CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Introduction

1Le point de départ de cet article est la rencontre entre la sociologie économique structurale et la théorie postkeynésienne concernant la question de la formation des prix. Notre conception est ici que les prix ne sont pas « donnés » aux entrepreneurs, c’est-à-dire issus de la rencontre entre une offre et une demande, mais « fixés » par eux-mêmes, c’est-à-dire issus de décisions prises, sous conditions. Ainsi, les prix ne sont pas des « prix de marché néoclassique », mais des « prix de marché hétérodoxe ». Et leur formation est, selon nous, influencée par trois éléments : le projet d’entreprise ; la satisfaction du consommateur agrégé ; les contraintes liées aux coûts (salariés, fournisseurs).

2Le projet d’entreprise renvoie à l’activité concrète de l’entrepreneur, celle qui consiste à prendre des décisions stratégiques en matière d’investissements, en vue de la production de biens ou de services, qui seront par la suite échangés sur un marché. Mais, tout entrepreneur qui souhaite entrer sur un marché, rencontrer des consommateurs, et s’engager dans un processus transactionnel afin de réaliser des ventes, doit avant tout « annoncer » un prix. Non seulement, ce prix doit permettre à l’entrepreneur de rentrer dans ses coûts, mais il doit aussi lui permettre, éventuellement, de faire des bénéfices. Il se devra aussi d’être en phase avec les prix des autres entrepreneurs, les concurrents, et avec les attentes des consommateurs. Plus fondamentalement, le prix reflètera la délicate recherche d’un compromis, d’un « équilibre » précaire entre les différentes « parties prenantes » (stakeholders) de l’entreprise [2] : l’entrepreneur lui-même, les salariés, les fournisseurs, les concurrents et les clients.

3La maîtrise, par l’entrepreneur, de ses prix et de ses coûts, en fonction de son projet d’entreprise, est conditionnée par sa capacité à effectuer de « bons » pronostics, c’est-à-dire à anticiper les besoins, goûts, préférences, satisfactions de la demande au niveau agrégé. Cette capacité est soumise à l’incertitude radicale, au sens keynésien du terme, c’est-à-dire au fait que l’avenir est, par essence, inconnu. Les sanctions de la demande agrégée, qu’elles soient positives ou négatives, conduisent l’entrepreneur, dans un processus dynamique, à réviser ses stratégies en jouant sur les prix, les marges, les coûts. Ces opérations de révision concernent l’entrepreneur lui-même, mais aussi les rapports qu’il entretient avec les autres acteurs du marché : la concurrence (les pairs), les fournisseurs, les salariés, les clients.

4Pour illustrer notre propos, nous nous appuyons, tout au long de cet article, sur les données d’une enquête de terrain réalisée auprès de trois cents restaurateurs de la métropole lilloise. Du point de vue méthodologique, pour repérer la diversité des projets d’entreprise des restaurateurs, nous utilisons la description des « stratégies de profit » issues du travail sur les « modèles productifs » effectué par Boyer et Freyssenet (2000) ; pour analyser les contraintes de coûts et les résultats de la confrontation entre offre et demande, nous utilisons le concept d’interface emprunté à White [1981, 2002] ; pour ce qui est du mode de fixation des prix, dont dépend le taux de marge, nous nous basons sur la théorie du cost-plus proposée par les post-keynésiens.

5Après avoir présenté le cadre théorique dans lequel s’inscrit notre travail, nous décrivons les différentes stratégies de profit des restaurateurs et présentons l’interface de marché que forment ces derniers, puis nous nous intéressons à leur manière de fixer les prix, et analysons les liens entre stratégies de profit, prix et performance économique.

2 – Cadre théorique

6Il y a deux manières de considérer le prix en tant qu’objet économique. Soit il est « donné » : c’est la conception néoclassique, selon laquelle le prix résulte de la libre confrontation entre une offre et une demande ; ce qui implique qu’un agent individuel sur un marché n’a pas de prise sur le prix qu’il pratique, il est donc price taker. Soit, au contraire, il est « fixé » : c’est la conception hétérodoxe, selon laquelle le prix résulte d’une décision de l’entrepreneur, décision qui doit faire face à certaines contraintes, mais qui laisse aussi une certaine autonomie, il est donc price maker. La notion de price making ne renvoie pas tant au caractère imparfait de la concurrence [Melmiès, à paraître], qu’au fait que sur un marché décentralisé, en l’absence de commissaire priseur, les entreprises doivent forcément déterminer un prix pour ensuite réaliser des transactions : dans cette conception, les prix précèdent donc les transactions [Lee, 1998], alors que dans la conception orthodoxe ce sont les volontés de transactions qui déterminent le prix d’équilibre [Tricou, 2008].

7De ces deux conceptions découlent logiquement deux définitions du marché. D’un côté, le marché constitue un mécanisme de confrontation entre une offre et une demande, dont la résultante est le prix de marché. De l’autre, le marché constitue, non pas un mécanisme, mais un « procès institutionnalisé » au sens de Polanyi [1957] [3], dont résulte la circulation de monnaie et de biens dans la société.

8De ces deux conceptions découlent aussi deux définitions du rôle de l’entrepreneur. Dans le premier cas, dans des conditions de marché données (de concurrence, de niveau de prix), il s’agit pour l’agent néoclassique (ou homo œconomicus), de maximiser son profit individuel, en optimisant ses coûts en fonction d’un espace des possibles qu’il connaît et auquel il associe des probabilités d’occurrence. Dans le second cas, au sein d’une structure de concurrence changeante et de prix conditionnés, il s’agit pour l’acteur économique, de mettre en œuvre des stratégies afin de rencontrer effectivement les anticipations de ventes qu’il avait précédemment formulées.

9Dans un cas, le futur est connu mais risqué. Dans l’autre cas, le futur ne préexiste pas car il sera modelé par les décisions des acteurs. C’est ce que Keynes entend par l’« incertitude radicale », qui laisse les acteurs économiques guidés par des conventions et par leurs « esprits animaux » quant à leurs décisions face à l’avenir. Avenir à propos duquel il faut admettre humblement « qu’on ne sait pas » de quoi il sera fait. Cette notion d’incertitude est un point commun aux différentes traditions hétérodoxes en économie [Bessis, 2008 ; Boyer, 2006 ; Lavoie, 2004], mais aussi en sociologie économique [Karpik, 2007 ; White, 1981, 2002].

3 – Le projet d’entreprise : rechercher une stratégie contre l’incertitude et pour le profit

10Un entrepreneur n’est pas un joueur de casino. Quand le joueur de casino mise de l’argent, il prend un risque. Ce risque est souvent élevé, mais probabilisable ; et seul le gain peut lui permettre de réaliser ses rêves, ses projets. Par contre, quand l’entrepreneur investit dans une entreprise, il est dans l’incertitude. Cette incertitude est impossible à probabiliser ; et seule l’anticipation du niveau de demande peut lui permettre de mettre en œuvre son projet. Alors que le risque (surtout de perdre, mais peut-être de gagner) est l’élément moteur du joueur de casino, l’incertitude, la peur, le manque de foi en l’avenir, sont susceptibles de paralyser l’action et de conduire l’entrepreneur au renoncement.

