CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1Le Danemark est devenu en une dizaine d’années un exemple de réussite grâce à la reconnaissance de ses performances économiques et sociales sur la scène européenne. La multiplication des références à ce pays a progressivement forgé l’idée qu’il existe bel et bien un modèle danois combinant plusieurs caractéristiques dont un haut degré de protection sociale sans mise en péril de ses finances publiques, un sentiment de sécurité de l’emploi associé à un fort taux d’activité et un faible taux de chômage, et encore une croissance économique soutenue sans tension inflationniste. L’engouement français et européen qu’il a suscité, la production d’outils et de politiques associés (comme la sécurisation des parcours, la flexicurité, les transitions professionnelles, la sécurité sociale professionnelle) ainsi que la publicité qui les a accompagnés donnent à voir une puissante mécanique de construction sociopolitique par laquelle ce système national devient en quelques années, par l’intermédiaire de nombreux acteurs et grâce à un contexte international favorable, un modèle de référence reconnu parce que désigné comme tel. Au cœur de cette dynamique, l’usage récurrent du concept de modèle, répété dans de nombreuses arènes et à de multiples occasions, a contribué à créer l’évidence de l’existence du modèle danois.

2Nous souhaitons montrer à partir de l’analyse de l’abondant matériau disponible consacré au modèle danois que cette qualification – qui est loin d’être neutre sur la scène européenne – découle d’une entreprise performatrice complexe, plus ou moins intentionnelle, impliquant des acteurs de nature différente dont l’un des rares traits communs, sinon le seul, est de mobiliser le concept de modèle à propos du système social danois. Ainsi, ces prises de paroles publiques convergent-elles, par l’usage explicite et partagé du terme, et construisent-elles progressivement la réalité du modèle, son contenu et ses contours, alors même que les sens et les intentions qu’elles véhiculent peuvent être divergents, notamment sur ce qu’il est entendu de ses ambitions et de ses enjeux pour chacun des acteurs impliqués. Il apparaît en effet que derrière le consensus d’usage et d’intérêt qui est l’une des principales conditions de la dynamique de reconnaissance du modèle danois – dans la mesure où elle en dépend directement – se dessinent des appréciations sociales, politiques et économiques différentes voire antagonistes.

3Pour mettre en lumière cette diversité des usages, notre recherche se concentre sur les circonstances et les conditions de l’apparition du modèle danois aux niveaux européen, danois et français, avec une attention toute particulière accordée aux usages du concept de modèle? [1]. Cette démarche nous a permis d’avancer sur la compréhension des systèmes d’acteurs impliqués et sur le processus d’émergence du modèle national. Notre principal ancrage théorique s’inscrit dans la filiation des travaux interactionnistes et notamment de la théorie de l’étiquetage [Becker, 1963]. Appliquée à la question de la construction sociale des modèles nationaux, elle nous permet de penser ces dynamiques comme des processus créateurs de relations plurielles, asymétriques et évolutives, entre des acteurs collectifs ou individuels reliés entre eux par la référence explicite au modèle. En acceptant d’utiliser cette étiquette, ils lui donnent sa consistance, confirment et légitiment son existence, de sorte qu’ils en deviennent à la fois les créateurs, les promoteurs et les ambassadeurs. Or à notre connaissance la littérature consacrée au système danois, pourtant abondante, n’a pas jusqu’à présent accordé d’importance à cet élément qui nous semble être l’une des clefs de la compréhension du succès de système danois sur la scène internationale. C’est l’hypothèse centrale de notre réflexion, qui vise à montrer comment un concept, dans certaines conditions, permet d’entretenir une dynamique politique et sociale réelle.

4Pour y parvenir, nous avons sélectionné notre matériau dans quatre « univers » particulièrement influents intervenant dans le processus d’étiquetage (politique, professionnel, académique, médiatique), en France, au Danemark et au niveau européen. Ce matériau est composé de documents de nature hétérogène reflétant leurs univers de production : discours et conférences de presse pour les leaders d’opinion, éditoriaux et articles, émissions radio et télévisées pour les médias, articles académiques et rapports de recherche, positions syndicales et patronales… Nous avons répertorié autant que possible les documents dans lesquels apparaissait le syntagme « modèle danois ». Il s’est ensuite moins agi d’en faire la synthèse que d’analyser comment chacun d’eux présentait le concept de modèle et entretenait par son usage la réalité du principe d’existence du modèle social danois.

5Nous avons retenu cet exemple danois pour son actualité et l’importance qu’il a prise en tant que référence de réussite socioéconomique (notamment pour la Commission européenne, et particulièrement en France) du milieu des années 1990 à la fin des années 2000? [2]. À partir de ce cas concret, nous proposons une réflexion sur les usages du concept de modèle et les jeux d’acteurs impliqués dans la construction sociale du modèle national sur la scène internationale. L’importance de l’existence d’un contexte sociohistorique favorable à l’apparition et à la reconnaissance du modèle national est présentée dans un premier temps. Le second temps de l’article, plus détaillé, approfondit l’analyse des prises de parole des différents acteurs pour mieux identifier les rôles qu’ils sont amenés à jouer en fonction des usages qu’ils font du concept. En conclusion, nous proposons quelques pistes de discussion, notamment sur la nature du concept de modèle et sur sa spécificité en tant que support aux démarches normatives et performatives dans le domaine des politiques publiques.

2 – Un contexte favorable : success story danoise, incertitudes françaises et volontarisme européen

6L’apparition du modèle danois sur la scène européenne constitue une source d’inspiration et de « bonnes pratiques » pour de nombreux acteurs politiques, économiques et sociaux. Il est, à ce titre, considéré comme un exemple concret de politiques publiques et d’agencements institutionnels efficaces et performants. Cette reconnaissance ne manque pas d’interroger sur les conditions de son émergence et de son développement, notamment lorsque l’on sait que les Danois eux-mêmes, à la fin des années 1980, n’envisageaient pas qu’ils puissent en quelques années accéder au statut de référence internationale. D’abord, parce que le pays connaît à cette époque une situation économique et sociale peu enviable. Ensuite, parce que le processus sociopolitique de qualification d’un système en modèle relève d’une mécanique particulièrement complexe et imprévisible. En effet, ce qui est considéré aujourd’hui comme un succès ne s’est construit que progressivement, par la conjonction d’un ensemble de facteurs endogènes et exogènes, par l’implication d’acteurs de natures différentes et intervenant à des niveaux distincts, mais aussi, pour ce qui nous intéresse plus particulièrement, dans et par l’usage partagé du concept de modèle.

