CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1On assiste dans les activités de services à la personne en France à une rupture nette avec les orientations sectorielles des décennies précédentes qui s’appuyaient notamment sur une régulation subventionnée de l’offre [Laville, 2005, Gardin, 2008], dynamisant un tiers secteur qui, historiquement, s’était emparé des préoccupations relatives à la prise en charge des personnes en situation de fragilité. Les options de politique publique française, en particulier sous l’impulsion du « Plan de cohésion sociale [2] » de 2005 – mais dont nombre d’entre elles sont bien antérieures – s’inscrivent pleinement dans des logiques ayant pour objectif central la création d’emplois.

2Toutefois les emplois d’aide à domicile, qui constituent une part importante des services à la personne, sont dans une position peu soutenable, au sens de la dimension sociale du développement durable.

3D’une part ces emplois, 420 000 en 2005, sont largement dominés par le travail féminin (98 %), et sont à 70 % à temps partiel [3] [Insee, 2005]. Cette proportion est quatre fois plus importante que la moyenne nationale, et deux fois plus que le taux de temps partiel chez les femmes, tous emplois confondus. Un nombre important de salariés sont donc en situation de sous-emploi : en 2002, la durée hebdomadaire moyenne de travail dans le domaine de l’aide à domicile est de 23,7 heures en cumulant l’ensemble des employeurs [Dares, 2007]. Un quart des aides à domicile souhaitent travailler davantage contre moins de 10 % pour l’ensemble des femmes en emploi [Dares, 2007]. Il est vrai que l’emploi est souvent, chez les employés non qualifiés, un emploi partiel [Maruani et Reynaud, 2003], malgré le cumul des employeurs.

4D’autre part, le temps est une variable d’ajustement dans la gestion des emplois et de la disponibilité temporelle exigée des salariées [Jany-Catrice, 2006]. Un tiers des aides à domicile est dans une situation de multi-employeurs [Insee, 2005]. Chaque salariée réalise en moyenne quinze visites par semaine, ce qui représente un temps passé dans les transports et les coupures entre deux interventions de l’ordre de 25 % du temps de travail. Or ces temps intermédiaires ne sont pas rémunérés quand l’employeur est un particulier, et rarement pris en compte par les organismes prestataires [Dares, 2007] [4]. Véritable critère de sélection et de segmentation des emplois, le temps partiel s’exerce ainsi souvent par le biais de temps morcelés, fragmentés, dans des contextes d’activité où de nombreux espaces sont brouillés : temps rémunéré et temps non rémunéré pour les unes, vie professionnelle et vie familiale pour les autres [Gadrey, Jany-Catrice, Pernod, 2004].

5Troisième caractéristique cohérente avec les deux premières, les salariées de l’aide à domicile sont dans une situation de très grande précarité financière et celles qui souhaitent travailler davantage, doivent se contenter de rémunérations partielles [Ponthieux, Meurs, 2004 ; Jany-Catrice, Ribault 2007]. En 2005, 65 % des aides à domicile et des travailleuses familiales gagnent un salaire inférieur aux deux tiers du salaire médian, soit 818 euros, contre 26 % de l’ensemble des employés [Devetter, 2008].

6Comment expliquer cette situation d’insoutenabilité des emplois de l’aide à domicile ? La professionnalisation dont on parle tant dans les services à la personne, et plus particulièrement dans les services auprès des personnes fragiles, permet-elle de sortir de cette situation ? Qu’est-ce qui, dans la professionnalisation des services d’aide à domicile, peut déclencher un cercle plus ou moins vertueux qualité d’emploi-qualité de service ?

7Selon qu’elle s’inscrive dans un contexte institutionnel favorable ou défavorable au respect des spécificités socio-économiques de la relation de service, la professionnalisation peut se traduire par des effets opposés en termes de qualité d’emploi et de qualité de service. Notre hypothèse est qu’une des principales spécificités de la relation de service est précisément qu’elle s’inscrit dans des registres de professionnalité variés. Par conséquent, seule une prise en compte de cette pluralité de registres peut garantir la durabilité du service comme de la relation salariale dans le cadre de laquelle ce service est produit.

8Pour soutenir cette thèse, nous nous appuierons sur les résultats issus d’une recherche récente menée en collaboration, mobilisant à la fois des matériaux statistiques et environ quatre-vingts entretiens auprès d’employés, d’employeurs, d’usagers et de régulateurs du secteur de l’aide à domicile [Devetter, Fraisse, Gardin, Gounouf, Jany-Catrice, Ribault, 2008]. Dans un premier temps nous nous concentrerons sur les raisons qui peuvent expliquer l’impasse dans laquelle se trouve actuellement la professionnalisation des services d’aide à domicile. Dans un second temps nous montrerons tout l’intérêt, pour sortir de cette impasse, de réhabiliter la diversité des registres dans lesquels la professionnalité des services d’aide à domicile s’inscrit.

1 – De la professionnalisation comme idéologie

9Nombre d’acteurs publics de la régulation font le constat d’une dégradation des conditions d’emploi et de travail, de l’impasse de la précarisation des emplois de services à la personne – notamment des emplois dans les services d’aide aux personnes fragiles – et du problème du manque d’attractivité du secteur [5].

10Le paradoxe toutefois est que ce constat n’empêche pas les mêmes acteurs de tenter de répondre à ces problèmes par des mesures qui, pour certaines d’entre elles, accentuent cette précarisation, peuvent accroître les risques de dégradation des conditions d’emploi et de travail, et rendre ainsi moins attractifs encore les métiers concernés.

11Ce paradoxe est le fruit de deux éléments. D’une part la nature de la logique qui prévaut dans la mise en place de la régulation : la création d’emploi et la maîtrise des coûts avant toute chose et quel qu’en soit le prix. D’autre part la force de l’empreinte idéologique, sur les élites, voire la croyance, en l’omnipotence du marché de concurrence pure et parfaite. Approfondissons ce second élément et voyons en quoi il rejoint le premier.

1.1 – Entrepreneur de soi-même versus professionnalisation

12Sur la base du constat des difficultés de fonctionnement du marché de concurrence pure et parfaite dans le secteur des services à la personne – et à défaut d’en questionner les fondements – le principe qui guide nombre d’actions publiques consiste à identifier les éléments qui empêchent la réalisation des conditions présidant à la constitution d’un tel marché, et à créer les conditions favorables à l’élimination d’un certain nombre de « freins » à son développement.

13Le cas des « enseignes » est une bonne illustration de cette démarche. Un des fondements de la mise en place des enseignes réside dans le constat selon lequel offre et demande de services à la personne ne se rencontrent pas (ou mal), les informations sur la qualité et les prix étant imparfaitement distribuées [6]. L’enseigne joue donc, dans une représentation connexionniste du marché, le rôle du commissaire-priseur ou, plus moderne, de régulateur des asymétries d’information, garant du bon fonctionnement du marché. La circulation de l’information sur les prix et la qualité est ainsi censée s’opérer de manière optimale voire parfaite, en vertu de la condition de transparence du marché. Le « libre choix » du client est d’ailleurs présenté comme un pilier du dispositif public de développement des services à la personne.