11Pourtant, contrairement au joueur de roulette au casino, pour qui aucune stratégie d’augmentation des chances de gains n’est envisageable, l’entrepreneur a à sa disposition de nombreuses possibilités pour réduire l’incertitude. Le projet de l’entrepreneur s’accompagne de la mise en œuvre d’une stratégie destinée à le réaliser.

12Pour identifier les stratégies sur le marché de la restauration lilloise, nous reprenons la théorie des « modèles productifs », proposée par Boyer et Freyssenet [2000] pour analyser l’industrie automobile au XXe siècle, en l’adaptant librement à notre cas d’étude. Au sein d’un même marché, Boyer et Freyssenet montrent que les stratégies de profit des entreprises peuvent s’avérer multiples. Ces stratégies de profit dérivent, elles-mêmes, de ce que ces auteurs appellent des sources de profit liées à la production de biens et de services. Ces sources sont ce que les entrepreneurs exploitent, au besoin, en les combinant entre elles.

13Dans un premier temps, nous repérons les différentes sources de profit possibles pour les restaurateurs. Nous en distinguons quatre (cf. Annexe méthodologique), une cinquième apparaissant par défaut. La première source est la qualité [4], qui autorise la fixation d’un prix relativement élevé (28 % de notre population) ; la deuxième est le volume, qui permet des économies d’échelle grâce au volume d’activité élevé (28 %) ; la troisième est la spécialisation, qui permet de se positionner sur une niche de marché, facilement repérable par les consommateurs comme renvoyant à un type d’établissement particulier (28 %) ; et la quatrième, l’innovation, qui garantit un temps une rente de monopole (16 %). Lorsqu’il s’avère difficile de caractériser un établissement par une source de profit, nous considérons qu’il est tourné vers la proximité, c’est-à-dire qu’il vise seulement une certaine stabilité de sa clientèle, l’espérant fidèle car géographiquement captive (33 %) [5].

14Pour déterminer les stratégies de profit les plus répandues chez les restaurateurs, nous repérons les combinaisons de sources de profit les plus fréquentes (cf. tableau 1). Outre la proximité, cinq stratégies se dégagent de la plus répandue à la moins répandue : la qualité seule, le volume seul, la combinaison spécialisation-innovation, la combinaison qualité-volume [6] et la spécialisation seule. Cette typologie est avant tout analytique, et invite à une réflexion hétérodoxe sur la capacité de l’entrepreneur à maîtriser son propre positionnement au sein d’un marché : cette maîtrise ne peut évidemment être que partielle, ce qui renvoie au fait que les incertitudes sont moins surmontables individuellement que collectivement, c’est-à-dire par l’observation mutuelle entre entrepreneurs.

Tableau 1

Proportion de restaurateurs par stratégie de profit

Tableau 1
Stratégie Pourcentage Qualité 19 % Volume 16 % Spécialisation-innovation 13 % Qualité-volume 10 % Spécialisation 9 % Proximité 33 % Source : Éloire, 2008.

Proportion de restaurateurs par stratégie de profit

15Les stratégies de profit peuvent être appréhendées, d’un point de vue sociologique, comme des prises de positions au sein d’un champ [Bourdieu, 1984, 1997]. C’est la position dans la structure du champ qui conditionne l’adoption d’une stratégie de profit, autrement dit qui délimite l’espace des possibles des restaurateurs. En effet, pour ceux qui adoptent une stratégie tournée vers la qualité, l’analyse du champ révèle l’importance du capital culinaire, c’est-à-dire du savoir-faire acquis avant l’installation, par l’expérience professionnelle (en tant que salarié, notamment), et par la certification (l’obtention d’un diplôme) [7]. Toujours parmi ces restaurateurs qui font le choix de la qualité, l’analyse révèle aussi l’importance du capital social, au sens de Bourdieu (1980), c’est-à-dire des réseaux d’interconnaissance et d’inter-reconnaissance entre pairs dans la concurrence pour l’accès aux récompenses gastronomiques, à savoir les citations et les distinctions dans les guides prestigieux de la profession (Michelin, Gault et Millau, etc.) [8].

16L’influence des pairs se marque par l’existence d’associations de Chefs, locale (Les Tables Gourmandes, sur la métropole lilloise) ou nationales (Maîtres cuisiniers de France ; Générations.C ; Disciples d’Escoffier ; Prosper Montagné), qui fonctionnent par cooptation des membres. L’investissement relationnel apparaît ainsi essentiel pour les restaurateurs qui adoptent une stratégie qualité ; mais il semble, à l’inverse, prohibé pour ceux qui adoptent une stratégie volume [9]. Il s’agit, pour nous, d’un trait caractéristique de l’existence de deux formes idéal-typiques de concurrence : la concurrence par la qualité et la concurrence par les prix. Ces dernières induisent, elles-mêmes, l’existence de différentes formes d’interdépendances entre acteurs du marché.

4 – L’interface de marché : le marché comme procès institutionnalisé

17C’est toute l’orientation du travail de White [1981, 1992, 2002], et de la sociologie économique structurale à sa suite [Lazega et Mounier, 2002], que de présenter les entrepreneurs comme interdépendants sur un marché, ce qui est bien résumé, selon nous, par l’idée selon laquelle « les producteurs s’observent entre eux ». Pour représenter l’interdépendance entre producteurs, White mobilise le concept d’interface de production. Pour lui, le marché ne se résume pas uniquement à la rencontre entre une offre et une demande, comme chez les néoclassiques. Il considère que « chaque marché est tripartite : fournisseurs, producteurs, consommateurs ». Ce qui confère à l’interface deux types d’orientations possibles « soit une orientation upstream vers les fournisseurs ; soit une orientation downstream, vers les consommateurs » [ibid., 2002, p.11].

18À partir des données empiriques, nous construisons l’interface des restaurateurs lillois (cf. Annexe méthodologique). Le modèle W(y) élaboré par White propose une représentation de la structure de marché au moyen d’un plan en deux dimensions (cf. figure 1) [10]. La première dimension considère le volume de production et, la seconde, la qualité de la production. Au sein de chacune de ces deux dimensions, White prend en compte simultanément l’offre (les coûts engagés par chaque restaurateur) et la demande (la satisfaction de la clientèle au niveau agrégé [11]). Cette combinaison de volume de vente et de qualité de produit détermine ce que White appelle une niche de qualité. Bien qu’attachée, individuellement, à chaque restaurateur, cette niche de qualité s’inscrit dans la structure de l’interface qu’elle contribue à façonner. Plus précisément, elle se situe soit dans une zone d’échec, soit dans un des types de marchés aux caractéristiques spécifiques, identifiés par White comme paradoxal, ordinaire ou avancé.

