CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1De nombreux travaux se sont intéressés ces dernières années aux dispositifs permettant au marché de fonctionner [Cochoy, 2002 ; Dubuisson-Quellier, Neuville, 2003 ; François, 2011]. Le terme de prescripteur a été proposé pour désigner « un tiers (autre qu’un intermédiaire marchand) dont l’apport est une condition de fonctionnement de l’échange » [Hatchuel, 1995]. La prescription peut être de fait (elle fournit une donnée factuelle), de technique (elle élargit l’espace des questions que se pose l’acheteur) ou de jugement (elle fournit une appréciation). Dans le cas des marchés des singularités étudiés par L. Karpik [1989, 1996, 2002, 2007, 2008, 2009], une prescription de jugement (matérialisée par des guides, palmarès, labels, etc.) est indispensable pour orienter le consommateur dans ses choix. Le fonctionnement de ces dispositifs a été observé à plusieurs reprises, à travers l’étude de cas aussi divers que ceux du guide rouge Michelin [Karpik, 2000], des critiques vinicoles [Chauvin, 2010 ; Teil, 2003] ou encore des chansons sélectionnées par la radio [Karpik, 2007].

2Dans un article paru en 2008 dans la Revue française de sociologie, J. Gadrey soulève une question. L’élaboration des dispositifs de jugement montrés en exemple est le fait de grandes entreprises et ne laisse que très peu de place à la contribution de simples consommateurs. L’auteur s’interroge sur la possible participation de ces derniers à la construction des dispositifs de jugement qui les concernent [Gadrey, 2008].

3S’appliquant à tous types de prescripteurs, cette réflexion semble particulièrement pertinente lorsqu’elle concerne des dispositifs de jugement, c’est-à-dire proposant des choix en termes de valeurs. Elle l’est peut-être encore davantage lorsqu’il s’agit de valeurs politiques comme dans le cas de la consommation engagée [Dubuisson-Quellier, 2009]. Celle-ci regroupe des démarches de consommateurs visant par leurs achats à atteindre des objectifs politiques, notamment sociaux et écologiques. Il peut s’agir de pratiques telles que le boycott, le commerce équitable ou encore l’attention portée aux pratiques de responsabilité sociale des entreprises. Ces démarches sont perçues favorablement par certains auteurs [Micheletti, 2003], tandis que d’autres, plus nuancés, pointent l’exigence démocratique de soumettre les objectifs visés au débat public [Cochoy, 2008].

4Domaine relevant de la consommation engagée (bien que n’en épuisant pas toutes les pratiques), l’économie solidaire est actuellement le lieu de débats concernant ses dispositifs de jugement. Ce secteur peut être défini comme « l’ensemble des activités économiques soumis à la volonté d’un agir démocratique où les rapports sociaux de solidarité priment sur l’intérêt individuel ou le profit matériel ; [et qui] contribue ainsi à la démocratisation de l’économie à partir d’engagements citoyens » [Eme, Laville, 2006, p. 303] [1]. Plusieurs formes de dispositifs de jugement y coexistent, posant en particulier la question de la participation des consommateurs à leur élaboration. Ces « préoccupations profanes » rejoignent ainsi l’« interrogation savante » de J. Gadrey, selon la tendance déjà soulignée à propos de l’économie des qualités [Callon et al., 2000].

5Dans quelle mesure l’implication des consommateurs, ou d’un ensemble de parties prenantes plus large, dans la construction des dispositifs de jugement est-elle possible ? Les réseaux créateurs de dispositifs en ont-ils l’ambition ? Quelles en sont les modalités de mise en œuvre ?

6L’objectif de cet article est de montrer que les débats entourant les systèmes de garantie de l’économie solidaire contribuent à la réflexion sur la participation des consommateurs aux dispositifs de jugement. On montrera tout d’abord que le commerce équitable, l’agriculture biologique et les AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) peuvent être étudiés à la lumière de l’économie des singularités, ce qui situera le contexte particulier de ce débat. Puis, on présentera un premier type de dispositif de jugement classique, la certification par tiers (CPT), et quel est son fonctionnement. On exposera enfin l’expérience des systèmes participatifs de garantie (SPG) comme dispositifs alternatifs cherchant à rendre collective la formation du jugement.

Encadré 1. Méthodologie

Cette recherche repose sur une thèse de sociologie en cours portant sur les systèmes de garantie de l’économie solidaire (CPT avec label ou logo, chartes, SPG). Une quarantaine d’entretiens semi-directifs ont été menés auprès des responsables des réseaux à l’origine d’un dispositif (12 au total) ainsi qu’auprès de membres de structures adoptant l’un d’eux. Des observations ont été réalisées lors de l’élaboration et la mise en œuvre de ces outils : suivi du groupe de travail sur la création du SPG des AMAP d’Île-de-France (AMAP-IdF), d’un groupe de travail inter-réseaux sur la mise en place d’un référentiel d’économie solidaire, opérations de promotion de Max Havelaar, séminaire organisé par l’Agence bio au sein du salon de l’agriculture 2011, etc. De nombreux documents de présentation de ces dispositifs par leurs réseaux respectifs ont enfin été étudiés.
Cet article se concentre plus précisément concernant la CPT, sur l’association de commerce équitable Max Havelaar et le label public d’agriculture biologique AB et concernant les SPG sur l’association pour la promotion de l’agriculture biologique Nature et Progrès, l’association de commerce équitable Minga, et les AMAP.

2 – Les produits équitables, biologiques et les AMAP comme singularités

7Il convient tout d’abord de montrer en quoi les biens et services étudiés [2] relèvent de l’économie des singularités. Ceci permettra de situer les réflexions entourant leurs systèmes de garantie dans leur contexte : celui d’une prescription de jugement et de la menace potentielle de désingularisation. L’économie des singularités s’intéresse aux situations où l’incertitude sur la qualité des biens ou services est radicale. Dans ces situations, la concurrence par les qualités prime sur la concurrence par les prix, ce qui est indiqué par la recherche du « bon » produit. On verra que les biens et services étudiés remplissent ce critère, avant de montrer qu’ils possèdent également les trois propriétés des singularités : la multidimensionnalité structurée, l’incommensurabilité et la qualité radicalement incertaine.