14De même, et bien que ce ne soit pas tout à fait la même représentation du marché qui est défendue, favoriser le développement des prestataires en « gré à gré » revient à générer un environnement où les barrières juridiques ou institutionnelles, censées faire obstacle à l’entrée des nouveaux offreurs concurrents sur le marché des services à la personne, sont abolies. Cette évolution est supposée être favorable à la réalisation et au respect de la condition d’atomicité du marché, selon laquelle il existe un très grand nombre d’agents économiques identiques participant à l’offre et à la demande du service, chacun d’entre eux ne pouvant à lui seul modifier les conditions d’échange en raison de sa taille négligeable en comparaison de la taille du marché.

15Ainsi, la « professionnalisation » telle qu’elle est envisagée, est largement adossée à l’idéologie de la construction d’un marché, selon laquelle chacun peut devenir l’entrepreneur de lui-même [7]. Ce qui nous place typiquement en face de ce que A. Honneth (2006) appelle une « contradiction paradoxale » [8] que le capitalisme produit en nombre considérable depuis la vague néo-libérale des années 1980.

16Si l’on admet que la lutte pour la reconnaissance et la valorisation des métiers des services à la personne, notamment des services d’aide aux personnes fragiles, passe par leur professionnalisation – ce que questionnent d’ailleurs un certain nombre de défenseurs du modèle associatif au nom de la revendication d’une éthique propre à l’économie solidaire fondée notamment sur le bénévolat [9] –, on ne peut manquer de s’interroger sur le sens attribué à cette professionnalisation, et donc à cette reconnaissance. De fait, cette professionnalisation elle-même, dès lors qu’elle est empiriquement associée de façon systématique à l’individualisation de la relation salariale - dont l’emploi direct est une concrétisation courante dans les emplois de services à la personne notamment ceux aux personne âgées [10] – et plus largement à des politiques publiques d’emploi, doit être remise en cause.

1.2 – Une organisation de travail impensée

17L’emploi direct est actuellement en pleine croissance dans le secteur des services à la personne, et il est particulièrement encouragé par le plan gouvernemental de 2005. Ne risque-t-il pas pourtant d’être un leurre pour nombre de salariés qui, dans le long terme, bien qu’ayant un emploi, ne seront pas intégrés dans un véritable projet de travail ? Comment, dans ces conditions, garantir la qualité du service ?

18Au nom de la recherche de reconnaissance à travers le travail, au nom de la recherche d’autonomie et d’initiative de la part du travailleur, au nom encore d’une remise en question du lien de subordination à l’œuvre dans la relation salariale, au nom enfin de la recherche de l’introduction dans la sphère de production formelle d’une dimension qualitative de la prestation de service, les acteurs se retrouvent dans une situation où l’organisation de travail en tant que facteur structurant de l’identité professionnelle n’est pas pensée. Le collectif, moteur de la reconnaissance de la personne au travail dans ce qu’elle effectue, est escamoté, tout comme est effacée la hiérarchie.

19La relation de service comme moment privilégié de la coproduction de service n’est donc pas valorisée car l’individualisation de la relation salariale ne permet pas de mener l’analyse permanente des besoins, pas plus qu’elle ne permet d’établir de manière objectivée une mesure du degré d’atteinte des objectifs d’autonomie ou de « progrès » de la personne âgée. Comment, de fait, établir une convention fiable de mesure des progrès dans un contexte de relation inter-individuelle, en l’absence de règles et de valeurs collectives ?

20Outre la perspective d’améliorer sa rémunération, un des attraits pour l’employé(e) du choix de la relation d’emploi direct réside souvent dans une perspective d’affranchissement du lien de subordination avec l’employeur. Il s’agit d’une méprise, la subordination existant également lorsque l’employeur est un particulier, et pouvant déboucher sur des tensions fortes, dommageables à la qualité du service.

21Il ne s’agit toutefois pas là du seul effet négatif que peut engendrer une telle relation salariale individualisée sur la qualité de service. En effet, outre le fait qu’on ne pense pas ici les besoins ni en termes collectifs, ni en termes de co-production, l’absence d’encadrement pour des personnes qui sont finalement faiblement qualifiées – d’autant que l’accès à la formation professionnelle est particulièrement restreint dans le cas des travailleurs individuels – évince la qualité du service, (comme celle de l’emploi) du cœur de la relation de travail.

22On aboutit ainsi à une situation dichotomique où l’on a d’un côté des structures collectives de travail qui ont tendance à adopter un régime de qualification hybride fondé à la fois sur le modèle de compétence et sur le modèle du poste de travail. Dans de telles structures, on revient à une forme élaborée de taylorisme qui repose sur des comparaisons entre objectifs de performance et résultats, mais plutôt dans un souci de contrôle de l’engagement et de contrôle disciplinaire, ce que traduit par exemple le recours aux indicateurs de rendement à l’heure (nombre de chemises repassées, surfaces de vitre nettoyées, nombre de personnes visitées). D’un autre côté, on trouve des travailleurs individuels, qui opèrent certes selon un modèle de qualification fondé sur la compétence, mais en l’absence de formation et de collectif. Or, des compétences qui ne sont pas institutionnellement construites et reconnues aboutissent à des situations où les travailleurs ne peuvent pas bénéficier d’un traitement et d’une reconnaissance collectifs de leurs besoins de formation et de leurs rétributions. On est bien là face à une « contradiction paradoxale » telle que définie plus haut : les vertus émancipatrices de l’individualisation de la relation salariale sont surprises en flagrant délit d’instrumentalisation. En découle une dégradation de la qualité de service et d’emploi.

23Entre, d’un côté, la sous-institutionnalisation de la relation salariale « directe » typique de la solution du marché spontané et, de l’autre côté, la sur-institutionnalisation de la relation salariale à laquelle aboutit le contrôle hiérarchique tayloriste, une voie de compromis fondée sur une réinstitutionnalisation démocratique des marchés du travail (assise sur une lecture prudente du modèle de compétence) est-elle envisageable ? Dans cette voie, la fonction de l’encadrement ne consisterait plus à exercer un contrôle hiérarchique, mais essentiellement à se poser en miroir valorisant – ce qui ne signifie absolument pas complaisant – des actes de travail. Montrer par exemple à la personne qui travaille que ce qu’elle pensait être un détail est en réalité important dans un objectif de re-fabrication de l’autonomie et de la vitalité chez une personne âgée [Croff, 1994].

24Nous verrons qu’une telle approche ne peut toutefois faire l’économie d’une analyse et d’une prise en compte de la variété des discours de légitimité portant sur la professionnalisation, tout comme de la variété des mises en actes de ce qu’est la professionnalité. Examinons d’abord en quoi consiste la reconnaissance professionnelle dans les services d’aide à domicile.

1.3 – De la reconnaissance dans les services d’aide à domicile

25Les tentations néo-tayloristes qui sévissent dans les services à la personne, en partie induites par les choix institutionnels, contrastent fortement avec la double transformation de notre regard sur la valeur, que l’économie des services nous invite à opérer. D’une part, rendre visible la valeur de service et en faire un objet de reconnaissance lorsque celui-ci sort de la sphère domestique ; d’autre part, redonner à la valeur du service – donc à l’évaluation de ses performances et de ses résultats – sa pluralité de registres à travers une objectivation négociée.

