextes institutionnels et réglementaires en changement entre le début des années 1990 et le milieu des années 2000. À titre d’hypothèse, nous soutenons que ces évolutions pourraient rapprocher les comportements d’activité des femmes de ces deux économies au cours de la période considérée. L’objectif de cet article est de tester cette assertion et d’examiner dans quelle mesure on s’éloigne d’un modèle familial de type « male breadwinner » au Japon.

5Cette étude s’appuie sur l’exploitation des enquêtes annuelles sur l’emploi de ces deux pays, comparables pour les années 1992, 1997, 2002 et 2007. Ces enquêtes emploi d’envergure nationale nous permettent d’apparier les caractéristiques des époux à partir des données ménages et ainsi d’effectuer les premiers travaux de comparaison entre la France et le Japon des comportements d’offre de travail des femmes en couple [3]. Sont exclus du champ d’analyse les individus encore en cours d’études au moment de l’enquête et ceux âgés de plus de 64 ans ou de moins de 15 ans.

6Dans une deuxième section, nous aborderons successivement les contextes démographique et culturel, la politique familiale et la réglementation du marché du travail. Nous terminerons cette section en dégageant des hypothèses sur les dimensions susceptibles d’intervenir dans l’activité des femmes et en présentant les données exploitées. La troisième section sera consacrée à l’examen des situations des femmes à l’égard du marché du travail sur la période étudiée à partir de quelques indicateurs d’activité et d’emploi. Nous procéderons à l’examen proprement dit des déterminants de l’offre de travail des femmes en couple dans une dernière section où nous nous intéresserons plus particulièrement à l’influence du revenu du conjoint avant de passer à la conclusion.

2 – Les contextes institutionnel et réglementaire à l’intersection du travail et de la famille

7Nous insisterons ici sur les évolutions qu’a connues le Japon sur la période et beaucoup moins sur la situation française dont la politique familiale s’est étendue notamment avec la réforme de l’allocation parentale d’éducation, mais dont les fondements instaurant une redistribution et une solidarité entre citoyens sont en place depuis 1948 ; les prestations de la politique familiale s’y montent ainsi à environ 4,0 % du PIB en 2009 [OCDE, 2012], soit un des taux les plus élevés d’Europe. En revanche, elles ne représentent qu’à peine 1,5 % au Japon la même année, bien que l’État ait augmenté le volume des services envers les familles parallèlement aux diverses réformes visant à développer les structures d’accueil des jeunes enfants. Avec un indice de fécondité qui a atteint son point bas en 2005, avec moins de 1,3 enfant par femme, le soutien à la natalité apparaît plus que jamais un objectif majeur de la politique familiale japonaise. Celle-ci s’est exprimée notamment avec l’entrée en vigueur de la loi pour la promotion des générations de demain lancée en 2003 et l’adoption en 2004 d’un plan d’aide à la garde des enfants.

2.1 – Le contexte démographique et l’évolution culturelle

8Au cours des années 1990 au Japon, la deuxième vague des baby-boomers arrive sur le marché du travail, accroissant fortement l’offre de travail, alors même que le Japon entrait dans une crise économique durable et voyait s’accentuer une baisse tendancielle de la fécondité accélérant le vieillissement de la population. Cette tendance à la baisse de la fécondité s’explique par un tassement de la nuptialité avant 29 ans : en 1995, seulement 53 % des femmes japonaises de 25 à 29 ans étaient mariées, alors que 70 % des Françaises de la même tranche d’âge vivaient en couple [Bustreel et Nishimura, 2004]. Or l’élévation de l’âge au moment du mariage est associée à la baisse corrélative de la fécondité puisque la part des naissances hors mariage reste marginale au Japon – elle concernait moins de 2 % des naissances en 2004 [Veron, 2008]. En 2005, l’âge au mariage était en moyenne de 28,3 ans pour les femmes et de 30,1 ans pour les hommes. Par ailleurs, les difficultés économiques qui se traduisent par un manque de ressources sont un des facteurs les plus souvent avancés pour expliquer la montée du célibat. L’affaissement de la natalité résulte également d’une baisse de la fécondité des mariages [Kojima et Rallu, 1997].

9Cette tendance à différer la vie en couple et la fondation d’une famille est à rapprocher des aspirations en termes d’autonomie financière et de carrière des femmes japonaises, dans un contexte de ségrégation professionnelle et de répartition traditionnelle des rôles dans les sphères économique et familiale. Ces aspirations sont soutenues par l’essor de leur investissement scolaire. Le Japon a enregistré comme la France une hausse de la scolarisation des femmes dans les années 1970 et 1980, en particulier l’accélération de l’accès à l’enseignement supérieur à partir de 1989. La fameuse courbe en M d’activité, avec un point bas pour les 25-34 ans, a certes tendance à s’aplanir par rapport aux générations antérieures, mais surtout s’accompagne d’un déplacement du creux vers la droite après 1990, manifestation du décalage des âges de la fécondité de rang 1 et de primo-nuptialité. En France, la situation démographique s’avère beaucoup plus favorable puisqu’en 2008 la fécondité a dépassé les deux enfants par femme [Pla, 2009] malgré des naissances de plus en plus tardives. En effet, l’âge au premier mariage et à la première naissance avoisine les 30 ans et, contrairement au Japon, le lien beaucoup plus lâche entre nuptialité et fécondité continue de décliner avec 53 % de naissances hors mariage en 2008 [Pla et Beaumel, 2010].

2.2 – La politique familiale

10Contrairement à la France et jusque dans les années récentes, l’État japonais n’intervenait pas directement dans la sphère privée, en conservant le niveau de prestation familiale très bas (5 000 yens par enfant) [4]. Son seul levier consistait en des allègements fiscaux au bénéfice des couples, mais l’essentiel des affaires familiales était circonscrit à la sphère privée. Ceci correspondait à la conception de la « société du bien-être à la japonaise » ayant comme socle la division de l’activité au sein des ménages et, simultanément, une faible contribution sociale et fiscale et une faible redistribution [Araï et Lechevallier, 2004].

