CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1Sur la base d’efforts généalogiques répétés, un certain consensus émerge quant à l’origine historique du concept de Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) et de ses principales manifestations [Capron et Quairel, 2007 ; Rousseau et Postel, 2008]. Prolongeant ces travaux, cet article interroge plus précisément les fondements de l’adhésion généralisée aux préceptes de la RSE. Au-delà d’une simple mode managériale, il est en effet surprenant de constater à quel point la RSE traverse les frontières sociales et économiques traditionnelles. Pouvoirs publics, syndicats, institutions internationales, associations et entreprises, tous s’y réfèrent explicitement dans une lecture à géométrie variable dont le plus petit dénominateur commun s’approche de la définition de la Commission européenne : « L’intégration volontaire de préoccupations sociales et environnementales dans les activités commerciales. » [Commission européenne, 2001] Cet article constitue la première ébauche d’un cadre conceptuel qui explicite l’engouement contemporain pour la RSE et en souligne les limites. Pour ce faire, nous proposons de définir, à la suite d’un certain nombre d’auteurs, la RSE comme la prise en charge des effets externes négatifs [2] [Arcelus et Schaefer, 1982 ; Martinet et Reynaud, 2004 ; Crouch, 2006]. Pour C. Crouch, le « fondement de la RSE réside dans la prise en charge de la part des entreprises des externalités qu’elles produisent » [Crouch, 2006, p. 1534]. Posture analytique que nous reprenons à notre compte car, au-delà de l’argument technique et logique, elle a l’avantage théorique de nous rapprocher des travaux des économistes qui, en dépit de controverses doctrinales, ont stabilisé de nombreux développements analytiques autour de la problématique des effets externes. L’enjeu pour nous est de mieux comprendre à partir de cette définition pourquoi et dans quelle mesure les entreprises acceptent de mieux prendre en charge les effets externes négatifs préalablement laissés à la charge de leurs environnements socio-économiques sous le couvert de pratiques socialement responsables.

2Nous examinons, dans un premier temps, les raisons qui poussent les acteurs non économiques à interpeller l’entreprise sur ses responsabilités sociales [2]. Nous distinguons un appel institutionnel à la RSE, symptomatique du déficit de régulation de l’ancien modèle fordiste [2.1], et plus largement un appel sociétal dû à une accélération du dévoilement des effets externes [2.2]. Ces deux appels convergent vers la grande entreprise capitaliste dont les comportements sont stigmatisés [2.3]. Cependant, l’adhésion volontaire des entreprises est, pour nous, loin d’être évidente et mécanique car elle repose sur un paradoxe : comment concilier la satisfaction des attentes des parties prenantes via l’internalisation des effets externes et l’impératif de rentabilité à court terme ? Ce questionnement est le cœur de la deuxième partie où nous interrogeons les fondements de l’adhésion des entreprises à ces appels institutionnels et sociétaux [3]. Une explication semble, à première vue, le maintien de leur légitimité qui pousse les entreprises à déployer de nombreux artifices afin de paraître socialement responsables auprès de leurs parties prenantes [3.1]. Mais, pour aller plus loin, et penser la responsabilité sociale dans l’entreprise, il nous semble opportun d’interroger les conditions de faisabilité d’une transformation réelle de l’activité productive. Celle-ci repose sur deux activités nécessaires au dépassement du paradoxe de la RSE : la rationalisation économique des effets externes [3.2] et la transformation des démarches engagées en faveur de l’internalisation des effets externes en opportunités économiques [3.3]. Pour conclure, nous dessinons les limites qui nous semblent freiner l’internalisation des effets externes sous le couvert de la RSE [4]. Au terme de notre argumentation, nous espérons apporter un nouvel éclairage sur les dessous et la portée réelle de « l’élan d’humanisme » qui semble agiter le capitalisme contemporain.

2 – Les origines de l’appel généralisé en faveur de la RSE

3Notre objectif dans cette première partie est de situer la genèse de l’appel quasi généralisé en faveur de la RSE. Nous organisons notre propos autour de deux arguments. Nous montrons dans un premier temps qu’il existe un appel institutionnel dont l’origine se situe dans un affaiblissement des anciennes institutions fordistes qui, historiquement, cadrent et régulent le fonctionnement des entreprises et limitent les reflux d’effets externes sur les parties prenantes [1.1]. Mais nous montrons également, dans un second temps, que l’appel en faveur de la RSE provient d’une aversion grandissante pour les effets externes de la part de nos sociétés contemporaines [1.2]. Au final, nous montrons que ces deux appels convergent vers la grande entreprise capitaliste dont les comportements font l’objet d’une stigmatisation et d’une attention grandissantes [1.3].

2.1 – L’appel institutionnel

4Les économistes parlent de processus d’internalisation des effets externes pour désigner l’ensemble des pressions et processus institutionnels qui concourent à réduire les « dommages collatéraux » supportés par les parties prenantes et cadrer l’activité des entreprises [Cornes et Standler, 1999]. Deux époques nous semblent pouvoir être schématiquement évoquées dans la mise en œuvre de pressions institutionnelles visant à internaliser les effets externes : l’époque fordiste [1945-1975] et l’époque contemporaine dite postfordiste.

2.1.1 – Le cadrage fordiste des effets externes négatifs ou l’absence de responsabilité sociale pour l’entreprise

5Loin de nous l’idée d’affirmer que, durant la période généralement qualifiée de fordiste [1945-1975], le fonctionnement des entreprises se faisait sans aucun effet externe négatif, bien au contraire [3] [Kapp, 1976 ; Passet, 1979]. Néanmoins, nous pensons qu’il existait, durant cette période, une forme de compromis social sur les frontières socio-économiques de l’entreprise et, partant, sur les effets externes laissés à la charge des parties prenantes.

