CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Longtemps domaine réservé des juristes, la propriété intellectuelle a fait l’objet d’une attention accrue des économistes à partir de la seconde moitié des années 1980 dans une littérature qui s’est le plus souvent focalisée sur le rôle des brevets dans le développement d’un pays. Alors que les États-Unis ont développé une longue tradition d’analyse économique du copyright dans le cadre des travaux de Law and Economics, la question du droit d’auteur a donné lieu à une floraison de travaux en Europe plus tardivement. Le courant contemporain des analyses de Law and Economics est loin d’être uniforme et deux grandes tendances peuvent être dégagées. La première emprunte ses outils à la microéconomie standard et porte un regard normatif dont l’objectif est de définir un cadre juridique optimal [Stigler, 1992]. Elle se heurte aux critiques classiques d’« impérialisme économique » incarné par Becker [Becker, 1991]. La seconde tendance renvoie, historiquement, au courant institutionnaliste américain qui a fait réellement émerger les analyses de Law and Economics comme branche de l’économie à part entière : il s’agit de considérer l’échange économique comme un processus collectif ancré au cœur de logiques transactionnelles et institutionnelles. Les divers travaux de Law & Economics ont trouvé dans l’analyse de la propriété intellectuelle de nombreuses applications [Landes, Posner, 1989 ; Samuelson, 2001 ; Koelman, 2004]. Notre article s’inscrit dans cette tradition et pose, au travers d’un exemple bien particulier, celui du droit de suite en vigueur sur le marché de l’art, une question générale : dans quelle mesure une règle de droit peut-elle influencer le fonctionnement d’un marché ?

2Le droit de suite est un pourcentage du montant de la revente d’une œuvre d’art reversé à l’artiste. Instauré en France par une loi du 20 mai 1920, le droit de suite a ensuite fait tache d’huile dans de nombreux pays européens. À l’extérieur de l’Europe, le droit de suite est prévu par la législation de 39 pays. En 2011, un seul État aux États-Unis l’applique, la Californie. Juridiquement, la directive européenne du 27 septembre 2001, qui se donne pour objectif d’harmoniser l’ensemble des situations des États membres, affirme que le droit de suite fait partie intégrante du droit d’auteur. Sa durée est donc de 70 ans après la mort de l’artiste. Le champ d’application du droit de suite dépend à la fois des caractéristiques de l’œuvre et de l’artiste. La première doit être une « œuvre d’art originale » ; du côté des artistes, ceux-ci doivent être ressortissants d’un pays qui reconnaît le droit de suite ou avoir été assimilés.

3Le droit de suite est enclenché uniquement sur le second marché, lors de « tous les actes de revente dans lesquels interviennent en tant que vendeurs, acheteurs ou intermédiaires des professionnels du marché de l’art, tels les salles de vente, les galeries d’art et, d’une manière générale, tout commerçant d’œuvres d’art ». L’alinéa 4 de l’article premier de la directive précise que : « Le droit [de suite] est à la charge du vendeur. Les États membres peuvent prévoir que l’une des personnes physiques ou morales [vendeurs, acheteurs, professionnels du marché de l’art] autre que le vendeur est seule responsable du paiement du droit ou du partage avec le vendeur de cette responsabilité. » Profitant de cette liberté, le Royaume-Uni a transféré le droit de suite sur l’acheteur. En France, le droit de suite est à la charge du vendeur mais la responsabilité de son paiement incombe aux sociétés de vente et aux marchands d’art. Toutes les ventes d’œuvres d’art ne sont cependant pas concernées : outre les premières ventes au cours desquelles l’artiste lui-même est en position de vendeur, les transactions individuelles ou d’une personne privée vers un musée ne dégagent pas de droit de suite. Une revente s’effectuant moins de trois ans après la toute première vente et à moins de 10 000 euros n’est pas non plus soumise au droit de suite. La directive européenne prévoit de plus un taux dégressif du montant de la vente défini selon des tranches telles que le montant total du droit de suite ne peut jamais excéder 12 500 euros. Il existe enfin un prix de vente minimal pour que le droit de suite s’applique. Ce seuil, laissé à la décision des États membres, ne peut excéder 3 000 euros. La directive européenne devait être transposée au niveau national avant janvier 2006. Son application s’est heurtée à une réticence particulière des Britanniques qui ont vivement milité pour une prolongation de leur période d’adaptation jusqu’en 2012 et qui ont tenté de convaincre l’ensemble des partenaires européens de restreindre le droit de suite aux seuls artistes vivants.

4La littérature économique se montre généralement sceptique, voire très hostile au droit de suite, insistant sur les multiples sources d’inefficacité économique que produit ce droit. Après avoir précisé les formes juridiques (1) et les fondements économiques du droit de suite (2), nous discutons de la pertinence des principales critiques formulées. La confrontation avec la réalité du contexte institutionnel et des comportements sociaux sur le marché de l’art nous conduit à nuancer fortement les conclusions de la littérature économique, polarisée sur les seuls effets prix et revenus que subiraient respectivement les trois principaux agents économiques du marché, les artistes (3), les acheteurs (4) et les vendeurs (5). Les critiques ont en effet porté principalement sur le renforcement des inégalités de revenus, les effets des prix dépressifs et les risques de délocalisation, éléments susceptibles d’entraver le bon fonctionnement du marché de l’art.

1 – Un cadre juridique contraignant pour un segment limité du marché

5Rechercher l’impact du droit de suite sur le marché de l’art suppose de définir préalablement quel est le segment du marché touché. Un rapide aperçu de l’état du marché de l’art ces dernières années dans le monde fait apparaître un taux de croissance important. Globalement, le rapport de forces des différentes places du marché de l’art est le même depuis le début des années 2000 avec un leadership marqué pour les États-Unis et le Royaume-Uni. L’émergence du marché chinois apparaît comme la seule véritable nouveauté mais se limite pour l’heure essentiellement à la vente d’artistes chinois. En 2010, selon les données fournies par « Fine art », la Chine s’est hissée au premier rang mondial des ventes aux enchères devant les États-Unis et le Royaume-Uni, leaders du marché depuis les années 1950. Elle représente 33 % du produit mondial des ventes de Fine ART, les États-Unis 30 %, le Royaume Uni 19 % et la France 5 %.

Évolution du marché de l’art dans le monde

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Évolution du marché de l’art dans le monde

Source : Arts Economics, 2010 in McAndrew, 2010.

Répartition géographique du chiffre d’affaires du marché de l’art (en %)

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Répartition géographique du chiffre d’affaires du marché de l’art (en %)

Source : tendances tirées d’Artprice et de McAndrew, 2010.