19Les restaurants situés au sein du type de marché paradoxal se caractérisent par une production « haut de gamme », une qualité élevée et des volumes de production (relativement) faibles. Par opposition, ceux du type de marché avancé, portent leur attention sur les volumes produits : plus ils sont élevés, plus les coûts seront faibles du fait des économies d’échelle, mais la sensibilité à la qualité est faible. Le marché de type ordinaire apparaît, enfin, comme une situation intermédiaire : les coûts de production croissent avec la qualité mais la sensibilité au volume reste plus forte que la sensibilité à la qualité [Steiner, 2005 ; Biencourt et al., 1994].

Figure 1

L’interface de marché à partir du modèle de W(y) de White

Figure 1

L’interface de marché à partir du modèle de W(y) de White

Source : construit par les auteurs.

20Les stratégies de profit identifiées plus haut sont particulièrement en concordance avec les types de marché de White (cf. tableau 2). Le marché paradoxal rassemble près de 85 % des entreprises observant une stratégie qualité, et près de 90 % de celles observant une stratégie qualité-volume ; le marché avancé rassemble 70 % des entreprises mettant en œuvre une stratégie volume, et 66 % de celles mettant en œuvre une stratégie spécialisation ; et le marché ordinaire rassemble plus de la moitié des entreprises ayant une stratégie spécialisation-innovation, et près de la moitié de celles misant sur la proximité. Certes, ces résultats peuvent paraître redondants, notamment pour ce qui concerne les stratégies qualité/type paradoxal, et volume/type avancé. C’est que leur intérêt réside surtout dans la position des autres stratégies, dont les variables de construction, les styles de cuisine (cf. Annexe méthodologique), n’interviennent en rien dans la construction des paramètres de l’interface. Alors que le modèle de White suppose une construction complexe pour obtenir une typologie simple (en trois classes), et alors que les stratégies de profit sont construites simplement et aboutissent à une typologie plus complexe (en six classes), ces deux outils se consolident mutuellement et légitiment les indicateurs (différents dans les deux cas) utilisés pour leur construction.

21Les stratégies spécialisation et spécialisation-innovation sont principalement le fait de producteurs dont les établissements ne sont tournés ni totalement vers le volume, ni totalement vers la qualité. Ils se situent dans une partie de l’interface où la concurrence économique est forte, et où la niche de qualité est la moins « distinctive ». Ni la qualité, ni les prix, ni la taille ne faisant la différence, c’est sur le style de cuisine que celle-ci peut se faire : en cherchant à se démarquer des styles brasserie ou traditionnel français ou régional. Ces restaurateurs apportent par exemple des cuisines d’autres régions ou d’autres pays, inventent des concepts originaux, etc. L’innovation est ici conçue comme le premier stade d’un processus de spécialisation. Si l’innovation est plus fréquente au sein du marché ordinaire, c’est sans doute du fait de la situation intermédiaire qui le caractérise, et qui rend propice le lancement d’innovations, susceptibles d’évoluer si la réussite est au rendez-vous.

Tableau 2

Répartition des stratégies de profit selon le type de marché

Tableau 2
(% en ligne) Paradoxal Ordinaire Avancé Qualité (Q) 84 % 14 % 2 % Qualité-volume (Q-V) 87 % 3 % 10 % Spécialisation-innovation (I-S) 12 % 56 % 32 % Proximité (P) 10 % 49 % 41 % Spécialisation (S) 10 % 24 % 66 % Volume (V) 2 % 27 % 71 % Moyenne 30 % 33 % 37 % Source : Éloire, 2008.

Répartition des stratégies de profit selon le type de marché

22Le lien entre marché avancé et spécialisation peut s’expliquer par le fait que celle-ci constitue, en fait, une ancienne innovation (par exemple la pizzeria) qui a réussi et à partir de laquelle la concurrence s’est fortement développée. Le lien entre marché ordinaire et innovation s’expliquerait alors de façon inverse : l’innovation étant un pari sur l’avenir, le chemin qu’un entrepreneur porteur d’un projet innovant devrait parcourir pour fidéliser une clientèle l’inciterait plutôt à commencer modestement (du point de vue des caractéristiques économiques et des exigences qualitatives).

5 – La procédure de fixation des prix : les prix comme rapports sociaux

23L’adoption d’une stratégie de profit oblige le restaurateur à répartir ses coûts de manière spécifique. Les figures 2a et 2b illustrent le fait qu’au sein d’une même profession il est possible de réaliser son chiffre d’affaires de manières très différentes. Les entreprises 1 et 2 réalisent un chiffre d’affaires relativement similaire. Mais sur la figure 2a, on constate que le volume de client est quasiment de 1 pour 7, et sur la figure 2b, que le nombre de salariés est quasiment de 1 pour 2. L’entreprise 1 fait clairement de la qualité ; l’entreprise 2, clairement du volume. D’un côté, le chiffre d’affaires est réalisé avec peu de clients, de l’autre avec beaucoup : ce qui les différencie est donc la politique de prix, élevée d’un côté, basse de l’autre. D’un côté, il y a moins de clients à servir, donc le nombre de salariés est plus faible ; et de l’autre, il y en a plus à servir donc il est plus élevé. Mais l’important réside, en fait, dans le rapport : 1/7 et 1/2. En proportion, l’entreprise 1, qui fait de la qualité, a plus de salariés que l’entreprise 2 qui fait du volume : c’est ce que l’on nomme « indice de disponibilité du salarié », qui est un gage de qualité, et qui est donc plus élevé pour l’entreprise 1. Mais ce gage de qualité est aussi un indicateur d’un coût plus élevé.

Figure 2a

Le chiffre d’affaires en fonction du nombre de clients

Figure 2a

Le chiffre d’affaires en fonction du nombre de clients

Source : Éloire, 2007.
Figure 2b

Le chiffre d’affaires en fonction du nombre de salariés (ETP)

Figure 2b

Le chiffre d’affaires en fonction du nombre de salariés (ETP)

Source : Éloire, 2007.

24Cette analyse empirique montre qu’un projet d’entreprise fondé sur la stratégie qualité induira des investissements en personnel et une structure d’organisation du travail différente d’un projet d’entreprise fondé sur la stratégie volume. Ainsi, la décision en matière de fixation de prix est inséparablement liée au projet initial de l’entrepreneur et à la stratégie qu’il met en œuvre pour le réaliser. Dans cette perspective, le prix reflète moins la rareté que, d’une part, les coûts de réalisation nécessaires à la production et, d’autre part, le pouvoir symbolique, la capacité du restaurateur à extraire un profit de son activité. Autrement dit, les prix sont fixés avant toute transaction, ils n’ont pas vocation à équilibrer l’offre et la demande de marché [Tricou, 2008], ni à maximiser les profits, mais à fournir les fonds nécessaires à la reproduction dans le temps de la firme et de ses objectifs.