7Pour comprendre la transformation du système danois en modèle, il est nécessaire de se rappeler qu’au début des années 1990, le pays s’illustre surtout par des indicateurs socioéconomiques médiocres. Le Danemark est d’abord un pays cumulant de nombreuses difficultés et notamment un taux de chômage élevé, calculé par l’OCDE à 12 % de la population active en 1994. Et c’est justement cette situation dégradée qui va être une pièce centrale dans la construction du modèle danois, puisqu’elle va permettre de montrer qu’en application de certaines politiques – par ailleurs conformes aux recommandations des instances internationales? [3] – un pays en difficulté peut renverser la tendance. La seconde pièce importante est justement le fait que les responsables politiques sociaux-démocrates au pouvoir et les organisations syndicales et patronales engagent en 1993-1994 des réformes dans l’esprit de la Stratégie européenne pour l’emploi, qui conduiront à stabiliser les trois « piliers » du futur modèle danois. Ces réformes peuvent être résumées par la combinaison d’une relance économique par l’activation de marges de manœuvre budgétaires, d’une politique plus active de l’emploi (services personnalisés, mesures d’insertion quasi obligatoires) et d’un conditionnement plus strict de l’accès à l’assurance chômage. La troisième pièce importante de l’histoire est celle du succès de ces politiques mises en œuvre, qui tendent alors à valider le « remède » européen pour l’emploi.

8Aujourd’hui, le fait que ces réussites soient imputées à ces seules réformes est un important sujet de controverse : plusieurs travaux [Barbier, 2007 ; Bogedan, 2005 ; Boyer, 2006 ; CE, 2007 ; Lefebvre et Méda, 2006a ; Mansuy 2005 ; OEE, 2004 ; Ramaux, 2007, Ramaux et Sauze, 2007 ; Simoulin 2005] retracent en effet une histoire bien plus longue et complexe de la constitution du système danois et de l’apparition de ses caractéristiques spécifiques, lesquelles ont permis une plus grande efficacité des réformes engagées dans les années 1990. En revanche, il existe un relatif consensus sur leurs effets, mesurés par les indicateurs européens stratégiques (taux d’emploi et de chômage, croissance économique, équilibres budgétaires), qui vont attirer l’attention d’acteurs influents sur la scène internationale – au premier rang desquels la Commission européenne et l’OCDE – au moment même où s’élabore la Stratégie européenne de l’emploi (1997). La seconde moitié des années 1990 sonne en effet « l’âge d’or » [Madsen 2006] pour le marché de l’emploi danois : « Le Danemark a connu une baisse considérable du chômage. Le taux de chômage (calculé d’après les données de l’Enquête sur la population active) est tombé d’un maximum de 10,2 pour cent en 1993 à 5,2 pour cent en 1999, soit le niveau le plus bas depuis 1976. Simultanément, le taux d’emploi est passé à 76,5 pour cent, ce qui est le niveau record parmi les États membres de l’UE. Ces résultats ont été obtenus sans déficit de la balance des paiements (sauf en 1998), alors que les excédents des budgets publics se sont accrus. Enfin, cette amélioration remarquable de la situation de l’emploi globale n’a pas engendré une augmentation significative de l’inflation salariale. » [Madsen, 2002, p. 55]

9Le contraste est saisissant si l’on compare cette réalité avec celle de la France au milieu des années 1990. L’année 1995 est symptomatique des préoccupations qui traversent le pays, marquée par plusieurs événements significatifs qui sont autant d’indices révélateurs d’un climat d’inquiétude sociale et de prise de conscience des limites d’un système d’emploi défaillant à de nombreux égards et d’une protection sociale en situation de déséquilibre budgétaire chronique? [4]. D’une part, plusieurs rapports d’experts et travaux académiques se proposent d’analyser et de diagnostiquer le système français pour imaginer et proposer des solutions aux difficultés répertoriées. Le retentissement des rapports Boissonnat (1995) et Supiot (1999) et des ouvrages sur l’avenir du travail [Méda, 1995 ; Rifkin, 1997] sont quelques-uns des indices de cette recherche de nouvelles fondations pour le système d’emploi français. Les médias, de leur côté, n’éludent pas la question, au contraire [Duval, 2002]. D’autre part, en 1995, la France connaît également un mouvement social historique à l’occasion de la proposition par Alain Juppé? [5] d’une réforme – finalement abandonnée – de la sécurité sociale et des régimes spéciaux de retraite.
Ces deux éléments – l’amélioration rapide et spectaculaire de la situation économique et sociale au Danemark et la persistance de difficultés françaises – posent les bases de la reconnaissance à venir du système danois comme un modèle pour la France. Mais un troisième facteur va contribuer à renforcer ce processus, puisque dans le courant des années 1990, un système d’acteurs international et favorable à l’émergence du « modèle » se met en place. La Commission européenne et l’OCDE vont en effet jouer un rôle actif dans la valorisation de l’expérience danoise et cet engagement ne doit rien au hasard : le Danemark s’extirpe du marasme économique et social en adoptant des mesures proches de celles qui seront défendues par la Stratégie européenne de l’emploi à partir de 1997, et qui sont par ailleurs déjà préconisées par la Commission européenne et l’OCDE dès le début des années 1990. En somme, le Danemark tend à valider avec succès les programmes de réformes proposées par ces deux instances internationales qui, en retour, le signalent et le valorisent sur la scène internationale : « Il faut attribuer à l’OCDE, en 1995, la paternité d’un éloge pionnier des stratégies danoises : le premier rapport de suivi de la “Jobs Strategy” loue le système d’aktivering (activation) et l’introduction du handlingsplan (plan d’action) pour les chômeurs. » [Barbier, 2005, p. 9] Cette démarche de naming est soutenue par de nouvelles pratiques et de nouveaux outils mis en œuvre par la Commission européenne pour soutenir ses recommandations en matière économique et sociale : constitution de palmarès des pays les plus performants de son point de vue, mise en compétition des États membres au travers d’études comparatives, de benchmarking et de promotion des best practices [Bruno, 2008], au moment même où elle précise sa doctrine communautaire pour l’emploi.
Cette situation met ainsi en scène des acteurs dont les attentes et les caractéristiques vont se rejoindre, et offrir les conditions de la structuration d’un système relationnel international sur lequel va se fonder le principe d’existence du modèle danois. Mais encore faut-il que ces différentes pièces s’emboîtent in fine. Plusieurs acteurs clefs, institutionnels, collectifs ou individuels, vont procéder à cette mise en relation qui construit en dynamique la métamorphose du système danois en modèle, en s’y employant directement ou indirectement, à des degrés divers et surtout, en mobilisant des sens différents mais complémentaires du concept de modèle. Ces acteurs qui font converger leurs appréciations et leurs représentations se complètent pour faire passer le Danemark d’une situation de pays transparent sur la scène internationale, à celle de « meilleur élève » et enfin « modèle national » en Europe et au-delà.

3 – Du meilleur élève au modèle : un processus performatif

10La notion de performativité doit beaucoup aux travaux pionniers de J.-L. Austin (1970), qui en proposent les premières définitions en cherchant à distinguer « les différentes occasions où l’énonciation n’est pas en train de “constater” une action ou une situation, mais constitue elle-même une action à part entière […], les cas où “dire c’est faire” » [Denis, 2006, p. 9]. Bien que la distinction entre les énoncés constatifs et performatifs soit toujours délicate et que la notion « souffre de sa trop riche polysémie [au point qu’elle] ne peut prétendre au statut de terme technique univoque » [Callon et Muniesa, 2008, p. 4], elle a connu un « certain succès dans les sciences sociales » [Denis, 2006, p. 8], dans une perspective davantage attachée aux contextes sociaux, aux acteurs et à leurs pouvoirs respectifs [Bourdieu, 1982], mais aussi plus ouverte à de nouvelles interdisciplinarités.

