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Nous parlons de dérèglement du climat, comme s’il y avait une grande machinerie climatique sur laquelle nos ingénieurs pourraient se pencher et apporter leurs réglages. Mais il n’y a pas de thermostat. Les géosciences nous annoncent la modification probable de la trajectoire du Gulf Stream et des grands courants océaniques, sous l’effet de la fonte des glaces. Mais aucune technique n’aura la puissance de le détourner ou d’en dévier le cours, à l’image de ce que fit Hercule avec les écuries d’Augias. Si les humains sont devenus, géologiquement, une « force de la nature » en Anthropocène, leur force demeure bien modeste. Les sciences du vivant décrivent le déploiement probable et imminent d’une sixième extinction d’espèces, dont les grands mammifères terrestres (tigres, ours, éléphants, etc.) sont la tête de pont, masquant toute la biodiversité qui disparaît sans même que nous ne l’ayons un jour connue. Mais nous n’avons pas à notre disposition, bien que nous soyons entrés dans l’ère du vivant administré, un interrupteur qui pourrait, en un geste mécanique, éteindre ou allumer le flux lumineux et luxuriant des vivants. Le déclic du « oui » ou du « non », propre au commutateur, n’opère pas lorsqu’il s’agit de la montée puissante ou de la disparition massive et brutale des vivants, qui se déploie depuis des millions d’années. Nous voyons bien qu’une économie déconnectée d’une écologie, qu’une économie sans oikos, continuant de penser une croissance infinie – fût-elle verte – dans un monde fini, est une aberration et qu’il faudrait changer de « logiciel »…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 28/02/2022
- https://doi.org/10.3917/etu.4291.0065

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