CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Depuis plusieurs années déjà, la dynamique des services à domicile fait l’objet d’une attention particulière des chercheurs·ses [Laville et Nyssens, 2001]. Dans ce secteur en profonde mutation, on constate en effet que des processus émergents d’innovation sont à l’œuvre, répondant aux besoins en évolution dans les familles. Dans cet article, nous avons observé un service particulier présent en Région wallonne, celui des gardes-malades [2], qui participe de la socialisation « en train de se faire » et de la prise en charge des personnes dépendantes, en accomplissant différentes tâches liées à l’entretien et au confort.

2Nous situerons notre interrogation dans le champ de l’innovation sociale. S’agissant de ce concept, nous proposons de développer un cadre d’analyse original à partir des théories féministes et de la socio-économie. Les théories féministes sur la socialisation des tâches et le care[3] permettent de mettre au jour la spécificité des rapports sociaux qui sont en jeu dans les services d’aide à domicile, dont les figures féminines sont les actrices principales. Les théories socio-économiques d’inspiration polanyiennes permettent, elles, d’analyser les ressources multiples mobilisées dans les services relevant des sphères marchande, non marchande et volontaire, et donnent une vision étendue de l’organisation socio-économique. Nous verrons en quoi ces deux courants sont susceptibles d’éclairer à la fois le processus d’innovation sociale et les critères normatifs qui caractérisent une innovation sociale « aboutie ».

3À partir d’une enquête menée dans le champ des services d’aide à domicile, nous verrons que l’on peut considérer les services de garde-malades comme une construction sociale, au croisement de différentes logiques socio-économiques révélées par leurs modes de financement et les ressources mises à la disposition des usager·e·s. Nous verrons en quoi ce nouveau service peut être considéré comme une innovation sociale, potentiellement favorable à l’égalité entre les hommes et les femmes, dont certains aspects restent largement perfectibles et profondément influencés par les politiques publiques qui l’encadrent.

1 – L’aide à domicile : un champ emblématique des dynamiques d’innovation sociale dans les services aux personnes

4« De nombreux besoins restent aujourd’hui encore insatisfaits. Ils correspondent à l’évolution des modes de vie, à la transformation des structures familiales, à l’augmentation de l’activité professionnelle féminine, aux aspirations nouvelles d’une population âgée, voire très âgée. » [Commission européenne, 1993]. C’est ainsi que le Livre Blanc Croissance, Compétitivité et Emploi. Débats et voies pour entrer dans le XXI e siècle, paru sous la présidence de Jacques Delors, mettait déjà l’accent sur la nécessité de répondre à des demandes émergentes tout en créant de nouveaux emplois. Le secteur de l’aide à domicile est particulièrement emblématique de ces défis.

5Historiquement, l’aide aux personnes a d’abord relevé de la sphère domestique et des solidarités familiales et de voisinage. Les associations ont, souvent, joué un rôle pionnier en défrichant des demandes sociales émergentes qui ne pouvaient plus être rencontrées exclusivement au sein de la sphère domestique. À travers le développement des politiques sociales, l’État-providence a reconnu progressivement ce travail de proximité. Il s’est donc produit un transfert partiel du travail de proximité vers des services auxquels les pouvoirs publics ont attribué des financements publics, tout en édictant des normes les concernant (Laville et Nyssens, 2001). En Belgique, ce cadre réglementaire s’est construit progressivement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, d’abord au niveau national puis au niveau régional, c’est-à-dire dans le cadre de la régionalisation des compétences de l’aide aux personnes. L’État s’est appuyé sur des expériences associatives pionnières pour structurer sa politique d’aide à domicile. Les associations occupent encore aujourd’hui une place importante parmi les prestataires de services, à l’intérieur de ces cadres réglementaires et financiers, aux côtés des prestataires publics (principalement les centres publics d’aide sociale). La figure professionnelle centrale de ces services est l’aide familiale, travailleuse polyvalente chargée de s’assurer des conditions de bien-être des personnes dépendantes ou des familles en difficulté en restant attentive à leur entourage matériel. Le contenu de ce métier est réglementé par des textes légaux en termes de formation, d’encadrement par des travailleurs·ses sociaux·les, de niveau de salaire et de tarif demandé aux usagers.

6Les premières gardes à domicile sont apparues, elles, il y a une vingtaine d’années hors de tout cadre réglementaire. Ce n’est qu’en 2004 qu’elles ont acquis une première reconnaissance officielle au niveau de la Région wallonne. Elles sont venues en appui à la gamme de services existants. Leur spécificité est d’assurer une présence dans la durée auprès des personnes dépendantes en partenariat avec leur entourage. Ces services s’adressent principalement aux personnes âgées dont le souhait est de se maintenir à domicile malgré une perte d’autonomie dans l’accomplissement de certains gestes quotidiens. Les tâches réalisées vont de l’aide aux activités de la vie quotidienne, de la présence, jusqu’à l’écoute et au soutien [Lhuillier, Nyssens, Oulhaj, 2005].

7Les services de gardes à domicile sont emblématiques du champ des services aux personnes et des mutations qui l’affectent à plus d’un titre. Tout d’abord, ces services ont été mis en place récemment pour répondre à des besoins émergents dans une société caractérisée par de profondes transformations non seulement sociales – telles que l’augmentation du taux d’activité des femmes – mais aussi démographiques – comme l’allongement de l’espérance de vie. Ensuite, ils mobilisent autour des usager·e·s plusieurs « figures », professionnelles et non professionnelles, de l’aide et du soin, généralement féminines. Enfin, ils font appel à des ressources marchandes, non marchandes et volontaires qu’ils associent pour faire fonctionner le service.

8Ce nouveau service peut-il pour autant être considéré comme une innovation « sociale » ? Les travaux pionniers de Schumpeter abordaient déjà l’innovation d’une manière large – loin de la réduire à l’innovation technologique. Il est reconnu aujourd’hui, dans un monde où les dynamiques d’innovations connaissent de profondes transformations, qu’innovation économique et innovation sociale sont étroitement imbriquées. Cependant, le concept d’innovation sociale est encore loin de faire consensus dans la littérature scientifique. Si certains auteurs considèrent que toute innovation est « sociale » dans la mesure où elle repose sur un processus complexe marqué à chaque étape par des rapports sociaux entre des acteurs [Callon, 2007], d’autres soulignent que c’est la dimension normative de l’innovation qui la rend « sociale » [Nussbaumer et Moulaert, 2007]. Cette deuxième école caractérise une innovation comme « sociale » lorsqu’elle est sous-tendue par une logique de solidarité. Autrement dit, une innovation sociale est portée par des acteurs sociaux qui se mettent en mouvement face à ce qu’ils considèrent être une montée des inégalités dans une société marquée par l’idéologie du « tout au marché ».

