CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction : gouvernance d’entreprise, stratégies industrielles et profils managériaux

1Comment en est-on arrivé à financiariser l’économie réelle ? Autrement dit, comment les entreprises ont-elles adopté un modèle productif centré sur la maximisation de la valeur actionnariale ? Cette recherche tente de retracer ce processus en en disséquant les différentes étapes et en examinant le rôle des dirigeants. Nous soutenons que le processus de financiarisation des « économies coordonnées » comme la Suisse est lié à deux changements majeurs. Premièrement, la libéralisation des marchés des capitaux a renforcé les fonds d’investissement en leur donnant l’occasion d’exercer des pressions sur les sociétés pour qu’elles s’orientent davantage sur la valeur actionnariale. Deuxièmement, nous montrons que l’affirmation du principe de la valeur actionnariale résulte de la modification des préférences des dirigeants d’entreprise. Ce changement de préférences s’explique par l’apparition d’une élite dotée d’un nouveau profil de formation, ainsi que par l’adoption par les firmes de nouveaux modes de rétribution managériale. L’alliance objective entre nouveaux managers et nouveaux actionnaires a alors convergé dans le processus de financiarisation.

2La recherche se centre sur l’industrie suisse des machines, de l’électrotechnique et de la métallurgie (MEM), le noyau historique du capitalisme suisse qui demeure aujourd’hui le premier employeur industriel du pays et le plus grand secteur d’exportation. Ce secteur traditionnel concentre bien les principales caractéristiques institutionnelles du modèle suisse, où les mécanismes de coordination hors-marché sont fortement développés [Schnyder et Widmer, 2010 ; Widmer, 2010]. En analysant de près l’évolution des plus grandes entreprises du secteur depuis 1990, nous mesurons l’extension des mécanismes de marché.

L’enquête a porté sur neuf à onze entreprises du secteur, selon les parties. Un dépouillement systématique de leurs rapports annuels a été opéré pour la période 1991-2008, de manière à analyser les indicateurs organisationnels et financiers déployés dans la recherche. Ces rapports ont été consultés aux archives économiques de Bâle. Certaines informations ont également été systématisées sur la base de la publication « Guide des actions suisses » pour la même période, mais les « trous » et imprécisions de cette source ont requis des recoupements avec les rapports annuels. La presse économique – notamment Finanz und Wirtschaft, Swissinfo, Le Temps et les communiqués de presse des entreprises archivés sur leurs sites internet – a également été consultée de manière à retracer les grandes restructurations et les relations entre entreprises et investisseurs. Enfin, les informations relatives au profil des dirigeants ont été récoltées pour six dates permettant d’établir une « photographie » de leur profil à des périodes particulières : 1970, 1980, 1990, 1995, 2000 et 2005. Les noms de ces élites économiques ont été repérés dans les rapports de gestion des entreprises des différentes années, mais aussi dans le Guide des actions suisses et sur le site de « Finanz und Wirtschaft ». Leur profil a ensuite été établi en consultant les rapports annuels des entreprises, différents documents trouvés aux archives économiques de Bâle, des publications telles que Who is Who in Switzerland et Persönlichkeiten Europas: Schweiz (1974) et, pour la période très récente, Internet.

3Avant d’entrer dans l’analyse empirique, contrastons brièvement les principales caractéristiques du système suisse de gouvernance d’entreprise avec le modèle libéral anglo-saxon centré sur l’actionnaire. L’approche des variétés de capitalismes montre que les dirigeants économiques peuvent coordonner leur action en recourant au marché – dans le cas des « économies de marché libérales » – ou au moyen d’institutions hors-marché, dans le cas des « économies de marché coordonnées » [Hall et Soskice, 2001]. Le système suisse de gouvernance d’entreprise appartient globalement à cette seconde configuration? [1]. Les entreprises suisses financent leurs activités en premier lieu au moyen des fonds propres, mais également des crédits bancaires [David et Mach, 2001]. La forte influence des banques universelles s’exerce à travers deux autres canaux. Premièrement, les votes par procuration leur donnent un pouvoir important lors de l’assemblée générale des actionnaires [Schnyder et al., 2005]. Enfin, les banquiers occupent souvent des sièges aux Conseils d’administration (CA) des entreprises, cette pratique permettant au management de s’assurer de l’adhésion des banques tout en permettant à celles-ci de contrôler le développement de l’entreprise dans laquelle elles ont investi.

4Le contrôle bancaire et la forte concentration de la propriété dans les entreprises suisses – souvent dans les mains d’actionnaires historiques – préviennent l’émergence d’un marché pour le contrôle des entreprises [Börsch, 2007]. Ce marché est par ailleurs bloqué par les restrictions d’accès au registre des actionnaires et aux droits de vote, qui permettent aux actionnaires majoritaires historiques et au management de préserver leur contrôle [Hostettler, 1997].

5Ce système de gouvernance d’entreprise permet au management d’être relativement indépendant des pressions des marchés boursiers, d’autant plus que les possibilités de discipliner les managers sont limitées par l’étroitesse du marché des managers, liée notamment à leur faible mobilité [Hostettler, 1997, p. 288]. L’autonomie managériale permet une liberté étendue dans la conduite des entreprises. Par ailleurs, dans les systèmes « stakeholders » comme l’Allemagne [Aguilera et Jackson, 2003] ou plus spécifiquement l’industrie MEM [Billeter, 1985], les managers tendent à avoir suivi une formation technique ou scientifique. Ce background, combiné avec le fait que les élites économiques atteignent souvent le sommet après une longue ascension au sein de l’entreprise, favorise un type de dirigeants orienté vers la production. Ce modèle de gouvernance se caractérise également par la présence de grands actionnaires (souvent familiaux) engagés dans leur entreprise et agissant selon des principes à la fois stratégiques et financiers. Ainsi, la performance boursière et les bénéfices ne sont pas l’unique préoccupation, les parts de marché, la qualité des produits et l’emploi constituant également des paramètres importants [Vitols, 2003]. L’expansion et la diversification des grandes entreprises MEM témoignent de la volonté de leur direction de préserver les secteurs moins performants de manière à maintenir et stabiliser la société par le biais d’une diversification des risques. L’accent est mis sur la croissance et les parts de marché plutôt que sur la création de valeur pour les actionnaires. En périodes de difficultés financières, ce système tend ainsi à inhiber les désinvestissements et à stabiliser l’emploi [Börsch, 2004]. La réaction est souvent l’expansion grâce aux réserves financières générées par les bénéfices non distribués [De Jong, 1997].

6Si les stratégies des dirigeants sur le long terme convergent avec les préférences des actionnaires traditionnels – notamment les fondateurs historiques – et les intérêts des travailleurs (la stabilité de l’emploi), ils sont contraires aux intérêts strictement financiers qui caractérisent souvent les actionnaires minoritaires.

7Dans les économies libérales centrées sur l’actionnaire, et en particulier dans les plus grandes sociétés de ces pays? [2], la concentration beaucoup plus faible de l’actionnariat permet au contraire l’émergence d’un marché pour le contrôle de l’entreprise. L’importance des investisseurs institutionnels dans le contexte d’un actionnariat dispersé incite le management à maximiser les profits et la performance boursière. Cette conception du contrôle incite les dirigeants d’entreprises peu performantes à désinvestir les secteurs les moins rentables plutôt que d’améliorer leur compétitivité [Fligstein, 2001]. Les restructurations consistent en mesures de recentrage sur le cœur de métier et se focalisent sur la réduction des coûts, notamment les coûts liés à l’emploi, de manière à améliorer les retours sur investissements et les résultats financiers [De Jong, 1997].