11Jusque dans les années 1990, l’entreprise intégrait la famille dans sa stratégie de management, la sécurité des revenus tout au long de la vie via la position professionnelle du chef de ménage était la contrepartie du « renoncement à la diversité des choix » [Imamura, 2004, p. 115]. La loi sur le congé parental (Ikujikyugyo hou) a été débattue tout au long des années 1980 dans le cadre de l’égalité des chances entre hommes et femmes. La nécessité de son institution a été très tôt reconnue, mais sa mise en place retardée jusqu’en avril 1992 à cause en partie de la résistance du patronat qui craignait l’élévation induite du coût du travail. Avant les années 1990, une minorité des grandes entreprises (20-25 % des entreprises de plus de 1 000 personnes) reconnaissaient le droit au congé parental via la convention collective conclue au niveau de chaque entreprise. Une telle résistance du patronat a néanmoins été ébranlée par la crise de dénatalité au début des années 1990 où la fécondité est descendue pour la première fois sous le seuil de 1,5 enfant par femme. Le congé parental, discuté jusque-là dans le cadre de l’égalité des chances homme/femme, est alors traité sous l’angle de la préoccupation politique de la conciliation travail-famille. L’impératif est de faire remonter le taux de nuptialité et le taux de fécondité face à une société de plus en plus vieillissante. Après avoir renforcé la durée du congé de maternité (14 semaines obligatoires rémunérées à hauteur de deux tiers du salaire conventionnel) et créé l’indemnisation de grossesse en 1991, les pouvoirs publics ont finalement promulgué en 1992 la loi sur le congé parental, qui imposait aux entreprises l’obligation d’accorder aux femmes un congé parental d’au moins un an [5], en garantissant leur retour au poste occupé précédemment. Sa mise en place s’est accompagnée du plan famille à partir de 1994, appelé « Angel plan » qui avait explicitement pour objectif d’enrayer la baisse de natalité, et comportait en particulier un programme de construction de crèches pour les enfants de moins de trois ans [6]. À ce système de congé parental ont été par la suite rajoutés deux types de congé, celui de « prise en charge des enfants malades » et celui de « prise en charge des vieux parents » – dont le cumul donne droit jusqu’à cinq jours par an – qui s’intègre ainsi au système de « congé familial » en 1995. Par la suite, les conditions de congé parental ont été enrichies : le congé parental était rémunéré durant un an à hauteur de 20 % du salaire en 1995, 40 % à partir de 2001 puis 50 % depuis 2009. Dans le même temps, les salariées se voient exonérées des cotisations sociales pendant une durée d’un an tandis que les entreprises sont exonérées des charges sociales (vieillesse et santé) pour leurs employées en congé parental. À partir de 2005, la loi du congé familial étend la période du congé sans solde jusqu’à un an et demi.

12Le soutien à la natalité est en France un objectif de longue date des politiques familiales justifiant l’importance des allocations à destination des familles nombreuses. L’objectif de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle est devenu plus prégnant dans les années 1990 avec un effort en faveur de la création de structures d’accueil de la petite enfance et les réformes de l’APE puis de la PAJE (Prestation d’Accueil du jeune enfant) afin de favoriser le libre choix d’activité des femmes tout en compensant le coût de l’enfant. La France comptait ainsi près de 275 000 places en accueil collectif en 2006 et environ 700 000 places relevant de l’offre individuelle (assistantes maternelles et garde à domicile) [Bailleau, 2008]. Toutefois, cette offre reste insuffisante.

2.3 – La réglementation du marché du travail

13Dans les années 1990, l’économie japonaise est marquée par une vague de déréglementations sur le marché du travail qui fragilise la main-d’œuvre féminine. L’OCDE [2003] souligne ainsi la dualité du marché du travail japonais avec l’importance des contrats « atypiques », qui concernent à 70 % les femmes – l’emploi atypique recouvre environ 45 % de l’emploi féminin et 13 % de l’emploi masculin. L’essor des services accroît notamment l’activité à temps partiel des femmes et les statuts d’emplois irréguliers au détriment des emplois indépendants. Il existe aussi une importante ségrégation verticale qui concentre la main-d’œuvre féminine dans les emplois subalternes [Hori, 2009], notamment les fameuses « employées de bureau » dont les tâches accessoires et routinières ne sont pas de nature à leur offrir des perspectives de carrière [Konno, 2005]. Le positionnement de la participation au marché du travail des épouses en tant que salaire d’appoint est aussi favorisé par l’exonération d’impôt des faibles revenus au sein des ménages, jusqu’à 1 100 000 yens par an et la non-cotisation des différents éléments de la sécurité sociale jusque 1 300 000 yens par an. En outre, les hommes bénéficient de déductions fiscales quand leur épouse gagne moins que ce seuil de revenu.

14Sur le plan institutionnel, la révision en 1997 de la loi sur l’égalité des chances entre hommes et femmes a produit des effets en matière de continuité de l’activité des femmes – lissage du creux de la courbe en M –, notamment au sein du salariat et l’amélioration des conditions leur permettant d’accroître leur horizon d’emploi : leur durée moyenne de service dans l’emploi salarié est passée de 6,3 ans en 1980 à près de 10 ans aujourd’hui.

2.4 – Hypothèses sur les déterminants de l’activité des femmes

15De cet aperçu des tensions entre le rôle social et privé des femmes et leur rôle dans la sphère productive, il ressort que leur position sur le marché du travail ne peut s’analyser indépendamment de leur situation matrimoniale et domestique. En effet, une tradition d’études académiques sur l’offre du travail au Japon a de longue date mis l’accent sur la notion d’interaction entre membres du ménage. Ainsi, Tsujimura, Sasaki et Nakamura [1959] ont formalisé les lois dites « Douglas-Arisawa », en constatant : 1) qu’il y a une distinction à opérer entre l’apporteur principal de ressources et les travailleurs périphériques au sein du ménage ; 2) que le niveau de revenu du « pourvoyeur principal » est négativement corrélé avec le nombre de membres en activité appartenant à ce ménage ; 3) que, parmi les ménages ayant le même niveau de revenu du point de vue des apporteurs principaux, l’activité des autres membres du ménage est corrélée négativement à leur salaire de réserve ; 4) que le taux d’activité de l’apporteur principal de ressources reste insensible à la conjoncture économique.

16Ces lois « Douglas-Arisawa » ont été mobilisées pour soutenir l’argument que l’activité des femmes mariées dépend de leur environnement familial, de leur cycle de vie et en particulier du niveau du revenu de leur époux. De nombreuses études économétriques [Osawa, 1993 ; Higuchi, 2001] ont mis en évidence, à travers des analyses en coupe, que les choix d’emploi des femmes mariées sont effectivement significativement corrélés au niveau de revenu de leurs maris. Quelques analyses plus récentes sur données de panel [Takeuchi, 2004 ; Ohtake, 2005] laissent entendre cependant que cette corrélation tendrait à s’estomper ou à disparaître. En France, Duguet et Simonnet [2007] ont montré que la décision de participation des femmes au marché du travail n’était pas influencée par celle de leur partenaire, mais dépendait en revanche du nombre et de l’âge des enfants. Allègre, Simonnet et Sofer [2011] montrent par ailleurs que la participation des femmes au marché du travail est sensible au coût de garde des enfants.

17Nous pouvons ainsi avancer à titre d’hypothèse que la décision individuelle d’activité et de temps de travail des femmes au Japon interagit davantage qu’en France, d’une part, avec le calendrier matrimonial et familial (mariage, naissance d’enfant, soin aux ascendants, etc.) et, d’autre part, avec l’activité, la profession et le revenu du conjoint. Le fait qu’une plus grande part de la production domestique est de longue date plus aisément accessible via la politique familiale ou le marché en France, à l’exemple des temps et des moyens de la prise en charge des enfants en bas âge, contribue sans doute à relâcher la dépendance à l’égard de l’activité du conjoint. Au Japon, la prise en charge s’exerce encore largement dans la sphère privée, notamment au sein des foyers comportant trois générations. Dès lors, on suppose une interdépendance plus grande entre les membres du ménage au Japon comparativement à la France au regard des décisions de participation des femmes au marché du travail. Toutefois, les évolutions décrites plus haut sont porteuses d’une convergence dans les conditions de détermination de la participation des femmes françaises et japonaises au marché du travail. Notre deuxième hypothèse est donc qu’on assisterait, sur la période d’observation, au desserrement des contraintes personnelles, domestiques et familiales d’une part et professionnelles du conjoint d’autre part, dictant la participation à l’activité des femmes japonaises. On s’attend donc à une plus forte similitude des comportements à la fin de la période observée qu’à son début. La disponibilité de trois points de comparaison de 1992 à 2002 permettra d’évaluer si ces hypothèses se confirment.

