1 Par le conseil des ministres du 20 juin 2007, un mois après la victoire de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle, est lancé un vaste dispositif de réforme de l’État, étiqueté « révision générale des politiques publiques » (RGPP) [1]. La démarche revendique une inspiration tirée d’expériences étrangères antérieures, menées au Canada (Canadian Program Review menée durant les années 1995-1996) à laquelle il est fait explicitement référence dans les premiers documents officiels [2] ou en Grande-Bretagne (Comprehensive Spending Reviews depuis 2002). Son principe affiché est de faire examiner les objectifs, les dépenses, les résultats et les modus operandi des grandes politiques publiques ministérielles par des équipes d’audit. Le questionnement est large et susceptible de remettre en cause les institutions héritées les plus robustes. Une focalisation sur les enjeux budgétaires et le souci de redimensionner l’État en recourant, chaque fois que nécessaire, à l’externalisation et au secteur privé sont exprimés : « Que faisons-nous ? Quels sont les besoins et les attentes collectives ? Faut-il continuer à faire de la sorte ? Qui doit le faire ? Qui doit payer ? Comment faire mieux et moins cher ? Quel scénario de transformation ? » [3]. Quatorze équipes d’audit travaillent ainsi sur « l’appareil productif » c’est-à-dire les ministères ; six sur les politiques interministérielles d’intervention (logement, emploi, développement des entreprises, politique familiale, assurance maladie, solidarité et lutte contre la pauvreté) et quatre groupes transversaux analysent les relations entre l’État et les collectivités locales, l’administration déconcentrée, la simplification administrative et la gestion des ressources humaines. Les travaux sont pilotés par un comité de suivi placé sous l’autorité conjointe du secrétaire général de la Présidence de la République et du directeur de cabinet du Premier ministre. Les décisions de réorganisation sont prises par un Conseil de la modernisation des politiques publiques présidé par le Président de la République lui-même, Nicolas Sarkozy, et dont le rapporteur général est le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, Éric Woerth. Le calendrier initialement fixé est particulièrement court aussi bien pour le temps laissé aux audits que pour les annonces publiques de décision. Aux trois phases d’audit ont correspondu trois réunions du Conseil de la modernisation des politiques publiques, les 12 décembre 2007, 4 avril et 11 juin 2008. La dimension « réformatrice » de l’entreprise est mise en avant : 332 décisions de réorganisation sont annoncées [4], destinées à être engagées sur la période 2009-2011 et inscrites dans la loi de programmation pluri-annuelle des finances publiques proposant de dessiner les fondations d’un « Service public 2012 ». En juin 2010, le nouveau ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, François Baroin, annonce l’adoption d’une nouvelle série de 150 mesures pour la période 2011-2013.
2 Comme telle, la RGPP constitue à l’évidence une nouvelle politique de réforme de l’État, organisée autour d’un acronyme qui fait suite à d’autres labels institutionnalisés comme la RCB (la rationalisation des choix budgétaires lancée en janvier 1968), le RSP (la renouveau du service public de février 1989) ou la LOLF (la loi organique relative aux lois de finances votée le 1er août 2001). Plus largement, la RGPP marque une nouvelle phase de cristallisation de ces programmes publics spécifiques et répétés, qui revendiquent de prendre en charge les problèmes d’organisation, de fonctionnement, de coût et de financement des systèmes administratifs. Comment appréhender la « spécificité » et la « nouveauté » de ce moment réformateur ? Les sociologues, par exemple James G. March, Johan P. Olsen ou Nils Brunsson, ont bien souligné la survalorisation, dans les rhétoriques réorganisatrices de l’État, du caractère inédit, radical et rationnel des réformes [5]. En plus d’être, de manière variable, une politique transformatrice, la réforme administrative est aussi une activité sociale qui mobilise des actes de langage et des idées (reform talk) et fonctionne sur le mode de la promesse : elle propose une présentation simplifiée et idéalisée du futur (un bénéfice à venir) pour agir sur les préférences et façonner l’opinion publique (opinion-building) en créant du sens et en diffusant des significations par le biais de rhétoriques et de symboles. La RGPP n’échappe évidemment pas à ce trait [6] : « cette révision a pour ambition de remettre à plat l’ensemble des missions de l’État, sans tabou ni a priori, pour adapter les administrations aux besoins des citoyens » [7]. Cette « revendication de nouveauté » et les figures de la tabula rasa qu’elle véhicule doivent être interrogées, l’organisation du système administratif étant régulièrement l’objet de débats intellectuels, de mobilisations, de programmes de réforme et de luttes institutionnelles [8]. Certains auteurs considèrent d’ailleurs que les réformes administratives empruntent un nombre limité de registres ou de grammaires réformatrices [9].
3 Pour éviter le double écueil de réifier les contenus et les significations ou d’exagérer la spécificité des moments réformateurs, cet article propose un essai de « morphologie » du moment réformateur RGPP dans une perspective historique [10]. Par morphologie [11], on entend les grandes composantes et interactions structurantes qui « font » le dispositif de réforme RGPP, qui le distinguent ou le rapprochent d’autres gestes réformateurs. Pour abstraire, de manière inductive, la « forme sociale » que constitue la RGPP, on mettra particulièrement l’accent sur les acteurs qui interagissent et lui donnent consistance, sur les types de relations qu’ils entretiennent et sur les enjeux et les rationalités à l’œuvre dans cette action réformatrice. Quatre dimensions seront particulièrement discutées pour mettre la RGPP en perspective comparative et la replacer dans la trajectoire longue des dynamiques de réforme de l’administration française depuis les années 1960 : (1) la dimension administrative, c’est-à-dire les engagements des acteurs ministériels transversaux qui disposent, seuls, des ressources et de la légitimité pour intervenir sur l’administration et imposer leurs conceptions de ce que son organisation devrait être ; (2) l’expertise constitutive qui alimente les préconisations de réforme et reflète les rationalités de ceux, professionnels du conseil, qui promeuvent des recettes et des modèles de changement ; (3) la dimension politique correspondant aux modalités d’engagement des exécutifs ; (4) les dispositif et répertoire de réforme, c’est-à-dire les modus operandi de l’agir réformateur (incitations, coercition, processus et procédure, calendrier, etc.) et les orientations et modes de penser au cœur de la réforme (théories implicites, diagnostics, objectifs, valeurs, solutions préconisées) [12].
LA RGPP COMME DÉPLACEMENT DES ÉQUILIBRES INSTITUTIONNELS : L’APPROPRIATION DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT PAR LE MINISTÈRE DES FINANCES
4 Les politiques de réforme de l’État en France peuvent d’abord, historiquement, être analysées à l’aune des luttes de pouvoir que s’y livrent trois ou quatre ministères centralistes et leurs directions pour le monopole et le contrôle de la « direction de l’État » et, de manière liée, pour l’imposition de leurs conceptions respectives des réformes à mener et des réorganisations ou règles à faire prévaloir. Il s’agit du ministère des finances et de ses services (particulièrement la direction du budget), du ministère de la fonction publique (la direction générale de l’administration et de la fonction publique), du ministère de l’intérieur (la direction générale des collectivités locales, la direction générale de l’administration puis, créée en 2004, la direction de la modernisation et de l’action territoriale) et des ministères ad hoc en charge de la réforme de l’État, parfois autonomes, parfois portefeuille d’un des trois précédent (notamment la Fonction publique, historiquement, ou, plus récemment, le Budget). Ces acteurs collectifs sont les seuls à disposer d’assez de ressources et de légitimité pour revendiquer de fixer des règles transversales à tous les ministères et donc pour énoncer puis imposer un plan de réforme du système administratif [13].
La concurrence entre ministères transversaux pour l’imposition de nouvelles règles de réorganisation de l’État
5 De ce point de vue, deux éléments structurant ont caractérisé le développement des politiques de réforme de l’administration sur la période récente que la configuration liée à la RGPP remet en cause. Historiquement, le ministère de la fonction publique et sa direction, la DGAFP, ont eu la charge de la réforme de l’administration dans les années 1980, plus particulièrement et officiellement depuis 1989 dans le cadre du « Renouveau du service public » [14]. La DGAFP est alors le coordinateur de l’ensemble de la politique et c’est sous sa responsabilité que se déroulent les séminaires gouvernementaux consacrés à la modernisation puis les Comités interministériels à la réforme de l’État (CIRE) à partir de 1995. La DGAFP constitue le relais privilégié des initiatives prises en matière de réformes administratives. Cette position de médiation a constitué un atout considérable. Elle a conféré au ministère une légitimité de proposition et d’appropriation que la faiblesse de ses ressources initiales dans la hiérarchie des ministères ne lui a jamais permis d’acquérir auparavant. Ce lien initial entre fonction publique et réforme de l’administration, alors appelée « renouveau » ou « modernisation », est essentiel. Il explique que l’accent soit mis sur l’idéal d’auto-régulation des services, sur la valeur des apprentissages, des innovations locales et de la formation et sur la recherche du soutien des fonctionnaires. Pour autant, il favorise aussi le développement, dans l’État, de techniques managériales (centres de responsabilité, contrôle de gestion) dans un cadre où la dimension participative et négociée des réformes est essentielle, proposant ainsi des expérimentations localisées et sur une base volontaire de techniques appartenant au kit du New Public Management tout en maintenant et défendant la légitimité du statut de la fonction publique.
6 Au cours des années 1990, cette dimension administrative et institutionnelle de la configuration de réforme évolue et se caractérise par un second trait tout aussi constitutif de la trajectoire française : la cristallisation d’une concurrence explicite entre les trois ministères centralistes (intérieur, fonction publique et budget), chacun défendant de nouveaux principes et des recettes de réforme spécifiques, mais contradictoires entre eux. Dans les années 1990, l’aggravation des problèmes budgétaires (fort creusement des déficits publics de 1991 à 1995), la systématisation d’une contrainte européenne et l’accentuation des enjeux territoriaux liés aux effets de la décentralisation entraînent en effet la formulation partagée de diagnostics sur la « crise de l’État administratif ». En réaction aux différentes facettes de la crise diagnostiquée, le ministère des finances (et notamment la direction du budget), le ministère de l’intérieur et le ministère de la fonction publique (et sa direction générale de l’administration et de la fonction publique) — réorientent leurs stratégies et développent des activités d’expertises inédites en matière de réforme de l’administration afin de préserver et, surtout, de recomposer leur pouvoir d’administration transversale dans un environnement où leurs puissances respectives ont été remises en cause. Chacun cherche à revendiquer, mobiliser et imposer sa définition et sa structuration d’une politique de réforme de l’État. Ainsi, avec la loi du 6 février 1992 sur l’administration territoriale de la République, dite loi ATR, et son décret d’application portant charte de la déconcentration, le ministère de l’intérieur s’engage dans un premier projet de réorganisation des administrations territoriales, notamment autour du préfet dont les moyens de coordination, via le collège des chefs de services, sont renforcés. À la même période, la direction du budget développe graduellement une stratégie propre sur plusieurs sujets essentiels qui font l’objet d’expérimentations susceptibles d’être pérennisées et font rupture avec les instruments rustiques de la politique de rigueur menée dans les années 1980. La technique de l’« enveloppe globale », les formats budgétaires (les agrégats créés en 1996), des formes de contractualisation entre la direction du budget et les services des ministères (centres de responsabilité puis contrats de service), la transformation du contrôle financier déconcentré, les documents budgétaires (1997) et la première réforme de la procédure budgétaire par la circulaire du Premier ministre du 25 janvier 1996 sont autant d’instruments néo-managériaux expérimentés. Simultanément, enfin, le rôle joué par le ministère de la fonction publique s’affirme dans les années 1990 tandis que la direction générale de l’administration et de la fonction publique investit particulièrement trois thèmes de réforme : le développement de la politique des ressources humaines et de l’emploi public, les techniques administratives (techniques de gestion et nouvelles technologies) et la politique des droits des usagers. Cette forte concurrence entre trois ministères alimente un mécanisme de montée en généralité et explique le passage à la « réforme de l’État ». Inversement, cette compétition limite aussi l’ampleur des réformes parce qu’elle entraîne la négociation de compromis entre les positions respectives. Au plus fort de la crise budgétaire des années 1990, la direction du budget ne se trouve pas, ainsi, en position de monopole pour imposer ses vues réformatrices mais se heurte, au contraire, aux poids considérables du ministère de l’intérieur (privilégiant une réflexion territoriale, d’ailleurs largement préfectorale) et du ministère de la fonction publique (gardien des règles de la fonction publique et interlocuteur attitré des organisations syndicales). Leurs ressources et leur pouvoir respectif (la force d’un ministère historiquement fort et ancien et la force d’un ministère « faible ») ont affecté sensiblement la manière dont a pu être formulée la réforme administrative.
