CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1La raison pour laquelle, en 1967, le ministère des PTT (Postes, Télégraphes et Télécommunications) a appelé ses services « financiers » et pas « bancaires » ne tiendrait plus aujourd’hui  [1] car la Poste a connu une diversification de ses activités et un développement de ses activités bancaires qui a conduit à la création de la Banque postale en 2006. Ainsi, le processus commencé en 1990 – instaurant une profonde modification institutionnelle et, avec elle, la mise en place d’un groupe d’agents dévolus aux services financiers postaux dans les bureaux de poste – a abouti en 2010 à la mise en place d’une offre de crédit à la consommation et d’assurance dommage.

2Dans l’offre proposée aux clients, le crédit a constitué un manque repéré depuis longtemps par les PTT. En ce sens, il constitue un « territoire » [Abbott, 1988] ayant fait l’objet d’une lutte. Au sens d’Andrew Abbott, le concept de « territoire » renvoie au monopole établi par un groupe professionnel. Ce dernier cherche à le conquérir sur un autre groupe, à l’étendre, le revendiquer ou le défendre. Les « territoires » des différents groupes professionnels peuvent ainsi toujours être remis en cause, l’étendue d’un monopole ou l’autorisation d’exercice d’un groupe peuvent également être reconsidérées. L’enjeu autour de l’octroi de prêts par la Poste permet de voir comment les instances politiques se sont emparées de la question de l’avenir des services financiers. En effet, au cours des années 1970, les PTT souhaitent faire évoluer leurs services financiers mais avec des limites, puisque, dans les scenarii envisagés, « en aucun cas, il n’est question pour la Poste de jouer auprès des entreprises le même rôle que les banques (escompte, crédits, opérations financières…)? [2] ». Pour comprendre pourquoi la Poste ne dispose du crédit à la consommation que depuis 2010, nous devons chercher à expliquer pourquoi, entre 1953 et 2006, le seul crédit qu’elle a pu proposer est le prêt immobilier avec épargne préalable.

3La Poste accède au crédit en 1953 avec l’épargne-construction censée pouvoir relancer la construction immobilière d’après-guerre par une politique du « logement aidé » [Effosse, 2003]. En 1959, ce crédit est remplacé par l’épargne-crédit. Le principe de ces prêts consiste en un crédit immobilier avec épargne préalable, qui est le seul dont dispose la Poste jusqu’en 2006. En 1971 cependant, des velléités d’autonomisation par rapport à ses organes de tutelle apparaissent mais restent sans suite. Le crédit postal et notamment l’accès – refusé pendant plusieurs décennies – au crédit personnel sert alors de prétexte pour empêcher les services financiers des PTT de se développer. Agissant comme un révélateur, il permet d’étudier le rapport de l’administration à l’État et au marché financier en cours de libéralisation et de comprendre dans quelle mesure l’accès au crédit forme un « territoire » à défendre pour les établissements bancaires et à étendre pour la Poste. Cette dernière cherche d’ailleurs dans cette optique à convaincre l’organe régulateur (l’État et notamment le Trésor) de l’intérêt de sa présence sur une offre de crédit.

4La question du crédit postal pose également celle de l’évolution des services financiers dans le monde bancaire : la présence d’un acteur public permet une régulation du marché ; l’État peut donc via la Poste bénéficier d’un contrepoids par rapport aux banques, d’un levier d’action sur le marché. En outre, l’étude du crédit postal permet de mettre en perspective l’arrivée de la Banque postale et de ne pas la considérer comme un nouvel acteur qui perturbe subitement ce marché bancaire mais, au contraire, comme bénéficiant d’une inscription temporelle longue. Dans cet article, nous tâcherons de donner sa signification à cette gamme de prêts réduite qui met en lumière les jeux de pouvoir entre les différentes instances ministérielles (le ministre, son cabinet ainsi que les autres services qui y sont rattachés). Les protections étant distribuées par l’État [Freidson, 1970], la création de la Banque postale et l’accès au crédit à la consommation – dont les usages ont considérablement changé depuis la généralisation de cette offre [Ducourant, 2009] – peuvent se comprendre à travers la relation entretenue par l’organisation postale avec ses instances de tutelle. Pour cela, nous rendrons compte du va-et-vient entre les objections émises par le ministère de l’Économie et des Finances et les mesures prises pour les lever. Les liens de la Poste avec le ministère de l’Économie et des Finances sont en effet forts et anciens puisque « la régie des Postes »? [3] était auparavant rattachée au département des Finances et le service télégraphique géré par le ministère de l’Intérieur avant leur fusion en 1878 du fait d’Adolphe Cochery? [4], sous-secrétaire d’État aux Finances et chargé à ce titre du service des postes.

5Les premiers pas de l’administration dans le crédit sont immobiliers et mettent en lumière les raisons anciennes de la volonté d’accéder aux prêts pour les PTT (2). Le crédit à la consommation est offert seulement depuis peu par la Poste (2006 dans le cadre d’une offre restreinte à ses salariés et 2010 en offre généralisée). Il est le résultat d’une négociation constante et difficile entre, et avec, les différentes autorités de tutelle que sont les ministères des Finances et des Postes (3). Une lutte entre la Poste qui veut étendre son territoire et le Trésor qui souhaite le limiter voire le restreindre s’engage alors sur une période de 40 ans. Elle s’achève quand la Poste devient une société anonyme et que la Banque Postale accède au crédit à la consommation en avril 2010 (4).

2 – La volonté postale d’élargir sa gamme de produits financiers

6Si l’histoire du crédit à la consommation a déjà été faite [Effosse, Gaillard, 2010 ; Ducourant, 2010 ; Lazarus, 2010], elle n’aborde pas cet acteur majeur mais encore méconnu pour son rôle financier : les PTT. Ces derniers ont pourtant souhaité élargir leur offre de crédit dès la fin des années 1960. Cette volonté de l’administration d’État est en partie motivée par le maintien de sa présence sur tout le territoire français.

2.1 – Une administration bousculée par la concurrence bancaire

7La Poste émet dès 1969 la volonté d’obtenir des prêts et notamment des prêts personnels. Le contexte est celui des réformes Debré (lois de 1966 et 1967) qui ont transformé le monde bancaire et ont permis le décloisonnement des activités bancaires en assouplissant les contraintes réglementaires qui l’encadrent [Bonin, 2000]. Cela a produit une augmentation de la concurrence bancaire et obligé la Poste à s’adapter à de nouvelles tâches commerciales [Join-Lambert, 2001, p. 196]. Ces réformes correspondent au début de la conquête du marché des particuliers par les banques et d’une perte de parts de marché pour la Poste? [5].

8La décision du 10 janvier 1967 rétablit la liberté d’ouverture des guichets de manière à activer la concurrence entre les banques. Ces dernières peuvent à présent multiplier leurs guichets, elles prennent un avantage sur la Poste qui, bien que disposant d’un maillage du territoire inégalé grâce à son réseau de bureaux de poste, ne peut proposer les mêmes produits qu’elles. L’insuffisance des services financiers des PTT se fait alors lourdement sentir dans la lutte pour la bancarisation des Français : quand les autres réseaux d’établissements étendent leur gamme de produits, les PTT souffrent en effet d’une absence de possibilité d’octroyer des prêts personnels et de l’impossibilité, toute bureaucratique, de découvert? [6].