6La part des ventes aux enchères parmi l’ensemble des ventes du marché de l’art est estimée par les professionnels entre 10 % à 20 % [Artprice, McAndrew, 2010]. En France, le marché de l’art est estimé en 2008 à 2,5 milliards d’euros, répartis de façon presque égale entre les ventes aux enchères et les ventes en galeries ou par des professionnels [ADAGP, Artprice]. Parmi l’ensemble des ventes réalisées, beaucoup ne sont pas soumises au droit de suite pour des raisons diverses : les premières ventes, celles directement réalisées par les artistes, les reventes d’artistes morts depuis plus de 70 ans, les ventes d’œuvres cotées qui ne passent jamais par des galeries ou des salles de ventes mais sont vendues directement de trust à trust par des grands collectionneurs ou des marchands d’art pour optimiser la fiscalité des successions, etc. De plus, toutes les ventes soumises au droit de suite ne sont pas gérées par l’ADAGP [1], puisque celle-ci ne gère pas, notamment, des artistes comme Matisse ou Picasso. Certains artistes – ou leurs héritiers – ayant la taille critique pour le faire, ont en effet choisi une gestion indépendante de leurs œuvres et possèdent leur propre maison de perception.

7Au total, la part du marché de l’art français soumis au droit de suite gérée par l’ADAGP – ce qui est une bonne approximation puisque la société gère les droits de près de 100 000 artistes – n’est que de 10 %. Lorsque Ginsburgh estime qu’une éventuelle délocalisation de toutes les ventes de tableaux impressionnistes vers les États-Unis engendrerait des pertes correspondant à 25 % du marché français [Ginsburgh, 2008], emporté par son élan, l’économiste semble oublier un peu rapidement que la plupart des impressionnistes étant décédés depuis plus de 70 ans, les reventes de leurs tableaux ne sont pas concernées par le droit de suite ! Rappelons, de plus, qu’aucune vente, quel que soit son montant, ne peut engendrer un droit de suite supérieur à 12 500 euros selon la législation européenne.

8Tel qu’il est appliqué en Europe (seuils, plafonnement, taux dégressifs), le droit de suite représente des montants dérisoires au regard du poids de l’ensemble du marché concerné. En France, le droit de suite perçu par l’ADAGP ne représente que 0,25 % de la valeur totale du marché de l’art [2]. Néanmoins, à un niveau microéconomique, le poids du droit de suite n’est pas indolore dans les comptes de petits ou moyens galeristes dont le chiffre d’affaires n’est pas assez élevé pour que l’acquittement du droit de suite passe inaperçu. Aucune donnée n’est cependant disponible pour mesurer précisément l’ampleur du phénomène.

Part du droit de suite sur le marché de l’art français en 2008

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Part du droit de suite sur le marché de l’art français en 2008

Sources : ADAGP, Artprice, BETHENOD, 2008.

9Le graphique suivant résume de façon très schématique la situation.

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2 – Retour sur les justifications économiques du droit d’auteur et du droit de suite

10Le droit de suite bénéficie-t-il de tous les attributs du droit d’auteur ? La question, résolue sur le plan juridique par la directive de 2001 (voir supra), mérite d’être posée sur le plan économique. Rappelons que si l’existence du droit d’auteur résulte d’un enchaînement de faits historiques [David, 1993] qui en font un compromis social toujours susceptible de réajustements et non d’analyses économiques bien établies, il est utile ex post de se poser la question de son efficacité économique. Sous le terme de droit d’auteur sont regroupés trois éléments distincts attribués au créateur, qui poursuivent des objectifs différents :

  • une forme de rémunération atypique – par rapport à la forme classique que constitue le salariat – proportionnelle au succès afin d’associer le créateur aux bénéfices éventuels de son œuvre ;
  • un monopole juridique qui accorde le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire l’exploitation d’une œuvre ;
  • une possibilité de cession du droit d’auteur à des agents susceptibles d’exploiter l’œuvre au mieux.

2.1 – Le droit de suite : associer le créateur au succès d’une œuvre non reproductible

11Contrairement aux autres créateurs qui négocient le taux du montant de droit d’auteur proportionnel au succès, le titulaire du droit de suite ne fixe pas le taux de sa rémunération, la loi le fait. Le droit de suite reste cependant un droit à rémunération proportionnelle au succès dont le fondement essentiel, historiquement, a été de ne pas défavoriser les artistes à la fois par rapport aux créateurs d’autres domaines culturels et par rapport aux autres agents économiques du marché de l’art.

12- Par rapport aux autres agents économiques du marché de l’art, la légende raconte que c’est une caricature de Jean-Louis Forain qui accéléra les réflexions sur le droit de suite afin que les héritiers d’artistes renommés puissent continuer à bénéficier de la valeur des œuvres ; au premier plan, un garçon en guenilles, devant l’hôtel des ventes, disait à son voisin : « Un tableau de papa ! » faisant référence à la vente de L’Angélus de Millet pour un million de francs alors que l’œuvre avait été vendue 1 200 francs par l’artiste et que sa petite-fille vivait dans un dénuement extrême.

13- De plus, le droit de suite apparaît comme un palliatif pour les auteurs d’arts graphiques et plastiques, qui, bien qu’ils produisent des œuvres originales non reproductibles [3], ne doivent pas être défavorisés par rapport aux autres créateurs tirant profit des exploitations successives de leurs œuvres.

2.2 – Une logique d’incitation à la création

14Le monopole, que les économistes n’apprécient guère habituellement, est justifié dans le cas du droit d’auteur essentiellement par une logique incitative bien adaptée aux industries culturelles dans lesquelles les biens sont reproductibles [Benhamou, Farchy, 2009]. Le droit d’auteur exclusif assure en effet juridiquement l’exclusion d’éventuels passagers clandestins qui pourraient reproduire ou représenter une œuvre sans avoir supporté les importants coûts fixes de la création et exerceraient ainsi une concurrence déloyale envers les auteurs et producteurs qui, eux, ont supporté ces coûts fixes. Le monopole d’exploitation accordé aux ayants droit limite les risques de sous-production d’œuvres pour la collectivité, liés au fait qu’aucun agent économique ne serait incité à s’engager dans de telles activités sans l’assurance d’un juste retour sur investissement. Au bout d’une période de temps définie par la loi, les rentes accordées doivent cependant cesser afin de permettre une meilleure diffusion des œuvres dans la collectivité.