La progressive monopolisation de la réforme de l’État par le ministère du budget
7 Parce qu’elle transforme profondément les règles d’allocation et de gestion des ressources budgétaires et les modalités de contrôle de l’action administrative, la LOLF va produire un impact considérable et modifier l’équilibre concurrentiel qui prévalait, dans les années 1990, entre les trois ministères réformateurs. De fait, si la genèse de la réforme budgétaire témoigne de l’implication du Parlement dans le processus et du pouvoir potentiellement renforcé qu’il a conquis, la réforme induite de la gestion publique place, au contraire, le ministère des finances au cœur de la réforme de l’État et lui confère un pouvoir considérable. La création, en mars 2003, de la direction de la Réforme budgétaire au sein du ministère de l’économie et des finances (MINEFI), illustre cette montée en puissance en confiant exclusivement à une équipe spécialisée du ministère la mise en œuvre de la LOLF. Cette « administration de mission », à durée de vie limitée, regroupe les fonctionnaires en charge de la réforme à la direction du budget et à la direction générale de la comptabilité publique. Ses moyens sont originaux et importants. Elle s’appuie sur des hauts fonctionnaires de haut niveau recrutés au MINEFI mais également dans les directions financières de certains ministères, a recours aux expertises de l’inspection générale des finances et fait largement appel à des cabinets de consultants pour la méthodologie et la gestion d’ensemble du projet comme pour la modernisation des procédures budgétaires et comptables de la dépense et de la recette [15]. Sa capacité à élaborer, communiquer et diffuser les principes et instruments de la LOLF est considérable et elle bénéficie du soutien d’organismes spécifiques créés ad hoc au sein du MINEFI : le comité de pilotage interministériel de la LOLF qui rassemble les principaux directeurs de Bercy (DRB, direction du budget et direction générale de la comptabilité publique) et les directeurs financiers des ministères dits « dépensiers » ou le comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) composé de quatorze inspecteurs généraux qui contrôle la qualité des programmes et des indicateurs proposés par les ministères au ministère des finances.
8 Ces multiples renforcements institutionnels rompent l’équilibre de la concurrence qui existait, dans les années 1990, entre les trois ministères centralistes. En juin 2005, dans le nouveau gouvernement Villepin, le portefeuille de la « réforme de l’État » est significativement attribué au ministre en charge du budget, Jean-François Copé, signe éminent de la suprématie désormais acquise par le ministère des finances. Ce rattachement constitue une rupture historique avec l’attribution traditionnelle de la réforme administrative au ministère de la fonction publique qu’avait, en quelque sorte, renforcé et institutionnalisé le Renouveau du service public en 1989. En juillet 2005, la création de la direction générale de la modernisation de l’État (DGME), qui dépend du ministère en charge du budget, achève de déposséder les autres organismes auparavant en charge de la réforme de l’État. La réforme de l’État est désormais une politique contrôlée par Bercy. Dans ce cadre, le ministre du budget et de la réforme de l’État lance une vague d’« audits de modernisation », mis en place par la circulaire du Premier ministre du 29 septembre 2005, sous contrôle de la DGME pour « utiliser plus efficacement l’argent public ». Les données officielles indiquent que 167 audits ont été menés, 127 étant explicitement référencés sur les sites du ministère.
9 Le nouveau contexte politique de 2007 renforce encore la tendance à une monopolisation de la politique de réforme de l’État par le ministère des finances et donne plus d’influence aux recettes valorisant les économies d’échelle et la réduction des dépenses de l’État. Dans le cadre du gouvernement de François Fillon, la création d’un grand ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique amplifie l’orientation prise en juillet 2005 qui voyait la réforme de l’État rattachée au ministère du budget. L’inclusion du portefeuille de la fonction publique dans le ministère du budget constitue un glissement historique, qui rompt avec la mise en place d’un ministère autonome de la fonction publique en 1946, création que la direction du budget avait alors vivement critiquée [16]. De manière inédite, la DGAFP se trouve désormais rattachée à un ministère des finances aux compétences élargies et confié à Éric Woerth, diplômé d’HEC, engagé en politique depuis les années 1980, maire de Chantilly depuis 1995 et ancien directeur (non associé) de la firme d’audit Arthur Andersen en charge des collectivités locales et des administrations publiques. Les sujets de fonction publique se trouvent dès lors directement articulés à une réflexion centrée sur les enjeux budgétaires, ce dont témoigne la primauté accordée à l’objectif de non renouvellement d’un fonctionnaire partant en retraite sur deux. Les objectifs d’économies budgétaires par la réforme de l’État et de réduction des effectifs de la fonction publique d’État sont repris à leur compte dans le cadre de la campagne présidentielle. Plusieurs experts auprès du candidat Sarkozy sont des anciens de la direction du budget. En 2007, la formulation des diagnostics et des solutions articule, de manière inédite réforme de l’État, préoccupations budgétaires et réformes structurelles. Dans cette mise en perspective, avec la victoire du candidat Sarkozy, la RGPP apparaît comme le prolongement et la systématisation des vagues d’« audits de modernisation » mis en place à partir d’octobre 2005. Sur le plan institutionnel, le lancement d’un processus de révision des politiques publiques, inspiré de l’exemple canadien, très étudié, reçoit le soutien des deux directions parties prenantes, la direction du budget et la direction générale de la modernisation de l’État, devenant les co-pilotes de la réforme de l’État. Cette co-prise en charge ne revient pas à dire que les positions et intérêts des deux directions convergent. D’un côté, les membres impliqués de la direction du budget pèsent dans le lancement de la RGPP dans l’idée de réduire les dépenses publiques. De l’autre, la DGME devient l’opérateur en charge du suivi des mesures et des processus de changement et de réorganisations. Assurant l’interface avec les cabinets de consultants, elle devient aussi le porteur et le relais de recettes organisationnelles auxquelles n’adhère pas nécessairement la direction du budget. En dépit de cette rivalité institutionnelle, la RGPP marque bien, dès 2007, l’appropriation de la réforme de l’État par les Finances. La crise financière de 2008 ne fait que renforcer cette tendance, ce dont témoignent les réductions d’effectifs dans la fonction publique avec l’application de la règle du « un sur deux » pour le remplacement des départs en retraite. Les effectifs de l’État proprement dit sont ainsi marqués par la suppression de 23 000 équivalents temps plein (ETP) en 2008, par une réduction de 30 600 départs à la retraite non remplacés en 2009 et par 33 737 suppressions de postes en 2010 pour environ 68 000 départs à la retraite. Le taux de non remplacement est ainsi proche de 50 %, même s’il est diversement appliqué selon les ministères.
LA RGPP ET L’EXPERTISE : LA MONTÉE EN PUISSANCE DES CONSULTANTS ET L’EMPRISE DU MODÈLE DE LA RESTRUCTURATION PRODUCTIVISTE
10 La deuxième dimension permettant de mettre en perspective historique la RGPP renvoie aux formes d’expertise et aux logiques professionnelles qui l’alimentent. Les politiques de réforme de l’État évoluent en effet, dans leurs contenus, en fonction de la manière dont la question administrative est construite en « problème de gouvernement » sur la base stabilisée (mais changeante) d’un ensemble de diagnostics de crise de la bureaucratie et de solutions. Ces formulations du problème public administratif résultent de processus à travers lesquels des groupes d’experts de l’administration déploient des stratégies pour produire, faire reconnaître et diffuser des savoirs de réforme (diagnostics, objectifs, recommandations, valeurs, etc.) qu’ils cherchent à imposer pour établir un monopole (forcément temporaire) sur un segment spécifique des analyses de l’administration. Ces experts peuvent être des académiques (juristes, économistes, gestionnaires, sociologues), des professionnels actifs sur des marchés (des consultants) ou des hauts fonctionnaires « hors-machine » en position d’expertise. Tous s’inscrivent sur un marché des savoirs sur le changement administratif et cherchent à détenir et accentuer leur influence dans l’appareil administratif d’État.
Des réseaux d’expertise éclatés et périphériques à l’État : savoirs économiques, politiques puis gestionnaires des années 1960 aux années 1980
11 On peut faire, dans cette perspective, une histoire de la réforme de l’État à travers l’évolution des savoirs de réforme successivement endossés, souvent de nature différente (économique, gestionnaire, juridique, politique, etc.). Les réformes des années 1960, marquées par l’idéal d’un gouvernement rationnel incarné dans la politique de rationalisation des choix budgétaires (RCB), ont ainsi été dominées par des savoirs microéconomiques (calcul économique, analyses coûts-efficacité ou coûts-bénéfice) et gestionnaires (budgets de programme), mais aussi par les apports de la sociologie des organisations en développement (celle de Michel Crozier), favorisant la construction de l’administration en « objet d’enquête ». Les formulations réformatrices se focalisent, dans la séquence suivante (1971-1981), sur la lutte contre les externalités négatives de l’administration : lenteur, paperasserie, anonymat, faible prise en compte de l’administré, etc. Cette reformulation, reprise politiquement par les élites giscardiennes, est alimentée par la mobilisation croisée d’experts de nature différente, juristes, mouvement consommateur et « marketeurs publics » en plein essor. Elle définit un réformisme préconisant le renforcement des pouvoirs des élus locaux (via la décentralisation) et des administrés (via la constitution de droits nouveaux) au nom d’un contrôle démocratique de l’administration. L’administration est alors transformée en enjeu politique au cœur des luttes électorales et va le rester dans la configuration suivante, de 1981 à 1984, où la formulation du problème est largement structurée par les travaux des partis politiques de gauche d’avant 1981, socialistes décentralisateurs ou communistes défenseurs des règles historiques de la fonction publique. Au milieu des années quatre-vingt (1984-1991), l’administration deviendra l’enjeu d’autres formes d’interventions curatives proposées par de nouveaux cercles d’experts, défenseurs des sciences de l’organisation (privilégier la réalité des pratiques, la “relation” sur la hiérarchie, la responsabilité de l’individu, les régulations locales) et du management public (identifier les responsabilités, décentraliser les décisions, valoriser les demandes de l’usager, évaluer les politiques, etc.). Un champ professionnel hétérogène s’est constitué à travers des réseaux variés composés d’anciens agents impliqués dans la RCB qui défendent désormais l’évaluation des politiques publiques, de tenants du management public, de promoteurs des cercles de qualité (notamment des cabinets de consultants) et de sociologues de l’école Crozier. Ces réseaux d’expertise, propres aux années quatre-vingt, sont éclatés, périphériques à l’État et de taille relativement modeste. Grâce au relais de l’association Services publics qui réunit hauts fonctionnaires et experts [17], ils imposent une réflexion sur le management et le fonctionnement de l’administration, proposant d’améliorer son efficacité et sa capacité à atteindre ses objectifs par le biais d’une action sur les comportements de ceux qui y travaillent et sur les règles qui déterminent leurs pratiques.
