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Devant les changements climatiques et les extinctions massives d’espèces, un mot s’est imposé pour dire ce temps : « Anthropocène ». Ce néologisme nomme ce désastre écologique tout en voulant rendre raison de ce qui a pu y conduire. Construit sur le grec anthropos (l’humain) et kainos (l’âge), il signifie littéralement « l’âge de l’humain ». Mais ce mot « Anthropocène » – pas un concept ! – prend-il simplement place dans la longue liste par laquelle les cultures et les sociétés tentèrent de dire la situation spirituelle d’une époque ? Ou bien opère-t-il un saut à la fois qualitatif et quantitatif, nouant de façon inédite l’histoire naturelle et l’histoire ?
En disant que « nous sommes en Anthropocène », que disons-nous ? Cette affirmation formule une ambition diagnostique. Elle appelle également une discussion polémique. Mot diagnostic, le mot « Anthropocène » traduit la mémoire superbe et douloureuse que la Terre garde du passage des humains. Ce néologisme mobilise le radical « cène » qui, en géologie, désigne les époques du cénozoïque, comme le Pléistocène ou l’Holocène. Mais aucun congrès international de géologie n’a pourtant introduit une nouvelle ère géologique. Pour les géologues, nous sommes toujours en Holocène. Pourtant, nous nous racontons comme étant en Anthropocène. Nous raconterions-nous des histoires, encourageant alors des positions climatosceptiques ? Mais il ne faut pas confondre controverses confrontant des arguments et idéologie sceptique refusant de les entendre…
Auteur

Philosophe, Université de Bourgogne, directeur de la chaire « Valeurs du soin ».
- Mis en ligne sur Cairn.info le 28/10/2022
- https://doi.org/10.3917/etu.4298.0063

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