15Le droit de suite est, là encore, une forme atténuée de droit d’auteur puisqu’une fois l’œuvre achetée le titulaire du droit de suite ne peut ni autoriser ni interdire son exploitation. Le droit de suite est cependant un élément d’incitation économique sur le long terme via des effets de réputation qui se répercutent positivement sur la valeur de l’ensemble de l’œuvre de l’artiste. Le droit de suite peut inciter les artistes à participer à la valeur future de leur œuvre et les encourager à l’effort grâce à ce que certains ont nommé une « incitation réputationnelle » [Hansmann, Santilli, 2001]. Grâce au droit de suite, l’artiste sait que, même s’il vend des œuvres à prix faible lors de la première transaction, il lui sera possible de compenser ce manque à gagner lors des reventes futures ; ce qui l’incite à produire des œuvres de qualité et à se faire connaître sans attendre de rémunération immédiate [Rushton, 2001].

16Dans un article canonique de 1998, Solow souligne l’importance d’un droit qui inciterait de nouveaux entrants à pénétrer le marché provoquant ainsi une augmentation de la production totale sur le marché de l’art [Solow, 1998]. Se situant dans la lignée de la théorie des biens durables, l’auteur développe l’idée qu’un monopole qui propose un bien durable dont le marché de revente s’avère concurrentiel ne crée pas d’incitation à maintenir la valeur de ce bien après la première vente ; le procédé de location est alors la solution économique traditionnelle proposée afin de maintenir la valeur future du bien. Solow assimile ensuite l’œuvre d’art à un bien durable pour lequel une procédure semblable à la location pourrait permettre de maintenir un lien sur le long terme entre le « propriétaire » – l’artiste – en situation de monopole et son œuvre. Le droit de suite constitue alors la résolution du problème lié aux ventes successives d’une œuvre : en l’absence de droit de suite, l’artiste n’a aucun intérêt à se préoccuper du devenir de ses œuvres une fois la première vente réalisée et le nouveau propriétaire pourrait être la victime de ce désintéressement. Le droit de suite constitue alors un moyen de lier l’artiste à la valeur future de son œuvre qu’il a intérêt à maintenir, même lorsqu’il n’en est plus directement propriétaire.

17Solow nuance cependant l’hypothèse d’« incitation réputationnelle » en distinguant deux cas selon la situation des artistes :

  • Lorsque les œuvres présentes et futures d’un artiste sont substituables (il peint toujours le même type de tableaux), celui-ci devra conserver ses œuvres sans les vendre ou produire moins afin de créer de la rareté et d’augmenter ses prix.
  • Dans le cas où les œuvres sont complémentaires, elles ne sont pas la simple répétition de son travail présent, l’artiste est au contraire incité à créer plus afin d’augmenter sa visibilité et son prestige. Sa cote s’accroissant, il pourra revendiquer des prix plus élevés avec le temps. La valeur finale des premières œuvres de l’artiste dépend de la valeur de ses œuvres suivantes. L’exemple de Picasso permet d’éclairer ce mécanisme : s’il s’était arrêté de peindre après sa période bleue, les œuvres de cette période auraient certainement eu beaucoup moins de valeur qu’elles n’en ont aujourd’hui. Dans le cas où les œuvres sont complémentaires, le droit de suite exerce donc bien son rôle positif d’incitation réputationnelle.
Un article récent [Wang, 2010] propose, dans la lignée de Solow, une modélisation des effets du droit de suite sur l’artiste, le surplus du consommateur et le bien-être social selon la notoriété de l’artiste et son pouvoir de fixation des prix. Contrairement à l’intuition, il conclut que l’existence du droit de suite conduit, quelle que soit la notoriété de l’artiste, à une baisse du surplus du consommateur et du bien-être social, mais à une hausse du revenu de l’artiste. Ces tendances sont cependant différenciées selon deux périodes : d’une part, celle de la première vente suivant la production de l’œuvre, vente lors de laquelle le jeune artiste n’a qu’un faible pouvoir de négociation et d’autre part, la potentielle revente. Le droit de suite est ainsi favorable aux artistes faiseurs de prix, déjà installés sur le marché : en effet, ils peuvent faire valoir leur pouvoir de négociation et empêcher le prix de la première vente de chuter malgré la présence du droit de suite ; ceci s’avère plus compliqué pour un nouvel artiste le plus souvent soumis aux conditions proposées par l’acheteur. Ainsi, selon cet article, le droit de suite a des effets très différents selon la situation des artistes.

2.3 – Une analyse institutionnelle d’un droit de propriété dans une logique de minimisation des coûts de transaction

18Le système de droit de propriété intellectuelle n’est pas seulement un outil incitatif, il est également une institution dont l’objectif est de faciliter les transactions autour des œuvres, en étant conçu de façon à engendrer les coûts de transaction les plus faibles possibles. En établissant des règles claires d’attribution des droits, le système de droit de propriété intellectuelle facilite la gestion des contrats entre les agents ; la cessibilité de ces droits qui les rend négociables sur un marché permet les échanges de droits de façon à ce que les agents les plus à même d’exploiter les œuvres efficacement soient en position de le faire. Contrairement au droit d’auteur habituel, le droit de suite n’est pas cessible. Comme tout le système de propriété intellectuelle, il reste cependant une institution permettant de réaliser des économies d’échelle par le système de gestion des sociétés de perception et de redistribution des droits, qui vise à réduire certains types de coûts de transaction.

19Bien que l’on trouve dans la littérature économique de nombreux arguments en faveur du droit d’auteur, le droit de suite constituant une forme atténuée de droit d’auteur, la littérature spécifiquement consacrée au droit de suite insiste essentiellement sur les effets dépressifs de cette législation. La pertinence de ces arguments est examinée dans les parties suivantes à l’aune du fonctionnement du marché de l’art.

3 – Les effets du droit de suite sur la situation des artistes

3.1 – Des effets revenus qui profitent à quelques artistes privilégiés

20La première critique adressée au droit de suite consiste à souligner les fortes inégalités qu’il engendre parmi les artistes en termes de perception de revenus. En effet, si ce droit a pour objectif d’apporter une rémunération aux artistes, peu en seraient réellement bénéficiaires. Statistiquement la grande majorité des artistes perçoit des sommes faibles au titre du droit de suite et seule une minorité perçoit des sommes conséquentes. Ainsi, en Grande-Bretagne, en 2008, 60 % des artistes qui perçoivent un droit de suite touchent moins de 24 livres sterling par œuvre vendue, tandis que 2 % seulement touchent un droit de suite supérieur à 50 000 livres sterling [Design and Artists Copyright Society, 2008]. En France en 2010, la situation semble tout aussi déséquilibrée puisque 6 millions d’euros ont été distribués à 2 589 personnes (746 artistes vivants et 1 843 héritiers d’artistes décédés) au titre du droit de suite. 1 696 artistes (746 vivants et 950 décédés) ont généré du droit de suite pour un montant moyen de 3 542 euros chacun. Les montants moyens perçus par œuvre vendue s’élèvent à 389 euros et il n’y a sous cet aspect que peu de différence entre artistes vivants et décédés (359 euros en 2010 pour les vivants et 401 euros pour les héritiers) [4]. En raison notamment du plafonnement du droit de suite à 12 500 euros par vente, la moyenne des droits perçus par l’ensemble des artistes est donc relativement faible, comme l’indique le tableau suivant.