25Les post-keynésiens développent une théorie de la fixation des prix adaptée à cette situation, qui repose sur « le principe du calcul de coût ou cost-plus » [Lavoie, 2004, p. 44) : le prix résulte de l’ajout d’une marge de profit à une mesure du coût unitaire, par exemple le coût unitaire direct [12] :

26

equation im6

27Le fait de poser que le prix se compose des deux éléments de coût et de marge revient à considérer que sa fixation est conditionnée par trois types de rapports interdépendants, premièrement avec les fournisseurs/salariés, deuxièmement avec les consommateurs, troisièmement avec les pairs/concurrents :

  • du rapport avec les fournisseurs/salariés dépend le volume des coûts (matières premières et masse salariale principalement) : plus le pouvoir économique ou symbolique de négociation est important plus les coûts pourront être réduits (par rapport aux concurrents) et plus les prix pourront être fixés bas ou plus les marges pourront être élevées. En effet, les restaurateurs tournés vers le volume auront des relations privilégiées avec leurs fournisseurs et pourront escompter des remises du fait des quantités commandées. De même, les relations du restaurateur avec ses salariés seraient marquées par une grande volonté de maîtrise des coûts salariaux : les salariés de ces restaurants ne se verraient pas offrir des salaires très intéressants et ils se verraient souvent usés par le métier et découragés par la rémunération, de sorte qu’on constaterait un fort taux de turnover dans la main-d’œuvre [13].
  • du rapport avec les consommateurs dépend la sanction positive ou négative de la demande agrégée ; ainsi, le taux de remplissage indique au restaurateur si la niche de qualité qu’il occupe et la marge de profit qu’il a déterminée en accord avec son projet d’entreprise sont viables ou non ; et, à court terme, la demande ne détermine pas tant le prix (la marge) que le taux d’utilisation des capacités. Aussi, si la sanction d’un restaurant vide peut inciter le restaurateur à réviser sa politique de marge et de prix à moyen terme, il n’en reste pas moins que ses marges de manœuvre sont restreintes et que la sanction de la demande porte plus sur le projet du restaurateur dans son ensemble que sur ses prix. Pour le dire autrement, la demande ne détermine pas la marge de profit du restaurateur, mais le montant de ses profits.
  • du rapport avec les pairs/concurrents dépend l’espace des possibles, c’est-à-dire la fourchette de prix au sein de laquelle il est raisonnable de se situer eu égard à la cuisine proposée. White [1981, 2002] insiste sur le fait que les producteurs construisent collectivement l’échelle de qualité au sein de laquelle ils se distribuent ; les post-keynésiens insistent davantage sur la construction collectivement conditionnée des prix. La construction collective de la qualité est liée, chez White, au fait que les producteurs s’observent entre eux. Le verbe « observer » prend ici un sens large : on s’observe certes pour mieux s’imiter, se copier ; mais on le fait aussi pour mieux se démarquer, se différencier des autres, cultiver son originalité et se positionner à l’interface. L’observation crée donc le conformisme, l’inertie, la reproduction ; mais est tout autant porteuse d’innovation, de nouveauté, de changement, de singularité [Karpik, 2007]. White donne un contenu précis à l’observation : le producteur observe chez les autres la quantité de produits vendus (le volume y) et la recette réalisée (chiffre d’affaires W) pour cette quantité (cf. figure 2a). La construction collective des prix renvoie, chez les post-keynésiens, au fait que les entreprises s’observent et se suivent [Lavoie, 2004, p. 50]. Une hiérarchie est établie entre entreprises leaders (du fait du pouvoir symbolique offert par leur capital culturel ou économique) et entreprises dominées ou suiveuses. Les leaders établissent librement leur prix, et la marge qui en découle les satisfait pleinement compte tenu de leurs autres contraintes. Les entreprises dominées sont par contre forcées de suivre le mouvement lancé par les leaders et elles s’alignent alors sur leur prix, quitte à rogner sur leurs marges pour suivre le prix des leaders. Ces entreprises sont price-maker, mais margin-taker au sens où elles subissent la marge qui découle du prix et de la structure des coûts. La survie à long terme des entreprises dominées dépendra alors de leur capacité à mieux maîtriser leurs coûts pour mieux coller à la marge des entreprises leaders.
Dès lors, il apparaît clairement que les rapports qu’entretient l’entrepreneur avec les trois différentes parties (consommateurs, fournisseurs, pairs/concurrents) sont mutuellement conflictuels. Il faut en quelque sorte choisir lequel de ces rapports/objectifs doit primer sur les deux autres [Dallery et Van Treeck, 2008]. Si la satisfaction des consommateurs est le premier objectif de l’entrepreneur, il devra s’efforcer d’offrir la meilleure qualité au meilleur prix. Cela supposera d’obtenir une qualité en accord avec son prix, et d’augmenter la qualité pour un prix donné (augmentation des coûts et réduction de la marge). Si l’objectif premier de l’entrepreneur est la réalisation de la qualité, et la reconnaissance de ses pairs, il favorisera le rapport avec ses fournisseurs (de matières premières et de travail), quitte à ce que cela se fasse au détriment du consommateur (prix élevé eu égard à la qualité jugé par le client agrégé), ou de lui-même (marge faible pour coller au jugement du consommateur agrégé). Si, enfin, l’entrepreneur entre dans une logique de compétition dans son rapport avec ses pairs/concurrents, cela pourra se faire au détriment des fournisseurs (pression sur les prix transférée sur les coûts ; pression sur les salaires et les conditions de travail) et, à l’avantage du consommateur, éventuellement (logique contradictoire entre baisse du prix et baisse de la qualité).

28La résolution concrète de ces conflits supposera d’atteindre un compromis entre les différentes parties prenantes et les tensions qu’elles génèrent sur les différentes composantes de prix, de marge et de qualité. Le compromis atteint dépendra certes de l’adoption d’une cible particulière que l’entrepreneur désire poursuivre en faveur d’une partie prenante, mais il dépendra aussi du pouvoir de négociation des différentes parties prenantes. L’entrepreneur peut opter pour la satisfaction de la qualité et privilégier le rapport avec ses fournisseurs, mais si le consommateur agrégé est très puissant, si la concurrence est forte entre pairs, ce choix pourra être remis en cause. En quelque sorte, il peut ne pas avoir les moyens de son ambition.

6 – La performance économique par stratégie de profit

29La procédure de fixation du prix, conditionnée par le projet d’entreprise, n’est pas ici, à la différence du postulat néoclassique, guidée par la recherche de la maximisation du profit, ce qui n’exclut pas pour autant la possibilité, pour l’entrepreneur, d’en générer. L’analyse par stratégie de profit, nous permet d’émettre différentes hypothèses économiques (néo) classiques sur le niveau du taux de marge, puis de les questionner. La première hypothèse concerne le taux de marge des établissements adoptant une stratégie volume : du fait de leur faible qualité, les produits ne sont pas différenciés, par conséquent la concurrence est plus importante, ce qui pousse à la baisse des prix et donc des marges. La seconde hypothèse concerne le taux de marge des établissements adoptant une stratégie qualité : du fait de la singularité des produits (liée à celle des producteurs), les produits bénéficient d’une sorte de rente de monopole qui les protège contre la guerre des prix, ce qui pousse à la hausse des marges donc à la hausse des prix. Cette seconde hypothèse peut aussi s’appliquer aux stratégies innovation, proximité et qualité-volume (où la qualité prime sur le volume) ; tandis que la première s’appliquerait plutôt à la stratégie spécialisation, dont nous avons vu qu’elle correspond à une innovation à partir de laquelle la concurrence se serait fortement développée.

