CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’idée générale de la rubrique est de donner de la visibilité à des thèses de qualité, soutenues récemment. Elle vise à faire connaître de jeunes chercheurs et les approches novatrices qu’ils défendent dans leurs travaux. La rubrique privilégiera des thèses qui se situent dans la ligne éditoriale de la revue, favorisera l’émergence de thèmes et méthodologies nouvelles, aidera à identifier « qui travaille sur quoi », à défendre un format de thèse « à l’ancienne » qui ne soit pas un collage d’articles.

2Le compte rendu est rédigé soit par un tiers (membre du jury, hors directeur, et hors membre de l’université d’accueil), soit par l’auteur de la thèse avec validation par un tiers (membre du jury, hors directeur, et hors membre de l’université d’accueil). L’auteur de la thèse s’engage à fournir un exemplaire électronique de sa thèse à toute personne intéressée. Le format attendu pour les comptes rendus est de 500 mots maximum (3 000 signes espaces comprises). La décision finale de publication appartient au comité de rédaction de la revue. Nous inaugurons ici cette nouvelle rubrique qui comporte, dans ce numéro, trois comptes rendus de thèses.

3Adresse de la revue pour l’envoi des comptes-rendus : rf-socioeconomie@univ-lille1.fr

4Coordinateurs de la rubrique : Thomas Dallery, Fabien Éloire, Jordan Melmiès

Jacques-Olivier Charron La relation entre estimation publique de la valeur fondamentale des sociétés cotées et évolution de leur cours : une contribution basée sur des études de cas, Thèse de Gestion, réalisée sous la direction d’Ève CHIAPELLO, Professeur, HEC Paris, soutenue le 12 novembre 2010 au Conservatoire national des arts et métiers

5Jury composé de Mme Hélène RAINELLI-WEISS, Professeur, IAE de Paris, université Paris I, Rapporteur ; M. Philippe STEINER, Professeur, université Paris Sorbonne – Paris IV, Rapporteur ; M. Fabian MUNIESA, Chargé de recherche au CSI, École des mines de Paris ; M. André ORLÉAN, Directeur de recherche CNRS ; M. Yvon PESQUEUX, Professeur, CNAM, chaire DSO

6Compte-rendu :

7L’efficience fondamentale, i.e. l’efficience comprise comme conformité de la valorisation par les marchés financiers à la valeur fondamentale des titres est en tant que telle peu testée. Cette recherche a visé à renouveler ses modes de test en se basant sur une conception constructiviste de la valeur fondamentale, donc en considérant que cette dernière n’existe que sous la forme de jugements effectués par des acteurs identifiables. La démarche a été mise en œuvre sur 4 cas de sociétés cotées françaises sur une période de 3 ans.

8La première partie de la thèse est consacrée à l’identification des acteurs les plus légitimés de l’expression publique de la valeur fondamentale. Elle montre, en se basant sur une étude des médias financiers, que ce sont les analystes financiers sell-side.

9La deuxième partie étudie la relation entre l’estimation publique de la valeur fondamentale par ces acteurs et l’évolution des cours. Contrairement à la quasi-totalité de la littérature traitant de ce type de relation, elle le fait non pas en partant de l’information (pour se demander si et comment les cours y réagissent), mais en partant des cours (pour se demander si, quand ils connaissent des évolutions significatives, celles-ci sont ou non déclenchées par de l’information, en l’occurrence les estimations des analystes). Cette inversion de perspective est problématisée comme le passage d’un point de vue d’investisseur au point de vue symétrique, baptisé point de vue d’investi. L’étude permet de constater que, de façon générale, l’évolution des cours n’est pas déterminée par les estimations des analystes ; la comparaison directe des courbes de cours avec des courbes de moyennes des objectifs de cours des analystes permet de plus de faire apparaître le constat inverse d’estimations dépendantes de la dynamique du marché.

10La troisième partie apporte des éléments d’explication de ce constat en présentant sous la forme d’une configuration au sens d’Elias le mode d’interdépendance dans lequel s’inscrivent les analystes. S’appuyant sur des entretiens avec les acteurs impliqués, elle fait ressortir notamment la dépendance structurelle des analystes sell-side envers leurs clients (analystes buy-side et gérants), instrumentée en particulier dans les modes d’évaluation et de contrôle auxquels ils sont soumis. Cette dépendance envers les acteurs qui prennent les décisions effectives d’achat et de vente et qui « font » donc effectivement le cours est cohérente avec le constat de suivisme des estimations des analystes vis-à-vis de l’évolution de ces cours fait dans la deuxième partie.

