CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – Malgré l’augmentation des taux d’activité féminins, le déséquilibre de genre persiste dans tous les pays occidentaux en matière de temps de travail et de prise en charge des tâches domestiques et familiales

1.1 – Dans tous les pays occidentaux, les taux d’activité et d’emploi féminins ont augmenté, de même que les niveaux d’éducation féminins : une pluralité de modèles de répartition des activités et des revenus est en vigueur

1Durant les trente dernières années, les taux d’emploi féminins ont augmenté dans tous les pays de l’OCDE et l’écart entre les taux d’emploi des hommes et des femmes s’est réduit sous le double effet du ralentissement de l’activité masculine et de la progression de l’activité féminine [Jaumotte, 2003]. Dans le même temps, les niveaux d’éducation féminins ont considérablement progressé, alimentant ainsi la progression des niveaux d’activité des femmes (croissants avec les niveaux d’éducation). Le modèle pur du male breadwinner (dans lequel l’homme est le seul apporteur de revenu du ménage), qui va de pair avec une stricte spécialisation de la femme au foyer dans les tâches domestiques et les soins aux enfants (female carer ou la femme pourvoyeuse de soins) n’est plus majoritaire. Mais l’effacement de ce modèle ne s’est pas opéré à la même vitesse dans tous les pays et n’a pas donné lieu, aujourd’hui au moins, au développement d’un unique modèle qui s’y serait entièrement substitué.

2De nombreuses typologies des arrangements actuellement à l’œuvre entre les sexes en matière de répartition du temps de travail et de temps consacré aux tâches parentales et domestiques ont été développées ces quinze dernières années. Elles visent à classer les modalités de participation des hommes et des femmes sur le marché du travail (principalement mesurées par le temps de travail et le salaire de chacun des membres du couple) et la façon dont les tâches domestiques et familiales sont prises en charge à des degrés divers par la famille, le marché et l’État. Ces différentes configurations, qui constituent autant de voies de sortie différentes du male breadwinner model sont parfois à vocation purement heuristique. Elles peuvent aussi être couplées aux typologies de régimes d’État-providence, le plus souvent à celle d’Esping-Andersen (1990) et utilisées pour regrouper les pays présentant des caractéristiques communes (annexe 1). Ces typologies ont pour intérêt de maintenir étroitement liées les deux questions de la participation des femmes au marché du travail et des modalités de prise en charge du care.

1.2 – Les femmes travaillent toujours moins que les hommes et restent toujours les principales responsables des tâches domestiques et parentales

3Dans tous les pays de l’OCDE, les femmes travaillent moins, en nombre d’heures considérées sur l’ensemble de la vie active, que les hommes. Cela résulte d’une moindre présence des femmes dans l’emploi (dans l’OCDE subsistait encore en 2000 un écart moyen de 19 % entre le taux d’emploi des femmes et celui des hommes de 25 à 54 ans, OCDE, 2002b), de la prédominance du travail à temps partiel chez les femmes (en 2000, 26 % des femmes de 15 à 64 ans travaillaient à temps partiel dans les pays de l’OCDE contre moins de 7 % des hommes, OCDE, 2002b), des interruptions de carrière beaucoup plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes.

4Deux facteurs déterminent fortement une moindre présence dans l’emploi et un moindre temps de travail des femmes : le niveau d’études et la présence d’enfants [OCDE, 2002b]. Cette dernière fait systématiquement diminuer le taux d’emploi et la durée du travail des femmes : si la différence de taux d’emploi entre les hommes et les femmes sans enfants est de 12 points sur l’OCDE, elle est de 32 points entre les hommes et les femmes avec enfants [OCDE, 2002b]. Travaillant moins que les hommes, les femmes gagnent moins : en moyenne 84 % des salaires masculins [OCDE, 2002b]. Ainsi, si dans tous les pays de l’OCDE, le modèle pur du male breadwinner a disparu (il supposerait que les femmes ne travaillent pas du tout), les hommes continuent de travailler plus et de ramener l’essentiel des revenus des ménages.

5En Europe, ces différents faits sont confirmés [Aliaga, 2005] : le taux d’emploi des Européennes de 20 à 49 ans avec enfants de moins de douze ans est inférieur à celui des femmes sans enfant dans la totalité des pays (en moyenne 60 % contre 75 %) sauf au Danemark et il est encore plus faible quand les enfants sont en bas âge ; le travail à temps partiel augmente, pour les femmes, avec le nombre des enfants et la présence d’enfants en bas âge. Si en Europe, parmi les couples de 20-49 ans dont au moins l’un des partenaires travaille, le modèle dominant est celui du couple où les deux partenaires travaillent, à temps plein ou à temps partiel (66 %), les modèles les plus répandus sont les suivants :

  • le modèle conjuguant deux emplois à temps plein (45 % des couples où au moins l’un des deux partenaires travaille) plus particulièrement en vigueur dans les nouveaux États-membres, au Portugal, en Finlande et en France ;
  • le modèle où l’homme est seul en emploi (29 %, développé à Malte, en Italie, en Grèce, en Espagne) ;
  • le modèle où l’homme est à temps plein, la femme à temps partiel (19 %, répandu aux Pays-Bas, Royaume-Uni, Allemagne, Autriche, Belgique, Luxembourg) [Aliaga, 2005].
Lorsqu’il y a des enfants, les couples où l’homme travaille à temps plein et les femmes à temps partiel ou bien où l’homme seul travaille sont en plus forte proportion.

6Tout indique donc que les femmes travaillent moins que les hommes et que la présence d’enfants constitue un des déterminants très importants de cette moindre quantité de travail. En revanche, dans tous les pays, les femmes continuent d’assurer l’essentiel des tâches domestiques et de soins. Selon les enquêtes « emploi du temps » de l’Insee, le temps consacré en moyenne chaque semaine au travail domestique était en France en 1998 de 15,4 heures pour les hommes et 29,6 heures pour les femmes environ [Économie et Statistique, 2002]. Un écart presque identique est observé dans de nombreux autres pays : le même type de sources indique une durée moyenne aux États-Unis en 1995 de 15,6 heures pour les hommes et 27,4 heures pour les femmes [Robinson, 2003]. Cet écart du simple au double constaté tant en France qu’aux États-Unis est un peu plus réduit dans certains autres pays industrialisés comme les pays d’Europe du Nord. La récente compilation par Eurostat des enquêtes nationales sur l’emploi du temps met en évidence que les femmes de 20 à 64 ans consacrent beaucoup plus de temps aux tâches domestiques (au sens large) que les hommes : d’environ 50 % en Suède à plus de 200 % en Espagne ou en Italie [Eurostat, 2006].