8Cette recherche analyse les différentes dimensions du processus de financiarisation des sociétés MEM. Elle postule qu’il est le résultat à la fois du nouveau rôle joué par les fonds d’investissement et de la modification des préférences patronales. Ces nouvelles préférences résultent en partie de la modification de leur profil de formation. Nous identifions en effet l’apparition d’une élite formée en gestion, typiquement détentrice d’un MBA. La logique financière associée à ce nouveau profil supplante ainsi progressivement la logique industrielle de la technicité qui prévalait avec les managers de l’ancienne génération. Les nouvelles préférences managériales, centrées sur la performance financière, sont par ailleurs liées à l’adoption de formes de rétributions salariales incitatives. Contrairement aux variétés de capitalismes, qui prévoient un renforcement du cadre institutionnel dans le contexte de globalisation en raison des avantages comparatifs qu’ils procurent [Hall et Soskice, 2001], nous postulons ainsi un processus de convergence vers le modèle libéral sous la pression de ces nouveaux acteurs.
Nous explorons alors les différentes facettes du processus de financiarisation. L’adoption de la valeur actionnariale par les firmes a des conséquences organisationnelles [Höpner, 2001 ; Börsch, 2004]. Nous analysons ainsi dans la partie suivante certains indicateurs, notamment la structure du capital et l’accès aux droits de vote, la transparence financière et les modes de rétribution des top managers. Il s’agit également d’expliquer l’évolution de la capitalisation boursière des sociétés étudiées, ainsi que la modification de la composition de l’actionnariat. La section finale s’intéresse aux grandes restructurations d’entreprise en identifiant d’abord l’émergence d’un marché pour le contrôle de l’entreprise, au bénéfice d’un nouveau type d’actionnaires activistes. Deuxièmement, elle analyse la modification du profil des dirigeants en mettant en relation l’évolution de leur profil sociologique avec la financiarisation des stratégies d’entreprise. Cette dernière section analyse enfin les dynamiques de renforcement mutuel entre les nouveaux dirigeants et les fonds d’investissement, ainsi que le produit de cette nouvelle alliance en termes de stratégies industrielles.

2 – Le développement de la valeur actionnariale

9Nous analysons ici plusieurs indicateurs de valeur actionnariale : l’abandon ou non de types d’actions différenciés et la présence de restrictions de transfert témoignent du degré de libéralisation de l’accès des actionnaires au contrôle des firmes. L’adoption de standards de comptabilité orientés vers les actionnaires révèle une volonté de favoriser la transparence, de manière à attirer les investisseurs, et a pour corollaire une limitation de la liberté managériale. Aucune réforme réglementaire ou légale n’a imposé de nouvelles obligations dans ces domaines, et la suite de la recherche montrera que les changements importants ont été mis en place par la nouvelle génération de managers, centrés sur la performance financière de leur société. Par ailleurs, cette partie analyse l’évolution des schèmes de rétribution des managers, en soulignant leur importance pour les stratégies managériales. L’intégration de schèmes basés sur la performance constitue une incitation pour que les managers agissent dans les intérêts des actionnaires. Nous examinons également l’évolution de la capitalisation boursière en observant dans quelle mesure elle résulte d’une variation dans le mode de financement des sociétés ou d’une évolution de la performance des titres. Enfin, l’évolution de la structure de l’actionnariat témoigne de l’évolution de la capacité de contrôle de différentes catégories d’actionnaires.

2.1 – Droits de vote et accès au contrôle de l’entreprise

10L’émission par les entreprises d’un seul type d’action donnant automatiquement droit à un vote « one share, one vote » constitue le modèle libéral de structure du capital, facilitant la constitution d’un marché pour le contrôle de l’entreprise. En Suisse au contraire, et en particulier dans les sociétés MEM, le management et les actionnaires historiques ont élaboré des mesures protectionnistes leur permettant de préserver leur contrôle de l’entreprise. Le principe de la « Vinkulierung » permettait au CA et au management de décider qui pouvait ou non accéder au registre des actionnaires. Par ailleurs, deux mesures protectionnistes concernant la structure et la mobilité du capital étaient également fréquentes. Premièrement, la différenciation des catégories d’action associées à un nombre de votes par action différent permettait aux actionnaires historiques de contrôler l’entreprise, y compris lorsque leur investissement en capital était inférieur à celui d’autres actionnaires [Kaufmann et Kunz, 1991]. L’existence de certificats de participation n’octroyant aucun droit de vote constituait également une distorsion. Deuxièmement, les restrictions de transfert limitent la possession de capital ou les droits de vote associés à la possession d’actions. La limitation à un maximum de 3 ou 5 % de droits de vote permet par exemple aux sociétés de bloquer toute tentative de prise de contrôle. Ainsi, l’introduction de l’action unique et la suppression des restrictions de transfert peuvent être considérées comme des mesures favorisant la valeur actionnariale.
Alors qu’aucune des neuf entreprises sous revue n’avait introduit l’action unique en 1993, huit l’avaient adoptée en 1999? [3]. En ce qui concerne les restrictions de transfert, seule l’entreprise Saurer en était exempte en 1990. Cinq autres les supprimèrent entre 1995 et 2000, et les trois sociétés restantes continuent à en imposer aujourd’hui.

2.2 – La transparence financière

11La transparence financière peut constituer une source de conflits entre les managers et les actionnaires en raison de la capacité des managers à contrôler l’information de manière à sécuriser leur emploi et à augmenter leur indépendance dans la gestion de la firme. Les sociétés suisses cotées en bourse ont l’obligation légale de se conformer à un standard national (FER). Cependant, ces normes sont davantage adaptées aux besoins des créanciers qu’à ceux des actionnaires, conformément au système financier helvétique traditionnel [Schnyder, 2005]. De plus, elles sont beaucoup moins détaillées que les standards internationaux, et laissent ainsi aux managers une grande liberté dans le choix du mode d’évaluation.

12Le processus de standardisation internationale a donné lieu à deux méthodes principales de comptabilité, toutes deux de type libéral, centrées sur l’actionnaire. Les International Accounting Standards (IAS) ont été mis à jour et renommés International Financial Reporting Standards (IFRS). Le second standard important est étasunien : le US-GAAP. Étant donné que la bourse de New York impose ces normes, beaucoup d’entreprises non étasuniennes les ont adoptées.

13Ainsi, puisque le droit suisse et les standards nationaux octroient davantage de liberté managériale [Schnyder, 2005], l’adoption volontaire par les firmes de ces normes internationales, en dehors de toute obligation légale, indique une claire orientation vers les marchés boursiers et les intérêts des actionnaires. Les entreprises MEM comme BBC étaient connues pour leur opacité [Werner, 1991]. Mais le changement dans le domaine des « investor relations » est considérable :

Graphique 1

Adoption de l’action unique, élimination des restrictions de transfert et adoption de normes comptables orientées vers les actionnaires (1991-2006)

Graphique 1

Adoption de l’action unique, élimination des restrictions de transfert et adoption de normes comptables orientées vers les actionnaires (1991-2006)

Source : Rapports annuels et Guide des actions suisses.