11Pour ce qui concerne le cas danois, nous souhaitons surtout mettre en lumière la dynamique de performativité institutionnelle et la manière dont certains acteurs particulièrement structurés et influents – la Commission européenne, l’OCDE, les partis politiques et les organisations syndicales, les laboratoires universitaires et les médias – participent ensemble, bien que de manière différente et sans concertation ni coordination a priori, à créer et/ou à entretenir le principe d’existence du « modèle » danois. C’est en ce sens que la transformation du système danois en modèle procède d’une dynamique complexe et collective de performation, par laquelle la reconnaissance de son existence est la condition même de cette existence et dans la mesure où cette reconnaissance s’exprime par de nombreux canaux, dispositifs, énoncés et techniques discursives. Dans cette dynamique, l’usage du concept de modèle occupe une place particulière, puisqu’il apparaît comme un dénominateur commun aux différents acteurs intéressés par le cas danois et qu’il devient à ce titre l’un des principaux facteurs de reconnaissance et donc d’existence du modèle. Il est intéressant de rappeler que les travaux consacrés à la notion de performativité accordent une attention particulière à sa dimension collective, intégrant même l’objet performé comme producteur des conditions de sa performation – ce que nous verrons effectivement à l’œuvre lorsque nous aborderons le rôle actif joué par le Danemark lui-même dans la promotion de son statut de modèle sur la scène internationale.
Pour notre démarche, nous avons voulu repérer comment différents acteurs ont participé, à leur manière et à leur niveau, à la transformation du système danois en modèle. Nous nous sommes intéressés à leur emploi du concept de modèle, et à la façon dont ils contribuaient de fait à confirmer son principe d’existence à propos du Danemark par la capacité performatrice de leur discours. Au final, c’est bien par des mécanismes multiples et convergents de reconnaissances politiques et sociales, académiques et médiatiques, affichées dans et portées par les discours, que s’est construite la figure de ce modèle national? [6]. Mais c’est surtout l’Europe, au travers de son « triangle institutionnel » – conseil, commission et parlement –, qui a probablement le plus contribué à rendre crédible l’étiquette de modèle et à l’assigner au système danois.

3.1 – L’acteur européen au cœur de l’identification du modèle

12La Commission européenne adopte dès le milieu des années 1990 une politique volontariste de diffusion des bonnes pratiques afin de promouvoir les pays qui illustrent les moyens possibles et existants d’atteindre les objectifs socioéconomiques qu’elle valorise. Ainsi la « méthode ouverte de coordination » (stratégie de Lisbonne, 2000) combine-t-elle la fixation d’objectifs validés par le Conseil européen, leur mesure, et la stimulation d’une compétition entre les pays membres (peer pressure). Ce principe est rappelé dans le Livre vert de 2006 titré Moderniser le droit du travail pour relever les défis du xxie siècle dans lequel la Commission précise les moyens qu’elle met en œuvre pour parvenir à ses objectifs en termes de croissance, d’emploi et d’« inclusion sociale » : « Ces méthodes s’appuient sur des objectifs concrets, notamment politiques, fixés au niveau de l’UE, qui sont ensuite mis en application sous forme de plans d’action nationaux sur le recours à des mesures de référence et à des indicateurs afin d’évaluer les progrès accomplis, ainsi que sur l’échange d’expériences et l’évaluation par des pairs de manière à tirer des enseignements des bonnes pratiques. » (p. 7)

13Lorsque le Danemark parvient à sortir de sa situation socioéconomique peu enviable dans le courant des années 1990, en appliquant des réformes proches de celles préconisées par la Commission, cette dernière s’empare de l’opportunité pour donner un exemple concret de « réussite ». La Commission va alors jouer un rôle clef dans la promotion de la flexicurité à partir de l’exemple danois [Barbier, 2006 ; Gautier, 2006 ; Freyssinet, 2007]. Elle mobilise plusieurs outils de promotion du modèle, à différents niveaux. Le canal médiatique européen y fait référence, par exemple dans la revue Agenda Social? [7] qui dédie son numéro de mars 2006 à la politique « gagnante » de flexicurité associée au Danemark. Le pays figure en première place du dossier spécial : ses « résultats impressionnants ont attiré l’attention à l’échelon international (…) [et] les observateurs internationaux ont fait immédiatement le lien entre ces excellents résultats en matière d’emploi et la formule gagnante » [CE, 2006, p. 18]. La Commission se félicite à cette occasion que « les principes de base qui sous-tendent l’approche de flexicurité rappellent beaucoup les éléments au cœur de la stratégie de croissance et d’emploi de l’UE » [Ibid., p. 17]. La même année dans son 310e numéro, EURinfo? [8] consacre un dossier au travail « entre flexibilité et sécurité » et place le modèle danois au cœur du modèle nordique, et ce dernier au centre du modèle social européen. La promotion européenne ne se limite pas aux articles de presse, elle s’exprime également au travers de multiples références au Danemark dans d’autres arènes. Ainsi en 2001, dans la deuxième partie du rapport conjoint du Conseil de l’Union européenne sur l’« inclusion sociale », le terme « modèle » est-il accolé au Danemark pour en vanter les mérites : « Le fait que le Danemark présente le risque de pauvreté le plus bas de l’UE atteste de l’efficacité et du caractère global du modèle danois de politique sociale. » (p. 14) Dans le même esprit, bien que de manière plus générale, Vladimir Špidla? [9] évoque l’apparition de nouvelles références nationales : « Certains [modèles nationaux] apparaissent comme répondant mieux que d’autres aux exigences et aux défis du moment : c’était le cas de l’Italie et de la France dans les années soixante, de l’Allemagne dans les années soixante-dix et quatre-vingt, puis des Pays-Bas et du « modèle polder » dans les années quatre-vingt-dix, et enfin, aujourd’hui, du Danemark, de la Finlande et de l’Autriche. » [Speech/05/506, p. 2] Des trois pays du « modèle nordique », seul le Danemark est repris dans le document comme exemple d’une flexicurité particulièrement intégrée. Deux ans plus tard une communication de la Commission met toujours le Danemark à l’honneur pour illustrer les « principes communs de flexicurité » : « Le marché du travail danois combine avec réussite la flexibilité et la sécurité : il se caractérise par une législation du travail souple et une protection de l’emploi relativement faible, de grands efforts en matière d’apprentissage tout au long de la vie et de politiques actives du marché du travail, ainsi qu’un système de sécurité sociale généreux. » (2007, p. 22) Le Danemark est donc présenté, à ce niveau très institutionnel, comme un modèle de réussite, un exemple « frappant », « efficace », aux résultats « excellents » et « impressionnants ». Très clairement, cet usage du concept de modèle relève d’une entreprise normative et d’une production active du modèle, entendu comme l’exemple à suivre et l’objet de l’imitation.

