CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Lors de l’édition 2008 de la conférence Urban Week organisée par la Banque mondiale, le maire de la ville de New York, Michael Bloomberg, lança cette phrase : « Dieu a notre confiance éternelle, nous autres devons rapporter des statistiques » [1]. Cet appel du premier magistrat de l’une des plus grandes villes de la planète à investir le chantier des statistiques, tout comme son adresse faite à l’une des principales institutions internationales, éclairent la profondeur des mutations qui s’opèrent avec la fin de la domination exclusive par les nations de la géopolitique mondiale. Aujourd’hui, ce sont les manageurs des villes – élus ou techniciens – qui nourrissent l’ambition d’incarner l’avant-garde du progrès économique et social et rêvent d’un pilotage rationnel de l’action publique par les chiffres. Pendant longtemps en effet, les statistiques ont été l’apanage des échelons nationaux de gouvernement [Beaud et Prévost, 2000 ; Desrosières, 1993 ; Dorling et Simpson ; 1999 ; Patriarca, 1996], même si nombre d’entreprises locales, publiques ou privées, ont été conduites pour mobiliser la quantification des phénomènes dans le gouvernement des territoires [Bardet, 2000 ; Barles, 1999 ; Mespoulet, 1999]. Majoritairement, les échelons locaux de gouvernement faisaient plutôt l’objet de régulations d’un autre type, notamment en lien avec les formes plus traditionnelles de domination des territoires, les statistiques ayant du mal à s’imposer comme de véritables outils de gestion des politiques urbaines [Bardet et Jouve, 1999]. Mais le succès de la critique néo-libérale des bureaucraties d’État a suscité partout d’importants transferts de compétences aux villes, qui ont bouleversé le métier des gestionnaires des villes. Les maires réclament aujourd’hui plus de statistiques parce que les modes de gestion et les modes de légitimation des politiques locales ont changé.

2La force symbolique de la déclaration du maire de New York provient en second lieu de ce qu’il adresse alors son appel en faveur de plus de statistiques pour sa ville à la Banque mondiale, organisateur de la manifestation. Or, comme toutes les grandes institutions internationales, elle est missionnée pour défendre d’abord les intérêts des nations engagées dans sa gouvernance. Quel intérêt aurait donc la Banque mondiale à produire des statistiques pour une ville qui ne fait pas partie de ses financeurs ? La réponse ouvre justement sur l’une des problématiques abordées dans ce papier. Car la critique néo-libérale des bureaucraties d’État, qui a contribué à faire émerger les acteurs locaux dans la géopolitique mondiale, a été largement portée par les institutions internationales. Les économistes spécialistes des programmes de développement ont d’ailleurs baptisé « Washington consensus » le tournant néo-libéral simultané, au début des années 1980, des politiques de deux des principales institutions internationales, le FMI et la Banque mondiale, ainsi que de l’administration fédérale américaine, toutes trois installées à Washington [Stiglitz, 2002]. Dans cette perspective, il devenait logique que la Banque mondiale organisât l’adaptation des outils de pilotage de ses politiques de développement, en direction notamment des acteurs locaux présentés comme les nouveaux partenaires susceptibles de mieux gérer les fonds internationaux. C’est ainsi que la Banque mondiale s’engagea dans diverses initiatives visant à promouvoir le développement de statistiques concernant les villes. Parmi elles, le Programme d’indicateurs pour les villes du monde, le Global City Indicators Program (GCIP) fait l’objet de cet article.

3Pour comprendre les enjeux et les formes du projet d’indicateurs des villes du monde, il sera utile de revenir d’abord sur les évolutions qui se produisent au sein de la Banque mondiale, à l’occasion de la montée en puissance des acteurs locaux, urbains en particulier, dans la géopolitique mondiale. En même temps que l’intérêt porté aux villes s’accroît, le rôle qui leur est accordé dans le développement grandit. Ce phénomène s’observe notamment dans les théories du développement économique auxquelles les agents de la Banque portent la plus grande attention. En écho à ces nouveaux enjeux, les responsables de la Banque mondiale établissent ainsi, au début des années 2000, une stratégie urbaine chargée d’encadrer de nouvelles interventions sur les territoires urbains. L’initiative rencontre de larges oppositions à l’intérieur même de la Banque mondiale où l’idée demeure très répandue que les villes constituent des territoires d’accumulation de la richesse. Une contradiction, née des contrastes qui caractérisent le phénomène urbain, que résume bien l’interpellation de la Banque par le maire de New York.
Dans ce contexte politiquement et scientifiquement contraint émerge en 2006 le programme d’indicateurs pour les Villes du Monde. Rompant avec le chantier du rassemblement de statistiques existantes, le programme vise à en produire de nouvelles, en mobilisant ces fameuses villes qui semblent porteuses d’une dynamique d’avenir. La stratégie imaginée pour convaincre les villes de s’associer à l’initiative s’inscrit explicitement, ainsi qu’en témoignent les documents « ressources » installés sur le site qui lui est dédié [2], dans la perspective contemporaine du développement des pratiques de benchmarking qui connaissent un succès universel. Conformément à l’origine de ce concept issu des théories managériales qui consiste à introduire les phénomènes de compétition à l’intérieur même des organisations [Bruno, 2008], le Programme des indicateurs pour les villes du monde (GCIP) affiche très clairement son intention de permettre, en dernière instance, une comparaison des villes du monde [3].
L’observation de cette initiative portée par la Banque mondiale est l’occasion de s’interroger sur les enjeux ou incidences de la généralisation des principes de benchmarking sur les outils de quantification et leurs usages. En l’occurrence, il s’agit de savoir si les difficultés rencontrées pour extraire des données urbaines des bases statistiques existantes suffisent véritablement pour expliquer la genèse du projet GCIP. À l’inverse, il est intéressant d’émettre l’hypothèse que le choix de cet outil est également, et sans doute plus fondamentalement, lié à une nouvelle manière de mesurer les phénomènes. Le GCIP pourrait faire partie d’une nouvelle génération d’outils de quantification dont le but serait moins la mesure de phénomènes sur la base d’un référentiel métrologique prédéterminé, que la mesure de phénomènes similaires à travers leur comparaison [4]. Moins que la compréhension des phénomènes, c’est leur comparaison qui prévaudrait aujourd’hui à tous les échelons de gouvernement, dans l’espoir de rapatrier les « bonnes pratiques ».