14Dès 2001, toutes les entreprises sous revue avaient adopté les normes IFRS ou US-GAAP. Cette adaptation, qui a eu lieu plus tôt que l’adoption de l’action unique et l’élimination des restrictions de transfert, témoigne d’une claire orientation des sociétés vers les actionnaires, avec pour conséquence une limitation de la liberté managériale.

2.3 – Évolution des formes de rémunération des managers

15La dimension matérielle de l’alignement managérial sur les intérêts des actionnaires est liée aux nouvelles formes de rétribution [Boyer, 2005]. Les actions et stock-options lient la performance financière à la rétribution et permettent aux actionnaires de discipliner les dirigeants d’entreprise. La distribution d’actions, de stock-options et de bonus annuels ont massivement augmenté les revenus des managers dans la plupart des pays industrialisés [Petit, 2006] et, en tant qu’incitations pour que les entreprises centrent leur stratégie sur leur valeur boursière, sont d’une importance décisive pour les transformations du capitalisme [Börsch, 2004].

16En 2000, 35 % des entreprises suisses de plus de 500 employés avaient recours à ce type de rétribution pour payer leurs plus hauts dirigeants, et seulement 3 % en ce qui concerne les stock-options [Schwarb et al., 2001]. Les grandes entreprises MEM ont été comparativement très actives dans la promotion de ces schèmes salariaux. Depuis 2000, l’ensemble des top managers des neuf sociétés bénéficient de formes de rétribution liées à la performance boursière. La plupart d’entre eux reçoivent des stock-options (sept sociétés), une incitation pour que les dirigeants améliorent la performance de l’action jusqu’au jour où ils ont la possibilité de la vendre.

Graphique 2

Entreprises avec programme d’actions et options 1996-2006

Graphique 2

Entreprises avec programme d’actions et options 1996-2006

Source : rapports annuels, Guide des actions suisses, sites Internet des entreprises.

17Alors que les bonus constituaient 20 à 40 % du salaire des PDG (CEO), la part fixe de leur rétribution était toujours inférieure à 50 % (le cas extrême est ABB : 16 %). La performance est ainsi centrale dans la formation des salaires des dirigeants, générant une forte incitation en faveur de stratégies à court terme et centrées sur les marchés boursiers.

2.4 – La capitalisation boursière des entreprises MEM depuis 1990

18Les entreprises du secteur MEM ont connu une importante croissance de leur capitalisation boursière, liée à deux principaux facteurs : la valorisation des titres en bourse et l’accroissement du poids des marchés boursiers dans le financement des entreprises.

19Le premier aspect – la performance du titre – est lié à la fois à l’offre et à la demande. Les sociétés suisses tendaient à être sous-évaluées jusqu’au début des années 1990 [Lambelet, 1993]. En effet, leur accumulation de réserves cachées parfois considérables grâce à un droit laxiste en la matière rendait difficile l’évaluation de la valeur des actifs de l’entreprise, et donc l’ampleur du risque à l’achat d’actions. Un cercle vicieux se mettait ainsi en place : les sociétés, sous-évaluées, se protégeaient de prises de contrôle hostiles au moyen du système des actions nominatives liées, qui permettaient à la direction et au CA de refuser l’inscription d’investisseurs dérangeants au registre des actionnaires. L’existence de plusieurs catégories d’actions, la faiblesse des dividendes et l’opacité liée aux réserves latentes et cachées conduisaient ainsi à une diminution du rôle de la bourse en tant que pourvoyeuse d’argent frais, ce qui encourageait les entreprises à pratiquer l’autofinancement via l’accumulation de réserves latentes [ibid., p. 426]. La fluidification des transactions financières, l’amélioration de la transparence, les nouveaux modes de rémunération des managers et le rachat d’actions au cours des années 1990 ont ainsi participé à la revalorisation des entreprises MEM en bourse. Le deuxième facteur ayant affecté la performance est cette fois lié à une modification de la demande. En effet, la libéralisation du marché des capitaux a libéré une masse financière prête à être investie dans des sociétés génératrices de valeur [Lane, 2003], telles que les grandes entreprises MEM.

20L’évolution du mode de financement des sociétés explique également en partie la croissance de leur capitalisation boursière. La réorientation stratégique de leurs créanciers traditionnels, les banques, a remis en cause le financement traditionnel des grandes sociétés, dans lequel le crédit bancaire occupait une place importante [Schnyder et al., 2005]. Ces dernières ont par ailleurs dû faire face à une augmentation des coûts d’investissement nécessaires à leurs activités, liée au développement technologique et aux ressources toujours plus importantes nécessaires à la compétitivité internationale. Les marchés boursiers constituent à ce titre un levier important pour disposer de liquidités. Enfin, l’accroissement de la concurrence internationale au cours des années 1990 a exercé une pression sur les entreprises exportatrices, moins disposées à payer au prix fort des emprunts bancaires et rendant attrayante la perspective d’un financement par les marchés financiers. Ces besoins croissants des multinationales pouvaient être comblés par l’accroissement de la demande, comme il a été souligné plus haut.

21Outre le mode de financement, l’évolution de la capitalisation boursière témoigne – et ce, peut-être avant tout – d’une évolution du type de contrôle des sociétés. La plus forte demande de leurs titres, comme l’analysera la suite de cet article, peut en effet révéler une plus grande perméabilité des sociétés au contrôle des actionnaires minoritaires, les insiders voyant leur prérogative s’éroder.
Les graphiques ci-dessous cernent l’évolution de la capitalisation boursière des neuf sociétés sélectionnées? [4].

Graphique 3

Capitalisation boursière de 8 sociétés MEM 1990-2006

Graphique 3

Capitalisation boursière de 8 sociétés MEM 1990-2006

Source : Guide des actions suisses, différentes années.
Graphique 4

Capitalisation boursière d’ABB 1990-2006

Graphique 4

Capitalisation boursière d’ABB 1990-2006

Source : Guide des actions suisses, différentes années.

22Comme le montrent clairement ces graphiques, les neuf entreprises sous revue ont, en moyenne, affiché une très forte croissance de leur capitalisation boursière au cours des années 1990. Si cette croissance a été modérée au cours de la première moitié de la décennie, les années 1996-2000 ont enregistré une hausse brutale. La moyenne des neuf sociétés est en effet passée de 2668 millions de francs suisses par entreprise à 8765 millions, soit une hausse de 329 %. Le pic de l’an 2000 a en revanche été suivi d’une forte baisse, entre 2000 et 2003, qui s’explique avant tout par l’explosion de la bulle technologique, ayant affecté l’ensemble des bourses au niveau mondial. La capitalisation boursière des entreprises sous revue a ensuite été réamorcée de manière spectaculaire puisque la moyenne de 1531 millions de francs pour les neuf entreprises en 2003 a progressé pour atteindre 13 578 millions de francs en 2007 (croissance de 887 %).

23Si les mêmes tendances sont globalement observables pour l’ensemble des sociétés, d’importantes différences doivent être mentionnées concernant l’ampleur de leur capitalisation boursière. Le degré de capitalisation boursière d’ABB était systématiquement beaucoup plus élevé que celui des autres compagnies : autour de 7 milliards en 1990, 59 milliards en 2000 et 33 milliards en 2005. À l’autre extrême, Saurer avait la plus faible capitalisation en 1990 (385 millions), et Von Roll tenait cette place en 2000 (457 millions) et en 2005 (322 millions).