9Devant cet afflux concurrentiel, la mensualisation des salaires – qui entraîne avec elle la fin des salaires versés à la semaine – vient changer la donne pour les services financiers postaux et rendre davantage problématique sa gamme incomplète. En effet, les paiements de salaires hebdomadaires ou à la quinzaine sont supprimés à 90 % après les conventions collectives de 1969, et la conséquence de la mensualisation est en premier lieu la domiciliation des salaires : « Manifestement ce marché fut perdu pour la Poste. Les pressions effectuées par les banques sur les entreprises, l’insuffisance des guichets postaux en zones suburbaines, une publicité bancaire disposant de crédits considérables, une image de marque des chèques postaux certes sérieuse mais tatillonne rendirent le combat inégal? [7]. »

10Peu familiarisée à l’action commerciale, la Poste n’a pas su contrer les démarches offensives des banques. Ces dernières en profitent pour presser leurs clientèles de domicilier leurs ressources afin de devenir à terme leur seul établissement financier (or la Poste ne peut que rarement être, ou rester, le seul établissement financier d’un client du fait, notamment, de son impossibilité à attribuer des prêts? [8]).

11Parmi les services susceptibles d’être envisagés, l’octroi de prêts personnels et de prêts immobiliers sans épargne préalable fait partie des services désormais souhaités :

12

« C’est le produit qui fait le plus défaut dans la gamme offerte par les services financiers de la Poste. Les prêts pourraient être faits soit directement par l’Administration des PTT soit par l’intermédiaire d’un organisme qui pourrait être la Caisse des Dépôts et Consignations. Techniquement, l’octroi de prêts ne poserait pas de problèmes car la Poste possède déjà une expérience en ce domaine grâce aux prêts d’épargne logement. La première priorité concernerait les prêts immobiliers qui pourraient être consentis par la Caisse Nationale d’Épargne.
À tout le moins ces prêts devraient être accordés aux agents des PTT. Il est en effet choquant de s’apercevoir qu’un agent des PTT, titulaire d’un livret de CNE, doit l’abandonner pour obtenir un prêt d’une Caisse d’Épargne ordinaire, ou doit, pour son traitement, délaisser les chèques postaux au bénéfice du réseau bancaire pour obtenir ce prêt d’une banque? [9]. »

13Si Robert Galley, ministre des Postes et Télécommunications de 1969 à 1972 (dans le gouvernement de Jacques Chalban-Delmas) demande de manière insistante une extension dans la possibilité d’octroyer des prêts, on peut émettre l’hypothèse que c’est en réaction à l’obtention en 1971 par les Caisses d’épargne du droit de distribuer des « prêts personnels » sans aucune épargne préalable. Si les Caisses d’épargne l’ont obtenue, pourquoi pas les PTT ? Avec cet élément de contexte, la demande de Robert Galley pour son administration est davantage compréhensible.

14L’avantage des Caisses d’épargne sur les PTT n’est cependant pas invoqué par la Poste, d’autres raisons sont mises en avant pour que les PTT distribuent du crédit : notamment celle de la fermeture des comptes courants entraînant une baisse considérable de la collecte. En effet, la désaffection d’une partie de sa clientèle mais aussi de ses propres agents est constatée quand ils arrivent au moment de leur vie où ils souhaitent obtenir un prêt et se trouvent contraints de se tourner vers un organisme extérieur. Elle passe par une fermeture ou une mise en sommeil des comptes, comportement des usagers remarqué dès 1971 [10] dans la mesure où la domiciliation du salaire ou du traitement du fonctionnaire est souvent demandée.

15Une enquête effectuée par la Poste en 1977 sur les clôtures de compte indique que la raison principale de clôture est, à 45 %, celle du « double emploi avec un compte bancaire ». La note d’information du 18 septembre 1977 concernant les motifs de clôture des comptes de chèques postaux conclut : « Alors qu’il y a 5 ans l’enquête […] n’avait fait que confirmer certaines hypothèses de l’époque et notamment le déplacement des clients mécontents vers le secteur bancaire, on découvre grâce aux réponses de cette année une attitude tout à fait nouvelle de la clientèle : le regroupement sur un seul compte courant de la source de la monnaie scripturale d’un individu et même d’un ménage? [11]. » L’enquête de 1980 indique que la raison de clôture qui arrive en tête est toujours, avec 39,94 %, celle du « double emploi avec un compte bancaire (dont 29,07 % prêt bancaire et 33,41 % proximité d’une banque)? [12] ».

16Robert Galley et ses successeurs cherchent alors à instituer, pour les titulaires de comptes courants postaux ou de livrets de Caisse nationale d’Épargne, un système de prêts personnels, mais aucun des projets défendus ne se concrétise? [13].

2.2 – La sauvegarde du réseau postal

17Le désavantage lié à leur gamme fait baisser l’activité financière des PTT, ce qui a une autre conséquence mise en avant à partir de 1982 par la Direction générale des Postes du ministère Louis Mexandeau, celle d’une baisse de l’activité des bureaux de poste :

18

« Il convient, en effet, de remarquer que la clientèle qui domicilie ses ressources et notamment ses salaires dans un organisme teneur de comptes à vue entend bénéficier, en raison des garanties qu’elle offre par cette domiciliation, de toutes les prestations courantes auxquelles elle est en droit de prétendre, c’est-à-dire non seulement de celles relevant de l’épargne mais également de celles ressortissant à l’emprunt (prêts personnels et prêts immobiliers). Ignorer cette donnée fondamentale sur laquelle repose le comportement de la clientèle conduit inexorablement à la disparition du réseau qui n’offre pas cette étendue de prestations. […] C’est dire que toute récession de cette branche d’activité entraînera nécessairement un resserrement du réseau, notamment à la campagne, avec toutes les conséquences sociales que cela comporte? [14]. »

19Comme le montre cet extrait, tout se tient : la concurrence bancaire menace les guichets des bureaux de poste, puisque du fait de l’insuffisance de la gamme de produits financiers dont dispose la Poste, la perte de clientèle est inexorable et la couverture du territoire menacée.

20Le Conseil économique et social revient en 1984 sur l’évolution de la clientèle postale ; il est éloquent sur le changement de profil des clients :

21

« Pour l’usager de la Poste, naguère considéré comme ‘satisfait, ignorant et soumis’ (Rapport de juin 1969 au ministre des Postes), le paysage de l’échange des messages et des capitaux s’est transformé. Devenu ‘client’, ses besoins se sont affirmés et développés. Pressé désormais de choisir entre des moyens de communication et des services financiers très diversifiés, il peut présenter des exigences de rapidité de transmission, de qualité de service et d’accueil, que l’Administration n’a pas exactement prévu. La Poste lui paraît aujourd’hui routinière, tatillonne, fataliste, avec ses méthodes, ses produits et ses bureaux traditionnels, trop lentement adaptés aux besoins? [15]. »

22L’articulation réseau postal/obtention du prêt revêt un enjeu pour les PTT mais également pour les autres banques. Ainsi, l’association française des banques (AFB), association professionnelle qui représente les banques commerciales et définit une position commune par rapport aux pouvoirs publics, estime que la Poste bénéficie d’avantages anormaux et craint qu’elle soit autorisée à consentir des prêts. Pour sa part, le Conseil économique et social estime que le maintien des bureaux de poste en milieu rural (indispensable tant du point de vue social qu’économique) implique la croissance des services financiers postaux. Son avis est que la Poste doit tendre vers le développement d’une logique de réseau, « ce qui implique que la poste puisse, dans des conditions analogues à celles des autres réseaux d’épargne, proposer aussi certains types de prêts? [16] ». Le ministère de l’Économie et des Finances, et plus spécifiquement le Trésor, jouent de nouveau les arbitres et, en 1984, penchent plutôt pour l’AFB en refusant d’octroyer une possibilité d’attribution de prêts aux PTT. Ils occupent une place importante dans le résultat des luttes qui visent à la régulation du marché bancaire.