1 – Les institutions internationales face à la représentation statistique du phénomène urbain

4Pendant des décennies, les villes ont fait l’objet de strictes politiques de limitation de leurs pouvoirs par les États-nations qui avaient dû, dans le lointain passé, s’imposer face à elles. Dans l’ordre international qui se construit au cours du xxe siècle, c’est sans surprise que les villes sont absentes de la gouvernance des institutions qui sont imaginées. Sans représentation politique dans l’ordre international, les villes ne font pas non plus l’objet d’une représentation statistique dans les bases de données internationales. Les deux phénomènes sont évidemment liés, la représentation statistique contribuant à « faire tenir » les phénomènes qu’elle observe [Desrosières, 1993]. L’absence de données urbaines des statistiques des institutions internationales permet de focaliser les regards sur les découpages nationaux.

5Avec le « retour des villes » dans la géopolitique mondiale [Brenner et Theodore, 2002 ; Le Galès, 2003], les outils statistiques des institutions internationales étaient promis à une évolution rapide. D’autant que les institutions internationales ne furent pas pour rien dans ce retour. Il s’agit de s’intéresser à la manière dont la gouvernance et les services de la Banque mondiale négocièrent ce tournant, en particulier en lien avec le succès nouveau de la problématique urbaine dans l’économie du développement qui constitue un des creusets théoriques des actions que la Banque conduit.

1.1 – La demande nouvelle des villes aux institutions internationales

6Dès les années 1990, les travaux de sociologie politique ont convergé pour décrire la montée en puissance de l’acteur urbain à l’intérieur même des systèmes politiques nationaux [Jouve et Lefèvre, 1999], mais également à l’échelon international de la régulation [Savitch et Kantor, 2002]. La somme des travaux qui a été conduite depuis lors sur l’échelon urbain de gouvernement offre un témoignage académique du succès de cette analyse [Kantor et Judd, 2009].

7Le succès de ce phénomène ne connaît pas véritablement de frontières. À peu près partout dans le monde, les villes gagnent en indépendance par rapport aux États, du fait des transferts de compétences, en matière fiscale notamment [Le Lidec, 2007 ; Le Lidec et Montricher, 2004]. Le phénomène a semblé récemment continuer à prendre de l’ampleur, dans le cadre notamment de l’inscription à l’agenda des gouvernements de la réorientation des économies imposée par l’urgence écologique. Un certain nombre de villes, concernées il est vrai au premier chef par les questions de pollution, a cherché à prendre les devants sur des politiques nationales parfois frileuses, prenant leurs propres initiatives à l’échelle internationale. Ainsi aux États-Unis où le refus du gouvernement fédéral de ratifier le protocole de Kyoto constitue un sujet de controverse mondial, ce sont aujourd’hui près de mille agglomérations représentant plus de 64 millions d’habitants qui ont adopté une charte pour promouvoir une réorientation des politiques publiques conforme aux objectifs assignés à Kyoto [5]. À la Banque mondiale, l’occasion est prise très au sérieux par la gouvernance, qui a rattaché l’unité urbaine au Réseau du développement durable, mais aussi par les promoteurs de l’urbain eux-mêmes qui trouvent en cette thématique l’occasion de valoriser les partenaires urbains de projets de développement [6].
Dans ce contexte nouveau, les manageurs locaux ressentent le besoin de disposer de nouvelles données pour préparer ou légitimer leurs actions. Et, à l’image de l’interpellation de la Banque mondiale formulée par le maire de New York, les attentes s’expriment volontiers en direction des institutions internationales. Ces dernières sont en effet réputées avoir joué un rôle spécifique dans le succès de la critique néo-libérale des bureaucraties nationales, à l’origine notamment du transfert d’un certain nombre des prérogatives de ces États vers les collectivités locales, les villes en particulier [Osmont, 1995].

1.2 – Les nouvelles théories du développement

8Le besoin d’évolution des outils statistiques de la Banque mondiale est loin de faire seulement l’objet d’expressions extérieures à la Banque. Le renouvellement ces dernières années des perspectives de la recherche économique sur les ressorts du développement et la réintroduction de variables liées à ses aspects territoriaux les plus localisés, urbains en particulier, ont largement contribué à alimenter les réflexions à l’intérieur de la Banque mondiale.

9Les économistes du développement ont longtemps négligé la dimension spatiale du développement [Prudhomme, 2007]. Il était très régulièrement soutenu en particulier que des formes de développement pouvaient se produire sans croissance parallèle de la taille des villes. Le cas de l’Afrique était souvent mis en avant comme exemple d’une telle configuration. De nouvelles recherches menées au début des années 2000 relancent l’hypothèse d’une forte corrélation entre les phénomènes de croissance économique et d’urbanisation [Freire et Polese, 2003]. Une part importante d’entre elles sont conduites par des experts très liés aux institutions internationales comme la Banque mondiale [Kessides, 2004 ; Tannerfeldt et Ljung, 2006], ou bilatérales comme l’Agence française de développement (2004a).

10Rapidement, cette nouvelle orientation de la science économique a débouché sur le lancement de nouvelles initiatives sur la scène internationale auxquelles les dirigeants des institutions internationales prêtent une grande attention comme la fondation en 2004 du réseau de villes Cités et gouvernements locaux unis (CGLU) [7]. Les années qui suivent sont d’ailleurs l’occasion d’une inflexion de la doctrine des institutions internationales en matière de développement. En 2008, c’est d’abord la Commission sur la croissance et le développement, lancée en avril 2006 sous l’impulsion notamment de la Banque mondiale, qui publie son rapport final. Le document élaboré par un groupe d’économistes met en exergue que, dans tous les pays ayant connu une « forte croissance » (supérieure à 7 %) pendant au moins 25 années depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la croissance vient des secteurs secondaire et tertiaire, c’est-à-dire, en première approximation, des villes [8]. Mais le véritable tournant intervient l’année suivante, avec la publication du rapport annuel de la Banque mondiale. Pour la première fois dans l’histoire trentenaire des rapports annuels de la Banque, l’urbanisation est présentée comme un moteur indispensable du développement [9]. Alors que la croissance des villes avait jusque-là été jugée trop rapide dans les régions pauvres du globe, le texte organise un véritable changement de paradigme en appelant à une densification des agglomérations.

