Article
Face à la grande transition écologique et sociale, nous cherchons une prise. Alors que nous sommes débordés de toutes parts par ces enjeux si vastes, la résignation nous fait abandonner avant même d’avoir commencé à lutter. L’intériorisation de cette impuissance nourrit une anxiété et des passions tristes. Rien, vraiment, ne serait à notre portée ? Par où commencer ? N’est-ce pas ce à quoi répondent, inventives et gourmandes, des entreprises aussi diverses que les « cantines rebelles », les « marmites volantes », les épiceries solidaires, impulsant une véritable insurrection des assiettes ?
Les cantines rebelles, depuis les crèches, les cantines scolaires ou universitaires, jusqu’aux maisons de retraite et les Ehpad, trouvent dans la restauration collective un levier pour réparer le lien social et écologique. Parce que se nourrir est une expérience relationnelle – vivre de – qui lie les humains entre eux et à leurs territoires, un peu partout en France des cantines se rebellent contre la réduction de l’alimentation à un problème technique – ingérer des protéines, honorer des procédures. Inventive est cette rébellion qui travaille sur le cadre sonore, gustatif, paysager et sensible que garde en réserve le beau mot de « (se) restaurer », consciente de la justesse des circuits courts et des justes prix. Elle atteste d’ores et déjà que se nourrir est un soin.
Les épiceries solidaires inventent déjà la réponse à la prise de conscience des enjeux de la démocratie alimentaire : ceux de l’interdépendance systémique des acteurs sur un territoire dont les formules « de la fourche à la fourchette », « du grain au pain » sont le résumé ; ceux de l’attention aux plus fragiles…
Auteur

Philosophe, Université de Bourgogne, directeur de la chaire « Valeurs du soin ».
- Mis en ligne sur Cairn.info le 31/01/2022
- https://doi.org/10.3917/etu.4290.0067

Veuillez patienter...