14La dynamique à l’œuvre est complétée par la comparaison internationale, également mobilisée pour justifier de la place privilégiée accordée au Danemark dans les discours européens : « Dans le benchmarking européen, le Danemark apparaît aujourd’hui comme celui des pays nordiques qui a le mieux réussi. Le modèle nordique à son tour apparaît, dans certaines typologies, comme le seul modèle social efficace et équitable. » [Lefebvre, Meda, 2006b, p. 8] Les classements et les évaluations répétées en termes de « performances » et de « réussites » constituent d’ailleurs l’un des leviers particulièrement efficaces que la Commission européenne active pour promouvoir ses préconisations : « Il s’agit de créer du “peer pressure” en activant le principe du “naming, faming, shaming”. Autrement dit, la Commission soumet les résultats nationaux à des classements dans le but de canaliser la pression exercée sur les responsables étatiques par leurs pairs. Comme elle n’est pas habilitée à manier directement la carotte et le bâton, elle joue par la bande en confectionnant les supports d’une émulation intergouvernementale. » [Bruno, op. cit., p. 109] Cet effort est relayé et soutenu par une production abondante de rankings et de tableaux de bord en provenance d’autres acteurs qui confirment à l’international la place du Danemark dans le groupe de tête des pays les plus performants – voir dans le tableau 1 les classements de l’European Innovation Scoreboard 2006 [ProInno Europe, 2006], du Global Competitiveness Report 2008-2009 et 2009-2010 [Porter et Schwab, 2008, Schwab, 2009], et du E-readiness rankings 2009 et 2010 [Economist Intelligence Unit, 2009, 2010].
Au niveau international, la situation danoise est également repérée et valorisée par l’OCDE, et ce dès 1995. L’organisation y voit en effet la résultante heureuse d’une application du principe d’activation des politiques publiques de l’emploi (aktivering) combinée à un plan d’action volontariste (handlingsplan) [Barbier, 2005, p. 9]. L’OCDE soutient par ailleurs le principe d’existence d’un modèle danois sur la durée puisqu’en 2004 elle cite encore ce pays comme un exemple de réussite, en liant cette dernière à sa pratique de la flexicurité. Le modèle danois, explicitement cité comme tel dans le texte, est présenté comme une troisième voie qui se trouverait « entre la flexibilité souvent attribuée aux pays dérégulés anglo-saxons et la stricte protection qui caractérise les pays européens du sud » [OECD, 2004, p. 97]. Les exemples pourraient être multipliés, tant les communications institutionnelles internationales vantant les mérites du modèle danois sont nombreuses depuis le début des années 2000, mais l’essentiel est bien qu’elles jouent le rôle central d’arbitre des bonnes pratiques nationales en distribuant bons et mauvais points sous couvert de comparaison internationale, tout en dispensant leurs préconisations en articulation avec les performances socioéconomiques de chaque pays dont le Danemark fait office de référence. Pour les instances internationales, l’usage du concept de modèle est clairement normatif, puisqu’il est associé à une démarche volontariste de diffusion de bonnes pratiques. En se référant à un exemple concret, empirique, elles activent un argumentaire fort qui illustre les effets potentiellement bénéfiques de l’application de leurs préconisations? [10]. Les acteurs danois vont se saisir de cette reconnaissance pour renforcer, de leur côté, le principe d’existence de leur modèle, notamment en le complétant par une production académique qui lui est consacré.

Tableau 1

Le Danemark dans le benchmarking européen et mondial

Tableau 1
Regional Innovation Performance [ProInno Europe, 2006, p. 31] European Innovation Scoreboard 2006 [ProInno Europe, 2006, p. 45] The Global Competitiveness Index rankings and 2007–2008 comparisons [Porter, Schwab, 2008, p. 10] The Global Competitiveness Index rankings and 2009–2010 comparisons [Schwab, 2009, p. 13] Economist Intelligence Unit e-readiness rankings and scores 2009 [EIU, 2009, p. 7] # Sur 203 régions Sur 34 pays Sur 130 pays Sur 133 pays Sur 70 pays 1 Stockholm (SE) 0.90 Suède (SE, 0.73) United States (5.74) Switzerland 5,60 Danemark (8.87) 2 Västsverige (SE) 0.83 Suisse (CH, 0.69) Switzerland (5.61) United States 5,59 Suède (8.67) 3 Oberbayern (DE) 0.79 Finlande (FI, 0.68) Denmark (5.58) Singapore 5,55 Pays-Bas (8.64) 4 Etelä-Suomi (FI) 0.78 Danemark (DK, 0.63) Sweden (5.53) Sweden 5,51 Norvège (8.62) 5 Karlsruhe (DE) 0.77 Japon (JP, 0.61) Singapore (5.53) Denmark 5,46 États-Unis (8.60) 6 Stuttgart (DE) 0.77 Allemagne (DE, 0.59) Finland (5.50) Finland 5,43 Australie (8.45) 7 Braunschweig (DE) 0.76 États-Unis (US, 0.54) Germany (5.46) Germany 5,37 Singapour (8.35) 8 Sydsverige (SE) 0.76 Luxembourg (Lu, 0.54) Netherlands (5.41) Japan 5,37 Hong-Kong (8.33) 9 Île de France (FR) 0.75 Royaume-Uni (UK, 0.53) Japan (5.38) Canada 5,33 Canada (8.33) 10 Östra Mell. (SE) 0.74 Islande (IS, 0.49) Canada (5.37) Netherlands 5,32 Finlande (8.30) 11 Berlin (DE) 0.74 Pays-Bas (NL, 0.49)A Hong Kong SAR (5.33) Hong Kong SAR 5,22 N. Zélande (8.21) 12 South East (UK) 0.72 Autriche (AT, 0.48) United Kingdom (5.30) Taiwan, China 5,20 Suisse (8.15) 13 Tübingen (DE) 0.72 Belgique (BE, 0.48) Korea, Rep. (5.28) United Kingdom 5,19 R. Uni (8.14) 14 Manner-Suomi (FI) 0.71 France (FR, 0.48) Austria (5.23) Norway 5,17 Autriche (8.02) 15 Praha (CZ) 0.70 Irlande (IE, 0.48) Norway (5.22) Australia 5,15 France (7.89) 16 Darmstadt (DE) 0.69 Norvège (NO, 0.36) France (5.22) France 5,13 Taïwan (7.86) 17 Eastern (UK) 0.69 Slovénie (SI, 0.35) Taiwan, China (5.22) Austria 5,13 Allemagne (7.85) 18 Dresden (DE) 0.69 Italie (IT, 0.34) Australia (5.20) Belgium 5,09 Irlande (7.84) 19 Köln (DE) 0.69 Estonie (EE, 0.34) Belgium (5.14) Korea, Rep. 5,00 Corée Sud (7.81) 20 Noord-Brabant (NL) 0.68 Espagne (ES, 0.34) Iceland (5.05) New Zealand 4,98 Belgique (7.71) 21 Denmark (DK) 0.68 Répu. Tchèque (CZ, 0.34) Malaysia (5.04) Luxembourg 4,96 Bermudes (7.71)