11Parallèlement à ces réflexions, les représentations nouvelles du phénomène urbain offertes par l’imagerie aérienne et satellitaire et les systèmes d’information géographiques suggèrent que l’ampleur de ce phénomène dans les pays aux économies les moins avancées est sous-estimée par les comptages traditionnels des populations, essentiellement les recensements. Dans son rapport annuel 2009, la Banque mondiale propose ainsi une représentation inédite du phénomène urbain, assise sur les images satellites et sur une nouvelle définition fonctionnelle de la ville. Ont été comptées comme appartenant à la ville les habitations qui se situent à moins d’une heure de l’agglomération la plus proche et à condition qu’elles appartiennent à une zone d’une densité d’au moins 150 habitants/km2. L’Afrique, par exemple, apparaît nettement moins urbanisée que ce que l’on croyait (25 % au lieu de 33 %), alors que l’Asie du Sud l’est plus (42 % au lieu de 27 %) [10]. Ce qui a eu pour conséquence immédiate de remettre en cause l’idée largement répandue que l’Afrique s’urbaniserait sans croissance. Les informations convergent donc pour réévaluer le rôle du phénomène urbain dans les mécanismes de croissance économique.
Ces nouvelles hypothèses formulées par la science sur les ressorts du développement produisent, au sein des institutions internationales, un écho très fort à la demande pour plus de statistiques urbaines, formulée par les gestionnaires des politiques locales. Pour nombre de responsables de ces institutions, souvent formés à la science économique, une telle évolution académique constitue une invitation au changement plus forte que celle produite par les pressions exercées par les gestionnaires locaux. Pourtant, les obstacles au changement, internes aux institutions internationales, demeurent très importants, comme l’exemple de la Banque mondiale le suggère.

1.3 – La difficile légitimation de l’urbain au sein de la Banque mondiale

12L’octroi, par la Banque mondiale, de prêts à l’aménagement urbain n’a débuté qu’au début des années 1970, près de trente années après ses premiers prêts. Depuis cette période, la part de ce secteur d’activité de la banque est restée modeste, fluctuant selon les années autour de 5 % du montant total des prêts accordés. Cette modestie témoigne de la permanence de l’influence d’anciens paradigmes de la théorie économique au sein de la Banque selon lesquels les villes demeurent des territoires d’accumulation du capital et ne constituent pas, à l’inverse des campagnes, des territoires privilégiés pour le développement de programmes d’action en faveur de la réduction de la pauvreté dans le monde.

13Au début des années 2000, devant la montée en puissance des acteurs locaux, la Banque mondiale a défini une nouvelle stratégie urbaine qui visait à encadrer les nouvelles actions qui pouvaient être imaginées dans le contexte d’émergence des acteurs locaux. [11] Mais cette stratégie était loin de signaler un renversement de l’orientation traditionnelle de la Banque en direction des espaces ruraux. Cette initiative intervenait en effet à peine un an après que sa gouvernance eut décidé de renoncer à mener directement la lutte contre la pauvreté dans les ghettos urbains. Elle avait alors opté pour la simple participation à la création d’une association pour mener ce combat, Cities Alliance, regroupant des villes, des États, et des institutions internationales. Cette manière d’externaliser le combat de la pauvreté dans les villes, même si la Banque acceptait d’abriter les services de cette nouvelle organisation dans ses locaux de Washington, traduisait la réticence préservée de la Banque à intervenir dans les villes.

14De sorte que les services de la Banque mondiale en charge du secteur de l’urbain sont restés, au fil des années, de taille modeste au regard de l’ensemble de l’organisme. L’unité du développement urbain – nommée Urban Anchor – regroupe aujourd’hui une quinzaine de personnes dont une dizaine seulement de cadres dits « spécialistes » selon la terminologie consacrée au sein de la Banque [Kéou, 2009]. Des effectifs qui, rapportés aux quelque 5 000 agents qui travaillent au siège à Washington, confirment la place relative accordée aux problématiques urbaines dans l’organisation. Par ailleurs, l’organigramme général de la Banque mondiale ne comporte aujourd’hui ni vice-présidence, ni direction opérationnelle dédiée à l’action urbaine. L’unité du développement urbain constitue l’une des composantes du département Finances, Économie et Développement urbain, aujourd’hui rattaché au « Réseau du développement durable » dont le pilotage est assuré par un vice-président de la Banque [12].

15Occupant depuis des années une place modeste dans l’organisation de la Banque mondiale, le secteur de l’urbain continue de faire l’objet de débats réguliers qui démontrent sa légitimité toujours incertaine. Ainsi les agents de l’unité du développement urbain insistent pour décoder les discussions qui se sont déroulées en haut lieu au sein de la Banque pour choisir un titre à l’édition 2009 du rapport d’activité de l’organisme. Alors que l’édition 2008 s’intitulait « Agriculture et développement », il avait été un temps envisagé de retenir l’intitulé complémentaire « urbanisation et développement » pour l’édition suivante. La proposition est finalement apparue provocatrice à la gouvernance de la Banque. Ce qui offre un éclairage inattendu sur ce que les agents de l’unité urbaine vivent comme un « biais anti-urbain » de leur organisation. Le rapport d’activité 2009 s’intitule finalement Reshaping economic geography, offrant une perspective sur les transformations de fond qui sont décrites dans le rapport, sans toutefois désigner la ville comme le lieu nouveau de la réflexion [13].

16Dans la même logique, l’édition 2010 du rapport sur le développement, consacré à la thématique du changement climatique, aurait bien pu ne pas comporter de chapitre spécifiquement consacré aux villes. Une fois encore, la thématique urbaine n’a été intégrée à la publication qu’à la suite d’une importante activité diplomatique menée par la responsable de l’unité du développement urbain de la Banque. Dans les premières esquisses du rapport, il avait bien été prévu un chapitre consacré l’agriculture. Rien en revanche sur les espaces urbains qui représentent pourtant plus de la moitié des rejets de gaz à effet de serre.

17La résistance à une plus grande prise en compte de l’importance du phénomène urbain est en partie passée par la lutte contre les initiatives prises dans le sens de sa représentation. Ainsi l’entreprise de quantification du phénomène urbain a souvent été l’occasion de détournements offrant des représentations effrayantes de la mégalopole. L’exemple des prévisions démographiques de l’ONU est assez éloquent. Les projections de la population urbaine des villes du Sud, réalisées en 1973 pour 2000, se sont presque toujours avérées surestimées, le tout alimentant une représentation collective très négative de l’urbanisation du Sud [Helluin, 2009].
Survivance d’un tropisme étatique mondialisé, la rhétorique sur le caractère inquiétant, voire monstrueux, du phénomène urbain reste répandue dans les couloirs, à défaut des enceintes officielles, des institutions internationales. Cette orientation des institutions internationales n’est pas surprenante dans la mesure où l’essentiel de leurs agents sont des élites nationales formées à des schémas de pensée et de gouvernement largement insérés dans des cadres nationaux, mais également dans la mesure où ces agents représentent leurs intérêts nationaux dans ces institutions [Pellet et Ruzié, 1993 ; Ranshofen-Wertheimer, 1945].
Et le cas de la Banque mondiale est loin d’être isolé. De nombreuses institutions internationales ou agences d’aide au développement n’ont d’ailleurs jamais créé d’unité spécifique dédiée à la question urbaine comme dans le cas de l’OMS ou de la Banque africaine de développement. De manière plus emblématique encore, l’Organisation des Nations unies a développé au fil des ans un programme appelé Habitat (« Human Settlements »), une notion très large qui devait permettre à l’origine de ne pas restreindre a priori des politiques de l’habitat aux territoires urbains. Il demeure que la réalité de ces politiques est évidemment très largement urbaine, ce que la dénomination retenue ne traduit d’aucune manière.