6Pour Coriat, le fordisme désigne, d’un côté, la ligne de montage et l’organisation de la production permettant de dégager des gains de productivité importants, mais également et plus généralement, un principe d’organisation et de cadrage du fonctionnement des entreprises et des rapports qu’elles entretiennent avec les parties prenantes [Coriat, 1989]. La régulation des rapports entre l’entreprise et ses parties prenantes est organisée autour de plusieurs éléments qui, entrant en résonance les uns avec les autres, conduisent à une stabilisation du système économique [Aglietta, 1976 ; Marglin et Schor, 1990 ; Boyer et Durand, 1993] et in fine à des « compromis sociaux » sur les effets externes. Soulignons que ces compromis ont moins pour finalité de supprimer les effets externes que de les rendre acceptables par les parties prenantes.
Schématiquement, ces compromis sociaux sur les effets externes étaient réalisés via l’action d’un « trio institutionnel » composé essentiellement du marché, des syndicats et de l’État [4] :

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  1. L’État apparaît clairement comme le pilier central sur lequel s’appuyait le dispositif de cadrage des effets externes négatifs [Théret, 1992]. Lorsque le reflux d’effets externes sur les parties prenantes était jugé trop important et qu’aucune négociation directe entre les parties concernées ne permettait d’atteindre un compromis, l’État imposait des taxes ou des normes de production aux entreprises [Delorme et André, 1983 ; Boyer et Saillard, 2002].
  2. L’État était par ailleurs un partenaire de référence pour les syndicats qui jouaient un rôle significatif dans le recadrage des effets externes supportés par la principale partie prenante de l’entreprise : les salariés. Les syndicats permettaient non seulement aux salariés de se défendre contre les tentations de certains entrepreneurs de rejeter certains coûts sur la main-d’œuvre, mais également d’amener ces derniers à prendre en charge tout un ensemble de prestations au bénéfice direct des salariés [Aglietta et Bender, 1984 ; Castel, 1995 ; Supiot, 1999].
  3. Au-delà des taxes et des normes, l’État avait également la possibilité d’encadrer le fonctionnement des marchés car la concurrence se déroulait principalement à l’intérieur des frontières nationales [Hollard, 2002]. L’État parvenait à limiter la formation de situations de monopoles ; et ces derniers, lorsqu’ils existaient, se traduisaient généralement par une participation directe de l’État dans les organes de décisions des entreprises concernées [Albert, 1990 ; Gomez, 2001]. Cette implication de l’État permettait de limiter la présence d’effets externes et de rendre ces derniers socialement plus acceptables en pesant directement sur les prix, les délais et la qualité des produits et services. Ajoutons que, durant cette période, du fait d’un faible recours aux marchés financiers et d’une faible concurrence sur les marchés des biens et services, la concurrence marchande s’en trouvait considérablement allégée, facilitant d’autant la stabilisation de compromis sociaux [Postel et al., 2006].
L’action composite du « trio institutionnel fordiste » a permis d’atteindre une « frontière d’efficience » en matière de reflux d’effets externes sur les parties prenantes : un niveau d’effets externes socialement acceptable pour les parties prenantes et économiquement supportable pour les entreprises [Postel et al., 2006 ; Rousseau et Zuindeau, 2007].
Soulignons pour terminer que la nature des responsabilités en matière d’effets externes qui incombaient aux entreprises, était avant tout d’ordre juridique (civil ou pénal) et en aucun cas social. Lorsque le niveau d’effets externes émis par une entreprise était jugé socialement inacceptable, cette dernière faisait l’objet de procédure légale afin de définir juridiquement un niveau supportable pour les parties prenantes. La frontière d’efficience en matière d’effets externes était matérialisée par des lois et/ou des règlements dont le respect était assuré par des agences émanant de la puissance publique [Coase, 1992]. La question de la RSE ne se pose pas durant cette période, car il y a tout un ensemble de dispositifs institutionnalisés qui assurent un compromis social sur les effets externes à l’extérieur de l’entreprise [Postel et al., 2006].

2.1.2 – La disparition du compromis social fordiste sur les effets externes

8À partir des années 1970, les entreprises amorcent d’importants changements dans leur processus de production qui affaiblissent la portée du dispositif de cadrage institutionnel fordiste et contribuent à faire disparaître les compromis sociaux sur les effets externes négatifs. Cette transformation du processus de production, qui est désormais parfaitement connue, est schématiquement repérable à deux niveaux [5] [Boyer et Saillard, 2002] :

  1. L’externalisation : la recherche de gains de productivité conduit les entreprises à repenser en profondeur leur « chaîne de valeur » [Porter, 1985] et à multiplier les recours à des transactions marchandes pour gérer leur processus de production [Williamson, 1994]. Les entreprises externalisent toutes les activités non créatrices de valeur en dehors de leurs périmètres juridique et organisationnel et confient à des prestataires le soin de réaliser ces activités.
  2. La mondialisation : les entreprises positionnent désormais les différents éléments de leurs « chaînes de valeur » à l’échelle planétaire afin de bénéficier des compétences locales et/ou des avantages et potentiels des marchés locaux [Porter, 1985].
Quelles sont les conséquences de ces transformations organisationnelles sur le « barrage institutionnel fordiste » et sur les compromis sociaux passés sur les effets externes ?
  1. La transformation et la mondialisation des processus de production a tout d’abord pour conséquence d’affaiblir le potentiel de régulation de l’État face à des entreprises devenues des géants transnationaux [Chandler et Mazlish, 2005]. Cet affaiblissement peut être repéré à deux niveaux. Les « entreprises transnationales » ont désormais la possibilité de reporter certains coûts qu’elles jugent non légitimes sur les parties prenantes du fait des positions de domination qu’elles occupent. De plus, les entreprises ont la possibilité d’organiser une concurrence entre les États et d’orchestrer un dumping social et environnemental à l’échelle planétaire [Vogel, 2006 ; Bodet et Lamarche, 2007].
  2. Cette transformation a également d’importantes conséquences sur l’action des syndicats, car, du fait de l’éclatement des collectifs de travail, ils ne protègent désormais qu’une fraction des salariés impliqués dans le processus de production [Osterman, 1999 ; Castel, 2003]. C’est toute une partie des salariés qui échappe à l’ancien système de régulation fordiste.
  3. Plus généralement la dispersion des processus de production du fait de l’étirement des « chaînes de valeur » engendre un important niveau de complexité qui se traduit par des difficultés pour identifier les acteurs économiques à l’origine des effets externes. Cette multiplication d’acteurs dans les processus de production fait que les effets externes sont composites et qu’il est par conséquent très difficile d’appliquer le schéma pollueur-payeur au centre de la dynamique de cadrage de la période fordiste.
On assiste ainsi à partir du début des années 1970 à une importante perte d’influence du trio institutionnel fordiste. Le barrage fordiste se fissure : les reflux d’effets externes sur les parties prenantes se multiplient. Crouch note ainsi qu’il existe désormais « peu de solutions pour amener les grandes entreprises transnationales à tenir compte des effets externes qu’elles génèrent aussi bien au niveau global qu’à l’échelle nationale du fait de la faiblesse des structures institutionnelles en place » [Crouch, 2006, p. 1553]. La frontière d’efficience en matière d’effet externe est à reconstruire car les dispositifs institutionnels issus de la période fordiste ne sont plus en phase avec les réalités économiques et organisationnelles des entreprises contemporaines.