7De nombreuses études ont mis en évidence que la spécialisation des couples en matière de répartition des tâches augmentait avec le nombre d’enfants (pour la France : [Brousse, 1999]) et que le temps parental était encore plus mal réparti que le temps domestique (dont il constitue une partie dans les classifications officielles). Les pères français consacrent ainsi environ trois fois moins de temps aux activités parentales que les mères et le rythme de leur participation à ces activités est de surcroît très différent de celui des mères : « Les tâches parentales du matin sont particulièrement le fait des femmes : 48 % des mères ont réalisé au moins une activité parentale avant de commencer leur activité professionnelle contre seulement 16 % des pères (…) Même parmi ceux (les pères) qui se disent “toujours” ou “le plus souvent” disponibles, seuls 25 % des pères se sont spécifiquement occupés de leurs enfants le matin de l’enquête contre 55 % des mères (…) Au-delà du temps total consacré aux activités parentales ou domestiques, ce sont donc aussi plus souvent les femmes qui se trouvent au bout du compte “disponibles” pour s’adapter aux rythmes des enfants. » [Algava, 2002].

8En utilisant les données du panel européen des ménages, Alison J. Smith (2004) montre que dans tous les pays considérés, les pères consacrent bien moins de temps aux enfants que les mères : à part au Danemark et en Finlande, où respectivement 47 % et 29 % des pères en couple ayant des enfants de moins de six ans consacrent un temps substantiel à leurs enfants (plus de 28 heures par semaine), dans tous les autres pays, la proportion de pères ayant un tel investissement est très faible. Même dans les pays nordiques, les femmes continuent à avoir la responsabilité principale en matière de conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale [Werner et Abrahamson, 2003].

1.3 – Le poids des attitudes culturelles

9La prise en charge déséquilibrée des tâches domestiques et parentales apparaît bien comme le nœud central qui détermine les inégalités entre hommes et femmes, et plus précisément, le fait que dans la plupart des pays de l’OCDE, la responsabilité principale des soins aux jeunes enfants incombe aux femmes. C’est là que s’enracinent les réductions d’activité des femmes sous la forme d’arrêts temporaires ou définitifs ou de passages à temps partiel, c’est sur cette réalité que les politiques d’entreprise discriminantes se mettent en place (puisque les femmes s’occupent des enfants, elles vont nécessairement être moins disponibles pour le travail ou bien seront prêtes à avoir des horaires flexibles…), et que se développent les politiques publiques qui ne font souvent que renforcer les différences entre hommes et femmes. La question des représentations et des normes, et notamment ce qui concerne les rôles incombant aux hommes et aux femmes en matière de soins aux très jeunes enfants est donc totalement déterminante [Folbre, 1994 ; Fraser, 1994 ; Lewis, 1992 ; Crompton, 1999 ; Méda, 2001].

10Comme plusieurs auteurs l’ont théorisé [2], l’égalité de genre ne pourra être vraiment atteinte que si les hommes prennent en charge une partie des tâches domestiques et familiale et que se met en place, outre une configuration où les deux membres du couple participent également au marché du travail (deux apporteurs de revenus) et à la prise en charge des tâches domestiques et familiales (deux pourvoyeurs de soins).

11Certaines enquêtes indiquent que les Américains et les Australiens, quel que soit le sexe, déclarent avoir des aspirations égalitaires en ce qui concerne la division sexuelle du travail [Bitmann et al., 2002]. En France, on a pu montrer [Méda, Cette, Dromel, 2004] que si les femmes sont toujours beaucoup plus nombreuses que les hommes à dire qu’à l’arrivée d’un enfant, l’importance qu’elles accordaient au travail a diminué et à réduire dans les faits leurs horaires et leur temps de travail, environ un tiers des hommes a également adopté ce comportement [Méda, 2002]. Jaumotte (2003) voit dans les résultats d’une enquête de 1998 consacrée aux souhaits en matière de répartition du travail à l’intérieur des couples le signe d’un refus du modèle du strict male breadwinner puisque seulement une femme sur dix préférerait ce modèle. Elle mobilise également les résultats de l’enquête communautaire sur les forces de travail de 2001 pour mettre en évidence que parmi les femmes inactives, 12 % voudraient travailler, et 21 % parmi celles qui ne cherchent pas de travail pour des raisons familiales. Dans le même esprit, on a montré en France que 50 % des femmes s’étant arrêtées à la naissance d’un enfant auraient souhaité continuer à travailler [Méda, Simon, Wierink, 2003].

12Mais les résultats de la vague 2002 de l’International Social Survey Programme (ISSP) [GESIS, 2004 ; Crompton, 2006], consacrée aux rôles familiaux, sont moins « révolutionnaires » : ils dessinent au contraire un monde occidental, certes ouvert à l’idée que les femmes peuvent désormais travailler et contribuer aux revenus du ménage (donc au modèle à deux pourvoyeurs de revenus), mais sans que les conséquences en soient acceptées (moindre présence de la mère auprès des enfants, en raison du travail ou prise en charge équivalente des enfants par le père, modèle à deux pourvoyeurs de soins).

13Ainsi, si, dans les pays interrogés, une majorité de personnes interrogées se déclare totalement d’accord ou d’accord avec l’idée que « hommes et femmes doivent contribuer au revenu du ménage » et que les hommes devraient mieux partager les tâches domestiques et les soins aux enfants, si la majorité pense également que les femmes doivent travailler à temps plein avant la naissance des enfants et après le départ des enfants, une part très importante des populations interrogées dans les différents pays trouve qu’être une femme au foyer est aussi épanouissant qu’exercer un travail rémunéré et surtout, presque trois quarts des personnes interrogées pensent que lorsque les enfants sont en âge préscolaire les femmes doivent rester à la maison ou travailler à temps partiel, et qu’elles doivent également travailler à temps partiel lorsqu’ils sont à l’école. Entre un quart et la moitié pense que la vie de famille pâtit (suffers) lorsque la femme a un travail à temps plein et la même proportion acquiesce à l’idée que l’enfant non scolarisé pâtit du fait que sa mère travaille (tableau 1).