Étatisation et d’intégration des savoirs néo-managériaux dans les années 1990
12 Dans les années quatre-vingt dix, par contraste, on assiste à une forme « d’étatisation » de la production de savoirs sur l’administration, peu à peu investis par des hauts fonctionnaires, souvent issus des grands corps. Cette « technocratisation » de l’expertise s’opère à travers la création d’une série de grandes commissions de réforme de l’État, pilotées et composées de hauts fonctionnaires des ministères transversaux et sectoriels, qui deviennent les lieux publics de fabrication d’un « sens commun réformateur ». Citons la Commission « Efficacité de l’État » du dixième Plan présidée par François de Closets (1988), la Commission de réflexion « État, administration et services publics de l’an 2000 » présidée par Christian Blanc (1992), dans le cadre des travaux préparatoires du onzième Plan, la « mission sur les responsabilités et l’organisation de l’État », confiée à Jean Picq (1993-1994) par le Premier ministre E. Balladur et, enfin, le « Commissariat à la Réforme de l’État » créé pour trois ans (1995-1998). Le mode de travail de la mission Picq est le plus caractéristique de l’implication de hauts fonctionnaires qui s’approprient ces thématiques et en deviennent les porteurs [18]. Le recours aux cabinets de conseil a été écarté par Jean Picq, mais l’argument qui le justifie est significatif : « Je ne voulais pas de cabinet d’audit. C’était une réflexion sur l’État, pas une réforme administrative. En revanche, je les ai associé deux ou trois fois comme consultants sur ma méthode et ma matrice. On voulait puiser dans les forces de l’État. On a choisi par cooptation ou par appel au corps » (entretien). L’expertise est alors dominée par les hauts fonctionnaires des grands corps. Cette situation est identique dans la composition du Commissariat à la réforme de l’État mais le recours aux cabinets de conseil y devient plus régulier. Ces commissions jouent un rôle important de traduction et de compromis : leurs rapports rendent compatibles les principes d’organisation du système administratif à la française avec les préceptes du New Public Management (NPM), largement présents dans les réformes étrangères et dans les milieux d’expertise transnationaux, qu’ils combinent sous le label de « l’État-stratège ». Les recommandations d’allègement de l’État central, de délégation, de contractualisation, de décentralisation et de contrôle de gestion cohabitent avec les propositions en faveur d’un renforcement des fonctions de direction, de pilotage, de coordination et de pilotage d’un État dont la centralité est célébrée (entité organisatrice par excellence, incarnation de l’unité de la communauté nationale, socle du bien commun, etc.). Le projet de plan triennal du CRE résume bien l’ambition : « Le moment est venu de constituer un corps de doctrine cohérent qui permette de concilier le souci de défendre la « conception française du service public » et l’ambition de l’adapter aux réalités du monde moderne et à la logique de la construction européenne » [19]. Pendant cette période, le groupe PUMA (Public Management) de l’OCDE constitue un réseau de diffusion et d’appropriation des thématiques néo-managériales.
L’irrésistible ascension des inspections et des cabinets de conseil
13 A l’aune de cette focale centrée sur l’expertise et les savoirs, la période d’élaboration et de mise en œuvre de la LOLF (1998-2006) se caractérise par l’opérationnalisation de certains des instruments New Public Management dont l’usage était défendu dans les rapports. Portée par une alliance à distance entre des groupes de parlementaires des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, d’un côté, et, de l’autre, des membres réformateurs de la direction du budget et de la direction générale de la comptabilité publique, la fabrication de la LOLF est spécifique et n’est qu’indirectement liée à la dynamique précédente. Sur le plan des expertises, elle est cependant marquée par l’importation tangible et systématique, de part et d’autre (Parlement et Budget), de techniques néo-managériales diffusées par l’OCDE, cette fois adoptées dans un cadre opérationnel : celui de la réforme de la procédure et des formats budgétaires et des processus de gestion des finances publiques. L’emprunt croissant aux pratiques étrangères est évident. En mars 2000, l’inspection générale des Finances remet une étude de benchmark sur les systèmes de gestion publique par la performance et les procédures budgétaires dans huit pays (Canada, Danemark, Grande-Bretagne, Pays-Bas, États-Unis,etc.) [20]. Les administrateurs civils du Sénat, qui négocient la réforme, mobilisent les fascicules OCDE. Au sein de la direction du budget, les expériences françaises antérieures ne sont pas négligées : la mise en place de démarches objectifs-moyens de contractualisation au ministère de l’équipement (depuis les années 1980) et au sein de la direction générale des impôts (à la fin des années 1990) sont précisément analysées. Avec la LOLF et la mise en place d’une direction de la réforme budgétaire, le rôle du ministère des finances dans l’importation et la traduction de nouvelles recettes inspirées du New Public Management ne cesse de s’accroître de 1998 à 2007. Dans cette dynamique, le rôle des grands cabinets de conseil et d’audit s’accentuent également sous l’effet de la concentration rapide que connaît le secteur dans la première moitié des années 1990 [21]. Comme le décrit bien Isabelle Berrebi-Hoffmann, cette concentration conduit à l’émergence de multinationales du conseil qui développent des filiales spécifiques « services publics » et des prestations évolutives, d’abord centrées sur l’informatique, puis sur les audits comptables et les réformes de la comptabilité publique et, enfin, sur des réorganisations/débureaucratisations [22]. Les données empiriques manquent sur ce sujet pour analyser précisément l’influence et l’implication croissante des cabinets de consultants dans l’administration française au début des années 2000. Toutefois, tout laisse penser que les échanges entre hauts fonctionnaires des instances spécialisés et entreprises de conseil se renforcent et favorisent la diffusion des standards de gestion publique. Les instances centrales de réforme de l’État (délégation interministérielle à la réforme de l’État, puis DGME) ont utilisé les entreprises de conseil dont le rôle s’est également amplifié dans le cadre de la LOLF. L’implication des cabinets à culture anglo-saxonne (Accenture, ex Andersen Consulting ; Price Waterhouse-Coopers ; Cap Gemini ; Bearing Point regroupant KPMG consulting et Arthur Andersen France) ou même des structures françaises (IDRH) est croissante.
La RGPP et la domination des cabinets de conseil en stratégie
14 Quelle évolution introduit la séquence de réforme RGPP ? Schématiquement décrite, la réorientation est double et intervient, selon nous, dès 2005 à 2007, en matière de sources et de contenus d’expertise. D’une part, le rattachement de la « réforme de l’État » au ministère du budget en juillet 2005, le lancement des audits de modernisation et la création de la DGME accentuent le changement de stratégie concernant les sources d’expertise des réformes. La nouvelle stratégie du ministre du budget et de la réforme de l’État est explicitée par deux orientations. La première est l’idée que les solutions de réforme doivent venir de l’extérieur et ne pas être laissées aux seuls exercices d’introspection internes à l’État (« nous allons chercher des idées de sujets à l’étranger, par exemple les achats au Royaume-Uni et en Italie, l’immobilier en l’Allemagne, la visioconférence à Singapour, les amendes à Hong-Kong, la paye en Italie, etc. [23]). La mise en place de la DGME et le lancement des audits de modernisation [24] mettent en place la formule qui sera systématisée et étendue dans la RGPP : la réalisation d’audits par des membres des inspections des administrations associés à des consultants, avec la volonté de « croiser les expertises » et de s’appuyer sur des acteurs extérieurs. La deuxième orientation concerne le contenu des audits. La commande n’est plus d’abord celle de réflexions d’ensemble sur les dysfonctionnements et la réorganisation de l’État débouchant sur des instruments ou des réformes à introduire. Elle devient une attention systématique accordée à la dépense sur le modèle explicite de la revue des programmes pratiquée au Canada en 1995 (« nous avons retenu des canadiens l’idée de regarder systématiquement les dépenses et de voir comment on peut les rendre plus performantes » [25]) et articule systématiquement des propositions de réformes de structures à la réduction des dépenses publiques ou l’accroissement des performances.
15 Ce double lien ne résulte pas seulement des réflexions induites par le repositionnement de la réforme de l’État au ministère du budget. Il est également au cœur des diagnostics posés dans plusieurs commissions analysant la situation financière française et prônant une réduction drastique des dépenses publiques en 2005-2006 [26]. La commission Camdessus [27], présidée par le gouverneur honoraire de la Banque de France et commandée en mai 2004 par le ministre d’État, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, Nicolas Sarkozy, comme la commission Pébereau [28], mise en place en juillet 2005, articulent un diagnostic sur « l’hypertrophie de l’État » et l’inefficacité financière de la sphère publique et préconisent d’importantes restructurations de l’État pour réduire les dépenses publiques et intégrer la contrainte budgétaire. Ces préconisations d’ensemble constituent une véritable feuille de route gouvernementale dont certaines sont reprises en 2007, ce d’autant plus que des rapporteurs de ces commissions se trouvent nommés à des postes éminents au sein du cabinet du Président à l’Élysée et du cabinet du ministre du budget, des comptes publics, de la réforme de l’État et de la fonction publique. Dans ces forums, la question administrative devient l’objet systématique d’une formulation liant enjeux budgétaires et restructurations, désormais défendue par de multiples groupes d’acteurs (lobbies patronaux, instituts d’orientation libérale comme l’Institut de l’entreprise, l’Institut français pour la recherche sur les administrations publiques ou l’Institut Montaigne).
16 Le dispositif de réforme de la RGPP s’inscrit dans cette perspective qu’il systématise en confiant aux cabinets de conseil, particulièrement aux consultants en stratégie, un rôle inédit dans le contexte français. Pour reprendre le cadre analytique de Denis Saint-Martin, les élites politiques et les groupes restreints de hauts fonctionnaires qui les entourent sont à la fois convaincus de la nécessité de réformes de restructuration et prêts à s’appuyer fortement sur des consultants [29]. Le tournant 2007 est significatif et les équipes de campagne reprennent à leur compte le principe d’un examen exhaustif des dépenses publiques. De manière inédite en France, les équipes constituées pour les audits RGPP (environ 200 personnes) associent officiellement les membres des inspections générales et des consultants externes dont l’expertise repose sur une légitimité différente de celle des hauts fonctionnaires. L’implication des inspections est un premier fait remarquable. Pour l’Inspection générale des finances, il a été calculé que la RGPP avait absorbé 34 % du temps des inspecteurs du service entre juillet et décembre 2007, douze inspecteurs généraux ayant été nommés chefs d’équipes sur un total de 21 missionnés par le Premier ministre, assistés de 35 inspecteurs des finances [30]. Par contraste avec les audits de modernisation, dont une grande partie est mise en ligne, les audits RGPP sont restés des documents confidentiels. Peu impliquée en amont dans le contenu des audits RGPP, les activités de la DGME prennent un tour nouveau dans la phase de mise en œuvre qui fait de l’organisation un véritable lieu d’interface entre administrations et cabinets de conseil. En novembre 2007, son premier directeur, Franck Mordacq, énarque, administrateur civil, ancien directeur de la première sous-direction de la direction du budget puis de la direction de la réforme budgétaire (DRB), est remplacé par François-Daniel Migeon, X-Ponts devenu associé chez McKinsey [31]. La composition de la DGME est révélatrice de la place nouvelle des consultants. En 2009, sur 143 personnes travaillant au sein de ces trois départements [32], environ 46 % sont des contractuels recrutés par le biais de contrats à durée déterminée (deux ou trois ans), très souvent issus de structures de conseil privées, les autres membres étant fonctionnaires. Les rôles assurés par la DGME correspondent à ses fonctions d’interface. D’un côté, la DGME assure les fonctions de « greffier » du processus RGPP en assurant le suivi des décisions des différents conseils de modernisation des politiques et, surtout, de leur état d’avancement (voir en ligne la mise en scène des réalisations sous la forme de feux de couleurs différentes). D’un autre côté, notamment par le biais de son service « Conseil » (présenté comme le « cabinet de conseil interne de l’administration) [33] et du département « Leviers » en son sein, elle joue un rôle d’appui aux projets de réorganisation des ministères affectés par la RGPP et capitalise sur l’expertise du secteur privé du conseil dont elle reprend en compte les démarches et le langage. Elle peut alors intervenir seule ou mener des missions mixtes, avec des consultants et sous la responsabilité d’un de ses membres. Elle peut aussi conseiller les ministères dans leur recherche d’un cabinet. Le service « Projet » est également en lien avec des consultants, notamment sur les systèmes d’information et l’administration électronique. Sur la base des rapports annuels de performance (RAP) concernant le programme 221 (Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État) – Action n° 4 (modernisation), les budgets de conseil des services « Innovation », « Conseil » et « Projets » avoisinent les 45 millions d’euros. L’homogénéité des services de la DGME et des méthodes qu’elle diffuse ne doit pas être exagérée mais les interlocuteurs rencontrés soulignent qu’elle connaît un fort taux de rotation de son personnel et s’appuie sur des personnels jeunes.
