CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1Les relations entre institutions et marché constituent un des éléments centraux de ce que l’on nomme aujourd’hui le « nouvel institutionnalisme », tant en économie, avec le courant de la « nouvelle économie institutionnaliste [1] », qu’en sociologie, avec, principalement, le courant de la sociologie économique [2]. Ceux qui s’en revendiquent partagent le constat que « les institutions comptent » comme variables susceptibles d’expliquer la performance économique. Toutefois, le marché comme mécanisme autorégulé d’ajustement de l’offre et de la demande apparaît, le plus souvent, comme le point de référence pour concevoir l’activité économique. Les institutions sont alors définies de manière négative par rapport au marché, comme des réglementations sociales limitant la marge d’action des agents économiques.

2Mais une telle conception des institutions comme contraintes agissant de l’extérieur sur le marché n’est-elle pas réductrice ? Ne conforte-t-elle pas l’existence d’une sphère marchande prise comme donnée, à côté des espaces de la communauté ou de l’organisation hiérarchique ? En dégageant le « processus institué » qui mène à une société de marché, Polanyi met en évidence l’historicité des catégories économiques du marché. Le « défi » de Polanyi selon North [1997 (1977)] implique de revenir sur l’existence même d’une sphère marchande, en s’interrogeant sur les dynamiques historiques permettant d’en expliquer l’émergence. Notre objectif est de dégager la pertinence de la réponse que North apporte à ce « défi » à travers une conception renouvelée des institutions qui se cristallise au début des années 1990. Elle se distingue notamment de celle du « nouvel institutionnalisme » qui, en posant les institutions de manière dichotomique comme une sphère extérieure à celle du marché, naturalise par là même les mécanismes marchands.

3En partant d’une définition de l’institution comme « règle du jeu », cadre de référence pour l’activité économique, l’analyse de North implique de concevoir les soubassements institutionnels du marché. Sortant aussi bien de la fascination de la sociologie économique pour l’informel et les réseaux, que de la focalisation de l’économie néo-institutionnaliste sur les formes organisationnelles, cette analyse invite à revenir sur le partage entre institutions et marché.

4Pour dégager l’originalité de la contribution de North et la manière dont il a répondu au « défi » de Polanyi, nous reviendrons en premier lieu sur l’émergence d’une société de marché analysée par Polanyi. Le défi à relever est celui de la mise au jour de processus explicatifs conduisant des sociétés communautaires à des sociétés de marché. Nous verrons ensuite en quoi le « nouvel institutionnalisme » occulte ce défi en s’en tenant à la coexistence de deux sphères, marchande et non marchande, dans l’activité économique, cette dernière renvoyant à des « structures sociales » dans lesquelles l’économie serait « encastrée ». Nous aborderons enfin les travaux de North pour voir en quoi ils conduisent à une refondation de l’institutionnalisme à partir d’une conception de l’institution comme principe explicatif des dynamiques historiques en dépassant l’opposition entre les dimensions marchandes et non-marchandes de l’économie.

2 – Le marché comme aboutissement d’un processus historique complexe

5L’œuvre de Polanyi apporte un éclairage sur la genèse, au xixe siècle, d’une impossible « société de marché », au terme d’un processus historique soutenu dans un premier temps par des institutions sociales et politiques. Paradoxalement, les institutions organisent un fonctionnement du marché conçu comme échappant à toute emprise politique. La limite des analyses de Polanyi tient à la difficulté à penser le rôle des institutions, dans les sociétés de marché, autrement que comme créatrices d’une rareté artificielle conduisant les agents à la recherche du gain monétaire comme motif principal de leur activité.

2.1 – L’émergence historique du marché

6Un des principaux objectifs de Polanyi consiste à remettre en cause le caractère naturel, pour les économistes, de l’existence de marchés créateurs de prix. Pour cela, il présente d’abord les traits principaux des sociétés précédant cette situation d’hégémonie du marché. Ces dernières se caractérisent par une forte dimension communautaire dont témoignent les principes de réciprocité dans les dons et de redistribution des subsistances vers ceux qui en ont besoin [Polanyi, 1983, p. 76 et s.]. La redistribution s’opère à partir d’une centralisation initiale des ressources, dans le cadre de transactions « indirectes » qui s’avèrent radicalement différentes des transactions marchandes. Il existe alors des marchés à la marge de l’activité sociale, sous la forme de transactions sur les surplus avec d’autres communautés [ibid., p. 89 et s.].

7Pour Polanyi, l’existence de sociétés dominées par le marché est un phénomène historique impliquant de concevoir les catégories du marché comme des produits historiques. North [1997 (1977), p. 51-52] y voit un des principaux apports de Polanyi comme défi pour la « nouvelle histoire économique » – dont North est pourtant un des fondateurs – qui se focalisait jusque-là sur des régressions économétriques multiséculaires sans s’interroger sur le sens de ces catégories pour les acteurs aux différentes époques envisagées [3].

8Dans La Grande Transformation, Polanyi identifie trois facteurs expliquant le passage de la société traditionnelle à la société de marché : l’affirmation de l’État, le machinisme, puis la reconnaissance de mécanismes sociaux échappant à l’emprise de l’État et révélant l’existence de la « société civile ». L’affirmation de l’État opère, sous la forme du mercantilisme, une extension des activités économiques de l’échelle locale à l’échelle nationale. De manière paradoxale, elle engendre une réglementation importante des activités productives portant à la fois sur les produits et les conditions de travail. L’activité économique tend alors à prendre la forme d’un « grand marché unique » [p. 107], de sorte qu’« en fait, le commerce intérieur a été créé par l’intervention de l’État » [p. 96].

9Dans les transformations qui se font jour, « l’invention de machines et d’installations complexes et par conséquent spécialisées » [p. 110] suscite un nouveau rapport du commerçant à la production. Les investissements contraignent les producteurs à vendre, plaçant le marchand en position centrale pour écouler leurs produits. L’activité pour le gain monétaire tend à s’imposer.
Progressivement, l’extension des marchés, tant dans le domaine des biens qu’ensuite dans celui du travail et des moyens de subsistance, conduit à l’expérience « d’une interdépendance palpable » [Polanyi, 2007, p. 66] dans les prix qui s’y forment. Pour Polanyi, il s’agit d’une « découverte – une des expériences émotionnelles et intellectuelles les plus décisives dans la constitution du monde moderne – [qui] fut pour les physiocrates une illumination qui les transforma en une secte philosophique » [ibid.]. La découverte de dynamiques sociales sous la forme de la division du travail (Smith), voire de la « société civile » (Hegel), conduit à concevoir la conciliation entre intérêt personnel et intérêt général en dehors de la pression de l’État. Mais c’est au terme d’une systématisation dépassant la portée de ces découvertes scientifiques que l’on voit se dessiner un « modèle institutionnel [4] » au sein duquel « un marché autorégulé n’exige rien de moins que la division institutionnelle de la société en une sphère économique et une sphère politique » [Polanyi 1983, p. 105].