18Les données exploitées sont issues des enquêtes annuelles sur l’emploi en France et de l’enquête « Employment Status Survey – Shucho » pour le Japon. La structure des enquêtes dans chaque pays donne la possibilité de construire des indicateurs assez comparables en dépit de niveaux de précision des variables qui peuvent différer. La comparaison de cette décennie est néanmoins rendue délicate par l’évolution contrastée de la conjoncture économique dans chacun des pays. En France, l’année 1992 précède la récession de 1993 qui va maintenir l’économie française à un faible taux de croissance jusqu’en 1997 avant la reprise économique l’année suivante, laquelle connaît un fléchissement à partir du second semestre 2001. En 2002, on reste néanmoins dans une meilleure conjoncture globale qu’aux deux dates précédentes. Pour le Japon, 1992 signe le début de la crise japonaise qui atteint son paroxysme au début des années 2000, d’où une situation en 2002 qui marque le point bas de l’économie nippone : à une situation de rareté relative de main-d’œuvre dans les années 1980 a succédé une situation de sureffectif et de crise. L’année 2007 représente l’année la plus favorable pour les deux économies.

3 – Activité et emploi des femmes en France et au Japon

19Il s’agit ici de brosser un tableau de la situation des femmes en matière d’activité, d’emploi et d’horaires de travail dans les deux pays et de pointer les écarts de situations.

3.1 – Le poids de la situation conjugale et des enfants dans l’activité des femmes

20Le taux d’activité – calculé sur la tranche d’âges de 15 à 64 ans – a légèrement progressé sur la période en France (+ 6 pts) alors qu’il est resté quasiment étale au Japon (tableau 1). Il atteint près de 75 % en France en 2007, soit un taux supérieur de cinq points à celui du Japon. La définition du chômage japonais se base sur les informations suivantes : vouloir travailler et rechercher effectivement un emploi ; en revanche n’est pas retenue la condition de disponibilité immédiate qui réduirait encore l’ampleur des taux de chômage présentés ci-dessous. Pour assurer la comparabilité, cette définition est appliquée pour la France où on englobe donc tous ceux qui ne sont pas en emploi et recherchent effectivement un emploi. Le constat d’un faible écart entre les taux d’activité des deux pays en 2007 doit être nuancé si on concentre l’observation sur un périmètre d’âges plus centraux pour l’activité. Entre 25 et 54 ans, 71,2 % des Japonaises étaient actives en 2009 contre près de 84 % des Françaises [JILPT, 2013].

21Les taux d’emploi (15 à 64 ans) reflètent les tendances relatives à l’activité dans les deux pays : progression de près de neuf points de pourcentage en France et léger repli au Japon entre 1992 et 2007. En 2007, le taux d’emploi des femmes en France est ainsi de 6 points supérieur à ce qu’il est au Japon (tableau 1). Le taux de chômage des femmes est toujours supérieur en France qu’au Japon, même si les tendances sur la période sont inverses entre les deux économies : baisse sur les quinze ans observés en France, il se dégrade au Japon jusqu’en 2002, touchant près de 11 % de la population active féminine avant de se replier dans les cinq années suivantes – 9,1 % en 2007. Cependant, la notion de chômage apparaît moins représentative au Japon compte tenu du fait que les travailleuses non salariées (indépendante/travailleuse à domicile/aide familiale) sont plus nombreuses qu’en France.

Tableau 1

Évolution de la position des femmes à l’égard de l’activité, de l’emploi et du chômage en France et au Japon, de 1992 à 2007(a),(b),(c)

Tableau 1
% France Japon Taux… 1992 1997 2002 2007 1992 1997 2002 2007 d’activité (a) 68,6 71,4 72,9 74,6 70,1 71,3 70,8 69,7 d’emploi (b) 58,9 60,3 64,6 67,6 64,3 64,1 63,2 61,7 de chômage (c) 14 16 12,5 9,4 8,3 10,1 10,8 9,1

Évolution de la position des femmes à l’égard de l’activité, de l’emploi et du chômage en France et au Japon, de 1992 à 2007(a),(b),(c)

Taux calculés en données pondérées.
(a) : selon la définition japonaise : individus en emploi ou dans une autre situation, mais en recherche effective d’emploi.
(b) : Nombre d’individus en emploi sur population totale en âge de travailler (15-64 ans).
(c) : Nombre d’individus au chômage sur nombre total d’actifs.
Sources : Enquêtes emploi (Insee) en France et Shucho (Somusho) au Japon

22Le taux d’activité apparaît sensible au statut matrimonial dans les deux pays (tableau 2). Toutefois, si on compare femmes célibataires et femmes mariées, l’écart est toujours de plus forte ampleur au Japon et qui plus est, ne varie pas en quinze ans avec un écart en 2007 d’environ 24 points contre 10 points en France.

Tableau 2

Évolution du taux d’activité des femmes en fonction du statut matrimonial en France et au Japon, 1992-2007

Tableau 2
Taux d’activité France Japon % 1992 1997 2002 2007 1992 1997 2002 2007 célibataire 78,3 80,1 79 79 86,4 87,9 87,2 88,0 En couple 65,7 68,5 70,8 73 mariée 62,8 65,2 67,3 69,2 63,9 64,6 63,6 64,1

Évolution du taux d’activité des femmes en fonction du statut matrimonial en France et au Japon, 1992-2007

Sources : op. cit.

23La sensibilité du taux d’activité au nombre et à l’âge des enfants diffère entre les deux pays (tableau 3). Le taux d’activité des Françaises évolue considérablement avec la combinaison du nombre d’enfants et l’âge du plus jeune. Mais il semble varier davantage avec le nombre d’enfants qu’avec leur âge, alors que l’inverse prévaut au Japon. L’activité des premières est maximale lorsqu’elles ont un seul enfant âgé de 3 à 5 ans, alors qu’au Japon elle est maximale pour celles sans enfant de moins de 18 ans. On sait qu’en France les dispositifs publics de prise en charge des enfants en bas âge favorisent plutôt le maintien dans l’emploi à temps plein après la naissance du premier enfant et la réduction ou l’interruption d’activité à la naissance des suivants [Thévenon, 2008]. Chez les mères françaises, le taux d’activité baisse d’environ 9 points pour les mères de deux enfants dont le plus jeune a entre 3 et 5 ans (par rapport à celles avec un seul enfant de cet âge) et cela est vrai en 1992 comme en 2002. Cependant, à partir de 2007, le différentiel entre ces deux situations devient minime. Les modifications d’accès à l’APE [7] font ressentir leurs effets à partir de 1997 pour les femmes ayant deux enfants dont le plus jeune a moins de 3 ans : leur taux d’activité est, en 1997, plus faible de 11,5 % par rapport à 1992. Mais à âge du dernier enfant équivalent, les femmes de trois enfants accusent des taux d’activité encore plus bas : un peu plus d’un tiers seulement sont actives lorsque leur troisième a moins de trois ans, bien que, là encore, ce taux remonte significativement sur la période avec plus de 40 % de femmes actives en 2007. Au total, le nombre d’enfants reste un frein notable à l’activité des femmes en France [Chardon et Daguet, 2008].