Le droit de suite en 2010 en France

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Le droit de suite en 2010 en France

Source : calculs réalisés d’après les données de l’ADAGP (Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques).

21De plus, ces montants moyens cachent des inégalités de répartition : 68 % des artistes appartiennent à la tranche de ceux qui touchent en moyenne 1114 euros tandis que 1 % d’entre eux appartiennent à la tranche de ceux qui touchent en moyenne 15 908 euros. En 2010, huit d’entre eux ont touché plus de 100 000 euros au titre du droit de suite (voir infra, tableau du Top 10).

Répartition des revenus du droit de suite

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Répartition des revenus du droit de suite

Source : calculs réalisés d’après les données de l’ADAGP.

22Le nombre de ventes soumises au droit de suite est plus élevé que le nombre d’artistes qui en bénéficient, ce qui traduit également une concentration des revenus ; les mêmes artistes réalisent plusieurs ventes, et cette situation s’accentue pour les artistes décédés : sur les six dernières années, les artistes vivants ont réalisé 5,5 ventes en moyenne et les artistes décédés 13,8. En 2010, quatre artistes ont réalisé plus de 100 ventes ayant généré du droit de suite (voir infra, tableau du Top 10). Les ventes d’artistes vivants sont nettement moins importantes que celles d’artistes décédés : en valeur, en 2010, les ventes soumises au droit de suite se répartissent pour 75 % vers les artistes décédés et 25 % vers les artistes vivants ; en volume la répartition est légèrement moins déséquilibrée (71 % pour les artistes décédés, 28 % pour les vivants).

23Au-delà de la répartition en termes de ventes, le nombre d’artistes concernés par le droit de suite est relativement équilibré sur les dernières années (en 2010, 56 % de familles et 44 % d’artistes vivants en ont bénéficié). Dans la mesure où les ventes les plus chères sont souvent réalisées par des artistes décédés, les montants en valeur se répartissent à 74 % pour les artistes décédés et 26 % pour les vivants.

Répartition des montants nets du droit de suite

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Répartition des montants nets du droit de suite

Source : calculs réalisés d’après les données de l’ADAGP.

Top 10 des artistes ayant généré du droit de suite en 2010

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Top 10 des artistes ayant généré du droit de suite en 2010

Source : calculs réalisés d’après les données de l’ADAGP.

24Ces inégalités renforcent donc les gains d’une minorité d’artistes tandis que la plupart d’entre eux ne voient pas leur situation s’améliorer.

3.2 – L’attractivité du marché pour l’artiste au-delà des effets revenus

25Les inégalités de revenus sur le marché de l’art existent sur l’ensemble du marché du travail artistique confronté à la question du star-system, où une immense majorité ne perçoit presque rien, tandis qu’une poignée s’accapare l’essentiel des revenus du secteur. Le droit de suite accentue ces inégalités puisque, par construction, tout droit d’auteur associe l’auteur au succès… ou à l’insuccès de son œuvre. Tout droit d’auteur en tant que forme de rémunération spécifique, proportionnelle au succès, ne fait, par définition, qu’accentuer le fossé entre quelques créateurs privilégiés et les autres ; il ne rémunère pas le travail, parfois très important, de ceux qui connaissent de moindres succès. Tout droit d’auteur par principe renforce de plus les inégalités de patrimoine au-delà des inégalités de revenus puisque les héritiers en sont bénéficiaires 70 ans après la mort de l’auteur.

26Remettre en cause le droit de suite au nom de ces inégalités reviendrait donc à remettre en cause l’ensemble de la législation en matière de propriété intellectuelle. De plus, ces inégalités de revenus n’empêchent pas le nombre de postulants d’augmenter dans ce secteur. « La population des artistes plasticiens s’est fortement accrue à la fin du xxe siècle en dépit du faible attrait financier de la profession » [Moureau, Sagot-Duvauroux, 2010]. L’analyse économique qui postule l’aversion pour le risque comme norme de comportement individuel rationnel peut-elle expliquer l’engagement dans des carrières aussi incertaines et faiblement rémunératrices en moyenne ?

27Deux éléments retiennent classiquement l’attention. Adam Smith au xviiie siècle apporte une première explication au choix d’une carrière artistique : des individus n’acceptent de s’engager dans un métier où leur avenir est incertain – alors que la majorité préfère des emplois sûrs et un éventail de gains resserrés – que si les principaux gains sont particulièrement élevés ; comme dans le cas d’une loterie, l’espoir de telles rémunérations lève l’inhibition à l’égard du risque, chacun surestimant sa bonne étoile, dans un contexte d’espérance moyenne de gains inférieure à celle des autres secteurs d’activités. D’autre part, Adam Smith reconnaît également des arguments non monétaires qui militent en faveur de l’engagement dans des carrières artistiques, que d’autres économistes ou sociologues ont ensuite développé. L’adage parnassien de « l’Art pour l’Art » ou encore « Art for Art’s Sake » laisse entendre un « engagement vital » qui expliquerait le choix de la carrière artistique malgré l’attente de revenus plus faibles que si une autre voie professionnelle avait été choisie. Il y a une gratification propre au fait d’être artiste. La situation inégalitaire de distribution des montants versés au titre du droit de suite ne détruit donc pas l’attrait de ces professions où les faibles rémunérations moyennes sont compensées par l’espoir de gains élevés et où les arguments non monétaires jouent un rôle majeur dans le choix d’une telle carrière.

4 – Les effets du droit de suite via les comportements des acheteurs

4.1 – Des effets prix dépressifs

28Nombre de travaux économiques théoriques ont tenté d’évaluer l’impact du droit de suite sur le prix des œuvres d’art. Leurs conclusions, bien que contrastées, mettent majoritairement l’accent sur les effets négatifs de ce droit.

4.1.1 – Des prix à la hausse sur le second marché : le droit de suite comme coût de transaction assimilable à une taxe

29Pour certains économistes, le droit de suite n’est pas seulement générateur, comme tout droit d’auteur, de coûts de transaction ; il est en lui-même un pur coût de transaction [Ginsburgh, 2008 ; Rushton, 2001 ; Perloff, 1998] qui peut être assimilé à une taxe [Asimow, 1971 ; Colonna, Colonna, 1982] et entrave le marché secondaire des reventes concerné par le droit de suite. En effet, le vendeur augmente son prix de réservation puisque le montant qu’il perçoit de la vente est amputé par le règlement du droit de suite. En augmentant le prix, ce coût supplémentaire pèse sur les transactions. Lorsque le droit de suite est introduit, le vendeur l’intègre dans son prix de vente qui augmente. L’artiste perçoit le droit de suite mais les acheteurs réduisent leur demande. Le marché serait amputé du nombre de transactions correspondant et le droit de suite aurait selon cette analyse théorique des conséquences dépressives sur le marché de l’art.