Encadré 2. Réseaux et systèmes de garantie étudiés

Certifications par tiers indépendant
Le label AB appartient au ministère de l’Agriculture et de la Pêche. D’utilisation volontaire, il assure l’application du règlement européen 2092/91 sur la production biologique. Pour être commercialisé comme issu de l’agriculture biologique et présenter ce label, un produit doit être contrôlé et certifié par un organisme agréé par les pouvoirs publics. Les professionnels (agriculteurs, préparateurs, distributeurs ou importateurs) doivent déclarer leur activité chaque année. Depuis 2003, cette notification se fait via l’Agence Bio. D’après celle-ci, on comptait fin 2010 20 604 exploitations agricoles engagées dans la production biologique associée au label AB et 31 022 préparateurs, distributeurs et importateurs certifiés. Ce label est en cours d’harmonisation avec l’écolabel biologique européen.
L’association de commerce équitable Max Havelaar naît au Pays-Bas en 1988. En 1992, plusieurs organisations de solidarité internationale fondent Max Havelaar France, dans le but de certifier les produits du commerce équitable et de les introduire en grandes surfaces. Les différentes organisations nationales assurant la labellisation des produits dans le monde sont regroupées depuis 1997 au sein de Fair Trade Labelling Organisations (FLO). Elles sont 22 à en faire partie en 2009. La société FLO-Cert attribue le label et garantit l’application des standards. D’après l’association française, environ 1,5 million de producteurs et travailleurs bénéficieraient du commerce équitable labellisé Fairtrade. En 2011, 3 015 produits portent ce label et sont vendus par plus de 205 entreprises en France.
Systèmes participatifs de garantie
L’association Nature et Progrès est fondée en 1964 par des consommateurs, médecins agronomes et nutritionnistes. Elle crée en 1972 le premier cahier des charges de l’agriculture biologique, déterminant les critères d’obtention de sa mention. Des enquêtes auprès des producteurs sont réalisées par des conseillers en agriculture biologique qui transmettent leurs résultats à une commission participative comprenant des producteurs, des consommateurs et des transformateurs. Ce système prend ensuite le nom de système participatif de garantie. Ayant contribué à la reconnaissance officielle de l’agriculture biologique (son cahier des charges est homologué en 1986) Nature et Progrès devient une marque collective privée en 1993, suite à l’harmonisation de la législation sur l’agriculture biologique par la commission européenne. La Fédération Nature et Progrès se compose en 2011 de 25 groupes locaux, rassemblant 543 adhérents professionnels en France, en Belgique, au Portugal et en Espagne.
Créée en 1999, l’association Minga a pour but d’assurer un travail de communication autour de l’entreprise coopérative de commerce équitable Andines. Par la suite, d’autres entreprises rejoignent l’association, qui compte en 2011 une soixantaine de membres. Les spécificités de Minga au sein du commerce équitable français sont de ne pas faire de distinction entre les commerces « Nord-Sud » et « Nord-Nord » et de prendre en compte l’ensemble des filières, de la production de matière première à la distribution. Son système de garantie repose sur un cahier des charges adopté en 2003 et le système de garantie et d’amélioration des pratiques (SGAP) [3], en cours d’élaboration.
Les AMAP sont des circuits courts de distribution, modes de vente privilégiant le lien direct entre producteur et consommateur, en supprimant les intermédiaires et en favorisant la proximité géographique. Elles ont pour objectif le « maintien de l’agriculture paysanne » par la mise en place d’une agriculture respectueuse de l’environnement et d’une relation pérenne entre l’agriculteur et les consommateurs. Ceux-ci préfinancent la production (les paniers de légumes distribués chaque semaine sont payés au début d’une saison ou de l’année) et s’engagent à être solidaires des aléas qui y sont associés. Les AMAP sont organisées en réseaux régionaux au sein desquels sont élaborés en parallèle des SPG. On compte début 2011 d’après le mouvement interrégional Miramap, un millier d’AMAP en France, approvisionnant près de 50 000 familles.

2.1 – La recherche de biens et services produits dans de « bonnes conditions »

8Dans quelle mesure les biens et services étudiés relèvent-ils de l’économie des singularités ? Lors de la recherche d’un produit équitable, biologique ou d’une AMAP, le consommateur ne cherche pas du café, des tomates ou un circuit court de distribution les moins chers possibles, mais un produit d’une certaine qualité. Le choix se porte, dans le cas du commerce équitable, sur un bien produit avant tout dans de « bonnes » conditions économiques et sociales. Dans le cas de l’agriculture biologique, il s’agit de trouver avant tout un aliment de « bonne » qualité (nutritive, gustative, etc.) produit dans de « bonnes » conditions environnementales. La recherche porte, dans le cas des AMAP, sur une « bonne » (ou « meilleure ») façon de produire et consommer. En définitive, ces biens et services correspondent pour le consommateur à rechercher du « bon » ; cette caractéristique portant avant tout sur les conditions économiques, sociales et environnementales de production. La concurrence par les qualités semble donc bien primer sur la concurrence par les prix.

2.2 – Des biens et services multidimensionnels, incommensurables et de qualité incertaine

9Examinons à présent si les biens et services étudiés présentent les trois propriétés des singularités. La première est la multidimensionnalité structurée. Elle correspond au fait que les caractéristiques d’un bien ou service sont indissociables les unes des autres, contrairement à celles des biens différenciés [Lancaster, 1966]. Les produits équitables correspondent à ce cas. Le consommateur ne peut en séparer les composantes : le calcul d’un prix juste [Le Velly, 2008] est par exemple inséparable de l’accompagnement à l’autonomie des producteurs. Il en va de même pour les produits biologiques. La fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique (IFOAM) indique ainsi que les principes sur lesquels se base l’agriculture biologique sont ceux de la santé, de l’écologie, de l’équité et du « care » et que ces derniers doivent être mis en œuvre « comme un tout [4] ». De même, les principes mis en avant par la charte des AMAP sont indissociables. Il est par exemple impossible de séparer la « sensibilisation des adhérents de l’AMAP aux particularités de l’agriculture paysanne » de la « bonne qualité des produits : gustative, sanitaire et environnementale [5] ». Les AMAP constituent un tout visant à l’objectif ultime du maintien de l’agriculture paysanne.