30Pour tester cette hypothèse, nous construisons un indicateur de rentabilité constituant une estimation de la réussite économique des restaurateurs : il s’agit de la marge nette, c’est-à-dire du rapport entre le résultat net et le chiffre d’affaires de l’entreprise [14]. Les données sur la rentabilité étant sensibles, nous n’avons pas pu les obtenir directement de la part des restaurateurs, nous les avons donc collectées grâce à des fichiers administratifs qui sont consultables gratuitement sur Internet [15]. Mais ces fichiers sont lacunaires (en particulier pour les restaurateurs constitués en entreprise individuelle). Au final, les données sur le résultat net n’ont pu être recueillies que pour 64 % des restaurants de notre population (soit 200 restaurants sur 314).

31Le tableau 3 présente le taux de marge nette moyen (rentabilité moyenne) des établissements selon la stratégie de profit adoptée. Par rapport aux hypothèses (néo) classiques formulées au début de cette section, les résultats apparaissent contre-intuitifs. En effet, pour ce qui est de la première hypothèse selon laquelle l’intensité de la concurrence devrait conduire à une baisse des marges, nous constatons que les restaurants censés être le plus exposés à la concurrence par les prix (ceux qui adoptent une stratégie centrée sur le volume ou la spécialisation) possèdent une rentabilité moyenne (4,0% pour le volume et 4,4% pour la spécialisation) qui apparaît nettement supérieure à la moyenne de l’ensemble des stratégies (2,0%). C’est aussi le cas, bien que dans une moindre mesure, pour les restaurants qui tablent sur la proximité (3,5%) [16].

32Pour ce qui est de la seconde hypothèse selon laquelle une différenciation du produit (par la qualité ou l’innovation) génèrerait une rente de quasi-monopole, nous constatons que les restaurants qui adoptent une stratégie basée sur la qualité ou l’innovation ont une rentabilité moyenne nettement inférieure à la moyenne globale, au point que cette rentabilité moyenne s’avère même négative [17] (-1,4% pour la qualité et -0,8% pour l’innovation). Seules les entreprises capables d’allier le volume et la qualité présentent des résultats encourageants (2,8%).

33L’indicateur de moyenne est encadré d’une limite, celle d’occulter les disparités internes aux différentes stratégies. Pour y remédier, il nous faut aussi analyser les écarts-types. Le tableau 3 montre que les différences de rentabilité sont sensibles pour toutes les stratégies. Quelle que soit la stratégie de profit considérée, il existe de grandes disparités entre établissements concernant leur rentabilité. Mais, si l’on y regarde de plus près, il convient de souligner que les établissements poursuivant une stratégie axée sur la qualité ou l’innovation sont ceux pour lesquels les disparités sont les plus prononcées. La valeur particulièrement élevée de l’écart-type indique ici que, dans l’ensemble, si ces deux stratégies semblent moins profitables (cf. la proportion d’établissements à marge nette négative), cela n’exclut pas la possibilité pour certains établissements adoptant ces stratégies de connaître de grandes réussites économiques.

Tableau 3

Rentabilités moyennes des restaurants par stratégie de profit

Tableau 3
Moyenne des taux de marge nette Ecart-type des taux de marge nette Proportion d’établissements à marge nette négative Nombre de données Innovation-Spécialisation -0,8% 0,089 35,7% 28 (68%) Proximité 3,5% 0,063 18,4% 49 (47%) Qualité -1,4% 0,075 45,2% 42 (72%) Qualité-Volume 2,8% 0,056 18,5% 27 (87%) Spécialisation 4,4% 0,046 11,7% 17 (59%) Volume 4,0% 0,057 18,4% 37 (74%) Total 2,0% 0,069 25,9% 200 (64%) Source : Dallery, Éloire, Melmiès, 2008.

Rentabilités moyennes des restaurants par stratégie de profit

7 – Discussion et interprétations : revisiter le lien concurrence - profit

34Contre-intuitifs du point de vue des hypothèses économiques (néo)classiques, ces résultats trouvent néanmoins leur explication lorsqu’on les examine à l’aune des théories que nous avons mobilisées : le projet d’entreprise, l’interface, et les différents rapports qui existent entre acteurs participant au marché quant à la formation des prix.

35L’invalidation de la première hypothèse ne conduit pas à dire que la guerre des prix n’existe pas entre les restaurateurs qui adoptent une stratégie volume [18]. Simplement, la concurrence par les prix ne conduit pas à une diminution de la marge, mais à une compression des coûts (cf. équation 1). Comme nous l’avons indiqué, les coûts renvoient au rapport restaurateur-fournisseur et au rapport restaurateur-salarié. Plutôt que de réduire la marge face à la pression à la baisse des prix, un transfert de risque (lié à l’incertitude quant aux anticipations sur la demande) s’opère du restaurateur vers ses fournisseurs et ses salariés, qui servent alors d’amortisseurs. Le restaurateur agit ici comme un gestionnaire d’entreprise. La restauration n’est qu’une activité comme une autre, et il faut lui appliquer les recettes de management traditionnelles. Cette stratégie correspond bien au capital culturel des restaurateurs impliqués dans ce type de marché : ces restaurateurs n’ont pas de réelle formation culinaire, ils sont plus gestionnaires que cuisiniers. Concrètement, le restaurateur engagé dans un projet d’entreprise axé sur une stratégie de profit par le volume va accentuer sa pression sur les salariés (faibles salaires, turnover élevé) et sur les fournisseurs (report de la concurrence sur les fournisseurs avec réduction des prix payés aux fournisseurs). Dans cette configuration, du fait de la guerre des prix, c’est le consommateur qui, au final, se voit épargné, dans une certaine mesure du moins. Le pouvoir de négociation est clairement à l’avantage des restaurateurs face aux salariés et aux fournisseurs, mais le consommateur peut bénéficier en retour de cette lutte pour la concurrence. La faiblesse des prix peut augmenter la satisfaction du consommateur agrégé, si cette faiblesse des prix n’implique pas de diminution marquée de la qualité (due à la pression sur les coûts).