23Les problèmes de gamme de la Poste se ressentent d’autant plus que la concurrence se densifie. Plusieurs demandes (possibilité de découverts, octroi de crédits, adhésion à un système de cartes de paiement) sont ainsi formulées pour contrer la concurrence bancaire, mais différents motifs sont invoqués par le Trésor pour refuser l’attribution du crédit.

3 – Un accès au crédit refusé par le ministère de l’Économie et des Finances

24Pour comprendre le blocage autour du crédit postal, il ne faut pas considérer l’État comme un tout non segmenté, comme une masse homogène. Dans le cas des PTT, comme pour celui de la Française des Jeux également, l’État est à la fois « juge et partie » [Mangel, Trespeuch, 2009, p. 96], avec, d’un côté, le ministère du Budget comme instance régulatrice qui contrôle l’opérateur des jeux et, de l’autre, le ministère des Finances qui « s’intéresse à la rentabilité de l’entreprise et à sa valorisation actionnariale » [Mangel, Trespeuch, 2009, p. 97] avec toutes les contradictions que ces différents buts peuvent porter. Pour les PTT, le ministère de l’Économie et des Finances est à la fois un organe de tutelle important et le bénéficiaire de la collecte effectuée par les bureaux de poste, qui est ensuite intégralement reversée au Trésor, il s’agit donc d’une « sorte de ‘pompe à finance’ qui fait remonter l’épargne à des fins d’utilisation étatique » [Gueslin, Lescure, 1995, p. 50].

25Pour ce qui est de l’ouverture discutée des prêts à la Poste, les archives mettent bien au jour l’opposition entre les deux départements ministériels. Autant le ministre des PTT défend l’obtention du crédit pour son Administration, nous venons de le voir, autant le ministre de l’Économie et des Finances s’y oppose catégoriquement.

3.1 – Les raisons du refus invoquées par le ministère de l’Économie et des Finances

26La distribution du crédit a toujours été très encadrée [Chatriot, 2006] et le Trésor a joué un rôle considérable dans l’évolution de la politique du crédit en France : soutien vis-à-vis de la bancarisation, intervention pour lutter contre l’inflation, prévention de l’endettement des ménages… Pour justifier son refus, le ministère de l’Économie et des Finances en appelle à plusieurs raisons qui sont levées les unes après les autres par l’administration postale. Tout d’abord, il invoque l’incompétence du personnel postal, non formé (3.1.1), ainsi que le caractère non nécessaire (pour les consommateurs comme pour le Trésor) de ces nouveaux services impliquant des risques (3.1.2), l’inopportunité à venir déséquilibrer le secteur bancaire déjà très concurrentiel (3.1.3), puis l’incompatibilité des prêts avec la mission de service public dévolue aux services financiers postaux (2.2).

3.1.1 – L’argument de l’incompétence des postiers

27Le premier élément opposé aux PTT est le problème du personnel postal non formé « pour apprécier le crédit de très nombreux emprunteurs ou procéder aux recouvrements en évitant autant que possible la phase contentieuse? [17] ». Le ministre, Robert Galley, réfute l’argument de l’absence de compétence du personnel postal en estimant dès 1971 que :

28

« Il y a longtemps, en effet, que les receveurs des PTT jouent le rôle de conseiller financier, qu’ils placent les bons du Trésor (52 % des souscriptions) ou qu’ils développent, conformément à votre souhait, les placements de la CNE, bien que des décisions récentes les placent dans des conditions de concurrence difficiles, ou encore qu’ils proposent des Sicav, des emprunts à long terme, etc. L’épargne-logement a même conduit mon Administration à se familiariser avec la technique des prêts? [18]. »

29Pour lui, ce n’est pas la véritable raison au refus du ministre de l’Économie et des Finances. Le directeur du Trésor étaye alors son opposition et, s’il abandonne l’argument de la compétence des postiers tout au long des années 1970, en 1978 son avis reste inchangé : « La demande consistant à pouvoir accorder dès 1980 des prêts personnels aux ménages pour permettre à la Poste de maintenir sa part de marché […] doit faire l’objet d’une fin de non-recevoir catégorique? [19]. »

30L’argument de la compétence est abandonné après 1972, moment où les PTT créent une Direction de l’action commerciale (DAC) pour aider leurs agents. Un lien entre l’abandon de l’argument fondé sur la compétence et la création de la DAC semble exister dans la mesure où le service de l’action commerciale « assure la sensibilisation et la formation des agents aux techniques de vente. Il veille à ce que les personnels en contact avec la clientèle disposent de documents, d’argumentaires appropriés, d’informations relatives à la concurrence et de recettes de vente et en font bon usage? [20]. »

31La mise en place de ce service entérine le passage à l’argument consistant à développer l’absence de besoin de prêts.

3.1.2 – L’argument de la non-nécessité des prêts, voire des services financiers de la Poste

32Le directeur du Trésor estime que cette mesure n’est ni nécessaire? [21], ni souhaitable? [22] et cherche à en convaincre le ministre de l’Économie et des Finances. Elle ne lui paraît pas nécessaire pour deux séries de raisons. Il n’est d’abord pas établi selon le Trésor que, sans ce service de prêts, la Poste perde des parts de marché. Il lui apparaît ensuite que ni les consommateurs ni le Trésor n’en ont besoin : il existe d’autres banques pour les consommateurs et lui-même ne souhaite pas disposer en permanence de fonds à rémunérer car cela l’obligerait à emprunter ailleurs ce que les chèques postaux ne déposeraient plus dans ses écritures? [23]. Cette mesure lui semble également non souhaitable au regard de la mission de service public de la Poste, du coût du crédit pour la collectivité et de l’inopportunité de mettre en place un nouvel instrument de création monétaire à court comme à long terme. En effet, ce nouvel établissement de crédit postal pourrait avoir des répercussions sur un marché bancaire déjà très concurrentiel.

33À coté du problème du coût, pointe l’argument de l’inopportunité. Selon le principe de subsidiarité affirmé par la jurisprudence administrative (Conseil d’État, 29 mars 1901, arrêt Casanova), la Poste n’aurait à distribuer des prêts que s’il y avait en ce domaine carence de l’initiative privée. Or, en l’occurrence, il y aurait plutôt surabondance d’initiatives privées. La Poste joue donc via le ministère de l’Économie et des Finances un rôle de régulation du monde bancaire : le Trésor souhaite que les banques diminuent leur coût d’intermédiation et dans ce contexte, accorder à la Poste la possibilité de distribuer des prêts peut constituer une grave maladresse. « En effet, le déplacement des parts de marché qui pourrait s’ensuivre rendrait plus difficile la baisse du coût d’intermédiation : les dépôts diminuant, à coûts de gestion fixes, les coûts d’intermédiation augmenteraient. […] À cette motivation concernant les enjeux de la modernisation du monde bancaire s’ajoute pour le ministère des Finances la crainte que l’octroi de prêts par la Poste ne vienne en accroître la demande, effet d’addition particulièrement indésirable dans la mesure où il contribuerait, par une augmentation de la masse monétaire, à alimenter l’inflation? [24]. »

34Cette divergence entre le Trésor et le ministère des PTT s’explique par leurs différentes appréhensions de l’avenir, ce qui a une implication directe sur la nécessité de mettre en place l’octroi de prêts comme sur celle de refuser, selon la position de chacun.