9Cette seconde école nous permet d’introduire la dimension normative dans notre analyse. L’objectif de l’innovation sociale est, alors, d’améliorer la cohésion sociale et que cette innovation soit partagée [Lhuillier, Nyssens, Oulhaj, 2005]. La cohésion sociale renvoie aux bénéfices collectifs [Gadrey, 2006] engendrés par ces services sur l’ensemble d’un territoire donné [Fontan et al., 2005]. Dans le cas de l’aide à domicile, on peut citer la prévention contre l’isolement des personnes dépendantes, une volonté de soulager les familles dans le travail du care et la création d’emplois de qualité ciblés sur des personnes fragilisées sur le marché du travail. Dans tous les cas, l’identification et le soutien à ces bénéfices relèvent d’un choix de société.

10Nous retiendrons de la première école l’attention qu’elle porte au processus d’innovation, en identifiant les différentes phases [Alter, 2007]. Celles-ci s’avèrent particulièrement utiles à l’analyse du développement d’un nouveau service dans le champ de l’aide à domicile. Ainsi, après une phase d’expérimentation au sein des organisations, se pose la question de l’institutionnalisation de l’innovation sociale. Pour que l’innovation sociale aboutisse, le changement doit être sanctionné par des acteurs sociaux. Lorsque les innovations sont portées par des entreprises lucratives, c’est le marché qui sanctionne une innovation. Lorsqu’une innovation est centrée sur la production de bénéfices collectifs, la sanction ne vient pas uniquement du marché mais aussi des acteurs concernés. En effet, sur le marché, ni les producteurs mus par une logique de maximisation de profit, ni les usager·e·s ne prennent en compte les bénéfices collectifs dans leurs choix. Laissé au marché, un service porteur de bénéfices collectifs risque de ne pas être produit, ou pas assez. Dans ce dernier cas, seuls les usager·e·s ayant les moyens financiers auront accès au service, ou bien celui-ci sera confiné au travail au noir. C’est alors au nom d’une dimension normative – c’est-à-dire de la reconnaissance de bénéfices collectifs – qu’une intervention publique se justifie pour encourager le développement de ce type de services. L’analyse du rôle des politiques publiques et des ressources qu’elles offrent est donc particulièrement importante dans le champ qui nous occupe.

11Pour aborder cette question de l’innovation sociale dans sa double dimension, « processuelle » et « normative », nous proposons de développer un cadre d’analyse original. Le cadre « polanyien » nous permet de mieux saisir en quoi le processus de socialisation mobilise des ressources multiples – marchandes, non marchandes et volontaires – requérant une analyse à partir d’une vision étendue de l’organisation socio-économique. Les théories féministes, quant à elles, permettent de mettre au jour la spécificité des rapports sociaux qui sont en jeu dans ces services – tant au niveau microsocial, dans les dynamiques de co-construction des services, qu’au niveau des politiques publiques qui reposent, elles aussi, sur des conventions de genre. En ce sens, elles nous permettront de développer des critères normatifs nécessaires à l’analyse des processus d’innovation sociale.

2 – Les services de proximité : une construction sociale au croisement de logiques socio-économiques multiples et des rapports de genre

2.1 – L’apport de l’approche féministe sur le care au débat sur les services de proximité

12Le care aux personnes âgées est un domaine étudié depuis longtemps dans la littérature en sciences sociales. Cette dernière a particulièrement contribué à éclairer la question de la charge émotionnelle qui prévaut dans l’emploi du terme care et qui marque très certainement sa conceptualisation à travers la littérature. À partir des années 1950, de nombreux débats ont lieu en Grande-Bretagne autour du community care. Ce terme désigne officiellement la politique dans le champ de l’aide et du soin aux personnes dépendantes, menée dans le but de réduire le nombre des lits d’hôpitaux. En contrepartie, la politique du community care veut créer une meilleure coordination entre le travail des services de santé, des hôpitaux et des services dépendant des autorités locales, telles les institutions pour personnes âgées. Titmuss (1963) voit dans le care pris en charge par la « communauté » un idéal qu’il contraste avec la situation des personnes en institution. Il ne mentionne toutefois jamais la question de savoir qui, dans la « communauté », s’occupe d’aider et de soigner.

13Des recherches se sont, par la suite, attachées à montrer l’importance de l’aide et du soin informels apportés au sein des familles. Certains mettent en avant la difficulté et le poids que représente une personne dépendante pour la famille. Rares sont cependant les travaux qui questionnent l’implication particulière des femmes. De façon générale, il faut attendre les travaux des chercheuses féministes pour que la question soit réellement posée. Land (1978) ou Finch et Groves (1983) démontrent notamment en quoi la politique du community care, plombée par le besoin de réduire les dépenses sociales, va fondamentalement à l’encontre de l’émancipation des femmes. Elles élaborent une critique de ce qu’elles appellent la « double équation » : « That in practice community care equals care by the family and in practice care by the family equals care by women » [Ungerson, 1987, p. 10].

14Leurs premiers travaux débouchent sur une réflexion plus vaste, marquée par la publication de leur célèbre ouvrage collectif, A labour of love: women, work and caring dont les effets pour la conceptualisation du care sont fondamentaux [Finch and Groves, ibid.]. Elles rendent visible le travail informel des femmes, posent et surtout légitiment comme sujet d’études la position des femmes dans l’aide et le soin et donnent également l’impulsion à de nombreuses études sur le partage sexué des tâches de care et sur la négociation qui s’établit entre les personnes dépendantes et celles qui pourvoient à ces tâches. Ungerson conclut notamment que la position inconfortable des femmes sur le marché du travail conditionne considérablement le fait que ce soient les femmes qui s’occupent des personnes dépendantes : « Lower wages and lack of protection for periods off work, linked to part-time working, all combine to make women rather than men the likely carers should it become necessary to care for a relative at home » [Ungerson, ibid., p. 83].

15Les conditions matérielles semblent donc influer sur la décision différenciée d’aider et de soigner des hommes et des femmes, mais également sur les réactions face aux dispositions légales [Weber, Gojard et Gramain, 2005], les présupposés culturels et toute la structure idéologique qui contribue à la définition de devoirs féminins. Des termes comme « l’amour » ou « le devoir » sont problématisés et entrent dans le champ social, contribuant à rendre compte de la complexité du contexte dans lequel s’effectuent l’aide et le soin aux personnes dépendantes. L’amour est en quelque sorte associé à du travail, un travail non rémunéré et invisible, partie intégrante pourtant du community care.