Le Danemark dans le benchmarking européen et mondial

3.2 – Le rôle actif du Danemark dans sa reconnaissance en tant que modèle

15De fait, plusieurs acteurs danois se constituent en médiateurs [Jalbert, 1988 ; Jobert et Muller, 1987] dès lors qu’ils sont activement impliqués dans la reconnaissance de leur système sur la scène européenne, ou plus directement française. Il n’est pas étonnant d’ailleurs, si l’on mobilise la théorie interactionniste, de voir que c’est en se conformant aux attentes de certaines institutions internationales que le Danemark va accéder au rang de modèle : « On est alors dans le registre explicite de la défense et de la promotion du Danemark au sein de la compétition entre nations. » [Barbier, 2006, p. 5] J. Gautié va dans le même sens lorsqu’il rappelle que « les Danois eux-mêmes vont s’approprier le terme pour promouvoir le “triangle d’or de la flexicurité” mis en œuvre dans leur pays » [Gautier, 2006, p. 92]. L’embellie mesurée selon les critères européens se confirme du milieu des années 1990 au début des années 2000 et va inciter les responsables politiques et les universitaires danois à légitimer l’étiquette que lui accolent les instances internationales, en usant du même terme et en se positionnant sur le même registre de promotion de leur modèle. Ainsi, le site internet officiel du Danemark ou celui de l’ambassade danoise en France? [11] communiquent-ils au travers de pages consacrées au « modèle danois ». De leur côté, les ministres d’État? [12] successifs aux commandes gouvernementales entretiennent également la promotion du modèle danois, quelle que soit leur sensibilité politique. Poul Nyrup Rasmussen (parti social-démocrate), qui élabore en 1993-94 les principales réformes qui vont être considérées comme décisives dans l’amélioration de la situation danoise, s’exprime volontiers sur les caractéristiques de son modèle national, comme Anders Fogh Rasmussen (parti conservateur du peuple), son successeur en 2001.

16Si ces responsables politiques de premier plan mobilisent le concept de modèle, notamment au-delà de leurs frontières nationales, les universitaires danois les accompagnent (directement ou indirectement) en soutenant, par leurs travaux, le principe d’existence du modèle danois en utilisant eux aussi le concept. Les travaux de J.-C. Barbier (2005, 2006), ainsi que la mise à disposition en ligne des recherches danoises, permettent de mieux identifier ces acteurs et leur rôle dans le processus de reconnaissance et d’enrichissement du modèle. Dans le milieu académique, Per Kongshøj Madsen, professeur au Centre for Labour Market Research (Carma, Université d’Aalborg, Danemark), contribue activement, comme d’autres de ses collègues, à la (re)connaissance internationale du triangle d’or et du modèle danois [Barbier, 2006]. Le triangle d’or (voir encadré 1) est l’un des prolongements conceptuels intéressants à observer pour comprendre la diffusion du modèle danois. Même si son histoire reste à faire [Barbier, 2007], il est un instrument particulièrement efficace de mise à disposition d’une synthèse schématique des caractéristiques du système. Il complète le dispositif de reconnaissance en facilitant l’appropriation le déplacement de l’objet de la sphère du politique à la sphère académique, tout en lui apportant la dimension supplémentaire et la plus-value de la recherche scientifique.

Encadré 1 - Le « triangle d’or danois »

J.-C. Barbier [2006] ou C. Meilland [2005, p. 51] nous rappellent que la paternité de la popularité du triangle d’or (golden triangle) revient à P.K. Madsen [2003, 2005]. La formule s’inspirerait plus précisément des travaux de l’Arbejdsministeriet? [13] danois (1999), selon T. Bredgaard et al. [2005, p. 7]. Le triangle d’or représente l’association de trois piliers : des politiques « actives » de marché du travail, des allocations « généreuses » et un marché du travail « flexible » [Sondergard, 2008, p. 45]. Le principe selon lequel ces trois dimensions font système est un élément central du triangle d’or. Ainsi Madsen [2002] explique-t-il que « l’argument sous-jacent au concept de triangle d’or est que le succès du système danois d’emploi est dû à cette combinaison unique (…) » [Madsen, 2002, p. 4].

17Dans la sphère de la recherche académique, le laboratoire Carma s’implique directement par ses travaux dans le processus de reconnaissance du modèle danois par l’emploi du terme [Bredgaard et Larsen, 2006 ; Bredgaard, Larsen et Madsen, 2005 ; Madsen, 2002, 2003, 2005, 2006]. Plus encore, il apparaît à la lecture une certaine ambiguïté lorsque les analyses tendent à osciller entre une référence normative associée à une promotion et à une valorisation de l’articulation jugée efficiente sinon idéale de plusieurs politiques sociales et d’emploi (le fait même que le triangle soit « d’or » en dit long sur cet aspect du rapport au modèle), et une référence descriptive et distanciée et neutralisée du système analysé comme un objet en soi. La légitimité apportée par les acteurs universitaires complète le dispositif de reconnaissance en lui apportant une crédibilité et un écho supplémentaires. Aux côtés des travaux universitaires, ceux commandités par le ministère du Travail contribuent également à alimenter l’effort de conceptualisation et de diffusion du modèle [Arbejdsministeriet, 1999]. La convergence des pratiques contribuant intentionnellement ou non à la légitimation du principe d’existence du modèle s’observe ainsi au niveau national par l’implication de différents acteurs appartenant à des espaces différents de production du modèle. Les usages académiques se situent à la charnière entre la promotion et la théorisation descriptive (triangle d’or), tandis que les élites politiques mobilisent un registre proche de celui des instances internationales en valorisant leur système en tant que modèle de référence. Deux usages différents apparaissent ainsi, selon qu’ils relèvent d’une volonté de promotion ou d’explication neutralisée des succès danois, même si cette dernière reste parfois difficilement distinguable de la première. La pluralité des usages apparaît avec plus d’évidence lorsque l’on s’intéresse à la posture adoptée par les acteurs français.

3.3 – Les usages français du modèle

18En France, « concilier flexibilité et sécurité par la sécurisation des trajectoires professionnelles est devenu un thème à la mode dans le débat social français au milieu des années 2000 – de la CGT à la CFDT et du parti socialiste à l’UMP – et le Danemark fait figure, pour beaucoup, de nouveau modèle de référence » [Gautié, 2006, p. 1]. Une « véritable vogue du “modèle danois”, supposé combiner sécurité et flexibilité, s’est emparée de la France [et] elle touche les milieux politiques, administratifs et académiques » [Barbier, op. cit., p. 1]. Au-delà de l’unanimité d’intérêt pour le modèle danois et de la puissante mécanique qui (im)pose un objet au centre des réflexions françaises sur l’emploi et le social, c’est l’usage banalisé, consensuel et partagé du concept de modèle qui interpelle, alors même que cet usage n’est ni neutre, ni banal, et qu’il contribue à transformer le système danois en référence sur la scène internationale et à en entretenir le principe d’existence à chaque fois et d’autant plus qu’il est utilisé pour le désigner comme tel. Ainsi, qu’ils en soient les promoteurs, les détracteurs ou de simples utilisateurs, les acteurs qui mobilisent publiquement le concept de modèle à propos du système danois entretiennent sa réalité. L’une des caractéristiques des modèles nationaux est ainsi de se renforcer d’autant plus qu’ils sont considérés et reconnus comme tels « avec succès » (pour reprendre Becker), de préférence dans différentes arènes et par différents acteurs. Leur existence ne doit in fine qu’à la croyance collective en leur existence et ce sont les conditions (et les acteurs) qui permettent cette croyance collective qui sont essentielles à comprendre pour l’analyse. L’accumulation progressive des prises de paroles crée par ailleurs un phénomène auto-entretenu par l’incitation de plus en plus d’acteurs à s’exprimer sur un sujet qui devient difficilement contournable. Cela est d’autant plus vrai que le contenu et les contours du modèle dépendent des interprétations et des analyses qui en sont faites, de sorte qu’il paraît délicat voire impossible de garder le silence pour des acteurs qui entendent le mobiliser à leur avantage ou dans des perspectives différentes.