36L’invalidation de la seconde hypothèse ne conduit pas à affirmer que les produits ne sont finalement pas si singuliers que cela du côté des restaurateurs qui adoptent une stratégie qualité. La concurrence par la qualité conduit ici à une compression de la marge car on ne peut en aucun cas économiser sur les coûts sans risquer une baisse de qualité qui pourrait s’avérer fatale si elle est perçue par les consommateurs et/ou les pairs. Les restaurateurs qui adoptent cette stratégie ne transigent pas avec la qualité. Les Chefs affirment, par exemple, que « la qualité ça se paye », sous-entendu que « le prix importe peu du moment que la qualité est là ». Autrement dit, la qualité se paye doublement : le client doit payer un prix plus élevé pour avoir accès à une cuisine de qualité, mais le restaurateur doit lui aussi payer le prix fort à ses fournisseurs pour assurer cette qualité. Il en va de même à propos des salariés qui, dans ces entreprises, peuvent espérer percevoir de meilleurs salaires et être plus nombreux, en proportion, que dans les autres établissements, pour réaliser les tâches nécessaires à la satisfaction des clients (cf. figure 2b).

37Dans cette configuration, le restaurateur étant pris entre la pression pour la qualité (nécessité de coûts élevés) et la pression marchande (nécessité d’attirer les clients), c’est donc la marge qui, cette fois, sert d’amortisseur. Pour les restaurateurs qui font de la qualité, l’objectif n’est pas le profit, la réussite économique, mais plutôt d’acquérir une certaine réputation de qualité, une reconnaissance de leur talent gastronomique, objectif qui est en accord avec leur capital culturel et social (savoir-faire culinaire – BTS-BTH, CAP-BEP –, et implication dans les réseaux sociaux). On retrouve ici l’idée post-keynésienne selon laquelle les firmes sont tout d’abord mues par des objectifs (goal-driven) qui leur sont propres, lesquels restent pluriels et contingents [Lee, 1998 ; Dallery et Van Treeck, 2008].

38La faiblesse des marges dans les stratégies qualité et innovation-spécialisation, nous amène à questionner la viabilité économique de ces stratégies dans le temps, c’est-à-dire à les considérer dans une perspective dynamique. Faute de données longitudinales, nous proposons des hypothèses qu’il serait intéressant de tester dans de futures recherches. Pour ce qui est de la stratégie qualité, notre hypothèse est que la faiblesse des performances économiques n’est que temporaire. Avant de recevoir la reconnaissance des pairs et des consommateurs, le restaurateur doit être capable de proposer une qualité élevée (engageant des coûts élevés), mais sans que cela ne se répercute entièrement sur ses prix, au risque de décourager les consommateurs qui ne reconnaissent pas encore la qualité de l’établissement à sa juste valeur. Cela suppose donc, dans un premier temps, qu’il sacrifie sa marge en espérant pouvoir attirer des consommateurs et bâtir sa réputation, et qu’il concède des pertes de manière provisoire. C’est seulement dans un second temps, lorsque la réputation de qualité aura été acquise, que le restaurateur pourra rétablir une marge « normale ». L’écart-type élevé pour la stratégie qualité illustre d’ailleurs bien le fait que la qualité peut aussi « payer » pour le restaurateur lui-même.

39Pour ce qui est de la stratégie innovation-spécialisation, le processus dynamique s’appréhende à travers son lien avec la stratégie spécialisation. L’innovation est un pari sur l’avenir et elle est exposée à un risque d’échec plus important : elle peut ne jamais rencontrer sa demande, être en décalage avec le goût des consommateurs. Mais, lorsque l’innovation trouve son public, elle est ensuite copiée et imitée, se transformant alors en spécialisation. Notre première hypothèse est que cette pérennisation de la « niche de marché » permettrait aux établissements de la stratégie spécialisation de conserver une marge élevée, qui serait ici plus le reflet de la différenciation du produit issue de l’innovation que de l’accentuation de la concurrence issue de la spécialisation. Notre seconde hypothèse est que l’innovation serait plutôt l’œuvre de jeunes créateurs n’ayant pas l’expérience du métier [19], et n’étant pas capables immédiatement de maîtriser la double tension sur leur prix et leur marge avec leurs clients et leurs fournisseurs. C’est ce qui pourrait, selon nous, expliquer la forte proportion de rentabilités négatives au sein de cette stratégie (35,7%). Mais l’écart-type élevé pour la stratégie innovation indique là encore que certains s’en sortent plutôt bien alors même que d’autres échouent fortement (cf. tableau 3).

8 – Conclusion

40Bien que focalisée sur un secteur d’activité particulier (la restauration), notre approche peut constituer le point de départ d’une réflexion plus générale sur la compréhension de certains aspects et conséquences du capitalisme actuel. Si l’approche interdisciplinaire (sociologie, économie) que nous avons adoptée nous paraît particulièrement féconde et utile ici, c’est parce qu’elle met au jour l’importance des rapports de force entre les différents acteurs sociaux sur un marché organisé de manière tripartite : les fournisseurs (de biens, de services et de main d’œuvre), les producteurs, les consommateurs. Dans un contexte néolibéral, où les rapports sont de moins en moins réglementés par l’État (libéralisation du marché du travail), les plus puissants se trouvent alors en mesure de faire reporter sur des tiers, c’est-à-dire, dans le cas des restaurateurs, les fournisseurs de produits et les salariés, le coût de l’ajustement, lié à la situation de concurrence et d’incertitude sur la demande.

41Dans un autre secteur d’activité, celui de la grande distribution, par exemple, ce schéma d’analyse permet d’expliquer par quels mécanismes les distributeurs protègent leurs marges en amortissant les effets de la concurrence par les prix, là encore, sur les fournisseurs (producteurs locaux, exploitants agricoles) et les salariés (les leurs, et ceux de leurs fournisseurs). À un niveau plus macroéconomique, ce mécanisme d’amortissement est, selon nous, l’une des explications à la contraction, constatée depuis vingt ans, de la part des salaires dans la valeur ajoutée, au profit de celle du capital [Aglietta et Rebérioux, 2004] : l’exigence de rentabilité actionnariale ne pèse pas tant sur les dirigeants de la firme, que sur leurs subordonnés (sous-traitants et salariés particulièrement).

42Ainsi, dans cet article, nous avons tenté de montrer pourquoi la prise en compte des trois éléments que sont le projet d’entreprise, la satisfaction des consommateurs, les contraintes liées aux coûts (salariés, fournisseurs) est indispensable à la compréhension de la formation des prix. Nous avons aussi montré comment cette prise en compte permet d’expliquer des résultats sur les performances économiques, qui s’avèrent contre-intuitifs du point de vue des explications économiques (néo)classiques. Ces conclusions, fruit d’une rencontre entre la sociologie économique structurale, représentée par White, et la théorie postkeynésienne, mettent en avant à la fois l’importance du cadre d’incertitude radicale, et la nécessité de considérer le marché non pas comme un mécanisme de confrontation entre une offre et une demande, mais comme un « procès institutionnalisé » au sens de Polanyi [1957], c’est-à-dire gouverné par différents rapports sociaux.