4.1.2 – Des prix à la baisse sur le marché primaire : droit de suite et effets d’anticipation des acheteurs

30D’autres analyses économiques concluent également à des effets négatifs du droit de suite mais par un tout autre raisonnement. L’effet du droit de suite est envisagé, non plus sur le prix de la revente, mais sur celui de la première vente qui juridiquement n’est pas concernée par le droit de suite. Or, en raison de l’instauration d’un droit de suite, le prix de la première vente, la seule réalisée par l’artiste lui-même, est revu à la baisse réduisant par là même les revenus de l’artiste que ce droit était supposé protéger et ce, en raison de comportements d’anticipation des acheteurs.

31Pour le comprendre, deux marchés sont distingués : le premier est celui des transactions de l’artiste vers le premier acheteur tandis que le marché secondaire concerne l’ensemble des transactions de reventes. Lorsqu’un agent achète un tableau sur le premier marché, il sait qu’une potentielle revente de cette œuvre impliquera le paiement d’un droit de suite. Un comportement rationnel d’anticipation économique réduit alors la propension à payer lors de la première vente de crainte de ne pas pouvoir récupérer l’argent investi lors d’une revente « amputée » du droit de suite.

32Filer nuance fortement cette rationalité puisqu’elle postule que, sur un marché parfait, le montant exact du droit de suite anticipé est déduit du premier prix d’achat proposé à l’artiste mais que la probabilité de revente n’est pas prise en compte par les agents. Les jeunes artistes sont donc défavorisés ; si le premier acheteur retire un montant équivalent du droit de suite à l’artiste lors de sa première vente, rien ne peut assurer à ce dernier de récupérer le montant amputé du droit de suite de la première vente compte tenu de l’incertitude d’une revente future [Filer, 1984]. L’instauration du droit de suite défavorise donc les jeunes artistes qui préféreraient un paiement immédiat plus conséquent que la promesse de gains futurs que beaucoup ne réaliseront pas en pratique [Ginsburgh, 2005].

4.2 – Les comportements des acheteurs : une réalité plus complexe que la simple réactivité aux effets prix

33Les effets du droit de suite sur les prix du marché de l’art ont donné lieu, nous l’avons vu, à une abondante littérature théorique. Les conclusions des rares tentatives de vérifications empiriques sont à la fois nuancées et peu concluantes. Sans doute faut-il voir dans cette absence de résultats clairs le reflet de la diversité et de la complexité des comportements des acheteurs sur le marché de l’art qui peuvent difficilement être saisis par des analyses économiques globales et quantitatives centrées sur la seule variable prix.

4.2.1 – Des vérifications empiriques contrastées

34Quelques études empiriques ont tenté de vérifier la pertinence des effets théoriques annoncés du droit de suite sur les prix du marché de l’art. La méthode la plus souvent employée est celle des prix hédonistes qui consiste à faire l’hypothèse qu’un bien est consommé, non pour lui-même, mais pour l’ensemble des caractéristiques qui le composent [Rosen, 1974]. Le prix est alors le résultat des plusieurs variables explicatives qui sont les diverses caractéristiques de ce bien. L’objectif est d’établir une corrélation entre le niveau des prix et chacune de ces caractéristiques. Le choix des caractéristiques en amont influence donc directement les résultats finaux.

35Dans une étude économétrique réalisée à partir de données françaises [Benhamou, De Vriese, 2008] quatre catégories de caractéristiques sont retenues : les caractéristiques techniques, le moment de la vente, le lieu de vente et le droit de suite. Les artistes sélectionnés sont des artistes français vivants qui vendent un minimum de 20 % de leurs œuvres à l’étranger. Les transactions sont étudiées sur la période 1988-2001 au taux ancien du droit de suite à 3 %. Les auteurs proposent de tester l’hypothèse théorique d’une baisse du prix des œuvres sur le premier marché (voir supra), mais, en l’absence de données fiables sur ces prix, approximent à partir des résultats de reventes aux enchères en France et à l’étranger sur la période considérée. L’objectif est alors de tester si les comportements d’anticipation des acheteurs sur le premier marché se répercutent ensuite sur l’ensemble des transactions suivantes. Les auteurs concluent à un effet dépressif du droit de suite sur le marché : les prix diminuent du fait de son instauration et le droit de suite a un impact plus fort sur les prix que le lieu de vente. Les conclusions sont cependant nuancées. Si la relation entre droit de suite et prix de l’œuvre est effectivement inverse en ce qui concerne les peintures, elle est non significative pour les aquarelles et les dessins qui représentent 42,4 % des observations de l’étude.

36Une étude similaire a été réalisée en Grande-Bretagne qui constitue presque un cas d’école puisqu’en introduisant le droit de suite en 2006, elle peut être considérée comme une expérience naturelle [Banternghansa, Graddy, 2010]. L’hypothèse principale des deux économistes est de considérer, à l’instar de l’étude française, que les anticipations des agents fonctionnent à toutes les étapes de la revente de l’œuvre ; leurs données sont donc elles aussi issues du marché secondaire. L’échantillon considéré concerne la vente d’œuvres de 1993 à 2007. Deux échantillons sont constitués ; le premier, avant 2006, sont les œuvres qui auraient été soumises au droit de suite si une telle législation avait existé à l’époque en Grande-Bretagne. Le second concerne les œuvres effectivement soumises au droit de suite depuis 2006. Leurs résultats ne confirment pas l’intuition théorique. Les six pays étudiés connaissent une augmentation des prix pour les deux échantillons considérés, autrement dit malgré l’instauration du droit de suite en Grande-Bretagne. Plus surprenant encore, la croissance des prix sur le marché de l’art anglais soumis au droit de suite est plus forte que dans tous les autres pays et surtout plus forte que la croissance de la moyenne du marché total. Avec des hypothèses plausibles – revente d’une œuvre deux fois durant la vie d’un artiste, environ tous les 20 ans – et hypothèse que l’introduction du droit de suite en Grande-Bretagne en 1993 ne pouvait pas être anticipée, les deux économistes montrent que l’on aurait dû constater, à cause du droit de suite, une baisse du chiffre d’affaires de 0,8 % sur le marché de l’art anglais et non une hausse de 2,3 %.