Tableau 1

Réponses à certaines questions de la vague de l’ISSP 2002 consacrée à la famille et aux rôles

Tableau 1
% tout à fait d’accord et d’accord A DW DE GB USA IRL S E F DK Hommes et femmes doivent contribuer au revenu du ménage 45 66 90 61 59 70 84 87 74 77 Les hommes devraient mieux partager les tâches domestiques 64 61 61 63 64 70 67 89 76 75 Les hommes devraient mieux partager les soins aux enfants 67 71 66 64 71 75 90 78 74 Être une femme au foyer est aussi épanouissant que d’avoir un travail rémunéré 48 41 27 47 62 50 31 42 35 40 Avec un enfant d’âge préscolaire, les femmes doivent travailler à plein temps 3 3 17 4 13 11 14 19 11 15,5 Avec un enfant d’âge préscolaire, les femmes doivent travailler à temps partiel 39 45 68 39 41 50 66 44 49 61 Avec un enfant d’âge préscolaire, les femmes doivent rester à la maison 58 52 15 57 45 39 19 37 40 23 La vie de famille pâtit quand la femme a un travail à temps plein 44 48 28 37 39 38 26 55 44 39 L’enfant d’âge préscolaire pâtit quand sa mère travaille 40 50 33 38 38 35 24 52 42 32 Source : ISSP, 2002. A : Autriche ; DW : Allemagne de l’Ouest ; DE : Allemagne de l’Est ; GB : Grande-Bretagne ; USA : États-Unis ; IRL : Irlande ; S : Suède ; E : Espagne ; F : France ; DK : Danemark.

Réponses à certaines questions de la vague de l’ISSP 2002 consacrée à la famille et aux rôles

14Si les femmes sont un peu plus nombreuses que les hommes à considérer qu’hommes et femmes doivent contribuer aux revenus du ménage et que les hommes devraient mieux partager les soins aux enfants et les tâches domestiques, elles le sont systématiquement aussi lorsqu’il s’agit d’affirmer qu’avec un enfant d’âge préscolaire les femmes doivent travailler à temps partiel (tableau 2).

Tableau 2

Réponses à certaines questions de la vague de l’ISSP 2002 consacrée à la famille et aux rôles

Tableau 2
% tout à fait d’accord et d’accord Sexe A DW DE GB USA IRL S E F DK Hommes et femmes doivent contribuer au revenu du ménage H 43 63 89 62 60 69 84 86 71 76 F 45 69 93 59 57 70 84 90 76 79 Les hommes devraient mieux partager les tâches domestiques H 61 54 55 58 58 63 63 86 73 60 F 67 68 68 64 68 75 70 91 77 69 Les hommes devraient mieux partager les soins aux enfants H 63 67 67 60 69 63 88 76 60 F 70 75 67 66 74 70 93 80 67 Être une femme au foyer est aussi épanouissant que d’avoir un travail rémunéré H 44 46 30 43 60 43 32 45 42 38 F 51 36 24 49 65 50 31 40 33 42 Avec un enfant d’âge pré­scolaire, les femmes doivent travailler à plein temps H 3 3 17 3 12 10 16 19 9 17 F 4 4 18 5 14 11 12 19 10 15 Avec un enfant d’âge pré­scolaire, les femmes doivent travailler à temps partiel H 37 37 65 37 39 48 63 41 44 58 F 41 53 71 42 43 52 70 47 50 64 Avec un enfant d’âge pré­scolaire, les femmes doivent rester à la maison H 61 60 18 60 49 43 21 40 48 26 F 55 44 12 53 42 37 18 35 40 21 La vie de famille pâtit quand la femme a un travail à temps plein H 49 48 30 37 41 37 27 55 49 30 F 39 48 26 35 39 38 24 55 45 28 L’enfant d’âge préscolaire pâtit quand sa mère travaille H 49 61 37 44 45 40 30 56 56 39 F 33 51 28 32 34 31 18 48 40 27 Source : ISSP, 2002. A : Autriche ; DW : Allemagne de l’Ouest ; DE : Allemagne de l’Est ; GB : Grande-Bretagne ; USA : États-Unis ; IRL : Irlande ; S : Suède ; E : Espagne ; F : France ; DK : Danemark.

Réponses à certaines questions de la vague de l’ISSP 2002 consacrée à la famille et aux rôles

15Le taux de réponse positive de la part des femmes aux affirmations selon lesquelles « la vie de famille pâtit quand la femme a un enfant à temps plein » (toujours plus d’un quart des femmes interrogées dans les pays considérés) et « l’enfant d’âge scolaire pâtit quand sa mère travaille » (idem), met en évidence que les hommes ne sont pas les seuls pôles de résistance au modèle strict « deux apporteurs de revenu / deux pourvoyeurs de soins », c’est-à-dire à une interprétation du modèle engageant des quantités de travail et de soins identiques pour les deux parents. Notons ici – pour nous en étonner et y voir un signe supplémentaire du caractère encore « utopique » de ce modèle –, que les questions relatives à la « souffrance » provoquée par le travail de l’un des parents ne concernent que les mères et n’envisagent jamais la situation où le travail du père pourrait faire « souffrir » la famille ou le jeune enfant d’âge scolaire…

2 – De nombreux arguments militent pourtant pour la mise en œuvre d’un modèle à deux apporteurs de revenus / deux dispensateurs de care

2.1 – L’emploi des femmes est le seul moyen de garantir l’égalité de genre, mais aussi de financer la protection sociale et de permettre aux femmes et aux hommes d’avoir le nombre d’enfants qu’ils souhaitent

16S’il est un gage d’autonomie et d’indépendance financière d’autant plus indispensable que les ruptures d’union sont désormais fréquentes, l’emploi des femmes constitue également, notamment pour les familles les moins aisées ou les plus fragiles (mères de famille monoparentale notamment), le meilleur rempart contre la chute dans la pauvreté, mais aussi une source de financement de la protection sociale précieuse (notamment en prévision des besoins de financement à venir) et, enfin, outre une exigence minimale de justice, un juste retour – individuel et collectif – sur l’investissement en capital humain que fournissent désormais les filles (dont on sait qu’elles réussissent désormais aussi bien que les garçons à de nombreux stades du cursus scolaire et universitaire). Le non-emploi et le sous-emploi des femmes mais aussi l’inadéquation de leurs qualifications avec les postes qu’elles occupent constituent donc, outre une violation d’un principe de justice élémentaire, un formidable gâchis en compétences, qu’il faudrait maintenant chiffrer [3].