11Jacques-Olivier CHARRON, expert à TNS Media Intelligence, jcharron@magic.fr

12Thèse disponible à l’adresse suivante : http://www.theses.fr/2010CNAM0727/document

13Cette présentation de thèse a été validée par Fabian MUNIESA, Chargé de recherche au CSI, École nationale supérieure des mines de Paris.

Sébastien Plociniczak, L’encastrement social des marchés. Éléments théoriques et empiriques pour une analyse en termes de réseaux relationnels, Thèse d’Économie, réalisée sous la direction d’Olivier WEINSTEIN, Professeur émérite, université Paris 13, soutenue le 29 novembre 2008 à l’université Paris 13

14Jury composé de M. Philippe STEINER, Professeur, université Paris Sorbonne – Paris IV, Rapporteur ; M. Jean-Michel SERVET, Professeur, Institut universitaire d’études du développement de Genève – IHEID, Rapporteur ; M. Benjamin CORIAT, Professeur, université Paris XIII – CEPN ; Mme Isabelle THIS SAINT-JEAN, Professeur, université Paris XIII – CEPN ; M. Jérôme MAUCOURANT, Maître de conférences, université Jean Monnet de Saint-Étienne.

15Compte-rendu :

16En dépit du rôle central du marché dans les constructions théoriques des économistes, celui?ci demeure peu interrogé et apparaît finalement comme une catégorie vague au mieux équivoque. Dans le cadre de cette recherche, nous ne souhaitons pas tant dénoncer ces constructions sous prétexte qu’elles s’appuient sur des abstractions infondées, qu’à mettre en évidence combien les analyses économiques des marchés peuvent se trouver enrichies de considérations historiques, anthropologiques et sociologiques permettant d’intégrer pleinement la dimension institutionnelle des formes de l’échange.

17Notre démarche s’inscrit au sein d’une évolution collective qui, concomitamment à la constitution progressive d’une théorie économique standard étendue depuis les années 1970, diversifie l’analyse économique et tout particulièrement celle du marché. Cette évolution collective est celle de la reviviscence de la Sociologie économique et de son concept clé, celui de l’encastrement (embeddedness).

18Partant du constat selon lequel la sociologie économique contemporaine s’est constituée puis structurée avec raison autour de l’idée clé d’encastrement, d’abord formulée par Karl Polanyi et subséquemment redécouverte dans ses écrits pour être reconstruite et popularisée par Mark Granovetter, nous avons souhaité clarifier, dans une première étape, l’utilisation de cette idée dans le cadre des travaux de ces deux auteurs. Puis, nous avons tenté de proposer une mise en perspective s’inscrivant dans le cadre de la sociologie économique contemporaine. Dans une seconde étape, considérer qu’une analyse modeste puisse être pertinente, voire souhaitable en ne se donnant pas pour objectif d’expliquer le fonctionnement d’ensemble des marchés, mais en se limitant à la compréhension de mécanismes étroitement définis, telle aura été notre tâche au regard du modèle heuristique d’Oliver Williamson. Nous avons démontré à partir du modèle du Petit Réseau dense, comment celui-ci permet de saisir une dimension pertinente d’un problème plus vaste qu’est l’étude des marchés. En faisant de la transaction un événement social, nous avons ainsi exposé les voies par lesquelles, dans un contexte de petit nombre, les relations personnalisées entre les acteurs (niveau bilatéral) et la structuration de leurs relations (niveau structural) aident à prévenir et sanctionner au besoin les comportements de rente opportunistes qu’autorise l’imperfection de l’information au sein de relations impliquant un haut degré d’actif spécifique entre acteurs potentiellement opportunistes.

19Sébastien PLOCINICZAK, directeur de cabinet du Président de la communauté d’agglomération de Lens-Liévin, splo@agglo-lenslievin.fr

20Cette présentation de thèse a été validée par Jérôme MAUCOURANT, Maître de conférences, université Jean Monnet de Saint-Étienne.

21Marie TRESPEUCH, Chargée de Recherche, Orange Labs Networks and Carriers, Laboratoire SENSE – Sociology and Economics of Networks and Services, marie.trespeuch@orange-ftgroup.com.