17 Significativement, et sans qu’il soit possible de le chiffrer [34], les grands cabinets de conseil en stratégie jouent un rôle plus important qu’auparavant : McKinsey, BCG (Boston Consulting Group), à un moindre titre Roland Berger Strategy Consultants sont des cabinets privilégiés dans les missions de réorganisation. D’autres cabinets majeurs (Accenture, Cap Gemini, Ernst and Young), aux activités multiples (stratégie, audits et surtout systèmes d’information, branche particulièrement rémunératrice) sont également très impliqués dans les réorganisations. Le changement d’échelle est réel. Cette implication des consultants dans les politiques de réforme de l’État a évidemment de puissants effets sur le contenu et les formes des politiques de réforme [35]. Dans le cas de la RGPP, les consultants amènent des méthodologies et des savoir-faire relatifs au suivi du changement (restitutions (reporting), tableau de bord, remontée d’information, bilan d’avancement) mais aussi aux formats de présentation (le diaporama de type powerpoint prenant la place du rapport, plus caractéristique de la culture administrative française). Leur influence ne doit ni être exagérée ni minorée. Sur le fond, il apparaît que les membres des inspections dans les équipes d’audit ont souvent cadré et limité leurs rôles. On peut faire l’hypothèse que les relations ont été variables d’une mission à l’autre. Toutefois, la présence systématique des cabinets d’audit favorise évidemment la diffusion de savoirs de réorganisation spécifique. Au cœur de la RGPP, la technique du lean management (traduire « amaigrissement ») est particulièrement prisée. Technique de gestion issue des firmes privées, elle est entièrement centrée sur la réduction des gaspillages et des pertes générés à l’intérieur d’une organisation afin d’améliorer sa production et son rendement. Les méthodes sont variées et visent à la réduction des fonctionnements négatifs dans l’organisation (délais d’attente, des stocks, des procédures ou traitements inutiles) se traduisant généralement par des réorganisations conduisant à des économies de main-d’œuvre. Dans le contexte de la RGPP, le Lean Six Sigma est particulièrement utilisé : il met l’accent sur la mesure des attentes du client, l’amélioration de la qualité du service et l’optimisation des processus. Les « plates-formes de services partagés » relèvent de la même circulation de méthodes utilisées dans les grandes entreprises privées et désormais importés dans l’État par le biais des grands cabinets de conseil.
LA RGPP AU CŒUR D’UN LEADERSHIP PRÉSIDENTIEL DE RUPTURE
18 La troisième dimension morphologique renvoie aux élus et à la sphère politique. De fait, l’inscription à l’agenda des réformes de l’État dépend aussi fortement des modalités d’engagements des titulaires des positions exécutives, premiers ministres avant tout mais aussi présidents, et, quoi que plus rarement, de l’implication du pouvoir législatif et des parlementaires. Significativement, les programmes de réforme de l’administration sont souvent identifiés/articulés à la figure personnalisée de l’exécutif. Les expériences de réformes administratives étrangères l’ont bien montré : l’inscription à l’agenda des réformes de la bureaucratie est fortement indexée sur l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle majorité, d’un nouveau gouvernement et d’un leader (Margaret Thatcher, Ronald Reagan, Tony Blair, etc.) qui s’empare de l’enjeu administratif avec son équipe [36]. Plusieurs enjeux sous-tendent ces investissements [37]. D’abord, les réformes administratives participent à la construction de l’identité stratégique ou de l’autorité d’un exécutif (une vision politique, une représentation de soi, une marque symbolique), destinée à rassembler des soutiens dans un univers électoral concurrentiel. Les réformes administratives reflètent aussi des enjeux de pouvoir liés au reformatage de capacités administratives, conditions indispensables au développement de politiques publiques et de l’activité de gouvernement [38]. Ces illustrations montrent que les exécutifs politiques sont un moteur essentiel des réformes administratives et qu’on leur impute, sous l’effet d’un biais de personnalisation qui tend parfois à survaloriser leur rôle, la responsabilité et surtout la dynamique de la réforme.
Premiers ministres et politiques de réforme administrative
19 Replacées dans la perspective historique longue et de manière générale, les réformes administratives ont avant tout été investies, en France, par les premiers ministres. La raison en est d’abord constitutionnelle : les articles 20 et 21 de la Constitution de 1958 énoncent que le gouvernement dont le Premier ministre dirige l’action, « dispose de l’administration ». Le Premier ministre détient le pouvoir réglementaire et celui de nomination aux emplois civils. L’appropriation du thème de la réforme de l’État par les premiers ministres est un jeu répété sous la Cinquième République. Les décrets de 1964 créant le préfet de région et renforçant le pouvoir des préfets de départements sont liés à l’apparition du nouveau régime gaulliste et aux premiers ministres Michel Debré puis Georges Pompidou [39]. La décentralisation est identifiée au Premier ministre Pierre Mauroy et à son ministre de l’intérieur Gaston Defferre. Le Renouveau du service public lancé en février 1989 est attaché au Premier ministre Michel Rocard. La circulaire « Juppé » désigne le large programme de réforme de l’État annoncé le 26 juillet 1995 par, le Premier ministre. Par exception, la LOLF est souvent exclusivement présentée, dans son récit dominant et d’ailleurs à tort, comme une réforme émanant exclusivement du Parlement. Dans les cas historiques étudiés par ailleurs, l’investissement dans la réforme de l’État a toujours joué un rôle important dans la construction du rôle et de la fonction de Premier ministre et dans la manière dont il construit et établit son « rapport à l’administration » par le biais d’un programme de réforme [40]. L’investissement du programme de Rationalisation des choix budgétaires (RCB) par le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, dans son discours de politique générale du 17 septembre 1969, s’inscrit par exemple dans cette rationalité. Membre de l’Union des démocrates pour la République (UDR), gaulliste de longue date, mais à l’écart des responsabilités gouvernementales depuis la Quatrième République, prisonnier du carcan dans lequel l’enferme Georges Pompidou, J. Chaban-Delmas est, dès le départ, dans la position de l’héritier empêché, limité par un concurrent, Georges Pompidou, qui cherche également à s’approprier son rôle présidentiel. La situation est compliquée par la fragilité des soutiens dont le Premier ministre bénéficie au sein du parti gaulliste (UDR) et de son propre gouvernement face à Georges Pompidou qui en a été l’infatigable organisateur électoral [41] et qui bénéficie d’un important capital politique en raison des sept années de Premier ministre du Général de Gaulle. Face à celui qui maîtrise mieux les rouages de l’État et les réseaux partisans au sein de l’UDR, le Premier ministre construit sa démarcation à l’égard de l’ordre institutionnel et revendique d’« engager (le pays) à fond dans la voie du changement », en faisant émerger une « nouvelle société » et en réformant l’État puisqu’il est le principal obstacle au changement. Face à un Georges Pompidou qui cherche plutôt à incarner l’héritage gaulliste et à le conserver, J. Chaban-Delmas utilise la thématique critique de la réforme de l’État comme un moyen de se démarquer de l’ordre étatique gaullien et d’en critiquer les arrangements institutionnels rémanents. Par cette appropriation, il s’attire aussi les soutiens de hauts fonctionnaires réformateurs (souvent mendésistes à l’origine) et peut concurrencer un Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre de l’économie et des finances, plus libéral, plus sensible aux questions macro-économiques et moins intéressé par la rationalisation de l’appareil d’État. En s’appropriant la RCB et un réformisme de l’organisation administrative, le Premier ministre revendique le monopole de ce qu’elle porte : l’exercice d’un pouvoir de maîtrise de « l’État ». L’engagement du Premier ministre Michel Rocard dans le « Renouveau du service public » ou celui d’Alain Juppé dans la « réforme de l’État » peuvent faire l’objet d’analyses comparables. Confronté à de fortes contraintes (pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale, rivalité avec le Président Mitterrand, conflits sociaux multiples dans le secteur public) mais ayant construit sa marque politique autour du réformisme (la deuxième gauche), le Premier ministre Rocard investit la réforme administrative sous la forme d’un « compromis modernisateur » ou d’une « modernisation orthodoxe », réaffirmant, d’un côté, la valeur des règles historiques de l’administration et de la fonction publique, mais introduisant, de l’autre, les premiers instruments néo-managériaux (centres de responsabilité, contrôle de gestion) [42]. Dans une autre perspective, le Premier ministre Alain Juppé a lancé, en juillet 1995, un programme de réforme de l’État, inscrit dans le programme électoral du candidat Chirac et reflétant les propositions de réorganisation prônées par les commissions de réforme, notamment la mission sur les responsabilités et l’organisation de l’État dite « mission Picq ». Considérée selon cette dimension, l’appropriation de la politique de réforme de l’État joue un double rôle : d’intégration d’un ensemble gouvernemental pléthorique, imposé par le Président Chirac pour rétributions de campagne et menacé de fragmentation dans son organisation et ses objectifs ; de légitimation d’un Premier ministre dont l’autorité d’homme d’État est fragilisée dès le début du mandat (flottement des orientations politiques, tournant économique de l’été 1995, démission d’Alain Madelin ministre de l’économie et des finances, affaire de l’appartement du fils du Premier ministre, etc.).
20 La prise en charge des réformes par les premiers ministres apparaît donc constitutive, ce qui n’empêche pas les candidats aux élections présidentielles de mobiliser le thème de la réforme de l’État comme marque politique sur le marché électoral. C’est le cas du parti des Républicains indépendants (RI) et de son candidat Valéry Giscard d’Estaing en 1972 dans la concurrence qui l’oppose [43] au parti gaulliste (UDR). La débureaucratisation de l’administration et la défense des droits des administrés sont des thématiques électorales destinées à incarner une « stratégie de soutien et de relève » et appelant à un fonctionnement plus libéral des institutions. L’utilisation de la thématique de la réforme de l’État et la stigmatisation de la « technocratie » dans les discours de campagne du candidat Chirac en 1995 relève du même schéma d’analyse [44]. Une fois l’élection passée, l’implication des Présidents de la République dans la réforme de l’État est historiquement restée modeste. À plusieurs reprises, mêmes, non réductibles aux cas de cohabitation, le Président de la République a joué une partition concurrente à celle du Premier ministre, défavorisant ainsi la mise en œuvre de politiques de réforme administrative en en limitant l’ampleur ou en en sapant la viabilité politique. Le caractère bicéphale de l’exécutif français et les prérogatives concurrentes dont dispose le Président sur l’administration (article 5 et 13 de la Constitution) rendent possibles cette compétition. La rivalité Chaban-Delmas/Pompidou s’est matérialisée dans la définition d’un rapport différent à l’administration et à l’État ; le président Mitterrand a défendu les revendications catégorielles de certaines organisations syndicales de la fonction publique contre les réformes de son Premier ministre Rocard. En d’autres termes, le Premier ministre a toujours dépendu du soutien du Président de la République pour imposer les réformes ; or celui-ci ne s’est pas toujours intéressé à ces enjeux ou a développé des stratégies d’opposition à l’égard de son Premier ministre. En outre, ce dernier ne dispose pas du même ascendant sur les ministères et de la même légitimité qu’un Premier ministre en régime parlementaire, porté par une forte majorité. La relation entre le Premier ministre et l’administration constitue donc un enjeu politiquement sensible qui débouche souvent sur le choix de stratégies défensives de réaffirmation plus que sur des stratégies de rupture. Mettre en cause l’administration, pour un Premier ministre, fait courir le risque de fragiliser la structure de son autorité et les ressources dont il dépend.