17Depuis plusieurs années, les institutions internationales, notamment l’OCDE et la Commission européenne, plaident d’ailleurs pour une augmentation rapide et forte des taux d’emploi féminins, en grande partie au nom de ces arguments mais plus généralement au nom du développement du potentiel productif des États : ainsi que le rappellent Jaumotte (2003) ou Durand (2005) « l’offre actuelle de main-d’œuvre est inférieure à ce qu’elle pourrait être, le capital humain est sous-utilisé et la croissance économique tombe en deçà de son potentiel ». Au Conseil européen de Lisbonne, les États-membres se sont donné comme objectif d’atteindre, chacun pour ce qui le concerne, un taux d’emploi des femmes de 60 % en 2010. Dans l’Europe des 15, les Pays nordiques, le Royaume-Uni et les Pays-Bas dépassent déjà ce taux, mais la situation de ces deux derniers pays doit être considérée avec circonspection en raison de l’importance du temps partiel (74 % des Néerlandaises et 42 % des Anglaises travaillent à temps partiel).

18De nouveaux arguments font aujourd’hui leur chemin dans le débat public à l’appui du nécessaire développement de la main-d’œuvre féminine : plusieurs travaux ont en effet récemment mis en évidence qu’alors que les taux de fécondité d’un certain nombre de pays européens s’effondraient, la corrélation autrefois négative entre activité des femmes et taux de fécondité était désormais devenue positive. Lorsqu’elles sont sommées de choisir radicalement entre travail et maternité, les femmes peuvent renoncer à avoir un enfant (ou des enfants supplémentaires), – on a parfois appelé ce phénomène « la grève des ventres » – alors qu’elles continuent à en avoir autant qu’elles le souhaitent (ou presque) dans les pays qui permettent la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, notamment par la mise à disposition de moyens de garde abordables et de qualité [OCDE, 2002a et 2002b, 2004 ; Ahn et Mira, 2002 ; Esping-Andersen, 2004 ; Méda, Cette, Dromel, 2004 ; Hobson et Olah, 2006]. Dès lors, sur le modèle de ce qui s’est passé en Suède dans les années 1930 lorsque les Myrdal avaient construit leur argumentation en faveur d’une prise en charge collective de l’enfant permettant de réduire son coût, l’argument démographique apparaît aujourd’hui déterminant.

2.2 – Qui doit prendre en charge les soins aux jeunes enfants ?

19Si la prise en charge effective des soins aux enfants durant leurs premières années par les femmes – ou bien la représentation partagée par l’ensemble de la société que cette responsabilité incombe de toute façon aux femmes, toute femme étant en puissance une mère – constitue la raison principale pour laquelle les femmes sont moins présentes que les hommes dans l’emploi, travaillent moins, gagnent moins, et n’atteignent pas l’égalité en matière d’emploi et de contribution aux revenus, alors c’est bien la question de la prise en charge des soins aux jeunes enfants qui est la question centrale. Cela signifie que toute politique (publique ou d’entreprise) ne prenant pas en considération le fait que les inégalités s’enracinent dans la répartition déséquilibrée du care (telle que les politiques visant à l’égalité des salaires ou à l’égalité professionnelle…) est vouée à l’échec. Permettre aux femmes de s’insérer et de se maintenir sur le marché du travail, exactement dans les mêmes conditions que les hommes (ce que suppose la mise en œuvre effective de l’idée de « deux pourvoyeurs de revenus »), demande d’avoir résolu, auparavant, la question de la prise en charge des soins aux jeunes enfants.

20Il existe deux possibilités pour soulager les mères de la prise en charge quasi exclusive des soins aux jeunes enfants et leur permettre de s’investir dans l’emploi, solutions qui ne sont d’ailleurs en aucune manière exclusives l’une de l’autre et peuvent être combinées : ou bien déléguer ceux-ci à l’extérieur du ménage, dans des structures organisées soit collectivement soit par le marché, ou bien mieux les partager entre les parents, dans le cas d’une famille à deux parents. La délégation à l’extérieur du ménage est très clairement favorable à l’emploi des mères. Le lien entre développement des modes de garde des jeunes enfants et activité féminine est désormais clairement établi [OCDE, 2001 ; OCDE, 2003 ; OCDE, 2004b ; OCDE, 2001, 2002, 2003, 2004 ; Jaumotte, 2003] : les pays nordiques et les États-Unis, où la proportion d’enfants de moins de trois ans gardés dans des dispositifs institutionnalisés est la plus élevée, sont aussi ceux où les taux d’activité féminins sont les plus hauts. Il semble peu importer que les modes de garde soient plutôt organisés par la puissance publique ou par le marché, à partir du moment où ils sont de qualité et où les parents ont confiance en eux [Waldfogel, 2002, 2004].

21Jaumotte (2003) et l’OCDE (2005) indiquent que si l’on mettait en œuvre les réformes suivantes : investir dans le système d’accueil des jeunes enfants français les sommes qui y sont consacrées par les pays qui mettent les moyens les plus élevées (le Danemark, soit 2 % du PIB) ; appliquer aux seconds apporteurs de revenu un traitement fiscal identique à celui des personnes seules (donc passer à un système d’imposition séparée) ; réformer la fiscalité sur le temps partiel, on obtiendrait une forte augmentation du taux d’activité des femmes. Il serait ainsi possible d’améliorer le taux d’activité des femmes françaises de 25 à 54 ans de 14 points, donc d’égaliser les taux d’activité féminins et masculins, – ce que les projections de population active officielles n’envisagent jamais.

22Il n’en reste pas moins que, poussée à son terme, la logique de la délégation totale du care (qui semble être la plus favorable au développement de l’emploi féminin) peut entrer en conflit avec une autre logique, celle du bien-être des enfants (mais aussi des parents). Car, d’une part, comme on l’a vu ci-dessus, les représentations communes restent relativement traditionnelles quant au rôle des mères vis-à-vis des jeunes enfants, d’autre part, un certain nombre de recherches récentes mettent en évidence plusieurs éléments qui semblent faire obstacle à une totale délégation du care. Elles montrent en effet que lorsque les mères retournent trop vite au travail ou lorsque les enfants de moins d’un an sont gardés à l’extérieur, il peut y avoir des conséquences sur la santé et le développement cognitif des enfants, et qu’au contraire les congés parentaux rémunérés sont corrélés avec des effets positifs sur ceux-ci. En revanche, elles mettent aussi en évidence que la scolarisation préélémentaire à partir de deux ans donne de très bons résultats y compris en matière d’opportunités égales données aux enfants et de mobilité sociale pour les plus défavorisés [Esping-Andersen, 2004 ; Waldfogel 2004, 2005]. Ces recherches, pour l’instant principalement réalisées dans des pays anglo-saxons, demandent à être approfondies, notamment pour le cas français. Elles constituent bien un argument en défaveur d’une délégation totale de l’activité de care.