16Le besoin s’est donc fait ressentir, pour mieux appréhender la réalité, de distinguer le care formel du care informel. Le premier désigne généralement le travail effectué dans l’espace public par les services professionnels, il est rémunéré et fait l’objet d’un contrat en lien direct avec l’aide apportée. Le deuxième est effectué dans le cadre des rapports familiaux et se rapporte à ce que Cresson (1998) nomme le « travail domestique de santé ». Cependant, cette distinction entre formel et informel peut occulter des débats fondamentaux dans l’organisation du care. Cette distinction, qui reproduit dans le domaine du care la distinction privé-public, correspond mal au vécu des femmes. D’abord, elle pourrait laisser penser qu’il n’y a pas de circulation entre les deux sphères. Au niveau des services à domicile, on démontrera au contraire que le travail des professionnels s’articule à l’investissement des aidant·e·s proches. Ensuite, cette distinction donne à penser que des mécanismes différents agissent au sein des deux sphères. Pourtant, ce que suggèrent les travaux de nombreuses chercheurs?ses, c’est précisément que certains mécanismes identiques agissent au travers des deux sphères [Avril, 2003] et que les sentiments, le devoir, se vivent aussi bien chez les professionnels que chez les référents familiaux [Travailler, 2002]. La littérature féministe a très certainement contribué à réinterroger le care à partir d’une vision plus complexe des rapports entre privé et public et, par conséquent, du processus social qui mène à la prise en charge du care par les femmes que l’on peut désigner par « l’injonction au soin ».

17Pour comprendre ce processus, il faut replacer le care dans le cadre du développement des États sociaux que l’analyse a, dans un premier temps, complètement occultés. En effet, les premiers travaux qui, dans la tradition de pensée sur la genèse des États-providence, se sont attachés à comprendre les fondements de l’intervention publique, son étendue et ses effets au regard de l’amélioration du bien-être des individus et collectivités, ont complètement ignoré la part invisible de l’aide et du soin effectuée par les femmes. Esping-Andersen (1999) s’est par exemple penché sur le degré de démarchandisation atteint dans les États-providence par les systèmes de protection sociale.

18Certaines chercheuses, dans la foulée des travaux sur le genre, ont développé des outils théoriques pour interroger les différents modèles d’États-providence, se demandant d’abord si l’État était globalement « bon » pour les femmes et ce que l’on pouvait en attendre pour leur émancipation. Les deux caractéristiques principales de ce courant féministe, quoique hétérogène, sont d’une part de reconnaître le genre comme un principe d’organisation de la société contemporaine et, plus particulièrement, des États-providence [Sainsbury, 1994] et, d’autre part, de faire de la production domestique (ou du care) un pilier du bien-être [Lewis, 2003].

19La réflexion menée dans les années 1980, principalement dans la veine féministe-marxiste anglo-saxonne, articule mode de production capitaliste, reproduction de la force de travail au sein de la famille et rapport sociaux, postulant que l’État est une expression du patriarcat qui participe à alourdir le caractère oppressif du système en maintenant la responsabilité des femmes dans la reproduction de la force de travail, à travers une trop faible socialisation des tâches domestiques. Une autre littérature critique s’est développée, s’interrogeant sur le caractère émancipateur de l’action de certains États-providence. Les recherches démontrent que le développement de l’emploi public a surtout profité aux femmes et que la protection sociale leur a permis d’acquérir une certaine autonomie, surtout dans les pays scandinaves. Dans tous les cas, le travail domestique d’aide et de soin est placé, au même titre que le travail rémunéré, au centre de la réflexion, et la dimension de l’autonomie financière devient un critère récurrent de comparaison pour juger du caractère émancipateur ou non des politiques sociales. Les systèmes de sécurité sociale sont analysés à l’aune de l’égalisation des hiérarchies sexuelles et, inversement, les rapports de genre sont examinés dans leur impact sur la structuration des systèmes de sécurité sociale. Certes, certaines chercheuses tempèrent les conclusions optimistes par l’idée que les politiques sociales n’ont fait que déplacer la dépendance des femmes, les libérant d’une affectation à la sphère privée mais les rendant plus tributaires de la redistribution.

20Dans la réflexion sur le genre comme principe organisateur des États-providence, si la première étape a été, donc, d’évaluer les possibilités d’émancipation qu’il offrait aux femmes, la deuxième a été de reconstruire les différents modèles d’États-providence en fonction de la « dé-familialisation », soit la capacité des femmes à subsister en dehors des liens familiaux, par l’accès à l’emploi ou à des droits sociaux individuels [Lister, 1997, p. 173]. La dé-familialisation repose sur l’idée que la famille, généralement absente dans les analyses dites mainstream sur les États-providence, est le lieu principal de production du care, que ce dernier incombe principalement aux femmes et que les politiques publiques doivent les en libérer.

21On a pu percevoir le mouvement féministe comme irréconciliable avec la famille et les activités qui lui étaient attachées. Les réformes à l’œuvre dans les États sociaux ont cependant relancé la réflexion féministe sur le terrain du care et, tout en s’inscrivant dans le cadre des rapports de pouvoir au sein de la famille, les nombreux travaux menés par les chercheuses féministes depuis une dizaine d’années montrent le sens et l’importance que les femmes accordent au soin des adultes ou enfants dépendants [Sevenhuizen, 1998, Paperman et Laugier, 2005]. Il y a également une importante valorisation du travail invisible des femmes à travers la reconnaissance de sa complexité, du savoir qu’il requiert et de son utilité dans le cadre de la reproduction du lien social [Cresson, 1998 ; Gagnon et Saillant, 2000].

22Enfin, l’analyse des care regimes dans les pays européens propose une interprétation du fonctionnement des États-providence à partir d’un nouveau centre de gravité, davantage situé au niveau des arrangements publics et privés pris pour assurer l’aide et le soin [Bettio, Villa, Simonazzi, 2006].

23De ce bref aperçu de la conceptualisation du care à travers la littérature féministe, il ressort des éléments susceptibles de nourrir la réflexion sur les critères normatifs caractérisant une innovation sociale « aboutie » dans ce champ. Deux critères semblent s’imposer : la contribution à une prise en charge des personnes dépendantes mieux répartie entre acteurs des espaces domestique et professionnel et entre les sexes d’une part, la contribution à la consolidation de la position professionnelle des femmes d’autre part. Le premier critère permet d’apprécier les effets concrets d’un service sur la socialisation des tâches, vue à la fois comme transfert des familles vers les services et comme répartition égalitaire au sein des familles. Le deuxième renvoie, notamment, aux mesures prises en faveur de la création d’emplois de qualité dans les services de proximité. Tous deux peuvent être considérés comme la traduction de la défamilialisation en termes de « bénéfices collectifs ».

2.2 – Le cadre polanyien

24Le cadre féministe a permis de dégager certains critères normatifs pour juger du caractère social d’une innovation. Il souligne également la dynamique de construction sociale entre hommes et femmes de l’aide et du soin aux personnes, à travers les interactions entre services professionnels et aidant·e·s familiaux·les à l’œuvre dans la réponse aux besoins liés à la situation de dépendance. Cette diversité des acteurs de l’aide pose la question des processus socio-économiques qui sous-tendent les services. Le cadre polanyien, quelque peu infléchi par une lecture féministe, nous apparaît particulièrement fécond pour analyser ce processus.