35Le directeur du Trésor remet en cause les conclusions du ministre des PTT et se montre en 1972 partisan d’un effacement progressif des services financiers postaux, option qui a d’ailleurs un temps été envisagée :

36

« Je crois devoir marquer une sensible divergence de vues en ce qui concerne l’avenir même du service des Chèques postaux. M. Germain [ministre des PTT], estime inacceptable l’idée de la suppression progressive de cette institution et recherche tous les moyens de la conforter. Pour ma part, j’observe qu’une disparition rapide, qui ne serait pas souhaitable, ne semble en aucun cas devoir se produire à brève échéance : selon les conclusions de l’étude RCB [Rationalisation des choix budgétaires] à laquelle le ministre des PTT fait allusion, le taux de croissance annuelle des avoirs de titulaires de chèques postaux serait au minimum de 8,5 % dans l’hypothèse estimée la plus défavorable où les Chèques postaux ne disposeraient d’aucune activité nouvelle. Par ailleurs, le déclin relatif de ce service ne m’apparaît nullement choquant, à la condition bien entendu de respecter les transitions nécessaires ; cette évolution semble d’ailleurs tout à fait dans la ligne de désengagement financier de l’État poursuivi depuis une dizaine d’années? [25]. »

37Le désaccord quant à l’avenir des services financiers de la Poste a trouvé une manière de s’exprimer à travers la question des prêts. L’appréhension de l’avenir postal n’est pas le même pour les deux départements ministériels. Cependant, il est également exclu que le Trésor puisse se séparer d’une manière quasi instantanée de fonds aussi importants que ceux des PTT sans se placer devant des problèmes de refinancement très difficiles et peut-être même insurmontables et sans créer de considérables dysfonctionnements dans les circuits monétaires et financiers? [26]. En effet, la collecte postale entre directement dans les caisses du Trésor et la perte de cette rentrée financière conséquente serait difficile à compenser pour le ministère de l’Économie et des Finances. Autrement dit, le bénéfice lié à la distribution des prêts par la Poste est nul pour le Trésor qui perd à la fois le moyen de faire pression sur les banques et l’AFB ainsi que les fonds des PTT dont il disposait jusque-là mais qui seraient alors réinvestis dans les crédits distribués.

3.1.3 – L’argument du déséquilibre du secteur bancaire

38Pour ne pas accéder à la demande du ministre des PTT, le ministre de l’Économie et des Finances exclut toujours en 1982, même à moyen terme, l’éventualité des prêts ; il l’explique par son souhait de ne pas perturber l’équilibre entre les acteurs de la vie financière :

39

« J’attache la plus grande importance à la préservation d’un équilibre entre les divers acteurs de la vie financière. Or la Poste est marquée par l’image d’un grand service public auquel tous les usagers ont accès sans sélection particulière ; elle est, par conséquent, moins apte à l’exercice des choix qu’implique l’activité de prêteur? [27]. »

40L’argument consiste à se demander comment un service public qui propose jusque-là des services qui ne nécessitent pas de dire « non »? [28] va pouvoir refuser des prêts à ses clients. Dans cet équilibre, « l’AFB et l’AFEC? [29] récusent à la Poste toute légitimité à exercer une activité bancaire à la fois pour une question de principe et sous le prétexte de la survie du monde bancaire. Ces réactions se manifestent par une pression constante de l’AFB sur le ministère de l’Économie et des Finances visant à confiner les services financiers de la Poste dans leur rôle classique et à ne les laisser en aucun cas intervenir sur le marché de l’intermédiation. […] La Poste est perçue comme un corps étranger, d’où un rejet du groupe? [30]. » Ce sont des étudiants de l’ENSPTT, de futurs dirigeants des PTT, qui remarquent la mise à l’écart systématique de leur organisation. Cette objection pose néanmoins la question de savoir si cet équilibre défendu par le ministère de l’Économie et des Finances ne serait pas en réalité qu’un argument rhétorique pour un Trésor pro-AFB.

41Dans les années 1982, la direction générale des Postes tente de mettre en avant que la sauvegarde du réseau postal, notamment dans les zones rurales, passe par un développement de l’activité financière des guichets. L’AFB s’oppose à un élargissement des compétences bancaires de la Poste. En décidant du « territoire » financier accordé aux PTT, le Trésor a un moyen de pression sur les banques commerciales qu’il ne souhaite pas perdre. Il suit donc les recommandations de l’AFB afin de ne pas perdre le pouvoir qu’il exerce sur elle et les banques qui y sont rattachées : les intérêts du Trésor et de l’AFB se rencontrent ainsi dans la mesure où chacun cherche à ce moment-là à maintenir son « territoire ». Ce point commun entre le Trésor et l’AFB n’est cependant pas la raison mise en avant par le Trésor pour motiver son refus, le ministère de l’Économie et des Finances développe alors un argumentaire autour du statut et des missions de service public des PTT.

3.2 – Le statut des PTT comme frein à l’obtention du crédit

42L’argument du statut puis celui des missions de service public ont été régulièrement avancés par le Trésor pour refuser d’accorder aux PTT puis à la Poste une extension de son activité de crédit. Or, même après que l’administration eut changé de statut, l’activité de crédit postal n’a pas été rendue possible ce qui rend a posteriori l’argument du statut public d’autant plus fallacieux.

3.2.1 – Un statut inconciliable avec l’activité de crédit ?

43Les questions qui touchent à l’euphémisation du crédit [Ducourant, 2010] comme à sa moralité [Lazarus, 2010] ont posé celle de la réalisation de cette activité au sein d’une administration. Leur statut juridique et les caractéristiques propres au service public (des principes d’égalité, de neutralité et de continuité du service public) empêchent les PTT d’obtenir le droit d’accorder des prêts. Il existe un principe de subsidiarité de l’action publique sur l’action privée défaillante réglementant la situation de concurrence d’activités privées avec un service public, qui en général est autorisé dans le but de pallier un manque [Stoffaës, 1995]. Or cet argument de subsidiarité peut paraître non fondé car, depuis 1967 et la déréglementation, les agences bancaires n’ont cessé de se multiplier (position du ministère de l’Économie et des Finances). Cependant, dans le cas des services financiers postaux, il peut s’agir de suppléer à une insuffisance des banques dans leur couverture territoriale, notamment en milieu rural (position du ministère des PTT).

44Afin de contourner l’obstacle juridique pour pouvoir offrir des prêts, il aurait donc apparemment suffi de transformer le statut de la Poste. La création éventuelle d’un office national des Postes et Télécommunications ou la transformation de l’administration des PTT en un établissement public à caractère industriel et commercial sont évoquées à plusieurs reprises ; elles font même l’objet d’études relativement poussées de la part d’un groupe de travail interministériel au début de l’année 1971? [31].

45Si Robert Galley a accordé une grande importance à ce projet de transformation du statut de l’administration des PTT, son successeur, Hubert Germain, ministre du 6 juillet 1972 au 28 février 1974, ne l’a fait pas figurer au premier rang de ses préoccupations, la raison principale en serait, si on en croit le Trésor, que la première conséquence d’une telle transformation conduirait à la disparition du département ministériel et du ministre lui-même? [32].

46Cette question est abordée en 1983 lors d’une réunion de travail entre le ministre de l’Économie, des Finances et du Budget et le ministre des PTT. Ce dernier souhaite utiliser une partie des fonds des Codevi? [33] en prêts mais Jacques Delors, ministre de l’Économie et des Finances, rappelle lors de cette réunion l’obstacle principal : « La Poste n’a pas un métier de prêteur? [34]. » Avant de se rendre à cette réunion, M. Delors avait reçu du Trésor une note rappelant que « la Poste n’est pas une banque et moins encore un établissement susceptible de prendre des risques industriels sur des entreprises. La Poste est un service public auquel tous les usagers ont accès, sans discrimination ou sélection particulière : elle n’est donc pas apte à effectuer les choix qu’implique nécessairement l’activité de prêteur. Le rappel de ces principes doit conduire à refuser la demande de M. Mexandeau [le ministre des PTT]? [35]. »

47Le gouvernement français abonde dans le sens du Trésor puisqu’il précise lors d’une question écrite à l’Assemblée nationale : « Ce statut [d’administration d’État de la Poste] implique que les services financiers, en contrepartie des contraintes auxquelles ils ne sont pas assujettis – règles de fonds propres, ratios de bilan, contrôle prudentiel, fiscalité des résultats… développent leur activité dans le cadre des règles générales du service public qui les obligent en particulier à observer strictement un principe de neutralité? [36] ».