L’appropriation présidentielle de la réforme de l’État
21 Quelle spécificité distingue, sur ce point, le dispositif RGPP ? Dans cette perspective politique, le rattachement institutionnel de la RGPP est original et révèle l’implication, inédite, du Président de la République. Imaginée pendant la campagne électorale et largement portée par Claude Guéant, le secrétaire général de l’Élysée, la RGPP a été pensée comme un dispositif politique piloté par l’Élysée, impliquant les ministres et destiné à produire des décisions politiques de réorganisation [45]. Les audits sont ainsi pilotés par un comité de suivi qui intègre les ministres, qui est placé sous l’autorité conjointe du secrétaire général de la Présidence de la République et du directeur de cabinet du Premier ministre et qui se réunit à l’Élysée. Les décisions de réorganisation sont prises par un Conseil de la modernisation des politiques publiques présidé par le Président de la République lui-même et dont le rapporteur général est le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Les ministres sont liés par les engagements pris lors des Conseils. Le dispositif ne court-circuite donc pas Matignon mais intègre les deux faces de l’exécutif, le secrétariat général de l’Élysée et le directeur de cabinet du Premier ministre étant les copilotes du dispositif. La réforme de l’État est en quelque sorte intégrée au fonctionnement du gouvernement, mais le niveau décisionnel relève désormais du sommet de l’État. La RGPP sert de dispositif institutionnel intégrateur qui permet d’avoir une vue synoptique des réformes sectorielles en cours dans les ministères. Elle favorise aussi et surtout la recentralisation des décisions et la capacité d’arbitrage de l’exécutif. L’investissement symbolique du Président de la République, quand bien même ce dernier est loin de suivre l’ensemble des dossiers, renforce le poids des annonces et semble vouloir circonvenir les limites des exercices antérieurs marqués par l’isolement relatif du Premier ministre dans la phase de mise en œuvre. Le Premier ministre n’est donc évidemment pas dépossédé de ces dossiers mais il bénéficie de l’appui présidentiel et doit aussi, inversement, négocier avec lui.
22 Si l’accent est particulièrement mis sur le souci d’exécuter les mesures annoncées, la RGPP est aussi conçue comme un dispositif à produire des décisions et à les afficher, ce dont témoignent les longues listes d’annonces. Ce design accompagne et met en scène la construction d’un leadership de rupture, tout entier construit sur la remise en cause des manières de faire et des règles historiques existantes. Dans de nombreux domaines, les discours et engagements du Président Sarkozy valorisent la rupture, à l’image de ceux tenus sur la fonction publique en septembre 2007 lors d’une visite à l’Institut régional d’administration de Nantes ou lors des vœux aux corps constitués en janvier 2008. La radicalisation des orientations et la charge critique sont évidentes : réorganisation de la fonction publique par des logiques d’emploi et de métier (et non plus de carrière et de corps), suppression des classements de sortie dans les écoles de fonctionnaires (dont l’ENA [46]) au profit de listes d’aptitude, rapprochement entre les trois fonctions publiques, création d’une structure de gestion transversale des « hauts potentiels », etc. Les objectifs annoncés ne sont pas toujours suivis de réformes correspondant aux ambitions mais ils traduisent le style de leadership présidentiel valorisant la personnalisation du pouvoir, la rupture et ce que des chercheurs américains qualifient « d’énorme activisme gouvernemental » [47] marqué par des annonces incessantes d’initiatives et de réformes. De ce point de vue, la révision constitutionnelle de 2000 réduisant le mandat présidentiel de sept à cinq ans et le positionnement des élections législatives dans la foulée du scrutin présidentiel ne sont évidemment pas étrangers au renforcement de la prééminence présidentielle. Cette structure constitutionnelle d’incitation rend possible – sans le produire mécaniquement – l’émergence d’un nouveau style de leadership politique [48]. Dans le cadre de la présidence Sarkozy, il se traduit, par exemple, par un changement de composition du personnel gouvernemental, susceptible d’expliquer la radicalisation des annonces. Dans le gouvernement Fillon, en effet, les ministres des ministères transversaux (Finances, Intérieur, Fonction publique) et des principaux ministères sectoriels ne sont plus d’anciens hauts fonctionnaires. La différenciation entre sphère politique et sphère administrative y est beaucoup plus forte que traditionnellement sous la Cinquième République. Le renforcement des mécanismes de « politisation fonctionnelle » [49] des hauts fonctionnaires – consacrant des attentes plus fortes à l’égard de ceux qui occupent des postes de responsabilité en termes de sensibilité aux demandes politiques, de plus grande participation à l’élaboration des objectifs et aux enjeux de faisabilité politique et d’engagement vis-à-vis des résultats des politiques publiques – constitue une autre matérialisation du nouveau leadership. Dans cette cadre, le dispositif RGPP apparaît aussi comme un dispositif d’enrôlement des ministres et des hauts fonctionnaires qui travaillent avec eux, renforçant, notamment, les engagements personnels sur des objectifs politiques et des réalisations.
DISPOSITIF ET RÉPERTOIRE DE REFORME DANS LA RGPP : CENTRALISATION DU DISPOSITIF DE DÉCISION ET PRIMES AUX RATIONALISATIONS EFFICIENTES
23 Une dernière manière de mettre en perspective historique et comparative la RGPP consiste à s’intéresser aux propriétés de son « dispositif de réforme » et au contenu de son « répertoire ». Le premier correspond aux modalités procédurales de l’action réformatrice, à la manière dont elle organise la production de diagnostics, de buts et de préconisations, à la façon dont elle s’efforce de développer une « capacité transformatrice » et de produire des effets de changement en agissant sur les ministères sectoriels ainsi qu’aux orientations qu’elle promeut. Le second, le « répertoire de réforme », renvoie aux principales orientations et aux contenus des réformes préconisées : il reflète des conceptions de ce qu’est l’administration (ses principes, son organisation mais surtout les problèmes qu’elle pose), des représentations de ce qu’elle devrait être (nouveaux principes et modes de fonctionnement, recettes managériales à mettre en œuvre pour la transformer, instruments, nouvelle forme d’organisation) et des modèles d’action pour intervenir sur elle.
24 Par leur nature même, les réformes administratives soulèvent de nombreux problèmes d’action collective. Ce qui caractérise « formellement » la réforme de l’administration est en effet d’être une politique publique « transversale », « générique » [50] ou « constituante » [51] c’est-à-dire une intervention publique qui revendique de transformer et d’imposer des principes, des règles et/ou des instruments généraux à « l’administration » dans son ensemble c’est-à-dire aux organisations du système administratif étatique (ministères, directions, bureaux, corps) et à tous les fonctionnaires d’État. Cette propriété analytique minimale est éclairante parce qu’elle permet d’identifier la nature des problèmes d’action collective que sont susceptibles de poser les politiques de réformes de l’État et d’analyser les « dispositifs de réforme » comme des façons qu’adoptent les gouvernants dans le but d’y remédier. Dès lors qu’elles veulent imposer de nouveaux principes, modes d’organisation, règles ou instruments à des ministères pris dans leur histoire et leurs structurations singulières, ces politiques se traduisent par d’importants coûts de transaction dans l’élaboration de normes communes acceptables par tous mais aussi dans leur mise en œuvre. Bref, une activité de réforme suppose le développement de capacités organisationnelles permettant de produire des expertises, de disposer de ressources incitatives ou coercitives et de porter une action de transformation. De manière schématique, on peut différencier les dispositifs de réforme en considérant quatre propriétés : les modes d’élaboration et de justification des diagnostics, des objectifs et des préconisations ; l’articulation, plus ou moins forte, avec le système de décision ; le degré de participation et de consultation des administrations concernées et affectées par les réformes ; les orientations. Les séquences de réforme administrative ont toutes, dans le passé, reposé sur des dispositifs réformateurs aux formats variables (cf. tableau no 1).
comparatif des dispositifs de réforme élaborés en France
Degré d’élaboration des diagnostics et recommandations |
Articulation du Participation dispositif avec des le système de administrations prise de au processus de décision décision | Orientations | Exemples | |
Type 1. Modèle de la commission de la hache | Faible |
Incertaine et de Nulle courte durée – Dépendante de l’urgence des besoins budgétaires, des capacités de mise en œuvre et des aléas politiques |
Budgétaires (suppressions d’organismes) |
Mission Belin-Gisserot (1986) |
Type 2. Modèle de l’expérimentation |
Moyen. Diagnostic localisé et circonscrit. |
Forte mais Forte ampleur limitée des mesures car décisions « négociées » ou résultats de compromis |
Centrées sur les instruments (par exemple managériaux) avec réaffirmation des valeurs du service public et des principes de l’organisation |
Renouveau du Service Public (1989-1991) |

comparatif des dispositifs de réforme élaborés en France

Trois dispositifs de réforme : commissions de la hache, modèle expérimental, modèle de l’organisation réformatrice ad hoc
25 Le modèle des « commissions de la hache », incarné en France, par exemple, par le comité de réorganisation administrative de 1938-1939 [52], est revisité par la mission « Belin-Gisserot » de 1986 [53]. Ce modèle repose sur la recherche rapide d’économies budgétaires sans élaboration poussée de diagnostics et avec une articulation incertaine au système de décision. Le contexte est celui de la mise en œuvre d’un programme de réduction des dépenses publiques et du vote d’un collectif budgétaire destiné à marquer l’arrivée du nouveau gouvernement par des mesures drastiques. La mission d’étude et de propositions sur l’allègement des structures des administrations centrales dite « mission Belin-Gisserot » se propose d’alléger les effectifs mais surtout de supprimer les organismes jugés « inutiles » ou de regrouper plusieurs sous-directions au sein des ministères [54] sur la base des travaux de la Cour des comptes et de l’inspection générale des finances mais aussi en puisant largement dans l’expertise, alors en cours de réalisation et plus « réfléchie », de la MODAC (Mission d’organisation des administrations centrales), créée depuis 1983. Composée de trois chargés de mission, elle s’appuie sur la présence d’un représentant de la direction du budget qui sert de rapporteur. Elle peut être assimilée à l’exercice de la « Grace Commission » aux États-Unis ou aux « Rayner’s Scrutinities » lancé en 1982 en Grande-Bretagne [55] : ces commissions cherchent des économies budgétaires dans tous les services, réalisables rapidement. Le rapport proposera une liste impressionnante de propositions : une diminution d’une trentaine de directions générales et de directions de ministères ; une diminution de même ordre du nombre de sous-directions et services non-autonomes ; la suppression de 39 organismes (pure et simple ou accompagnée d’une reprise d’une partie des activités concernées) ; l’allègement des structures de 18 organismes ; un statu quo pour 8 organisations (seulement). Au total, est escomptée de ces mesures la suppression de 4200 postes de fonctionnaires. Les mises en œuvre et effets seront modestes en raison de la faible articulation de la mission au système de décision. Elle est alors rattachée à un ministère de la réforme administrative sans ressource.