2.2 – La marchandisation du travail comme ancrage du marché dans le monde social vécu

10La dynamique générale de « marchandisation du monde » [Sobel, 2007] que décrit Polanyi correspond à un renversement de l’« encastrement » (embeddedness) : « au lieu que l’économie soit encastrée dans les relations sociales, ce sont les relations sociales qui sont encastrées dans le système économique » [Polanyi, 1983, p. 88]. Ce renversement engendre au niveau macro-social une « avalanche de dislocations sociales » [p. 67] qui aboutit « chez les membres de la société [à] un changement de leur mobile d’action : le mobile du gain doit se substituer à celui de la subsistance » [p. 69]. Ce changement s’opère à travers la marchandisation de la terre, du travail et de la monnaie, qualifiées de « marchandises fictives ».

11Polanyi analyse d’abord la marchandisation de la terre. Elle se réalise en Grande-Bretagne à travers le mouvement des enclosures qui jette dans la misère les paysans sans propriété. Polanyi y souligne l’initiative du Parlement et les réactions de la Couronne pour limiter ce mouvement. Il évoque ensuite la marchandisation de la monnaie à travers l’institution de l’étalon-or et le dogme de la stabilité des changes. Mais il se concentre surtout sur la marchandisation du travail qui bouleverse l’existence des individus. Le point essentiel de son analyse met en exergue une intervention précise de l’État : la création, en 1795, d’un barème par des juges à Speenhamland instituant un revenu minimum pour les pauvres « indépendamment de leurs gains » [p. 114, en italique dans l’original].

12La garantie d’un tel revenu, qui dure de 1795 à l’abolition du barème en 1834, constitue un blocage à la marchandisation du travail. Ce barème apparaît comme une suspension provisoire du mécanisme marchand. Le rôle de l’État est alors ambigu : il met en place des réglementations redistributives qui atténuent les effets du marché pour mieux le faire accepter. Une fois le principe de marché acquis, ce type de réglementation disparaît et l’action de l’État se cantonne à l’administration « invisible » du marché par le droit (contrats, droits de propriété). De manière analogue, on peut voir dans le syndicalisme et l’indemnisation du chômage des actions ponctuelles atténuant la marchandisation du travail pour renforcer en fait l’« autorégulation » [p. 113] du marché.
Polanyi montre que considérer le marché comme le mécanisme régulateur fondamental de la société conduit à penser qu’il doit primer sur toute action directe de l’État, ce qui aboutit à une paralysie du pouvoir politique. L’élément déterminant est ici la croyance radicale en l’optimalité du marché. Ces analyses ont retrouvé une actualité forte dans les années 1980 avec l’arrivée au pouvoir de Thatcher et Reagan dans le monde anglo-saxon. La domination inédite de l’ultra-libéralisme dans la vie politique française et européenne invite à revenir à l’un des enseignements fondamentaux de Polanyi : la remise en cause de l’assimilation entre marché et démocratie derrière laquelle s’abritent les ultra-libéraux pour justifier des mesures allant jusqu’à porter atteinte aux libertés publiques elles-mêmes [Caillé et Laville, 2007].

2.3 – Polanyi au-delà de Polanyi

13Les analyses de Polanyi soulignent les dislocations sociales ayant accompagné l’émergence de « sociétés de marché » à partir de l’expérience pionnière de la Grande-Bretagne. En conclusion cependant, Polanyi [1983] précise la ligne générale de sa réflexion. Il s’agit de concevoir une dynamique de la liberté qui ne se réduise pas à une « atomisation », mais qui renvoie à « ces hautes valeurs héritées de l’économie de marché » et « aux plus précieuses traditions de la Renaissance et de la Réforme » [p. 327]. L’enjeu est de dépasser l’hégémonie du marché, le « sophisme économiciste » [Polanyi, 2007], pour redécouvrir la portée véritable de ces valeurs qui, occultées par le marché, ont été bafouées par les totalitarismes.

14Il faut probablement être plus « polanyien » que Polanyi pour dépasser à la fois le rejet de la rationalité instrumentale qu’implique sa dénonciation de l’hégémonie du « marché » et retrouver la liberté comme valeur au cœur de l’activité sociale [Postel et Sobel, 2008]. Les voies d’une politique démocratique de la liberté, qui n’est que suggérée dans La Grande Transformation, sont à rechercher dans le reste de son œuvre, construite en référence aux différents contextes historiques qu’il a connus [Maucourant, 2005]. Ainsi son idée de « démocratie fonctionnelle » [Polanyi, 2008] paraît inspirée par le modèle de la municipalité viennoise des années 1930 articulant démocratie associative et apprentissage social [Mendell, 2003]. La pensée de Polanyi appelle ainsi à prendre conscience de la portée de l’action publique dans la vie économique pour que la liberté ne se transforme pas en mécanisme de dislocation sociale. Mais il faut aller au-delà de la dénégation libérale de l’État et des institutions, pour envisager leur rôle effectif dans la société et l’économie.

3 – Organisation et encastrement : les deux faces de la dichotomie entre marché et institutions

15Les analyses de Polanyi [1983] décrivent un processus de « désencastrement » du marché et de la société conduisant à une crise majeure qui aboutit à la mise en cause de la démocratie par le fascisme des années 1930. Pour les commentateurs les plus avisés du « nouvel institutionnalisme » (notamment Nee [2005]), le diagnostic politique de Polanyi est secondaire. La crise qu’il analyse ne traduirait que les limites du « désencastrement » et démontrerait, a contrario, la permanence de l’encastrement des activités économiques, dans l’orientation de la sociologie économique impulsée par Granovetter ou encore la permanence de « structures de gouvernance » alternatives au marché dans la perspective Williamson. La dimension institutionnelle correspondrait au dévoilement d’une pluralité de « structures » de coordination, occultée par la focalisation de l’économie néo-classique sur le fonctionnement du marché [5]. Partant du point commun à cet ensemble d’approches reposant sur les coûts de transaction, qui ne contestent pas l’approche néo-classique du marché mais proposent de la compléter, nous envisagerons la pluralité des « structures de gouvernance » présentée par Williamson, puis la dynamique des réseaux entre liens forts et liens faibles analysée par Granovetter.