1.3.1 – Reconnaître les compétences et les personnes

26Le service de l’aide à domicile, tel que nous le considérons ici, est le service dans ce qu’il permet d’apporter à la personne qui l’utilise et à celle qui l’effectue. Il équivaut à une relation durable à la personne qui n’épuise personne. Sous cet angle, les services aux personnes ne sont pas réductibles à des personnes au service, tentation pourtant d’autant plus forte que la sphère marchande tend à reproduire la division sexuée du travail qui s’opère dans la sphère domestique. C’est en ce sens que l’inscription des services du prendre soin dans une perspective de travail décent peut s’opérer : il s’agit alors plus de contribuer à une éthique du prendre soin que de développer stricto sensu des services et des emplois du prendre soin [Tronto, 2006].

27Ce sont en partie leurs propres richesses que les acteurs des services à la personne mettent au service de leur travail. Or leurs compétences sont pour partie invisibilisées – y compris à leurs propres yeux – et non reconnues [Dussuet, 2005 ; Gadrey et al., op.cit., 2004], que ces compétences mobilisent des stratégies de contournement des règles dans un souci de bien-être des personnes, du travail imaginatif ou encore du bricolage [Jonas, Mozère, 2007].

28Les compétences mobilisées peuvent d’autres fois être visibles, mais non reconnues. « Pour être efficace, le travail de care doit s’effacer comme travail : de son invisibilité dépend son succès (…) Que le travail de care doive d’effacer en tant que travail, qu’il doive ne pas se laisser apparaître, contribue à ce qu’il soit sous-évalué dans le registre du faire et surévalué dans le registre de l’être » [Molinier, 2006, p. 304]. Deux registres qui recoupent d’ailleurs étrangement bien les représentations du masculin et du féminin.

29La relation de service de l’aide à domicile mobilise des sphères de compétences et de performance très variées et souvent mal identifiées. Les protagonistes de la relation du prendre soin sont donc des personnes qui demandent à être reconnues, non seulement dans leur revendication de grandeur dans chaque sphère, mais dans leur capacité de se mouvoir d’une sphère à l’autre et d’échapper à la fermeture et à la contrainte de chacune prise une à une [Ricœur, 2002]. Nous y reviendrons plus loin. Ainsi, au-delà des compétences, ce sont bien les personnes elles-mêmes qui peuvent pâtir d’un déficit de reconnaissance, ici les femmes en l’occurrence.

1.3.2 – Pas de reconnaissance sans objectivation

30Dans le cas des services de l’aide à domicile, comme dans de nombreux services, il y a confusion entre moyen et résultat [Gadrey, 1996]. Ce sont les moyens qui sont le plus souvent objectivés à défaut d’apprendre à objectiver les résultats. La prédominance de la référence à l’heure de travail ou d’intervention, aussi bien chez les prestataires du service que chez les clients et dans les instruments des instances de régulation, est un symptôme de cette confusion.

31De même, la structuration en trois niveaux (A,B,C [11]) de la qualification du personnel de l’aide à domicile morcelle la prise en charge des personnes âgées, et favorise le travail à partir de la tâche et de son temps d’exécution, plutôt qu’en termes de projet. Il en va de même concernant la distinction entre les « gestes au corps » et les autres.

32Cette confusion entre moyens et résultats entretient, et s’appuie, sur un lourd présupposé selon lequel les services d’aide à domicile, et plus largement les services de soins aux personnes fragiles, sont de simples formes « externalisées » de services qui préexistent dans la sphère domestique.

33Les choix politiques et institutionnels entretiennent souvent cette idée que les compétences mobilisées dans les services de l’aide à domicile sont de même nature que, ou de simples prolongements, des aptitudes développées dans la sphère domestique, alors que de nombreux travaux montrent que l’invisibilité des qualifications s’entremêle à celle des conditions de travail pour valoriser faiblement ces activités à fort contenu relationnel, psychologique et physique.

34Cette perspective freine l’élaboration d’une représentation des métiers d’aide en profession. Considérer ces métiers comme de simples substituts des fonctions domestiques revient à construire les professions à partir d’une projection du domestique sur le professionnel, ce qui a des conséquences sur l’identification des qualités et des compétences, sur leur attribution en termes de genre, et sur la reconnaissance économique.

35Selon A. Honneth [2006], le capitalisme en réseau se caractérise par des tendances à exiger sans limite des compétences subjectives à travers lesquelles s’estompent les frontières entre la sphère privée et la sphère publique professionnelle. « On n’attend plus seulement d’un “ entrepreneur de lui-même ” un accomplissement approprié d’une tâche en fonction de standards de production donnés extérieurement mais aussi une disponibilité à atteindre des objectifs, fixés plus ou moins sous sa propre responsabilité, par la mobilisation de ressources et de compétences communicationnelles et émotionnelles » (p. 290-291). La frontière entre champs d’action privé et professionnel s’estompe et on assiste à « une mobilisation corrélative des aptitudes informelles propres au « monde “vécu” à des fins professionnelles ». Il s’agit en quelque sorte d’une colonisation de la rationalité économique par le monde vécu.

36Autrement dit, les critères d’évaluation de la performance redeviennent purement subjectifs et une demande inassouvie de reconnaissance est engendrée, au moment même où la reconnaissance de la valeur du service de l’aide à domicile exige précisément une objectivation de ces critères. Cette objectivation ne peut cependant pas être réduite à une batterie d’indicateurs industriels et doit être élaborée sur un mode pluraliste qui précisément reflète la diversité des grandeurs auxquelles se réfèrent les discours des acteurs lorsqu’ils parlent de – et lorsqu’ils mettent en actes – ce qu’est pour eux le fait d’être professionnel.

37Ainsi, avancer sur la voie d’un compromis visant à réinstitutionnaliser de manière démocratique les marchés du travail, reconnaître les compétences et les personnes, et sortir les métiers du soin aux personnes fragiles de leur référent domestique, donc de leur référent sexué, sont autant d’objectifs vers lesquels on ne peut tendre sans préalablement identifier et reconnaître la pluralité de la professionnalité.

2 – Une professionnalité plurielle

38Au cours d’une recherche récente nous avons construit une classification des éléments de discours recueillis auprès d’acteurs de l’aide à domicile – employés, employeurs et régulateurs – en trois types d’espaces [Ribault, 2008 ; Devetter, Jany-Catrice, Ribault, 2008]. Il s’agit de l’espace du besoin, de l’espace de l’organisation, et de l’espace de l’action publique et collective (du contrôle ou de la régulation). Ces espaces définissent à la fois l’objet principal sur lequel le discours de légitimité des acteurs se concentre – qualité du service, performance, régulation et production d’incitations –, ainsi que l’objectif de ces acteurs – produire un service qui fait du bien, produire un service performant, produire un service juste. Cette méthode a permis de mettre en relief la diversité des conventions de professionnalité mobilisées par chacun des acteurs [12]. Nous avons défini une convention de professionnalité de la manière suivante : il s’agit d’une logique qui est communément mobilisée – donc partagée – par des acteurs différents (ou un acteur donné), relativement à un espace donné (ou à plusieurs espaces), et qui attribue à la définition de la profession une caractéristique dominante.

2.1 – Les conventions de professionnalité

39Le classement des discours selon les logiques mobilisées, les espaces par rapport auxquels ils le sont et les acteurs qui les mobilisent, aboutit à huit conventions de professionnalité. Dans le discours des acteurs, c’est donc tour à tour, la vocation, l’éthique, le pragmatisme, la rationalisation industrielle, le marché, le politique, la réglementation, la relation de service, ou souvent une combinaison de ces conventions, qui va fonder la professionnalité.