10La deuxième propriété des singularités est de présenter une incertitude radicale sur la qualité. Cette incertitude ne peut être levée par la seule information, comme dans le cas d’une incertitude de fait ou de technique [Hatchuel, 1995]. Rendre l’échange possible implique de prescrire un jugement. C’est ce qu’il est possible d’observer lors de l’achat d’un produit biologique. Même en disposant d’une description précise du mode de production et de la composition d’un aliment, le consommateur n’est pas en mesure de tirer des conclusions. Le produit dit biologique promet de respecter la biodiversité ou d’être meilleur pour la santé. Les AMAP et les biens équitables présentent cette incertitude ; même en possession d’une présentation détaillée du processus de production et d’échange, le consommateur ne peut pas dire si l’ensemble peut être qualifié de respectueux de l’environnement, ou encore d’équitable ou non :

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« C’est toujours dur à dire qu’est-ce qui est équitable et qu’est-ce qui n’est pas équitable ? Quand une personne gagne tant, gagne tant… des fois il y a des grands moments de flou. On ne sait pas trop quoi faire de ces données. » (Minga, participant au SGAP comme citoyen [6])

12La dernière propriété des singularités est l’incommensurabilité : l’impossibilité de classer un bien par rapport à un autre dans l’absolu. Dans le domaine artistique, il est par exemple impossible d’établir une hiérarchie collective entre Vermeer et Rembrandt [Karpik, 2009]. La hiérarchie individuelle est en revanche possible, du fait des multiples classements associés à des points de vue particuliers. Tel produit peut être jugé plus équitable ou plus biologique que tel autre, au regard d’une caractéristique. Il est néanmoins impossible de le dire dans l’absolu.

13À la multiplicité des classements, selon les points de vue, correspond une multiplicité de définitions possibles de ces initiatives. Les tentatives de définition officielle du commerce équitable en France ont jusqu’à présent échoué. La loi du 2 août 2005 en faveur des PME donne une définition du commerce équitable ne faisant pas consensus [7]. Si l’agriculture biologique répond en revanche en France à une définition publique, celle-ci ne correspond qu’au label officiel AB et non aux mentions privées comme celle de Nature et Progrès. Appartenant à différents réseaux régionaux, les AMAP enfin relèvent de conceptions et de mises en œuvre variables.

2.3 – Des dispositifs de jugement impersonnels

14Les produits issus de l’agriculture biologique, du commerce équitable et les AMAP possèdent les propriétés des singularités ; leur mise sur le marché (ou l’apparition d’autres types de ventes au panier dans le cas des AMAP), implique la mobilisation de dispositifs de jugement pour orienter les consommateurs. Ces dispositifs apparaissent sous deux formes : les CPT associées à un label ou logo et les SPG, avec mention ou non. On trouve au sein du commerce équitable aussi bien la première forme (logo de l’association « Max Havelaar » attribué par CPT) que la seconde (SGAP de Minga). Il en est de même au sein de l’agriculture biologique (à la CPT publique décernant le label [8] AB s’oppose le SPG de Nature et Progrès). Les réseaux régionaux des AMAP mettent progressivement en place des SPG.

15Nous allons maintenant présenter ces deux formes de dispositifs de jugement et exposer les désaccords qui expliquent leur coexistence. Ces tensions permettent d’apporter des éléments de réponse à la question présentée en introduction, de la possibilité et des modalités de mise en œuvre d’une participation des consommateurs à l’élaboration des dispositifs de jugement.

3 – Un dispositif de jugement classique : la certification par tiers

16Si les deux types de systèmes de garantie présents dans les réseaux étudiés (CPT et SGP) coexistent depuis longtemps, la CPT est la seule reconnue juridiquement en France et au niveau européen. Il s’agit d’un dispositif de jugement impersonnel et substantiel (c’est-à-dire ne classant pas les biens ou services les uns par rapports aux autres, mais en indiquant certaines propriétés). Il sera présenté dans cette partie, en soulignant qu’il s’agit d’un dispositif de jugement classique : fondant la confiance dans le contrôle par un tiers indépendant, promettant une certaine qualité et n’impliquant pas les consommateurs.

3.1 – Le contrôle par tiers indépendant comme fondement de la confiance

17La première caractéristique de la CPT est le contrôle de la production par un tiers indépendant du producteur et du consommateur. La conformité est indiquée par un logo ou label apposé sur le produit. Comme tout dispositif de jugement, les CPT cherchent à attirer la confiance de leurs destinataires, définie comme « relation de délégation ancrée dans le symbolique » [Karpik, 2009]. Dans les cas étudiés, la confiance s’appuie sur l’indépendance de l’organisme certificateur et la notion de contrôle, associée à la possibilité d’une sanction (suspension ou perte du label ou logo). La CPT est mobilisée en France pour garantir une partie des biens issus du commerce équitable ainsi qu’une partie de l’agriculture biologique. Au sein du commerce équitable, cette certification correspond à l’attribution du logo [9] Max Havelaar. En 2003, la fédération FLO [10] crée FLO-Cert, un certificateur fonctionnellement indépendant, répondant à la norme internationale ISO 65, pour réaliser les inspections annuelles. Après avoir rempli un dossier de candidature, une organisation de producteurs souhaitant obtenir la certification est visitée par un des inspecteurs de FLO-Cert pendant cinq à dix jours. La décision finale revient au directeur de l’organisme, à partir du rapport d’inspection et en concertation avec un comité de certification. Celui-ci se compose de représentants des producteurs et des acteurs commerciaux, des associations nationales telles que Max Havelaar France, ainsi que d’experts extérieurs. Le comité de contrôle FLO-Cert Paris, certifiant par ailleurs les acteurs économiques français, comprend parmi ses membres un représentant d’association de consommateurs. En dépit de cette représentation, les consommateurs eux-mêmes ne sont pas impliqués dans le processus de certification. Dans le secteur de l’agriculture biologique, le label AB créé en 1985 est un autre exemple de CPT. La certification s’effectue par un des six organismes agréés par l’État [11] et répondant à la norme européenne d’indépendance EN 45011. Les producteurs dont les produits sont labellisés sont contrôlés une fois par an au minimum selon les critères définis par un cahier des charges. Si des mécanismes de CPT existent aussi bien au sein du commerce équitable que de l’agriculture biologique, ce n’est pas le cas concernant le troisième type d’initiative d’économie solidaire étudié ici : les circuits courts.

18À la mobilisation d’un organisme indépendant vient s’ajouter la notion de contrôle, comme gage de la confiance que cherche à attirer la CPT. Max Havelaar France met, par exemple, en avant le fait que « c’est pour garantir un contrôle[12] réellement indépendant que FLO a créé la société FLO-Cert suivant la norme ISO 65 [13] ». De même, pour cette employée de FLO-Cert Paris, « les consommateurs veulent pouvoir faire confiance aux contrôles réalisés par les organismes de certification, et ce d’autant qu’ils ne peuvent contrôler eux-mêmes » [14]. Responsable de la promotion du label AB, l’Agence Bio, indique que « pour être commercialisé comme issu de l’agriculture biologique, tout produit doit avoir été contrôlé et certifié par un organisme de contrôle agréé par les pouvoirs publics [15] » ou encore que « le ou le(s) contrôles annuel(s) (…) portent sur l’ensemble du système de production ». Les organismes de certification sont désignés comme « organismes de contrôle ». Se fondant sur le contrôle de la production par un organisme indépendant, la CPT ne fait pas intervenir les consommateurs dans la formation du jugement. Elle correspond en cela à un dispositif de jugement classique. Nous allons examiner deux autres aspects de ces dispositifs.