19Parmi les acteurs engagés dans la reconnaissance du modèle danois, les responsables politiques français qui l’intègrent dans leurs programmes et l’invoquent pour justifier de futures réformes contribuent à entretenir le principe d’existence du modèle tout en favorisant l’expression d’autres acteurs en opposition ou en soutien. Bien que leur adhésion au principe d’existence du modèle danois soit tardive [Barbier, 2005], les nombreuses prises de parole de responsables politiques qui vont vanter les mérites du Danemark illustrent l’importance de leur contribution à la reconnaissance du modèle. L’étiquette de modèle est déjà soutenue par la Commission européenne et par les Danois eux-mêmes, mais son usage en France contribue à confirmer l’ensemble du processus et à renforcer la création du modèle par sa posture affirmée d’imitateur. L’étiquetage est en ce sens réalisé avec succès puisque l’étiquette est collectivement partagée et acceptée, avec, au-delà, ce qu’elle implique et nécessite sur la scène internationale (notamment la mise en place d’un système organisé autour de plusieurs figures : celle du meilleur élève, des imitateurs, des promoteurs…). De nombreux exemples peuvent être présentés pour illustrer la façon dont ces responsables utilisent le terme de modèle dans un sens normatif, c’est-à-dire en tant que source d’inspiration et exemple dont il faut s’inspirer? [14]. La nature plastique du système danois n’est pas étrangère à son appropriation en tant que modèle par les responsables politiques. Le fait qu’il soit invoqué à la fois par les ténors de partis conservateurs (union pour un mouvement populaire – François Fillon? [15], Éric Besson? [16], Jean-Louis Borloo? [17], Nicolas Sarkozy? [18]) et socio-démocrates (parti socialiste – Ségolène Royal? [19], François Hollande? [20]) illustre bien que son appropriation ouvre à des interprétations différentes et devient un enjeu politique de définition.

20Quelques exemples permettent de mieux apprécier ces usages du concept : lors d’une conférence de presse, François Fillon explique à Anders Fogh Rasmussen, son homologue danois, que « le Gouvernement français s’était beaucoup inspiré du modèle danois pour construire son programme de réformes, en particulier s’agissant du marché du travail? [21] », et combien « le Danemark est pour la France un modèle d’organisation économique et sociale? [22] ». Gérard Larcher? [23] va jusqu’à évoquer une pointe de jalousie française devant les réussites sociales danoises : « Ces recettes [réformes], le Danemark les a expérimentées sur une bien plus grande échelle et avec une incontestable réussite, au point de susciter en France une certaine envie. » Le téléspectateur n’échappe pas au modèle danois puisque, dans une émission de variétés et à une heure de grande écoute, Jean-Louis Borloo l’évoque explicitement lors d’une interview? [24] au moment où sont abordées les questions sociales et économiques : « La flexibilité ou la sécurité des parcours, c’est le modèle suédois et c’est le modèle danois. » Éric Besson consacre pour sa part un rapport à la Flexicurité en Europe (Besson, 2008) dans lequel le « modèle danois » est présenté comme la seule application réelle de la flexicurité. Ce succès du modèle ne se limite pas aux partis de droite puisque les organisations syndicales et les partis « de gauche » s’en emparent également – notamment pour critiquer l’analyse des partis « de droite », ou pour proposer des interprétations alternatives. C’est ainsi que François Hollande, alors premier secrétaire du parti socialiste, mobilise le concept de modèle à propos du Danemark lors d’un point presse du 27 avril 2006, en compagnie de Poul Nyrup Rasmussen, ancien Premier ministre danois de 1993 à 2002 : « Au-delà de l’effort que chacun peut fournir, à tout âge de la vie, quant à la qualification et à la formation, il y a des moments de rupture du contrat de travail ou de mutation économique. C’est pour ces moments-là qu’il faut prévoir des transitions et que le modèle danois prend tout son sens. »

21Parallèlement à l’engouement politique, les travaux académiques français sur le modèle danois abondent au milieu des années 2000. Au travers d’articles, de rapports et d’ouvrages, et au cours de séminaires et de colloques, la communauté scientifique multiplie les analyses et les recherches sur le thème [Barbier, 2005 ; Bevort, Lallement et Nicole-Drancourt, 2006 ; Boyer, 2006 ; Duclos et Kerbourc’h, 2006 ; Gautier, 2006 ; Mansuy, 2005 ; Méda et Minault, 2006 ; Neergaard Larsen et Jensen, 2006 ; Sondergard, 2008]. Ces travaux contribuent à diffuser et à reconnaître le modèle par son rappel quasi systématique tout en lui apportant une consistance supplémentaire. D’une manière plus générale, la recherche académique s’est abondamment saisie des objets « flexicurité » et « modèle danois », notamment en termes de publications et par l’animation de colloques, congrès, séminaires et journées d’études qui mobilisent des cherch(eur)(euse)s plusieurs fois par an selon les années. En s’emparant d’un thème d’actualité, politiquement et socialement sensible et propice à la controverse – sur les explications des résultats danois en termes d’emploi, sur les conclusions à en tirer pour la France, sur les avantages et les risques en termes de sécurité, de compétitivité, de conditions de travail ou de précarité, etc. – l’univers académique apporte directement sa contribution au principe d’existence du modèle danois en utilisant lui-même le terme mais aussi en l’enrichissant et en le répercutant dans la sphère du savoir.
De manière tout à fait différente, le concept de modèle est utilisé par les responsables d’organisations syndicales et patronales qui ne restent pas muets sur une question qui devient incontournable et qui les concerne au premier chef. Leur investissement sur la question renforce encore la pertinence sociale, l’intérêt académique et l’importance politique du modèle danois. L’usage de la référence à ce modèle est dans ce cas plus proche de ce que nous avons pu repérer du côté de la sphère politique que du côté universitaire. De fait, le modèle est invoqué comme un exemple à partir duquel il est possible d’envisager des réformes (ou des améliorations) du système social et d’emploi. Si la transposition pure et simple n’est plus d’actualité, et cela assez rapidement [Algan et Cahuc, 2006 ; Besson, 2008 ; Boyer, 2006 ; CE, 2007 ; EEGF, 2007 ; Zhou, 2007], de nombreuses variantes ont vu le jour [Grimault, 2006 ; Freyssinet, 2007]. La CGT soutient une sécurité sociale professionnelle et un nouveau statut du travail salarié [CGT, 2005 ; Friot 2006 ; Le Duigou, 2003], la CFDT s’intéresse aux « nouvelles garanties collectives favorisant et sécurisant les parcours professionnels pour tous les salariés » [Grimault, 2006, p. 11], la CFTC réfléchit aux modalités d’une « sécurisation des parcours de vie », la CFE-CGC à celles d’un accompagnement des changements d’emploi dans et hors de l’entreprise, et la CGT-FO insiste sur l’exigence de mutualisation. Le Medef est quant à lui favorable au modèle danois, qui « pourrait utilement inspirer certaines évolutions » françaises, notamment vers davantage de flexibilité et de facilité de licenciement [Commission Europe du Medef, 2007, p. 43].
Dès lors que les acteurs politiques, académiques et professionnels se rejoignent pour faire exister et vivre le modèle danois en s’y référant de manière répétée, les médias français s’engagent aussi dans le mouvement et diffusent à leur tour le principe de son existence en direction du grand public. L’espace médiatique agit comme une caisse de résonance supplémentaire? [25] auprès des auditeurs d’émissions radiophoniques (Europe1, France Inter, France Culture, RFI), des téléspectateurs (TF1, France 2, France 5, M6) et des lecteurs de la presse papier (Le Figaro, Les Échos, Le Monde, Libération, L’Humanité, 20 minutes, Alternatives économiques, Le Nouvel Observateur, Le Point, Le Parisien, L’Express, La Croix, Ouest France…) qui prennent ainsi connaissance de ce qui leur est présenté comme un modèle et qui est censé inspirer les réformes à venir du système français. Les usages du concept de modèle par les médias sont probablement les plus variés. Ils dépendent notamment de la nature des émetteurs du message, selon qu’ils sont journalistes d’opinion ou d’information, cherch(eur)(euse)s ou responsables politiques ou syndic(aux)(ales). Cet espace est ainsi fortement dépendant du discours porté par ceux qui sont invités à s’y exprimer, et les usages varient alors de la référence normative à la présentation descriptive. L’espace médiatique correspond aussi à une arène dans laquelle vont s’affronter des conceptions différentes du modèle danois, sans pour autant que le terme soit contesté, ce qui au final contribue une nouvelle fois à en renforcer le principe d’existence.