2.1.3 – Le recadrage du processus de production ou l’émergence d’une responsabilité sociale pour les entreprises

9La transformation du processus de production des entreprises conduit, on le voit, à un contournement des institutions fordistes qui historiquement ont été développées pour cadrer et réguler le fonctionnement des économies capitalistes. Cela signifie-t-il que les entreprises auraient désormais la possibilité de rejeter indéfiniment des effets externes sur les parties prenantes ?

10Il nous faut répondre par la négative, car les reflux d’effets externes semblent rencontrer des limites qui se concrétisent par la multiplication des « prises de paroles » des parties prenantes [Hirschman, 1972]. Cette contestation se concrétise par l’apparition de nouveaux principes de cadrage qui viennent étayer le trio institutionnel fordiste et militent pour une meilleure prise en charge des effets externes de la part des entreprises. De nouvelles institutions à la légitimité balbutiante tentent de pallier les difficultés de régulation des marchés, des syndicats et des États pour réduire les reflux d’effets externes sur les parties prenantes [Dupuis et Le Bas, 2005]. Leurs actions peuvent être repérées à trois niveaux complémentaires :

  1. De nouvelles pressions marchandes : de nouvelles logiques de consommation et d’investissement apparaissent. Elles consistent à choisir et valoriser économiquement les entreprises qui font de la réduction de leurs effets externes un positionnement stratégique [commerce équitable, investissement socialement responsable…] [Chessel et Cochoy, 2004 ; Porter et Kramer, 2006].
  2. De nouvelles pressions normatives : ces nouvelles pressions normatives qui portent le nom de « soft law » définissent des principes généraux de fonctionnement des entreprises qui visent à réduire les effets externes laissés à la charge des parties prenantes [Kirton et Trebilock, 2004].
  3. De nouveaux principes d’évaluation et de notation : des agences de notation sociale ont fait leur apparition ; elles évaluent le comportement des entreprises en matière de respect du bien-être des parties prenantes. Ces évaluations du comportement social des entreprises sont ensuite diffusées auprès des différentes parties prenantes qui disposent d’un outil pour juger le comportement des entreprises en matière d’internalisation des effets externes [Notat, 2003].
Soulignons pour terminer que ces tentatives de cadrage postfordiste, n’ayant pas de légitimité clairement établie, définissent non pas des responsabilités juridiques mais des responsabilités sociales pour amener les entreprises à internaliser leurs effets externes. C’est sur le principe du volontariat et de la responsabilité sociale que de nouvelles institutions viennent compléter et compenser le cadrage du trio institutionnel fordiste : les entreprises et les marchés sont désormais les propres sources de leur gouvernance en matière de prise en charge des effets externes [Vogel, 2006 ; Crouch, 2006]. Ce n’est plus la puissance publique qui délimite la frontière d’efficience en matière d’effet externe mais les entreprises et le marché : « Le mouvement de la RSE se développe au fur et à mesure que le compromis précédent, et les acteurs qui le portaient, sont déqualifiés. Il ne reconnaît pas de pertinence particulière aux “partenaires sociaux” et cherche à éviter l’arbitrage légal de l’État… L’entreprise est ainsi devenue, par effritement de l’ancien cadre fordiste, le lieu ou s’élabore un compromis entre les différents acteurs pesant sur son devenir. » [Rousseau et Postel, 2008, p. 146].

2.2 – L’appel sociétal

11Dans ce second temps, nous poussons plus loin l’argument. Sans aucun doute, le barrage institutionnel fordiste se fissure et laisse apparaître des effets externes que l’on croyait depuis longtemps contenus. Mais, par ailleurs, ce barrage est également débordé par un flux nouveau d’effets externes d’une puissance sans précédent. Ces effets externes émergents sont certes à mettre sur le compte de l’évolution des techniques productives ; mais surtout, ils reposent sur une visibilité très nette des effets externes dans une société où l’internalisation de tels effets constitue désormais un des moteurs de la vie sociale et économique.

2.2.1 – Prolifération des parties prenantes et multiplication des controverses sur les effets externes

12De nombreux auteurs ont souligné la constitution d’une société civile organisée dans les sociétés industrielles avancées. Cette dernière se mobilise autour de différents enjeux sociaux et notamment des effets externes que les entreprises laissent ou sont susceptibles de laisser à la charge de leur environnement socio-économique [Hirschman, 1972 ; Loya et Boli, 1999]. Du fait de la diversité des intérêts en jeu, la mobilisation des parties prenantes entraîne de manière quasi mécanique une visibilité accrue des effets externes. Callon parle « de multiplication des points chauds » dans les démocraties libérales avancées pour définir les situations où des parties prenantes se mobilisent pour mettre en évidence et contester l’action d’acteurs économiques à l’origine d’effets externes [Callon, 2007]. Dans nos démocraties contemporaines, la reconnaissance, l’évaluation, la contestation des effets externes reposent désormais sur de multiples parties prenantes, parfois en concurrence, qui cherchent chacune à définir des éléments portant sur les victimes, leur nombre, les dommages réels, les responsables [Callon et al., 2001]. Et la prolifération du social entraîne logiquement la multiplicité des expertises et des points de vue. On assiste ainsi à la multiplication de « controverses socio-techniques » [Callon, 1999 ; Callon et al., 2001] qui complexifient d’autant la stabilisation d’une frontière d’efficience en matière d’internalisation des effets externes, car, dans de nombreuses situations, il est particulièrement complexe de démêler l’écheveau des responsabilités et d’évaluer le nombre de victimes, la nature et l’ampleur des effets externes.
Alors que, durant la période fordiste, le nombre de controverses sur les effets externes était « mécaniquement » limité par la configuration sociale et l’importance de la puissance publique qui tranchait les débats [6], l’époque contemporaine voit se multiplier les controverses et les expertises associées qui retardent et empêchent parfois l’obtention de solutions techniques et institutionnelles. Plus les parties prenantes s’impliquent dans le règlement des effets externes qu’elles supportent, plus il devient difficile de stabiliser un « compromis social ». C’est une des difficultés pratiques de la solution de cadrage proposée par la RSE qui, au moment où elle confie aux parties prenantes le soin de passer des compromis sur les effets externes, contribue à dévoiler brutalement ces effets et réduit les possibilités de trouver un compromis social.

2.2.2 – Les effets externes au cœur de la nouvelle logique de mobilisation sociale

13Mais la multiplication et la mobilisation des parties prenantes ne constituent pas la seule explication à l’hypersensibilité contemporaine aux effets externes. Nous avons souligné plus haut, et à la suite d’un certain nombre d’auteurs, que le fonctionnement de nos économies ne se faisait pas sans effet externe et que ces effets sont potentiellement sources d’une dégradation majeure et généralisée du bien-être des parties prenantes.