Tableau 3

Évolution du taux d’activité des femmes en fonction de l’âge et du nombre d’enfants en France et au Japon, 1992-2007(a)

Tableau 3
Taux d’activité % France Japon Nombre et âge des enfants 1992 1997 2002 2007 1992 1997 2002 2007 Aucun de moins de 18 ans un de 6 à 17 ans un de 3 à 5 ans un de moins de 3 ans deux (p.j. de 3 à 5 ans) (a) deux (p.j. de moins de 3 ans) trois (p.j. de 3 à 5 ans) trois (p.j. < 3 ans) 64,9 79,7 85,4 78,2 76,8 68,3 51,4 30,1 68,1 82,8 86,8 82,2 76,7 56,7 54,4 35,3 69,9 83,9 87,3 81,8 78,8 55,4 56,8 34,2 70,6 85,7 87,1 82,4 84,1 61,6 64,3 40,5 73,3 71,5 46,5 35 54,9 37,1 62 43 74,7 73,7 51,9 36,4 56,2 36,8 63,3 44,8 73,9 73,5 56,2 37,7 55,8 38,8 64,9 46,4 73,5 73,9 52,3 38,4 56,1 38,7 63,0 47,1

Évolution du taux d’activité des femmes en fonction de l’âge et du nombre d’enfants en France et au Japon, 1992-2007(a)

(a) : p.j.= le plus jeune.
Sources : op. cit.

24Ce paysage contraste fortement avec celui rythmant l’activité des femmes japonaises marqué par l’âge du plus jeune enfant. C’est pour les mères d’un enfant unique de moins de trois ans que l’on relève les taux d’activité les plus faibles : de 35 à près de 38 % selon l’année. Celles dans la même situation avec un aîné plus âgé (et seulement deux enfants) présentent un taux d’activité sensiblement équivalent, quelle que soit l’année alors qu’il se redresse aux alentours de 45 % pour les mères de trois enfants. On peut présumer que la raison principale de cette contraction des taux d’activité en présence d’un enfant en bas âge au Japon tient à l’absence ou la rareté des structures de garde pour les enfants d’âge préscolaire – moins de 20 % des enfants japonais étaient pris en charge par de telles structures. Avec l’accroissement de la taille de la famille et les aînés qui grandissent, il semble qu’une partie des mères dont le dernier enfant est âgé de moins de trois ans parviennent à reprendre leur activité, même si cela peut être à temps partiel ou dans un emploi irrégulier [JILPT, 2013]. L’évolution la plus flagrante pour le Japon est celle qui concerne les mères d’un enfant de 3 à 5 ans, dont le taux d’activité a augmenté de 10 points entre 1992 et 2002. Les contraintes domestiques qu’impliquent un enfant en bas âge et la limitation subséquente de l’activité se sont donc assez peu relâchées sur la période pour les mères d’un ou deux enfants.

3.2 – Le Japon : importance du temps partiel et durées de travail plus longues qu’en France

25Au-delà des taux d’activité, il existe des différences d’offre de travail, en termes de volumes d’heures [8].

26Un élément notable au Japon est l’importance de la proportion de femmes qui travaillent à temps partiel ou sont à leur compte – artisanat, commerce, etc. En dix ans, ces parts ont évolué en sens contraire. Alors que près d’un quart des femmes actives en 1992 étaient concernées par un statut d’indépendant, elles ne sont plus que 16 % en 2007. À l’inverse, la part des femmes à temps partiel s’est accrue pour atteindre, en 2002, plus de 36 %, alors que la part de celles travaillant à temps plein s’est légèrement tassée en quinze ans. Plus des trois quarts des femmes entrées dans le salariat depuis 1986 sont des travailleuses à temps partiel. Conformément à ces évolutions, le nombre de femmes travaillant plus de 42 heures par semaine a considérablement diminué passant de 52 % en 1992 à 32 % en 2007. Cependant, cette moindre intensité de travail des femmes ne va pas toujours dans le sens de leurs aspirations. En effet, près de 20 % des femmes japonaises expriment l’envie d’avoir un second emploi ou de changer d’emploi en 2007 soit davantage que quinze ans plus tôt, suggérant une plus grande insatisfaction vis-à-vis de leur situation que par le passé et la dégradation corrélative des emplois qu’elles occupent selon Kambayashi et Kato [2012]. En dépit de la diminution des durées de travail, le Japon reste un pays où les horaires de travail, que cela soit pour les hommes ou pour les femmes, demeurent élevés [Ribault, 2009] – en 2007, un tiers des femmes au Japon contre 12 % des femmes en France travaillaient plus de 42 heures. L’augmentation des femmes travaillant à temps partiel se manifeste surtout entre 1992 et 1997 en France. Parmi elles, le pourcentage de celles qui souhaiteraient travailler davantage a considérablement diminué en quinze ans (de 35 à 19 %). Que ce constat manifeste une véritable préférence ou une adaptation aux contraintes du marché, il semble indiquer un cloisonnement croissant entre statuts d’emploi à temps partiel et segment des emplois à temps plein.

4 – L’offre de travail des femmes

27Nous avons appliqué des régressions logistiques sur le fait d’être femme active, pour chacune des trois dates disponibles et chaque pays. Après avoir brièvement rendu compte des différences de sensibilité aux caractéristiques individuelles et biographiques [9] (âge, niveau de diplôme, situation matrimoniale, nombre et âge des enfants, taille du ménage et lieu de résidence), nous nous concentrerons sur celles relatives au conjoint [10]. Enfin, nous illustrerons dans un dernier point comment varie à la marge, intensive – au regard des heures de travail –, l’activité des femmes en emploi en fonction du revenu du conjoint, en contrastant la situation observée en 2002 par rapport à celle de 1992.