3.1 – Les coûts de transaction au fondement du « nouvel institutionnalisme »

16Pour rendre compte de la diversité des situations économiques, la notion de « coût de transaction [6] » permet de ramener la diversité phénoménale des transactions à une même échelle. Sur cette base, il sera possible d’identifier un gain social tout autant dans les situations où prévaut un modèle d’organisation hiérarchique que dans celles où dominent des relations interpersonnelles. Dans les deux cas, il est possible d’identifier les conditions sous lesquelles une structure de gouvernance alternative au marché s’avère plus efficiente en termes de coûts de transaction [Nee, 2005, p. 53].

17En effet, contrairement aux évidences de la théorie orthodoxe, les transactions marchandes n’aboutissent pas toujours à l’efficience économique, car elles sont sous la menace du manque de loyauté d’individus que leur rationalité pousse vers un comportement opportuniste. Selon Williamson [1975 et 1994], la principale source de coûts de transaction provient en effet de l’incertitude et de la spécificité des actifs qui engendrent des tentations de comportements opportunistes, c’est-à-dire la « recherche d’intérêt personnel qui comporte la notion de tromperie (« guile ») » [Williamson, 1994, p. 70].

18La théorie orthodoxe ne s’en trouve pas invalidée, mais est complétée par la prise en compte d’hypothèses nouvelles sur le coût et l’asymétrie de l’information, le coût de l’exécution des engagements, etc. Williamson [1994] distingue les coûts de transaction ex ante et ex post. Les coûts de transaction ex ante « sont les coûts associés à la rédaction, la négociation et la garantie d’un accord » [Ibid., p. 39]. « Les coûts de contractualisation ex post prennent plusieurs formes. On relève notamment (1) les coûts de mauvaise adaptation occasionnés par le fait que les transactions se désajustent […], (2) les coûts de marchandage occasionnés si des efforts bilatéraux sont faits pour corriger des divergences ex post, (3) les coûts d’organisation et de fonctionnement associés aux structures de gouvernance (qui ne sont souvent pas les tribunaux) auxquelles les conflits s’adressent, et (4) les coûts d’établissement d’engagements sûrs. » [Ibid., p. 41]

3.2 – L’organisation hiérarchique face aux transactions marchandes

19Face à ces coûts de transaction, la mise en place de « structures de gouvernance [7] » alternatives au marché, en particulier sous la forme de l’organisation hiérarchique, est censée réduire la tentation de tromperie grâce à la pression de l’autorité qu’elles imposent aux agents et aux protections contractuelles qu’elles leur confèrent (notamment la menace de la force à travers la loi, la justice et les forces de police). Williamson identifie toute une gamme de structures de gouvernance, allant des grandes entreprises intégrées aux transactions marchandes en passant par diverses « formes hybrides », qui apportent des réponses graduées en fonction du degré d’incertitude, de la fréquence des transactions et du degré de spécificité des actifs faisant l’objet de la transaction.

20L’intégration verticale est la façon la plus radicale d’éliminer l’opportunisme, en situation de forte incertitude, de forte spécificité des actifs et de forte fréquence des transactions, grâce à la substitution de la coordination par l’autorité à la coordination par les prix. Cependant, Williamson envisage l’existence de coûts associés à l’organisation hiérarchique, liés au fonctionnement de la bureaucratie et à l’affaiblissement des incitations par rapport aux transactions marchandes, ce qui maintient l’intérêt de telles transactions marchandes à côté des grandes entreprises intégrées.

21Dans l’analyse de Williamson, les institutions sont les structures de gouvernance des transactions. Si le marché est l’une de ces structures, Williamson s’intéresse plus particulièrement à l’organisation (intégration verticale) comme monocratie hiérarchique soumise à des règles formelles qui se définit en opposition à la sphère marchande. Cela se traduit par une assimilation de l’organisation à une institution distincte du marché, ce qui conduit à une naturalisation du marché : celui-ci est pris comme référence indépassable de l’efficience économique, l’organisation étant censée atteindre les résultats d’un marché qui ne serait plus affecté par l’opportunisme.

22La mise en évidence d’une pluralité de structures de gouvernance ne vise donc pas à éclairer la dynamique d’émergence d’une société de marché que nous avons identifiée dans l’œuvre de Polanyi. L’approche de Williamson s’inscrit davantage dans une perspective d’arbitrage entre ces structures de gouvernance pour optimiser les performances économiques à l’échelle d’un décideur. Dans la mesure où les coûts de transaction résultent principalement de l’opportunisme des agents, les liens interpersonnels sont soupçonnés de masquer des situations de conflit d’intérêts.

3.3 – Le structuralisme communautaire de Granovetter

23Face à cette méfiance de la « nouvelle économie institutionnaliste » à l’égard des liens personnels, Granovetter [2005] suggère qu’ils pourraient au contraire engendrer des effets bénéfiques, ménageant une place à une investigation sociologique à côté de la théorie économique : « Comprendre comment des déviations par rapport au prix d’équilibre peuvent intervenir implique une analyse qui porte à la fois sur l’économie et sur la sociologie de la situation ». [ibid., p. 38]

24La dimension sociologique des coûts de transaction renvoie au constat de la permanence de l’« encastrement » des activités économiques, terme que Granovetter [1985] construit en référence au « désencastrement » qu’il retient de la lecture de Polanyi [1983]. En effet, il faut selon lui accepter la permanence de groupes familiaux, amicaux, territoriaux et ethniques dans les activités économiques. Pour identifier cette dimension communautaire, Granovetter s’appuie sur le dévoilement de « réseaux » fréquemment occultés par les agents. Ces « réseaux » correspondent selon lui à la permanence de « structures » communautaires fondamentales, vue comme une réfutation de l’existence des classes sociales marxistes :

25« Karl Marx avançait […] que les relations familiales et amicales seraient complètement subordonnées, dans le capitalisme moderne, au lien de l’argent. Mais en dépit de connexions intimes entre les réseaux sociaux et l’économie moderne, les deux n’ont pas fusionné et ne sont pas devenus identiques. Il est en effet fréquent que le développement de normes limite la fusion des secteurs. » [Granovetter, 2005, p. 36]

26De manière symétrique à la naturalisation du marché et de l’économie que portent en eux la théorie économique orthodoxe et le marxisme courant, cette conception de l’encastrement conduit à naturaliser le substrat communautaire de toute activité sociale. Elle se différencie nettement de celle de Polanyi qui ne conçoit l’encastrement qu’au niveau global pour penser les rapports entre l’économique et le social, sans que le social ne soit assimilé à du « communautaire » [8]. Ainsi, le « désencastrement » qu’envisage Polanyi ne correspond pas à la perte des appartenances communautaires et sociales qui caractérise, par exemple, la « désaffiliation » [Castel, 1995] : il désigne une mutation sociale profonde comparable au passage de la solidarité mécanique à la solidarité organique dans De la division du travail social et conduisant à un « encastrement » de l’économique dans les motivations des individus.