25À partir d’une approche historique et anthropologique, Polanyi (1944) distingue le mobile du gain propre au marché d’autres pratiques économiques, non orientées vers l’accumulation : la redistribution, la réciprocité et l’administration domestique. Cette analyse s’inscrit dans une approche substantive de l’économie qui propose une conception extensive de l’économie où sont qualifiées d’économiques toutes les actions dérivées de l’interaction, voire de la dépendance, entre la personne, ses semblables et la nature. Cette conception contraste avec une approche formelle de l’économie, plus restrictive, qui n’envisage comme économiques que les choix rationnels de maximisation, opérés sous contrainte de rareté. Si l’on suit cette approche substantive, telle qu’elle est conceptualisée par Polanyi, l’économie peut être abordée comme une économie plurielle [Laville, 2006], caractérisée par différentes formes d’échange :

26- Le principe du marché permet une rencontre entre offre et demande de biens et services aux fins d’échanges à travers la fixation de prix. Les travaux des chercheuses féministes soulignent généralement les limites du marché quant à sa contribution à l’amélioration des revenus des femmes. Le marché, mécanisme d’allocations de ressources entre individus, transmet également les inégalités de pouvoir qui caractérisent le genre [G. Dawson, S. Hatt et al., 2000].

27- La redistribution est le principe selon lequel la production est remise à une autorité centrale qui a la responsabilité de la répartir, ce qui suppose une procédure définissant les règles des prélèvements et de leur affectation. De fait s’établit ainsi une relation dans la durée entre l’autorité centrale, qui impose une obligation, et les agents qui y sont soumis. Dans nos sociétés modernes, la redistribution s’est structurée autour de l’État social, alimentée par des prélèvements obligatoires et par laquelle sont versées des allocations monétaires et est organisée la mise à disposition de services non marchands. La théorie féministe a largement débattu du rôle de l’État social dans l’accès, pour les femmes, à un revenu et à la redistribution, à travers la mise en œuvre des politiques publiques [Waylen, 1998].

28- La réciprocité correspond à la circulation de biens et services entre des groupes ou personnes qui ne prend sens que dans la volonté de manifester un lien social entre les parties prenantes. La réciprocité constitue un principe d’action économique original. Mauss (1923) souligne que le don est un fait social élémentaire, appelant un contre-don qui prend la forme paradoxale d’une obligation à travers laquelle le groupe ou la personne qui a reçu le don exerce sa liberté. Le donataire est en effet incité à rendre, mais il n’est pas soumis pour ce faire à une contrainte extérieure, la décision lui appartient. Le don n’est par conséquent pas synonyme d’altruisme et de gratuité, il est un mixte complexe de désintéressement et d’intérêt [Caillé, 2006]. Dans une conception polanyienne, la réciprocité suppose qu’il ne faut pas rendre « à l’identique » mais plutôt sur base d’une « équivalence » socialement acceptable [Gardin, 2006]. La question se pose de la signification de la réciprocité au regard de la différenciation hommes-femmes. On peut par exemple se demander comment les règles qui soutiennent le système de don-contre-don sont façonnées par les rapports sociaux de sexe et si ces règles obligent ou libèrent pareillement les deux sexes.

29- Une forme particulière de la réciprocité est celle qui s’exerce au sein de la cellule de base qu’est la famille, dénommée par Polanyi (1944) « administration domestique ». Pour Polanyi, il s’agit de la production en autarcie d’une unité institutionnelle (par exemple la famille). Cette dernière forme mérite également d’être discutée à partir de la réflexion féministe sur les rapports sociaux de sexes au sein de la famille. Tout d’abord, la famille n’est pas cet espace « privé » de contacts avec l’espace public mais bien plutôt une institution « à la frontière du public et du privé, frontière dont la position et la définition sont en changement constant » [Pitrou, 1995, p. 194]. Ensuite, dans cet espace, les rôles sont aussi partiellement « agis », à travers les politiques publiques, les conditions sur le marché du travail et les rapports sociaux de sexe qui les traversent.

30Cette lecture polanyienne nous fournit une grille d’analyse pour mettre à jour les processus socio-économiques à l’œuvre dans les services d’aide. Le regard féministe attire notre attention sur le fait qu’aucun principe n’est neutre a priori du point de vue du genre, mais qu’il reflète, dans sa dynamique concrète, les rapports de sexe à l’œuvre dans la société.

3 – La garde à domicile : une construction hybride au service de la socialisation du care

31Examinons à présent la prise en charge de la dépendance par les services d’aide à domicile à travers le double cadre théorique présenté plus haut. Dans un premier temps, c’est le cadre polanyien qui soutient l’analyse. Dans un deuxième temps, l’outil normatif défini à partir de la réflexion féministe permet d’interroger le caractère abouti de ces processus d’innovation.

3.1 – Méthodologie et terrain d’enquête

32L’enquête a été effectuée de novembre 2002 à mars 2003 auprès de sept interlocuteurs qui offrent tous un service de garde à domicile :

  • Trois associations sans but lucratif
  • Deux fédérations composées d’associations d’aide à domicile
  • Un centre public d’aide sociale (C.P.A.S.)
  • Un représentant des pouvoirs publics de la Région wallonne de laquelle relève la compétence des services aux familles.
Nous avons interrogé des responsables et des employé·e·s de ces services, ainsi que des représentants des pouvoirs publics. Les entretiens étaient de type qualitatif. La première partie des entretiens portait sur l’origine et la dynamique d’innovation sociale dans les services de garde-malades. La deuxième partie portait sur l’interaction entre les gardes et l’entourage de la personne dépendante et cherchait à éclairer le rôle des services de proximité dans la socialisation des tâches de care effectuées généralement par les familles. Ces entretiens avaient une vocation exploratoire et ont permis de formuler plusieurs hypothèses, entre autres sur l’articulation services de proximité-entourage des personnes dépendantes. Les résultats de Oulhaj (2004b) collectés sur base d’un questionnaire composé de questions fermées, adressé par les assistantes sociales de ces mêmes services de garde à domicile à une centaine d’usager·e·s et à leur entourage ont également servi à l’analyse. Il s’agissait là d’examiner les principales caractéristiques des usager·e·s et aidant?e?s proches.