24La croissance de la capitalisation boursière des grandes entreprises MEM tient avant tout à la valorisation des titres en bourse. Le poids des marchés boursiers dans le financement des sociétés MEM doit être fortement différencié selon les cas, les trajectoires des entreprises variant sensiblement à cet égard. Le capital actions d’ABB a littéralement explosé, passant de 925 millions en 1995 à 3000 millions en 2000 et 5176 millions en 2005? [5]. L’émission de nouveaux titres a ainsi permis à ABB de se financer à hauteur de plus de quatre milliards de francs suisses en dix ans. Le capital actions d’OC Oerlikon a également progressé au cours de cette période, quoique de manière moins impressionnante, et celui de Georg Fischer a augmenté de 327 à 350 millions entre 1995 et 2000 avant de retomber à 315 millions entre 2000 et 2005. Pour ces firmes, les marchés boursiers ont ainsi constitué un apport en capitaux à des moments déterminés. Cependant, cinq autres sociétés ont racheté leurs actions plutôt que d’en émettre de nouvelles. Ce mécanisme permet de valoriser le titre en bourse, et coûte plutôt qu’il ne rapporte à la société.
Ces tendances montrent que l’augmentation de la capitalisation boursière des entreprises MEM s’explique davantage par la performance de leur titre en bourse en conséquence d’une plus grande demande que par la volonté des sociétés d’accéder à de nouvelles sources de financement en émettant de nouveaux titres, même si les deux aspects sont importants.

2.5 – Évolution de la composition de l’actionnariat

25La libéralisation des marchés des capitaux a renforcé les investisseurs institutionnels – fonds d’investissement, fonds de pension, assurances – dans la gouvernance d’entreprise [Boyer, 2005]. Börsch [2007] observe qu’ils possédaient, en Suisse, 233 % du PIB (191 % aux États-Unis, 81 % en Allemagne). Cependant, d’après l’auteur, les sociétés suisses ne seraient pas exposées aux pressions des marchés des capitaux en raison d’une forte concentration de la propriété et du rôle des banques. David et al. [2004] relèvent au contraire une tendance au renforcement des investisseurs institutionnels. Notre recherche soutient clairement cette observation.

26La structure de la propriété des entreprises MEM révèle clairement la montée des investisseurs institutionnels, parallèle à l’augmentation de la capitalisation boursière des sociétés et à leur adoption de structures favorables aux actionnaires. Le graphique suivant présente l’évolution des participations de cinq types d’actionnaires entre 1991 et 2006 en ne relevant que les participations d’au moins 3 % : les familles, les investisseurs institutionnels, les banques, les investisseurs individuels et les autres entreprises industrielles.

Graphique 5

Composition de l’actionnariat par type d’actionnaires (1991-2006)

Graphique 5

Composition de l’actionnariat par type d’actionnaires (1991-2006)

Source : rapports annuels et Guide des actions suisses.

27Trois observations principales peuvent être faites. Premièrement, le capitalisme familial était déjà passablement érodé au sein des plus grandes sociétés MEM au début des années 1990, et cette tendance s’est renforcée. Schindler et Oerlikon étaient les deux seules sociétés familiales, et la famille Anda-Bührle a perdu le contrôle d’Oerlikon en 2004. Deuxièmement, on observe un net déclin des participations interentreprises : cinq des neuf firmes étaient soumises à un certain contrôle d’autres entreprises au début des années 1990. Ces sociétés étaient souvent actives sur les mêmes marchés, ce qui traduit un modèle de capitalisme favorisant la coopération, la coordination et l’échange d’informations. Depuis 2001, plus aucun lien n’est décelable, une tendance qui témoigne de l’approfondissement des relations compétitives. Le troisième point important est la claire montée des investisseurs institutionnels. La première vague eut lieu au milieu des années 1990, mais fut suivie d’un déclin autour de 2000, parallèlement à la chute de la capitalisation boursière des entreprises. Mais la multiplication des participations après 2000 est impressionnante, si bien que l’on compte treize participations significatives d’investisseurs institutionnels en 2006. En 1995, les sept institutionnels possédaient un total de 35 % des actions des neuf entreprises (3,9 % en moyenne), et les deux participations de 2000 atteignaient la même proportion. En 2006, les treize investisseurs possédaient 18,4 % de chaque firme en moyenne. Tous ces actionnaires étaient des fonds d’investissement en 2006. Dans la mesure où la plupart provenaient de pays anglo-saxons, mais aussi de Russie et d’Autriche, ces nouveaux acteurs représentent également une internationalisation du capital.

28Dans le contexte de la libéralisation de leur gouvernance d’entreprise (adoption de l’action unique, élimination des restrictions de transfert), les sociétés MEM sous revue ont été la cible de nouveaux actionnaires. Un marché pour le contrôle de l’entreprise s’est constitué et a ouvert la porte aux OPA hostiles. La suite de la recherche montrera que ces changements ont provoqué une forte augmentation des pressions des marchés des capitaux pour de plus hauts retours sur investissement.

3 – Dirigeants et actionnaires dans le processus de restructuration

29Cette partie se focalise sur la trajectoire des dix plus grandes sociétés MEM au cours des dernières années. Nous observons d’abord la concrétisation d’un marché pour le contrôle de l’entreprise. Deuxièmement, nous analysons l’émergence d’une nouvelle élite économique, dont le profil financier allait être central dans la réorientation des stratégies des entreprises, en leur imprimant une logique financière. Nous nous intéressons alors à la relation à la fois de conflit et de renforcement mutuel entre les investisseurs institutionnels et les nouveaux dirigeants. Enfin, nous examinons le rôle de ces nouveaux acteurs dans le processus financiarisé de restructuration des sociétés.

3.1 – Marché pour le contrôle de l’entreprise et activisme financier

30Nous avons observé plus haut que les investisseurs institutionnels, en particulier les fonds d’investissement, ont pris d’importantes participations dans les sociétés MEM. Un marché pour le contrôle des grandes entreprises MEM a pris forme depuis la fin des années 1990 et plus particulièrement depuis les premières années de ce siècle. Cette tendance a limité l’autonomie dont jouissaient les top managers jusqu’alors. Le changement a pris une ampleur considérable, puisque la plupart des entreprises sous revue ont subi des prises de contrôle par des activistes. Si les raiders locaux – Ebner, Müller-Möhl et Braginski – ont adopté des stratégies agressives pour contrôler les sociétés MEM ou peser sur leurs stratégies en faveur de leurs intérêts, la figure montante de l’activiste financier est désormais l’investisseur institutionnel étranger achetant massivement des parts, influençant les stratégies de l’entreprise et se retirant après avoir augmenté la création de valeur.

Tableau 1

Dates des prises de contrôle de dix grandes entreprises MEM depuis 1998

Tableau 1
A & A Actienbank BZ Bank InCentive Laxey Sterling/ Cheney/ Rank Renova Victory Von Finck ABB 1998 Ascom 1999 2007 GeorgFischer Oerlikon 2006 2005 Rieter 1999 Saurer 2005 2005 Schindler SIG 2005 Sulzer 2001 2007 2007 Von Roll 2007

Dates des prises de contrôle de dix grandes entreprises MEM depuis 1998

31Depuis 1998, les dix entreprises MEM sous revue ont subi les assauts d’investisseurs à treize reprises. Ces « contrôles stratégiques » concernent trois types d’action sur l’entreprise ciblée : 1) le remplacement de dirigeants en place (au CA ou à la direction opérationnelle) par de nouveaux dirigeants proposés par l’actionnaire activiste. 2) L’obtention d’une majorité des voix à l’assemblée générale des actionnaires à l’encontre de la position de l’équipe en place. 3) Le rachat total de l’entreprise. Ainsi, la situation semble avoir considérablement changé depuis les travaux d’Anderson et Hertig [1993] qui relevaient que « le rôle limité des investisseurs institutionnels tient essentiellement au fait que leur philosophie d’investissement n’est pas centrée sur le contrôle, et qu’ils font face à un nombre important de droits de vote qui s’exercent en conformité avec les propositions du conseil d’administration? [6] » (p. 526-527).