14Or, en présence d’effets externes, l’échange marchand a deux composantes qui ne sont que partiellement intégrées : l’échange de biens, c’est-à-dire des richesses, mais également de maux, autrement dit de risques [Hache et Latour, 2007]. Le prix dans un échange représente ainsi un arbitrage entre la valorisation du bien échangé et le risque encouru. Mais il existe également une part de risque non intégrée dans le calcul du prix : l’effet externe. Fort de ce constat, nous pouvons affirmer en suivant Beck qu’il y a désormais deux logiques au cœur des mouvements et conflits sociaux : « une logique de répartition de richesse et une logique de répartition des risques qui peuvent faire l’objet de luttes politiques » [Beck, 2001, p. 35]. Et au cœur de la lutte pour la répartition des risques se trouve celle pour l’internalisation des effets externes dans l’échange.
Or, avec le développement matériel et technique et la prolifération du social, la logique de répartition des effets externes devient de plus en plus prégnante. La complexité et la technicité de nos sociétés contemporaines génèrent de nouveaux effets externes qui ne sont pas ou très peu intégrés aux échanges marchands. Dans la société industrielle fordiste, la question sociale centrale était « comment la richesse socialement produite peut-elle être répartie de façon socialement inégale et légitime à la fois » [Beck, 2001, p. 36]. Dans la société contemporaine, c’est l’interrogation suivante qui devient lancinante : « Comment les effets externes socialement produits peuvent-ils être répartis de manière inégale et légitime à la fois ? ». Alors que, dans le modèle fordiste, la répartition des richesses « suffisait » à établir un compromis social sur les effets externes, l’époque contemporaine se caractérise par une aversion toujours plus forte pour de tels effets. La « juste » répartition des richesses ne constitue plus une solution suffisante pour répondre aux attentes des parties prenantes et stabiliser un compromis social sur les effets externes [Rousseau et Zuindeau, 2007]. Dans la « société du risque » qui, pour Beck, caractérise nos sociétés contemporaines, les effets externes générés par la transformation des systèmes de production sont révélés et voués à être internalisés à un taux croissant. L’obtention de compromis sociaux sur les effets externes est sans cesse remise en cause.

2.3 – La grande entreprise capitaliste pointée du doigt

15Nous venons de rappeler deux évolutions fondamentales qui, à notre sens, conduisent à la multiplication des appels en faveur de l’internationalisation des effets externes : le recul du trio institutionnel fordiste et la matérialisation croissante de ces effets dans une société industrielle avancée. Néanmoins, il nous reste à comprendre pourquoi ces appels convergent en particulier vers la grande entreprise capitaliste et non pas vers d’autres acteurs sociaux (États, familles, partis politiques, Églises, collectivités territoriales…).

16Tout d’abord, nous suivons l’argument largement répandu selon lequel les grandes entreprises multinationales ont rarement été aussi puissantes et donc visibles dans l’histoire du capitalisme [Chandler et al., 2005]. Cette puissance des grandes entreprises est à double tranchant puisqu’elle les rend plus visibles et donc sensibles aux critiques que leur adressent les parties prenantes. Étant devenu un acteur majeur et incontournable dans le fonctionnement de nos sociétés démocratiques, les entreprises font logiquement face à une plus grande ouverture et sensibilité à l’opinion publique [Gomez, 2009].

17Mais nous voulons ici pousser plus loin le raisonnement : nous défendons l’idée que le projet contemporain de dévoilement des effets externes porte une contradiction interne qui conduit à la stigmatisation de la grande entreprise. La matérialisation croissante des « dommages collatéraux » générés par le fonctionnement de nos économies rencontre des difficultés grandissantes à relier les effets externes révélés à des causes et des responsables précis [Callon, 2007 ; Callon et al., 2001]. Cette ambiguïté généralisée est principalement à mettre sur le compte du niveau général de complexité de nos économies contemporaines. À cette répartition hyperélaborée des tâches, s’ajoutent la multiplication des expertises concurrentes sur les effets externes, la nature et le nombre de victimes, ce qui engendre quasi mécaniquement un niveau de complexité générale élevé. Aux révélations des victimes qui se multiplient, répond l’absence cruelle de responsables clairement identifiés. La complexité des causes engendre une irresponsabilité générale. On agit physiquement à un endroit spécifique du système sans pouvoir en appréhender les effets sur les chaînes de plus en plus longues d’acteurs qui le composent.

18Dans cette configuration inédite des rapports de production, la désignation de boucs émissaires donne l’illusion de résoudre momentanément ces problèmes complexes. De par leur visibilité sociale, les grandes entreprises se trouvent en première ligne dans l’affectation des responsabilités. Des figures de responsables se cristallisent fréquemment autour de certains scandales. On assiste à des lynchages médiatiques suivis de campagnes de boycott. Les exemples sont nombreux et alimentent l’imaginaire collectif sur le comportement des grandes multinationales : Nike et les sweatshops en Indonésie, Total et le travail forcé en Birmanie, Shell et le démantèlement de sa plate-forme pétrolière Brent-Spar en mer du Nord… La grande entreprise capitaliste devient la cible principale des appels à la prise en charge des effets externes en raison de sa puissance et sa visibilité inédites. La recherche et l’acharnement sur certaines entreprises deviennent le mécanisme de résolution privilégié des effets externes. Dans un contexte où les victimes se multiplient et les responsables sont toujours plus difficiles à identifier, le mécontentement a tendance à se polariser sur certaines entreprises qui, plus exposées et visibles que d’autres, se retrouvent prises dans un processus de stigmatisation.
Fissuration et débordement du barrage fordiste – deux mécanismes profonds sous-tendent l’appel généralisé à la RSE. Nous allons désormais essayer de comprendre comment et dans quelle mesure l’entreprise peut répondre favorablement à cet appel. La volonté clairement affichée des entreprises à assumer, en plus d’une responsabilité économique, une responsabilité sociale peut paraître à bien des égards ambiguë [Chamberlain, 1973 ; Attac, 2003 ; Lordon, 2003]. Car si l’intégration de responsabilités sociales n’avait aucun coût ou même était mécaniquement créatrice de valeur comme le défendent « l’industrie de la RSE » et le concept de « Business Case » [Elkington, 1994], il y a bien longtemps que le sujet paraîtrait éculé et les problèmes, résolus par une entreprise dont la fonction consiste à « simplement » maximiser le profit de ses actionnaires [Friedman, 1962 ; Jensen, 2002]. Les auteurs sont ainsi de plus en plus nombreux à souligner ce paradoxe apparent de la RSE, depuis les tenants du courant critique [Korten, 1997 ; Gray, 2001] jusqu’aux institutionnalistes [Campbell, 2007] et aux sociologues des mouvements sociaux [Davis et al., 2008]. Cette ambiguïté de la RSE est bien résumée par Crouch qui note que, « pour une entreprise la réduction d’une externalité négative ou le développement d’une externalité positive l’obligent à développer des actions qui ont un coût et pour lesquelles elle ne reçoit aucun paiement. Ce point est essentiel dans la notion de RSE : comment une entreprise qui maximise son profit peut-elle s’engager dans des actions de ce genre ? » [Crouch, 2006, p. 1534]. La question est donc bien de comprendre dans quelles conditions une entreprise peut créer de la valeur marchande via la mise en œuvre d’une politique de responsabilité sociale. Le lien entre performances économiques et sociales est un débat ancien dans la communauté scientifique gestionnaire, qui semble encore loin d’être tranché. De nombreux travaux ont ainsi tenté de tester cette relation [Margolis et Walsh, 2003]. D’autres cherchent à identifier les pratiques responsables susceptibles d’améliorer la position concurrentielle d’une entreprise dans son industrie de référence [Elkington, 1994 ; Porter et Kramer, 2006]. Ce faisant, les auteurs ne font que répondre à la position orthodoxe défendue par Milton Friedman pour qui la seule responsabilité sociale de l’entreprise est de développer ses profits en respectant la loi [Friedman, 1962 ; Jensen, 2002]. S’interroger sur les conditions d’un alignement entre performances sociales et économiques permet d’aborder cette problématique sous un autre angle en essayant de mettre au jour les situations dans lesquelles une entreprise peut simultanément parvenir à intégrer ses effets externes et créer de la valeur économique.