4.1 – Des différences sensibles dans l’effet des caractéristiques individuelles et familiales

28Vivre en couple est préjudiciable à l’activité des femmes japonaises, avec une incidence à peu près stable sur les dix années observées. C’est de moins en moins pénalisant pour les femmes françaises, constat en cohérence avec le mouvement historique d’expansion de l’activité des femmes dans une période où le mariage, comme pierre angulaire de la fondation d’un ménage, perd du terrain. Contrairement à la France, la taille du ménage est plutôt un facteur propice à l’activité au Japon. La coexistence de trois générations au sein d’un même foyer, qui concernait environ 15 % des ménages japonais en 2002, permet aux femmes de déléguer une partie des tâches domestiques au profit de leur disponibilité pour un travail rémunéré : plus des deux tiers des femmes élevant un enfant de moins de 12 ans et vivant avec les grands-parents travaillaient en 2007 contre 48 % au sein des foyers à deux générations [Kondo, 2011]. Les femmes appartenant à de tels ménages ont également une plus grande facilité à s’inscrire dans un emploi à temps plein [Ogawa et Ermisch, 1996].

29La tranche d’âge la plus favorable à l’activité se situe en France entre 35 et 39 ans en 2002 : ceci résulte à la fois de l’allongement des scolarités des plus jeunes jusqu’en 1997 et de possibilités élargies, conférées par le régime de prestations sociales, d’interrompre temporairement son activité pour élever des enfants. Au Japon, les plus actives sont les plus jeunes : les moins de 25 ans en 1992 et 1997, les 25-29 ans en 2002. Cette évolution illustre à la fois l’allongement des scolarités, le recul de l’âge de primo-nuptialité et sans doute exprime de nouvelles aspirations à l’indépendance économique. La sensibilité de l’activité des femmes françaises à leur niveau de diplôme, déjà élevée en 1992, se renforce dix ans plus tard alors que ce dernier n’affecte véritablement l’activité des femmes japonaises qu’à la fin de la période. Ce constat concorde avec ce qu’on sait du comportement des femmes japonaises obtenant un diplôme d’enseignement supérieur : elles avaient tendance à se retirer du marché du travail au moment de fonder une famille, contrairement à ce qui se passait dans la plupart des pays de l’OCDE. Ce phénomène a été expliqué, dans le cadre de la théorie du capital humain, par une stratégie d’investissement intergénérationnel : les mères bien éduquées transmettent leur capital aux enfants, au lieu de le valoriser directement sur le marché du travail [Brinton, 1993].

30Confirmant les statistiques descriptives, c’est l’âge des enfants plus que leur nombre qui constitue le frein principal à l’activité au Japon : les mères d’un ou deux enfants dont le dernier a moins de trois ans ont la plus faible propension à l’activité. La contrainte s’atténue à partir du troisième enfant et avec l’âge des enfants. C’est avant tout le nombre d’enfants qui pèse sur l’activité en France. Le passage de deux à trois enfants – en particulier lorsque le dernier a entre 3 et 5 ans – s’avère de plus en plus défavorable, en concordance avec la mesure de son effet causal, pour lequel Moschion [2009] met en évidence une baisse de 20 points du taux d’activité. D’autre part, l’extension en 1994 du bénéfice de l’allocation parentale d’éducation (APE) à partir du deuxième enfant a été suivie d’effets [Afsa, 1998]. La probabilité d’activité des mères de deux enfants dont le plus jeune a moins de trois ans s’est en effet considérablement dégradée en dix ans, passant de 84 à 62 %.

31France et Japon se démarquent enfin par l’incidence de la densité de population. Être active est plus facile en Île-de-France qu’en province, car cette région concentre nombre d’emplois dans les services et l’administration en lien avec la présence massive de sièges sociaux de grandes entreprises dans et autour de la capitale. Alors que résider dans la région la plus peuplée du Kantô, autour de Tokyo, constitue une entrave à l’activité des femmes. En dépit de l’existence de nombreuses opportunités d’emploi, trois éléments contrarient leur participation : d’abord, les équipements publics de prise en charge des enfants en bas âge sont sous-développés relativement à la densité de population. Ainsi, le manque de places d’accueil de même que les prix pratiqués dans le secteur privé peuvent dissuader les femmes de reprendre une activité ; ensuite, compte tenu des prix de l’immobilier à Tokyo, les jeunes ménages ont tendance à habiter de plus en plus loin du centre-ville, ce qui accroît en moyenne les temps de transport quotidiens et rend difficilement conciliables vie familiale et activité professionnelle. Enfin, la famille nucléaire n’offrant aucune possibilité de soutien de la part des ascendants est plus répandue dans la région de Tokyo qu’ailleurs.

4.2 – La situation professionnelle du conjoint pèse davantage au Japon

32L’âge du conjoint affecte négativement l’activité des femmes, mais de manière peu sensible en France et négligeable au Japon (tableaux 4 et 5, en annexe). Dans ce dernier, le niveau de diplôme de l’homme freine de manière conséquente la probabilité d’activité de son épouse et ce, même à partir du niveau secondaire. Son effet contre-incitatif s’atténue en France sur les dix ans et n’est plus significatif que pour un diplôme du supérieur en 2002. Sans doute peut-on interpréter ce résultat par le fait que les niveaux de diplôme modestes n’offrent plus en 2002 une protection suffisante contre les aléas de carrière, la crise économique du milieu des années 1990 touchant même les cadres diplômés. Avoir un mari dans la fonction publique ou à son compte favorise dans les deux pays l’activité des femmes. La fonction publique au Japon couvre une plus faible partie du salariat qu’en France – moins de 10 % – et les femmes de fonctionnaires ont tendance à exercer dans la fonction publique, qui est moins discriminante à leur égard que le secteur privé.

33Dans les deux pays, une femme dont le conjoint travaille dans l’industrie (ainsi que dans le BTP [11] en France) est moins fréquemment active que lorsqu’il travaille dans les services. Les données ne permettent pas de statuer sur l’origine de ce constat : conséquence d’horaires de travail plus contraignants dans l’industrie (et le BTP en France) ou/et effet de composition des ménages dont l’idéologie sur la division des rôles sociaux serait plus traditionnelle. La taille de l’entreprise d’emploi du mari pèse aussi sur l’activité des femmes, avec une forte incidence au Japon, signe d’une segmentation des conditions d’emploi plus marquée selon la taille des entreprises.

34Par rapport à la France, l’activité des femmes est aussi davantage affectée par le revenu du conjoint. En France, seuls les revenus masculins situés dans le plus haut quartile de la distribution freinent l’activité de leur compagne. Au contraire, en 2002, par rapport au premier quartile, un niveau de revenu intermédiaire accroît la probabilité des Françaises de participer à l’activité. Tout se passe comme si on assistait à une mutualisation plus équilibrée des revenus au sein des ménages en 2002 qu’en 1992 avec un niveau de contribution des femmes qui viendrait le cas échéant compenser de manière nouvelle un risque de manque à gagner lié aux aléas professionnels du conjoint [Prieto-Rodriguez et Rodriguez-Guttiérrez, 2003]. L’augmentation des situations de concubinage non formalisé accroît aussi le besoin de sécurisation financière des femmes amenant des décisions échappant à la logique communautaire du ménage. L’effet désincitatif du revenu du conjoint se manifeste dans la moitié supérieure de la distribution au Japon. Le léger tassement de son impact sur la période peut sans doute être relié à l’accroissement du risque de perte d’emploi des époux [Kohara, 2010].