26 Le Renouveau du service public présente des caractéristiques bien distinctes [56]. La réforme, via la circulaire du Premier ministre Michel Rocard du 23 février 1989, est emblématique d’une modernisation qui combine la réaffirmation des valeurs du service public, la valorisation du potentiel humain de l’administration, le renforcement de la formation continue et du dialogue social avec l’introduction, sous des formes expérimentales, de nouveaux outils de gestion (le contrat, l’allégement de la tutelle et du contrôle, la globalisation des crédits) et un dispositif d’évaluation des politiques publiques. Les objectifs ont fait l’objet d’une lente maturation dans des cercles de réflexion (l’association Services publics, le ministère de l’équipement) avant 1988, mais la mise en place de la réforme repose sur des hauts fonctionnaires proches du Premier ministre et sur la prise en compte d’un contexte marqué par de nombreux conflits sociaux dans le secteur public. Le dispositif de réforme cherche à s’appuyer sur les agents et les services à travers une démarche de participation, d’expérimentation et de mobilisation largement déconcentrée. Le dispositif de mise en œuvre repose sur la double création de projets de service (dimension participative) et de centres de responsabilité (dimension gestionnaire). Il n’est pas contraignant mais, au contraire, incitatif puisque la constitution en PS/CR repose sur le volontariat. L’objectif est de ne faire participer que les agents et les services qui le souhaitent sur la base d’un « intérêt » pour la démarche « projets de service ». La réforme établit un distinguo, sans jeu de donnant-donnant, entre l’élaboration d’objectifs communs dans le cadre des projets de services et la transformation en centres de responsabilité, plus lourds de conséquences sur le plan budgétaire. Les résultats sont mesurés, la diffusion des centres de responsabilité par capillarité et par expérimentation ne favorisant pas de démarche systématique. Dans la seconde moitié des années 1980, la réforme administrative met l’accent sur l’idéal d’auto-régulation des services, sur la valeur des apprentissages, des innovations locales et de la formation et sur la recherche du soutien des fonctionnaires. Elle exclut toute dimension politique et toute transformation radicale des règles existantes.
27 Le dispositif de réforme par création d’une organisation administrative réformatrice ad hoc, dotée d’une autonomie relative et en charge de l’élaboration de la réforme de l’État, caractérise une autre configuration typique. En France, elle est illustrée par le rôle que joue le Commissariat à la réforme de l’État (CRE) de 1995 à 1998 [57]. À la suite de la circulaire du Premier ministre relative à la préparation et à la mise en œuvre de la réforme de l’État du 26 juillet 1995, est créé en septembre 1995 un Commissariat à la réforme de l’État, placé auprès du Premier ministre et mis à la disposition du ministre de la réforme de l’État, portefeuille confié à Claude Goasguen dans le premier gouvernement Juppé et volontairement dissocié du ministère de la fonction publique, alors détenu par Jean Puech. Le CRE est chargé de l’élaboration du plan triennal de réforme de l’État sur la base de la circulaire de juillet 1995. Les ministères doivent remettre au ministre de la réforme de l’État, au 1er septembre, une note stratégique sur la modernisation de leur administration et, pour le 15 octobre, une contribution écrite plus développée. Sur la base de ce mandat et sous la houlette du très cartésien commissaire à la réforme de l’État, les hauts fonctionnaires du CRE commencent à élaborer des propositions de mesures de réforme. D’août à octobre 1995, le travail se fera de manière isolée. Si les membres du CRE reçoivent quelques notes des ministères, les premiers échanges avec les ministères n’auront lieu qu’au début du mois de novembre, la phase de négociation n’intervenant qu’au début du mois de décembre 1995 avec la tenue de réunions interministérielles. La priorité à la constitution de mesures tangibles de réforme et d’orientations justifie l’isolement initial des membres du Commissariat. Au terme de deux mois et demi de travail intensif où sont synthétisés et mobilisés tous les rapports disponibles, est produit début novembre l’avant-projet de plan triennal. Le document, jugé sensible, constitue un gigantesque programme de réformes du système administratif. Son caractère systématique (29 réformes, 245 propositions) est conçu comme une déclinaison des six axes de la circulaire Juppé. Le résultat est un impressionnant catalogue de mesures, parfois déjà en projet dans les ministères, parfois tirées des rapports des commissions. Elles doivent servir de base à une réforme de l’État tous azimuts et, concrètement, aux réunions regroupant le cabinet du Premier ministre, le CRE, les cabinets des ministères sectoriels, et les membres du comité permanent du comité interministériel pour la réforme de l’État (représentants des ministères chargés du budget, de la fonction publique, de l’intérieur et de l’aménagement du territoire). Les réformes préconisées sont transversales mais aussi sectorielles puisque le document comprend des fiches par ministère. La forme en catalogue du plan triennal (245 recommandations) rend l’exposition du contenu impossible mais les propositions empruntent désormais clairement aux principes et aux recettes du New Public Management et remettent en cause les règles historiques de l’administration française : externalisation, rationalisation des structures, resserrement du pouvoir central, délégation des services opérationnels de l’État à des établissements publics autonomes sur le modèle des agences, contractualisation, gestion interministérielle des emplois, incitations individualisées dans la rétribution, réforme de la procédure budgétaire avec renforcement des pouvoirs du Parlement, etc. Les propriétés de ce dispositif valorisent l’élaboration de recommandations de réforme. Le cabinet du Premier ministre dispose ainsi de son propre organisme d’expertise destiné à formuler des choix de politiques, unilatéralement, sans consultation ni dépendance. Le CRE est le pendant institutionnel d’une vision d’architecte, surplombante, qui prédomine depuis le début des années quatre-vingt dix en France. Le choix de confier le développement d’un programme de reforme à une instance autonome, rattachée au Premier ministre mais distincte des ministères transversaux, favorise la production d’une expertise et de propositions (ici un avant-projet de plan triennal de réforme). Protégé des interférences venant des multiples acteurs étatiques parties prenantes, le CRE a laissé libre cours à son esprit d’architecte. Cette stratégie montre ses limites dans la phase de décision proprement dite. Le dispositif ad hoc autonome et séparé des autres ministères, la volonté d’imposer des négociations sous contraintes, le refus de consulter les organisations syndicales de la fonction publique génèrent de nombreux conflits dans un contexte marqué, en décembre 1995, par de profonds mouvements sociaux : une accentuation des conflits d’intérêts et de la concurrence, « au centre » entre l’instance administrative de réforme (ici le CRE) et les ministères transversaux (finances, intérieur, fonction publique), qui font systématiquement opposition aux projets du Commissariat et entre les réformateurs du CRE et les ministères sectoriels. L’étude attentive des évolutions du projet de plan triennal montre comment les réformes sont progressivement retirées sous l’effet des oppositions successives, au point de déboucher sur des annonces finalement centrées sur les usagers et la gestion des ressources humaines.
Le modèle de la révision de politiques dans la RGPP : centralisation du pilotage et forte articulation avec le processus de décision
28 En quoi le dispositif RGPP se distingue-t-il des trois dispositifs précédents ? D’un côté, dans son organisation et les multiples thématiques qu’il revendique de couvrir, il s’inscrit dans l’esprit des travaux d’expertise menés par la mission Picq de 1993-1994 ou par le Commissariat à la réforme de l’État en 1995-1998 : même catalogue de réformes annoncées ; formats identiques mêlant des mesures transversales et des décisions propres à chaque ministère ; même souci de couvrir l’ensemble des politiques et des ministères (ce qui distingue la RGPP des audits de modernisation qui étaient plus ciblés) ; même recyclage de travaux antérieurs et réformes déjà en cours sans que de réelles investigations nouvelles soient conduites (ce qui avait été le cas, par exemple, dans le cadre des rapports réalisés dans le cadre de la mission Picq [58]). Les objectifs génériques sont largement identiques à ceux qui prévalaient dans les expertises précédentes mais ils sont affichés publiquement : recentrage des administrations sur le cœur de leurs missions, simplification administrative et modernisation des procédures au services des usagers, réorganisation et allègement des structures de l’État, modernisation de la gestion publique. D’un autre côté, comparée aux autres dispositifs, la RGPP revêt au moins trois spécificités : un isolement renforcé de la phase d’élaboration ; une articulation forte des recommandations et des décisions qui repose sur un mécanisme de centralisation du pilotage ; un fort accent mis sur la mise en œuvre des réformes.
29 Premièrement, la phase d’élaboration des diagnostics et des décisions de réforme relève des groupes d’audits associant inspections, majoritairement, et consultants. Ils travaillent sur un ministère ou une politique de manière confidentielle, les rapports (qui sont concrètement de longues présentations sous forme d’un diaporama « powerpoint ») n’étant pas rendus publics à la différence d’un grand nombre d’audits de modernisation Copé. Ces groupes proposent des mesures qui sont ensuite présentées devant le Comité de suivi qui les examine, supervise l’ensemble du processus et réunit, sous l’égide du secrétaire général de la présidence de la République et du directeur de cabinet du Premier ministre, le ministre concerné et quelques membres du cabinet. Comme dans deux des trois dispositifs précédemment examinés, les directions des ministères, l’encadrement, les fonctionnaires, les usagers ou les parlementaires n’ont donc pas été initialement consultés ni même informés. Plus exactement, seuls ont eu lieu des échanges au sommet entre des membres des missions d’audits de la RGPP (membres des inspections), des membres des cabinets ministériels et le comité de suivi. Des données empiriques recueillies sur les audits liés à la « Réforme de l’administration territoriale de l’État » (RÉATE) [59] montrent que ces échanges ont été conflictuels, notamment entre certains membres d’inspections défendant des réorganisations réfléchies et cohérentes avec le ministère et des acteurs des comité de suivi imposant des réorganisations plus brutales essentiellement régies par les perspectives d’économies budgétaires. L’homogénéité des équipes d’audit ne doit donc pas être exagérée. Le mélange de plusieurs inspections et la présence de consultants peut générer des jeux complexes et parfois de profonds clivages dans les orientations souhaitées. De façon globale, cependant, le dispositif RGPP renforce la dimension verticale du processus d’élaboration des propositions et aussi sa dimension technocratique, par le recours aux consultants. Ce type de processus favorise des visions idéales et hyper-rationnelles de la réorganisation mais largement coupées des réalités administratives, des cultures des administrations réorganisées et des enjeux réels de politiques publiques. Sur ce point, la révision de politiques pratiquée en France semble s’être moins appuyée sur la décision et la négociation collectives entre acteurs centraux et ministères sectoriels que son modèle canadien, plus interactif et parcticipatif [60].
30 Ce caractère fermé du dispositif de réforme soulève d’autant plus de problèmes que la deuxième propriété de la RGPP est le lien étroit qu’établit le dispositif entre propositions, affichages rapides des décisions et mises en œuvre effectives. Le dispositif n’est plus porté par le ministre du budget et de la réforme de l’État (c’était le cas des audits Copé) mais centralisé au niveau du secrétaire général de l’Élysée et du directeur de cabinet du Premier ministre. Présidés par le Président de la République, les conseils de modernisation des politiques publiques (CMPP) constituent l’organe décisionnel et lient les mains des ministres en « actant » officiellement et en rendant publiques les décisions prises. Le suivi de la mise en œuvre des décisions annoncées fait l’objet, troisièmement, d’une organisation spécifique et inédite ; d’une part, symboliquement, par le biais d’un affichage public (en feux tricolores) ; d’autre part, politiquement, par le biais du secrétaire général des ministères en charge du suivi de la mise en œuvre en interaction avec le comité de suivi. Ce type de dispositif n’est pas sans risque. Les agents des organismes fusionnés ou réorganisés, par exemple dans le cadre de la « Réforme de l’administration territoriale de l’État » (RÉATE), n’ont pas été informés des choix réalisés et le temps long de la mise en œuvre (mise en place des préfigurateurs, des macro-organigrammes, systématisation des réorganisations, stabilisation, etc.) rend l’appropriation des réformes et la reconstruction des identités professionnelles difficiles. La RGPP diminue les coûts de négociation et de décision en repensant l’ensemble étatique « par le haut », de manière rationnelle, comme un architecte procédant à des réaménagements sur ses plans, sans véritablement échanger avec les intéressés mais en s’appuyant sur un cercle limité d’acteurs administratifs qui connaissent le sujet (les inspections, les cabinets). Les coûts politiques, organisationnels et humains devront alors être endossés dans la phase de mise en œuvre de la réforme. Concernant la mise en œuvre de la « Réforme de l’administration territoriale de l’État », notamment, les retours de terrain montrent que les enjeux immobiliers, inter-organisationnels et de gestion des ressources humaines (mobilité, bouleversement des perspectives de carrière, etc.) n’ont pas été anticipés et sont traités ex post dans un contexte difficile. Il est marqué par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, par des mesures favorisant la mobilité des fonctionnaires (loi du 3 août 2009) qui « flexibilisent » les mouvements mais fragilisent les positions des agents et par des signes importants de démotivation et de stress dans la fonction publique d’État.