3.2 – Un échange de promesses

19Les CPT présentent au consommateur une promesse de qualité. Comme tout dispositif de jugement, leur objectif est de fournir une appréciation du bien ou service. Celle-ci s’appuie sur une configuration particulière de critères de jugement [Karpik, 2009]. La référence fréquente à la notion de « transparence » lors de la présentation des certifications par les organismes qui les mettent en place renvoie en pratique à la mise en avant de certains critères, préalablement sélectionnés. Le dispositif de jugement présente un point de vue sur ce que constituent de « bonnes » ou « meilleures » conditions de production :

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« Le principe de base, c’est que l’outil du commerce équitable ce n’est qu’un outil de transparence, il est là pour dire aux consommateurs : quand vous achetez ce produit, […] vous avez ça, vous savez qu’il y a des conditions de base qui sont là… Et ça doit vous interroger sur celui qui est à côté qui n’en a pas. »
(Max Havelaar, ancien directeur adjoint)

21Le secteur du commerce équitable en France illustre les divergences de points de vue qui peuvent exister entre dispositifs de jugement. Pour Minga, la notion d’équité dans les échanges renvoie à la prise en compte des conditions de production tout au long d’une filière, dans les pays du Sud comme du Nord. Pour Max Havelaar en revanche, le commerce équitable se concentre sur les conditions de productions des producteurs du Sud.

22La présentation publique des singularités ne peut se faire que selon un point de vue particulier, impliquant « la sélection arbitraire de certaines dimensions aux dépens de certaines autres » [Karpik, 2007, p. 38]. Les dispositifs de jugement coexistants pour une même catégorie de biens ou services (différents guides gastronomiques, par exemple) renvoient à une sélection différente des critères de jugement à prendre en compte. Si, pour certaines singularités, ces critères divergents renvoient à des différences de points de vue esthétiques, comme dans le cas de l’art [Karpik, 2007], au sein de l’économie solidaire, ces divergences proviennent de différences de points de vue éthiques [Arnsperger, Van Parijs, 2003]. La CPT s’apparente ainsi à un dispositif de jugement classique sur ce deuxième aspect également, proposant une promesse de qualité. Il convient en outre de déterminer à qui s’adresse ce type de certification.

3.3 – Une information simple pour consommateur confiant

23Les CPT se destinent à des consommateurs perçus comme ne remettant pas systématiquement en cause leurs attachements [Callon et al., 2000]. Elles se fondent sur la représentation d’un consommateur opérant un arbitrage de type « routine » [Dubuisson-Quellier, 2006] : celui-ci utilise une ressource, le logo, qui lui permet d’identifier le produit et ne sait pas précisément expliquer les raisons de son choix. Cette conception fait écho à l’idéal-type de « la confiance du simple consommateur », présent dans la typologie de Boström et Klintman [2008] concernant les écolabels états-uniens et suédois. Les labels qui lui correspondent cherchent à éviter la confusion en ne procurant qu’une information basique sur les objectifs poursuivis. Le but affiché est de motiver le groupe de consommateurs le plus large possible. Les consommateurs sont envisagés comme faisant confiance aux labels. L’association de commerce équitable Max Havelaar France semble adopter cette vision : à la question de savoir s’il est envisagé de complexifier le logo (en présentant, par exemple, différents niveaux de qualité) un membre répond :

« Bien sûr qu’on peut faire des logos et des machins, est-ce que ça aide les gens… La plupart des choses montrent que ça perd les gens. Alors qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on va se faire plaisir en faisant plusieurs logos pour dire : “Ah vous voyez : j’ai mis en rouge sur un logo avec un fond différent les entreprises qui étaient meilleures, j’ai mis une autre couleur pour ceux qui étaient avec les petits producteurs par rapport aux plantations.” Résultat, ça a perdu les gens ils ont acheté du conventionnel. »
(Max Havelaar, ancien directeur adjoint)
Cette conception est cohérente avec le fait de ne pas chercher à impliquer les consommateurs dans le processus de certification. Comme les dispositifs de jugement classiques évoqués en introduction, la CPT se fonde sur une contribution asymétrique entre des organisations pourvoyeuses de dispositif de jugement (ici, l’association FLO dont dépend Max Havelaar France ou encore la Commission européenne pour le label AB) et des consommateurs non sollicités pour l’élaboration des dispositifs. Il existe pourtant, au sein des initiatives d’économie solidaire étudiées, des réseaux en désaccord avec ce mode de fonctionnement.

3.4 – Des dispositifs de jugement en concurrence

24La CPT est un type de dispositif de jugement contesté. D’une manière générale, les dispositifs qui cadrent les échanges sont en concurrence pour s’attacher les consommateurs [Callon et al., 2000 ; Cochoy, 2004]. Au sein des marchés des singularités, la concurrence des dispositifs porte sur les configurations de critères à retenir pour former un jugement sur la qualité. Dans le cas de l’économie solidaire, ces différences de points de vue s’incarnent dans des conflits sur la définition du commerce équitable [Bécheur, Toulouse, 2008 ; Galtier, Diaz-Pedregal, 2009], des AMAP [Lamine, 2008], de l’agriculture biologique ou encore sur les conventions de qualité à retenir [Rodet, 2011 ; Sylvander, 1997]. Nous ne présenterons pas ces divergences ici, pour nous concentrer sur des désaccords d’une autre nature.

25La concurrence entre dispositifs porte ici en effet en grande partie sur leur élaboration et leur mode de fonctionnement. La CPT prend la forme d’un dispositif de jugement classique : elle propose un jugement forgé sans faire appel aux consommateurs et représente une promesse de qualité. Elle s’adresse à des consommateurs « attachés » [Callon et al., 2000], s’appuyant sur un logo pour faire leur choix. La confiance repose sur l’indépendance [16] de l’organisme certificateur et le contrôle associé à la possibilité d’une sanction. Ce fonctionnement est contesté par des réseaux concurrents de commerce équitable et d’agriculture biologique, adoptant en échange le fonctionnement des SPG. Bien qu’il n’existe pas de CPT des circuits courts, les AMAP s’opposent également à ce mode de certification tel qu’il existe dans d’autres secteurs. Des SPG sont en cours de mise en œuvre dans les différents réseaux régionaux des AMAP. Nous allons examiner les fondements des SPG et les modalités de leur mise en œuvre.