2.1.1 – Vocationnelle

40Cette convention de professionnalité renvoie, chez les salariés, essentiellement à leur capacité à apporter une réponse aux besoins des personnes sur la base de leur expérience, de l’acquisition informelle de savoirs (autoformation), de leur amour du métier. « Il faut aimer le métier, aimer les personnes » déclare une salariée d’un Centre communal d’action sociale. Les salariés s’identifient assez facilement à la logique vocationnelle à la fois pour des raisons liées à leur volonté personnelle d’être autonomes dans leur travail, mais aussi pour des raisons qu’ils maîtrisent moins, notamment celles liées à l’absence de collectif de travail, aux difficultés (ou à l’ignorance) d’accès à la formation. Le discours vocationnel peut ainsi jouer chez les salariés comme une manière de délimiter une zone de repli face aux défaillances de l’organisation ou de la régulation ou face aux difficultés qu’ils rencontrent à faire respecter leurs droits et à faire valoir leur besoin de reconnaissance.

41Les employeurs mobilisent cette convention pour des raisons différentes. S’ils reconnaissent aisément les qualités vocationnelles et émotionnelles des salariés, cette reconnaissance doit aboutir non seulement à l’apport d’une réponse qu’ils considèrent comme mieux adaptée aux besoins des personnes, mais aussi à une extrême individualisation des compétences. Cette individualisation trouve son paroxysme dans des discours qui naturalisent les compétences mobilisées – on parle alors beaucoup de qualités humaines et comportementales fondées sur l’expérience personnelle du salarié – ou qui les culturalisent – on vante alors les mérites des pratiques de maternage qui existent dans les cultures d’origine des salariés, cultures africaines notamment. Structures publiques, associations et entreprises ne se distinguent pas ici dans leur intensité de mobilisation de cette convention, qui semble bien souvent aller de soi pour tous.

2.1.2 – Éthique

42Cette convention est apparemment mobilisée exclusivement par les salariés dans le cadre du besoin. Elle renvoie à une représentation de la profession reposant centralement sur la capacité à générer de l’autonomie chez les personnes, et surtout sur une attitude compassionnelle vis-à-vis de ces personnes. « Le prix qu’on nous paie ne vaut pas le travail que l’on fait, donc quelque part il faut de l’humanité pour pouvoir faire ce travail » déclare une salariée d’association. La convention éthique repose donc sur l’amour des personnes, là où la convention vocationnelle renvoie plutôt à l’amour du métier. « Pour faire ce travail-là il faut aimer déjà la personne âgée » (salariée d’association). On note que la convention éthique peut se décliner selon une variante plus collective, lorsqu’il est fait référence plus explicitement à l’humain plutôt qu’à la personne : au moins tout autant que le sentiment d’être utile à une personne, c’est alors celui d’être utile à la société qui est mis en avant.

43L’absence de référence à la convention éthique dans les discours des employeurs et des acteurs de la régulation ne signifie pas nécessairement que cette convention leur soit totalement étrangère. De fait, lorsque les employeurs parlent de l’importance du relationnel dans le service, et d’impossibilité de « travailler à la chaîne », s’inscrivent-ils dans une convention servicielle (comme nous l’avons qualifiée plus loin) ou dans une convention éthique ? Quoi qu’il en soit, même si nos entretiens ne permettent pas de faire apparaître une référence flagrante à la convention éthique chez les employeurs ou chez les régulateurs, on peut se demander si cette convention n’est pas mobilisée par ces acteurs dans une logique d’action sociale : elle renvoie alors en partie à la question de la protection et des droits de la personne et des usagers, que les associations sanitaires sociales doivent reconnaître et mettre en œuvre dans le cadre de la Loi de 2002 [13].

2.1.3 – Pragmatique

44C’est une convention de professionnalité qui est largement mobilisée par les salariés dans le cadre du besoin. Il est vrai que le pragmatisme devient rapidement aux yeux des employeurs un enjeu plutôt industriel, voire marchand, puisqu’il s’agit le plus souvent pour eux de créer des routines à partir de singularités. Cette convention renvoie chez le salarié à la capacité de s’adapter à l’imprévu, à générer de la confiance à travers la ponctualité et la continuité de son intervention, à bricoler des solutions mettant en jeu des aptitudes psychologiques et d’écoute. « Je suis aide à domicile, mais je fais l’équivalent d’une auxiliaire de vie, je fais plein de trucs, j’ai les mêmes compétences » (salariée d’association). Prendre en compte les particularités des personnes et des besoins et considérer ce qui n’est pas prévisible et ce qui n’est pas standardisable. Le salarié fait ici appel, selon P. Paperman (2005), à une compétence de « discernement des besoins et des réponses appropriées », qui donne lieu à « une spirale du concernement – répondre toujours présent ! ».

45« On doit faire avec les exigences des personnes » (salariée d’association), « il faut aussi s’adapter aux personnes ou à la famille et l’accepter, jouer avec sa psychologie. Moi quand j’arrive il faut que j’étudie vite, très vite la personne, ce qu’elle aime, ce qu’elle n’aime pas » (salariée d’association).

46On est proche en théorie d’une convention servicielle (voir plus loin), à la formalisation près. Si l’on peut effectivement parler de la recherche d’une forme d’efficacité dans la convention pragmatique, il s’agit moins d’une efficacité de production, que d’une efficacité d’intervention au sens de s’efforcer d’apporter des solutions là où se posent des problèmes dont la résolution est considérée comme impérative, cet impératif pouvant d’ailleurs lui-même être commandé par un motif vocationnel ou éthique. Cette convention fédère à la fois des points de vue positifs relatifs à l’autonomie des salariés générée par la latitude que leur autorise leur proximité privilégiée de la personne et de ses besoins, mais elle rassemble aussi des points de vue plus négatifs faisant référence aux pressions liées à la perpétuelle adaptation dont il faut faire preuve, à la difficulté de faire reconnaître des missions mal identifiées, au sentiment d’être « jetée dans la fosse aux lions » (salariée d’association).

2.1.4 – Industrielle

47Chez les salariés, la convention industrielle renvoie à la nécessité d’établir un contrepoint aux effets perçus comme négatifs qu’engendre la relation de service. Il s’agit d’abord d’un appel à la possibilité de poser des limites entre les sphères dites « personnelle » et « professionnelle », appel d’ailleurs partagé par l’ensemble des salariés quel que soit leur « mode » d’emploi, même si l’on voit poindre une revendication de porosité chez les salariés en emploi direct dont certains se considèrent autant, voire plutôt, « ami » qu’employé. Il s’agit d’autre part d’un appel à rompre l’isolement dans lequel les salariés se sentent, en créant des collectifs de travail. Sur ce point, on constate tout de même une discordance entre, d’un côté, les salariés, en prestataires et/ou mandataires, qui veulent plus de collectifs et ceux en gré à gré, qui préfèrent préserver leur autonomie. Vient s’y ajouter l’idée qu’il n’y a pas de profession sans progression de carrière via la formation. Là encore cette vision n’est pas partagée par les salariés en gré à gré. L’identification de la convention industrielle dans le discours des salariés, tout au moins chez ceux qui exercent sous le mode prestataire et/ou mandataire, apparaît donc d’une part comme une sorte d’antidote aux effets négatifs qu’ils peuvent ressentir de leur implication vocationnelle et éthique, et d’autre part comme un appel à la reconnaissance effective de leur pragmatisme.