2 – Le chantier de la comparaison internationale des villes

18Dès 2000, le rapport de la Banque mondiale consacré à la mise en place d’une nouvelle stratégie urbaine dressait le constat d’un manque chronique d’indicateurs quantitatifs concernant les villes, qui empêchait ses propres services d’études et d’analyse de préparer les investissements futurs nécessaires au développement de la croissance sur ces territoires. Il était alors suggéré que les services de la Banque pourraient s’engager dans le chantier de la représentation scientifique du phénomène urbain pour dynamiser ses politiques de développement économique.

19

« La Banque peut aider à élaborer et à diffuser des outils analytiques à l’appui [du développement économique local], par exemple des évaluations de la réglementation urbaine et des indicateurs de performance urbaine axés sur des mesures spécifiques. » [14]

20Mais la production de données urbaines à l’échelle internationale, suggérée dans cette évocation de « mesures spécifiques », est évidemment très onéreuse. Et la situation structurelle de la Banque mondiale, rappelée précédemment – identique d’ailleurs à celle de nombreuses autres institutions internationales – n’est pas propice à l’engagement d’importants programmes d’enquêtes, le décompte de populations sur un territoire constituant une entreprise d’une grande complexité, souvent sous-estimée [Anderson et Fienberg, 1999]. Pourtant, le besoin de données concernant les villes devient sans cesse plus urgent, en particulier pour les institutions internationales qui développent alors des prêts au développement directement accordés aux acteurs locaux, en se passant de plus en plus régulièrement de la garantie préalable de l’État concerné.

21C’est dans ce contexte que plusieurs institutions internationales vont s’engager, à peu près à la même période, dans des tentatives de rassemblement, à l’échelle mondiale, de données existantes sur l’échelon urbain. D’emblée la tâche apparaît moins gigantesque que celle de la production même de données. Son financement serait donc a priori moins coûteux. Rapidement pourtant, les chantiers se confrontent aux difficultés traditionnelles de la fabrication d’une statistique internationale, doublées par le manque récurrent de données concernant les villes – alors que celles concernant les États abondent. Il sera intéressant de souligner ensuite le caractère spécifique de nombre de ces opérations de rassemblement de données concernant les villes qui s’engagent au tournant du siècle, et qui toutes aboutissent à la production d’un classement des villes. Elles se rapprochent en cela d’entreprises engagées à la même période par de puissants groupes privés qui publient des palmarès de villes, sur des thématiques spécifiques pour lesquelles ils financent de lourdes enquêtes, parfois annuellement. On pourra notamment s’interroger sur le lien entre une telle orientation et les discours sur la concurrence des territoires urbains, discours en vogue au cours des dernières années et dont on peinait parfois à saisir les éléments concrets de compétition auxquels ils renvoyaient. Un tel contexte éclaire finalement l’émergence, au sein de la Banque mondiale, du projet de GCIP qui fait appel à ce qui serait la nouvelle volonté des villes de se comparer pour obtenir d’elles la coopération susceptible de contourner les problèmes inhérents à la constitution de bases de données internationales sur les villes.

2.1 – La multiplication des projets de base internationale de données sur les villes

22Signe que les besoins en indicateurs concernant les villes sont sans cesse plus nombreux, les enquêtes internationales se sont développées au cours des dernières années, dans divers secteurs de politiques publiques. Sans ambition d’exhaustivité naturellement, mais pour faire écho à cette diversité, on peut citer quelques-unes d’entre elles qui ont, dans leur domaine, connu un succès incontestable. C’est ainsi le cas de l’enquête confiée par l’Union internationale des transports publics au professeur Kenworhty de l’université de Murdoch en Australie, publiée en 2001 sous le titre Millenium City Database. L’enquête est énorme puisqu’elle envisage 175 indicateurs renseignés sur les quelque cent plus grosses villes du monde. Plus récemment, l’OCDE a publié en 2006 une étude sur le PIB de soixante-dix-huit aires métropolitaines. La même année, la Banque mondiale publie le résultat d’une importante enquête sur les mécanismes d’expansion urbaine, appelée Urban growth management initiative, dont la réalisation avait été confiée à trois universitaires et avait porté sur un échantillon jugé représentatif de 120 villes du monde [15]. Mais ces études coûtent cher et présentent l’inconvénient de ne pas offrir de perspective d’évolution des phénomènes, n’étant souvent pas renouvelées.

23Dans un contexte où le besoin en données statistiques concernant les villes devient de plus en plus urgent, les initiatives se multiplient alors pour rassembler des données issues de bases existantes. L’initiative de l’observatoire urbain mondial des Nations unies / Habitat, de quelques années antérieure, est considérée comme la première initiative, au sein des institutions internationales, pour collecter, de manière régulière, des données sur les villes. Lancée en 1996 à l’occasion du sommet Habitat organisé à Istanbul, l’observatoire a constitué depuis trois fichiers de données qui portent sur les années 1993, 1998 et 2003. Pionnière, l’entreprise souffre du faible nombre de villes considérées et du grand nombre de données non renseignées. Si ces données alimentent depuis lors les rapports de l’ONU, elles n’ont pas répondu à l’ensemble des demandes toujours plus nombreuses pour disposer d’indicateurs concernant les villes.
Au début des années 2000, les opérations de collecte des bases de données existantes vont soudain se multiplier. L’ancien réseau de villes ICLEI [16], aujourd’hui rebaptisé « Local Governments for Sustainability », s’investit dans le chantier des indicateurs urbains en engageant un projet de comparaison des émissions de gaz à effet de serre par les villes, même s’il dispose encore de services d’études modestes. Mais aujourd’hui l’entreprise la plus avancée paraît être celle lancée en 2003 par l’Union européenne sous le nom Urban Audit et dont la seconde enquête réalisée au cours des années 2006 et 2007 a concerné 321 villes de l’Union européenne, auxquelles ont été ajoutées 36 villes placées sur les territoires de la Norvège, de la Suisse et de la Turquie [17].