4 – Les systèmes participatifs de garantie : permettre aux « citoyens » de juger

26Les SPG se présentent comme des dispositifs de jugement alternatifs à la CPT, en réponse à la faible participation des consommateurs dans la conception des dispositifs de jugement. Il s’agit d’une expérience non encore achevée. On exposera le fonctionnement des SPG puis on montrera en quoi cette démarche se distingue de la CPT. On verra enfin que les SPG peuvent être envisagés comme forme de résistance face au risque perçu de désingularisation.

4.1 – La participation des parties prenantes comme fondement de la confiance

27Les SPG reposent sur la volonté d’impliquer dans le processus d’évaluation l’ensemble des parties prenantes, en particulier les consommateurs. Ces derniers sont plutôt désignés comme « citoyens » ou « consomm’acteurs » [Dubuisson-Quellier, 2011]. Ces formes de garantie existent depuis longtemps dans différents pays. Le nom de systèmes de garantie participatifs [17] leur est attribué en avril 2004 lors d’une rencontre internationale entre organisations de producteurs et de consommateurs au Brésil. En France, ce mode de garantie est élaboré par l’association Nature et Progrès au cours des années 1970. L’IFOAM définit les SPG comme « des systèmes d’assurance qualité ancrés localement [qui] certifient les producteurs sur la base d’une participation active des acteurs concernés et sont construits sur une base de confiance, de réseaux et d’échanges de connaissances [18] ». Visant à garantir le caractère biologique des produits détenteurs de la mention, ce système repose sur l’inspection annuelle des exploitations par un groupe local d’agriculteurs et de consommateurs : une « commission mixte d’agrément et de contrôle » (Comac). Celle-ci délibère pour l’attribution de la mention à partir des cahiers des charges établis par la fédération. La réglementation européenne de 1991 puis celle de 2007 en vigueur remettent en cause ce mode de garantie. La CPT est désormais imposée. Les Comac ne sont plus reconnues comme organismes agréés pour l’attribution de la mention officielle AB, mais sont maintenues par Nature et Progrès pour sa propre mention.

28Dans le domaine du commerce équitable, l’association Minga élabore le Système de garantie et d’amélioration participatif (SGAP) depuis 2009. Cette décision fait suite au refus par l’association de la création d’une norme de commerce équitable issue de la commission Afnor en place de 2002 à 2005. Le SGAP repose sur la mise en place d’une commission d’évaluation par filière, constituée des principaux acteurs de celle-ci et de « citoyens » :

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« On réunit des commissions d’évaluation, là aussi participatives, c’est-à-dire on réunit les acteurs en question mais aussi des citoyens, des avocats… des profs… pour évaluer la filière et déterminer un programme d’amélioration des pratiques dans tel ou tel domaine, d’abord pour chaque opérateur et puis aussi ça peut être la totalité de la filière. »
(Minga, fondateur)

30Le travail d’une commission dure un à deux jours par an et par filière. La commission vérifie les informations contenues dans une grille de pré-enquête, avant de déterminer les points forts et faibles de la filière et de définir un programme d’amélioration des pratiques. Le SGAP est en cours d’élaboration : tous les membres de Minga ne l’ont pas encore expérimenté. Les réseaux régionaux d’AMAP mettent également en place des SPG. En cours de création en Île-de-France, ce dispositif a déjà été testé en PACA et en Rhône-Alpes. On constate au sein de ces initiatives le même souci de participation des consommateurs :

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« Ça reste un outil à la disposition des producteurs, des groupes de consomm’acteurs, et non pas du réseau pour pouvoir mettre un tampon et dire “moi en tant que… je décide que ça c’est une AMAP et ça, ça n’en est pas une”. »
(Miramap [19], porte-parole)

32Les destinataires des SPG ne sont pas principalement les consommateurs comme dans le cas de la CPT, mais l’ensemble des acteurs impliqués dans la production : consommateurs, producteurs, transformateurs, distributeurs, etc. La confiance conférée au dispositif repose toujours sur une relation de délégation, mais celle-ci est individuelle et non pas collective : chaque consommateur ne participe pas à chaque évaluation, mais la délégation se fait en faveur de pairs. Ce faisant, la démarche des SPG se rapproche de celles de prescripteurs tels que les revues consuméristes, cherchant à modifier le mode d’engagement qui lie les consommateurs aux producteurs, en découplant la formation du jugement de l’achat [Mallard, 2000].

33Le projet des SGP rejoint le questionnement formulé par J. Gadrey rappelé en introduction. Ces dispositifs naissent en effet en partie (au-delà de désaccords sur les configurations de critères de jugement) de la crainte de voir les consommateurs exclus de l’élaboration des dispositifs de jugement. Ce qui est parfois formulé par les personnes mettant en place ces dispositifs sous les termes de « réappropriation » de la garantie, ou de l’économie. Contrairement aux dispositifs de jugement habituels, les SPG n’ont pas pour objectif de proposer une promesse de qualité, mais de permettre à chacun de « juger soi-même ».

4.2 – L’idéal d’une connaissance permettant de juger soi-même

34Les réseaux mettant en œuvre un SGP critiquent le fait que la CPT propose une connaissance orientée (une vision de ce qui est « bien » ou « mieux »). La possibilité de laisser chacun juger soi-même est présentée comme idéal à atteindre [20]. On retrouve ici l’ambition de former les consommateurs déjà relevée dans la démarche de prescription des revues consuméristes [Mallard, 2000] :

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« [C’est pour] que les gens puissent juger par eux-mêmes. […] Donner la capacité à juger et à comprendre. C’est ça l’objectif. Ne pas juger soi-même mais donner à comprendre et à juger. […] comprendre les éléments de rémunération, de comprendre les éléments de l’investissement, […] les critères environnementaux qui peuvent exister dans l’activité. »
(Minga, salariée)

36Au sein des Amap, les enquêtés insistent sur leur refus d’un jugement extérieur au profit d’un jugement élaboré collectivement :

37

« L’idée qui n’est pas appréciée dans le contrôle c’est […] le fait que ce soit un cahier des charges qui ne soit pas… qui soit extérieur, qui arrive comme ça, qui nous arrive sur le nez. Qui soit décidé par des instances européennes sur lesquelles on n’a aucune prise. Le but du SGP c’est de savoir qu’est-ce qu’on veut faire, d’arriver à définir quels sont nos objectifs. […] se réapproprier notre garantie. »
(Amap IdF, Stagiaire chargé du SPG)