4 – Conclusion

22Notre relecture du processus de construction sociopolitique du modèle danois à partir des usages du concept de modèle nous a permis de repérer plusieurs variations autour du terme et plusieurs types d’acteurs liés à ces usages. Mais surtout, qu’il s’agisse d’en faire la promotion ou au contraire de le critiquer, qu’il s’agisse de le comprendre ou de l’expliquer, c’est la manière par laquelle le système danois est si souvent présenté comme un « modèle » qui pose question. Ce recours répété au concept a favorisé l’émergence et la reconnaissance du système danois sur la scène internationale au début des années 2000 et son accession au rang de modèle comme référence pour la plupart des pays européens. Il s’agit, nous l’avons vu, des effets conjugués du rôle fort et actif que les institutions internationales ont joué pour valoriser leurs propres préconisations en présentant le Danemark comme un exemple du succès de leur application : un pays en crise, qui applique une flexibilisation de son marché du travail puis met en œuvre une politique active de retour à l’emploi, avait réussi en quelques années à diminuer par trois son taux de chômage. L’importante protection sociale rendant « indolore » cette flexibilité en la compensant par suffisamment de sécurité. Cette version quelque peu aménagée de la réalité sera ensuite remise en question lorsque les changements économiques et sociaux danois seront analysés avec plus de finesse, laissant voir toute l’épaisseur socio-historique et politique de ces agencements institutionnels, et conduisant en retour à une forme de demi-retrait pragmatique des promoteurs du modèle proposant une transférabilité partielle et raisonnée des éléments pertinents du système danois aux autres pays européens en difficulté – tout le débat étant de savoir quels éléments sont pertinents, dans quelles proportions et comment transférer ces éléments… Mais le principe qu’il faille le faire, d’une manière ou d’une autre, pour se rapprocher du « modèle » n’est guère remis en cause, par le simple fait que chacun y voit un aspect qui lui convient.

23Ainsi, si l’intérêt du succès du concept de « modèle » se comprend bien pour les acteurs qui en font la promotion, puisque le terme modèle véhicule une valeur positive, il intéresse aussi les éventuels imitateurs et le candidat à l’étiquette lui-même. Sa diffusion est donc entretenue par les Danois, dont les responsables politiques et les universitaires, forts de leur légitimité d’appartenance et de leur connaissance empirique du système « gagnant », vont multiplier les communications présentant, expliquant, valorisant leur système économique et social à l’international. Mais ces deux dynamiques (institutionnelles, internationales et danoises) n’expliquent pas à elles seules l’engouement français pour le concept. Il semble en effet a priori délicat pour un pays d’accepter que l’un de ses proches « voisins » soit considéré comme meilleur élève que lui, qui plus est meilleur de la classe européenne – sinon mondiale – et qu’il doive reconnaître la nécessité de s’en inspirer. Pourtant, plusieurs facteurs vont permettre à un très grand nombre d’acteurs français de s’approprier le concept de modèle incarné par le Danemark. D’une part, le contexte français présente un terreau fertile à l’apparition d’une réflexion majeure sur l’avenir de son système social. Rappelons les hésitations répétées sur les pistes de réformes possibles, les crises politiques et sociales historiques (du plan Juppé sur les retraites au Contrat Première Embauche, présenté comme une forme française de flexicurité et abandonné face à la protestation populaire), ou encore les jeux politiques entretenant, dans les années de campagne électorale pour la présidence de la République, une doxa critique sur le « modèle social français » et son supposé déclin [Lebaron, Gallemand et Waldvogel, 2009]. Par ailleurs, le « modèle danois » offre une telle variété de lectures qu’il permet aux libéraux d’y voir une opportunité de flexibiliser le marché du travail et aux socialistes d’en espérer de nouvelles solidarités et protections. Le contenu du modèle danois devient donc un enjeu politique fort, d’autant plus qu’il inspire (ou qu’il est un alibi pour) des options de politique publique concrètes (Contrat Première Embauche, fusion des Assedic et de l’Unedic). La recherche universitaire et académique, mais aussi de nombreux experts, vont s’employer alors à essayer de mieux définir et délimiter ce contenu. Cet ensemble de facteurs va stimuler les réflexions et les positionnements, les prises de parole, les controverses et les débats, ancrant le thème pour plusieurs mois et entretenant, finalement, l’existence du modèle danois. Le concept de modèle est enfin, en lui-même, un des facteurs du succès de sa diffusion. Son ambiguïté et son existence dans plusieurs sphères dominantes de la société (univers académique, politique, médiatique, leaders d’opinions, organisations professionnelles) ont contribué à entretenir la nécessité de clarifier les termes du débat, et pour les acteurs, de se positionner clairement, ce qui n’était pas la moindre des gageures à propos de la flexicurité qu’il devait représenter.
Qu’en est-il aujourd’hui du modèle danois ? La crise financière, économique et sociale a renvoyé les États vers eux-mêmes et à l’urgence d’une gestion au plus pressé de ses conséquences. Dans ce contexte, des voix se sont fait entendre pour valoriser le « modèle social français », jusqu’alors figure repoussoir, mise en miroir de la réussite danoise par la droite française, mais aujourd’hui présenté comme plus résistant et mieux outillé face à la crise… par les mêmes responsables politiques. Ce qui trouble jusqu’au quotidien Le Figaro, qui titre le 15 mai 2009 : « Le gouvernement s’est-il converti au “modèle social français”? ». Manifestement, beaucoup de ses membres trouvent de nouveaux atouts – « amortisseur de crise », « résistant », « protecteur », « stabilisateur », « généreux » – à un système jusqu’alors très décrié. Le « modèle danois » quant à lui n’est plus au centre des préoccupations, pour le moment. La scène internationale semble donc temporairement dépourvue de « champion » qui puisse lui servir de « modèle ». Il ne fait guère de doute que, la crise passée, ce vide soit rapidement comblé et qu’il soit à nouveau intéressant d’analyser comment se construira ou se reconstruira la référence des politiques publiques sur la scène internationale.