48Cette discussion qui montre les velléités de changement de statut de la Poste a lieu en 1984 après que la loi bancaire du 24 janvier 1984 a engagé la modernisation du secteur bancaire et la protection du client avec la création du droit au compte bancaire. Le problème du statut juridique de la Poste est finalement résolu en 1991 quand elle devient un exploitant autonome de droit public. La modification statutaire n’entraîne cependant pas pour autant l’obtention d’un plus large accès au crédit. Le statut n’aurait-il donc pas été la véritable raison aux réticences du Trésor ?

3.2.2 – La compatibilité du service public et du crédit : attitude « pédagogique » versus attitude commerciale

49Si le statut n’empêche plus l’accès au crédit, ce sont les missions de service public qui créent un obstacle. Les services financiers de la Poste remplissent un rôle d’intérêt général que la distribution de prêts ne doit pas remettre en cause :

50

« Les services financiers de la Poste furent créés pour répondre à des impératifs de politique générale : il s’agissait pour les chèques postaux de contribuer à la diffusion du chèque et à la bancarisation des ménages, pour la CNE? [37] de familiariser les particuliers à l’épargne. À cette vocation identique dans toutes les banques postales s’est ajouté en France un rôle d’institution financière étatique. La Poste devint ainsi un réseau de collecte de fonds, au profit de l’État (fonds des CCP? [38] versés au Trésor) et alimentant les circuits de financement spécifiques (fonds de la CNE utilisés par la CDC? [39]). Cette seconde logique est aujourd’hui fortement remise en question, sans que soit tranchée la question de l’avenir des services financiers de la Poste? [40]. »

51Telle est l’analyse de la situation faite en 1987 par de futurs cadres dirigeants de la Poste à propos de l’intérêt des services financiers. Après le choc pétrolier de 1973, la collecte postale de l’épargne devient une préoccupation essentielle pour les pouvoirs publics car elle permet des investissements et joue un rôle sur la consommation et, par voie de conséquence, sur l’inflation? [41]. Remettre en cause l’activité de collecte des PTT consisterait à se passer d’un moyen de régulation étatique des crises économiques.

52En dehors de leur rôle de collecteurs de fonds [Oger, 2006], les services financiers des PTT jouent également un rôle dans la familiarisation des Français avec l’épargne. Ils se situent ainsi dans la reprise de la mission d’acculturation économique et financière des caisses d’épargne au xixe siècle [Christen-Lécuyer, 2004]. Beaucoup de conseillers financiers de la Banque postale se reconnaissent encore dans ce rôle éducatif et pédagogique qui, s’il ne s’appuie évidemment plus aujourd’hui sur l’initiation des ménages à la gestion de leur argent, passe par l’accompagnement d’allocataires de minima sociaux et des populations vulnérables. Cet argument revient de manière récurrente dans les discussions entre le ministre des PTT et le ministre de l’Économie et des Finances. Pour réaffirmer encore la mission de service public dévolue à la Poste entre autres buts, l’État institue en 1984 le droit au compte bancaire (loi bancaire du 24 janvier 1984) qui permet à ceux qui le désirent d’avoir une existence bancaire : il lui est légalement interdit de refuser l’ouverture d’un compte de dépôt ou d’un compte d’épargne.

53Dans les faits, les petits portefeuilles s’adressent à la Banque de France ou à la Poste pour ouvrir un compte. Cette existence bancaire passe par les postiers qui occupent la fonction de conseiller financier et sont les garants du respect de cette disposition législative puisque, « auréolée de son image de Service public et d’organisme d’État, la Poste, dans le domaine des services financiers, a un rôle spécifique à jouer. S’adressant à une population nombreuse, en général peu ou moyennement fortunée, elle doit lui offrir un accès facile et économique aux moyens de paiement, à l’épargne et à l’assurance-vie. Elle doit être, dans ces domaines, l’établissement de référence? [42]. » Cette vision est toujours défendue par la Banque postale qui se présente comme une « banque à part », une « banque pas comme les autres? [43] ». En touchant une population particulière qui n’aurait pas accès au secteur bancaire sans elle, la Poste et ses conseillers financiers assureraient un service d’intérêt général. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de familiariser les Français à l’épargne, mais de permettre l’accès de tous au système bancaire : « En ouvrant sans aucun ostracisme ses guichets financiers aux plus démunis, elle participe fortement à l’endiguement de la marginalisation sociale des populations fragiles? [44]. »

54Pour Gilles Savary, député européen socialiste, la France a longtemps souffert « d’une double illusion d’optique, qui confondait service public et État d’une part et État et fonctionnaires d’autre part. En d’autres termes, notre appréhension du service public était optiquement statutaire et organique, elle ne considérait que l’entreprise ou l’administration publique » [Savary, 2005, p. 188]. Afin de rompre en partie avec ces blocages liés à une vision française du service public, en devenant une société anonyme en mars 2010, la Poste achève un processus de transformations statutaires commencé plus de vingt ans auparavant.

4 – La marche vers l’octroi du crédit : des PTT à la Banque postale

55En 1982 une extension partielle de gamme semble rendre possible l’octroi de crédits à la consommation. Mais il faut attendre 2006 et la création de la Banque postale pour qu’une ouverture ait lieu (4.1) et 2010 pour que l’obtention de ce produit financier manquant soit enfin accordée (4.2).

4.1 – Une évolution progressive en 1982 puis l’attente de la Banque postale jusqu’en 2006

56Alors que le Trésor se montre hostile à l’extension des prêts, à l’adhésion au GIE? [45] Carte bleue – il considère que la carte bleue « n’est qu’une forme particulièrement expéditive de crédit »? [46] – et à la mise en place d’un système de découverts personnalisés – fixé en 1979 à 500 F? [47] – le ministre de l’Économie et des Finances accorde en 1982 à la Poste une extension partielle de sa gamme de produits financiers? [48]. L’ambiguïté de la carte bleue, à la fois carte de paiement et de crédit, tient dans les interrogations morales et culturelles récurrentes qui entourent le crédit [Lazarus, 2010].

57Le découvert n’est-il pas en ce sens déjà un premier pas (détourné peut-être) vers l’obtention du droit d’accorder des prêts ? La Poste estime que non :

58

« La facilité exceptionnelle de gestion de compte se distingue d’une opération de crédit par son objectif, ses conditions d’octroi et l’absence de risques encourus par le Trésor public. Son objectif est de supprimer, pour les titulaires de comptes courants postaux, les conséquences des aléas susceptibles d’intervenir dans l’exécution des opérations d’imputation des ressources aux comptes et notamment de salaires (aléas dans le fonctionnement des ordinateurs utilisés pour liquider la paie des entreprises, dans l’acheminement des ordres, dans la gestion des centres de chèques postaux). […] Cette mesure a été réclamée par le Comité des usagers des PTT? [49]. »

59Outre la possibilité de découvert nommé « facilité exceptionnelle de gestion de compte » en 1982, la Poste reçoit également l’autorisation d’offrir la carte bleue à ses clients? [50], et elle adhère au GIE Carte bleue en juin 1983? [51] (avant le Crédit agricole et le Crédit mutuel)? [52].