38Le fait de livrer des données censées permettre aux parties prenantes de juger est opposé au fait de faire des promesses :

39

« On arrête de faire des promesses à tout bout de champ. On assume la construction d’activités, qui se déploient, qui ne sont pas parfaites, qui font partie d’un système économique […] et on assume aussi qu’on veut partager les problématiques économiques avec le plus grand monde. »
(Minga, salariée)

40Si ces réseaux ont l’ambition de présenter la connaissance la moins orientée possible, ils en reconnaissent la difficulté, du fait de la quantité d’informations à trier :

41

« Le SGAP, ce qu’il veut montrer à la base… il veut montrer directement les données d’étude… il veut donner accès aux données d’étude… c’est ça qui est travaillé… C’est de trouver la modalité pour donner accès aux données d’enquête directement… sous une forme présentée. »
(Minga, salariée)

42Il existe ainsi une tension entre la volonté de présenter toutes les informations et l’impossibilité que cela représente :

43

« L’esprit des choses c’est bien la transparence, l’échange de savoir-faire, le fait que tout le monde ait accès à tout, il faut voir aussi avec une notion de bon sens… Tout le monde ne va pas… il faut quand même organiser le débat… et prendre l’aspect technique, l’aspect professionnel, il faut un peu gérer tous les aspects. »
(Nature et Progrès, bénévole)

44À défaut de pouvoir être satisfaite, l’exigence de transparence concernant l’information se transforme en exigence d’honnêteté vis-à-vis du positionnement politique du réseau :

45

« La vraie réflexion c’est […] de donner à comprendre le cadre… et d’assumer un point de vue subjectif. C’est-à-dire : Minga travaille dans tel et tel cadre, et telle vision politique. »
(Minga, salariée)

4.3 – Le consommateur-citoyen a une « expertise » valable

46Les réseaux mettant en place un SPG s’appuient sur une conception de leurs destinataires différente de celle sur laquelle repose la CPT : ils visent des destinataires réflexifs et compétents. Comme dans le cas des mytiliculteurs rapporté par S. Dubuisson-Quellier [2003], l’élaboration d’un nouveau dispositif d’équipement des consommateurs repose sur une représentation alternative de ces derniers. S’ils emploient parfois par commodité le terme de consommateur, ces réseaux disent s’adresser avant tout à des citoyens. Les rôles sont de fait souvent brouillés : au sein des Amap, les consommateurs de légumes sont adhérents, distributeurs à tour de rôle, ou encore prestataires du service rendu en termes de lien social et de sensibilisation aux enjeux de l’alimentation. Chez Nature et Progrès, la majorité des adhérents est constituée de consommateurs militants :

47

« À Nature et Progrès, les consommateurs n’existent pas. Moi je n’emploie jamais ce mot. Il n’y a pas de consommateurs. On est consommateurs, c’est ceux qui, dans la sphère sociétale, ceux qui achètent. […] moi je déteste ce mot, on est adhérent à part entière. »
(Nature et progrès, bénévole)

48Cette conception se rapproche de l’idéal-type de l’« influence du consommateur » dégagé par Boström et Klintman dans la recherche précédemment citée. Les systèmes de garantie concernés fournissent des informations permettant la participation au processus de labellisation et le débat. Les consommateurs sont perçus comme militants. Le but affiché est de stimuler leur impact sur l’économie. Cette représentation renvoie à un consommateur faisant des choix sur la base d’une délibération [Dubuisson-Quellier, 2006] et sollicitant pour cela le plus de ressources possible (non un unique logo).

49Enfin, les consommateurs sont pensés comme collectivement plus compétents qu’un certificateur :

50

« Nous, la critique qu’on formule vis-à-vis du contrôle officiel de certificateurs, c’est leur manque de compétences techniques. […] Dans la certification par tiers. Parce qu’ils ont d’excellentes compétences méthodologiques […] mais par contre, techniquement, il leur manque complètement des connaissances techniques et pratiques. »
(Nature et progrès, adhérent)

51Un ancien certificateur d’Ecocert [21], devenu salarié du service d’attribution de la mention Nature et Progrès, poursuit :

52

« Ils ont une formation de technicien agricole, ou agronome de base, mais contrôler un vigneron ce n’est pas exactement la même chose que contrôler un maraîcher, chaque production a quand même aussi un certain nombre de spécificités. (…) Alors que dans un système participatif… la compétence collective… Dans le groupe, il y a des gens qui ont des compétences dans tel ou tel domaine et qui les mettent au service du groupe. »
(Nature et progrès, salarié)

53Ainsi, les réseaux élaborant les SPG s’appuient sur une représentation des consommateurs mettant en cause les prescripteurs concurrents non seulement au nom de la démocratie mais également de la compétence. Un dernier aspect des SPG reste à souligner : la volonté de ne pas figer les pratiques.

4.4 – La démarche de progrès : vers une amélioration des pratiques

54Les SPG sont décrits comme permettant un accompagnement vers une amélioration des pratiques et se substituant à un contrôle strict associé à une sanction. Nature et Progrès affirme, par exemple, dans son Manuel pratique des SPG[22] que : « Le but de l’enquête est d’accompagner le producteur, année après année, dans son processus d’amélioration des pratiques. Il ne s’agit pas uniquement de contrôler son activité mais plutôt de stimuler une évolution continue de sa démarche dans le sens de la Charte de Nature et Progrès. » De même, Nature et Progrès Belgique présente sur son site internet les avantages du SPG par rapport à la CPT : « Du fait de leur devoir d’indépendance, les contrôleurs [de la CPT] ne peuvent, en aucun cas, apporter un conseil technique ou mettre en réseau les professionnels entre eux. Donc, lorsqu’un producteur ne respecte pas le cahier des charges – le Règlement européen ou celui d’un organisme privé – il est directement sanctionné, au lieu d’être conseillé, et ne reçoit pas le label bio [23]. » Cette vision est partagée au sein de Minga et des Amap :

« Il faut que l’organisation Minga et notamment son conseil d’administration puisse dire, “telle filière à notre avis elle va dans le bon sens”. Dire, voilà y’a des seuils minimum de toute façon, et puis voilà ça va dans le bon sens. Alors à ce moment y’aura ce qu’on appelle une “mention” ou une “attestation”. »
(Minga, membre fondateur)
« C’est vraiment… un outil de dialogue… Pas du tout de sanctionner ou de… mettre une étiquette, Amap ou pas Amap, c’est véritablement pouvoir évaluer avec un outil, avec un langage commun, pouvoir évaluer ses pratiques. Là, pour une fois pas seulement du côté du producteur mais aussi du côté des groupes de consomm’acteurs. »
(Miramap, porte-parole)
La création des SPG s’accompagne comme on l’a vu d’une critique des dispositifs de jugement classiques que sont les CPT. Les réseaux qui élaborent les SPG refusent l’intervention d’un organisme évaluateur indépendant au profit de la participation des parties prenantes de l’évaluation. Ces réseaux souhaitent donner les informations permettant à chacun de juger soi-même. Ils s’adressent à des citoyens réflexifs et compétents. Enfin, la question de la participation des consommateurs est à envisager dans le cadre plus vaste d’une volonté de ne pas figer les pratiques. Ces réseaux revendiquent la possibilité de modifier leurs critères de jugement au fur et à mesure des évaluations. Cette démarche est à rapporter à la crainte d’une désingularisation.