3.4 – Les entrepreneurs comme opportunistes héroïques

27Selon Granovetter, le développement continu d’activités économiques s’explique par l’existence de « liens forts » renvoyant à une appartenance communautaire, mais aussi par l’existence de « liens faibles » établis par des individus d’exception, capables de s’affranchir de l’emprise de la communauté et de ses normes [Granovetter, 1973]. En effet, en concevant l’encastrement comme le soubassement communautaire des activités économiques, il n’est possible d’expliquer leur dynamique que par l’action d’individus exceptionnels. Ainsi, si les liens forts ont un intérêt économique, les « liens faibles » aussi. Cela peut être illustré par la réussite d’individus découvrant les nouvelles opportunités que crée la mise en relation de ressources et de réseaux initialement non connectés, la plupart du temps au prix d’une mise entre parenthèses des normes et des valeurs de leur groupe d’appartenance. Selon Granovetter, on peut qualifier de tels individus d’« entrepreneurs » au sens de Schumpeter ou de Barth [ibid., p. 46]. Ces « entrepreneurs », par leur capacité à s’extraire des normes et des règles sociales courantes, présentent des points communs avec les « opportunistes » de Williamson car ils semblent déployer une rationalité purement instrumentale [9] en mettant à l’écart leurs principes éthiques [10].
Les liens faibles correspondent à la capacité de certains individus exceptionnels à s’affranchir de l’univers « sur-socialisé » des liens forts de la communauté. Mais cette approche débouche sur une indétermination profonde puisque la dynamique de l’activité économique s’explique tantôt par les liens forts, tantôt par les liens faibles. De plus, ce basculement incessant renvoie à la tension entre une économie réduite à l’analyse du comportement d’individus rationnels et une sociologie réduite à l’analyse de comportements soumis aux contraintes des normes sociales. Williamson [2000] va ainsi jusqu’à envisager le néo-institutionnalisme comme une superposition de niveaux où l’analyse endogénéise un ensemble croissant de variables « institutionnelles », complétant le niveau du marché comme mécanisme fondamental d’allocation et d’emploi des ressources par le niveau des structures de gouvernance, puis celui des institutions formelles et enfin celui de l’« embeddedness », c’est-à-dire des institutions informelles liées aux réseaux et aux petits groupes. Il en résulte, comme le montre Orléan [2007], une sorte de division du travail entre économie et sociologie au sein de laquelle le paradigme de l’économie standard définit, à partir d’individus rationnels, l’ensemble des évolutions possibles, tandis que la sociologie se cantonne à l’analyse de la reproduction des structures communautaires.

4 – Institutions, organisations et performance économique dans l’histoire

28Dans les approches de Williamson et de Granovetter, la focalisation des débats sur les marges du marché tend à méconnaître la dimension institutionnelle du contrat et à naturaliser le fonctionnement du marché. De plus, en définissant les institutions comme des formes d’organisation et des normes informelles, les auteurs aboutissent d’une part à une confusion sémantique entre « institution » et « organisation » et laissent, d’autre part, de côté un acteur essentiel tant dans la garantie de mise en œuvre (« enforcement ») que dans l’élaboration des institutions, l’État. En proposant une définition claire des institutions et en les replaçant dans des dynamiques historiques complexes, North vise à sortir de cette dichotomie entre le marchand et le non-marchand pour appréhender les dynamiques institutionnelles expliquant l’émergence du marché.

4.1 – Institutions

29La définition des institutions a évolué dans l’œuvre de North avec, selon nous, un tournant en 1990-1991. Ainsi, en 1984, il définit les institutions comme « une série de contraintes sur le comportement prenant la forme de principes et de réglementations » [North, 1984, p. 8, cité par Maucourant, 2007, p. 68]. Les institutions sont associées au comportement individuel comme contraintes. Elles relèvent d’une conception « déontique » que l’on retrouve dans l’assimilation courante de la règle de droit à « une règle de conduite » [Jeammaud, 1990, p. 199].

30La définition que propose North à partir de 1990 traduit un changement d’accent dans l’exercice de la contrainte. Pour lui, les institutions sont « les règles du jeu dans une société, ou, plus précisément, les contraintes conçues par les hommes qui structurent l’interaction humaine. Par conséquent elles structurent les incitations dans les échanges humains, qu’ils soient politiques, sociaux ou économiques » [North, 1990, p. 3]. La contrainte ne s’exerce pas directement sur le comportement des individus, mais sur l’interaction [11]. Cette définition large de l’institution permet de sortir d’une vision déontique pour envisager les structures de l’interaction, c’est-à-dire les cadres de référence [12] sur lesquels s’appuient les agents pour définir, organiser et évaluer leurs relations les uns avec les autres. On peut alors considérer le contrat comme une institution dans la mesure où il ne se conçoit que par référence à un droit contractuel qui lui-même n’est pas contractuel et s’impose de manière obligatoire aux contractants dans l’évaluation de leur relation. Comme l’écrit Durkheim, « tout n’est pas contractuel dans le contrat » [1930 (1893), p. 189].

31Les analyses de North se distinguent également de la conception du droit dans le courant Law and Economics telle qu’elle se manifeste, par exemple, dans les analyses du juge Posner. Comme le rappelle Lazega [2009], les premières analyses de Posner confèrent à la maximisation économique de l’utilité une fonction centrale dans la résolution des litiges soumis au juge. Si, dans un deuxième temps, Posner accorde une plus grande place à « un pragmatisme plus “mou” » [Lazega, 2009, p. 107], il continue à privilégier, au mépris de la réalité institutionnelle que constitue l’existence d’un État de droit, une forme de justice « charismatique », c’est-à-dire fondée sur le sens de l’équité du juge. Ainsi, l’institution comme référence pour l’action tend chez Posner à se dissoudre dans le sens commun du juge. Au contraire, dans les analyses de North, l’institution est une base essentielle dans l’ordonnancement des relations sociales ainsi que dans la résolution des litiges qui s’y font jour. Elle se conçoit comme un motif d’action pour les individus et les organisations dont les effets ne peuvent pas être conçus extérieurement à l’activité sociale de ces derniers. La conception northienne de l’institution se rapproche ainsi du « point de vue empirique sur le droit » comme motif d’action des agents dans la sociologie wébérienne [Didry, 2006].