4.2.2 – Au-delà des effets prix

37Les effets théoriques supposés du droit de suite font l’hypothèse que la demande de biens sur le marché de l’art répond aux mêmes logiques de variation des prix qu’un bien économique « classique » dont la demande est une fonction décroissante du prix. Il serait alors logique d’observer une hausse de l’achat d’œuvres d’un artiste lorsque le prix de ces dernières baisse, conformément à la loi de l’offre et de la demande. Dans ce cas, l’acheteur rationnel attendrait que la cote d’un artiste chute afin d’acheter des tableaux, tandis qu’un artiste ne trouverait que peu d’acquéreurs lorsqu’il est surcoté. Ce raisonnement par l’absurde va à l’encontre de tous les comportements observables sur le marché de l’art. Difficile de penser qu’un artiste, dont les tableaux ont perdu énormément de valeur et peuvent être achetés à très bas prix, verra sa demande croître considérablement. Cette particularité du marché de l’art confirme que celui-ci n’obéit pas aux effets prix traditionnels. Les motivations en matière de consommation analysées par Leibenstein [1950] peuvent être appliquées au marché de l’art [Moureau, Sagot-Duvauroux, 2010] :

38L’effet d’entraînement

39La spéculation grandissante sur le marché de l’art est le reflet de comportements mimétiques semblables à ceux de l’esprit animal keynésien des marchés financiers. Ce mimétisme de groupe est dû d’une part à un besoin normatif d’identification qui augmente la satisfaction tirée de la consommation lorsque plusieurs agents consomment simultanément un bien [Becker, 1991] et, d’autre part, à la place grandissante des institutions sur le marché de l’art qui se transforment en un « monopole du bon goût légitime » formant de façon plus ou moins marquée l’évolution des pratiques sociales de la culture de notre époque [Poirson, 2002].

40L’effet snob

41Roland Barthes distinguait dans les rapports d’un individu à l’art le punctum du studium [Barthes, 1980]. Le punctum renvoie à l’émotion immédiate ressentie devant une œuvre d’art, tandis que le studium décrit le rapport intellectuel à l’œuvre qui s’intensifie à mesure que la connaissance de l’art s’amplifie. Ce rapport particulier et privilégié de l’amateur spécialiste de l’œuvre explique alors la dimension addictive qui peut apparaître à la consommation d’œuvres d’art. Si le plaisir esthétique est, entre autres, à l’origine de ce comportement, il existe également une volonté de distinction qui se fonde sur la quantité. À nouveau, l’assimilation de son comportement à une fonction de demande classique fonctionne difficilement. Le bien artistique étant déjà en soi un bien distinctif, l’hypothèse de préférence pour la diversité à l’origine de la convexité de la courbe de demande ne peut être posée. Comme le soulignait Marshall, « si élevé soit le désir de variété, il est faible comparé au besoin de distinction : un sentiment qui […] peut être ainsi considéré comme la plus puissante des passions humaines ». L’économiste se doit, en toute humilité, de prendre en compte ces « passions exogènes » sur le marché de l’art.

42L’effet VEBLEN et les biens de luxe

43Dès la fin du xixe siècle, Veblen avait perçu la particularité de certains biens et de leur consommation. La volonté de distinction s’exerce d’une autre manière qu’à travers l’effet snob dans le cadre des appartenances sociales. Les classes aisées cherchent à se distinguer par des activités inédites jusqu’à ce que ces dernières circulent et se diffusent dans l’ensemble de la société, moment à partir duquel ces classes trouvent d’autres nouveaux modes de distinction [Bourdieu, 1979]. Pour des biens de luxe, contrairement aux biens classiques, la demande est positivement corrélée au niveau des prix : l’achat de biens à prix élevés qui ne peuvent se diffuser massivement est un outil de distinction sociale.

4.2.3 – Entre passion et spéculation, les multiples facettes des comportements d’achat

44La réalité des comportements des acheteurs sur le marché de l’art est en réalité plurielle, alliant comportements économiques rationnels et traits distinctifs d’un marché atypique. L’acte d’achat obéit à des motivations fort diverses qu’elles soient romantiques – passion, occupation – distinctives – valorisation, ostentation, outil de promotion, médiatisation – économiques – placement d’argent, spéculation, économie d’impôt –, etc. Bien qu’il n’existe pas de statistiques sur la répartition des différentes catégories d’acheteurs sur le marché de l’art et de leurs comportements respectifs, on peut cependant conclure de cette pluralité des comportements que l’effet du droit de suite sera lui aussi bien différent selon le type d’acheteurs concernés. La faiblesse des montants de droit de suite au regard des sommes engagées dans l’achat d’une œuvre conduit à penser que ce droit aura peu d’impact pour les collectionneurs et tous les acheteurs passionnés. Mais dans un contexte de rationalisation du marché, nombre d’acheteurs sont également vendeurs en amont afin de pouvoir acheter. Pour un agent souhaitant acheter une œuvre à 350 000 à partir d’une vente à 340 000 euros, un droit de suite de 7 900 euros est certes négligeable au vu de la valeur des œuvres concernées, mais pourra devenir un obstacle au vu d’un budget de l’agent de 10 000 euros pour effectuer la transaction.

5 – La tentation du vendeur : délocaliser pour profiter des différentiels de législation sur le droit de suite entre pays

45Une autre catégorie d’études économiques met en avant les effets prix du droit de suite non plus sur le comportement de l’acheteur mais sur celui du vendeur.

5.1 – Une tentation théorique de délocalisation

46La mondialisation des échanges se traduit par une forte concurrence entre diverses places de marché. La France et l’ensemble de l’Europe se trouvent en compétition avec des marchés anciens comme celui des États-Unis mais aussi de nouveaux marchés comme ceux de la Chine, de Hong Kong ou de l’Inde. Lors de la deuxième transaction et des suivantes, le vendeur, potentiellement soumis au paiement du droit de suite, sera tenté pour y échapper, de déplacer la vente dans un pays qui ne l’applique pas. Le risque est donc que les différentiels de législations portent atteinte au dynamisme de certaines places soumises au droit de suite et que les ventes sur le second marché se concentrent dans des pays n’appliquant pas ce droit. La directive européenne de 2001 harmonisant partiellement les législations – la question des seuils n’a pas été harmonisée – suppose régler le problème en interne, mais le déplace vers les places du marché de l’art où le droit de suite n’existe pas comme la Suisse, les États-Unis, la Chine ou le Royaume-Uni pour les artistes décédés.