2.4 – Entre légitimité et performance, les raisons de l’engagement

19La grande entreprise capitaliste est aujourd’hui devenue une véritable institution, objet de nombreuses attentions et préoccupations publiques et politiques [Coutrot, 2005 ; Scherer et Palazzo, 2008 ; Gomez, 2009]. Elle est par conséquent plus sensible au maintien de sa légitimité qui nécessite une meilleure prise en charge des effets externes [3.1]. Ce projet d’internalisation qui peut s’avérer purement rhétorique s’organise, dans la pratique, autour de deux activités complémentaires : une rationalisation économique des effets externes et la transformation de tels effets en opportunité économique afin de compenser l’inflation de coûts de transaction et/ou d’organisation que leur internalisation génère immanquablement [3.2 et 3.3].

2.5 – Maintien de la légitimité et découplage de la réponse organisationnelle

20La dégradation du bien-être des parties prenantes génère une mobilisation de ces dernières qui s’organisent et remettent directement en cause le « droit à produire » de l’entreprise [Hirschman, 1972]. Remise en cause qui porte à la fois sur l’entreprise mais également sur le système institutionnel, c’est-à-dire l’ensemble de normes, croyances et institutions qui autorisent et légitiment cette organisation particulière. Tant que le trio-institutionnel fordiste conteste et organise l’internalisation des effets externes, l’entreprise n’a pas à se soucier directement des attentes des parties prenantes puisque ces dernières sont relayées par les syndicats, l’État et les juges. Mais dès l’instant où ces institutions sont inopérantes, l’entreprise doit désormais prendre directement en charge les attentes des parties prenantes sous peine de voir son « droit de cité » remis en cause [Laufer, 1996]. C’est ainsi que la prise en charge volontaire des effets externes constitue, dans le contexte postfordiste, la clef de voûte d’un processus de légitimation de l’entreprise qui doit désormais assumer seule et directement la recherche et le maintien de sa légitimité auprès des parties prenantes [Martinet et Reynaud, 2004].

21Comme nous l’avons souligné au point 1.2, les effets externes sont dévoilés à un rythme croissant dans « la société du risque » [Beck, 2001] et les grandes entreprises ne cessent d’être directement interpellées par leurs parties prenantes qui sont de plus en plus organisées et médiatisées [Callon et al., 2001 ; Davis et al., 2005]. Pour ne pas être prises pour cible, et éviter ainsi d’être désignées comme les « boucs émissaires » [7] d’un système économique structurellement défaillant, les entreprises sont fortement incitées à proposer une réponse appropriée sur l’ensemble des enjeux qui les concernent. Depuis quelques années, la majorité d’entre elles ont donc structuré leur communication à destination des parties prenantes, présentant ainsi sous leur meilleur jour un ensemble d’actions censées constituer leur politique de RSE. Cet « exercice de transformisme » n’a pas manqué d’éveiller les soupçons de certains acteurs sociaux [Attac, 2003] et chercheurs [Lordon, 2003 ; Capron et Quairel, 2004] quant aux capacités d’adaptation réelles des entreprises.

22Cette recherche de conformation qui consiste à adopter un cadre de référence commun entre l’entreprise et ses parties prenantes peut être symbolique ou effective car, comme le précise Glynn et Abzub, « la ressemblance des attributs symboliques d’une organisation avec ceux d’autres organisations au sein de son champ organisationnel est parfois suffisante pour créer une image de conformité » [Glynn et Abzug, 2002, cité par Buisson, 2005]. Les entreprises peuvent incorporer dans les discours des pratiques rationalisées et légitimées en externe, sans pour autant que celles-ci ne soient en rapport direct avec des réalités organisationnelles internes [Meyer et Rowan, 1977 ; Brunsson et Adler, 1989 ; Elsbach et Sutton, 1992]. Sous les pressions des parties prenantes qu’ils subissent frontalement, les dirigeants s’engagent en faveur d’une prise en charge des effets externes négatifs et développent une représentation de l’activité de l’entreprise – une « intention stratégique » [Hamel et Prahalad, 1989] –susceptible d’apaiser et de contenir les pressions normatives des parties prenantes [Oliver, 1991] ; « intention stratégique » qui, dans certains cas, ne correspond à aucune réalité organisationnelle. Poussé à l’extrême, ce « découplage » peut engendrer des tensions internes dans la mesure où les règles, pratiques et outils institutionnalisés, bien qu’assurant la légitimité de l’entreprise, entrent souvent en conflit avec la logique d’efficience interne de l’organisation [Weick, 1979 ; Fiss et Zajac, 2006].
Mais la conformation symbolique de l’entreprise n’épuise pas l’ensemble des actions menées au nom de la RSE. Quelles sont alors les conditions d’une véritable transformation des activités productives à la suite d’un effort d’internalisation des effets externes par l’entreprise ?