48Les employeurs mobilisent la convention industrielle en partie aussi par volonté de délimiter l’affectif par rapport au professionnel et pour ancrer le professionnalisme dans les compétences et les qualifications. Si, du point de vue de l’organisation, il s’agit, certes sans surprise, de penser la figure du professionnel en termes de rationalisation des processus de production et de division des tâches (« notre métier c’est de la logistique », déclare un responsable d’association), il s’agit aussi, tant dans la bouche des associations que des entreprises d’ailleurs, d’en appeler à la sécurisation des emplois et des parcours professionnels comme condition de la professionnalité. La démarche de certification est d’ailleurs envisagée comme étant au carrefour de cette double exigence.

49Pour les acteurs de la régulation enfin, la convention industrielle est fortement liée à une représentation de la professionnalisation comme étant le fruit d’une ingénierie technique : l’appel au développement de labels qualité en est une des illustrations.

2.1.5 – Marchande

50La convention de professionnalité marchande fait l’objet d’une mobilisation motivée chez les employeurs comme chez les acteurs de la régulation.

51Chez les employeurs, elle renvoie à la capacité à réagir, à s’adapter, à servir en continu, à être proche de l’usager, à identifier ses besoins dans leurs multiples dimensions. Si cet aspect de la convention marchande est récurrent chez les entreprises, il existe aussi dans certaines associations. Il s’agit en quelque sorte du miroir plus construit et formalisé de la convention pragmatique telle qu’elle est mobilisée par les salariés. Chez les employeurs la convention marchande renvoie aussi du point de vue organisationnel à la capacité à générer des effets d’image et à créer une identité d’entreprise. Il s’agit enfin aussi de penser en termes de rencontre entre offre et demande, et de capacités à « se battre avec les mêmes armes que la concurrence ».

52Chez les acteurs de la régulation qui mobilisent cette convention – ce qui n’est pas le cas de tous, le discours de la « proximité, confiance, simplicité, réactivité » est repris, et légitime une professionnalité fondée sur la capacité à séparer les bons offreurs des mauvais, à rendre le marché plus transparent et à respecter la liberté des clients en matière de choix des prestataires. « L’APA est destinée aux personnes qui font ensuite ce qu’elles veulent », déclare un responsable. Autrement dit, c’est bien le marché qui, dans une vision idéalisée, fonde à leurs yeux la professionnalité. L’enseigne est l’archétype de la concrétisation de cette vision selon laquelle le marché apparaît comme une « procédure de découverte de l’information » [Hayek, 1945]. Notons que pour les employeurs comme pour les régulateurs lorsque l’on parle de demande, il s’agit d’une « demande solvable ».

2.1.6 – Politique

53La convention de professionnalité est qualifiée de politique lorsque les logiques mobilisées dans les discours des acteurs relativement à ce qu’est pour eux une profession, s’inscrivent dans un registre d’actions publiques visant soit à développer l’emploi, soit à gérer des (dés)équilibres budgétaires, soit encore à lutter contre des inégalités d’accès ou territoriales.

54Ce sont encore une fois essentiellement les employeurs et les acteurs de la régulation qui mobilisent cette convention. Les employeurs sont divisés. Soit ils mobilisent positivement cette convention en arguant que « la France est en retard » et qu’« il y a un fort potentiel d’emplois » qui est mal exploité (argument plus fréquent chez les entreprises et dans le gré à gré). Soit ils la mobilisent de manière critique : les doutes et les inquiétudes fusent alors quant au caractère propagandiste des effets d’annonce gouvernementaux (entreprises et associations partagent cette vision), au flou des objectifs visés par les décisions de politique publique, aux effets pervers des outils créés comme le chèque emploi service universel, à l’inefficacité des dispositifs comme les enseignes. Une lecture en creux de ces critiques permet de mieux comprendre comment les employeurs mobilisent la convention politique : par exemple la critique du droit d’option [14] formulée notamment par les associations, renvoie positivement à une vision référentielle de la professionnalité reposant sur une garantie publique de la qualité des prestations (régime de l’autorisation et tarification).

55Les régulateurs sont également divisés sur le contenu à attribuer à cette convention politique de la professionnalité. Alors que certains soutiennent que le territoire continue d’avoir un sens et que, selon eux, la professionnalité consiste aussi à garantir un accès le plus équitable possible aux services, d’autres regrettent cette empreinte du territoire sur des pratiques qu’ils estiment monopolistiques. Certains sont prêts à défendre le développement des emplois de services coûte que coûte – tout en reconnaissant que la professionnalisation doit passer par une élévation du nombre d’heures des salariés afin de les sortir d’une logique de revenus de substitution – pendant que d’autres considèrent que la professionnalisation est une affaire de volonté politique visant avant tout la qualité des prestations, la fiabilité du contrôle de cette qualité, ainsi que la garantie de prise en charge financière de cette construction de la qualité par les pouvoirs publics eux-mêmes.

2.1.7 – Réglementaire

56La convention réglementaire est mobilisée par les salariés et par les employeurs. Elle renvoie pour les salariés à deux éléments distincts. Le premier est une définition de la professionnalité fondée sur le respect des règles relatives à la délimitation du périmètre d’intervention des salariés. Se référer à ces règles constitue pour les salariés une manière de rappeler qu’ils sont professionnels puisque des règles existent, même s’ils reconnaissent volontiers que les circonstances peuvent les pousser à les outrepasser (d’où leur pragmatisme notamment). Un autre aspect du réglementaire réside dans les conventions collectives : il s’agit là d’une lecture en creux puisque ces dernières sont largement ignorées des salariés, d’autant plus lorsqu’ils sont en emploi direct. Le droit du travail est questionné également, tout comme les règles relatives à la validation des acquis de l’expérience. Les salariés ressentent donc ce qu’ils pensent être une absence ou une inadaptation des règles comme dommageables à leur qualité de professionnel.

57Les employeurs n’ont pas de leur côté un discours unanime sur les règles : certains sont conscients de ne pas respecter les conventions collectives en vigueur, d’autres en appellent au respect des conventions collectives comme base de la construction de la professionnalité, pendant que d’autres encore considèrent que les mêmes conventions collectives, bien que nécessaires, ne suffisent pas à garantir un emploi décent.

2.1.8 – Servicielle

58Cette modalité conventionnelle est surtout mobilisée par les employeurs. Elle peut être apparentée, comme nous l’avons mentionné plus haut, à la formulation d’une convention pragmatique, voire de type éthique, mais avec une volonté de formalisation propre aux structures productrices de services. On pourrait parler de convention de rationalisation professionnelle [Gadrey, 1994]. Elle renvoie en effet d’une part à la volonté de typifier les cas, de formaliser des méthodes dans un objectif de gain d’efficacité des procédures du travail professionnel, à la fois au sens du gain de temps et de la qualité de réponse. D’un autre côté, cette convention renvoie aussi à l’affirmation de la singularité des services d’aide à domicile et à l’importance accordée à leur valeur relationnelle – « on ne travaille pas à la chaîne » – l’évaluation des performances se faisant sur la base des effets des services sur les utilisateurs. Du point de vue de l’action publique, les employeurs associatifs ne manquent pas de rappeler la place centrale de la personne dans le dispositif législatif de 2002.