Annexe méthodologique

L’enquête de terrain et le questionnaire

43Les données sur lesquelles nous nous fondons pour nos tests empiriques sont issues d’une enquête de terrain réalisée (entre février et juillet 2006) par questionnaire en face à face, auprès d’environ trois cents restaurateurs de la métropole lilloise. Construit sur la base d’une pré-enquête qualitative (dix entretiens semi-directifs réalisés entre avril et octobre 2005), notre questionnaire comporte trois types de variables : premièrement, les attributs du restaurateur (âge, ancienneté, expérience, diplôme, récompenses, etc.) ; deuxièmement, les caractéristiques de son/ses établissement(s) (taille, style de cuisine, prix pratiqués, nombre de salariés, etc.) ; troisièmement, les relations de transferts et échanges de ressources sociales entre restaurateurs (discussions de conjoncture, informations intéressantes, etc.) que nous avons identifiées.

La construction de la population

44Pour circonscrire empiriquement notre population de restaurateurs, nous nous sommes appuyés sur différents critères, faisant en sorte que les enquêtés répondent simultanément à plusieurs de ces critères (mais pas nécessairement tous) : être situé sur la métropole lilloise ; tenir un restaurant de type traditionnel (au sens de la NAF [20], qui distingue restauration rapide et traditionnelle) ; être indépendant juridiquement (ce qui exclut donc les chaînes et les franchises) ; participer au réseau de transfert et d’échange des différentes ressources sociales que nous avons identifiées ; appartenir institutionnellement au milieu professionnel (en étant membre d’une association, d’un syndicat, en possédant une récompense honorifique des guides gastronomiques, etc.).

Le statut de l’échantillon

45Ainsi construite sur une diversité de critères, notre population n’a pas vocation à être un échantillon représentatif (Eloire, 2009), mais à constituer un « échantillon théorique » (Glaser et Strauss, 1967) dont l’intérêt ne réside pas dans sa capacité à décrire une population plus large, mais à tendre vers le maximum de diversification des données, donc des résultats. Avec ce type d’échantillon, lorsque la taille est conséquente (ce qui est notre cas : trois cents restaurateurs environ), nous sommes en mesure d’effectuer des comparaisons qualitatives (de moyenne à moyenne, par exemple) entre les différentes catégories identifiées au sein de la population.

L’identification des sources de profit

46Le repérage des sources de profit est lié aux caractéristiques des restaurants et des attributs des restaurateurs dont nous disposons grâce à notre enquête par questionnaire. Les restaurateurs dont la source de profit est la qualité, le haut de gamme, combinent une gamme de prix élevée, une reconnaissance dans les guides et un style de cuisine gastronomique ; ceux dont la source de profit est le volume combinent un grand nombre de couverts (capacité d’accueil), de salariés et de clients ; les restaurateurs dont la source de profit est la spécialisation (italien, crêperie, pizzeria, grillades) se distinguent par un style de cuisine non gastronomique (cf. tableau ci-dessous) mais qui n’est ni la brasserie (cité 41 fois), ni la cuisine traditionnelle (80 fois), ni la cuisine traditionnelle régionale (51 fois) ; les restaurateurs dont la source de profit est l’innovation sont ceux qui proposent des spécialités qui ne sont pas encore répandues sur le marché.

tableau im8
Styles de cuisine Effectif % Brasserie 41 13.06 Brasserie SPECIALITE PIZZERIA 1 0.32 Brasserie SPECIALITES IRLANDAISES 1 0.32 Brasserie luxe 1 0.32 Gastronomique 33 10.51 Gastronomique SPECIALITE ITALIEN 1 0.32 Gastronomique SPECIALITE REGIONALE 1 0.32 Gastronomique SPECIALITE THAI 2 0.64 Semi-gastronomique 31 9.87 Semi-gastronomique SPECIALITE ITALIEN 1 0.32 Semi-gastronomique SPECIALITE ITALIENNE 1 0.32 Traditionnel 80 25.48 Traditionnel SPECIALITE ALSACIEN 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE ARGENTINE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE BELGE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE BIO DIETETIQUE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE BOUCHEES 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE CHARCUTERIE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE CORSE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE CREPERIE 6 1.91 Traditionnel SPECIALITE DU MONDE 2 0.64 Traditionnel SPECIALITE ESPAGNOLE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE FLAMAND 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE FROMAGE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE GRILL 2 0.64 Traditionnel SPECIALITE GRILLADES 5 1.59 Traditionnel SPECIALITE HUITRES 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE INDIENNE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE ITALIEN 5 1.59 Traditionnel SPECIALITE ITALIENNE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE ITALIENNE ET SUD 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE ITALINENNES 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE LAO THAI 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE LIBAN 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE LYONNAIS 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE MAROILLES 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE MEDITERRANEE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE PERIGORD 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE PIZZERIA 8 2.55 Traditionnel SPECIALITE POISSON 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE POMME DE TERRE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE PORC GRILLE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE PRODUITS DE LA MER 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE PROVENCAL INVENTIVE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE PROVENCALE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE RUSSE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE SAVOYARD 2 0.64 Traditionnel SPECIALITE SCANDINAVE 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE SUD OUEST 2 0.64 Traditionnel SPECIALITE TARTINES 1 0.32 Traditionnel SPECIALITE THAI 2 0.64 Traditionnel SPECIALITE TURQUES 1 0.32 Traditionnel SPECIALITES MEXICAINES 1 0.32 Traditionnel SPECIALITES PROTUGAISES 1 0.32 Traditionnel régional 51 16.24 Traditionnel SPECIALITE FLAMAND 1 0.32

Le modèle W(y) de White

47Les variables utilisées pour construire les axes du marché interface sont à la fois qualitatives et quantitatives : nombre moyen de clients par service, valeur du ticket moyen, reconnaissance des guides gastronomiques, nombre de salariés, nombre de couverts, nombre de services hebdomadaires. Elles permettent de déterminer les quatre paramètres a, b, c, d, où a = le nombre de clients moyen par service ; b = la valeur du ticket moyen + la note de qualité [21] ; c = le nombre de salariés / le nombre de couverts * le nombre de services ; d = l’indice de disponibilité des salariés par rapport aux clients. Chacun des deux axes du plan est le fruit d’un calcul de rapport : a/c pour l’axe horizontal (volume) ; b/d pour l’axe vertical (qualité). Une fois le plan élaboré, des axes secondaires sont tracés (cf. White, 1981, 2002) qui divisent l’interface en zones où le marché est dit viable, c’est-à-dire en mesure de se reproduire, et non viable, c’est-à-dire en situation d’échec collectif. Les zones viables sont elles-mêmes divisées en trois sous-zones qui constituent la typologie de marché. Le type paradoxal représente le segment « haut de gamme ». Pour les établissements de ce marché, les coûts sont plutôt centrés sur la qualité, c’est-à-dire, ici, sur l’indice (théorique) de disponibilité d’un salarié pour un client, et la satisfaction des clients marquée par leur bonne volonté à payer des prix relativement élevés. À l’autre bout du spectre du plan, le type de marché avancé représente le segment « bas de gamme ». Pour les établissements de ce marché, les coûts sont plutôt centrés sur le volume, c’est-à-dire sur la taille du restaurant (nombre de salariés, de couverts, de services hebdomadaires), et la satisfaction des clients marquée par le nombre de clients moyen qui choisissent d’y manger. Entre ces deux zones, le type ordinaire constitue une situation intermédiaire.