4.2 – Organisations et changement institutionnel

32Dans la perspective de North, les marchés comme « mécanismes de création de prix » tels que les appréhende Polanyi ne se conçoivent qu’à partir de la mobilisation d’institutions comme les droits de propriété, les contrats et la monnaie dans le cadre d’un État de droit ouvrant des recours aux contractants devant des juridictions de droit commun. À l’inverse, Williamson pose une équivalence entre les institutions et les structures de gouvernance, qui le conduit à opposer le marché comme institution décentralisée à l’organisation comme institution hiérarchique.

33Pour North, il n’est pas question d’assimiler institution et organisation ni d’opposer organisation et marché. Les institutions sont, pour lui, des règles du jeu et les organisations des équipes de joueurs [North, 1994, p. 361]. L’organisation apparaît comme un groupe d’individus partageant un but collectif qui s’inscrit dans les « opportunités » qu’ouvrent les institutions. Elle est fréquemment rapportée à un « entrepreneur », en charge de la représentation de ses intérêts [13]. Elle existe dans de nombreux domaines, avec des organisations politiques, sociales, éducatives et économiques (entreprises, mais aussi coopératives et syndicats).

34Ayant distingué les organisations des institutions, North conçoit un processus « incrémental » de changement institutionnel et économique résultant des interactions entre organisations et institutions. Individus et organisations se caractérisent par une capacité générale d’apprentissage [14] leur permettant de découvrir des opportunités d’action dans un environnement institutionnel donné que, par leurs actions, ils contribuent à faire évoluer. Cet apprentissage prend une dimension collective dans le cas des organisations économiques de l’Occident médiéval, avec une implication des marchands et des organisations marchandes dans la dynamique des institutions.

35Le processus d’apprentissage « institutionnel » dont font preuve les organisations s’inscrit dans l’ensemble des interactions possibles entre organisations et institutions pour lequel North parle de « matrice institutionnelle » :

36« La matrice institutionnelle consiste en un réseau interdépendant d’institutions et d’organisations politiques et économiques qui en dérivent et qui se caractérisent par des rendements croissants. […] Des externalités de réseau se font jour, sur la base des coûts d’installation initiaux (comme la création de novo de la Constitution américaine en 1787), des effets d’apprentissage décrits ci-dessus via les contrats avec d’autres organisations et des attentes résultant d’une prévalence de pratiques contractuelles fondées sur les institutions existantes. » [North, 1991, p. 109].

37Le changement institutionnel mû par l’apprentissage des acteurs est contraint par les interdépendances dans cette matrice. Elles expliquent que son résultat soit, pour partie inintentionnel, même si ce changement institutionnel affecte une multitude d’individus et d’organisations collectives poursuivant des objectifs intentionnels.
Le changement institutionnel ne se réduit pas à un arbitrage entre des structures de gouvernance. Il correspond à une dynamique historique spécifique qui affecte l’ensemble des activités économiques et conditionne ce que North nomme la « performance économique » d’une société. Le problème n’est plus la recherche de l’efficience économique supposant l’existence d’un modèle de développement unique et identifiable partout ; il devient celui de l’explication des trajectoires sociales singulières que dessinent les activités économiques prises dans des matrices institutionnelles elles-mêmes en évolution. De plus, les institutions ne s’arrêtent pas aux portes des organisations : comme collectifs, les organisations reposent sur des interactions cadrées par des institutions comme dans le cas par exemple du travailleur salarié dont la condition est inséparable du contrat de travail tel que le définit le droit commun. North dépasse ainsi la dichotomie entre marchand et non marchand et son analyse se construit à partir d’autres catégories : institutions vs organisations, institutions formelles vs non formelles, la hiérarchie des règles formelles entre les constitutions, le droit et les contrats [North, 1990 p. 47].

4.3 – Le rôle actif de l’État via l’élaboration et l’enforcement des institutions

38La dynamique institutionnelle que North identifie repose sur une organisation dont la centralité va au-delà d’un simple rôle allocatif, redistributif et stabilisateur : l’État. Celui-ci joue un rôle essentiel dans l’élaboration et la mise en œuvre des institutions (« enforcement »). Ce rôle se retrouve notamment pour une institution que les économistes ont naturalisée dans leur analyse du marché : le contrat. En reprenant la perspective de l’École historique allemande, North [1990] souligne la relation entre l’émergence de l’État et l’extension des échanges, avec la recherche de cadres institutionnels permettant de les « dépersonnaliser ». Dans cette recherche, « de plus en plus de ressources doivent être consacrées à la mesure et à la garantie de la mise en œuvre (« enforcement ») » [North, 1990, p. 99].

39En dehors de la garantie de mise en œuvre qui échoit à l’État, du fait de son monopole de la violence physique légitime, il revient à ses membres de contribuer à la production d’institutions. North suggère d’appréhender la démocratie représentative comme un cadre de débats entre des groupes de différentes natures, notamment sur une base économique mais également sur la base d’« idées » ou de « valeurs » dans le cas de l’abolition de l’esclavage [ibid., p. 85]. Ces groupes envoient au Parlement des représentants d’intérêts spécifiques, qui ont à composer avec les représentants d’autres intérêts, différents voire contradictoires, pour arriver à un vote majoritaire sur une loi. Ainsi, le rôle des organisations dans l’activité législative apporte un éclairage supplémentaire sur les interactions entre institutions et organisations qui se nouent au sein de la matrice institutionnelle. On voit s’esquisser un processus d’action et rétroaction avec, d’une part, l’influence des organisations sur le cadre institutionnel et, d’autre part, l’apprentissage de ce cadre institutionnel par les organisations [15].