32Trois activistes ont eu un rôle particulièrement marquant dans le secteur MEM. Après l’activisme du raider local Martin Ebner sur ABB et Rieter, le fonds d’investissement autrichien Victory est devenu un acteur important dans l’industrie MEM en prenant des participations déterminantes dans le capital d’Ascom, Sulzer et Oerlikon, et en provoquant le rachat de Saurer par cette dernière. Renova est le second investisseur qui s’est imposé dans les grandes entreprises MEM dernièrement, et contrôle actuellement Sulzer et Oerlikon, à la suite du rachat à Victory de ses actions Oerlikon. Renova est contrôlée par le milliardaire russe Viktor Vekselberg, un ami de Vladimir Poutine ayant bâti sa fortune dans le secteur du pétrole.
Schindler et Georg Fischer sont les deux seules sociétés à avoir été préservées des contrôles stratégiques. Leur contrôle, en effet, est protégé par le maintien de restrictions de transfert (un actionnaire peut avoir un maximum de 5 % des votes chez Georg Fischer) et, dans le cas de Schindler, par une forte concentration du capital dans les mains des familles Schindler et Bonnard.

3.2 – Le renouvellement des dirigeants au cours des années 1990

33Les compétences particulières des managers liées à leur formation ont des implications pour leurs valeurs, la représentation de leur rôle dans l’entreprise et leurs conceptions normatives de la gestion. Comme l’ont montré Byrkjeflot [2000] et Faust [2002], les managers anglo-saxons tendent à avoir des compétences générales et unifiées en management, alors que les dirigeants allemands ont plutôt des compétences spécifiques, axées sur la production de biens particuliers. Ainsi, les managers allemands disposent souvent d’un doctorat dans des domaines techniques, en chimie ou en physique [Aguilera et Jackson, 2003]. Le modèle managérial suisse est traditionnellement semblable au modèle allemand. Les dirigeants MEM sont traditionnellement des ingénieurs, mais également des juristes et des chimistes [Billeter, 1985]. Alors que les dirigeants d’Europe continentale se voient comme des experts dans des domaines techniques [Höpner, 2001] et fondent leur légitimité sur les nombreuses années passées au sein de l’entreprise [Davoine, 2005], les managers anglo-saxons ont des compétences générales en management s’accordant bien avec la mobilité comparativement plus importante des dirigeants. Leur plus grande mobilité, y compris au sein de différents secteurs de production, est associée à un plus faible degré d’engagement au sein de l’entreprise et des comportements potentiellement plus opportunistes et instrumentaux [Aguilera et Jackson, 2003].
Alors que le modèle managérial d’autres pays d’Europe continentale semble être sous pression [Höpner, 2001 ; Faust, 2002], nous montrons que le type de dirigeants MEM, orienté vers la production, a été progressivement remplacé par un type de dirigeants davantage axé sur la valeur actionnariale. Nous examinons l’évolution du profil de formation des directeurs exécutifs (CEO), des présidents des CA et des administrateurs des CA des onze plus grandes entreprises entre 1970 et 2005. L’échantillon est constitué de 125 dirigeants? [7].

Graphique 6

Formation des dirigeants MEM (1970-2005)

Graphique 6

Formation des dirigeants MEM (1970-2005)

34Alors qu’à peu près 20 % des top managers avaient bénéficié d’une formation en gestion en 1970 et 1980, ils étaient 30 % en 1990. La tendance s’est accélérée au cours des années 1990 : en dix ans, la proportion des dirigeants au profil économique a plus que doublé pour atteindre deux tiers entre 2000 et 2005. Toutefois, les ingénieurs continuent à être fortement représentés, puisque leur proportion oscille entre 40 et 60 % au cours de la période sous revue (50 % en 2005). Les formations en gestion se sont par contre étendues au détriment du droit. Les managers MEM sont ainsi de plus en plus professionnalisés, leurs compétences en gestion s’ajoutant parfois à une formation technique ou scientifique. Ce processus est allé de pair avec un rajeunissement de l’échantillon, passant d’une moyenne de 60 ans en 1995 à 56 ans en 2005. Si l’expérience demeure un critère central, cette nécessité a néanmoins perdu un peu de son poids.

35Il est intéressant d’observer de plus près comment ont évolué les différentes catégories de formation économique.

36Les diplômes commerciaux non académiques n’ont jamais constitué une proportion importante des formations économiques. Tant les titres académiques classiques (licence, doctorat) que les MBA sont de plus en plus déterminants dans la biographie des dirigeants. En 2005, cinq des sept MBA avaient été réalisés sans formation économique préalable (neuf sur quinze pour l’échantillon total). Le MBA constitue ainsi un complément, une manière de s’adapter à une nouvelle conception du management requérant des compétences en management et en finance. L’idée, traditionnellement forte dans les économies européennes, selon laquelle le management n’est pas une profession en soi, laisse progressivement place à une conception plus typiquement étasunienne du management en tant que profession unifiée [Faust, 2002]. Cette tendance, qui a contribué à placer la performance financière au centre des stratégies d’entreprise, est centrale dans le processus de financiarisation.

Graphique 7

Types de formation économique en pourcent de l’échantillon

Graphique 7

Types de formation économique en pourcent de l’échantillon

3.3 – Dirigeants et actionnaires : conflit ou renforcement mutuel ?

37Nous assistons donc à la fois à l’affirmation d’actionnaires activistes et à l’émergence d’une nouvelle élite managériale. Quel type d’interactions définit ces nouveaux acteurs ?

38Les top managers en place se sont clairement opposés aux prises de contrôle par les fonds d’investissement. Sur treize prises de contrôle, seuls deux cas reçurent le soutien de l’équipe dirigeante, ou au moins d’une partie des dirigeants (ABB et Saurer). Dans le cas de Saurer, le président n’approuva l’acquisition de son entreprise par Victory à travers Oerlikon que parce qu’il craignait davantage la perspective d’une OPA hostile par d’autres investisseurs intéressés.

39De plus, plusieurs situations opposèrent les conceptions stratégiques des fonds d’investissement à celles des dirigeants. Avant de démissionner, le patron de Sulzer Ueli Roost avait par exemple résisté, face à InCentive, contre la séparation du groupe de la division performante Sulzer Medica (l’opération fut très lucrative pour les actionnaires). Dans le cas de Rieter, le CEO Kurt Feller s’était opposé aux projets du financier Ebner. Et l’équipe dirigeante d’Ascom – à la fois le CA et le Directoire – était soutenue par la famille fondatrice, face à Müller-Möhl, dans ses stratégies de maintien de la substance industrielle. Enfin, les dirigeants de Saurer craignaient un démantèlement de leur société et s’opposaient aux pressions de Laxey favorable à un versement plus important de dividendes.