4.5 – Résister à la désingularisation ?

55En luttant contre l’imposition de critères de jugement fixes au profit d’une constante démarche d’amélioration, les réseaux élaborant les SGP semblent résister à un risque de désingularisation. Celle-ci désigne la conversion d’une singularité en produit différencié, un processus qui « transforme l’originalité en uniformité » [Karpik, 2007, p. 317]. Les réseaux à l’origine des SPG refusent en effet la standardisation des produits. Pour cette salariée du réseau des Amap d’Île-de-France, le SGP constitue « un outil qui garantit, qui s’occupe qu’on soit tout le temps dans la démarche, et qu’on ne dise pas “c’est bon on est une Amap, tout va bien !” Non ! Est-ce qu’on continue à avancer ou pas ? ». Le SPG n’est pas envisagé comme un outil facilitant le choix du consommateur mais comme un dispositif stimulant la réflexion :

56

« On a envie de faire un truc qui n’empêche pas de réfléchir au contraire, qui pousse à réfléchir. […] Et au lieu de mettre si tu veux un signe où les gens “oh ben oui y’a la marque, j’ai confiance, j’achète”, nous, on ne veut pas de ça. On veut un signe qui incite les gens à réfléchir, à se poser des questions, à aller sur les sites internet pour découvrir les filières, tu vois ? Et apprendre comment fonctionnent les choses. »
(Minga, salarié)

57Ces considérations aboutissent à une sorte de paradoxe : alors que les labels indiquent habituellement une possible singularité, les CPT semblent ici rejetées au nom de la préservation de la singularité des produits équitables, biologiques et des Amap. Il s’agit d’éviter que ces derniers ne soient transformés en produits différenciés par l’instauration de critères fixes. Ce paradoxe n’est qu’apparent et renvoie à une situation déjà analysée par L. Karpik [2009] dans la présentation des régimes de coordination. Ces derniers désignent sept modèles abstraits renvoyant chacun à une variante particulière du fonctionnement des marchés des singularités. Ces régimes sont construits à partir des différents types de dispositifs de jugement. Ceux étudiés ici (CPT et SPG) sont impersonnels et substantiels. Ils renvoient à deux régimes de coordination possibles, selon que le marché sur lequel ils se situent est restreint ou étendu. Un marché restreint renvoie au régime de l’authenticité, un marché étendu, au régime méga. Les réseaux mettant en œuvre les SPG (Nature et Progrès, Minga, Réseaux des Amap) refusent le recours à la grande distribution. Ils opèrent donc sur un marché restreint et tendent vers le régime de l’authenticité [24]. Les réseaux optant pour la CPT (AB et Max Havelaar) ont recours à la grande distribution et tendent vers le régime méga [25]. Ce détour par les régimes de coordination permet de comprendre en quoi le refus de la CPT s’apparente à un refus de désingularisation. Karpik indique en effet les risques associés au régime méga (caractérisé par un marché étendu et une logique de profit) : « Le maintien des singularités et la conquête du marché mondial peuvent devenir contradictoires. Les choix des produits faits au cours du temps, qui permettent sans cesse d’élargir le marché, peuvent aussi provoquer la désingularisation de la marque » [Karpik, 2009, p. 188]. Le fait que les réseaux qui mettent en œuvre la CPT renvoient au régime de coordination méga fait ainsi craindre une possible désingularisation du commerce équitable, de l’agriculture biologique ou des Amap.

58En refusant l’imposition d’une norme, les réseaux qui élaborent les SPG mettent en avant la construction sociale des biens ou services différenciés à laquelle participe la création de labels ou cahiers des charges publics. Ils indiquent que le commerce équitable, l’agriculture biologique ou les Amap n’existent pas en soi, ni en soi comme singularités [Jourdain, 2010]. La démarche de ces réseaux consiste ainsi à produire symboliquement ces singularités et à convaincre les plus larges fractions de consommateurs :

59

« On s’engage… parce que le commerce équitable n’existe pas. C’est des démarches. Et nous, on trouve odieux que des gens nous disent “nous, on fait du commerce équitable”. Ça veut dire que tous les autres commerçants, par exemple dans la ville ici, ce serait tous des pourris, des voleurs, c’est pas vrai. »
(Minga, membre)

60Les mêmes débats se retrouvent au sein des AMAP et de l’agriculture biologique :

61

« Ils parlent de la bio comme si ça existait, mais la bio n’existe pas vraiment, c’est un rapport de forces ! »
(Nature et Progrès, bénévole)

5 – Conclusion

62Le choix d’un produit issu de l’agriculture biologique, du commerce équitable ou d’une Amap correspond à la recherche d’un bien et/ou service produit dans des conditions jugées « bonnes » ou « meilleures » que d’autres. Le critère de qualité, sociale et environnementale en particulier, prime sur celui du prix dans le choix effectué. Multidimensionnels, incommensurables et de qualité incertaine, ces biens et services relèvent de l’univers des singularités. Leur mise sur le marché (ou confrontation à d’autres initiatives similaires dans le cas des Amap) nécessite la mobilisation de dispositifs de jugement équipant le consommateur. Reconnue officiellement, la CPT est le type de dispositif le plus répandu. Matérialisée par un logo, elle fonde la confiance sur le contrôle de la production par un organisme indépendant. Elle propose une promesse de qualité à un consommateur envisagé comme attaché, utilisant le logo comme seule ressource pour faire un choix.

63Des dispositifs concurrents, les SPG, diffèrent des CPT tant du point de vue de la configuration de critères de jugement mobilisée, que du point de vue de leur fonctionnement. Cherchant à contrecarrer le risque de voir les consommateurs maintenus « à distance de la construction des marchés et de la qualité » [Gadrey, 2008, p. 387], les réseaux qui élaborent les SPG visent à impliquer les parties prenantes, dont les consommateurs, pensés comme réflexifs et compétents, dans la formation du jugement sur la qualité.

