Au cours des quinze dernières années, les recherches en sciences sociales sur les migrations de saisonniers étrangers employés dans l’agriculture se sont multipliées [Michalon et Potot 2008 ; Morice et Michalon 2008 ; Crenn et Tersigny 2013 ; Eriksson et al. 2019]. Ces travaux ont privilégié une entrée par les populations migrantes, entendues comme une clé de voûte du capitalisme agricole [Tsing 2009 ; Eriksson et Tollefsen 2015 ; Bélanger et Candiz 2015 ; Kasimis et al. 2015]. Le travail saisonnier est, en effet, la condition indispensable au bon fonctionnement des cultures intensives délicates, et plus généralement à celui des filières agro-alimentaires qui sont devenues un système de relations industrielles transnationales [Eriksson et al. op. cit.]. Les saisonniers étrangers participent à ce que J.-P. Berlan appelle le « modèle californien » : la diversité des statuts et des contrats agricoles ainsi que la complexification des modes de recrutement répondent aux ajustements nécessaires des besoins en saisonniers en fonction de la saison (précocité, retard) et des conditions météorologiques. Elles illustrent la manière dont les principales entreprises externalisent les risques du recrutement et de l’emploi [Tsing op. cit.]. Longtemps restés en marge des études rurales [Hubscher et Farcy 1996], les saisonniers agricoles étrangers ont souvent été présentés comme des « oiseaux de passage » [Piore 1980] dans la littérature scientifique, et plus récemment caractérisés par leur précarité [Potot et Morice 2010 ; Diallo 2020] ou leur invisibilité [Mésini 2013]…