40Ainsi, la financiarisation des entreprises amène des prises de contrôle hostiles qui activent des conflits managers/actionnaires. En réalité, il s’agit du prix, pouvant aller jusqu’à la perte de leur poste, que les top managers ont payé pour la libéralisation de la gouvernance d’entreprise qui devait améliorer leur rétribution en même temps que la capacité de contrôle actionnarial. Cette tendance soutient la théorie de l’agence selon laquelle actionnaires et managers ont des intérêts fondamentalement divergents.

41L’opposition des dirigeants à la prise de pouvoir des actionnaires activistes ne semble par ailleurs pas dépendre de leur profil. En effet, ces opposants pouvaient être des managers au profil financier, comme dans le cas d’Heinrich Fischer (Saurer), Kurt Feller (Rieter), Lambert Leisewitz (SIG) ou Ueli Roost (Sulzer).

42L’apparition de nouveaux dirigeants au profil financier est cependant liée à l’accroissement du poids des investisseurs de deux manières, et de façon dialectique. Ce sont ces deux processus que nous analysons maintenant.
Premièrement, les nouveaux dirigeants, arrivés essentiellement au cours de la seconde moitié des années 1990, ont ouvert la porte aux investisseurs en orientant leur entreprise sur la valeur actionnariale. Les mesures de libéralisation de la gouvernance d’entreprise (notamment l’adoption de l’action unique et l’élimination des restrictions de transfert) soutenaient les intérêts des actionnaires, mais également l’explosion des revenus des dirigeants, de plus en plus liés aux performances financières de l’entreprise. Cette tendance a facilité l’affirmation des fonds d’investissement, par ailleurs dopés par la libéralisation des marchés financiers, dans le contrôle des sociétés. Comme le montre ce tableau récapitulatif de différents indicateurs de valeur actionnariale, les entreprises ont essentiellement été orientées vers la valeur actionnariale entre 1995 et 2000, le score total des dix entreprises passant de 13 à 31 :

Tableau 2

Indicateurs de valeur actionnariale dans dix entreprises (1991, 1995, 2000, 2005)

Tableau 2
Action unique Pas de restrictions de transfert Normes comptables IAS / US GAAP Actions / Stock options pour top management Score 1991 0 1 3 0 4 1995 4 2 7 0 13 2000 8 5 10 8 31 2005 9 7 10 10 36

Indicateurs de valeur actionnariale dans dix entreprises (1991, 1995, 2000, 2005)

43Le tableau suivant indique que l’arrivée massive de dirigeants au profil financier s’est produite au cours de la même période, dans le contexte d’un renouvellement important des dirigeants. Les lettres indiquent l’arrivée d’un dirigeant au profil financier, les chiffres, le recrutement d’un CEO ou du président du CA (PCA) traditionnel, et les cases grises marquent les années des prises de contrôle commentées plus haut.

Tableau 3

Arrivée de nouveaux dirigeants 1991-2008 : anciens profils (chiffres) et nouveaux profils (lettres)

Tableau 3
ABB Ascom G.Fischer Oerlikon Rieter Saurer Schindler SIG Sulzer Von Roll Recru-tements CEO PCA CEO PCA CEO PCA CEO PCA CEO PCA CEO PCA CEO PCA CEO PCA CEO PCA CEO PCA 1991 1 2 1 2 1 2 A A A 1 1 2 A 1 A B A 1 1 2 1992 3 3 4 3 1993 5 1 1994 3 4 2 3 A 5 1995 A B B 6 A A B A 8 1996 3 4 6 3 1997 5 A A 1 4 1998 A C C 4 4 1999 B 2 1 3 2000 5 A B 3 4 B B B 8 2001 6 C 2 3 2002 B 6 7 D 3 C 6 2003 B 4 5 7 C 5 6 2004 B D E C 4 2005 C E F 3 D 5 2006 0 2007 7 C G --- --- D --- --- D 3 6 2008 D 6 H 4 --- --- --- --- E E 6

Arrivée de nouveaux dirigeants 1991-2008 : anciens profils (chiffres) et nouveaux profils (lettres)

44Trente nouveaux dirigeants ont été recrutés entre 1995 et 2000. Parmi les dix-huit dirigeants qui occupaient les vingt postes en 1995, seuls trois étaient encore en place en 2000. Ce turnover impressionnant a continué lors de la période 2000-2005 : des dix-neuf dirigeants de 2000, seuls trois se retrouvent en 2005. Le turnover a augmenté par rapport à la période de croissance : par exemple, sept des dix PCA de 1975 étaient toujours aux commandes en 1980? [8]. L’accélération du turnover est allée de pair avec l’émergence des nouveaux dirigeants financiers : dix-huit des trente nouveaux dirigeants arrivés entre 1995 et 2000 avaient le nouveau profil. Ces nouveaux dirigeants sont donc les architectes de la réorientation des entreprises sur le principe de la valeur actionnariale, augmentant fortement la marge de manœuvre des actionnaires.

45Mais la relation entre l’apparition de nouveaux dirigeants et le pouvoir accru des fonds d’investissement est dialectique. En effet, dans un second mouvement, les investisseurs ont favorisé le recrutement de dirigeants centrés sur les performances financières. Ce fut notamment le cas lors du recrutement de Jürgen Dormann chez ABB en 2002, alors que les fonds d’investissement possédaient plus de 20 % du groupe, mais également pour Georg Stumpf et Limberger (Oerlikon) Uwe Krüger (Oerlikon), Kuznetsov (Oerlikon), Urs Fischer (Ascom), Fred Kindle (Sulzer) et Limberger (Von Roll). Tous ces dirigeants avaient un profil financier. La seule exception est à voir dans l’arrivée du physicien Leonardo Vannotti à la présidence de Sulzer en 2001 dans le contexte de la forte emprise d’InCentive.
Ainsi, nouveaux dirigeants et nouveaux actionnaires se sont mutuellement renforcés au cours de deux phases successives : alors que les managers financiers ont pris des mesures qui allaient permettre la montée en puissance des investisseurs institutionnels dans la gouvernance d’entreprise, les fonds d’investissement ont favorisé le recrutement de dirigeants au profil financier et dont les préférences stratégiques convergeaient avec leurs intérêts.

3.4 – Restructurations massives dans l’industrie MEM

46La nouvelle génération de managers financiers a favorisé des stratégies de recentrage sur le cœur de métier, désinvestissant des secteurs entiers des firmes, parfois indépendamment des pressions directes des investisseurs institutionnels. La trajectoire des dix sociétés MEM sous revue témoigne du rôle des nouveaux dirigeants, au profil financier, dans les stratégies de recentrage sur le cœur de métier.

47Il en va par exemple ainsi de Kissling et Kundert, dirigeants d’Oerlikon. Alors que l’entreprise était contrôlée par la famille Anda-Bührle, ces « nouveaux » managers désinvestirent plusieurs secteurs tels que Bally (chaussures), le secteur de l’armement et celui de l’immobilier. À la suite de la prise de contrôle de Victory, le nouveau CEO Uwe Krüger (formé en physique et en gestion) déclara que « le portefeuille d’activités du groupe devrait être nettoyé et recentré sur les seuls secteurs les plus rentables »? [9].