2.6 – La rationalisation économique des effets externes

23Dans un article qui a eu de nombreuses répercussions dans les milieux économiques, Michael Porter, économiste industriel reconnu pour ses travaux sur l’avantage concurrentiel, affirmait que, selon la théorie néoclassique, toute innovation environnementale rentable était mécaniquement mise en œuvre dans l’entreprise en économie concurrentielle. Porter illustre son raisonnement par la métaphore, bien connue en économie néoclassique, qui consiste à rappeler qu’« il est impossible de trouver un billet de 10 $ sur le sol, car il y a toujours quelqu’un qui l’aura ramassé avant vous » [8] [Porter et Van der Linde, 1995, p. 98]. Autrement dit, si une nouvelle pratique responsable pouvait créer de la valeur, alors l’entreprise l’adopterait naturellement en dehors de toute contrainte institutionnelle. Si la RSE créait automatiquement de la valeur économique, il n’y aurait alors plus aucun effet externe puisque l’entreprise aurait intérêt à les réduire spontanément.
Cependant, si nous reprenons les propos de Porter, le monde réel ne correspond pas à la croyance panglossienne de l’entreprise faisant toujours des choix optimaux [Porter et Van der Linde, 1995, P. 99]. En effet, ceci serait potentiellement plausible dans les conditions iréniques requises par l’équilibre néoclassique d’information pure et parfaite, d’autonomie et de rationalité parfaite des acteurs. La remise en cause de ces trois conditions confère donc aux instruments de calcul un rôle déterminant dans l’évaluation économique des options offertes par la RSE. Si la RSE correspond à des situations de congruence entre création de valeur économique et création de valeur sociétale, encore faut-il que les modalités des calculs économiques existent ou soient construites, ce qui peut susciter l’engagement des entreprises.

2.7 – La transformation des effets externes en opportunité économique

24Nous venons de le voir, une modification des modalités de calcul dans l’entreprise est une première étape pour résoudre les dilemmes posés par la double exigence d’une rentabilité à court terme et de la satisfaction d’un cercle élargi de parties prenantes. Néanmoins, cette proposition peut apparaître comme un chemin de traverse en comparaison des grandes voies du succès économique promues par les défenseurs du business case[9] et des solutions win-win, gagnantes pour l’entreprise et la société [Elkington, 1994, p. 98 ; Laville, 2002]. Il y a déjà fort longtemps que des auteurs ont appelé les entreprises à saisir ces opportunités. Dans ces conditions, comment l’entreprise parvient-elle à concilier création de valeur économique et internalisation des effets externes au-delà du développement d’un nouvel appareillage comptable ?

25Si nous suivons la métaphore néoclassique du billet de 10 $ [Porter et Van der Linde, 1995, p. 98], il serait impossible de trouver cet argent en raison de la maximisation des fonctions de profit dans une économie répondant au paradigme néoclassique. En poussant plus loin l’argument, nous insistons plutôt sur le fait que les critères mêmes de définition de la valeur ne sont pas universellement partagés et que ces derniers sont socialement construits [Callon, 1999]. Nous arguons alors que la question n’est pas de trouver un billet de 10 $ en tant que tel, mais de comprendre qu’un vulgaire papier qui traîne sur le sol peut devenir un billet de banque.

26Dans un article plus récent, Porter discute de la possibilité du Business case et propose le concept de shared value, qui correspond à « un bénéfice pour la société valorisable pour l’entreprise » [Porter et Kramer, 2006, p. 8]. Quelles sont donc les conditions de création d’une valeur partagée entre l’entreprise et ses parties prenantes en cas d’internalisation d’effets externes ? Deux cas idéotypiques peuvent être distingués :

27

  1. Dans la première configuration, les parties prenantes bénéficiaires de l’internalisation des effets externes sont prêtes à payer pour l’amélioration de leur situation. On retrouve là une situation exposée par Coase [Coase, 1960]. Dans un modèle simple pollueur-pollué, il envisage que le pollué puisse compenser économiquement le producteur pour la réduction de la pollution. Les parties prenantes négocient entre elles, et la victime d’un effet externe peut être amenée à payer l’internalisation dans la mesure où cette option est économiquement inférieure à la dégradation du bien-être qu’elle subit.
  2. Dans la seconde configuration, un tiers est prêt à payer le bien-être que l’internalisation d’un effet externe engendre pour autrui. Elle nécessite une différenciation entre les victimes de l’effet externe et ceux qui valorisent leur internalisation, c’est-à-dire l’élaboration d’un modèle explicatif à trois acteurs : un pollueur, un pollué et un tiers non concerné par l’effet externe mais prêt à payer pour son internalisation. Ce cas suppose l’existence chez une partie prenante tierce d’une « bonne volonté » de payer pour l’amélioration du bien-être d’autrui [Lankoski, 2000 ; Rheinhardt, 2005]. Une partie prenante tierce paie pour la réduction de dommages qui ne lui bénéficie pas directement en termes d’amélioration immédiate de son bien-être. Empiriquement, ce cas pourrait sembler à première vue « extraordinaire », au sens propre du terme. Néanmoins, à y regarder de plus près, les exemples sont légion, du commerce équitable au textile en coton biologique. Le consommateur paie généralement un surcoût pour obtenir ces produits sur le marché. Et cette somme bénéficie à des acteurs situés à l’autre extrémité de la chaîne de valeur. La « moralisation » des échanges économiques par l’intermédiaire de la consommation dite « responsable » est donc un des moteurs de cette seconde configuration [Chessel et Cochoy, 2004].
La réalisation du business case repose alors sur un acte véritable de générosité des parties prenantes et leur capacité d’empathie car elles acceptent de valoriser la prise en charge des effets externes. L’engagement des entreprises en matière de responsabilité sociale provient de la volonté de certaines parties prenantes de valoriser économiquement la prise en charge des effets externes soit parce qu’elles sont bénéficiaires de l’internalisation de effets externes, soit parce qu’elles sont prêtes à payer pour le bien-être d’autrui.

3 – Jusqu’où l’entreprise peut-elle être responsable ?

28Enfin, pour éviter un angélisme naïf, nous terminons en soulignant un certain nombre de limites à la réalisation effective de la RSE. Est-il concevable que la création de marchés et donc d’opportunités économiques repose sur la réduction des effets externes que le système a lui-même créés ? Certains exemples pourraient nous inciter à penser ainsi. Notons par exemple l’évolution du nom de l’entreprise BP, de British Petroleum à Beyond Petroleum, qui révèle non seulement une agilité rhétorique mais également stratégique. BP est ainsi devenu en quelques années le premier producteur mondial de cellules photovoltaïques, et il dispose par ailleurs d’une branche d’activités spécialisées dans la dépollution des milieux naturels. L’activité économique se nourrirait ainsi de ses propres effets externes. Le marché, créé à partir de la libre rencontre et de la négociation des parties prenantes concernées, garantirait la progressive internalisation des effets externes. Avons-nous dévoilé ici un principe de fonctionnement du capitalisme avancé ? Cette vision, proche de l’idéal néolibéral, est-elle tenable face à l’accélération de la révélation des effets externes et aux imperfections criantes du marché ?
Il nous semble ainsi important de clore notre argumentation en réfléchissant aux limites du business case, c’est-à-dire la réalisation d’un bénéfice privé par la prise en charge des coûts sociaux et environnementaux que d’autres acteurs économiques ont préalablement laissés à la charge des parties prenantes. Nous distinguons trois types de limites qui nous semblent sérieusement compromettre la dynamique de cadrage des effets externes proposée par le concept de RSE.