35Une durée de travail importante du conjoint ou le fait qu’il n’ait pas d’horaire habituel semblent aussi des freins à l’activité des femmes en France – avec un effet de la durée qui s’amplifie sur la période. Ceci conforterait plutôt l’hypothèse d’un partage compensatoire des temps professionnels entre les conjoints selon laquelle une hausse du temps de travail de l’homme limiterait la participation de sa compagne au marché du travail. Mais la causalité peut être inverse, l’inactivité féminine pouvant être compensée par un allongement de la durée de travail du conjoint, notamment en présence de jeunes enfants [Fermanian et Lagarde, 1998]. Une symétrie des comportements des conjoints est observée au Japon, dès la participation des femmes au marché du travail qui tend à s’accroître avec l’allongement de la durée de travail de leur conjoint. Cette sorte de mimétisme dans l’investissement professionnel des conjoints tend toutefois à s’amortir, puisque les coefficients tout en restant significatifs sont pratiquement divisés par trois en 10 ans. Cette proximité comportementale relèverait d’une sorte d’appariement entre époux – les femmes « carriéristes » se marient avec les hommes « carriéristes » et rationalisent leur temps domestique en l’absence du mari pour se consacrer davantage à l’activité professionnelle [Ma, 2006]. Par ailleurs, il se peut que l’effet positif détecté ici corresponde à une orientation vers des emplois à temps partiel, lesquels empiètent peu sur la disponibilité dans la sphère privée.

36L’ampleur des coefficients des caractéristiques relatives au conjoint atteste globalement d’une interdépendance au sein du couple qui pèse davantage sur l’activité des Japonaises que des Françaises, bien que déclinant sur la période comme le confirment des tests de vraisemblance entre les spécifications ne comportant que les caractéristiques des femmes et celles intégrant l’ensemble des caractéristiques masculines.

4.3 – Une sensibilité variable des durées de travail au revenu du conjoint

37L’examen de la sensibilité des heures de travail au revenu du conjoint dans chacun des pays en 1992 et 2002 permet de compléter ces résultats. Pour ce faire, nous nous focalisons sur les seules femmes actives occupées dont le conjoint travaille et perçoit un revenu. Pour la France, il en ressort une faible élasticité du nombre d’heures de travail de l’épouse au revenu du conjoint, stable sur la période (graphique 1). L’horaire hebdomadaire moyen de l’épouse est quasiment constant en 1992, que le revenu du conjoint appartienne au 3e ou au 9e décile de la distribution des salaires. En 2002, entre le 5e percentile et le 95e, l’horaire moyen des femmes actives augmente seulement d’un peu plus d’une heure. La réduction moyenne de deux heures entre les deux années s’explique par l’application de la loi sur les 35 heures à partir de l’année 2000. Elle est conforme au résultat de l’évaluation réalisée par Goux, Maurin et Petrongolo [2011].

Graphique 1

Nombre d’heures hebdomadaires de travail des femmes selon le revenu du conjoint, France 1992-2002

Graphique 1

Nombre d’heures hebdomadaires de travail des femmes selon le revenu du conjoint, France 1992-2002

Source : Enquêtes emploi (Insee).

38Le profil des courbes est tout autre au Japon (graphique 2) avec des effets de substitution marqués [12]. Avec la hausse du revenu du conjoint, la femme japonaise allège son temps de travail, marquant une dépendance entre conjoints dans les décisions de travail de l’épouse. Ainsi, en 1992, c’est pour les plus bas revenus que les femmes travaillent le plus, 42 heures hebdomadaires en moyenne au niveau du premier décile de revenu, seulement 33 heures lorsque le conjoint touche entre 10 000 000 et 15 000 000 de yens par an. Il n’y a qu’aux plus hauts revenus qu’on retrouve une hausse du temps de travail de l’épouse, indice d’une forme de mimétisme dans les rapports à l’activité professionnelle pour les ménages à très hauts revenus et diplômés de haut niveau. L’autre enseignement du graphique 2 est le relatif effondrement de « cette élasticité » en 2002. L’accroissement du temps de travail des femmes suit la progression du salaire du conjoint jusqu’au premier quartile de la distribution, après quoi se manifeste une baisse selon un trend assez comparable à celui observé en 1992. Au total, l’amplitude des variations horaires tout au long de la distribution du revenu du conjoint passe en dix ans de 10 heures à 5 heures 30. Un tel mouvement de réduction de l’élasticité croisée du temps de travail des femmes par rapport au salaire s’observe aussi aux États-Unis entre 1980 et 2000 [Blau et Kahn, 2007].

Graphique 2

Nombre d’heures hebdomadaires de travail des femmes selon le revenu du conjoint, JAPON 1992-2002

Graphique 2

Nombre d’heures hebdomadaires de travail des femmes selon le revenu du conjoint, JAPON 1992-2002

Source : Schucho (Somusho).

39On assisterait donc à une autonomisation progressive de la décision d’offre de travail des femmes japonaises par rapport à la situation financière de leur conjoint sur la période, faisant écho aux observations de Takeuchi [2004] ou d’Ohtake [2005]. La récession de l’économie japonaise à la fin des années 1990 a sans doute contribué à ce phénomène. En effet, à partir de l’année 1998, l’économie japonaise entre en déflation, les salaires nominaux des hommes stagnent, voire baissent et les femmes sont incitées à se porter sur le marché du travail afin de compenser la perte de pouvoir d’achat, ou pour un motif de « précaution » avec l’accroissement des risques de perte d’emploi du chef de ménage. La plupart du temps, ces femmes trouvent à s’insérer dans un emploi irrégulier avec un contrat précaire. Cette autonomisation est aussi susceptible de masquer une forme de segmentation entre générations dans les attitudes des femmes à l’égard du marché du travail : une aspiration claire à l’indépendance financière de la part des jeunes femmes se distingue d’une attitude plus traditionnelle de leurs aînées qui vont moduler leur engagement professionnel selon le cycle de vie des membres du ménage ou l’état des finances familiales.

5 – Conclusion

40Grâce à l’appariement des microdonnées individuelles des conjoints, nous avons pu tester quelques hypothèses sur les comportements d’offre de travail des femmes vivant en couple. L’enseignement principal de ces analyses est que le modèle familial traditionnel du « male breadwinner » est plus prégnant au Japon qu’en France, même si son influence tend à s’atténuer au fil du temps. Plus précisément, la dépendance des comportements d’offre de travail des femmes à l’égard de la situation familiale et de la situation professionnelle du conjoint s’avère plus forte au Japon qu’en France, bien qu’on puisse déceler un affaiblissement de cette interdépendance. La diminution de la durée de travail des femmes en fonction du revenu du conjoint persiste sur une bonne partie de la distribution au Japon. En regard, les décisions de participation et d’offre de travail des femmes en France apparaissent assez insensibles au revenu de leur conjoint.