2.1.1 – L’absence de données fiables sur les villes

24Quels que soient les projets, les mêmes problèmes semblent se poser, qui limitent leur développement. En premier lieu, le projet d’une comparaison des villes du monde se heurte aux traditionnels problèmes de la statistique internationale. L’entreprise de construction d’une statistique internationale, dont l’histoire est maintenant ancienne [Armatte, 1991], a depuis longtemps offert différents outils d’action publique tant nationale qu’internationale dont la conception a fait l’objet d’analyses sociologiques approfondies [Cussó, 2001 ; Desrosières, 2005]. L’un des principaux problèmes posés par la construction de tels outils a été très tôt repéré comme lié à la dénomination et la classification des objets quantifiés [Bowker et Star, 1997]. Il en va ainsi dans le cas de la représentation statistique de l’objet « ville » dont la définition varie considérablement en fonction des pays.

25Les incertitudes liées au dessin du contour des villes deviennent plus importantes encore lorsqu’on envisage qu’il existe, avant même toute tentative de définition statistique de la ville fonctionnelle, une définition politique et administrative de chaque ville. Or, les réalités administratives des villes sont souvent très diverses, y compris à l’intérieur d’un même pays (on peut songer aux agglomérations lyonnaise et marseillaise dans le cas français). Cet aspect politique complique d’autant l’exercice qui consisterait à convenir d’un dispositif concret qui permettrait de tracer le contour des villes. En France, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a proposé une définition scientifique du phénomène urbain avec la notion d’aire urbaine. La définition de l’aire urbaine repose, entre autre, sur un critère de 40 % de navettes domicile-travail de la commune vers le reste de l’aire urbaine [Reynard, 1995]. Scientifiquement définie, cette notion est néanmoins propre à la France.

26Dans cette même perspective, les institutions internationales ne parviennent pas à faire émerger de consensus pour définir des seuils de population ou de densité. Contraintes de mobiliser les contours administratifs, seuls territoires sur lesquels les instituts nationaux de statistique disposent éventuellement de données, elles parviennent difficilement à faire correspondre les répertoires. La Banque mondiale par exemple n’a établi que très récemment une liste des villes du monde, avec des orthographes définies, permettant aujourd’hui une première opération de codage [18]. Ainsi par exemple les publications de l’ONU concernant l’urbanisation du monde, à l’instar de l’édition 2008 qui annonça que la planète était devenue urbaine à plus de 50 %, préviennent-elles systématiquement qu’il est très délicat de comparer les données entre pays.

27Au-delà du problème scientifique et méthodologique, le caractère disparate de l’objet « ville » renvoie également à des enjeux très politiques qui rendent délicate l’intervention des institutions internationales pour obtenir de leurs financeurs, les États, une standardisation des données. Au mieux, une telle adaptation représente une charge supplémentaire pour les offices statistiques nationaux, sans que la plus-value apparaisse clairement. Dans d’autres cas, la fourniture de données urbaines contribue à faire exister des villes qui constituent potentiellement des entités politiques concurrentes. L’histoire de la rivalité entre les élites nationales et les élites urbaines est ancienne. Une histoire qui fait écho au demeurant à cette réticence déjà évoquée des administrateurs de la Banque mondiale face à la prise en compte du phénomène urbain. Les rivalités qui demeurent entre les élites nationales et urbaines, lorsqu’elles ne constituent pas de réels conflits politiques, rendent le chantier du rassemblement de données urbaines plus difficile encore.

28Faut-il incriminer l’obstacle méthodologique, ou bien la mise sous tutelle historique des villes par les nations ? Le résultat est là en tout cas. Les données statistiques sont très peu disponibles. À l’heure de la société de l’information où toutes sortes de données sont accessibles sur la toile, très peu concernent ces villes qui accueilleraient la moitié de l’Humanité… S’il est possible de trouver aujourd’hui sur le web des bases de données de centaines d’indicateurs pour comparer des pays, comme celle de la Banque mondiale, le World Development Indicators (WDI), aucune institution internationale ne fournit l’équivalent urbain.
Toutes les institutions internationales sont confrontées au même problème, ce dont témoignent les publications qui tentent d’aborder le phénomène urbain. Les publications de ces institutions, consacrées aux villes se passent, à peu près toujours, de données à l’échelle des villes ! Aucune donnée dans le rapport de la Banque mondiale de 2000 déjà mentionné qui inaugurait une nouvelle stratégie urbaine [19]. De même dans le rapport publié en 2006 par l’Alliance des Villes [20]. Dans ces documents, les données sur l’urbanisation sont fournies pour le territoire national. Ce qui empêche naturellement toute observation des situations de développement entre les différentes villes d’un même pays.

2.1.2 – Le succès de bases de données artisanales

29Dans ce contexte, et de manière qui aurait pu paraître surprenante de prime abord, les institutions internationales ont mobilisé dans leurs entreprises de rassemblement de données, des bases de données artisanales mises en ligne à la faveur de la révolution internet de la fin des années 1990. L’une des premières bases de données constituée, dénommée World Gazetteer, a été mise en ligne dès 1998, par un mystérieux citoyen allemand « intéressé par la géographie et le dénombrement des populations » [21], mais qu’aucun titre académique ne vient légitimer. Très peu d’informations sont disponibles sur le site de cette organisation familiale. Une énigmatique liste de correspondants est excipée qui n’offre pas de réels éléments de légitimation scientifique ou professionnelle. Seuls les financeurs sont connus, constitués d’importantes entreprises de la nouvelle économie. Ce site constitue la base de données la plus vaste en termes de nombre de villes et villages répertoriés, supérieur à 300 000. La définition de la ville semble le plus souvent être la définition de la gestion administrative et politique, mais aucune information n’est donnée sur la méthodologie retenue.