Le répertoire de réforme RGPP : modèle du « gouvernement intégré » ou restructuration à orientation budgétaire ?
31 Comment caractériser, pour conclure, les orientations prônées par la RGPP ? En première instance, le label « RGPP » et le questionnaire en sept thèmes laissent présager un large examen des politiques publiques et une réflexion portant sur les missions, les processus, les objectifs et les moyens au cœur des programmes d’intervention publique. Faute d’accès aux contenus des audits, il est impossible de confirmer ou d’infirmer l’ampleur et la profondeur des analyses menées sur l’administration française et, surtout, sur les politiques publiques elles-mêmes. En l’occurrence, seules les nombreuses décisions annoncées lors des CMPP servent à jauger les orientations privilégiées par la RGPP – son « répertoire de réforme » – bien qu’elles ne reflètent que la partie rendue publique d’un processus largement confidentiel. Donner une vue d’ensemble des décisions prises et surtout des mises en forme rationnelles dont elles sont l’objet est une entreprise hors de portée de cet article. La dimension symbolique du catalogue de mesures – faire voir la réforme/rupture à l’œuvre – est évidente comme la recherche d’effets performatifs [61]. L’effet industriel l’emportant, la RGPP « tient ensemble » et présente symboliquement comme un tout une multitude de mesures et de réformes qui, pour beaucoup d’entre elles, étaient dans les tiroirs ou étaient déjà engagées ou en discussion.
32 Conformément au cadre initial, les rapports d’étapes tirés des conseils de modernisation des politiques publiques distinguent des chantiers transversaux (qualité de service, rationalisation de la dépense, gestion des ressources humaines, fonctions support, etc.), des mesures par ministère et, seulement au début (CMPP du 12 décembre 2007), des éclairages sur les « grandes politiques d’intervention » (familiale, assurance maladie, emploi, logement, solidarités, développement des entreprises). Certes, les décisions annoncées pour ces dernières catégories comportent des éléments substantiels de politiques publiques : au hasard, meilleur ciblage des politiques du logement, amélioration de l’efficience de la politique en faveur de l’accession à la propriété, meilleur ciblage des aides aux entreprises sur les petites et moyennes entreprises, déjuridicisation du divorce par consentement mutuel, efficience des dispositifs d’incitations au retour à l’emploi, amélioration du taux d’emploi féminin, etc. Toutefois, beaucoup d’autres décisions dans cette catégorie rejoignent la teneur des mesures issues des chantiers transversaux et les registres lexicaux dominants. De manière générale, sont ainsi systématiquement préconisés des suppressions, des simplifications de procédure, des regroupements, des fusions, des synergies, des mutualisations de moyens, la création de fonctions support, des automatisations, des modernisations de la gestion, l’unification de pilotage ou de fonction de contrôle. Pour le dire bref, les décisions prises mettent avant tout l’accent sur de multiples formes de rationalisation destinées à générer des économies budgétaires et/ou à améliorer l’efficience (le rapport coûts/résultats) et la productivité. Le renforcement du pilotage stratégique (notamment des secteurs fortement structurés autour d’opérateurs) et de la coordination est également un leitmotiv fréquemment mobilisé.
33 Ces préconisations relèvent-elles de la boîte à idées fournies par le New Public Management ? D’un côté, les décisions peuvent apparaître en phase avec le modèle mobilisé dans les années 1990 de l’État-stratège, favorisant le renforcement des fonctions de conception, de pilotage et de contrôle et la délégation (par déconcentration, décentralisation, externalisation au privé) des fonctions opérationnelles de mise en œuvre des politiques publiques et de ce qui est considéré comme ne relevant pas « du cœur du métier ». Cette dynamique d’ensemble est assimilable à une influence d’un ensemble de valeurs et de normes parties prenantes du « puzzle doctrinal » néo-managérial. D’un autre côté, toutefois, les solutions organisationnelles et les techniques gestionnaires caractéristiques de la singularité du New Public Management sont presque totalement absentes des mesures annoncées : mise en agences, pilotage par la performance, autonomie des gestionnaires, contractualisation, insistance sur le principe de redevabilité (accountability), etc. Au contraire, les recettes concrètes utilisées correspondent à d’autres formes de transformation à l’œuvre : la réduction des dépenses, la fusion et le regroupement des organisations au sommet et à la base par consolidation, la suppression systématique des doublons ou des chevauchements et la recherche de synergies, la focalisation sur l’efficience et les coûts, la priorité accordée aux enjeux de coordination et d’intégration. Ces orientations ne sont pas spécifiquement françaises : elles ont été observées dans d’autres pays européens (Grande-Bretagne, pays scandinaves, etc.) et sont considérées comme relevant d’une « seconde génération de réforme », faisant suite à l’influence du modèle du New Public Management [62]. Ces tendances « post-New Public Management » ont d’ailleurs donné lieu à des labellisations concurrentes, certains parlant de joined-up government à partir de l’expérience britannique [63], d’autres mobilisant le terme plus général de « gouvernement intégré » (whole-of-government) [64], là où d’autres définissent ces orientations comme un management scientifique revisité [65]. On ne cherchera pas ici à discuter et départager ces labels, souvent plus descriptifs qu’explicatifs. On se contentera de relever que les recettes qu’ils recouvrent apparaissent désormais centrales dans le contexte français et l’agenda structuré par la configuration de réforme propre au gouvernement Fillon et à la présidence Sarkozy. Si les gouvernements français ont, relativement à d’autres États, moins mis en œuvre, plus graduellement et plus tardivement les recettes du New Public Management [66], le gouvernement au pouvoir depuis 2007 fait largement cas des préconisations rationalisatrices. En la matière, loin des notions globales et diffuses, ce sont les contextes nationaux qui permettent de comprendre la spécificité des orientations à l’œuvre. En France, la dimension budgétaire est centrale et les réorganisations sont marquées par le souci de réduction des effectifs, ce dont témoignent les annonces répétées de réduction des « équivalents temps plein ».
34 En ce sens, la RGPP marque bien une nouvelle figure morphologique de la réforme de l’État que notre approche en quatre composantes permet d’identifier. Ces quatre dimensions, ici analysées successivement, ne sont évidemment pas indépendantes les unes des autres. Ce sont au contraire leurs interactions qui forment ce que nous appelons ailleurs une « configuration de réforme » [67], toujours singulière. Nos analyses montrent comment chaque composante interagit et renforce l’autre. Placée en perspective historique, la RGPP caractérise et incarne, selon nous, une dynamique inédite de restructurations à orientations budgétaires, inspirée de modèles issus du secteur privé, influencée par des cabinets de conseil en stratégie, confortée par des consultants porteurs de systèmes d’information intégré, défendue par un ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État faisant le lien entre économies et réorganisations et portée par un leadership présidentiel valorisant la recentralisation et le contrôle politique.
Notes
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[1]
Pour une présentation, Revue générale des politiques publiques. Guide méthodologique. Également, Lafarge (François), « Le lancement de la révision générale des politiques publiques », Revue française d’administration publique, n° 124, 2007, p. 683-696.
-
[2]
Dossier RGPP, 10 juillet 2007.
-
[3]
Ibid., p. 4.
-
[4]
Voir la liste des décisions en ligne : www.rgpp.modernisation.gouv.fr
-
[5]
March (James G.), Olsen (Johan P.), Rediscovering Institutions. The Organizational Basis of Politics, New York, The Free Press, 1989 ; Brunsson (Nils), Olsen (Johan P.), The Reforming organization, New York, Routledge, 1993.
-
[6]
Voir l’analyse de cette même propension à la rationalité à propos de la réforme de l’État territorial dans Bezes (Philippe), Le Lidec (Patrick), « L’hybridation du modèle territorial français. La réorganisation de l’administration territoriale de l’État et la Révision générale des politiques publiques », Revue française d’administration publique, ce numéro.
-
[7]
Présentation générale de la RGPP, 10 juillet 2007.
-
[8]
Voir ici Baruch (Marc Olivier), Bezes (Philippe), « Généalogies de la réforme de l’État. Introduction au numéro spécial », Revue française d’administration publique, n° 120, 2006, p. 625-633. En ligne
-
[9]
Par exemple, Light (Paul C.), The Tides of Reform. Making Government Work (1945-1995), New Haven, Yale University Press, 1997. Baruch (M.O.), « Le cercle ou la spirale ? Remarques en forme de conclusion », Revue française d’administration publique, n° 120, 2006, p. 777-787. En ligne
-
[10]
Cet article s’appuie, d’une part, sur la démarche et les données rassemblées dans un ouvrage de sociologie historique tiré d’une thèse de science politique – Bezes (Philippe), Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française (1962-2008), Paris, PUF, 2009 (coll. Le Lien social). Il repose, d’autre part, pour les passages qui décrivent et analysent la spécificité du moment contemporain et de la RGPP sur une enquête et des travaux en cours réalisés avec Patrick Le Lidec sur la réforme de l’État territorial (RÉATE) dans le cadre d’un projet collectif sur les mutations organisationnelles de l’administration française, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR). Projet MUTORG-ADMI ANR 08-GOUV-040. En ligne
-
[11]
L’utilité d’une démarche morphologique en sciences sociales, reprenant l’inspiration des travaux de Georg Simmel, a été récemment défendue par François (Pierre), Sociologie des marchés, Paris, Armand Colin, 2008, p. 15-23.
-
[12]
Ces quatre dimensions donnent forme à ce que nous appelons ailleurs une « configuration de réforme ». Pour un développement analytique, cf. Bezes (Philippe), Réinventer l’État, op. cit., p. 46-59.
-
[13]
Pour plus de développement sur cette composante sociologique des politiques de réforme de l’État, voir Bezes (Philippe), Réinventer l’État, op. cit., p. 25-30.
-
[14]
Le ministère de la fonction publique est désormais, depuis 1989, ministère de la fonction publique et des réformes administratives, puis, en 1992-1993, ministère de la fonction publique et de la modernisation administrative.
-
[15]
Sur ce point, voir Herzog (Robert), « Quelques aspects de la loi organique relative aux lois de finances dans ses rapports avec le système administratif », Actualités juridiques-droit administratif (AJDA), 13 mars 2006, p. 531-538.
-
[16]
Thuillier (Guy), « À propos de la création de la Direction de la Fonction publique en 1945 », Doc, Études et documents, VIII, 1996, p. 727-733.
-
[17]
Chaty (Lionel), L’administration face au management, op. cit., Projets de service et centres de responsabilité dans l’administration française, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 35-41 ; Bezes (Philippe), Réinventer l’État, op. cit. p. 291-296.
-
[18]
Bezes (Philippe), « La “mission Picq” ou la tentation de l’architecte. Les hauts fonctionnaires dans la réforme de l’État » dans Olivier Nay et Andy Smith (dir.), Le gouvernement du compromis. Courtiers et généralistes dans l’action publique, Paris, Économica, coll. Études politiques, 2002, p. 111-147.
-
[19]
Commissariat à la réforme de l’État, Avant-projet de plan triennal pour la réforme de l’État, réforme n° 1.
-
[20]
Henri Guillaume, Guillaume Dureau, Franck Silvent, Mission d’analyse comparative des systèmes de gestion de la performance et de leur articulation sur le budget de l’État, rapport de synthèse, IGF, février 2000.