23Mais on doit surtout prendre en considération le fait que, dès lors que l’enfant est le plus souvent désiré, les parents souhaitent passer du temps avec lui, à la fois pour « en profiter » comme le dit très mal l’expression populaire, mais aussi pour assurer eux-mêmes une partie de l’éducation et transmettre une partie des valeurs auxquelles ils sont attachés. De surcroît, l’investissement du père est le seul comparable à celui des mères et peut donc constituer un équivalent total de celui-ci, permettant aux mères de se libérer en étant « déculpabilisées ». Dès lors, il importe de trouver les voies d’une promotion de l’emploi des femmes compatible avec l’exercice d’une partie du care par les deux parents (deux pourvoyeurs de soins) et non par les seules mères. C’est ce qu’ont visé les pays nordiques en tentant de développer l’emploi des femmes en même temps qu’ils mettaient en place des modes de garde de haute qualité et incitaient les pères à s’investir dans la vie familiale.

2.3 – États-Unis versus pays nordiques

24Pourtant, depuis quelques années, le modèle nordique est remis en cause dans sa capacité à atteindre une véritable égalité de genre. On ne compte plus les textes mettant en évidence le caractère extrêmement segmenté des marchés du travail nordiques ; appelant à prendre en considération le fait que les femmes en congé parental long restent, à la différence des autres, comptées dans la population active et que les très hauts taux d’emplois des femmes nordiques s’expliquent donc en partie par un relatif artefact méthodologique et statistique ; rappelant que les hommes, qui y ont pourtant été intensément incités, sont loin de prendre l’ensemble des congés parentaux auxquels ils ont droit, et qu’il s’agit donc en réalité d’un modèle à « un apporteur trois quarts » dans lequel la responsabilité des soins aux enfants reste l’apanage des femmes [Gupta, Smith et Verner, 2006 ; Wehner et Abrahamson, 2003 ; Albrecht, Björklund et Vroman, 2001 ; Gupta, Oxaana et Smith, 2003 ; Orloff, 2006 ; Bjönberg et Dahlen, 2003 ; Marc et Zajdela, 2006] notamment et, pour une synthèse, [Méda, Périvier, 2007].

25Gupta, Smith et Verner écrivent ainsi dans « Child care and parental leave in the nordic Countries: a model to aspire to? » que « la combinaison d’une politique favorable à la famille dans le secteur public et d’un fort emploi dans le secteur public a entraîné la réapparition d’un nouveau type de société du male breadwinner où les mères se trouvent dans des jobs peu payés dans le secteur public et où il est aisé de combiner travail et famille ». Les auteurs parlent d’un « welfare state basé sur le plafond de verre ». Pendant ce temps, d’autres auteurs insistent au contraire sur le fait que les États-Unis ont désormais atteint des taux d’emploi féminins très élevés tout en conservant de hauts taux de fécondité, qu’aujourd’hui, toutes les positions professionnelles sont ouvertes aux femmes et que, si l’égalité de genre passe d’abord par l’égalité en matière d’emploi, alors l’égalité de genre est plus une réalité aux États-Unis que dans les pays nordiques [Orloff, 2006].

26La comparaison des deux modèles est délicate et elle exige que l’on définisse précisément les critères de jugement [Méda, Périvier, 2007]. S’il s’agit de l’égalité de genre en matière d’emploi, le fait que les écarts d’emploi et de salaires se soient réduits aux États-Unis plus que dans les pays nordiques et que les marchés du travail soient moins segmentés, comme le démontrent plusieurs des recherches récentes citées, plaide en faveur de la supériorité du modèle américain. Les femmes diplômées semblent être les principales « victimes » du fort mécanisme de plafond de verre à l’œuvre dans les pays nordiques. En revanche, le modèle nordique présente des avantages sur trois autres points : la qualité des emplois assurés aux femmes (dont une large partie travaille dans le secteur public) semble meilleure dans les pays nordiques ; d’une manière générale, les femmes les plus vulnérables (chefs de famille monoparentales et femmes peu qualifiées) semblent mieux traitées dans les pays nordiques qu’aux États-Unis ; le bien-être des enfants semble également mieux assuré dans les pays nordiques qu’aux États-Unis grâce à un système de modes de garde collectif de haute qualité, accessible à tous les parents, universel, présentant un bon ratio personnel / enfant, visant des objectifs pédagogiques et sociaux, et parvenant à garantir une certaine mobilité sociale et une certaine correction des inégalités de départ [Esping-Andersen, 2004 ; Waldfogel, 2005]. Ce dernier point, particulièrement souligné par Esping-Andersen, est tout à fait primordial : il constitue en effet le système d’accueil du jeune enfant non seulement comme pièce maîtresse mais aussi comme élément parmi les plus efficaces d’une politique générale d’égalité des chances. Un dernier point en défaveur du modèle américain (et en faveur du modèle nordique) est la faible quantité de temps qu’il semble permettre aux parents et à leurs enfants de passer ensemble : la question du care semble avoir été résolue par la disparition du care en tant qu’activité exercée par les parents eux-mêmes et par sa marchandisation totale [Hochschild, 1989, 2002, et 2003], même si sur ce point les études divergent [Robinson, 2004].

3 – Quels enseignements en matière de politiques publiques ?

3.1 – Changer les normes

27Si nous voulons vraiment concilier vie professionnelle et vie familiale, c’est-à-dire donner corps à l’idée que les individus sont à la fois des parents, des citoyens, des travailleurs en leur garantissant le temps nécessaire à l’exercice de chacune de ces activités, alors ce sont tous les principes autour desquels est aujourd’hui organisée notre société qui doivent changer [Méda, 2001]. Il s’agit rien moins que de repenser l’organisation sociale autour d’une déspécialisation des rôles et de la possibilité qu’hommes et femmes exercent pleinement l’ensemble des rôles qui leur échoient. Pour ce, il importe de faire en sorte qu’un temps parental effectif soit possible pour les hommes et les femmes, notamment pour les parents de jeunes enfants. Ceci suppose non seulement de reprendre à nouveaux frais la question des horaires atypiques et du temps partiel subi, mais aussi plus généralement celle de la norme de travail à temps complet car travailler (seul(e) ou à deux) quarante heures par semaine apparaît comme peu compatible avec la possibilité d’organiser normalement la vie de jeunes enfants.