3.2 – Revisiter la dynamique de co-construction de l’offre et de la demande à la lumière de la grille polanyienne

33Les services en général ne constituent pas une catégorie homogène [Gadrey, 2003]. Zarifian analyse la relation de service à partir de plusieurs exemples pris dans les services aux personnes. Pour lui, « (le service) consiste d’abord à produire une solution, à un problème compris, relatif à l’activité du client usager, de manière à engendrer des effets positifs » [Zarifian, 2000, p. 93]. Il distingue ainsi trois types de services : les services rigoureusement routinisés sans interprétation des attentes ; les services proposant une réponse à une attente demandant interprétation et compréhension avec des réponses proches des standards ; les services où, en plus de l’interprétation et de la compréhension, il faut construire pour et avec l’usager·e une solution singulière. Cette dernière solution implique souvent que l’usager·e, voire son entourage, intervienne lui/elle-même comme une ressource dans la recherche de solution. La densité relationnelle du service est bien sûr plus importante dans ce dernier cas de figure. C’est pourquoi la littérature parle de co-construction de l’offre et de la demande. Pour Gardin et Laville (2007), il y a co-construction lorsqu’il y a participation des offreurs et des demandeurs à la définition et à la mise en place du service rendu et son inscription dans l’espace public de l’arrangement ainsi trouvé.

34C’est bien le cas des services de gardes-malades où l’assistante sociale consulte l’usager·e et son entourage sur la recherche d’une solution de prise en charge de la dépendance qui est extrêmement diverse dans ses formes, aussi diverse que les attentes des usager·e·s. Le service fourni par les gardes-malades est présenté d’ailleurs comme un service complexe dont la plupart des aspects est non standardisé et probablement non standardisable. La connaissance de « l’équilibre » familial est fondamentale pour répondre à la demande et le service se module au cas par cas. Les interviews montrent d’ailleurs que les responsables des services ont l’impression de véritables « plans d’aide aux personnes dont il faut à chaque fois retirer des leçons et [auxquels il faut] mettre les limites ». Mais la responsabilité des personnes dépendantes incombe en premier lieu à la famille : « la garde ne fait pas le travail de quelqu’un d’autre, elle n’est pas infirmière, elle est le chaînon manquant entre les professionnels et les familles ».

35Dans tous les cas où il y a intervention d’une garde-malade, le service identifie un « référent familial » qui prend les décisions si l’usager·e au sens strict du terme ne peut plus les prendre lui·elle-même : « il faut des référents, c’est délicat quand il n’y a pas de famille, les professionnelles ne peuvent être les référents ». La personne qui fait office de référent dans les entretiens est généralement la fille ou la belle-fille de l’usager.

36L’implication de l’entourage de l’usager·e est complémentaire à chaque étape : « pour des maintiens à domicile de personnes, on ne peut pas compter que sur des services et la personne malade. Il faut que la famille, l’entourage, le voisinage s’impliquent ». L’enquête sociale que ces organisations réalisent lorsqu’une demande est introduite prend en compte la présence de proches sur lesquels la personne dépendante peut compter [Oulhaj, 2004b]. Si la présence est suffisante, l’organisation se mobilise et s’organise avec les proches afin de pouvoir assurer le service durant une période limitée.

37À la lumière de la grille de Polanyi, on peut dire que les aidant·e·s familiaux·les relèvent, dans leur action d’aide et de soin, de la sphère de l’administration domestique. La littérature insiste beaucoup pour dire que le care familial se fait dans un face-à-face parfois difficile entre la personne dépendante et son entourage. Il n’y a par conséquent rien d’idyllique dans cette forme de care et c’est bien une des critiques qui fondaient la suspicion féministe à l’égard du community care en Grande-Bretagne. Ce travail, relevant de l’administration domestique, peut cependant être assorti de dispositions spécifiques au sein de la sécurité sociale lorsque les aidant?e?s proches quittent (temporairement) leur emploi pour prendre soin de personnes dépendantes. Ils?elles bénéficient alors de ressources émanant de la redistribution, dans le cadre par exemple de politiques liées au marché du travail (crédit-temps, congés pour raisons familiales, temps partiels,…). L’enquête montre cependant que le recours des proches à ce type de statut est rare [Oulhaj, 2004b].

38La réciprocité peut aussi se manifester dans le cadre du bénévolat, où la quantité et la qualité du travail peuvent être régulées par une organisation qui supervise le travail volontaire. Cet encadrement du travail non rémunéré se fait généralement lorsqu’une personne s’implique comme bénévole dans une organisation extérieure (par exemple un service qui assure le transport de personnes dépendantes). Cependant, les entretiens ont révélé que le bénévolat est peu présent dans les organisations d’aide à domicile. « Le bénévolat dans le domaine de la garde à domicile n’a pas de pérennité. On a essayé mais on n’arrive pas vraiment à travailler avec des réseaux de bénévoles engagés dans une garde à domicile. C’est tout à fait impossible ». Travail bénévole au sein d’une organisation et travail domestique ne sont pas identiques. Bien qu’ils soient tous deux du travail non rémunéré, les rapports sociaux et les logiques socio-économiques dans lesquels ce travail se coule sont différents et susceptibles de fixer une quantité et une qualité de travail très différentes.

39Le travail non déclaré, bien présent dans ce type d’activité comme le révèlent nos entretiens, constitue, lui, une forme de production de l’aide et du soin à cheval sur la sphère marchande et sur celle de la réciprocité. Bien que le paiement sur la base des ressources de l’usager·e rapproche la transaction entre les personnes non déclarées et l’usager·e de la logique marchande, les deux parties ont souvent des rapports proches et de long terme, caractéristiques de la réciprocité. En outre, le travail non déclaré, contrairement au travail déclaré, encadré par un service professionnel, oblige à négocier sur des bases individuelles les limites à « l’injonction au soin » puisque aucune règle collectivement décidée ne vient encadrer ce travail.

40Les acteurs professionnels sont, quant à eux, salariés d’organisations non lucratives : associations ou service public. Pour en saisir la spécificité au niveau de la logique socio-économique sous-jacente, il est utile de se pencher sur la manière dont ces organisations mobilisent leurs ressources. Au niveau des tarifs demandés à l’usager·e (i.e. des ressources marchandes), il est intéressant de noter qu’ils sont établis en fonction du revenu de l’usager·e, mais qu’ils ont été en constante augmentation ces dernières années, ce qui limite l’accès à ce service pour des personnes ayant un niveau de revenu modeste. Pourtant, si le prix de ces services reste coûteux, il est certainement moins élevé que celui d’une garde payée au noir à laquelle il est souvent fait appel pour les moments de la journée où une professionnelle n’est pas disponible.