30Plusieurs sites vont ainsi voir le jour au cours des années suivantes, disposant toujours des mêmes caractéristiques problématiques en termes de crédibilité scientifique et qui pourtant vont s’imposer comme références. On peut évoquer rapidement la mise en ligne l’année suivante de la base Populstat, par un bibliothécaire de l’université d’Utrecht aux Pays-Bas qui explique avoir bâti sa base au fil de trente-cinq années de recueil patient de données [22]. Ou bien celle, l’année suivante encore, de CityPopulation [23], par un professeur d’informatique allemand. Dans l’un et l’autre de ces cas, aucune information sérieuse n’est produite sur la méthodologie retenue pour établir les données. Seules des listes d’institutions statistiques nationales ou de bases de données en ligne sont indiquées comme références, dont le World Gazetteer…
La notoriété progressive qu’acquièrent ces bases de données improbables provient, au-delà de la pénurie de données dans laquelle elles émergent, des renforcements mutuels qu’elles s’offrent, chaque nouveau promoteur prenant soin de mentionner les bases promues par ses prédécesseurs dans la liste de ses propres sources. Dans un tel contexte, certains membres de la communauté scientifique se saisissent de ces données incertaines mais disponibles et progressivement consolidées pour alimenter leurs modèles et tester leurs hypothèses sur les formes de développement. Parmi eux, le professeur d’économie titulaire de la chaire d’études urbaines de l’université de Brown à Providence, John Vernon Henderson, multiplie les travaux au sein de son département [Henderson et Davis, 2003 ; Henderson, 2002 ; Henderson et Wang, 2007]. Une telle mobilisation par une partie de la communauté académique contribue à mettre en attente le programme de la vérification de ces données. Ce qui explique que ces données artisanales sont aujourd’hui utilisées un peu partout dans le travail des institutions internationales sur les villes.

2.2 – Le Global City Indicators Program

31Afin de sortir de l’artisanat dans lequel se développe le chantier de l’élaboration d’une base internationale fiable de données urbaines, l’unité du développement urbain de la Banque mondiale réfléchit dès 2005 à un moyen de contourner les difficultés d’accès aux données urbaines que pose le passage par les institutions nationales de la statistique en imaginant de s’adresser directement aux villes, les premières concernées. L’idée germe de créer une sorte de wikipedia des données urbaines, que les villes qui décideraient d’adhérer au programme pourraient alimenter, en renseignant les indicateurs sur un site web [Hoornweg, Freire et al., 2007]. Annoncée dès le 3e Forum urbain mondial à Vancouver en 2006, l’initiative est officiellement lancée deux ans plus tard, lors de l’édition suivante du Forum à Nanjing, sous le nom de Global City Indicators Program (GCIP).

2.2.1 – Sous le signe de la compétition des villes

32Au sein de l’unité urbaine de la Banque mondiale, le projet de GCIP est porté par deux « spécialistes » seniors, Dan Hoornweg, ingénieur territorial de formation, et Mila Freire, docteur en économie à Berkeley et enseignante en économie urbaine à l’université Johns Hopkins. L’un et l’autre ont participé de longue date à la structuration de la préoccupation urbaine au sein de l’organisme international, en lien avec leur rattachement à l’unité urbaine dédiée à la région « Amérique latine » très fortement urbanisée, et plus particulièrement à la nécessité de développer l’information concernant ces territoires.

33Mais plus qu’une simple base de données sur l’état des villes, le projet entend offrir aux villes qui adhéreront au programme un outil précis pour mesurer leurs « performances » et leur « qualité de vie » dans le temps, mais aussi par comparaison avec l’évolution des autres villes adhérentes [24]. Conformément aux « théories » du benchmarking, il est annoncé aux responsables urbains qu’ils pourront ainsi se mesurer à leurs collègues des autres villes selon deux séries d’indicateurs, l’une consacrée aux services urbains, l’autre, à la qualité de vie dans la ville. Ils pourront également observer l’évolution de leur rang mondial au fil des années et disposer de la sorte d’un indicateur de la performance de leurs actions.

34Le succès international des techniques de benchmarking suffit-il à expliquer le choix des responsables de la Banque mondiale en charge du lancement du GCIP de mettre en avant la possibilité qu’offrira à terme l’outil destiné à produire divers classements mondiaux des villes ? Ou bien cette orientation fait-elle aussi écho au succès plus sectoriel de la rhétorique sur « la concurrence des villes » ? Des recherches conduites à la fin des années 1990 par des politistes ou urbanistes qui constataient le retour des villes dans la géopolitique mondiale [Savitch et Kantor, 2002 ; Tremblay et Tremblay, 2006], ou par des économistes ou des gestionnaires qui s’intéressaient à l’extension des mécanismes de marché [Bouinot et Bermils, 1995 ; Veltz, 1996] avaient en effet conduit à estimer qu’ainsi les villes étaient progressivement placées dans des situations de concurrence, sous l’effet simultané de la transition post-fordiste, qui dématérialise les économies, et du renforcement de l’ouverture des frontières commerciales. La réponse à cette question, difficile à apporter, serait pourtant utile tant cette stratégie des responsables de la Banque mondiale n’est pas isolée, comme en témoigne l’initiative de l’Union européenne qui, sous l’action de sa direction générale en charge de l’action régionale, lança en 2003 un audit des villes [25], qui aboutit lui aussi à la promotion d’un classement des villes dans la liste des villes observées.

35Quels que furent ses ressorts, le choix de la Banque mondiale de rendre explicite la possibilité de mobiliser les données de la future base à des fins de comparaison ou de compétition soulignait en tout cas la dimension conventionnelle, et donc politique, des processus de définition des indicateurs et de leur mode de renseignement. Ce qui nécessita de la part des promoteurs de l’initiative une explicitation précise des procédés d’élaboration de cette nouvelle base de données. Tout fut organisé pour que ces procédés soient à la fois participatifs, contrôlables et modifiables à tout moment, exemplaires finalement de la tendance à la « démocratisation des sciences » qui fait aujourd’hui l’objet de nombreuses attentions [Jasanoff, 2004].

36Une première liste d’indicateurs fut donc d’abord établie en collaboration avec une dizaine de villes pilotes situées en Amérique du Nord et du Sud. Mais les animateurs du programme assurent aujourd’hui que, dans une logique semblable à celle de wikipedia, la liste des indicateurs, tout comme les méthodes de leur renseignement, demeurent ouvertes à ajustement, au fur et à mesure de l’adhésion des nouveaux membres au programme. À terme cependant, il est envisagé une forme de stabilisation avec le recours à une certification ISO qui permettrait la vérification par un tiers des données saisies.