28En France, la réduction de la durée légale du travail à 35h a, selon certaines enquêtes, amélioré la conciliation vie professionnelle - vie familiale, même si la loi n’était pas précisément destinée à atteindre cet objectif [Méda et Orain, 2002 ; Méda, Cette et Dromel, 2004]. Les parents de jeunes enfants ont des besoins en temps beaucoup plus importants que les autres et, d’une manière générale, les besoins en temps pour la famille sont en France très élevés : voir [ISSP, 1997] et [ISSP, 2005]. Il faudrait donc sans doute aujourd’hui leur donner la possibilité d’accéder à des dispositifs spécifiques leur permettant d’organiser leur travail de façon différente, notamment en pouvant sortir plus tôt le soir. Le système pourrait s’inspirer des dispositifs en œuvre en Suède, par exemple sous la forme d’un capital temps dont la durée totale pourrait être d’environ deux ans, qui serait consommable jusqu’aux huit ans de l’enfant, fractionnable jusqu’à l’heure, totalement divisé entre les deux parents et individualisé de manière à ce que les pères soient incités à les prendre (voir [Méda et Périvier, 2007] pour une proposition proche et chiffrée). Certes, on peut craindre qu’une discrimination ne s’opère alors à l’encontre des jeunes parents (au lieu que ce soit à l’encontre des seules femmes), mais les victimes seraient alors très nombreuses. On peut également penser qu’une politique familiale renouvelée et ayant pour objectif principal de permettre aux parents de jeunes enfants la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale consacrerait principalement ses ressources aux modes de garde et au financement de cette politique temporelle (en rendant les réductions du temps de travail neutres pour l’employeur et le salarié).

3.2 – Répartir de manière strictement égalitaire les droits entre les parents

29L’égalité de genre ne sera atteinte que lorsque les responsabilités professionnelles et familiales seront totalement partagées entre les hommes et les femmes. Il importe donc d’inciter les pères à s’investir le plus tôt possible et le plus intensément possible dans la prise en charge des soins aux enfants. Si les pères suédois ne prennent pas tous leurs congés (ils ne consomment que 17 % des congés auxquels ils ont droit [Brachet, 2007]), on ne doit pas néanmoins condamner ce dispositif. Car les mentalités changent peu à peu. Au contraire, il importe de tirer les leçons des expériences suédoises et de les pousser jusqu’à leur terme comme l’a fait l’Islande, en mettant en place un congé parental dont un tiers est réservé à la mère, un tiers au père et un tiers partageable entre les deux, avant les dix-huit mois de l’enfant, chaque partie étant perdue si elle n’est pas prise par son destinataire. D’après les premières statistiques disponibles, ce dispositif aurait fortement incité les pères à prendre leur congé, puisqu’ils prendraient déjà 30 % du total disponible, soit 83 jours [OCDE, 2005].

30Par ailleurs, la littérature montre aussi clairement aujourd’hui ce qu’il faut faire en matière de longueur et de rémunération du congé parental. Certes, on accordera à Jane Waldfogel qu’un congé de maternité assez long et bien rémunéré est meilleur pour les femmes et les enfants qu’un congé non rémunéré et que les États-Unis devraient adopter une telle mesure, mais il est désormais clair que ce congé dans sa partie purement maternelle doit être relativement court (4 mois) ainsi que dans sa partie parentale (8 mois). La combinaison des éléments suivants : un congé parental relativement court, bien rémunéré et partagé en trois parties égales comme on l’a vu ci-dessus, devrait à la fois permettre aux deux parents de bien s’occuper de l’enfant durant sa première année et de ne pas perdre le lien avec le travail. Cela suppose, pour la France, la suppression de l’actuel complément d’activité de libre choix qui, comme l’APE auparavant, incite en majorité les femmes peu qualifiées à se retirer de l’emploi et à retrouver, lorsqu’elles reviennent sur le marché du travail, des conditions d’emploi plus mauvaises.

3.3 – Investir massivement dans des modes de garde de qualité

31L’ensemble de la littérature internationale s’accorde sur les bienfaits de modes de garde de qualité, à l’instar de ceux que les pays nordiques ont mis en œuvre. Comme on l’a dit, leur caractère universel, leur relative accessibilité financière, leur fort taux d’encadrement, leur visée sociale et pédagogique en font un remarquable instrument non seulement au service de l’emploi des parents, mais aussi et surtout au service du développement des jeunes enfants et de l’égalité des chances. Esping-Andersen et Waldfogel indiquent que ce système a permis d’améliorer la mobilité sociale pour les enfants venant des milieux défavorisés : la mobilité sociale des cohortes plus jeunes a augmenté dans les pays scandinaves au contraire de ce qui se passait aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne. Certes, ce système est coûteux : la Suède et le Danemark y consacrent environ 2 % de leur PIB. Mais cette dépense ne doit-elle pas, d’une part, être considérée comme un véritable investissement (dans le développement des enfants et l’emploi des femmes) et ne faut-il pas, d’autre part, mettre en face de ces coûts les coûts futurs de réparation évités (coût du mal-être, des inégalités, du non-développement du capital humain…), grâce à une nouvelle comptabilité [Méda, 1998 ; Esping-Andersen, 2004] ?