41Le recours aux ressources publiques (i.e. non marchandes) permet de veiller à l’égalité d’accès dans le service. Dès la phase de mise en œuvre du service de garde-malade, les organisations, pour la plupart déjà actives dans le champ des services aux familles, ont commencé à « bricoler » des solutions qui ont permis la création d’un nouveau service. Pour ce faire, en l’absence de financement public structurel pour ce type de service, elles se sont appuyées sur les politiques de lutte contre le chômage. Ces mesures avaient pour objectif de privilégier la mise au travail de personnes peu qualifiées, en chômage de longue durée, tout en rencontrant des besoins non satisfaits. Certaines de ces mesures exigent toutefois une rotation des personnes mises à l’emploi, ce qui pose avec acuité le problème de la continuité quant à la prestation du service, tant pour les gardes elles-mêmes qui perdent leur emploi que pour les usager·e·s. Ces dernier·e·s ont souvent établi une relation de confiance avec leurs gardes à domicile et, indépendamment de la « bonne distance » que celles-ci respectent par ailleurs et de la qualité des nouvelles engagées, la relation de confiance qui s’est établie explique que les gardes ne soient pas aisément interchangeables.

42Cet élément propre est illustratif d’un paradoxe dans ce secteur de l’aide à domicile. En effet, d’une part l’existence de ce type de programme a permis à des dynamiques innovantes de mobiliser des ressources publiques, d’autre part, il faut bien reconnaître que ce sont des emplois peu qualifiés qui ont été créés et que, parfois, des personnes sans compétences spécifiques au métier de garde à domicile ont dû être engagées afin que l’organisation ne « perde » pas le nombre de postes auxquels elle avait droit dans tel ou tel programme de lutte contre le chômage. « Il m’est déjà arrivé de devoir engager une personne dans l’unique but de conserver mes postes P.T.P. pour lesquels j’avais dû me battre pendant des années » dit une des responsables.

43Après cette phase d’expérimentation, le service de garde-malade est arrivé à une étape de diffusion où un besoin évident d’un financement adapté au service est devenu manifeste et, lié à celui-ci, un besoin de reconnaissance du statut de la garde à domicile. Au moment de l’enquête, une réforme des mesures de résorption du chômage en Région wallonne était en cours. Elle témoignait de la prise de conscience, par les autorités publiques, des limites de cette politique puisqu’elle unifie l’ensemble de ces mesures en un statut unique simplifié, la priorité étant accordée à la consolidation de l’emploi et à la valorisation des activités d’utilité sociale. Cette réforme semble favoriser, entre autres, un contrôle plus direct sur les ressources, vu que les institutions prestataires effectuent elles-mêmes le paiement des gardes à domicile (et non plus via l’organisation publique de placement des chômeurs) et qu’elles n’ont plus à faire face au problème de rotation des travailleuses sur ces postes.

44Si les gardes à domicile sont salariées de ces organisations – qui articulent ressources marchandes et publiques –, on peut légitimement se poser la question de savoir si les rapports proches qu’elles entretiennent avec les usager·e·s impliquent parfois une mobilisation de la logique de réciprocité. Celle-ci se manifeste, par exemple, par la prestation d’heures supplémentaires non rémunérées, voire par un complément au travail salarié via du travail non déclaré chez un·e même usager·e.

45L’articulation toute particulière de ressources marchandes (du fait du paiement par l’usager·e d’un prix pour la prestation reçue), publiques (politiques sociales et politiques d’emploi), réciprocitaires (bénévolat) et domestiques (familles et entourage) est donc un élément central qui rend possible la co-construction de ce service. En effet, tous les acteurs qui ont participé à l’enquête reconnaissent que leur organisation toute seule, c’est-à-dire sans mobiliser les ressources dans l’entourage de l’usager·e, n’aurait pu fournir le service des gardes à domicile. Cette co-construction du service est alimentée par différentes formes de travail : travail salarié, travail non rémunéré et travail au noir, qui s’imbriquent davantage qu’ils ne s’opposent dans le cas étudié. Autrement dit, les services de garde à domicile se construisent sur base de ressources diverses, à la lisière des différentes logiques socio-économiques identifiées.

46À ce stade, on peut se poser la question, à titre d’hypothèse, des avantages comparatifs d’organisation d’économie sociale et solidaire dans la production de bénéfices collectifs. Les analyses de leurs logiques organisationnelles montrent en effet qu’elles occupent, généralement, une place originale dans un espace intermédiaire entre réciprocité, marché et redistribution [Evers et Laville, 2004]. L’économie sociale et solidaire cherche à trouver des compromis entre différents types d’économie – non monétaire et monétaire – et de travail [Eme et Laville, 2006], compromis qui se négocient généralement dans des espaces publics de proximité [Eme, 2006], mais auxquels il faut ajouter, on l’a vu, les espaces dits privés de la famille. Comme le souligne Gardin et Laville (2007), le statut juridique des organisations d’économie sociale et solidaire, en évitant l’appropriation privée des surplus dégagés par l’activité, ouvre un espace pour la combinaison des différents principes – réciprocité, marché, redistribution, auxquels il faut ajouter l’administration domestique –, espace qui tend à réunir ce qui est longtemps resté séparé. Le recours au marché en sus de la réciprocité autorise l’exercice d’un choix par l’usager et permet l’élargissement des champs d’action et des publics touchés. Le recours à la redistribution permet de veiller à l’égalité d’accès dans le service et à la prise en compte d’autres critères d’équité. Le principe de réciprocité garantit la permanence du débat sur la nature (en quantité et en qualité notamment) des services développés via la co-construction de l’offre et la demande. Il reste à se demander si ces compromis sont susceptibles de desserrer les liens d’obligation au sein de l’administration domestique et de les renouer autour d’autres compromis, éventuellement plus émancipateurs, notamment pour les femmes.

3.3 – Des services porteurs d’innovation sociale ?

47Précisément, dans les paragraphes suivants, nous examinons quelles frictions subsistent sur le terrain étudié pour qualifier l’émergence de gardes à domicile, d’un point de vue normatif, d’innovation sociale. À la suite de notre revue de la littérature féministe, on privilégiera ici le critère de consolidation des positions professionnelles des travailleurs?ses du secteur et celui de socialisation des tâches, entendue comme transfert des familles vers les services [4].

3.3.1 – Le besoin de construire une identité professionnelle de la garde à domicile

48Le caractère récent de l’existence de services de gardes-malades explique que la reconnaissance de leur activité comme un travail reste un enjeu important, non seulement vis-à-vis des familles, mais aussi vis-à-vis de leurs collègues et des pouvoirs publics. Nous avons observé une logique de construction de l’identité professionnelle de « garde-malade » activant deux mécanismes chez les travailleuses : le positionnement par rapport à la profession d’aide familiale, activité déjà reconnue par les pouvoirs publics et le besoin d’identification d’un contenu professionnel (éthique, secret professionnel,…) et d’actes techniques clairs.