37Pour l’heure la base comporte donc 63 indicateurs répartis dans les deux thématiques de la qualité des services urbains et de la qualité de vie. À cette liste s’ajoute une série de dix indices, issus de l’agrégation pondérée des différents indicateurs, plus directement lisibles par le regard extérieur. La liste de ces indices s’établit aujourd’hui comme suit : compétitivité, capital social, créativité, bien-être subjectif, émissions de gaz à effet de serre, consommation totale d’énergie, gouvernance, accessibilité urbaine, culture et loisirs, qualité de l’eau [26].
Malgré les différents partenaires de l’initiative parmi lesquels de nombreuses institutions internationales, mais également les réseaux de villes comme United Cities and Local Governements (UCLG) ou Local Governments for Sustainability (ICLEI), ou encore des États comme ceux du Japon ou du Canada, seule une soixantaine de villes ont pour l’instant adhéré au programme. Aux États-Unis, où la théorie de la concurrence des villes a été largement débattue, et où les gouvernements locaux sont mobilisés, comme on l’a vu, pour devancer les échelons gouvernementaux étatique ou fédéral dans les secteurs d’action publique émergents, l’engagement des villes dans ce programme est quasi-inexistant. La ville de New York en particulier, dont on rappelait en introduction les attentes du maire, n’a pas encore adhéré.

2.2.2 – Dans la jungle des palmarès urbains

38Il est encore trop tôt, un peu moins d’un an après le lancement officiel du programme, pour débuter son évaluation. Néanmoins, il est indéniable que le GCIP tarde à rencontrer l’adhésion d’une partie des élites urbaines qui avaient exprimé avec force leur demande pour disposer de plus d’outils d’information sur leurs territoires d’action. La profusion des palmarès urbains en tout genre, qui contraste avec le manque de bases de données urbaines, auquel devait d’abord répondre le GCIP, pourrait constituer un élément d’explication. Plus précisément, une rapide typologie de ces palmarès suggère une caractéristique susceptible d’expliquer les difficultés aujourd’hui rencontrées par les promoteurs du Programme pour des indicateurs des villes du monde.

39À la différence de ce qui s’opéra dans quelques autres secteurs où rapidement un palmarès s’imposa comme une référence parmi ses concurrents [Espeland et Sauder, 2007], le champ des palmarès urbains reste très vaste, hétérogène, sans véritable structuration autour d’une ou deux opérations qui domineraient les pratiques. Différentes listes ont déjà été réalisées qui permettent de se faire une idée de cette profusion [Hooge, 2009]. En première approche, il est possible de distinguer trois types de palmarès des villes en fonction de leur mode de réalisation : les palmarès de la presse qui sont constitués, pour l’essentiel, à partir du recueil de données existantes, les palmarès issus d’investigations spécifiques (du type Millenium City Database évoqué plus haut) dont la réalisation, onéreuse, est souvent prise en charge par des organismes de la puissance publique ou des centres universitaires, et les palmarès issus d’enquêtes d’opinion auprès de professionnels de secteurs d’activité spécifiques (comme les professionnels du tourisme) ou auprès d’acteurs du monde économique (comme les chefs d’entreprises), souvent financés par des acteurs des politiques de développement (banques, entreprises de conseil à l’implantation ou au développement d’activité, etc.).

40Même si la multiplicité de ces classements interdit une typologie définitive, il apparaît néanmoins que ces grands types renvoient pour l’essentiel à une distinction classique qu’opèrent les statisticiens pour distinguer leurs outils : les deux premiers types sont réalisés à partir du rassemblement de données contenues dans des bases de données (ou registres) préexistantes, alors que le troisième type de classement est issu d’enquêtes spécifiques. Plusieurs précisions doivent à ce stade être apportées. Le terme « enquête » est tout d’abord trompeur. Dans le cas du Millenium City Database par exemple, le rassemblement d’un tel nombre de données exige souvent de se déplacer directement dans les villes pour déterminer les fournisseurs potentiels de données et négocier le cas échéant leur fourniture. Du strict point de vue des statisticiens cependant, les données obtenues sont issues de registres administratifs ou éventuellement commerciaux et non pas issues d’une enquête, réalisée à partir d’un questionnaire spécifique, et productrice de données inédites [Desrosières, 2005]. C’est au demeurant la même confusion qui est opérée à l’occasion de la publication des palmarès urbains de la presse, qui vantent « l’enquête » réalisée par les journalistes. Dans ce dernier cas, il est même souvent possible de parler d’abus de langage, au regard du faible investissement méthodologique souvent réalisé pour l’élaboration du palmarès.

41Concernant les palmarès urbains issus d’enquêtes, il convient de souligner qu’il s’agit d’enquêtes d’opinion. Leurs promoteurs ne cherchent donc plus à recueillir des données économiques et sociales objectives, mais des représentations que se forgent, sur les villes, certaines catégories de la population et qui sont jugées utiles dans le cadre de l’activité économique ou de la gestion des politiques urbaines. Différentes stratégies sont alors retenues par les financeurs de telles enquêtes pour garantir le caractère scientifique de leur initiative. Le plus souvent, il est fait recours à un institut de sondage à la notoriété établie, comme dans le cas de l’entreprise américaine d’aide à l’investissement Cushman & Wakefield qui fait réaliser depuis 1990 son enquête annuelle par TNS Sofres, ou celui du cabinet Ernst & Young qui s’adresse à l’institut CSA. Mais on observe également des cas où les questions méthodologiques, prises très au sérieux, font l’objet de la mise en place d’un comité scientifique ad hoc, comme dans le cas du classement des villes préférées des entrepreneurs réalisé par le cabinet Altidiem [27].

42Au-delà de ces différences qui concernent les protocoles d’élaboration, on constate une multiplicité des usages qui sont faits de ces palmarès, qui ne recoupent d’ailleurs pas les typologies esquissées. Selon donc qu’on s’intéresse à la publication des palmarès urbains en étant employé de la Banque mondiale ou adjoint au maire d’une grande agglomération française en charge du développement économique, ou encore investisseur à la City de Londres, les palmarès qui comptent ne sont pas les mêmes. Du point de vue du premier, les principaux palmarès seront plutôt celui de Mercer sur la qualité et le coût de la vie dans les 400 principales villes du monde, ceux de la Barclays Bank et de la Swiss Bank sur le coût de la vie dans les villes, ou encore celui de MasterCard sur les villes les plus commerciales. Le point de vue de l’adjoint au développement économique de la Ville de Lyon est tout autre. Les palmarès qui retiennent son attention seront préférentiellement ceux produits par Cushman & Wakefield, ou par le classement ECER-Banque populaire qui ont l’un et l’autre permis, au cours des dernières années, de mettre en lumière des dispositions ou des signes distinctifs de l’agglomération lyonnaise [28].
Dans ce contexte, le GCIP de la Banque mondiale apparaît comme une production originale. Sans être une véritable enquête, puisque le renseignement des données s’opère par les villes adhérant elles-mêmes au programme elles-mêmes, le GCIP n’est pas non plus une base traditionnelle de données administratives. La possibilité pour les collectivités adhérentes de participer à la définition des indicateurs et indices – en particulier pendant la période de lancement de l’initiative qui s’est déroulée – constitue au contraire une spécificité à laquelle les manageurs des collectivités locales sollicités pour adhérer au programme ne sont pas habitués. Mais cette originalité méthodologique pourrait bien avoir surtout des retombées sur la lisibilité de la politique de la mesure urbaine menée par la Banque mondiale qui pourrait constituer le premier obstacle au succès de cette initiative.