48Fred Kindle, le CEO de Sulzer, vendit quatre de ses secteurs. Dans la même logique, Heinrich Fischer désinvestit plusieurs secteurs de Saurer pour centrer cette entreprise sur les machines textiles. Von Roll se recentra, depuis 2003, sur le secteur de l’isolation électrique, sous l’impulsion de ses nouveaux managers Vogel et Ronner. Le désinvestissement des autres secteurs provoqua une réduction du nombre d’employés de 6000 à 2000? [10]. Dans le cas de SIG, les managers financiers Leisewitz et Rademacher désinvestirent les secteurs non axés sur les activités jugées phares (l’emballage) dès leur arrivée aux deux postes clés du groupe en 2004? [11].

49ABB éprouvait de sérieuses difficultés financières en 2001. Le nouveau CEO Jörgen Centerman annonça l’accélération de son programme de réductions des coûts, impliquant la suppression de 12 000 emplois? [12]. Mais les restructurations prirent une nouvelle ampleur avec la démission du PCA Percy Barnevik et du directeur financier (CFO) Renato Fassbind, qui reconnaissaient une part de responsabilité dans les mauvais résultats de l’entreprise? [13]. Le nouveau PCA Jürgen Dormann avait en fait un profil et des méthodes comparables, mais était disposé à aller plus loin dans le processus des restructurations.

50Détenteur d’un master en économie, Dormann était parfois surnommé le « Rambo de l’industrie? [14] » en raison de ses méthodes. En tant que CEO de Hoechst, il restructura ce groupe et provoqua sa fusion avec Rhône-Poulenc afin de créer Aventis, qu’il recentra également sur son cœur de métier? [15]. Défini comme un « tueur d’emplois », dès son arrivée, il inquiéta le syndicat FTMH qui protestait déjà contre la manière dont ABB licenciait sans discuter? [16]. Afin d’accélérer la stratégie du groupe, qui consistait à se recentrer sur les technologies de l’énergie et de l’automation? [17], Dormann remplaça Centermann au poste de CEO. Il contrôlait ainsi les deux positions clés de l’entreprise. En quatre ans, il restructura le groupe, le concentra sur deux secteurs et supprima 50 000 emplois de manière à économiser 800 millions de francs? [18]. Dormann fut remplacé en 2005 au poste de CEO par Fred Kindle, également représentant de la nouvelle génération de managers.

51Enfin, le cas d’Ascom témoigne également des stratégies centrées sur la valeur actionnariale des nouveaux dirigeants. Lorsque Urs Fischer devint le CEO de cette entreprise en 2001, il décrivit l’entreprise comme « fragmentée, peu orientée sur les résultats et [ayant] soif d’une nouvelle conduite. […] Je n’ai pas l’intention de perdre du temps avec des procédures de consultation. Je compte sur le sens des responsabilités des collaborateurs. Il s’agit de changer la culture d’entreprise »? [19]. Il annonça la suppression de 1100 postes (400 en Suisse) et commença un programme de désinvestissement d’un milliard de francs suisses? [20]. Lorsque Juhani Anttila, également un représentant de la nouvelle génération de managers, devint le PCA, son annonce de l’accélération du processus de restructuration fit progresser le titre en bourse de 8,33 %? [21]. Ascom abandonna des secteurs rentables, mais moins rentables que la moyenne, tels que les centraux téléphoniques. Les licenciements massifs et le processus de recentrage réduisirent le nombre d’employés de 11 000 en 1999 à 2200 en 2007, et améliorèrent la profitabilité du cœur de métier d’Ascom? [22].
Si la pression concurrentielle et la mauvaise conjoncture des années 1990 ont pesé sur le chiffre d’affaires des sociétés, ce dernier a donc également subi les cures d’amaigrissement-recentrage liées à la financiarisation des entreprises? [23].

Graphiques 8 et 9

Chiffres d’affaires de 8 sociétés MEM (M de Frs) et d’ABB (M de $)

Graphiques 8 et 9
Graphiques 8 et 9

Chiffres d’affaires de 8 sociétés MEM (M de Frs) et d’ABB (M de $)

Source : Guide des actions suisses.

52Des entreprises comme ABB, Sulzer, Von Roll, SIG, Ascom ou Oerlikon, ont massivement désinvesti, réduisant drastiquement la taille de ces entreprises. Cette évolution se reflète dans la progression de leur chiffre d’affaires, présentée ci-dessus. Les seules exceptions sont Schindler, Georg Fischer et Rieter. Le cas de Georg Fischer, dirigé par des managers au profil « traditionnel », témoigne d’une aversion pour les stratégies axées sur la valeur actionnariale. Alors que la plupart des entreprises désinvestissaient massivement, cette entreprise fit cinq acquisitions entre 2000 et 2002? [24]. Ces manœuvres pesèrent lourdement sur les bénéfices, et les spécialistes recommandaient à l’entreprise de désinvestir certains secteurs. Les top managers, et notamment le dirigeant « ancienne génération » Huber, refusèrent activement ce scénario? [25]. Dans le cas de l’entreprise familiale Schindler, le profil financier du dirigeant Alfred Schindler n’affecta pas la poursuite de la stratégie d’expansion. Le contrôle par de grands actionnaires familiaux, comme il a été souligné plus haut, a souvent favorisé des stratégies d’expansion à long terme. Le cas de Schindler suggère, sans remettre en cause la convergence de l’activisme actionnarial et des nouveaux profils managériaux dans le processus de financiarisation, la primauté de la structure de l’actionnariat en tant que variable explicative.
Le rôle de la nouvelle élite dans les restructurations d’entreprises révèle ici un type de conflit d’intérêts différent de celui qui concerne les prises de contrôle, caractérisées par une opposition entre managers et actionnaires. En se centrant sur les performances financières de leurs sociétés, et par là même sur la progression de leurs salaires, les dirigeants ont ainsi créé une alliance objective avec les actionnaires et ont su tirer parti du processus de financiarisation. Cette observation converge avec l’analyse d’Aglietta et Rebérioux [2004, p. 343] qui réfutent la représentation fréquente selon laquelle la valeur actionnariale réintroduirait la primauté des intérêts des actionnaires sur ceux des dirigeants. Selon les auteurs – voir aussi Boyer [2005] –, la libéralisation des marchés financiers et l’affirmation des investisseurs institutionnels n’ont pas affaibli les dirigeants, mais transféré le pouvoir d’une élite « enracinée » vers une élite managériale mobile n’ayant plus pour objectif la croissance des firmes. Notre analyse montre de plus que cette alliance entre nouveaux managers et actionnaires, donnant lieu à des licenciements, restructurations et transferts de richesses du côté des actionnaires, a approfondi le clivage de classe, les perdants se trouvant du côté du travail.

4 – Conclusion

53Les mécanismes de coordination hors-marché observables dans le système traditionnel de gouvernance des entreprises MEM se sont fortement érodés depuis les années 1990. Cette recherche apporte ainsi un soutien empirique à la thèse de la convergence des économies coordonnées vers le modèle libéral anglo-saxon. Loin de résulter d’une logique mécanique faisant de la globalisation le moteur d’une inéluctable libéralisation, nous avons souligné l’importance du rôle des nouveaux acteurs : les investisseurs institutionnels et une génération de managers formés et rétribués différemment que l’ancienne garde.