49La création d’un service de gardes-malades au sein des services d’aide à domicile déjà existants a suscité de nombreuses tensions entre travailleuses, les aides familiales craignant de se voir supprimer leur travail [Degavre, Nyssens, Oulhaj, 2004]. L’aide familiale, profession réglementée, est en effet amenée par son travail à s’assurer des conditions de bien-être des personnes dépendantes, en restant attentive à leur entourage matériel. La garde-malade, quant à elle, doit être disponible par sa présence dans la durée auprès de l’usager·e. Mais la frontière séparant les deux fonctions n’a pas été aisée à faire comprendre. Ces tensions ont obligé les responsables des services à une définition stricte de la fonction de garde-malade dont les caractéristiques principales sont dès lors bien mises en avant : autorisation du travail de nuit (ce qui n’est pas le cas pour les aides familiales), présence et surveillance principalement. Ces tensions renvoient également au besoin d’une reconnaissance de la garde à domicile par les pouvoirs publics, c’est-à-dire une reconnaissance en termes de régulation : un statut spécifique de la garde à domicile.

50Par rapport aux usager·e·s ou aux proches, la difficulté consiste à ne pas être considérée comme une femme de ménage. Certaines familles ne comprennent pas toujours la fonction exacte de la garde-malade. Cette situation demande alors de définir rigoureusement la dépendance d’une part, de délimiter l’aspect de la dépendance qui justifie l’intervention d’une garde à domicile d’autre part et, enfin, la limite au-delà de laquelle la dépendance n’est plus du ressort de la garde. Dans ce partage subtil des compétences, les échelles médicales en vigueur pour mesurer la dépendance sont, aux yeux des gardes, trop peu développées par rapport à leur perception de la dépendance. C’est aux gardes que revient souvent la tâche de faire respecter ce qui est pris en charge ou non.

51Dans l’arrêté du 29 janvier 2004, il est fait, pour la première fois, explicitement mention de la garde à domicile, en plus de l’aide familiale, et de sa mission spécifique notamment au niveau des tâches autorisées. Le 7 décembre 2007, soit une vingtaine d’années après l’apparition du service, le décret portant sur l’agrément aux services d’aide aux familles et aux personnes âgées définit que le garde à domicile a « pour mission d’accompagner le bénéficiaire qui a besoin de la présence continue d’une personne et qui, pour des raisons de santé ou de handicap, ne peut se déplacer seul hors de son domicile. Il vise principalement à assurer, le jour ou la nuit et en complémentarité avec l’entourage du bénéficiaire, une présence active et à optimaliser le bien-être mental, physique et social du bénéficiaire par des actions définies par le statut du garde à domicile. ». Cependant, les gardes à domicile sont toujours financées par les mesures d’aide à l’emploi et ne bénéficient pas d’un financement structurel relevant des politiques sociales comme les aides familiales. La formation et les normes d’encadrement de ces gardes à domicile sont toujours en discussion.

3.3.2 – Une indépendance économique encore limitée pour les gardes-malades

52Par rapport aux personnes employées dans les services de garde à domicile, on peut se demander si les emplois créés procurent une véritable indépendance économique à celles qui l’exercent. Il s’agit souvent de temps partiels, en raison principalement de la pénibilité du travail et des horaires flexibles. Du côté de l’employeur, un temps plein de garde-malade est également difficile à gérer : « chez nous on ne prend que des mi-temps, pas des temps-plein, c’est trop difficile à gérer parce que quand j’ai une temps-plein malade, c’est la catastrophe. Les mi-temps, quand j’ai une malade, une autre qui est à mi-temps fera un temps-plein pour remplacer la malade. Je peux plus facilement jongler avec des mi-temps que des temps-plein ». Or une travailleuse à mi-temps gagne entre 500 et 600 euros, en dehors du complément éventuel du chômage ou du Revenu d’insertion sociale.

3.3.3 – Quelle reconnaissance et quel répit pour les aidant·e·s proches ?

53La présence des femmes, majoritaires autour des usager·e·s tant dans l’entourage que parmi les prestataires rémunéré·e·s, pose question. Loin de montrer une opposition entre ces dernièr·e·s et l’entourage, l’enquête souligne plutôt une forme de complémentarité. En effet, les services d’aide, disent les responsables comme les travailleuses, fonctionnent en partie sur la base de la participation de l’entourage des usager·e·s à la co-construction du service. S’il y a bien un mouvement de socialisation du soin informel vers le soin formel, on observe donc aussi, paradoxalement, l’importante mobilisation de l’entourage proche dans ce processus.

54Sans en venir à remettre en cause le bénéfice du point-de-vue des usager·e·s, ce constat soulève néanmoins des interrogations sur le bénéfice, pour l’entourage des usager·e·s, du service d’aide : l’« injonction au soin », faite principalement aux femmes, trouve un soulagement dans les emplois de services aux personnes, mais ce dernier n’est qu’imparfait. Du point de vue des femmes elles-mêmes, cette mobilisation n’est pas toujours perçue comme une contrainte : les femmes présentes dans l’entourage des usager·e·s souhaitent généralement participer à la prise en charge de ces dernièr·e·s. Ceci peut raisonnablement s’expliquer par le sentiment de devoir éprouvé à l’égard de parents âgés et par la dimension de proximité affective du care, qui rend sa socialisation à la fois souhaitable mais délicate.

55Le rôle joué par l’aidant·e familial·e dans la prise en charge de la dépendance apparaît donc comme crucial. Mais ces aidant·e·s proches ne bénéficient d’aucune reconnaissance ou valorisation en tant qu’acteurs aux côtés des professionnels même si, pour la première fois, il est reconnu dans le décret de décembre 2007 que les services interviennent à domicile « en concertation avec l’environnement familial et de proximité ». Si l’on veut soutenir une véritable co-construction du service, il apparaît essentiel de reconnaître le travail de l’aidant·e dans l’organisation des soins et services à domicile aux côtés des professionnel?le?s. Se pose donc la question de son soutien et de son accompagnement, à la fois dans son travail d’aide – par des formations et d’éventuelles structures de répit – et par une protection de sa position sur le marché du travail. Il s’agit également de s’interroger sur le sort des aidant?e?s en termes de protection sociale. Malgré une reconnaissance d’un besoin en la matière, les avancées sont encore mineures [5]. Par ailleurs, comme mentionné ci-dessus, l’enquête effectuée révèle que peu d’aidant·e·s proches jouissaient d’un dispositif spécifique au sein de la sécurité sociale (crédit-temps, congés pour raisons familiales,…) [Oulhaj, 2004b]. La raison, qui reste à explorer, pourrait se trouver dans un retrait préalable (voire définitif) du marché du travail, ou encore dans la faiblesse du montant octroyé par ces mesures pour couvrir la perte du revenu.

Conclusion : L’innovation sociale au cœur des paradoxes du care

56Le cadre d’analyse croisant l’approche polanyienne et le genre s’avère particulièrement fécond dans la mise en évidence des logiques qui sous-tendent l’aide et le soin.