Marie Trespeuch, Le secteur des jeux d’argent à l’heure numérique. Émergence et transformation d’un marché contesté, Thèse de Sociologie, réalisée sous la direction de Pierre-Paul ZALIO, Professeur, École normale supérieure de Cachan, soutenue le 30 mars 2011 à l’ENS Cachan

22Jury composé de M. Christian BESSY, Chargé de Recherche CNRS, École normale supérieure de Cachan ; M. Patrice FLICHY, Professeur, université Paris-Est Marne-la-Vallée, Rapporteur ; M. Alexandre MALLARD, Maître de Recherche, Centre de sociologie de l’innovation ; M. Philippe STEINER, Professeur, université Paris-Sorbonne, Rapporteur.

23Compte-rendu :

24Cette thèse est un ouvrage original de 520 pages traitant de l’évolution d’un secteur marchand très particulier – les jeux d’argent – à la suite des innovations portées par le développement de l’offre sur Internet. Deux questions structurent la thèse : quelle place donner à l’innovation technologique dans la transformation du marché français des jeux d’argent ? La libéralisation du marché, en mai 2010, est-elle synonyme d’un affaiblissement des règles juridiques et morales qui organisent le marché ?

25Pour y répondre, l’approche choisie est celle de la construction sociale des marchés, plus exactement de l’offre marchande, et s’appuie principalement sur des méthodes qualitatives. Les outils théoriques nécessaires au travail sont explicités dans l’introduction : l’importance accordée aux travaux de N. Fligstein, de M. Callon et de V. Zelizer permet d’articuler les dimensions juridiques, politiques, économiques et morales pour finalement dégager l’idée que les innovations technologiques et les innovations sociales interviennent conjointement dans la recomposition du secteur des jeux d’argent, comme pour d’autres secteurs dans lesquels le marché est contesté (mort, sexe, transplantation d’organe...) afin de stabiliser sa structure.

26La première partie s’intéresse aux réserves morales qui rendent spécifique ce marché, notamment en raison de l’encadrement dont les jeux font historiquement l’objet de la part des pouvoirs publics. La notion de marché contesté apparaît centrale dès le premier chapitre où il est précisé que, pour tenir compte de la « passion » du jeu et de ses conséquences potentiellement néfastes, le jeu est d’abord considéré comme un bien tutélaire. Cela signifie qu’il n’existe pas de marché au sens strict du terme, mais une activité lucrative sous contrôle de l’État. Cela explique également la structuration progressive du marché autour de monopoles distincts selon les formes prises par les jeux d’argent et les différences dans les réglementations qui les encadrent : les courses de chevaux, les casinos et la loterie. Cette structure monopoliste n’empêche pas néanmoins qu’une concurrence apparaisse, notamment à partir de la fin des années 1980, lorsque l’offre de jeux se développe massivement.

27La deuxième partie montre que la structure monopoliste se trouve mise en difficulté avec l’émergence d’innovations technologiques qui bouleversent l’offre de jeux. C’est là un des points forts de la thèse, qui étudie successivement l’offre nouvelle de jeux en ligne des entreprises situées à Malte, la manière dont les monopoles français réagissent à cette incursion dans leur domaine (à travers une étude de l’élaboration de la cote sur les paris sportifs à la Française des Jeux) et, enfin, la manière dont les règles de droit font l’objet d’un intense travail de lobbying en direction de la Commission européenne. Innovations technologiques, marchandes et juridiques sont ainsi placées au cœur du travail.

28La troisième partie est l’occasion de montrer comment le caractère contesté du marché des jeux d’argent, pris ici par l’intermédiaire du problème de « l’addiction », marque la mise en place de la nouvelle structure marchande (libéralisation partielle) encouragée par le pouvoir politique qui s’installe en France après mai 2007. La construction politique et juridique du marché est alors examinée en détail pour expliciter la manière dont la structure actuelle du marché s’est formée et répondre aux deux questions structurantes de la thèse.

29Marie TRESPEUCH, Chargée de Recherche, Orange Labs Networks and Carriers, Laboratoire SENSE – Sociology and Economics of Networks and Services, marie.trespeuch@orange-ftgroup.com.

30Cette présentation de thèse a été validée par Philippe STEINER, Professeur, université Paris-Sorbonne.

Mis en ligne sur Cairn.info le 29/11/2011
https://doi.org/10.3917/rfse.008.0235
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