41Sur le plan familial, la pénalité dominante pour l’activité des femmes au Japon vient de la présence d’un enfant en bas âge (moins de 3 ans), alors que l’activité des femmes françaises est d’abord entravée par le nombre d’enfants. Ceci traduit un sous-équipement collectif en faveur de la prime enfance, persistant au Japon, et reflète une division des tâches encore très traditionnelle au sein des couples japonais. Selon une récente enquête de comparaison internationale sur la répartition des temps sociaux, le temps consacré aux tâches domestiques (soins aux enfants exclus) par les hommes au Japon reste extrêmement faible : 3,1 heures par semaine contre 18 heures pour leur épouse comparativement à la France où les durées moyennes respectives sont de 5 et 12,9 heures [Rengo-soken, 2009]. La forte implication des femmes japonaises dans la vie domestique et familiale limite d’autant leur disponibilité pour mener une vie professionnelle à plein temps et faire carrière, surtout compte tenu des longs horaires de travail auxquels sont prêts à consentir les Japonais pour évoluer professionnellement. La présence d’une troisième génération ou de grands enfants au foyer peut toutefois leur permettre d’alléger leur charge domestique et familiale.

42Au total, si un mouvement de convergence entre ces deux sociétés semble à l’œuvre au regard du rapport à l’activité professionnelle des femmes, à mesure que des aspirations professionnelles et à l’émancipation familiale s’expriment parmi les jeunes générations de femmes japonaises, il est encore timide. En outre, rien ne garantit qu’il va se poursuivre dans le même sens, étant donné que les atouts dont les Japonaises disposent ne sont pas de même nature que chez les Françaises [Schoppa, 2010]. L’atout que représente un diplôme du supérieur pour participer au marché du travail demeure incomparablement plus faible au Japon qu’en France. En outre, pas plus de 45 % des Japonaises ayant eu une maternité en 2010 continuent à travailler six mois plus tard. Une majorité d’entre elles se retire donc plus ou moins transitoirement du marché du travail comme par le passé, ce qui pérennise une « dualisation » de leurs trajectoires professionnelles entre carrière complète et carrière discontinue. La montée en puissance des mesures relevant de la politique familiale depuis 20 ans, bien qu’allant dans le sens d’une relance de la fécondité [Thévenon et Gauthier, 2010], tarde à produire ses effets. Il se peut que les aspirations croissantes à l’indépendance financière des jeunes générations de femmes japonaises accentuent l’antagonisme entre leur rôle dans la sphère familiale, en tant que parent, que la norme sociale impose, et le souhait de pouvoir évoluer dans leur parcours professionnel.

43Malgré les efforts des pouvoirs publics pour promouvoir des lois favorisant une égalité de traitement entre les sexes et mettre en place les conditions matérielles pour aider à la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, les discontinuités d’expériences et le temps partiel constituent toujours des freins à la carrière des femmes. Une telle situation conforte implicitement un modèle de division traditionnelle de l’activité, lequel est toutefois attaqué sous le coup des progrès culturels et des risques économiques sur les revenus du travail.

Tableau 4

Activité des femmes en couple dont le mari est actif occupé – France ***,**,*

Tableau 4
Paramètres Valeur estimée Ecart type Valeur estimée Ecart type Valeur estimée Ecart type 1992 1997 2002 Constante 4,033 *** 0,165 3,915 *** 0,168 3,803 *** 0,180 Situation du mari Diplôme le plus haut Aucun Réf, Réf, Réf, BEPC seul 0,022 ns 0,067 0,213 *** 0,069 0,149 ** 0,072 Cap, Bep 0,102 *** 0,037 0,215 *** 0,038 0,27 *** 0,042 Bac ou BP -0,122 ** 0,059 0,056 ns 0,061 0,104 * 0,063 Bac + 2ans -0,156 ** 0,075 0,020 ns 0,073 -0,125 * 0,072 Diplôme du supérieur -0,635 *** 0,077 -0,359 *** 0,078 -0,47 *** 0,081 Profession Agric., Eleveur, Pêcheur 1,234 *** 0,159 1,514 *** 0,172 1,075 *** 0,185 Artisan, commerçant 0,287 *** 0,097 0,642 *** 0,112 0,163 ns 0,120 Cadre, Ingénieur -0,067 ns 0,079 0,0085 ns 0,081 -0,132 ns 0,083 Techniciens 0,152 *** 0,062 0,227 *** 0,063 0,052 ns 0,067 Employés Réf, Réf, Réf, Ouvriers 0,045 ns 0,058 0,069 ns 0,059 -0,186 *** 0,063 Taille d’entreprise Moins de 10 Réf, Réf, Réf, 10 à 99 0,087 ** 0,043 0,069 ns 0,044 -0,015 ns 0,052 100 à 999 0,043 ns 0,046 0,122 *** 0,047 0,0122 ns 0,055 1000 et + -0,074 * 0,045 0,009 ns 0,046 -0,184 *** 0,047 Salarié du privé Réf, Réf, Réf, public 0,138 *** 0,048 0,112 ** 0,048 0,04 ns 0,050 A son compte 0,167 ** 0,084 -0,021 ns 0,108 -0,059 ns 0,118 Intérim, CDD, contrat saisonnier -0,09 ns 0,089 -0,174** 0,073 -0,085 ns 0,077 âge -0,031 *** 0,004 -0,028 *** 0,004 -0,031 *** 0,004 Quartile de salaire W ? Q1 Réf, Réf, Réf, Q1 < W ? Me 0,012 ns 0,047 -0,007 ns 0,049 0,244 *** 0,050 Me < W ? Q3 -0,051 ns 0,052 -0,108 ** 0,055 0,131 ** 0,057 W > Q3 -0,349 *** 0,063 -0,503 *** 0,066 -0,125 * 0,067 Secteur d’activité Services Réf, Réf, Réf, Agriculture -0,127 ns 0,113 -0,359 *** 0,108 -0,187 * 0,109 Industrie -0,127 *** 0,039 -0,103 ** 0,040 -0,132 *** 0,042 BTP -0,285 *** 0,048 -0,271 *** 0,051 -0,264 *** 0,054 Horaire de Travail Pas d’horaire habituel -0,297 *** 0,050 -0,229 *** 0,049 -0,368 *** 0,052 Moins de 35 -0,038 ns 0,087 0,029 ns 0,076 -0,0029 ns 0,076 35 à 42 Réf , Réf , Réf , 43 à 48 -0,185 *** 0,063 -0,007 ns 0,069 -0,147 * 0,081 49 et + -0,155 *** 0,053 -0,123 ** 0,055 -0,214 *** 0,061 Observations 29 734 29 846 28 941 -2*Log- vraisemblance 29387 27952 25306

Activité des femmes en couple dont le mari est actif occupé – France ***,**,*

*** : significatif au seuil de 1 %, d’erreur
** : significatif au seuil de 5 % ;
* : à 10 %.

44La spécification inclut en explicatives l’ensemble des caractéristiques personnelles et familiales des femmes : âge, niveau de diplôme, situation matrimoniale, nombre et âge des enfants, taille du ménage et lieu de résidence.