5.2 – L’arbitrage coûts-bénéfices des agents économiques : coûts de la délocalisation et effets de seuil

47En faisant l’hypothèse que le choix du lieu de vente correspond à un arbitrage coûts-bénéfices rationnel, on peut tenter d’évaluer les modalités de choix des vendeurs en supposant que si le droit de suite excède les coûts de délocalisation, le vendeur aura intérêt à délocaliser ; dans le cas inverse, il restera sur le territoire de départ. C’est l’approche choisie par le cabinet Arthur Andersen qui a réalisé avant la mise en place de la directive une étude comparative des coûts de délocalisation et du droit de suite [Arthur Andersen, 1999]. Les coûts de « clou à clou » se décomposent en coûts de l’emballage, de l’enlèvement, du transport, des formalités de douane et des frais administratifs, et coûts d’assurance. Ces coûts sont évalués pour un transport en provenance de Paris vers deux villes sans droit de suite, Genève et New York. Les auteurs comparent ensuite les coûts de la délocalisation avec les montants du droit de suite appliqués en France à l’époque afin de déterminer les situations dans lesquelles le vendeur a, toutes choses égales par ailleurs, intérêt à délocaliser soit à Genève, soit à New York.

48En reprenant la méthodologie utilisée par l’étude Arthur Andersen, il est possible de rendre compte de cet arbitrage pour l’année 2010. Pour cela, nous avons actualisé les tranches et le plafond du droit de suite mentionnés dans la directive européenne ; les coûts de la délocalisation, transports et taux d’assurance sont, quant à eux, évalués sur la base de devis réalisés par l’un des plus gros transporteurs parisiens spécialisés, pour une œuvre de référence de 60 × 80 cm. Les devis incluent les formalités douanières d’exportation mais non les taxes éventuelles du pays de destination. Le transport est évalué par avion pour New York.

Coûts de la délocalisation en provenance de Paris vers New York en 2010

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Coûts de la délocalisation en provenance de Paris vers New York en 2010

Seuil de délocalisation d’une œuvre en provenance de Paris vers New York en 2010

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Seuil de délocalisation d’une œuvre en provenance de Paris vers New York en 2010

49Dans cette simulation, le vendeur a intérêt à délocaliser vers New York entre 82 339 et 5,2 millions euros. Compte tenu de ces seuils, il peut être intéressant d’observer quelle serait la part des œuvres susceptibles, selon un tel calcul, d’être délocalisées.

Concentration des œuvres soumises au droit de suite par tranches de valeur en 2010

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Concentration des œuvres soumises au droit de suite par tranches de valeur en 2010

Source : calculs d’après les données de l’ADAGP.

50Au vu de la proportion de marché concernée, le tableau ci-dessus fait apparaître que le risque de délocalisation vers New York concerne environ 3 % des transactions soumises au droit de suite. Au total en 2010, pour plus de 95 % des transactions en volume et près de la moitié des transactions en valeur (47 %), le pur arbitrage économique rationnel conduit à ne pas délocaliser. Sur l’ensemble de la période 2005-2010, 98 % du marché en volume, 54 % en valeur vers New York, n’est pas délocalisable.

51De plus, si les différentiels de législation peuvent faire redouter des délocalisations de pays européens vers d’autres zones géographiques non soumises au droit de suite, l’attractivité de certaines places de marché dépend de nombreux facteurs structurels largement indépendants de l’existence ou non d’un droit de suite.

5.3 – Le choix du lieu de vente au-delà d’un arbitrage coûts-bénéfices

52Au-delà d’un arbitrage micro-économique rationnel toutes choses égales par ailleurs, le choix de localisation des ventes obéit à des critères infiniment plus complexes. Le recul de la France sur la scène mondiale de l’art dans la seconde moitié du xxe siècle est incontestable et le pays qui était à la première place dans les années 1950 est récemment passé de la troisième à la quatrième place au profit de la Chine et de Hong Kong. De nombreux professionnels considèrent cependant que le choix du lieu de vente, souvent à Londres ou New York, est largement déconnecté du droit de suite. Le rapport Bethenod qui propose de supprimer le droit de suite pour les artistes décédés n’accorde à ce droit que 3 pages sur 60, multipliant par ailleurs d’autres propositions en faveur du marché de l’art en France. Les principaux écueils du marché sont connus et tiennent autant à des facteurs artistiques qu’économiques : pression fiscale trop élevée, place financière de moindre envergure que celles de Londres, New York ou Hong Kong, retard dans la modernisation des maisons de ventes, pesanteurs administratives, régime de TVA (taxe sur la valeur ajoutée) applicable à l’importation, interdiction d’effectuer des ventes de gré à gré, artistes résidant en France ayant perdu une partie de leur poids sur la scène internationale, importance du nombre de collectionneurs dans d’autres pays, etc.

53Indépendamment de l’existence ou non du droit de suite, le choix du lieu de vente s’effectue notamment en fonction de l’efficacité des intermédiaires, de la présence d’acheteurs solvables et intéressés, et de la notoriété de la place de marché pour le type d’œuvres concernées.

54La suprématie de Londres ou New York par rapport à Paris tient en partie à l’attractivité des maisons de vente Sotheby’s et Christie’s par rapport à celle de Drouot. Les taux de croissance des deux premières dans les ventes parisiennes, auxquelles elles ont accès depuis dix ans, confirment ce dynamisme. Les commissions de ces intermédiaires à la charge du vendeur ou de l’acheteur sont pourtant bien plus conséquentes que les montants du droit de suite. Les professionnels estiment que ces frais pèsent sur le vendeur à hauteur d’un taux dégressif compris entre 20 % et 12 % et sur l’acheteur à hauteur d’un taux oscillant entre 17,5 % et 10 %. Concernant Sotheby’s à Londres, si les commissions concernant le vendeur restent secrètes, la comparaison des taux du droit de suite et des taux de commissions sur l’acheteur fait apparaître la faiblesse du droit de suite.

55De plus, l’offre suit la demande et cette dernière est beaucoup plus importante et diversifiée à Londres ou New York qu’à Paris. En matière de collectionneurs, Paris est encore loin d’être à la hauteur de ses rivales anglo-saxonnes, comme le montre le tableau ci-dessous.

Répartition géographique des plus grands collectionneurs dans le monde

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Répartition géographique des plus grands collectionneurs dans le monde

Source : données actualisées d’après Artnews ; Moureau, Sagot-Duvauroux, 2010.

56Enfin, il existe des caractéristiques propres à chaque place du marché de l’art qui jouent un rôle essentiel, quelle que soit la législation en matière de droit de suite, dans l’arbitrage final du lieu de vente. Si les marchés américain et britannique restent les deux leaders mondiaux en valeur, certains pays comme la France sont des marchés où se font de multiples transactions de faible valeur. Alors que les transactions millionnaires se font essentiellement à New York et à Londres, le marché de l’art en France est au contraire essentiellement un marché de volume. En effet, les transactions soumises au droit de suite sur le sol français, par exemple, sont depuis 2005 à 95 % inférieures à 50 000 euros. Le tableau suivant fait apparaître le rôle leader de la France en termes de volume et l’émergence du marché chinois.