Notes

  • [1]
    Cette recherche fait partie du programme LuxModel (Ceps/Instead, Luxembourg), financé par le Fonds national de la recherche luxembourgeois.
  • [2]
    La crise économique, financière et sociale de la fin des années 2000 a détourné le regard vers d’autres priorités et les références au modèle danois se sont sensiblement raréfiées depuis. Nous reviendrons sur ce point en conclusion.
  • [3]
    Sur ce point, voir notamment Barbier [2007] : « Au total, le Danemark peut être considéré comme un “bon élève” de la SEE, à tout le moins l’un des meilleurs ; les justifications et formulations danoises de politiques de l’emploi et du marché du travail ont tenu compte de la SEE sans que cela ait un impact mesurable clair sur les programmes et leur substance. Cela est d’autant plus vrai que les réformes (1994 ; 1998 ; 2001-2002) ont toutes revêtu d’abord une rationalité nationale, en particulier liée à des changements politiques. » [Barbier, 2007, p. 45]
  • [4]
    En 1995, environ 10 % de la population active totale est au chômage, avec des populations plus exposées au risque : 20 % de chômage chez les jeunes de moins de 25 ans, 25 % chez les femmes de moins de 25 ans (au sens du BIT CVS, France métropolitaine, source Insee). Sur les déficits de la sécurité sociale : « Depuis 1990, le solde des opérations courantes du régime général de sécurité sociale a été constamment négatif. Ce déficit de trésorerie, qui était de l’ordre de 15 milliards de francs chaque année [soit 2,29 milliards d’euros], s’est brutalement amplifié en 1993 sous l’effet de la récession économique, pour dépasser 56,4 milliards de francs [soit 8,54 milliards d’euros, et 67 milliards de francs en 1995, soit 10,21 milliards d’euros] (…) Cette situation de déséquilibre simultané de toutes les branches du régime général est sans précédent depuis la création de la Sécurité sociale en 1945. » [Oudin, 1996, p. 11-12]
  • [5]
    Alors Premier ministre (17 mai 1995-2 juin 1997) sous la première présidence de Jacques Chirac (7 mai 1995-5 mai 2002).
  • [6]
    V. Simoulin, qui a analysé en profondeur l’émergence et la décomposition du « modèle suédois », explique que « pour qu’un système social acquière le rang de modèle, il ne suffit pas en effet qu’il présente un intérêt spécifique, il faut encore que des acteurs sociaux le perçoivent, s’en saisissent et le valorisent » [Simoulin, 2005, p. 291].
  • [7]
    « Le magazine de la Commission européenne consacré à l’emploi et aux affaires sociales ». Nous mettons en italique, pour cet extrait et les suivants, les éléments valorisant le système danois.
  • [8]
    « Le magazine de la Représentation de la Commission européenne en Belgique ».
  • [9]
    Le 14 septembre 2005 à Bruxelles. SPEECH/05/506, Vladimír Špidla, membre de la Commission européenne, chargé de l’Emploi, des Affaires sociales et de l’Égalité des chances.
  • [10]
    Or c’est particulièrement ce lien entre la référence empirique et son usage politique normatif qui est sujet à débat.
  • [11]
    À l’été 2010, les pages de ces deux sites ne sont plus accessibles.
  • [12]
    Chefs du gouvernement, équivalent au Premier ministre en France.
  • [13]
    Ministère du Travail.
  • [14]
    L’application de principes de flexicurité en France est détaillée par J. Freyssinet, dans une note pour le Lasaire (2007).
  • [15]
    Premier ministre français depuis mai 2007.
  • [16]
    Secrétaire d’État chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques au moment de la rédaction de son rapport consacré à la flexicurité (voir infra), ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire depuis janvier 2009.
  • [17]
    Ministre d’État, ministre de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le climat du gouvernement Fillon II, depuis juin 2009.
  • [18]
    Président de la République depuis le 16 mai 2007.
  • [19]
    Députée du parti socialiste et candidate à l’élection présidentielle de 2007.
  • [20]
    Premier secrétaire du parti socialiste de 1997 à 2008.
  • [21]
    Conférence de presse conjointe sur les politiques communes en matière sociale, climatique et de défense, Copenhague le 23 mai 2008.
  • [22]
    Déclaration sur les relations franco-danoises, le modèle économique danois et les positions respectives de la France et du Danemark sur le Traité simplifié de Lisbonne, Paris le 7 janvier 2008.
  • [23]
    Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué aux Relations du travail, sur l’accompagnement social des restructurations économiques, la mobilité du travail et la formation professionnelle dans le cadre de la flexibilité et de la sécurité sur le marché du travail, Paris le 23 février 2005.
  • [24]
    Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, à Canal Plus le 27 mars 2007, sur son soutien à Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle 2007.
  • [25]
    Le moteur de recherche Google actualités propose pour chaque entrée une chronologie de la fréquence d’apparition d’un terme dans les articles et émissions qu’il répertorie, par année et par mois. Avec l’entrée « modèle danois » – qui correspond bien au modèle socio-professionnel danois, à quelques exceptions près – il apparaît qu’après quelques articles parus entre 1992 et 2000 (moins de 10 articles par an), l’intérêt médiatique grandit à partir de 2002 (en 2000 et 2001, le site ne répertorie aucun article intégrant l’occurrence « modèle danois »). En 2004-2005, le site répertorie ainsi environ une cinquantaine d’articles consacrés au modèle danois, près de 80 en 2006-2007, et environ soixante pour 2008-2009.
Français

Résumé

Cet article montre comment la transformation du système socioéconomique danois en « modèle danois », sur la scène internationale est le produit d’une construction sociopolitique complexe impliquant de nombreux acteurs appartenant à des espaces variés de légitimation et de reconnaissance. Ces acteurs influents participent à la diffusion du principe d’existence du modèle, par l’usage public et répété qu’ils font du concept de modèle. Ils contribuent ainsi, par la performativité du discours, à en confirmer et à en entretenir la réalité. Pour autant, au-delà de l’unité de façade que suggère le recours au terme « modèle », ces acteurs le mobilisent dans des sens et avec des intentions très différentes.

Mots-clés

  • modèles nationaux
  • processus social
  • flexicurité
  • Danemark
  • comparaison internationale

Bibliographie

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Frédéric Rey
Ceps/Instead, Luxembourg
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Mis en ligne sur Cairn.info le 17/05/2011
https://doi.org/10.3917/rfse.007.0169
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