Tableau 5

Activité des femmes en couple dont le mari est actif occupé – Japon ***,**,*

Tableau 5
Paramètre Valeur estimée Ecart type Valeur estimée Ecart type Valeur estimée Ecart type 1992 1997 2002 Constante 0,863 *** 0,070 1,167 *** 0,070 1,359 *** 0,074 Situation du mari Éducation : collège Réf, Réf, Réf, Lycée-Bac -0,068 *** 0,016 -0,057 *** 0,018 -0,040 ** 0,019 Bac + 2 ans -0,234 *** 0,029 -0,213 *** 0,030 -0,130 *** 0,031 Université -0,489 *** 0,022 -0,461 *** 0,023 -0,427 *** 0,024 Profession cadre 0,037 * 0,019 0,059 *** 0,020 0,020 ns 0,019 Employé de bureau Réf, Réf, Réf, Employé de commerce-services 0,077 *** 0,020 0,075 *** 0,020 0,071 *** 0,019 Agriculteur-artisan 0,491 *** 0,077 0,204 ** 0,088 0,083 ns 0,085 ouvrier 0,082 *** 0,019 0,034 * 0,020 0,057 *** 0,019 Taille de l’entreprise < 20 Réf, Réf, Réf, 20 à 99 -0,279 *** 0,018 -0,245 *** 0,019 -0,280 *** 0,020 100 à 999 -0,389 *** 0,018 -0,361 *** 0,019 -0,388 *** 0,020 1000 et + -0,589 *** 0,020 -0,576 *** 0,021 -0,611 *** 0,022 Emploi régulier du privé Réf, Réf, Réf, public 0,188 *** 0,021 0,244 *** 0,022 0,254 *** 0,024 précaire 0,028 ns 0,031 -0,017 ns 0,032 -0,022 ns 0,031 À son compte 0,467 *** 0,021 0,47 *** 0,022 0,465 *** 0,024 âge -0,0011 ns 0,001 -0,0091 *** 0,002 -0,0097 *** 0,002 Quartile de salaire W ? Q1 Réf, Réf, Réf, Q1 < W ? Me 0,021 ns 0,022 0,004 ns 0,022 -0,011 ns 0,022 Me < W ? Q3 -0,178 *** 0,024 -0,13 *** 0,019 -0,163 *** 0,020 W > Q3 -0,642 *** 0,026 -0,611 *** 0,022 -0,551 *** 0,021 Secteur d’activité Agriculture 0,115 ns 0,075 0,322 *** 0,088 0,348 *** 0,086 Industrie -0,203 *** 0,019 -0,216 *** 0,018 -0,149 *** 0,020 BTP 0,032 ns 0,131 0,062 *** 0,015 0,042 ** 0,017 Services Réf, Réf, Réf, Durée de travail hebdomadaire moins de 35 -0,377 *** 0,031 -0,37 *** 0,031 -0,344 *** 0,031 35 à 42 Réf, Réf, Réf, 43 à 48 0,105 *** 0,015 0,049 *** 0,015 0,03 * 0,017 49 et + 0,187 *** 0,016 0,122 *** 0,015 0,069 *** 0,016 Observations 184 170 166 573 143 759 -2*Log-vraisemblance 205720 186736 162504

Activité des femmes en couple dont le mari est actif occupé – Japon ***,**,*

*** : significatif au seuil de 1 %, d’erreur
** : significatif au seuil de 5 % ;
* : à 10 %.

45La spécification inclut l’ensemble des caractéristiques personnelles et familiales des femmes (voir note tableau 4).

Notes

  • [1]
    Cet article est issu d’un projet de recherche financé par l’ANR sur les nouvelles dynamiques du travail et de l’emploi en France et au Japon (NewDynam). Les auteurs remercient pour leurs remarques les participants au colloque de Tokyo des 23-24 mars 2012.
  • [2]
    Les femmes japonaises ne représentaient en 2008 toujours qu’un peu plus de 9 % des managers contre 39 % en France (2010), voir http://www.catalyst.org/knowledge/women-management-global-comparison.
  • [3]
    Seuls des indicateurs basiques d’activité et d’emploi pourront être fournis pour 2007 faute de disposer des données brutes, non encore accessibles pour le Japon.
  • [4]
    La parité yen/euro a oscillé en moyenne entre 100 et 130 yens pour un euro entre 1992 et 2013. Par ailleurs, l’arrivée au pouvoir du parti démocrate japonais en 2009 a amorcé une série de réformes dont l’allocation familiale. La somme attribuée mensuellement pour chaque enfant s’élève désormais à 13 000 yens jusqu’à l’âge de 15 ans. Mais cette politique est actuellement remise en question à cause des difficultés financières de l’État.
  • [5]
    Le congé parental, d’une durée d’un an après la naissance de l’enfant – à titre exceptionnel, six mois supplémentaires peuvent être accordés si le ménage ne trouve pas de moyen de faire garder l’enfant –, est ouvert aux femmes et aux hommes. Néanmoins, ce droit ne peut être octroyé aux salariés ayant moins d’un an d’ancienneté ou travaillant moins de deux jours par semaine.
  • [6]
    Si le nombre de places en crèches s’est accru d’environ 270 000 entre 1995 et 2002, la situation de pénurie persiste dans les centres urbains. On estime le déficit annuel à un volume de 20 000 à 30 000 places dans la région de Tokyo.
  • [7]
    Allocation personnalisée d’éducation créée en 1985 pour les familles de trois enfants au moins, le dernier ayant moins de trois ans, et étendue aux familles de deux enfants ou plus en 1994 [Marc, 2004]. Depuis 2004, la PAJE s’est substituée à l’ensemble des prestations antérieures et ouvre droit à une allocation attribuable dès le premier enfant pour une durée maximale de 6 mois, mais avec des conditions d’éligibilité assez restrictives [Joseph et al., 2012].
  • [8]
    Tableaux de résultats disponibles sur demande.
  • [9]
    Par économie de place, les coefficients correspondants sont omis des tableaux de résultats.
  • [10]
    On retient d’emblée les femmes en couple dont le mari est actif occupé. Les variables relatives à ce dernier sont : le niveau de diplôme, l’âge, la profession, la taille de l’entreprise, la durée hebdomadaire de travail, le secteur d’activité, le type de contrat de travail et le positionnement salarial.
  • [11]
    Bâtiment, travaux publics.
  • [12]
    Nous travaillons en valeurs pour le Japon, car les salaires sont seulement disponibles en tranches ; nous les approximons par les moyennes harmoniques des limites de tranches.
Français

L’analyse de l’activité des femmes en France et au Japon est menée sur la période 1992-2007 à partir d’enquêtes sur l’emploi comparables. Les conditions d’activité des femmes japonaises restent plus dépendantes de la situation du conjoint que celles des femmes françaises même si cette dépendance tend à s’affaiblir sur la période. Plusieurs réformes en matière de politique familiale et de déréglementation du marché du travail mises en place dans les années 1990 concourent peu à peu à rapprocher leur comportement d’activité de celui des Françaises, avec toutefois de fortes tensions.

Mots clés

  • activité professionnelle
  • femmes
  • institutions
  • revenu
  • comparaison internationale

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Mis en ligne sur Cairn.info le 24/12/2013
https://doi.org/10.3917/rfse.012.0149
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