40Comme garant de l’ « enforcement » et producteur central des institutions, l’État joue un rôle essentiel dans les processus historiques incrémentaux que North identifie. Ainsi, North propose une étude de l’institutionnalisation progressive des échanges marchands par l’État en Occident, en introduisant un regard complémentaire à celui de Polanyi sur l’action de l’État. Avec l’État se trouve institué un monopole de la force qui écarte la violence dans les interactions et rejoint les efforts des marchands pour protéger leurs biens. Pour North comme pour Polanyi, le cas britannique donne à voir l’évolution essentielle que constitue l’affirmation de la suprématie du Parlement sur la Couronne qui se concrétise, selon North, avec la Révolution de 1688 (« The Glorious Revolution »).
En mettant l’accent sur la construction institutionnelle des cadres de l’échange marchand, les analyses de North conduisent à une perspective critique sur les réformes « libérales » récentes qui ne visent l’institutionnalisation d’un marché que par la remise en cause des réglementations existantes. L’expérience de la transition post-socialiste dans les années 1990 est particulièrement éclairante. Les premières recommandations adressées par la Banque mondiale et le FMI aux gouvernements de pays post-socialistes soulignaient surtout l’importance d’un retrait de l’État de l’économie. Le « consensus de Washington [16] » recommandait de libéraliser les marchés, de déréglementer l’économie et de privatiser les actifs pour permettre l’émergence d’un marché libre et donc nécessairement efficace. Cette approche insistait bien davantage sur la destruction du cadre institutionnel socialiste que sur la construction d’un cadre institutionnel capitaliste, supposé émerger de lui-même. L’expérience des premières années de la transition a conduit cependant à l’émergence de dynamiques institutionnelles particulièrement inefficaces [voir Banque mondiale 2002, et Koleva et Vincensini, 2000, sur le cas tchèque], aboutissant notamment à la capture du marché et de l’État par des lobbies puissants dans l’ex-Union soviétique [Frydman et al., 1998]. Il a fallu attendre la seconde moitié des années 1990 pour que les institutions financières internationales deviennent plus sensibles à la nécessité de construire l’appareillage institutionnel des marchés et se réfèrent explicitement à North [Banque mondiale, 2002] [17]. Les recommandations se sont alors déplacées sur le terrain de la régulation des relations entre acteurs économiques, de la réinstitutionnalisation de l’économie et de la reconstruction de l’État dont le rôle central dans l’élaboration et la mise en œuvre du cadre institutionnel est enfin reconnu.

4.4 – Trois mondes institutionnels

41Refusant d’imputer la performance économique de l’Occident à une forme de supériorité culturelle, North [1990, 1994] met en évidence la pluralité des « matrices institutionnelles » [18] pour lesquelles nous suggérons de parler de « mondes » au sens où ces « matrices » correspondent à des processus que renforce l’activité des individus et des organisations, selon des sentiers de dépendance spécifiques [19].

42Le monde anglo-saxon (Royaume-Uni, États-Unis) se définit par la prééminence du Parlement, la garantie des droits de propriété et une ouverture des institutions – notamment juridiques, c’est-à-dire les lois et les juridictions – à l’influence des organisations. La démocratie représentative est ici liée, dans une matrice institutionnelle durable, à des « organisations » politiques et économiques qui puisent dans les institutions des capacités d’action et qui, en retour, tirent de leurs expériences de ces institutions un apprentissage les conduisant à suggérer des aménagements légaux ou jurisprudentiels.

43Les analyses de North évoquent à cet égard le processus de « rationalisation » formelle que Weber [1986] identifie dans le développement des droits occidentaux [Coutu, 1995]. Les « organisations », notamment économiques, y agissent comme ce que Weber nomme les « forces du marché » dans un « réseau interdépendant » de règles formelles et un système hiérarchisé de juridictions.

44Le monde du souk[20] se définit par le talent des marchands, leur qualification individuelle et leur capacité à monopoliser l’information sur les produits en faisant monter les coûts de transaction pour la partie adverse. Le souk échappe quasiment à l’autorité de l’État et les litiges y sont réglés par le recours à des témoignages directs sur les agissements des individus, dans un cadre évoquant ce que Weber [1986] nomme « la justice de Cadi ». Le Cadi « invente » sa décision, sans se référer à des règles préalables. En d’autres termes, « la régulation des litiges implique la déposition de témoins fiables sur des questions factuelles, sans que soient mis en balance des principes juridiques concurrents » [North, 1990, p. 103]. Dans ce monde institutionnel, l’apprentissage demeure individuel et ne se communique pas aux institutions qui restent globalement informelles.

45Un troisième modèle institutionnel se dégage de l’histoire de l’Espagne, comme monde de la majesté de l’État. Ce monde se définit par l’existence d’un État imposant une religion commune et se dotant d’une bureaucratie en mesure de veiller finement au fonctionnement des différentes sphères d’activité. Les individus et les organisations autres que le souverain y sont privés de toute expression institutionnelle.
La mise en évidence de ces trois mondes renvoie à des processus de consolidation qui dessinent des « trajectoires institutionnelles » spécifiques [Vincensini, 2010]. Elle conduit à s’interroger sur une éventuelle convergence entre des configurations institutionnelles différentes : dans quelle mesure les autres mondes institutionnels doivent-ils et peuvent-ils s’aligner sur celui identifié comme le plus performant ? Cet alignement se retrouve fréquemment dans l’histoire, ainsi de celui des pays sud-américains sur le modèle des États-Unis au moment de la décolonisation. Mais alors qu’il est possible d’importer des institutions formelles, il reste quasiment impossible de transformer délibérément des institutions informelles. Tout transfert institutionnel se révèle donc incomplet, dans la mesure où il n’affecte pas, du moins dans un premier temps, les institutions informelles telles que les croyances et les normes culturelles. Il reste également sous la menace des effets en retour des institutions informelles. Ainsi, le transfert d’institutions assez similaires en Europe centrale et dans les pays de l’ex-Union soviétique a eu des effets divergents – plus efficaces en Europe centrale que dans la CEI – du fait de la différence entre les institutions informelles sous-jacentes [Chavance, 2008]. Des trajectoires institutionnelles nationales spécifiques persistent de même en Europe centrale, nuançant la portée de la thèse d’une convergence avec les pays de l’Union européenne, notamment parce que le changement institutionnel n’est pas mû seulement par la recherche de l’efficience mais par un ensemble de processus beaucoup plus complexes [Vincensini, 2009].

4.5 – Un nouveau programme de recherche en sciences sociales ?

46En partant d’une définition simple de l’institution comme règle du jeu, les analyses de North apportent une contribution importante à l’explication de processus historiques complexes dans lesquels se trouvent prises les dynamiques économiques. Les institutions s’imposent comme des références pour les acteurs et conduisent à des apprentissages institutionnels permettant d’en explorer la portée et conduisant quelquefois à en suggérer des aménagements.