3.1 – Les limites techniques liées à la nature des effets externes

29La première limite est directement liée à la nature de l’effet externe concerné. De nombreux auteurs soulignent l’apparition d’« effets externes majeurs » dus, entre autres, à la sophistication des systèmes techniques et à l’interconnexion des systèmes humains [Lagadec, 1981]. Le nombre de victimes et leur répartition, la désorganisation radicale du système économique engendrée par une crise majeure et le caractère généralisé de l’effet externe sont autant de facteurs qui permettent de douter des possibilités de la mise en place d’une solution marchande. Certains effets externes du caractère généralisé peuvent ainsi être qualifiés d’effets externes majeurs ou de « maux publics » dont l’internalisation via les principes de la RSE est impossible. Ces effets externes ont pour caractéristique d’être non exclusifs et non rivaux [Cornes et Standler, 1999]. La non-exclusivité désigne le fait qu’il est impossible d’empêcher une partie prenante de ne pas subir l’effet externe. Le cas des OGM est un exemple emblématique de non-exclusivité : la contagion génétique est un phénomène techniquement impossible à contenir. La non-rivalité signifie que la dégradation du bien-être d’une partie prenante n’atténue pas la dégradation des autres parties prenantes. Toutes les parties prenantes subissent une dégradation identique de leur bien-être quel que soit le nombre de victimes antérieur. Le réchauffement climatique dû à l’émission de gaz à effet de serre est un effet externe non rival typique.

30Face à des effets externes majeurs, aucune transaction marchande ne peut émerger. Il ne peut pas, par principe, exister de demandes solvables puisque toutes les parties prenantes voient simultanément leur bien-être se dégrader. Par ailleurs, les effets externes majeurs posent également la question de l’élasticité entre les dommages subis et le prix fixé de la compensation accordée. Dans le cas d’une forte élasticité, l’atteinte d’un certain seuil de dommages peut rendre le coût de la compensation prohibitif.

3.2 – Les limites économiques de l’organisation des transactions sur les effets externes

31Cette limite en appelle une seconde d’ordre économique. C’est l’organisation même des transactions pour l’internalisation des effets externes qui peut poser problème, sans avoir besoin d’évoquer le cas des effets externes majeurs. En effet, le fonctionnement d’un marché n’est pas gratuit ; il ne se fait pas sans coût de transaction [Coase, 1937] et ces derniers peuvent se révéler rédhibitoires. Les sommes investies dans la recherche d’informations, la réalisation des contrats et le suivi de leurs exécutions peuvent empêcher la stabilisation d’un compromis sur les effets externes. Compte tenu des montants engagés, la demande peut ainsi être tout simplement non solvable ou le marché non organisable.

32Cet argument fait d’ailleurs écho au premier temps de notre argumentation (1). Comme nous l’avons montré, la société post-fordiste se caractérise par l’extrême complexité des systèmes de production. Or, si l’éclatement des « chaînes de valeur » [Porter, 1985] produit des effets externes autrefois contenus par la hiérarchie [Bertrand, 2003], c’est en partie parce que les processus internes de régulation ont été détruits. Entre la matière première initiale et le produit fini, intervient une longue chaîne d’acteurs, reliés faiblement les uns aux autres par une multitude de transactions marchandes. Un effet externe créé en début de processus peut ainsi affecter un acteur à l’autre bout de la chaîne sans que les parties puissent négocier avec l’émetteur, si ce n’est à des coûts de transactions au montant rédhibitoire.

33On voit donc que la création d’un nouveau marché pour compenser de tels effets externes suppose d’aller à l’encontre même du mouvement d’éclatement de la « chaîne de valeur » qui les a créés. Lorsque durant la période fordiste, les processus de production étaient internalisés, les entreprises avaient intérêt à ne pas émettre d’effets externes puisqu’elles les rejetaient en définitive soit sur une de leurs fonctions-supports intégrées soit sur l’une de leurs filiales. Dans un cas comme dans l’autre, le règlement du problème dépendait du périmètre d’action d’une seule et même hiérarchie. Dès lors que les fonctions supports sont externalisées et les sites de production, sous-traités, les logiques à l’œuvre ne sont plus les mêmes… La rationalisation et la valorisation économique des effets externes supposent donc un appareillage du marché qui n’a rien de mécanique et qui, dans une certaine mesure, est en contradiction directe avec la logique économique précisément à l’origine de ces effets. Dans certaines situations, l’éclatement de la chaîne de valeur rend impossible l’émergence d’une solution marchande du fait de l’importance des coûts de transaction.

3.3 – Les limites éthiques d’un traitement marchand des effets externes

34Il nous semble opportun de conclure par les limites éthiques de la marchandisation de la réduction des effets externes. Ce point fait écho aux nombreux débats entourant l’évaluation économique de dommages. Le récent procès de l’Erika a ainsi révélé le développement de toute une comptabilité du vivant, déjà largement mise en œuvre par les compagnies d’assurance. La recherche de compromis et son corollaire, la marchandisation du vivant, afin d’évaluer les montants sur lesquels les parties prenantes vont passer des transactions, ne laissent pas d’interroger. L’évaluation économique est également au cœur des analyses coûts-bénéfices, outils largement utilisés par l’agence américaine de l’environnement (EPA) depuis les années 1970 et l’ensemble des administrations des pays développés. Cette comptabilité parfois macabre n’est pas sans poser des questions. L’internalisation marchande des effets externes suppose ainsi que les « marchés de la vertu » [Vogel, 2006] soient socialement acceptés et opérants.
Enfin, rappelons que bénéfice privé ne signifie pas produit net social positif. Si les conditions techniques et économiques sont réunies pour une internalisation à profit pour l’entreprise, cette dernière peut n’avoir aucun impact sur la somme globale du bien-être de toutes les parties impliquées. Elle correspond alors à une redistribution des dommages subis et donc des responsabilités sans que les victimes voient leur bien-être s’améliorer.