57Mobiliser les théories féministes à l’intérieur de l’analyse polanyienne a notamment permis de dégager l’importance de l’administration domestique, principe généralement laissé de côté dans les analyses en socio-économie, et rend visible le travail des aidant?e?s proches à l’intérieur du processus d’innovation sociale dans le secteur du care. La démarche théorique suivie a également contribué à préciser les critères normatifs pour juger du caractère social de l’innovation via la reconnaissance de bénéfices collectifs. Elle débouche sur une façon originale d’interroger les inégalités sociales, et plus particulièrement sexuelles, dans le cadre des services d’aide et de soin. Peut-on parler de services porteurs d’une innovation sociale face aux enjeux soulevés par un regard féministe ?

58Plusieurs principes sont à l’œuvre dans ce secteur qui se construit à l’intersection du marché, de la redistribution, de la réciprocité et de l’administration domestique. Nous avons évoqué l’idée que les services pouvaient devenir des espaces publics de proximité susceptibles de dénouer les obligations nées dans l’administration domestique et de les renouer autour de compromis plus satisfaisants, au moins pour les aidant·e·s proches. À l’idée généralement développée des services de proximité comme espaces intermédiaires de négociation entre sphère marchande, sphère publique et réciprocité [Evers et Laville, 2004], s’ajoute donc celle d’espace capable de réorganiser la sphère domestique. Cependant, pour qu’une intervention sous-tende une réorganisation égalitaire et démocratique, les services doivent d’abord prendre conscience de la forme particulière de l’aide apportée par les proches qu’ils mobilisent. Cette aide mobilisée pourrait être associée à des droits propres à l’aidant·e proche et s’insérer dans des politiques publiques qui reconnaissent un revenu et un statut satisfaisants aux travailleur·se·s du secteur. L’innovation sociale dans le secteur de l’aide à domicile reste donc inachevée et insatisfaisante tant que les conditions de reconnaissance du travail des aidant·e·s proches ne seront pas posées. Par ailleurs, du point-de-vue des travailleur·se·s du secteur de l’aide à domicile, on a vu que leurs statuts et rémunération ne permettent pas non plus de parler d’innovation sociale aboutie. Ces questions sont indissociables de débats en termes de politiques publiques. Dans cette perspective, il s’agit d’interroger la configuration des politiques et particulièrement le cloisonnement traditionnel entre politiques sociales et politiques d’emploi. En effet, la structuration des services professionnels d’aide à domicile et le type d’encadrement des aidant·e·s proches dépendent des politiques sociales, alors que le statut des personnes qui travaillent dans ces services professionnels relève, quant à lui, des politiques d’emploi. Il nous apparaît clairement que ces deux leviers doivent être pensés de manière simultanée.

59La co-construction observée au niveau des services de proximité doit par ailleurs aussi être interrogée du point de vue du désir et du choix de l’entourage de s’impliquer dans le care, choix dont il faut évidemment comprendre les déterminants et les contraintes. Les difficultés de financement des services rappellent que les pouvoirs publics sont, au moins en partie, responsables de l’équilibre entre soin formel et informel via la configuration des politiques sociales et d’emploi et donc via les conventions d’égalité et de genre qui les sous-tendent [Gadrey, 2003]. Le soin formel est encouragé par le financement de services professionnels. L’informalité est encouragée par les différents canaux de soutien aux aidant·e·s proches. Toutes les propositions ne sont donc pas semblables. « Prendre du temps pour les autres », cette proposition peut séduire, mais la vigilance est de rigueur lorsque l’on constate que ce sont majoritairement les femmes qui effectuent des retraits temporaires ou partiels de l’emploi et qu’ils ont des conséquences de long terme sur l’autonomie financière des femmes. Ces retraits, même aménagés dans le cadre de la sécurité sociale, participent sans doute encore de « l’injonction au soin » construite socialement vis-à-vis des femmes. Ces réflexions reflètent la volonté d’attaquer le déséquilibre important entre hommes et femmes par rapport au temps « informel » consacré à soigner, aider, éduquer, écouter mais également de reconnaître le care comme une activité fondamentale nécessaire à la reproduction humaine. Giullari et Lewis s’appuient d’ailleurs sur la reconnaissance du care pour opérer un renversement du point-de-vue féministe. Au lieu de partir de l’analyse de la famille pour aboutir au besoin du partage des activités de care, elles posent l’aide et le soin comme faisant partie des activités cruciales qui fondent le sens de la vie en société : « From the point of view of human welfare, it is impossible to choose not to care or not to work » [Giulliari et Lewis, 2005, p. 21]. Il est dès lors justifié de vouloir en partager la responsabilité entre différents acteurs, de la famille à la société, via la mobilisation des principes de réciprocité, de redistribution, d’administration domestique et du marché.

Notes

  • [1]
    Nous remercions Leïla Oulhaj pour ses apports dans une phase antérieure de cette réflexion ainsi que les referees anonymes de la RFSE pour leurs commentaires particulièrement utiles.
  • [2]
    Les termes « garde-malade » et « garde à domicile » sont synonymes en Belgique.
  • [3]
    Care et « aide et soin » sont employés ici alternativement et comme des synonymes [Degavre, 2007].
  • [4]
    L’enquête s’est centrée sur cet aspect précis de la socialisation, et non sur le partage des tâches entre membres du ménage.
  • [5]
    Ainsi le décret de décembre 2007 reconnait la nécessité d’un accompagnement qui « (…) doit alors consister en une guidance, une information et un soutien des aidants proches en matière d’hygiène sanitaire, de maniement, de rôle éducatif et de tâches administratives concernant la personne à qui ils viennent en aide. L’aide aux aidants proches ne peut jamais consister en une aide directe à l’aidant proche, telle que l’entretien de son habitation. Elle a toujours pour objectif d’améliorer ou de faciliter l’aide apportée par l’aidant proche ».
Français

Résumé

Cet article examine la dynamique d’innovation sociale à l’origine des services de garde-malade, apparus dans le champ de l’aide à domicile il y a une vingtaine d’années. À travers une lecture « polanyienne » de l’organisation socio-économique et des théories féministes sur le care, l’objectif est de proposer une grille d’analyse originale qui permet d’analyser le processus sous-jacent à cette innovation, ainsi que certains aspects des rapports de genre qui y sont en jeu. Il s’agit également de proposer des critères permettant de juger de la qualité d’une innovation sociale aboutie dans le champ de l’aide à domicile, et de les appliquer aux services auprès desquels la recherche a été menée en Wallonie.

Mots-clés

  • innovation sociale
  • care
  • genre
  • mode d’organisation socio-économique
  • politique publique

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Florence Degavre
FOPES, CERISIS, UCL
Marthe Nyssens
CERISIS, Département d’économie, UCL, EMES
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Mis en ligne sur Cairn.info le 09/10/2008
https://doi.org/10.3917/rfse.002.0079
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