60À partir de 1982 et de cette première extension de gamme non négligeable, la situation des prêts évolue progressivement à la Poste. Ne pouvant obtenir l’octroi de prêts personnels pour sa clientèle, le ministre des PTT, Louis Mexandeau? [53], demande dans les années 1980 au ministre de l’Économie et des Finances de lui accorder la possibilité d’offrir des prêts personnels aux agents des Postes et Télécommunications. Ce projet voit le jour en janvier 1986 avec la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Le ministère de l’Économie cède d’ailleurs sur ce point car l’accord de 1986 « faisait suite aux offensives des P et T sur ce terrain, et notamment au projet d’accord avec Sofinco? [54] ». Si le projet avec la Caisse des Dépôts et Consignations ne se réalisait pas, un autre avec Sofinco était envisagé. Cela montre assez bien comment les interactions – et le rapport de forces – entre deux ministères (chacun cherchant à conforter sa position) ont joué sur l’obtention du crédit.

61En 1991, la Poste change de statut et devient une entreprise publique. Cette évolution annonce celle de la Banque postale. Le choix de la filialisation, passant notamment par la création d’une banque, est émis en 1996 par le conseil de la concurrence? [55]. Cet avis n’est cependant pas suivi et, en 1997, l’idée de banque postale n’est pas encore d’actualité car le Gouvernement refuse de remettre « en cause l’unicité de la Poste, qui est nécessaire au bon accomplissement de ses missions de service public »? [56]. Le rapport Larcher de 1997-1998 considère également l’hypothèse d’une banque postale et la qualifie de « solution épouvantail »? [57] car extrême et non justifiée selon lui. Mais, par la loi du 20 mai 2005, le gouvernement Raffarin, réalise des réformes de structures et dans ce cadre procède à la création de la Banque postale à compter du 1er janvier 2006.

4.2 – Banalisation des livrets A et transformation en société anonyme contre obtention du crédit à la consommation

62La libéralisation du marché européen vient placer la Poste dans un environnement pleinement concurrentiel. Or une entreprise publique ne peut pas céder des parts de son capital, elle n’est pas libre de l’augmenter alors qu’une société anonyme peut l’accroître grâce à des investisseurs, privés ou publics, et peut payer des acquisitions par échange de titres. La Banque postale n’a cependant pas foncièrement modifié la gamme postale de produits financiers : en avril 2006, un tract FO indique ainsi que « la force de vente attendait plus de reconnaissance, plus de moyens pour fournir un travail de qualité et beaucoup plus de services. Or les prêts conso, les prêts voiture, et le rachat des prêts immo de la concurrence ne sont toujours pas d’actualité? [58]. » La question de la transformation en société anonyme et de la distribution de crédits à la consommation est alors posée.

63En août 2008, Jean-Paul Bailly, le président de la Poste française, a ainsi proposé au Gouvernement, en vue de l’échéance européenne de 2011, de transformer l’entreprise publique en société anonyme pour qu’une augmentation de son capital puisse répondre à ses besoins de développement. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a alors mis en place une commission présidée par François Ailleret qui s’est prononcée en décembre 2008, après trois mois de travaux, pour la transformation en société anonyme détenue à 100 % par des investisseurs publics. Le Président de la République a décidé de suivre le rapport. L’ouverture de capital s’est donc faite, mais la Poste est restée publique en raison de la confiance témoignée par les Français au moment de la crise économique de 2008.

64La Poste, en tant qu’organisme public, évite, dans une crise de confiance généralisée, que tous les épargnants retirent simultanément leurs économies des banques françaises provoquant ou accentuant ainsi une faillite bancaire. Ainsi, quand la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 généralisant la distribution du Livret A à l’ensemble des réseaux bancaires a précipité la banalisation de la Banque postale, le président de La Poste, Jean-Paul Bailly y a vu une occasion idéale de demander un changement de statut. En effet, suite à la banalisation de son livret A au 1er janvier 2009, la Poste s’attendait à devoir subir d’importantes pertes liées à des fermetures et des transferts massifs de livrets A vers les banques concurrentes qu’un changement de statut permettant plus de souplesse aurait permis de limiter. Or, compte tenu de la crise financière, la « décollecte » attendue n’a pas été constatée? [59]. La concurrence et la désaffection redoutée par la Poste n’ont pas véritablement eu lieu puisque, la défiance envers les banques étant à son comble en France entre fin 2008 et début 2009, les épargnants ont préféré laisser, voire sont venus confier, leurs économies à une banque publique, une banque d’État qui leur garantissait de pouvoir récupérer leurs dépôts.

65Après un projet de loi examiné le 15 décembre 2009 par l’Assemblée nationale, l’entreprise publique est devenue une société anonyme à capitaux publics le 1er mars 2010 (date d’entrée en application du changement de statut). Comme le présente Jean-Paul Bailly à ses salariés : « Ce changement de statut n’est pas une fin en soi. C’est un moyen supplémentaire au service de notre développement. Les 2,7 milliards d’euros apportés par l’État et la Caisse des dépôts nous permettront de continuer à investir pour améliorer nos services? [60]. » L’ouverture de capital de La Poste s’est faite auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations et de l’État, mais permet de distendre le rapport à ce dernier de l’entreprise.

4.3 – Changement de statut et accès au crédit à la consommation

66Afin de suivre les transformations en vigueur dans les autres postes d’Europe, la Poste française a souhaité changer le statut de son organisation. Une vaste libéralisation des postes européennes, comme de la plupart des services publics européens, s’est en effet opérée ces vingt dernières années. Elle légitime en partie la volonté postale de se transformer en société anonyme mais a également suscité des craintes auprès des syndicats et des agents qui ont tenté de résister à ce processus [Vezinat, 2010].

67On peut supposer que la perspective de ce changement de statut a facilité l’obtention du crédit à la consommation. Entre 2006 et 2010, la Poste a été progressivement autorisée à distribuer d’autres crédits que le crédit immobilier. Une offre de prêts à la consommation destinée aux collaborateurs de la Poste et à ceux de la Banque postale est disponible depuis le 6 octobre 2006. Elle accorde depuis fin mars 2007 des microcrédits sociaux. Le 16 avril 2007, La Banque postale et la MATMUT ont conclu un accord de partenariat portant sur la distribution de crédits immobiliers sous le label MATMUT/La Banque postale? [61]. En novembre 2007 l’État a autorisé l’élargissement de son offre au crédit à la consommation. Le 16 janvier 2008, une directive européenne relative au crédit à la consommation a été adoptée par les députés européens. Le texte garantit les mêmes droits et normes en matière d’information sur ce type de produits. La Banque postale peut ainsi proposer des contrats d’assurance auto et habitation à ses clients en partenariat avec Groupama, ce choix a été retenu lors du Conseil de Surveillance de la Banque postale le 11 mars 2009.

68Le crédit à la consommation est conçu, quant à lui, en partenariat avec la Société générale : la filiale qui en est issue, La Banque postale financement, détenue à 65 % par La Banque postale et à 35 % par la Société générale a été agréée par le CECEI? [62] le 30 avril 2009? [63]. Pour se démarquer de ses concurrentes et préserver son image de service public, les premières offres de crédit à la consommation sont proposées le 1er avril 2010 en insistant sur son approche différente et la prévention du surendettement, approche très à propos au moment où Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, veut renforcer l’efficacité des procédures de surendettement et légifère sur le crédit à la consommation en ce sens (projet de loi adopté au Sénat en juin 2009). Le slogan de la publicité « La Banque postale réinvente le crédit à la consommation » insiste notamment sur cette image d’une « banque à part » : « […] Un crédit clair et simple qui s’accorde ou se refuse mais toujours dans l’intérêt de chacun. Un crédit qui a compris qu’il ne doit jamais devenir un mode de vie […]. » Au moment où l’obtention par la Poste de la possibilité de distribuer des prêts à la consommation la rapproche des banques, son positionnement spécifique par rapport à ses concurrentes est une nouvelle fois ravivé au travers de la publicité qui est faite autour de ce nouveau produit. Seul l’avenir cependant nous dira si la spécificité postale par rapport aux autres établissements bancaires proposant des crédits à la consommation, revolving et autres, est réelle ou seulement un effet d’affichage.