Notes

  • [1]
    Les auteurs remercient les deux rapporteurs anonymes de la Revue française de socio-économie pour leurs critiques et suggestions.
  • [2]
    Voir Dallery et Van Treeck [2008] pour une analyse au niveau macroéconomique.
  • [3]
    Au même titre que la « réciprocité » et la « redistribution », l’« échange » est une institution historiquement et socialement située [Postel et Sobel, 2008].
  • [4]
    Nous précisons d’emblée que la stratégie qualité désigne bien ici la « haute qualité », le « haut de gamme », la restauration dite gastronomique. Ce qui ne sous-entend pas pour autant que les autres types d’établissements soient dénués de « qualités » (tels : la rapidité du service, les prix abordables, le cadre ou concept original, la capacité à accueillir des groupes, etc.).
  • [5]
    Le total des pourcentages des sources de profit dépasse 100 % car certains restaurateurs exploitent plus d’une source en même temps.
  • [6]
    La stratégie qualité-volume peut paraître contradictoire du point de vue de la typologie de White, où qualité et volume ont tendance à s’opposer. En fait, cette stratégie est d’abord une stratégie orientée vers la qualité, mais le succès, la réputation, le pouvoir symbolique, de ces restaurateurs leur permettent d’allier la qualité de la cuisine à un volume d’activité relativement plus important, si on les compare à ceux des restaurateurs orientés uniquement vers la qualité.
  • [7]
    La possession d’un diplôme d’hôtellerie-restauration n’est pas nécessaire pour s’installer restaurateur.
  • [8]
    Ces analyses, effectuées ailleurs, ne peuvent être présentées en détail dans cet article [Éloire, 2008, 2009 ; Éloire et Fagnoni, 2008].
  • [9]
    La concurrence par le volume entraîne des comportements de compétition, de méfiance envers ses pairs/concurrents : il ne faut pas livrer à son concurrent des informations qu’il pourrait utiliser à son avantage.
  • [10]
    Nous nous servons ici du modèle de White comme source d’inspiration. White utilise son modèle pour expliquer la reproduction d’un système de marchés à partir des stratégies des acteurs. Nous, nous supposons acquise la reproduction du marché et tentons d’isoler les stratégies de base pour les faire « coller » à la typologie de marché élaborée par White. Notre objectif n’est donc pas l’explication de la reproduction du marché, mais de donner à voir les stratégies des acteurs, leur différenciation, et les performances économiques relatives qui sanctionnent, positivement ou négativement, ces stratégies.
  • [11]
    Les coûts générés par la qualité ne sont pas les mêmes que les coûts liés au volume. De même, la satisfaction du client agrégé par rapport à la qualité n’est pas la même que celle par rapport au volume.
  • [12]
    Il existe différentes procédures de fixation des prix chez les post-keynésiens : le mark-up, le full cost, le target return pricing (Lavoie, 2004, p. 44 sqq). Mais toutes reposent sur l’ajout d’une marge à une mesure des coûts. Ces procédures ne diffèrent pas sur le principe, mais sur la manière de calculer la marge et/ou sur les coûts à prendre en compte.
  • [13]
    Ce scénario renvoie à ce que Gadrey et al. [2002] nomment, à l’échelle macroéconomique, le modèle « à l’américaine », fondé sur le salariat, la franchise, et les chaînes, et caractérisé par « un assez grand nombre de mauvais emplois, peu payés, à fort turnover » (p. 20).
  • [14]
    Le chiffre d’affaires (CA) est bien le produit du prix de vente (p) par les quantités vendues (Q). Le résultat net (RN) est lui la différence entre l’ensemble des revenus et l’ensemble des charges de l’entreprise, mais, ici, nous l’assimilerons à un résultat d’exploitation, c’est-à-dire à la différence entre le chiffre d’affaires et le coût total (CT). En référence à notre équation (1), il est possible d’exprimer le résultat net de la manière suivante :
    equation im9
    Dès lors, le taux de marge nette (rapport entre résultat net et chiffre d’affaires) que nous obtenons pour nos restaurateurs sera une approximation de leur taux de marge d’exploitation (?) :
    equation im10
  • [15]
  • [16]
    Ce résultat sur la stratégie proximité doit être pris avec précaution, car la proportion d’entreprises individuelles y est plus élevée que dans les autres stratégies (33 % contre 19 % sur l’ensemble de notre population) ; ce qui a pour conséquence une plus faible accessibilité des données pour les entreprises de cette stratégie (cf. tableau 3, 47 % contre 64 % pour l’ensemble des stratégies).
  • [17]
    Puisque le prix est fixé par l’entreprise de manière à couvrir les coûts et à dégager un profit, on peut se demander pourquoi certaines entreprises ont une marge nette négative. Ce phénomène peut s’expliquer de deux façons : soit les entrepreneurs ont sous-estimé la marge nécessaire pour couvrir les coûts (plus précisément les coûts fixes) et faire un profit ; soit ils n’ont pas réussi à atteindre le taux de remplissage nécessaire pour générer un profit suffisant.
  • [18]
    Cette guerre entre restaurateurs existe bel et bien. L’analyse en termes de densité de relations au sein de ce marché montre clairement que les échanges de ressources sont rares entre ces restaurateurs exposés à la concurrence [Éloire, 2008].
  • [19]
    Ce que nos données d’enquête semblent confirmer : dans notre population de restaurateurs, l’ancienneté moyenne dans le métier est de 18,9 ans, contre 13,9 ans pour ceux insérés dans la stratégie innovation-spécialisation.
  • [20]
    Nomenclature des activités françaises.
  • [21]
    Calculée à partir des référencements et distinctions décernées par les cinq principaux guides nationaux reconnus dans la profession (Michelin, Bottin Gourmand, Gault & Millau, Champérard, Pudlo).
Français

Résumé

Mobilisant sociologie économique structurale et économie post-keynésienne, l’article montre que la question de la formation des prix nécessite de considérer le marché non pas comme un mécanisme de confrontation offre/demande, mais comme un « procès institutionnalisé » gouverné par différents rapports sociaux entre producteurs, consommateurs, salariés et fournisseurs. Nous appuyant sur une enquête empirique auprès de 300 restaurateurs lillois, nous montrons que les performances économiques des entreprises sont contraires aux résultats néoclassiques sur les effets de la concurrence par les prix.

Mots-clés

  • marchés
  • structures sociales
  • fixation des prix
  • concurrence
  • incertitude

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Thomas Dallery
Jordan Melmiès [1]
Clersé, Université Lille 1
  • [1]
    Les auteurs remercient les deux rapporteurs anonymes de la Revue française de socio-économie pour leurs critiques et suggestions.
Mis en ligne sur Cairn.info le 12/11/2009
https://doi.org/10.3917/rfse.004.0177
Pour citer cet article
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