Évolution de la répartition géographique du nombre de transactions sur le marché de l’art

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Évolution de la répartition géographique du nombre de transactions sur le marché de l’art

Source : Artprice.

5.4 – La localisation du Top 100 des ventes aux enchères

57À partir de la recherche de la nationalité, de la date de décès de l’artiste et du lieu de revente de l’œuvre, nous pouvons identifier les transactions engendrant ou non du droit de suite. L’examen du lieu où s’effectuent les plus grosses ventes aux enchères dans le monde peut nous éclairer sur les choix réels des agents et sur l’importance du droit de suite dans les décisions de localisation des reventes [5]. Le tableau ci-dessous fait en effet apparaître que 23 œuvres (DS & D) du Top 100 – top 98 en réalité d’après les données fournies par Artprice – n’ont pas été délocalisées (si l’on prend comme critère le rapport entre la nationalité de l’artiste et le lieu de vente). Par ailleurs cinq œuvres d’artistes vivants restent en Grande-Bretagne alors que leur vente produirait du droit de suite (V & ND). 28 œuvres ne sont donc pas délocalisées. Comment interpréter la délocalisation des 70 restantes ? Plus de la moitié, 37 œuvres qui ne génèrent pas a priori de droit de suite – parce que les artistes sont morts pour la Grande-Bretagne, depuis plus de 70 ans pour les autres pays ou parce que leur pays d’origine n’a pas de législation dans ce sens – sont malgré tout délocalisées (NDS & D). Une œuvre est même délocalisée à partir d’un pays qui n’applique pas le droit de suite vers un pays qui l’applique… (NDS & DDS). Enfin, nous avons fait l’hypothèse que les coûts de délocalisation des grandes capitales européennes vers New York étaient à peu près similaires à ceux de Paris vers New York et que, par conséquent, les mêmes seuils pouvaient être appliqués. Sous cette hypothèse, 22 œuvres appartiennent à une tranche de valeur qui, selon des calculs rationnels, devraient rester sur leur territoire puisque les coûts de transports sont, dans ce cas, supérieurs aux montants du droit de suite (voir supra les seuils de délocalisation) ; ces œuvres sont pourtant délocalisées vers New York (SDS & D). Au total, pour 60 œuvres sur 70 délocalisées, le choix du lieu de vente n’a clairement pas obéi à un arbitrage coûts-bénéfices lié au droit de suite. Et rien ne prouve que celui-ci ait joué dans les choix effectués pour les 10 œuvres restantes (NS).

Top 100 des ventes aux enchères en 2008

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Top 100 des ventes aux enchères en 2008

Source : typologie réalisée d’après Artprice.

6 – Conclusion

58Croire que remettre en cause le droit de suite, toutes choses égales par ailleurs, pourrait contribuer à une quelconque relance du marché de l’art en Europe n’est que pure illusion. Le supprimer pourrait avoir comme conséquences de substituer des intérêts particuliers – ceux des galeristes, antiquaires, marchands d’art ou sociétés de ventes – à d’autres – ceux des quelques artistes vivants et de leurs divers héritiers qui en profitent. Une réforme du droit de suite qui ne serait pas une simple réponse catégorielle de court terme ne peut se concevoir sans prendre en compte le cadre institutionnel européen et les comportements sociaux de l’ensemble des agents, artistes, marchands ou acheteurs au-delà des simples arbitrages économiques rationnels individuels.

Notes

  • [1]
    La principale société de perception et de répartition des droits sur le marché de l’art en France.
  • [2]
    Ce chiffre n’inclut cependant pas les montants de droit de suite générés par les reventes d’œuvres de Matisse ou Picasso qui ont des maisons de gestion des droits indépendantes ; le chiffre d’affaires du marché de l’art inclut ces œuvres.
  • [3]
    On notera cependant que si l’œuvre d’art n’est pas reproductible en elle-même, des produits dérivés comme les cartes postales, les posters, etc., peuvent l’être.
  • [4]
    Tous les chiffres concernant le droit de suite géré par l’ADAGP n’incluent pas le droit de suite des œuvres de Matisse et Picasso.
  • [5]
    Pour construire ce tableau, nous faisons l’hypothèse forte que l’œuvre est géographiquement située dans le pays de nationalité de l’artiste.
Français

Résumé

Cet article applique au cas particulier du marché de l’art une question plus générale : dans quelle mesure une règle de droit peut-elle entraver le fonctionnement d’un marché ? La confrontation de l’analyse économique du droit de suite avec la réalité des institutions et des comportements sociaux sur le marché de l’art conduit à nuancer fortement les conclusions traditionnelles de la littérature polarisée sur les seuls effets prix et revenus.

Mots-clés

  • droit de suite
  • marché de l’art
  • propriété intellectuelle
  • Law & Economics
  1. 1 - Un cadre juridique contraignant pour un segment limité du marché
  2. 2 - Retour sur les justifications économiques du droit d’auteur et du droit de suite
    1. 2.1 - Le droit de suite : associer le créateur au succès d’une œuvre non reproductible
    2. 2.2 - Une logique d’incitation à la création
    3. 2.3 - Une analyse institutionnelle d’un droit de propriété dans une logique de minimisation des coûts de transaction
  3. 3 - Les effets du droit de suite sur la situation des artistes
    1. 3.1 - Des effets revenus qui profitent à quelques artistes privilégiés
    2. 3.2 - L’attractivité du marché pour l’artiste au-delà des effets revenus
  4. 4 - Les effets du droit de suite via les comportements des acheteurs
    1. 4.1 - Des effets prix dépressifs
      1. 4.1.1 - Des prix à la hausse sur le second marché : le droit de suite comme coût de transaction assimilable à une taxe
      2. 4.1.2 - Des prix à la baisse sur le marché primaire : droit de suite et effets d’anticipation des acheteurs
    2. 4.2 - Les comportements des acheteurs : une réalité plus complexe que la simple réactivité aux effets prix
      1. 4.2.1 - Des vérifications empiriques contrastées
      2. 4.2.2 - Au-delà des effets prix
      3. 4.2.3 - Entre passion et spéculation, les multiples facettes des comportements d’achat
  5. 5 - La tentation du vendeur : délocaliser pour profiter des différentiels de législation sur le droit de suite entre pays
    1. 5.1 - Une tentation théorique de délocalisation
    2. 5.2 - L’arbitrage coûts-bénéfices des agents économiques : coûts de la délocalisation et effets de seuil
    3. 5.3 - Le choix du lieu de vente au-delà d’un arbitrage coûts-bénéfices
    4. 5.4 - La localisation du Top 100 des ventes aux enchères
  6. 6 - Conclusion

Bibliographie

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Joëlle Farchy
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Jessica Petrou
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 05/12/2012
https://doi.org/10.3917/rfse.010.0049
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