54Des modes de contrôle axés sur les marchés financiers ont pris forme. La forte augmentation de la capitalisation boursière des grandes entreprises du secteur, révélant avant tout l’accroissement de la spéculation dont ces sociétés ont fait l’objet, mais également leur volonté d’accéder à de nouvelles sources de financement, a été parallèle au développement d’un contrôle actionnarial davantage orienté vers le profit. Le management, qui bénéficiait d’une grande autonomie dans le contexte du « capital patient » qui prévalait jusqu’alors, fut soumis aux pressions de fonds d’investissement activistes, disposés à exercer un contrôle stratégique sur les entreprises de manière à en extraire rapidement des bénéfices et à se retirer ensuite. Mises à part les OPA hostiles et les prises de contrôle stratégiques, ces nouveaux acteurs ont parfois imposé des stratégies basées sur la création de valeur aux dirigeants. Renforcés par la libéralisation des marchés financiers, ils bénéficièrent de l’adaptation des structures organisationnelles des entreprises au profit des intérêts des actionnaires.

55Les grandes sociétés analysées ici se sont en effet clairement adaptées aux standards de la « shareholder value ». Depuis la seconde moitié des années 1990, la plupart d’entre elles ont simplifié la structure de leur capital, adoptant l’action unique qui allait mettre un terme aux avantages des insiders, en particulier les actionnaires traditionnels et les top managers. La différenciation du capital leur permettait de bloquer l’émergence d’un marché pour le contrôle de l’entreprise et de sécuriser leur propre contrôle. Les restrictions de transfert avaient le même objectif. Leur élimination par les entreprises MEM, aussi bien que l’adoption de normes de comptabilité favorisant la transparence financière, témoignent d’une claire orientation vers les intérêts des actionnaires minoritaires.

56La modification du système de rétribution des managers constitue un aspect central de la financiarisation des entreprises MEM. La généralisation de formes de rétribution liées à la performance, et en particulier la distribution de stock-options, génère une forte incitation pour que le management adopte des stratégies mettant l’accent sur les bénéfices et la performance du titre en bourse. Mais une autre dimension importante de l’adhésion des managers à la valeur actionnariale est à voir dans la modification de leur profil de formation et des conceptions associées au nouveau profil. Les managers traditionnels, orientés vers la production, ont progressivement cédé la place à une génération de dirigeants formés en gestion ou management, souvent détenteurs d’un MBA. Leurs stratégies se focalisant sur les bénéfices et la performance boursière convergèrent avec les intérêts des actionnaires au détriment d’une conception de l’action économique favorisant la croissance et la préservation de secteurs moins performants selon une logique de diversification des risques. S’il apparaît que le nouveau profil managérial constitue une dimension centrale pour comprendre les nouvelles préférences managériales, le cas de l’entreprise Schindler suggère néanmoins la primauté de la structure de l’actionnariat en tant que variable explicative. La logique de l’expansion n’est pas remise en cause dans le contexte d’un capital familial relayé par un dirigeant issu de la famille fondatrice, même si ce dernier affiche un profil financier.

57La relation entre les fonds d’investissements et les nouveaux managers est ambivalente. D’une part, l’opposition des dirigeants à l’activisme des investisseurs s’est affirmée de manière évidente lorsque ces derniers ont tenté de prendre le contrôle des sociétés ou d’en évincer les top managers. Mais investisseurs et nouveaux dirigeants se sont aussi mutuellement renforcés. Si les top managers ont promu la libéralisation de la gouvernance de leurs sociétés et facilité la montée en puissance des actionnaires, ces derniers ont milité pour le recrutement de dirigeants au profil de gestionnaires, et dont les préférences convergeaient avec leurs intérêts. Cette dynamique a engendré un intense processus de restructuration des entreprises MEM en conformité avec le principe de la valeur actionnariale.
Ainsi, la financiarisation des entreprises MEM se reflète également dans les formes spécifiques de restructurations qu’elles adoptèrent au tournant du siècle, dans un contexte conjoncturel défavorable et en conséquence de l’activisme des investisseurs institutionnels et de la nouvelle génération de top managers : un recentrage sur le cœur de métier au moyen de désinvestissements de secteurs parfois rentables, et des réductions massives de coûts, notamment au moyen de coupes d’emploi, de manière à accroître les retours sur investissement et améliorer les résultats financiers.

Notes

  • [1]
    Des différences importantes sont cependant à relever, notamment en ce qui concerne le degré de capitalisation boursière des sociétés ainsi que le niveau de protection de l’emploi, qui rapprochent le modèle suisse d’un système libéral.
  • [2]
    De récents travaux mettent en avant l’idée selon laquelle la dispersion de l’actionnariat est essentiellement le fait des plus grandes sociétés étasuniennes, et que cette observation n’est pas généralisable au modèle étasunien dans son ensemble [Holderness, 2009].
  • [3]
    Source : rapports annuels et Guide des actions suisses.
  • [4]
    Le cas d’ABB est présenté séparément, en raison de l’écart énorme entre cette société et les autres entreprises, qui « aplatirait » visuellement la progression des autres entreprises.
  • [5]
    Source : Guide des actions suisses.
  • [6]
    « [T]he limited role played by institutional investors mainly stems from their non-monitoring investment philosophy and the fact that they are generally confronted with a substantial number of voting rights exercized in accordance with the proposals of the board of directors ».
  • [7]
    Diverses sources (voir encadré dans l’introduction). Étant donné que les dirigeants pouvaient avoir suivi plusieurs formations, le total peut être supérieur à 100 %.
  • [8]
    Guide des actions suisses.
  • [9]
    Le Temps, 14 mai 2008.
  • [10]
    Guide des actions suisses, plusieurs années.
  • [11]
    Guide des actions suisses, plusieurs années.
  • [12]
    Communiqué ABB, 24 octobre 2001.
  • [13]
    Ibid.
  • [14]
    Le Temps, 12 septembre 2006.
  • [15]
    Communiqué ABB, 5 septembre 2002.
  • [16]
    Le Temps, 24 novembre 2001.
  • [17]
    Communiqué ABB, 5 septembre 2002.
  • [18]
    Le Temps, 12 décembre 2006.
  • [19]
    Le Temps, 11 avril 2001
  • [20]
    Le Temps, 14 juin 2001.
  • [21]
    Le Temps, 1er mai 2002.
  • [22]
    Ascom.ch, archive du 17 mars 2004.
  • [23]
    Le chiffre d’affaires d’ABB est présenté séparément car il est exprimé en dollars. Par ailleurs, son volume est tel qu’il « aplatirait », visuellement, celui des autres sociétés.
  • [24]
    Le Temps, 23 février 2002.
  • [25]
    Ibid.
Français

Résumé

Cette recherche discute le renforcement de deux types d’acteurs dans la gouvernance d’entreprise : les nouveaux dirigeants au profil financier et les fonds d’investissement. Elle identifie alors les causes structurelles et organisationnelles de leur affirmation, la nature de leur relation ainsi que ses conséquences sur les stratégies industrielles des sociétés. En se centrant sur l’industrie suisse des machines, elle systématise ainsi les principales dimensions du processus de financiarisation, et relève le rôle déterminant du renouvellement des dirigeants.

Mots-clés

  • gouvernance d’entreprise
  • financiarisation
  • dirigeants
  • restructurations
  • Suisse

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Frédéric Widmer
CESCAP, Haute École de travail social et de la santé (Lausanne)
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Mis en ligne sur Cairn.info le 17/05/2011
https://doi.org/10.3917/rfse.007.0021
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