2.2 – Des vertus de la pluralité des conventions de professionnalité

59On le voit, aucune convention de professionnalité n’éclaire à elle seule l’ensemble des dimensions le long desquelles on peut décliner la qualité de service et la qualité des emplois et du travail. Aucune ne peut prétendre garantir à elle seule la simultanéité de la qualité de service et de la qualité d’emploi. C’est peu étonnant puisque les acteurs construisent en fait des discours et des jugements qui vont puiser dans des registres variés de la qualité. Cela signifie que vouloir asseoir la professionnalisation de l’aide à domicile sur une seule des conventions repérées, reviendrait à nier l’existence des autres dimensions de la qualité de service et d’emploi dont les autres conventions sont porteuses, et ce faisant reviendrait à perdre la possibilité de « rééquilibrage » que présente le respect d’une certaine variété des conventions. Pour le dire autrement, l’hégémonisme d’une convention donnée peut être dommageable à la qualité de service et d’emploi qu’encourage une autre convention. La professionnalité est un construit évolutif en tension, et seule cette tension permet de réguler qualité de service et qualité d’emploi.

60La diversité des conventions de professionnalité, dont nous avons essayé de rendre compte, est le reflet de l’ambiguïté intrinsèque de la notion et de la pratique du prendre soin : être proche tout en évitant la « clôture sur le proche » [Pattaroni, 2005, p. 196]. Apprendre à distinguer les biens en jeu – dont la sollicitude fait partie – des besoins qui peuvent se revendiquer. On a ainsi constaté combien les intervenantes développent souvent des régimes d’engagements multiples ouvrant à des biens variables mais articulés.

61C’est précisément ce type d’articulation qu’une pure logique de multiplication des emplois ne parvient pas, presque par définition, à appréhender. Les relations qui se tissent entre les conventions affaiblissent tout discours qui tendrait à fataliser les évolutions du secteur. Donnons-en un exemple à partir des conventions marchande et politique.

62Du côté marchand, la qualité de service est diagnostiquée comme reposant essentiellement sur des qualités relatives à l’organisation : il s’agit de s’approcher au plus près des demandes identifiées. À la différence des besoins, les demandes portent sur les modalités de prestation plus que sur le contenu même de la prestation. Ainsi, on identifie une demande de souplesse d’utilisation, d’adaptabilité, de continuité, de réactivité. Être là au bon moment. À cette approche de la qualité de service fait bien sûr miroir une représentation de l’emploi fondée sur la flexibilité, la capacité adaptative – qui se nourrit d’ailleurs très bien, même si c’est de manière détournée, de la convention vocationnelle identifiée ci-dessus, tout comme de la convention pragmatique, voire de la convention éthique –, et sur la construction d’une identité d’entreprise plutôt que d’une identité professionnelle. Il n’y a plus lieu dans cette convention de distinguer les services à partir de la nature juridique des intervenants : seule compte la capacité d’écoute et de réponse. La confusion – et un certain glissement – est introduite entre marché d’organisations et marché d’intervenants [Butté-Gérardin, 1999]. Le client devient employeur et le salarié devient entrepreneur de lui-même. Cette conception prône une transparence des transactions, mais transforme de ce fait la professionnalité en boîte noire dont seuls les intrants et les extrants demeurent appréhendables. Enfin, cette convention mobilise la notion de libre choix : choix de l’usager entre le soin à domicile et le soin en établissement, choix du client en matière de type de prestataire (gré à gré, mandataire, prestataire), et enfin choix du type d’agrément ou régime d’autorisation auquel se soumet l’intervenant. Une des vertus supposées du libre choix étant de libérer les acteurs des contraintes de régulation.

63À l’exception de ceux relatifs à la création d’emploi à tout prix, la plupart des discours tenus par les différents acteurs dans le cadre de ce que nous avons appelé la convention politique de la professionnalité, sont là pour rappeler les limites de la convention marchande du point de vue de ses conséquences tant sur la qualité de service que sur la qualité d’emploi. Au niveau de la qualité de service, on note que la transterritorialité des structures intervenantes que suppose la convention marchande – l’idée étant qu’une prestation peut être fournie de manière identique quel que soit le territoire d’intervention – est en tension forte avec le caractère affirmé que prend le territoire dans la convention politique. L’ancrage territorial des besoins constitue dans cette dernière une dimension de la qualité de service à prendre en considération, d’autant qu’il renvoie à un ancrage territorial de la solvabilité de la demande et donc à une dimension de justice du point de vue de l’accès aux services.

64Alors que la convention marchande a tendance à construire une professionnalité sui generis, la convention politique tend pour sa part à redonner aux acteurs un espace de dialogue, de co-construction – voire de tension – apte à définir la qualité. Cet espace situe la professionnalité en son centre, considérant que la qualité de service en découle. Ainsi les conditions d’emploi et de travail proprement dites font l’objet d’une attention particulière dans cette convention : d’où le souci de construire des emplois du temps consolidés, de former les personnels à tous les niveaux, d’assurer des passerelles entre métiers ou encore d’encourager la transmission des savoirs. En lien plus direct avec la qualité de service, la convention politique est en tension forte avec la convention marchande, notamment sur le rôle que cette dernière attribue au prix en tant que pivot de la rationalité des agents. Si la convention politique n’est pas anti-marchande, elle tend à considérer le prix comme inséparable de la qualité de service d’une part et de la qualité d’emploi d’autre part – ce que reflète la formule « se méfier des prix bas » qui renvoie à l’idée que les coûts de formation font partie des coûts et doivent être répercutés plutôt qu’escamotés, quitte à mettre en place un subventionnement de la demande et / ou de l’offre. Enfin, la co-construction de la qualité de service et d’emploi passe, dans le discours de la convention politique, par l’instauration de procédures éprouvées de contrôle de l’activité, ce qui encore une fois est en tension mais n’est pas incompatible avec la convention marchande, et rend au contraire cette dernière moins tributaire de son caractère autoréalisateur.

65Cet exemple de tension montre d’une part que la pluralité des conventions de professionnalité est potentiellement porteuse d’améliorations de la qualité des emplois et de la qualité de service et, d’autre part, que faire régner l’hégémonie d’une convention sur les autres, donc d’un type d’acteurs et de représentations sur les autres, c’est vouloir passer outre les nécessités de reconnaissance réciproque entre les conventions et entre les acteurs, au risque de compromettre la pérennité de leurs relations économiques et sociales.

Conclusion : De la spécificité de l’association comme agent de médiation d’une relation de service durable

66La volonté officielle de professionnaliser le secteur des services aux personnes fragiles n’a pas pour l’instant permis de contenir la ségrégation professionnelle qui résulte des choix de politiques publiques, des dispositifs institutionnels et des pratiques professionnelles. Nous avons essayé d’expliquer cet échec par l’absence d’une représentation pluraliste de la professionnalité et d’une reconnaissance de cette représentation. Le marché des services à la personne est caractérisé par des logiques de plus en plus fines de segmentation qui se fondent d’une part sur le temps (temps réduit, disponibilité temporelle, compétences temporelles) mais aussi sur une invisibilisation des compétences des femmes. Or les nombreux écueils du rapport salarial dans les métiers de service d’aide aux personnes fragiles en France – temps partiel, temps fractionné, faiblesse des rémunérations – rendent d’autant plus urgente la construction de postures professionnelles qui s’inscrivent à l’intersection des projets de travail et des projets de réponses à des besoins en situation. Le bien-être de la personne bénéficiaire du service et la garantie de conditions de travail et d’emploi soutenables pour celle qui le dispense ne peuvent plus être conçues séparément. L’organisation de travail et du travail est au cœur de cet espace professionnel pluriel négocié.