3 – Conclusion : Un palmarès contre nature ?

43Les recherches sur les palmarès menées dans toute une série de secteurs d’action publique suggèrent que leur succès tiendrait moins à leurs qualités méthodologiques qu’au portage politique – partisan, institutionnel ou corporatiste – dont ils bénéficient. Dans le secteur de l’enseignement, l’émergence d’un palmarès référence pour les écoles de droit aux États-Unis paraît ne pas tenir à ses qualités méthodologiques, mais bien au portage politique offert par les institutions, renforcées par leur appartenance au premier quart lauréat et qui n’ont pas intérêt à discuter les détails du classement [Espeland et Sauder, 2007]. De la même manière, la bienveillance de l’académie de médecine n’est sans doute pas étrangère au succès du classement des hôpitaux français qui s’est imposé depuis plusieurs années [Pierru, 2007].

44Dans une telle perspective, il est intéressant de prolonger la réflexion sur le portage politique du programme pour les indicateurs des villes du monde en s’interrogeant sur les effets du dispositif participatif imaginé pour l’élaboration de l’outil, dans l’espoir de faciliter son acceptation par les villes. Au-delà de la plus-value apportée par le caractère démocratique d’un tel affichage, il n’est pas certain que le dispositif ne produise pas des effets secondaires plus pénalisants. La participation des villes adhérentes à l’élaboration des indicateurs contribue en effet à rendre plus floue la « politique des grands nombres » que constitue le palmarès, tout comme les politiques publiques qui pourraient en résulter. En effet, en raison d’un tel dispositif, la conception des indicateurs ne constitue plus une politique de la seule Banque mondiale, mais une politique de compromis entre divers intérêts plus difficiles à décortiquer, malgré les efforts pédagogiques déployés par les animateurs du programme.

45Or, les exemples de palmarès urbains à succès démontrent que, si la phase de la conception méthodologique peut faire l’objet d’une sous-traitance complète (à des cabinets de sondage par exemple, dans le cas des enquêtes auprès des chefs d’entreprises), la responsabilité politique de leur publication est assumée par le seul commanditaire. De sorte que les débats autour des résultats du palmarès se développent moins sur ses aspects proprement scientifiques que sur la politique menée de manière plus globale par l’entreprise commanditaire dont la renommée est par ailleurs établie. Discutable comme n’importe quelle représentation scientifique d’une réalité sociale, le palmarès est d’abord envisagé comme le produit – expert ou marketing – d’une politique de l’entreprise commanditaire. C’est d’ailleurs le même mécanisme qui permit l’acceptation par les institutions internationales de bases mondiales de données produites par de simples particuliers. Quelles qu’étaient les critiques méthodologiques qui pouvaient être portées, les entreprises individuelles comportaient l’avantage décisif d’un affichage d’autonomie vis-à-vis des intérêts économiques ou nationaux.

46Contrairement à ces cas de palmarès aux attendus politiques explicites, le classement du GCIP pourrait perdre en lisibilité du fait des brouillages que pourrait créer le dispositif participatif auquel il est adossé. En effet, si les premiers groupes de travail constitués pour l’élaboration des premiers indicateurs ont permis de lever une partie des incertitudes méthodologiques des premières villes adhérentes, les conventions qui en ont émané apparaissent aujourd’hui comme le fruit d’arrangements qui ne pourront jamais être totalement explicités. Les promoteurs du GCIP rassurent les nouveaux entrants potentiels en promettant que ces conventions seront susceptibles d’ajustements au fur et à mesure de l’adhésion des villes. Mais la réponse ne fait d’une certaine manière que repousser le problème à toute nouvelle adhésion. L’affichage participatif pourrait ainsi constituer un obstacle au nécessaire flux d’adhésion des villes.
Dans le prolongement des questionnements que font naître les obstacles à la mise en œuvre du GCIP, on est conduit alors à s’interroger sur le fondement du projet d’un palmarès participatif. L’activité de représentation des phénomènes sociaux sur un axe gradué et orienté constitue d’emblée une entreprise au mieux réductrice, et assez souvent trompeuse ou injuste. De ce point de vue, le palmarès paraît une science improbable que l’on peut à loisir discuter. En même temps que la perspective d’offrir un angle de vue spécifique sur les choses, aussi étroit soit-il, à travers lequel il est possible de classer une somme d’entités disparates, constitue à n’en pas douter un horizon scientifique indémodable. Et de ce point de vue là, c’est la dimension politique de la science que le palmarès met en exergue, potentiellement totalitaire en l’occurrence, liée à l’espoir d’une mesure sans limite. La sociologie politique des palmarès a établi non seulement cette dualité, mais surtout la hiérarchisation qu’il convient de produire de ces deux regards : la science des palmarès, avec ses débats méthodologiques, doit d’abord être envisagée comme une politique de la mesure, une politique à part entière. De sorte que le projet d’un palmarès mondial participatif pourrait offrir à terme plus encore qu’une critique de la politique des palmarès, une critique de la rhétorique participative. Car si le palmarès conduit à considérer la dimension potentiellement totalitaire de l’entreprise scientifique, il conviendrait de s’interroger sur le sens du projet d’un palmarès mondial participatif.

Notes

Français

Résumé

Le retour des villes dans la géopolitique mondiale est aujourd’hui à l’origine d’un paradoxe. Si les manageurs des villes nourrissent l’ambition d’incarner l’avant-garde du progrès économique et social et rêvent d’un nouveau pilotage rationnel de leur action, les chiffres concernant leurs villes manquent. C’est ainsi que la Banque mondiale s’est engagée dans diverses initiatives visant à promouvoir le développement de statistiques concernant les villes. Parmi elles, le projet d’indicateurs pour les villes du monde, le Global City Indicators Program (GCIP), ayant vocation à produire un parangonnage (benchmarking) mondial des villes, fait l’objet de cet article.

Mots-clés

  • villes
  • statistiques
  • benchmarking
  • institutions internationales

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Fabrice Bardet
ENTPE, Université de Lyon
Jean-Jacques Helluin
Région Île-de-France
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 19/05/2010
https://doi.org/10.3917/rfse.005.0083
Pour citer cet article
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