5 – Conclusion

69En dépit des transformations organisationnelles, les possibilités postales de crédit restèrent longtemps inchangées. Il faut donc se garder, et c’est tout l’intérêt d’une approche socio-historique, d’associer de façon trop rapide toutes les transformations postales à un effet de l’introduction de la concurrence et réinscrire avec le mythe de la privatisation la rupture dans la continuité. Le prisme du crédit à la consommation permet de ne pas surestimer le rôle des réformes du statut juridique de l’organisation. Il faut donc chercher plus loin les raisons des réticences du Trésor : dans la divergence de vues qui existe entre le Trésor, partisan d’un effacement progressif des services financiers postaux, et le ministère des PTT, défenseur de leur développement. Ces vues contradictoires concernant l’avenir postal ont une implication directe sur la nécessité de mettre en place l’octroi de prêts personnels d’un côté, et sur celle de le refuser de l’autre.

70La conquête du « droit à prêter » de la Poste a certes suscité des résistances de la part du Trésor qui a fourni différents arguments pour lui refuser la possibilité d’octroyer des crédits. Mais il s’est avéré que les arguments techniques pour justifier l’absence de prêt à la consommation dans la gamme postale ont pu être repoussés les uns après les autres. Lié à la défense d’un « territoire » précis et à la conservation d’un pouvoir sur le secteur bancaire, le fondement du refus du Trésor semble davantage politique. Cette étude de cas montre la pluralité des acteurs et des stratégies au sein de l’État – qui ne peut pas être perçu comme un bloc monolithique – et permet de voir comment certaines parties de celui-ci (notamment le ministère des Finances) cherchent à réguler le marché [Paradeise, 2008] en contrôlant la présence postale dans le secteur bancaire.