32En conclusion, dans le modèle « deux pourvoyeurs de revenus/deux pourvoyeurs de soins », la réalisation de la première partie du modèle dépend de la seconde, très difficile à obtenir tant elle remet en cause de préjugés profondément ancrés dans les esprits. « Deux pourvoyeurs de soins » ne signifie évidemment pas que la totalité des soins aux jeunes enfants sera pris en charge par les parents, mais qu’une partie significative leur sera réservée. Faire en sorte que les deux parents puissent disposer de temps pour s’occuper eux-mêmes de leurs enfants, c’est reconnaître l’importance de cette activité, comme semble le souhaiter une grande partie de la société. En France, la famille est ainsi considérée par une majorité absolue de personnes (86 %) comme « ce qui les définit le mieux », « ce qui dit le mieux qui ils sont » [Houseaux, 2005] et une forte majorité de personnes continue à indiquer qu’elle souhaiterait consacrer plus de temps à sa famille [ISSP, 1997] et [ISSP, 2005]. C’est aussi pouvoir se doter des moyens de recomposer le temps de travail en fonction des impératifs de la vie familiale. « Deux pourvoyeurs de soins », cela signifie aussi qu’une partie très importante des tâches de soins est exercée par d’autres personnes que les parents et d’autres institutions à la qualité desquelles on doit également accorder une très grande importance. Les questions majeures qui se posent aujourd’hui, en termes de politiques publiques, sont donc celles de l’articulation entre ces différentes formes de soins, d’une part, et entre les deux activités fondamentales pour les êtres humains que sont le travail, d’une part, et les tâches de soins, d’autre part. Cela suppose non seulement un nouvel investissement public en faveur des modes d’accueil des jeunes enfants (avec un service public de la petite enfance) mais aussi le développement de nouvelles formes d’aménagement du temps de travail pour tous les jeunes parents, tirant les leçons des différentes expériences qui ont eu lieu dans différents pays.

Annexe 1

Les typologies des arrangements entre femmes et hommes du point de vue de l’emploi et des tâches de soins

33De nombreuses typologies des arrangements actuellement à l’œuvre entre les sexes en matière de répartition du temps de travail et de temps consacré aux tâches parentales et domestiques ont été développées ces vingt dernières années. Elles visent à classer les modalités de participation des hommes et des femmes sur le marché du travail (principalement mesurées par le temps de travail et le salaire de chacun des membres du couple) et la façon dont les tâches domestiques et familiales sont prises en charge par la famille, le marché et l’État. Ces différentes configurations, qui constituent autant de voies de sortie différentes du male breadwinner model, ont parfois une vocation purement heuristique. Elles peuvent aussi être couplées aux typologies de régimes d’État-providence, notamment à celle d’Esping-Andersen (1990) et utilisées pour regrouper les pays considérés selon leur plus ou moins grand éloignement du modèle male breadwinner.

34Nancy Fraser, Jane Jenson et Rosemary Crompton ont, chacune, proposé des typologies permettant de penser la sortie du modèle male breadwinner.

35Dans After The Family Wage: Gender Equity and the Welfare State, Nancy Fraser rappelle que ce modèle n’est plus tenable, ni empiriquement, ni normativement. Elle passe en revue les prétentions de deux autres modèles, – the universal breadwinner model (le modèle du breadwinner universel) et le caregiver parity model, que l’on pourrait appeler le modèle de l’égale dignité du pourvoyeur de soins et du pourvoyeur de revenus – à succéder au défunt, notamment en analysant leur capacité à remplir les cinq critères d’une véritable égalité de genre. Aucun des deux n’y parvient : le premier pousse les femmes à devenir comme des hommes et à ne plus se définir que par l’emploi, en mettant sous le boisseau tout ce qui relève des tâches de soins ; le second reconduit les hiérarchisations à l’œuvre dans le modèle classique du male breadwinner. Certes, les tâches de soins doivent être d’une égale dignité, mais si seules les femmes continuent de les prendre en charge, plusieurs des critères nécessaires à la réalisation de l’égalité de genre ne seront pas remplis. De plus, aucun des deux modèles n’incite au développement d’une pleine participation à la sphère civile et politique, de manière égale aux hommes. Et aucun des deux n’incite les hommes à changer : aucun des deux ne produit une pleine égalité de genre. Celui qui produira cette pleine égalité (Fraser ne lui donne pas de nom) est celui qui permettra aux hommes de devenir un peu plus comme les femmes en assumant plus de tâches de soins, et en permettant aux hommes et aux femmes de combiner travail et tâches de soins.

36Jane Jenson (1997) développe un questionnement permettant d’affiner les typologies en précisant les différentes modalités de prise en charge des tâches de soins. Elle propose en effet de raisonner en termes de caring regimes distingués selon les réponses à trois questions : qui prend soin ? (la collectivité ou la famille ?) ; qui paye ? (la famille, l’État ou l’employeur) ; de quelle manière et où le care est-il rendu ? (par le service public, le marché, une association), permet d’affiner les typologies.

37Crompton (1999) propose une typologie construite de manière théorique à partir de l’érosion et de la sortie du modèle classique, en précisant les quantités de travail des pourvoyeurs de revenus (sont-ils à plein temps ou à temps partiel ?) et les modalités de prise en charge des tâches de soins (par la famille, le marché ou l’État) : « le modèle male breadwinner/female carer est pris comme base (ou idéal type) à partir duquel on peut explorer une série d’alternatives possibles de combinaisons de travail payé et de tâches de soins. Le but de l’exercice n’est pas de produire une matrice ou une taxinomie statique dans laquelle chaque pays devrait être précisément localisé. Le but est plutôt de proposer un cadre conceptuel flexible à travers lequel les changements peuvent être conceptualisés. (…) La figure présente les arrangements de genre le long d’un continuum montrant la possibilité de transformation des relations de genre classiques [4]».

38La figure est la suivante et s’intitule : Beyond the breadwinner model

tableau im3
GENDER RELATIONS traditional less traditional 1 2 3 4 5 Male breadwinner /female carer Dual earner/female part-time carer Dual earner/state carer Dual earner/marketized carer Dual earner/dual carer (modèle dit à un apporteur de revenus masculin / un pourvoyeur de soins féminin) (modèle à deux apporteurs de revenus / un pourvoyeur de soins féminin travaillant à mi-temps) (modèle à deux apporteurs de revenus / tâches de soins prises en charge par l’État) (modèle à deux apporteurs de revenus / tâches de soins prises en charge par le marché (Modèle à deux apporteurs de revenus / deux pourvoyeurs de soins) GENDER DIVISION OF LABOUR

39Commentant cette typologie, Crompton indique que, même s’il ne s’agit donc en aucune manière de faire rentrer tous les pays dans une case, certains pays illustrent plus particulièrement certaines des configurations considérées. Ainsi, le modèle 2 a émergé plus fortement dans certains pays, particulièrement en Grande-Bretagne, indique Crompton. Les anciens pays socialistes avaient mis en œuvre le modèle 3, alors que les pays scandinaves ont développé des versions de ce modèle 3 mais aussi le 5. Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont aussi mis en œuvre le modèle 4.