64Quelles conclusions peut-on tirer de ces expériences non encore achevées quant à la possibilité et aux modalités de mise en œuvre d’une participation des consommateurs aux dispositifs de jugement ? Trois points peuvent être soulignés. Tout d’abord, le travail de ces réseaux autour des SPG montre que l’ambition de faire participer les consommateurs existe et s’inscrit dans une démarche de résistance face à un risque perçu de désingularisation. Ces initiatives participent ainsi à un ensemble de mouvements agricoles refusant l’homogénéisation des produits et proposant un cadrage alternatif du marché [Dubuisson-Quellier, 2003]. En associant la revendication d’une prise en compte de l’hétérogénéité des produits à celle de la participation des consommateurs, ces réseaux soulignent que la détermination de critères de jugement renvoie à des choix politiques en matière d’agriculture et d’alimentation.

65Deuxièmement, les SPG les plus aboutis actuellement témoignent de la grande complexité d’un tel système quant à sa mise en œuvre. Les réseaux étudiés reconnaissent que leur désir de transmettre l’information la moins orientée relève d’un idéal et correspond en pratique à la nécessité de présenter le point de vue à partir duquel on parle. Enfin, il apparaît que l’extension de ces dispositifs à d’autres domaines dépend en grande partie, d’une part de la conception des consommateurs adoptée (réflexifs ou non) et d’autre part, de la conception retenue de ce qui fonde la confiance (indépendance du certificateur ou participation de tous, contrôle ou accompagnement).

66La parution du Rapport Vercamer sur l’Économie sociale et solidaire en avril 2010 [Vercamer, 2010], de même que la diffusion de la norme ISO 26000 en novembre de la même année, témoignent d’une volonté croissante de mettre en place des dispositifs de jugement pour faciliter les décisions en matière sociale et environnementale. Les modes de fonctionnement proposés diffèrent cependant. Préconisant la mise en place de deux labels, l’un pour « l’entrepreneuriat social », l’autre à « finalité sociale et solidaire », le rapport français recommande la CPT et s’appuie sur la représentation d’un public non réflexif [26]. La norme internationale à l’inverse, prône la participation de l’ensemble des parties prenantes d’une organisation à la réflexion concernant sa « responsabilité sociale » et rejette la mise en place d’une certification.

Notes

  • [1]
    On se limitera ici à l’économie solidaire (et non « sociale et solidaire »), telle que l’entend cette définition, c’est-à-dire définie par rapport à des conditions et objectifs de production plutôt que par le statut juridique des organisations.
  • [2]
    Si l’agriculture biologique produit des biens, le commerce équitable et les AMAP fournissent à la fois des biens (aliments) et des services (sensibilisation aux enjeux de l’alimentation et de l’agriculture, lien social, etc.).
  • [3]
    En avril 2012 le nom de système d’analyse des filières (SAF) est finalement adopté.
  • [4]
    « The principles are to be used as a whole. » http://www.ifoam.org, décembre 2010.
  • [5]
    Les citations proviennent de la charte des AMAP.
  • [6]
    Le SPG de Minga inclut diverses parties prenantes dont les « citoyens ».
  • [7]
    Voir l’appel à mobilisation « Pour un commerce équitable partout changeons la loi ! », par la Confédération paysanne, Minga et Breizh Ha Reizh : http://www.minga.net/spip.php?article9.
  • [8]
    En France seules les CPT sont reconnues comme labels par la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes.
  • [9]
    Le logo Max Havelaar bien que s’autodésignant label n’est pas reconnu comme tel en France.
  • [10]
    Fédération internationale gestionnaire du logo.
  • [11]
    Il s’agit des organismes Aclave, Agrocert, Ecocert SA, Qualité France SA, Ulase, SGS ICS.
  • [12]
    Les termes sont mis en italique par l’auteur.
  • [13]
    Max Havelaar, « La certification des producteurs, un parcours très encadré », www.maxhavelaarfrance.org, mars 2010.
  • [14]
    Ibid.
  • [15]
    www.agencebio.org, septembre 2009.
  • [16]
    Réelle ou supposée, dans la mesure où celle de Flo-Cert vis-à-vis de Max Havelaar n’est pas reconnue en France.
  • [17]
    Nature et Progrès a par la suite changé cette appellation pour Système participatif de garantie et est imité par d’autres réseaux.
  • [18]
    Cité par Nature et Progrès, « Pour certifier la Bio, les avantages des Systèmes Participatifs de Garantie », www.natureetprogrès.org, mars 2010.
  • [19]
    Mouvement interrégional des Amap.
  • [20]
    Cet idéal peut apparaître aussi dans les discours de la CPT, sans que cela se répercute dans le fonctionnement de la garantie.
  • [21]
    Organisme de contrôle du label AB.
  • [22]
  • [23]
    www.natpro.be/~natpro/pdf/2009/09_33.pdf, mars 2010.
  • [24]
    L. Karpik indique deux autres caractéristiques de ce régime : il s’agit tout d’abord d’un « modèle esthétique » dans la mesure où ce régime est élaboré à partir de biens culturels. Sa transposition à la consommation engagée suggère de parler de modèle « éthique ». La dernière caractéristique est la « logique de l’originalité » ; il conviendrait pour transposer de parler de logique de la « relation interpersonnelle » en référence de même à la personne humaine.
  • [25]
    Ce régime se caractérise par un marché étendu, l’intensité de la recherche du profit élevé sur le court terme et une « logique de référence à l’originalité ». La transposition de ce régime suggère de parler de « logique de référence à la relation interpersonnelle ».
  • [26]
    Le rapport conseille un dispositif « accessible et simple » dont « les critères doivent être précis et pas trop nombreux » [Vercamer, 2010, p. 70].
Français

Résumé

Présentant les propriétés des singularités, les biens issus du commerce équitable, de l’agriculture biologique et les AMAP, offrent un terrain inédit pour étudier la participation des consommateurs aux dispositifs de jugement. Plusieurs réseaux de ces secteurs mettent en effet en place des « systèmes participatifs de garantie » impliquant l’ensemble des parties prenantes de la production dans le processus d’évaluation et de garantie. Ils participent ainsi à une démarche plus globale de résistance face au risque perçu de désingularisation qu’entraînerait la certification par tiers.

Mots-clés

  • économie solidaire
  • qualité
  • dispositifs
  • jugement
  • participation

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Mis en ligne sur Cairn.info le 05/12/2012
https://doi.org/10.3917/rfse.010.0199
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