Depuis l’aube de l’humanité jusqu’à la première échographie obstétricale réalisée par l’écossais Ian Donald en 1958, l’embryon (jusqu’à 10 semaines d’aménorrhée) puis le fœtus échappaient totalement au regard.
Jusque-là, en occident judéo-chrétien, le fœtus était resté blotti dans l’intimité de l’utérus maternel à l’abri d’une invisibilité sacrée où le chantier de l’infusion divine de l’âme interdisait toute profanation exploratoire. La condition fœtale même était consubstantielle de son invisibilité. « Voir » le fœtus était synonyme de mort dans une version ultime d’un mauvais œil meurtrier, cette fois, non métaphorique. De fait, quand le fœtus était autrefois véritablement exposé au regard, cela signifiait que le drame d’une séparation prématurée avec la matrice était survenu : fausse couche, avortement, accident ou agression maternels redoutables. Avec le fœtus exilé de son enveloppe utérine, la réalité matérielle de sa mort et la réalité psychique du potentiel destructeur de la violence du voir inconscient (Bonnet, 1996) ne faisaient qu’un.
Avec un contraste et une vivacité inversement proportionnels, la vision et le toucher de l’enceinte du corps maternel dynamisaient alors la riche partition projective à l’égard du fœtus, selon les coutumes, les religions et les cultures. Quant à la mère, à l’instar de la Madonna del Parto de Piero della Francesca (1460), elle était seule détentrice de l’intimité de la proprioception de l’enfant à naître « en son sein », chaste métaphore défensive de la fusion première d’un « corps pour deux » (McDougall, 1986) usitée par qui tente de se tenir à l’écart de l’aura incestueuse du fantasme originaire de retour dans le ventre maternel…