Notes

  • [1]
    « Le mot “bancaire” évoque trop les possibilités de crédit et une liberté dans la gestion des fonds qui ne sont pas de règle dans l’Administration », Archives nationales de Paris (AN) F90 21 121, « Historique des services financiers », 1967, Relations extérieures du ministère des PTT.
  • [2]
    CAC (Centre des Archives Contemporaines, situé à Fontainebleau), 20000507 art. 16, DGP, Direction financière, « L’évolution passée et future des services financiers de la Poste » 21 sept. 1977, p. 16.
  • [3]
    Marquis Pierre, 1954, Contribution à l’étude des chèques postaux, Paris, Armand Colin, Centre d’études économiques, coll. « Études et mémoires ».
  • [4]
    Adolphe Cochery fut le premier ministre des Postes et Télégraphes après la fusion de 1878.
  • [5]
    CAC 20000507 art. 16, DGP, Direction financière, « L’évolution passée et future des services financiers de la Poste », 21 sept. 1977, p. 5.
  • [6]
    Même un découvert de quelques centimes n’est pas permis : CAEF (Centre des archives de l’Économie et des Finances situé à Savigny-le-Temple), Z 17193, La situation financière de la Poste, Source Direction générale des Postes, février-mars 1982
  • [7]
    SNA LP (Service national des archives de La Poste, situé à Paris), 93/200-7, DGP, Direction de la Prospective et des Affaires internationales, Sous-direction Formation, « Informations sur les prestations offertes par la DGP », tome 2, Prestations financières, 2e édition, octobre 1983, p. 60.
  • [8]
    CAC, 20000507 art. 16, Enquête sur les motifs d’ouverture et de clôture des CCP, Enquête effectuée du 24 mars au 26 avril 1980, Le directeur des centres financiers et informatiques de la Poste envoie le 20 juin 1980 une note de synthèse des résultats de l’enquête à M. Babin (Chef du service du Budget, de la Planification et de la Comptabilité), Courrier DGP, DCFI.
  • [9]
    CAEF, Z17193, La situation financière de la Poste, Source : Direction générale des Postes, février-mars 1982.
  • [10]
    CAEF, Z 17199, Courrier de Robert Galley, pour le ministre de l’Économie et des Finances, 18 octobre 1971, Enquête Rationalisation des choix budgétaires sur les chèques postaux.
  • [11]
    CAC, 20000507 art. 15, DGP, Direction financière, Bureau A1, « L’évolution passée et future des services financiers de la Poste » 21 sept. 1977, p. 6.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    CAEF, Z 17 203, Note de la Mission de contrôle des activités financières du ministère de l’Économie et des Finances (signée Jean Wallet, Commissaire du gouvernement) pour la direction du Trésor en date du 26 mai 1972 et ayant pour objet « Projet d’extension des prêts personnels à la clientèle des chèques postaux ».
  • [14]
    CAEF, Z 17193, La situation financière de la Poste, Source : Direction générale des Postes, février-mars 1982.
  • [15]
    CAC, 19980498 art.10, Rapport Fabre, L’avenir de La Poste, Conseil économique et social, Le CES s’est saisi du problème de l’avenir de la Poste le 23 octobre 1984, Avis adopté par le Conseil économique et social, p. 6.
  • [16]
    Ibid., p. 11.
  • [17]
    CAC, 19910701 art. 3, Note du ministère des PTT du 30 mai 1972, sur les prêts personnels aux titulaires de comptes courants postaux et de livrets de la Caisse nationale d’Épargne.
  • [18]
    CAEF, Z 17199, Courrier du ministre des Postes et Télécommunications, Robert Galley, pour le ministre de l’Économie et des Finances, 18 octobre 1971, Objet : Enquête Rationalisation des choix budgétaires sur les chèques postaux, Réf. : Votre lettre 18690 du 8 septembre 1971.
  • [19]
    CAEF, Z 17203, Note 1550 CD pour le ministre de l’Économie et des Finances du directeur du Trésor, de Maulde, 27 décembre 1978, Objet : « Programme quadriennal de développement de la Poste et des services financiers (1979-1982) ».
  • [20]
    Annales du Conseil commercial des Postes, tome 2, 1973, p. 136.
  • [21]
    CAEF, Z 17 202, Note de la direction du Trésor, ministère de l’Économie, 01/03.1979.
  • [22]
    CAEF, Z 17 201, Note du chargé de mission du ministère de l’Économie, T. Desmarest pour le ministre, 15 janvier 1978 pour le comité interministériel du 16 janvier 1978 sur la Poste.
  • [23]
    CAEF, Z 17 202, Position Jean-Yves Haberer, directeur du Trésor, dans une note pour le ministre, 13 juillet 1979, Préparation du comité interministériel sur la Poste, services financiers de la Poste : position du ministère de l’Économie.
  • [24]
    CAC, 19980498 art. 09, Séminaire de projet ENSPTT, thème : Les services financiers de la Poste face à la concurrence, février 1987, Étude présentée par Thierry Crop, Dominique Guérin, Marie Lloberes, Noureddine Moulahid, Adolphe Tchinda, p. 33.
  • [25]
    CAEF, Z 17203, Note du directeur du Trésor pour le ministre de l’Économie et des Finances, M. Giscard d’Estaing, 24/10/1972, Objet : Propositions du ministre des PTT relative aux chèques postaux.
  • [26]
    CAEF, Z 17203, Note de la direction du Trésor (Activités financières) pour le ministre de l’Économie et des Finances, sur la « Situation des services financiers des PTT » datée du 17/09/1973, Conclusions.
  • [27]
    CAEF, Z 17193, Partie du courrier du ministre de l’Économie et des Finances au ministre des PTT ayant pour objet : « Travaux préparatoires aux chartes de gestion à moyen terme aux PTT » du 27 septembre 1982.
  • [28]
    CAEF, Z 17 193, Note 3010 CD du 28 novembre 1983 de M. Camdessus, directeur du Trésor, pour le ministre de l’Économie et des Finances, direction du Trésor, Affaires financières et monétaires, en vue de l’entretien avec son collègue des PTT prévu pour le 29 novembre 1983. Services financiers de la Poste – Utilisation des ressources des LEP et des CODEVI.
  • [29]
    AFB : Association française des banques ; AFEC : Association française des établissements de crédit.
  • [30]
    CAC, 19980498 art.9, Séminaire de projet ENSPTT Thème : « Les services financiers de la Poste face à la concurrence », février 1987, étude présentée par Thierry Crop, Dominique Guérin, Marie Lloberes, Noureddine Moulahid, Adolphe Tchinda, p. 26.
  • [31]
    CAEF, Z 17193, Note du 03/01/1974 des activités financières sur Transformation de l’administration des PTT en un office ou un établissement public à caractère industriel et commercial.
  • [32]
    Ibid.
  • [33]
    Le Codevi (Compte pour le développement industriel) est un livret d’épargne réglementé et non fiscalisé dont disposent toutes les banques. Le Codevi peut être utilisé comme un livret épargne complémentaire du Livret A. À la Poste, le nom officiel du Codevi est maintenant le Livret de développement durable.
  • [34]
    CAEF, Z 17193, Entretiens ministériels, Réunion de travail du ministère de l’Économie, des Finances et du Budget avec le ministre des PTT le 29 novembre 1983, Compte rendu écrit par M. Oury, chargé de mission ministère de l’Économie, des Finances et du Budget en date du 5 décembre 1983.
  • [35]
    CAEF, Z 17193, Note 3010 CD du 28 novembre 1983 de M. Camdessus, directeur du Trésor, pour le ministre de l’Économie et des Finances, direction du Trésor, Affaires financières et monétaires, en vue de l’entretien avec son collègue des PTT prévu pour le 29 novembre 1983. Services financiers de la Poste – Utilisation des ressources des LEP et des Codevi.
  • [36]
    Réponse à la question écrite de M. André Rossinot à l’Assemblée nationale, soumise à M. le ministre de l’Économie, des Finances et du Budget sur les dispositions de l’article 8 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit, qui excluent de son champ d’application les services financiers de la Poste.
  • [37]
    Caisse nationale d’Épargne.
  • [38]
    Comptes chèques postaux.
  • [39]
    Caisse des Dépôts et Consignations.
  • [40]
    CAC, 19980498 art. 9, Séminaire de projet ENSPTT Thème : « Les services financiers de la Poste face à la concurrence », février 1987, étude présentée par Thierry Crop, Dominique Guérin, Marie Lloberes, Noureddine Moulahid, Adolphe Tchinda, p. 30.
  • [41]
    CAC, 19980498 art. 10, « La collecte de l’épargne dans les PTT », avril 1975.
  • [42]
    CAC, 19980498 art. 9, « La politique de développement des prestations financières de la Poste », Direction des services financiers, 20 juillet 1989.
  • [43]
    Slogan publicitaire de la Banque postale lors de sa création en 2006.
  • [44]
    Rapport d’information n° 463 du Sénat, 1999, « Sauver la Poste : est-il encore temps pour décider ? », p. 12.
  • [45]
    Groupement d’intérêt économique.
  • [46]
    CAEF, Z 17 202, Position Jean-Yves Haberer, directeur du Trésor, note pour le ministre, 13 juillet 1979, Préparation du comité interministériel sur la Poste, services financiers de la Poste : position du ministère de l’Économie.
  • [47]
    Ibid.
  • [48]
    CAEF, Z 17193, Conseil des ministres du 29 septembre 1982. Projet de communication du ministre des PTT présentée conjointement avec le ministre de l’Économie et des Finances. Annexe 2, Le devenir de la Poste.
  • [49]
    CAEF, Z 17193, Direction générale des Postes, Février-mars 1982, La situation financière de la Poste.
  • [50]
    CAC, 19980498 art. 09, Rapport sur les services financiers de la poste, Cour des comptes, 4e chambre, 3e section, n° 1992 – 398 – 0, octobre 1992, p. 5.
  • [51]
    CAEF, Z 17 204, Participation des services financiers de la Poste au GIE Carte bleue.
  • [52]
    CAC, 19980498 art. 9, Séminaire de projet ENSPTT, Thème : « Les services financiers de la Poste face à la concurrence », février 1987, étude présentée par Thierry Crop, Dominique Guérin, Marie Lloberes, Noureddine Moulahid, Adolphe Tchinda, p. 24.
  • [53]
    Il fut ministre des Postes, des Télécommunications et de la Télédiffusion du 22 mai 1981 au 19 mars 1986.
  • [54]
    CAEF, Z 17203, note écrite Caisse des Dépôts et Consignations / Prêts personnels aux agents des P et T.
  • [55]
    Sénat, Question écrite n° 17513 posée par M. Michel Moreigne (Creuse, SOC), « Séparation du service courrier et des activités financières de La Poste » JO Sénat du 19/09/1996, p. 2397, Réponse du ministère : Industrie, JO Sénat 23/01/1997, p. 219.
  • [56]
    « La Poste de demain… », Journées d’études postales, Bussang (Vosges), 16,17 et 18 avril 1985 ; 22, 23 et 24 avril 1985, p. 66.
  • [57]
    Larcher Gérard, Commission des Affaires économiques et du Plan, Rapport d’information n° 42, « La Poste, opérateur public de service public face à l’évolution technique et à la transformation du paysage postal européen », 1997-1998, p. 166.
  • [58]
    Tract FO Com, Postes – Cofis, Édito, « Banque Postale. La grande déconvenue pour les COFIS », avril 2006.
  • [59]
    En 2008, la Banque Postale a collecté grâce aux livrets A 18,7 milliards d’euros, montant significatif car, selon les chiffres disponibles de la Banque de France, il est trois fois plus élevé que l’ancien record datant de 1995.
  • [60]
    Forum Mag, n° 244, janvier 2010, interview de Jean-Paul Bailly, président du Groupe La Poste, p. 10.
  • [61]
    Forum, l’information, 2008, janvier, n° 224, p. 5.
  • [62]
    Le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI) délivre les agréments qui permettent de devenir un établissement bancaire.
  • [63]
    Forum Mag, n° 245, février 2010, « Crédit à la consommation : sur le marché au printemps 2010 », p. 11.
Français

Résumé

Dans un contexte de compétition bancaire accrue, la Poste n’a obtenu que très récemment l’accès au crédit à la consommation (2010). Cette évolution tant attendue par l’administration d’État est loin d’avoir été soutenue par les autres établissements bancaires. Moyen pour les PTT de limiter leur désavantage de gamme, cette extension n’a été rendue possible que par une autorisation de l’État. À travers l’exemple du crédit à la consommation, cette étape illustre le rôle de ce dernier dans la régulation des marchés professionnels mais aussi dans la régulation plus large du marché bancaire.

Mots-clés

  • crédit
  • La Poste
  • lobby
  • service public
  • banques

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Nadège Vezinat
Centre d’Études de l’Emploi (CEE)
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/05/2012
https://doi.org/10.3917/rfse.009.0063
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