47Dans leur dimension juridique, elles conduisent de plus à considérer différemment la présence de l’État dans la vie économique et sociale. Il ne s’agit plus d’opposer un marché fonctionnant selon des mécanismes purs, à une intervention publique qui les perturberait. L’État se conçoit à travers les institutions comme une présence continue qui fournit des catégories de l’activité économique, c’est-à-dire, en premier lieu, des références et des guides pour les acteurs. Mais il apparaît aussi comme l’horizon du recours pour obtenir l’exécution des engagements que les acteurs prennent les uns envers les autres conformément au cadre institutionnel disponible. L’institution suppose ici l’existence en arrière-plan d’un système judiciaire permettant la saisine du juge par les particuliers et la mise en œuvre proportionnée de la force publique. On voit se dessiner les différents éléments qui constituent l’État et dont la présence est en jeu à travers les institutions. L’État, c’est la force et la suprématie militaire sur laquelle North revient souvent. C’est aussi le juge et sa capacité d’écoute des requêtes que lui adressent les individus et les organisations pour arriver à une décision juridiquement acceptable. C’est enfin l’organe essentiel de production des institutions selon des processus plus ou moins transparents et plus ou moins en rapport avec les intérêts des citoyens.

48Dans les activités économiques les plus courantes se jouent ainsi des processus historiques complexes affectant simultanément la « matrice institutionnelle » et la « performance économique ». Progressivement, North en arrive à un programme visant à analyser la portée explicative des institutions sur la performance économique, en transformant insensiblement la notion de coût de transaction qu’il continue d’employer. Forgée initialement en référence à un marché fonctionnant de manière pure, cette notion servait de support à une « explication par l’efficience », c’est-à-dire à une vision selon laquelle le changement institutionnel s’expliquait exclusivement par la recherche par les agents de cadres institutionnels menant à l’optimum, développée par exemple par Demsetz [1967]. Elle devient ensuite, dans l’optique de North, porteuse d’un comparatisme historique. L’ampleur des coûts de transaction est alors évaluée non plus par rapport à la référence du marché « pur », mais par rapport à une configuration institutionnelle historique donnée et préalablement analysée par le chercheur. Cette transformation sémantique s’accompagne de l’apparition du terme de « performance économique » qui, selon nous, ne s’entend pas simplement en regard d’une compétition entre des systèmes nationaux, mais comme un développement historique constitutif du « tableau » d’une époque.

49En identifiant une dynamique spécifique de la « matrice institutionnelle », North développe une analyse des « interactions complexes entre les croyances, les institutions et d’autres facteurs qui influencent le changement comme la géographie, les techniques militaires et l’évolution des conditions de la concurrence. » [North, 2005, p. 165]. Ainsi, il est conduit à envisager une science de l’ « environnement humain » [ibid., p. 45] qui sorte de la tentation philosophique et psychologique de l’individualisme utilitariste de l’économie. Cela rejoint selon nous le projet durkheimien d’une « explication des faits sociaux » fondée sur la recherche de causalités sociales, qui vise précisément à rapporter l’activité des individus à un « milieu social » pris comme foyer d’une interaction causale complexe entre des faits sociaux. Elle suggère la mise en évidence d’une diversité humaine, tant dans l’espace que dans le temps, à l’instar des conclusions de Durkheim sur l’histoire comme science de la diversité humaine dans L’évolution pédagogique en France.

50Cette démarche invite l’économie et l’histoire économique à aller au-delà de méthodologies partant d’une nature humaine préalablement donnée [21], qu’elle soit conçue sur le modèle utilitariste ou sur des modèles ouverts à certaines formes de désintéressement mais incapables de penser l’historicité humaine. En s’attachant à « l’environnement humain », North entend endiguer l’emprise des sciences cognitives sur une certaine théorie économique qui recherche les déterminants de la rationalité instrumentale dans l’architecture physiologique du cerveau, voire dans celle du génome humain.

51L’intérêt de North pour la « matrice institutionnelle » implique également d’aller au-delà d’une démarche interactionniste qui réduirait l’interaction à un cercle limité d’individus. Cette démarche, qui se retrouve tant en sociologie, à travers la sociologie d’E. Goffman et de H.S. Becker, qu’en économie, avec l’économie des « conventions », permet de sortir de la polarisation des objets de recherche entre les niveaux micro et macro. Mais elle laisse parfois de côté le rôle des institutions comme référence pour les décisions des acteurs. Le schéma de la « convention » au sens de Lewis [1969] conduit ainsi à une analyse des coordinations interindividuelles sur la base d’un common knowledge qui s’établit entre les individus comprésents. Il reste à en concevoir l’effet sur le déroulement même de coordinations individuelles, notamment à travers les évaluations et les recours que les acteurs en tirent. Comme le suggère Salais [2009], la conception de l’institution est un défi pour l’économie des conventions qui s’explique par la difficulté à en cerner les effets dans les transactions économiques courantes : « Acheter son pain chez le boulanger n’oblige aucunement à mobiliser tout l’arsenal institutionnel pour arriver à ses fins. Ceci ne réduit en rien le rôle crucial des institutions, mais oblige à les définir à partir des caractéristiques de leur présence dans la situation. »
La référence à une institution comme cadre d’évaluation et procédure de recours susceptible d’orienter, voire de remettre en cause, le déroulement de l’interaction permet de penser la distance à l’interaction et la capacité d’influence, voire de retrait, que l’institution offre à l’individu. De plus, cette référence implique de reconnaître l’importance des institutions formelles face aux institutions « informelles ». Cette présence d’« institutions formelles » comme cadres des activités sociales, c’est-à-dire leur « effectivité » [Auvergnon, 2008], traduit la possibilité d’un changement institutionnel intentionnel, comme changement des règles du jeu dans un univers marqué par l’existence d’organisations et d’habitudes (régulation informelle). Le changement intentionnel des règles du jeu ouvre ainsi une page nouvelle d’une histoire qu’il revient aux acteurs (comme « joueurs ») d’écrire.

5 – Conclusion

52La rencontre avec l’œuvre de Polanyi dans les années 1970 témoigne d’une ouverture progressive de North à la question des institutions à partir d’un ancrage dans l’histoire économique quantitative orthodoxe [22]. La première étape de cette ouverture consiste à s’interroger sur l’historicité et l’universalité des catégories économiques. Le « défi » de Polanyi correspond à ce constat de la diversité des formes d’organisation économique sur la base notamment des apports de l’ethnologie. Mais la mobilisation de l’ethnologie par Polanyi lui interdit selon North de concevoir une dynamique historique pour appréhender les changements conduisant d’une société traditionnelle à une société de marché. « Polanyi nous donne une explication des systèmes de réciprocité et de redistribution qui est immuable par nature. Rien, dans son cadre d’analyse, n’explique les changements qui affectent la complexité systémique au cours de l’histoire. » [North, 1997 (1977), p. 63]

53La réponse initiale de North au défi de Polanyi, s’appuyant sur l’hypothèse de l’optimalité des sociétés traditionnelles en termes de coûts de transaction à une époque donnée, North [1997 (1977)], demeure insatisfaisante. Elle reprend les réflexions de Williamson sur la pluralité de structures de gouvernance, dominée par l’opposition entre marchand et non marchand, sans apporter de véritable réponse à la dynamique historique qui conduit à l’émergence de la société de marché. C’est à partir d’une définition de l’institution comme cadre des interactions humaines que la réflexion de North prend un tournant décisif au début des années 1990. L’analyse de North dévoile l’erreur idéologique d’une conception du marché comme mécanisme auto-régulé, indépendamment de toute référence à des institutions. Au cœur du marché, les transactions marchandes supposent en effet l’existence de contrats et de juridictions civiles qui en garantissent l’exécution.