-
[21]
Pour une analyse de la progression de l’influence des consultants en France dans les réformes administratives jusqu’au début des années 1990 et pour une analyse de leur rôle aux États-Unis et en Grande-Bretagne, voir Saint-Martin (Denis), Building the New Managerial State. Consultants and the Politics of Public Sector Reform in Comparative Perspective, Oxford University Press, 2001 ; sur la période 1990-2000, voir Berrebi-Hoffmann (Isabelle), « Les multinationales du conseil », Sociologies pratiques, 2002, n° 6, p. 47-62 et Saint-Martin (Denis), « Le consulting et l’État. Une analyse comparée de l’offre et de la demande », Revue française d’administration publique, n° 120, 2006, p. 743-756.
-
[22]
Ibid. et Berrebi-Hoffmann (Isabelle), Grémion (Pierre), « Élites intellectuelles et réforme de l’État. Esquisse en trois temps d’un déplacement d’expertises », Cahiers internationaux de sociologie, vol. CXXVI, Janvier-Juin, 2009, p. 39-60.
-
[23]
Conférence de presse de Jean-François Copé, Audits de modernisation – plan de modernisations des achats, 17 octobre 2006.
-
[24]
Circulaires du Premier ministre no 5103/SG du 29 septembre 2006 et no 5163/SG du 13 juillet 2006.
-
[25]
Conférence de presse de Jean-François Copé, Audits de modernisation – plan de modernisations des achats, 17 octobre 2006.
-
[26]
Je remercie Patrick Le Lidec d’avoir attiré mon attention sur cet aspect. Ce point est développé dans Bezes (Philippe), Le Lidec (Patrick), « Transforming the Organizational Form of the French Administration in the 2000s : Debating Theoretical Perspectives », ECPR General Conference, 10-12 Septembre 2009, Potsdam, Panel on ‘Theoretical Perspectives on Government Organizations’– Section : Organizing Government : Theoretical and Empirical Perspectives.
-
[27]
Camdessus (Michel), (Prés.), Le sursaut. Vers une nouvelle croissance pour la France, Paris, La documentation française, 2004, p. 123-137.
-
[28]
Pébereau (Michel), Rompre avec la facilité de la dette publique : pour des finances publiques au service de notre croissance économique et de notre cohésion sociale / Commission présidée par Michel Pébereau, Paris, La documentation française, 2006, p. 92-97.
-
[29]
Saint-Martin (Denis), Building the New Managerial State, op. cit., p. 32.
-
[30]
Rapport d’activité 2007 de l’Inspection générale des finances, mai 2008.
-
[31]
Ingénieur des Ponts et chaussées, ancien élève de l’École polytechnique, François-Daniel Migeon a été choisi pour son expérience diversifiée et sa double culture publique et privée. Il fut en effet directeur de projet industrie (1999-2004) puis associé au sein du Cabinet de Conseil McKinsey & Company (2006-2007), chargé des grands programmes de transformation industrielle. Il est également un spécialiste du pilotage des grands projets publics, qu’il a notamment pu développer en tant que délégué à la modernisation de la gestion publique et des structures en 2004-2005. Il a ainsi fortement contribué à la définition des stratégies ministérielles de réforme et aux projets d’amélioration de la performance publique.
-
[32]
Innovation en charge des relations avec les usagers, Conseil pour l’accompagnement du changement et Projets en charge des gros chantiers interministériels comme l’administration électronique (les services en ligne), les technologies de l’information, l’amélioration de l’accueil.
-
[33]
La DGME : équipes et expertises au service de la transformation de l’État, février 2010.
-
[34]
Pierre-Alain Muet, député PS, rapporteur spécial de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, analysant le programme LOLF « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010 regrette « que le projet annuel de performances n’indique pas le montant des crédits alloués aux cabinets de consultants », Rapport n° 1946, Annexe n° 24, Gestion des finances publiques et des ressources humaines, p. 9.
-
[35]
C’est la thèse défendue par Denis Saint-Martin en termes de diffusion et d’usage des savoirs managériaux dominants. Cf. Saint-Martin (Denis), Building the New Managerial State, op. cit.
-
[36]
Voir, par exemple, Savoie (Donald J.), Thatcher, Reagan, Mulroney : In Search of a New Bureaucracy, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 1993.
-
[37]
Pour une perspective systématique, Bezes (Philippe), « Les rationalités politiques dans la réforme de l’État : le cas de la Cinquième République », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 56-4 bis, p. 54-74.
-
[38]
On emprunte ces deux notions à Stephen Skowronek dans le très riche ouvrage qu’il consacre aux présidents américains. Voir particulièrement son chapitre sur le pouvoir et l’autorité. Skowronek (Stephen), The Politics Presidents Make. Leadership from John Adams to George Bush, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1993, p. 17-32.
-
[39]
Grémion (Catherine), Profession : décideurs. Pouvoir des hauts fonctionnaires et réforme de l’État, Paris, Gauthiers-Villars, 1979.
-
[40]
Pour un essai d’analyse dans cette perspective, voir Bezes (Philippe), « Defensive vs Offensive Approaches to Administrative Reform in France (1988-1997) : the Leadership Dilemmas of French Prime Ministers », Governance. An International Journal of Policy, Administration and Institutions, 14, (1), 2001, 99-132. Voir également Rouban (Luc), « Réformer ou recomposer l’État ? Les enjeux sociopolitiques d’une mutation annoncée », Revue française d’administration publique, n° 105-106, 2003, p. 153-166.
-
[41]
Georges Pompidou, au contraire, autre héritier, bénéficie d’une forte légitimité au sein de l’UDR (il a mené l’UDR à la bataille électorale) et d’un capital politique plus important, lui qui a occupé pendant sept ans le poste de Premier ministre du général de Gaulle.
-
[42]
Pour le détail, voir Bezes (Philippe), Réinventer l’État, op. cit., p. 327-339.
-
[43]
Colliard (Jean-Claude), Les Républicains indépendants, Paris, PUF, 1972.
-
[44]
Bezes (Philippe), Réinventer l’État, op. cit., p. 391-400.
-
[45]
Nous développons ici l’argument présenté dans Bezes (Philippe), Le Lidec (Patrick), « L’hybridation du modèle territorial français. La réorganisation de l’administration territoriale de l’État et la Révision générale des politiques publiques », Revue française d’administration publique, ce numéro.
-
[46]
Le 24 septembre 2008, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, Éric Woerth, a confirmé la suppression du classement de sortie de l’ENA à partir de 2011.
-
[47]
Levy (Jonah), Skach (Cindy), « The Return to a Strong Presidency », in Cole (Alistair), Le Galès (Patrick), Levy (Jonah) eds., Developments in French Politics 4, Palgrave MacMillan, 2008, p. 111-126.
-
[48]
Nous reprenons ici des arguments plus longuement développés dans Bezes (Philippe), Le Lidec (Patrick), « Steering from the Centre in France in the 2000s. When Reorganizations meet Politicization », in Peters (B.G.) and Pierre (J.), Steering from the Centre, Toronto, University of Toronto Press, 2011 (à paraître).
-
[49]
Sur cette notion et ses diverses manifestations en France, Leca (Jean), « La « gouvernance » de la France sous la cinquième république : une perspective de sociologie comparative », dans D’Arcy (F.), Rouban (L.) dir., De la Cinquième République à l’Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 1996, p. 329-365 ; Eymeri (Jean-Michel), « Frontière ou marches ? De la contribution de la haute administration à la production du politique », dans Lagroye (Jacques) dir., La politisation, Paris, Belin, 2003, p. 47-77 ; Rouban (L.), « Politicization of the Civil Service in France : From Structural to Strategic Politicization », in Peters (Guy), Pierre (J.) eds., Politicization of the Civil Service in Comparative Perspective. The quest for control, Routledge, 2004 ; Bezes (Philippe), Le Lidec (Patrick), « French Top Civil Servants Within Changing Configurations. From Monopolisation to Challenged Places and Roles ? » in Page (E.C.), Wright (V.) dir., From the active to the enabling state. The changing roles of top officials in European Nations, London, Palgrave/MacMillan, 2007, p. 121-163.
-
[50]
Hood (Christopher), « A Public Management for all Seasons ? », Public Administration, 69 (1), 1991, p. 3-19.
-
[51]
Lowi (Theodore J.), « The State in Politics : The Relation Between Policy and Administration », in Noll (R.G.) ed., Regulatory Policy and The Social Sciences, Berkeley, University of California Press, 1985.
-
[52]
Baruch (Marc Olivier), Servir l’État français. L’administration en France, Paris, Fayard, p. 36-38 ; Descamps (Florence), « Administration consultative et administration active : le cas des comités d’économies et de réforme administrative de l’entre-deux-guerres », Revue administrative, n° 373, janvier-février 2010, p. 75-83.
-
[53]
En mai 1986, le ministre d’État, ministre de l’économie, des finances et de la privatisation, E. Balladur, et le ministre du budget Alain Juppé confient à Pierre Gisserot, inspecteur des finances, et Roger Belin, conseiller d’État honoraire, ancien président de la RATP, ancien secrétaire général du gouvernement, la rédaction d’un rapport d’études et de proposition sur les structures des administrations centrales et les organismes qui s’y rattachent. Pour une analyse plus développée de cette mission, cf. Bezes (Philipe), Réinventer l’État, op. cit., p. 314 et suiv.
-
[54]
Mission d’étude et de propositions sur l’allègement des structures des administrations centrales, 31 décembre 1986, document non publié.
-
[55]
Voir Massey (Andrew), Managing the Public Sector. A Comparative Analysis of the United Kingdom and the United States, Aldershot, Edward Elgar, 1993, p. 40-45 ; Goodsell (Charles T.), « The Grace Commission : seeking efficiency for the whole people ? », Public Administration review, 44, 1984, p. 357-374.
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[56]
Cf. Bezes (Philippe), Réinventer l’État, op. cit., p. 325-339. Voir également Chaty (Lionel), L’administration face au management, op. cit.
-
[57]
Sur l’action du CRE et ses effets, Bezes (Philipe), Réinventer l’État, op. cit., p. 400-420.
-
[58]
Pour le détail, Bezes (Philippe), « La “mission Picq” ou la tentation de l’architecte. Les hauts fonctionnaires dans la réforme de l’État », op. cit.
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[59]
Entretiens menés avec Patrick Le Lidec.
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[60]
Voir Aucoin (Peter), Savoie (Donald J.) dir., Gestion du changement stratégique. Leçons à retenir de l’examen des programmes, Centre canadien de gestion, 1998.
-
[61]
Voir par exemple, « La RGPP produit des résultats concrets », Conseil de la modernisation des politiques publiques, juin 2010.
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[62]
Christensen (Tom), Laegreid (Per), « Theoretical Approache and Research Questions », in Christensen (Tom), Laegreid (Per) eds., Transcending New Public Management. The Transformations of Public Sector Reforms, Hampshire, Ashgate, 2007, p. 1 et suiv.
-
[63]
Bogdanor (Vernon) ed., Joined-up Government, Oxford, Oxford University Press, 2005 ; Pollitt (Christopher), « Joined-up Government : A Survey », Political Studies Review, 2003, 1, p. 34-49.
-
[64]
Christensen (Tom), Laegreid (Per), « The Whole-of-Government Approach to Public Sector Reform », Public Administration Review, 67 (6), 2007, p. 1057-1064.
-
[65]
Light (Paul C.), The Tides of Reform, op. cit., p. 23.
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[66]
La LOLF, votée en 2001 et mise en œuvre à partir de 2006, introduit largement, mais tardivement par comparaison à d’autres États, des instruments néo-managériaux dans le contexte français (enveloppe globale, indicateurs de performance, forme d’engagement sur des objectifs, etc.).
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[67]
Voir Bezes (Philippe), Réinventer l’État, op. cit., p. 49 et suiv.