67L’emploi direct ne permet pas de combler le déficit de reconnaissance de la pluralité de la professionnalité : en réintroduisant de l’informel dans les relations d’emploi [Dussuet et Loiseau, 2007], il place les partenaires dans un type de relation qui fragilise à la fois la durabilité de l’emploi et la durabilité du service.

68Les structures privées qui arrivent actuellement sur le marché des services à la personne et de l’aide à domicile revendiquent souvent de leur côté la détention d’un professionnalisme qui ferait, d’après elles, défaut aux structures associatives. Leur incapacité à stabiliser leur personnel est toutefois un indice des difficultés qu’elles rencontrent dans leur propre construction de ce professionnalisme. De l’aveu même de certains dirigeants du secteur des services à la personne le modèle marchand s’appliquerait mal à ces services [15].

69Le secteur associatif, certes hétérogène, a un rôle fondamental et privilégié à jouer dans cette économie singulière : réintroduire de la médiation et de la régulation dans la relation de travail de service, où les salariés peuvent bénéficier d’un recentrage sur un projet de prendre soin, adapté à une situation plus qu’à une personne, non pas pour nier la nécessité de la personnalisation du service, mais plutôt pour en maîtriser la dimension affective à laquelle le prendre soin est trop souvent réduit dans un contexte de survalorisation des « savoir être » [16].

70Tout le problème est de construire une identité professionnelle plurielle qui ne peut pour l’instant exister de manière durable ni dans le modèle marchand tel qu’il est promu par la politique des pouvoirs publics, et dont les entreprises se saisissent principalement – d’où leur intérêt pour « le marché des actifs » et pour des prestations de ménage – ni dans le modèle associatif tel qu’il existe actuellement, c’est-à-dire essentiellement préoccupé de préserver ses prérogatives relatives à l’accès privilégié aux publics fragiles et à ses financements. La légitimation de la capacité du secteur associatif à organiser, gérer et proposer des services aux personnes de qualité ne peut plus reposer sur le seul caractère non marchand des structures concernées. Préserver un espace de travail décent, conjointement à la production d’un service de qualité – au sens de la mise à disposition d’une capacité à atteindre un objectif identifiable et mesurable sans épuisement des ressources nécessaires à sa coproduction – pourraient constituer les nouvelles bases d’une relation de service spécifiquement associative et contribuer à redéfinir l’utilité sociale du tiers secteur.

Notes

  • [1]
    L’auteur remercie très sincèrement les référés anonymes pour leur patience et leur exigence, ainsi que ses partenaires de recherche F.X. Devetter, L. Fraisse, L. Gardin, M.F. Gounouf et F. Jany-Catrice, pour leurs indispensables apports et encouragements.
  • [2]
    La loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne introduit différents dispositifs qui favorisent le développement d’une régulation concurrentielle. Elle instaure le chèque emploi service universel (Cesu), elle offre aux personnes qui y recourent, la possibilité de devenir employeur ou de choisir son prestataire de service. Par ailleurs elle favorise la création d’ « enseignes », dont l’objectif est de rendre plus lisible l’offre de services des associations et des entreprises, tout en encourageant leur coopération avec d’autres acteurs tels que les mutuelles ou les banques [Gardin, 2008].
  • [3]
    Ce qui au passage contraint à revoir largement à la baisse le bilan des créations nettes d’emplois en équivalent temps plein dans les services à la personne (voir Jany-Catrice, 2008, pour un bilan « réaliste »).
  • [4]
    D’après la fédération syndical CNT Santé-Social Secteur services à la personne, le prix du carburant représente entre 30 % et 50 % du salaire des aides à domicile, budget incompressible qui reste lié au nombre d’employeurs et non pas au nombre d’heures (Communiqué de presse du 26 mai 2008).
  • [5]
    Voir CAS (2006), INRS (2006), Dares (2007), CERC (2008), ou encore le site de l’Agence nationale des services à la personne.
  • [6]
    La manière dont ces enseignes, encore appelées plates-formes, sont décrites par leurs promoteurs est significative : « la plate-forme d’écoute nationale Personia, accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à partir d’un numéro azur (coût d’une communication locale) met en relation un particulier qui recherche un service avec un prestataire de confiance, labellisé et proche de chez lui » (Annie Morel, « Personia : une initiative d’organismes engagés dans l’économie sociale » in revue Développements, n°45, février 2007). La « carte de mise en relation garantie » Genius proposée par La Poste procède d’une logique analogue (voir Pascal Portier, « Une nouvelle enseigne : La Poste » in revue Développements, n°45, février 2007).
  • [7]
    Rappelons toutefois que, dans le cadre de l’emploi direct, c’est bien le client qui est juridiquement employeur.
  • [8]
    « Une contradiction est paradoxale lorsque, à travers la concrétisation visée d’une intention, se réduit justement la probabilité de voir cette intention se concrétiser ». (p. 286).
  • [9]
    Voir par exemple E. Dacheux (2007).
  • [10]
    46 % des heures d’aide à domicile pour les personnes âgées de plus de 70 ans, sont effectuées sous le mode prestataire, 18 % sous le mode mandataire (l’usager est juridiquement l’employeur, l’organisme mandataire s’occupant de la sélection et des démarches administratives moyennant une commission) et 36 % sous le mode gré à gré (Source : Dares, 2007).
  • [11]
    A : Agent à domicile ; B : Employé ; C : DEAVS (Diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale).
  • [12]
    Ces conventions de professionnalité renvoient elles-mêmes à des conventions de qualité qui passent par des dispositifs de jugement [Karpik, 2007].
  • [13]
    La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale donne un cadre aux structures intervenant auprès des personnes dépendantes. Les conseils généraux se voient confier la gestion de l’allocation prestation d’autonomie (APA) et ont ainsi les moyens d’influer sur le type de prestataires qui sera retenu à travers le coût horaire qu’ils choisissent de couvrir. La loi de 2002 oriente les politiques davantage vers une régulation conventionnée que marchande [Gardin, 2008].
  • [14]
    Le droit d’option introduit par la loi de 2005 donne la possibilité aux entreprises, au nom du libre choix du client et du consommateur, d’accéder aux publics fragiles. L’option dont il s’agit est celle que peut prendre une structure d’exercer son activité soit dans le cadre d’une procédure d’autorisation par le Conseil général dont elle dépend, soit de répondre au cahier des charges de l’agrément simple ou qualité, généralement moins contraignant, délivré par la Direction départementale du travail.
  • [15]
    « On ne gagne pas beaucoup d’argent. On peut juste promettre à un franchisé de gagner sa vie correctement. Dans ce type de services, les économies d’échelle n’existent pas. Chaque nouveau client oblige à recruter du personnel. Si bien que les marges demeurent faibles, même si le chiffre d’affaires augmente. Faire du service c’est coûteux (…) », Le Monde, 10 avril 2007.
  • [16]
    « À donner la priorité aux « savoir être », on se prive de la capacité à imposer la reconnaissance des savoirs tout court » [Lallement, 2007].
Français

Résumé

La professionnalisation des salariés des services d’aide à domicile repose actuellement sur l’hégémonie de la convention marchande de professionnalité. Cette hégémonie compromet la construction d’une relation vertueuse entre qualité d’emploi et de travail et qualité de service. L’approche que nous proposons en termes de conventions permet de réhabiliter la diversité des dimensions de la professionnalité. Une telle analyse alimente une vision démocratique et pluraliste de la professionnalisation qui ne tranche pas a priori le débat sur la hiérarchie et la valeur relative des différentes conventions mobilisées mais qui témoigne de leur nécessaire coexistence.

