CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Les arts et les artistes, dans leur diversité, réveillent en nous, parce qu’ils la laissent traverser et résonner en eux, la liberté de gestes qui ouvrent et pas simplement de gestes qui prennent et se servent. Avec eux, et en même temps qu’eux, toutes les gestes créatifs, y compris ceux mobilisés dans les milieux professionnels par les artisans et les métiers, attestent que les tactiques ne sont pas sans le tact. Ils se souviennent que la vieille étymologie ars liait artiste et artisan. Elle soutenait la présence d’une activité poïétique dans les arts et les métiers. Elle reconnaissait l’existence d’une forme de présence sensible et attentionnée engagée dans « l’art et la manière ». Cela, du moins, avant que le dualisme du sensible et de l’intelligible, de la nature et de la culture, de l’intérêt et du « désintéressement » ne séparent, dans une dichotomie délétère, artiste et artisan, arts libres et arts appliqués. Cette dichotomie a conduit, progressivement, ces derniers à la mise en œuvre de procédures iso­­normées, à l’application de procédures labellisées évacuant progressivement les procédés et les habiletés au profit des « procès », entraînant une érosion des affects et une forme d’anesthésie de notre relation sensible au monde. Elle cautionne la disparition des métiers et des arts de faire au profit des activités mais au risque d’engendrer des activités insensées, source d’épuisement professionnel.
Face à cela n’y-a-t-il pas urgence ? Celle de retrouver les « arts et métiers » comme le déploiement d’un art des égards exigible par notre moment du soin attentif aux humains et à la nature …

Français

Les gestes créatifs, ceux des artistes et ceux mobilisés dans les milieux professionnels, réveillent en nous, parce qu’ils les laissent traverser et résonner en eux, la liberté de gestes qui ouvrent et pas simplement des gestes qui prennent et se servent. Ils activent et renouvellent la compréhension du sens de notre présence au monde, de ce que signifie non seulement être là sur la Terre mais y être pour l’habiter. Si la crise écologique est une crise de la présence du vivant humain parmi les vivants, le sentir esthétique activé dans le touché ne peut-il pas être un soin apporté à cette qualité de présence, nouant des histoires et une existence qui prend sol ? On fait l’hypothèse ici que c’est en mobilisant des expériences sensibles et poétiques, l’onirisme des travailleurs et de la main au travail, que l’on pourra soutenir une écologie non seulement de réparation, mais de fondation. Cette dernière renouvellerait la relation entretenue avec soi, les autres et la nature et serait une ressource pour penser une esthétique et une éthique du tact.

Mots-clés

  • Éthique
  • tact
  • toucher
  • Bachelard
Jean-Philippe Pierron
Professeur des universités en philosophie de la vie, de la médecine et du soin, Université de Bourgogne-Franche-Comté.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 13/01/2022
https://doi.org/10.3917/rfeap.011.0093
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