54La pensée de North est ainsi difficilement réductible au « nouvel institutionnalisme ». Son apport implique de sortir de la dichotomie entre marchand et non marchand que supposent tout autant la pluralité des structures de gouvernance chez Williamson que l’encastrement social des activités économiques chez Granovetter. L’institutionnalisme de North conduit à concevoir une dynamique de l’économie dans les interactions complexes entre une pluralité de dynamiques sociales dont celle de la matrice institutionnelle est l’élément le plus fondamental. Ainsi l’histoire économique se trouve intimement liée à une histoire faite de révolutions politiques et de transformations démocratiques dans laquelle les institutions poursuivent leur existence dans le cours même des activités les plus quotidiennes à travers les usages qu’en font les acteurs.

Notes

  • [1]
    Cf. le bilan présenté par Williamson [2000].
  • [2]
    Voir Nee [2005] pour une intégration de la sociologie économique dans un courant général qu’il qualifie de « nouvel institutionnalisme ».
  • [3]
    Cette critique du quantitativisme en histoire trouve un écho dans les réflexions de Robert Salais et Alain Desrosières sur l’historicité des catégories statistiques et le débat suscité par la parution de l’ouvrage de Marchand et Thélot [1991].
  • [4]
    Par rapport au « modèle institutionnel » de la réciprocité dans la société traditionnelle [p. 78].
  • [5]
    La récurrence du concept de « structure » dans les analyses de la sociologie économique, dans le sillage de l’analyse du marché comme « structure sociale » par White [1981] et dans l’œuvre de Williamson, conduit à penser que le « nouvel institutionnalisme » constitue pour une grande part un « nouveau structuralisme ». Ce « nouveau structuralisme » se retrouve en particulier dans la sociologie des réseaux, les réseaux étant appréhendés comme des « structures » contraignant les comportements individuels (cf. Lazega, Mounier et Snijders [2008]).
  • [6]
    Telle que l’élabore dans un premier temps Coase : « Il existe un coût à l’utilisation du mécanisme des prix. Le coût le plus évident de l’« organisation » de la production à travers le système des prix ressortit à la découverte des prix adéquats. […] Les coûts de négociation et de conclusion de contrats séparés, pour chaque transaction d’échange prenant place sur le marché, doivent également être pris en compte. » [Coase, 1987 (1937), p. 139-140].
  • [7]
    Une structure de gouvernance est « le cadre contractuel explicite ou implicite dans lequel se situe une transaction (marchés, firmes, et modes intermédiaires, ex. franchisage) » [Williamson, 1981, p. 1544].
  • [8]
    Comme le suggère Caillé [1995], le concept d’embeddedness se trouve pris dans une tension entre « une pensée des ordres » à laquelle se rattache de manière fondamentale Polanyi et « une pensée du contexte » à laquelle se rattache Granovetter.
  • [9]
    Par une purification de la rationalité de tout principe entravant la réalisation de ses projets, en s’éloignant ainsi de la « rationalité axiologique » identifiée par Boudon [1999] comme la plus proche des acteurs sociaux courants.
  • [10]
    Cette conception de l’entrepreneur est radicalement différente de celle que l’on peut dégager de l’Éthique protestante de M. Weber [2003 (1904-1905)].
  • [11]
    À la différence du schéma structuraliste qui entend mettre en évidence l’action contraignante des structures sociales sur les individus.
  • [12]
    Jeammaud [1990] propose de parler de « modèles » pour l’action.
  • [13]
    L’entrepreneur n’est pas ici un acteur amoral, il agit comme responsable d’une organisation.
  • [14]
    Apprentissage concernant tout autant les marchés et les institutions que les processus productifs et les lois scientifiques qui s’y rapportent.
  • [15]
    Sur l’apprentissage de la portée de l’institution syndicale (à partir de la loi votée en 1884) conduisant à l’élaboration d’une législation sur la convention collective, voir Didry [2002].
  • [16]
    Ce terme désigne la position consensuelle de la Banque mondiale et du FMI, sis à Washington.
  • [17]
    Cependant, North [1997] critique l’approche de la Banque mondiale qui conserve une démarche optimisatrice et prétend connaître l’ensemble des « bonnes » institutions à mettre en œuvre, alors que North souligne toute la difficulté de concevoir et créer des institutions efficaces.
  • [18]
    Baechler [2009] parle de « matrices culturelles » pour désigner la pluralité dynamique des sociétés humaines.
  • [19]
    La démarche suivie ici fait écho à l’identification d’une pluralité des mondes du droit dans la sociologie de Weber par Didry [2006].
  • [20]
    Que North reprend des observations de Geertz [1986].
  • [21]
    « C’est ainsi qu’on a considéré comme inné à l’homme un certain sentiment de religiosité, un certain minimum de jalousie sexuelle, de piété filiale, d’amour paternel, etc., et c’est par là que l’on a voulu expliquer la religion, le mariage, la famille. » [Durkheim 1937 (1985), p. 106].
  • [22]
    Sur l’évolution de la pensée de North, cf. Milonakis et Fine [2005]. Ces auteurs relèvent également le caractère évolutif de la notion de « coûts de transaction » dans les œuvres de D.C. North, mais sans souligner sa rare capacité à se remettre en question et la stylisation progressive de son analyse autour de l’« institution ».
Français

Résumé

À partir du « défi » que North [1997 (1977)] a identifié dans les œuvres de Polanyi, nous proposons de mettre en évidence l’originalité de l’institutionnalisme de North, notamment par rapport au « nouvel institutionnalisme » tant en économie qu’en sociologie. Loin de retrouver la dichotomie entre marchand et non marchand au fondement des analyses de Williamson et de Granovetter, la définition des institutions comme « règles du jeu » proposée par North lui permet de concevoir les institutions comme soubassements institutionnels du marché et, partant, comme principes explicatifs des dynamiques historiques.

Mots-clés

  • institutions
  • dynamiques historiques

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Mis en ligne sur Cairn.info le 19/05/2010
https://doi.org/10.3917/rfse.005.0205
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