4 – Conclusion

35Nous avons élaboré dans cet article une ébauche d’un cadre conceptuel permettant d’appréhender l’adhésion généralisée contemporaine en faveur de la RSE. Le concept économique d’« effets externes » constitue la colonne vertébrale de notre raisonnement. Nous avons d’abord montré que les entreprises étaient confrontées à un double appel pour une meilleure prise en charge des effets externes : non seulement un appel institutionnel dû à la fissuration du barrage fordiste, mais plus largement un appel sociétal dénotant le débordement du barrage fordiste par la révélation accélérée de nouveaux effets externes. Et ces deux appels convergent aujourd’hui vers la grande entreprise capitaliste. En soulignant les mécanismes de fond qui sous-tendent son émergence, notre raisonnement permet de replacer la RSE dans une perspective historique.

36Dans un second temps, nous avons cherché à comprendre pourquoi les entreprises semblaient adhérer elles aussi à cet appel. Nous avons mis ce comportement sur le compte d’une nécessité de maintenir leur légitimité. Ce besoin d’acceptation sociale peut conduire à un certain découplage entre les activités de communication à destination des parties prenantes et le fonctionnement technique de l’entreprise. Nous nous sommes alors interrogés sur les conditions nécessaires à la transformation profonde des activités productives permettant la diminution des effets externes. Nous avançons que deux types d’actions sont nécessaires : la rationalisation économique des effets externes dans l’entreprise et la valorisation marchande par les parties prenantes de leur prise en charge. Et ce traitement économique est nécessaire quel que soit l’horizon temporel concerné (court ou long terme). D’un point de vue théorique, la promesse de l’appareillage analytique des effets externes semble tenue, car il stabilise une définition de la responsabilité sociale autorisant un travail critique. Le positionnement de l’article qui s’interroge sur les possibilités d’un business case socialement responsable permet de régénérer le débat sur l’existence d’un lien entre la performance économique et la performance sociale. La question n’étant pas de s’interroger sur l’existence de ce lien mais sur les conditions et dispositifs institutionnels qui concourent à l’émergence de transactions marchandes sur les effets externes permettant la création d’une « valeur partagée entre l’entreprise et la société » [Porter et Kramer, 2006].

37Enfin, pour dépasser l’image d’Épinal d’une entreprise capable de créer de la valeur tout en réduisant les coûts sociaux et environnementaux, nous avons proposé un certain nombre de limites au traitement purement marchand des effets externes comme le propose la RSE. Limites imposées par la nature des effets externes eux-mêmes, limites de la coordination marchande autour des effets externes, limites d’une moralisation du marché où les consommateurs seraient prêts à payer pour le bien-être d’autrui. Cette discussion sur les limites révèle indéniablement la portée pratique de l’article. Nous montrons que la mise en œuvre d’une stratégie de responsabilité sociale par les dirigeants de l’entreprise ne va pas de soi car cette dernière n’est pas gratuite et ne peut s’opérationnaliser sans un travail de valorisation. Valorisation qui dépend de nombreux paramètres. Du point de vue des politiques publiques, nous mettons également en évidence la complexité de la solution de cadrage des effets externes proposée par la notion de RSE. Sa mise en œuvre passe par la stabilisation de nouvelles institutions à vocation transnationale qui peinent à trouver leur légitimité et exigent un véritable apprentissage.
Au final, il apparaît que la solution proposée dans le cadre de la RSE possède sans aucun doute une certaine élégance et un attrait indéniable pour le savant ou le politique en quête de solution innovante pour résoudre la question récurrente des effets externes. Il n’en demeure pas moins que dans la réalité cette dynamique de cadrage des effets externes est loin d’être opérationnelle.

Notes

  • [1]
    Institut français de gouvernement des entreprises.
  • [2]
    Conventionnellement définis comme « les activités d’un [ou plusieurs] agent[s] économique[s] ayant des conséquences sur le bien-être (au sens large) d’autres agents, sans qu’il y ait des échanges ou des transactions entre eux » [Guerrien, 2002, p. 212].
  • [3]
    Nous suivons en cela Postel et al., lorsqu’ils affirment que « le caractère systématique de l’absence d’internalisation des pollutions d’origine industrielle concourt à la réalisation d’une quasi-rente facilitant l’activité des entreprises » [Postel et al., 2006].
  • [4]
    L’action du trio institutionnel fordiste a pris, d’un pays à un autre, des expressions très différentes qui se structurent autour d’une implication plus ou moins importante de l’État dans la régulation. Chaque pays a ainsi trouvé et stabilisé, en fonction de son histoire et de ses sensibilités politiques, des institutions qui assuraient des compromis sociaux sur les effets externes à l’extérieur de l’entreprise. Le cas français est représentatif d’une importante implication de l’État dans la stabilisation de ces compromis.
  • [5]
    Pour une présentation détaillée et documentée de cette double transformation dans l’industrie de l’automobile voir Boyer et Freyssenet [1999a et b].
  • [6]
    Avec parfois brutalité et esprit partisan comme l’a souligné Coase dans sa critique de la doctrine pigouvienne des effets externes [Coase, 1960 ; Bertrand, 2003].
  • [7]
    Au sens girardien du terme [Girard, 1978].
  • [8]
    « $10 bills will never be found on the ground because someone would have already picked them up ». Notre traduction.
  • [9]
    L’expression business case s’est imposée récemment dans le vocabulaire de la gestion. Elle désigne une proposition structurée qui marque un changement justifié en termes de coûts et de bénéfices dans la conduite des affaires.
Français

Résumé

Cet article a pour objectif de mieux cerner les fondements institutionnels et organisationnels de la Responsabilité sociale de l’entreprise [RSE]. Nous cherchons dans un premier temps à comprendre les origines de l’appel généralisé en faveur de la RSE qui marque l’époque contemporaine. Nous distinguons un appel institutionnel symptomatique du déficit de régulation de l’ancien modèle fordiste et, plus largement, un appel sociétal, dû à une accélération du dévoilement des effets externes négatifs. Nous essayons ensuite de comprendre pourquoi les entreprises adhèrent massivement à ce projet de responsabilisation et décrivons les conditions qui autorisent l’opérationnalisation d’un tel projet. Nous dressons, pour terminer, l’inventaire des limites que nous semble poser le projet de régulation proposé par la RSE.

Mots-clés

  • RSE
  • effets externes négatifs
  • création de valeur
  • développement durable
  • compromis fordiste
  • business case

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Thibault Daudigeos
Grenoble École de management, IFGE [1]
thibault.daudigeos@grenoble-em.com
  • [1]
    Institut français de gouvernement des entreprises.
Bertrand Valiorgue
ESC Clermont-Ferrand, IFGE
bertrand.valiorgue@gmail.com
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2010
https://doi.org/10.3917/rfse.006.0065
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