Mots-clés

  • emploi
  • aide à domicile
  • services de care
  • reconnaissance
  • professionnalisation
  • convention

Bibliographie

  • Butté-Gérardin I. (1999), L’économie des services de proximité aux personnes, L’Harmattan, Paris.
  • Cas (2006), Personnes âgées dépendantes : bâtir le scénario du « libre choix », Rapport dépendance, vol. 1, juin.
  • Cerc (2008), Les services à la personne, rapport n° 8, La Documentation française, Paris.
  • Croff B. (1994), Seules, Genèse des Emplois Familiaux, Métailié, Paris.
  • Dacheux E. (2007), « Prendre soin des militants pour prendre soin du lien social » in L’économie des services pour un développement durable, Colloque de Cerisy, 14-21 juin 2006, L’Harmattan, Paris.
  • Dares (2005), « Le secteur des emplois familiaux en 2003 », Premières Synthèses Informations, mars n° 12.4.
  • Dares (2007), Les métiers en 2015, Rapport Dares.
  • Devetter F.-X. (2008), « La qualité des emplois dans les services à la personne », in F.-X. Devetter et al., L’aide à domicile face aux services à la personne – Mutations, confusions, paradoxes, p. 96-142.
  • Devetter F.X., Jany-Catrice F., Ribault T., (2008, à paraître), Les services à la personne, La Découverte, coll. « Repères », Paris.
  • Devetter F.X., Fraisse L., Gardin L., Gounouf M.F., Jany-Catrice F., Ribault T. (2008), L’aide à domicile face aux services à la personne – Mutations, confusions, paradoxes – Rapport pour la DIIESES, mars, 308 p.
  • Dussuet A. (2005), Travaux de femmes. Enquêtes sur les services à domicile, L’Harmattan, Paris.
  • En ligneDussuet A., Loiseau D. (2007), « Les services aux familles offerts par les associations », in Dussuet A., Lauzanas J.-M., L’économie sociale entre informel et formel, Presses universitaires de Rennes, p. 95-128.
  • En ligneGadrey J. (1994), « La modernisation des services professionnels – Rationalisation industrielle ou rationalisation professionnelle ? », Revue française de sociologie, XXXV, p. 163-195.
  • Gadrey J. (1996), La productivité en question, Desclée De Brouwer.
  • En ligneGadrey N., Jany-Catrice F., Pernod M. (2004), Les enjeux de la non-qualification des employés non qualifiés, conditions de travail et compétences des employés non qualifiés, Rapport de recherche pour la Dares.
  • Gardin L. (2008), « Quelle évolution des modes de régulation ? », in F.X. Devetter et al. L’aide à domicile face aux services à la personne – Mutations, confusions, paradoxes, Rapport pour la DIIESES, p. 263-301.
  • Hayek F. A. (1945), « The use of knowledge in society », American Economic Review, vol. 35, sept., p. 519-530.
  • Honneth A. (2006), La société du mépris, Vers une nouvelle théorie critique, La Découverte, Paris.
  • INRS, (2006), « Regards sur le travail : quand les aides à domicile deviennent “auxiliaires de vie sociale” », Note scientifique, n° 257.
  • Insee (2005), Enquête Emploi.
  • Jany-Catrice F. (2006), « Emplois tertiaires, la précarisation du travail féminin », in L. Maurin, P. Savidan, l’État des inégalités en France, Belin, Paris.
  • Jany-Catrice F. (2008), « Les services à la personne – Niveaux et évolutions », in F.X. Devetter et al., L’aide à domicile face aux services à la personne – Mutations, confusions, paradoxes, Rapport pour la DIIESES, p. 55-95.
  • Jany-Catrice F., Ribault T. (2007), « L’emploi dans les services à la personne : des inégalités évitables », 27es Journées de l’Association de l’économie sociale, 6-7 septembre, Paris.
  • Jonas I., Mozère L. (2007), « Les compétences invisibles des auxiliaires de puériculture », in L’économie des services pour un développement durable, Colloque de Cerisy, 14-21 juin 2006, L’Harmattan, Paris.
  • Karpik L. (2007), L’économie des singularités, Gallimard, Paris.
  • En ligneLaville J.-L. (2005), Action publique et économie solidaire, Érès, Toulouse.
  • Lallement M. (2007), Qualités du travail et critique de la reconnaissance, Colloque Sociologie et Reconnaissance, 14-16 déc. 2006, Paris.
  • Maruani M., Reynaud E. (2003), Sociologie de l’emploi, La Découverte, Paris.
  • Molinier P. (2005), « Le care à l’épreuve du travail », in P. Paperman et S. Laugier (dir.), Le souci des autres – Éthique et politique du care, Éditions de l’EHESS, Paris, p. 299-316.
  • Morel A. (2007), « Personia : une initiative d’organismes engagés dans l’économie sociale », Développements, n° 45, février.
  • Paperman P. (2005), « Les gens vulnérables n’ont rien d’exceptionnel », in P. Paperman et S. Laugier (dir.), Le souci des autres – Éthique et politique du care, Éditions de l’EHESS, Paris, p. 281-297.
  • Pattaroni L. (2005), « Le care est-il institutionnalisable ? », in P. Paperman et S. Laugier (dir.), Le souci des autres – Éthique et politique du care, Éditions de l’EHESS, Paris, p. 177-200.
  • En lignePonthieux S., Meurs D. (2004), « Écarts de salaires entre les femmes et les hommes en Europe », Revue de l’OFCE, n° 90, juillet.
  • Portier P. (2007), « Une nouvelle enseigne : La Poste », Développements, n°45, février.
  • Ribault, T. (2007), « Des services qui font du bien », in L’économie des services pour un développement durable, Colloque de Cerisy, 14-21 juin 2006, L’Harmattan.
  • Ribault T., (2008), « L’aide à domicile face au marché : l’impossible professionnalisation », in F.X. Devetter et al., L’aide à domicile face aux services à la personne – Mutations, confusions, paradoxes, p. 143-222.
  • Ricœur, P. (2002), « La liberté et ses institutions », in Qui est libre ?, Orphéus – L’Harmattan, Paris.
  • Tronto, J.C., (2005), « Au-delà d’une différence de genre – Vers une théorie du care », in P. Paperman et S. Laugier (dir.), Le souci des autres – Éthique et politique du care, Éditions de l’EHESS, Paris, p. 25-49.
Thierry Ribault
Clersé-CNRS, Université Lille 1
Mis en ligne sur Cairn.info le 09/10/2008
https://doi.org/10.3917/rfse.002.0099
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...