40Jane Lewis et Hantrais et Letablier puis Fouquet, Gauvin, Letablier ont proposé des typologies visant à classer les pays européens.

41En 1992, Jane Lewis s’intéresse également aux configurations issues des transformations du modèle male breadwinner en prenant en considération les contextes nationaux. Elle propose une typologie distinguant :

  • les États dans lesquels le modèle du male breadwinner a été développé très fortement et loin dans le XXe siècle en raison de la prégnance de la théorie des rôles qui rendait l’accès des femmes mariées à l’emploi très difficile (défini comme strong male breadwinner model représenté par l’Irlande et la Grande-Bretagne) ;
  • les États dans lesquels les femmes ont pu relativement tôt se présenter sur le marché du travail et s’y installer à temps plein (le modified male breadwinner model représenté par la France) ;
  • les États où les années 1970 ont vu le développement d’un weak male breadwinner (représenté par la Suède) grâce à la mise en place d’un programme politique volontariste à cette époque.
En 1996, Hantrais et Letablier proposent une cartographie des différentes configurations d’ajustement entre vie familiale et vie professionnelle. « Ces configurations sont construites en tenant compte de trois dimensions : les comportements d’activité des femmes (l’axe travail), les justifications de l’intervention publique dans la conciliation (l’axe politique) et les représentations de la famille et des obligations familiales (l’axe famille). Dans un premier groupe de pays, l’emploi et la famille sont intégrés et juxtaposés au sein d’un régime de cumul favorisé par l’intervention publique qui agit, soit au nom de l’égalité entre hommes et femmes, soit pour garantir le bien-être des familles, soit encore pour aider les femmes en tant que mères et travailleuses. Dans un deuxième groupe, l’emploi et la famille se succèdent et s’ordonnent selon des séquences : l’aide de l’État va au maintien de la cellule familiale en tant qu’institution sociale fondamentale plutôt qu’à la défense des droits individuels de ses membres. Un troisième ensemble est formé par les pays dans lesquels l’État intervient peu et où l’activité des femmes s’ordonne en séquence faires d’allers et de retours sur le marché du travail. Dans ce cas, l’absence ou la faiblesse de l’aide de l’État sont relayées par les entreprises, par le recours aux services marchands et/ou aux solidarités familiales ».

42La cartographie se présente dés lors ainsi :

  • modèle de la juxtaposition de la famille et de l’emploi avec l’aide publique :
    • intervention active des gouvernements pour aider la conciliation : Danemark, Suède, Finlande ;
    • aides de l’État aux familles permettant aussi des taux d’emploi féminins élevés mais moins continus : France, Belgique
  • modèle de la régulation séquentielle de la relation famille-emploi avec aide publique : cet ensemble comprend cinq pays de l’Union européenne : l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas ;
  • modèle non interventionniste : le Royaume-Uni, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, la Grèce.

Notes

  • [1]
    Dans ce texte, je reprends certaines expressions de langue anglaise sans les traduire parce qu’elles sont passées dans le langage français courant (male breadwinner = apporteur de revenu masculin, souvent traduit par Monsieur gagne-pain, avec les précisions sur le degré de pureté du modèle (strong, modified, weak breadwinner), issues de la typologie de Lewis, que j’explicite dans l’annexe ; female carer = la pourvoyeuse de soins de genre féminin). S’agissant du terme de care (soin, souci de…) et des expressions dual earners et dual carers, j’ai choisi d’utiliser parfois les termes de langue anglaise et parfois de les traduire, comme le propose le titre, par les expressions assez lourdes en français : « deux apporteurs de revenu », « deux dispensateurs » ou « pourvoyeurs de soins ».
  • [2]
    « La clé pour achever l’égalité de genre est que les formes de vie des femmes deviennent la norme. Les femmes, aujourd’hui, combinent souvent le fait d’apporter un revenu et de prendre soin, avec de grandes difficultés et tensions. Un État-providence moderne devrait permettre que les hommes fassent de même, en reformatant les institutions de manière à éliminer les difficultés et tensions », écrivait Nancy Fraser en 1994 [Fraser, 1994, op.cit., p. 611, traduction D. Méda]. J’ai moi-même parlé de « déspécialisation des rôles » : « Accepter le travail des femmes, mais, en même temps, continuer d’accorder de la valeur aux soins aux enfants et aux activités parentales et reconnaître le temps passé aux tâches domestiques aurait d’abord supposé de redistribuer l’ensemble de ces tâches entre les deux sexes, de manière à permettre aux hommes et aux femmes des investissements équivalents dans le travail et dans les autres activités » [Méda, 2001, p. 58].
  • [3]
    Pour un développement de ce point, nous renvoyons le lecteur à [Méda D., Périvier H., 2007].
  • [4]
    Traduction de D. Méda.
Français

Résumé

Dans tous les pays occidentaux, les taux d’activité et d’emploi féminins ont augmenté, de même que les niveaux d’éducation des femmes. Pourtant, le temps de travail des hommes reste partout supérieur à celui des femmes, de même que leur contribution aux revenus du ménage alors que les tâches familiales et domestiques restent en revanche l’apanage des femmes. Même si le modèle strict du male breadwinner semble en voie de disparition, ainsi que la figure de la femme au foyer, plusieurs modèles de répartition des revenus et des tâches parentales coexistent dans les pays occidentaux. Mais dans aucun l’égalité réelle des contributions masculines et féminines aux responsabilités professionnelles et parentales n’est de mise. Surtout, les représentations semblent très figées : si les opinions publiques des pays occidentaux semblent accepter sans problème qu’hommes et femmes contribuent aux revenus du ménage, les réticences sont fortes à accepter un modèle à deux pourvoyeurs de soins, notamment en raison des forts préjugés qui concernent le rôle des mères vis-à-vis du jeune enfant. Un tel modèle, où pères et mères prendraient également en charge les tâches professionnelles et domestico-parentales est pourtant le seul qui pourrait garantir une véritable égalité de genre en évitant les pièges de l’emploi à tout prix. Sa mise en œuvre suppose de renouveler profondément les politiques familiales, du temps de travail et des services, et de tirer les enseignements des limites rencontrées par les politiques publiques et d’entreprises dans certains pays de l’OCDE.

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Dominique Méda
Centre d’études de l’emploi
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Mis en ligne sur Cairn.info le 09/10/2008
https://doi.org/10.3917/rfse.002.0119
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