CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« Ils doivent nous nourrir et nous élever. Et j’aime bien avoir des moments avec mes parents. S’ils font que nous nourrir et nous élever, une nourrice, elle peut faire la même chose ! »
Camélia
« Il faut qu’ils [les parents] soient disponibles, compréhensifs et qu’ils t’encouragent, te soutiennent. Il faut beaucoup d’amour et de complicité aussi. Voilà, c’est du boulot. »
Marie-Lou

1Dans une société prônant un modèle de l’individu autonome et indépendant, la construction de moments en commun est devenue difficile. En effet, en prenant appui sur Erving Goffman [1973 : 69], on note qu’une relation ne se noue que si les partenaires ont renoncé, provisoirement, à des territoires du moi : une relation ne peut exister que si et seulement si les interactants renoncent à des frontières personnelles pour s’ouvrir et constituer un territoire commun. Dans un contexte de valorisation de l’indépendance, un tel renoncement peut être vécu soit comme l’imposition d’une relation par l’un des partenaires, contraignant l’autre à l’ouverture, soit comme une atteinte à son intégrité personnelle. En conséquence, lorsque la société mise avant tout sur l’indépendance (paradoxale) de ses membres, cela a pour effet de déstabiliser les actions communes, le fait d’être ensemble, l’individu participant pouvant se sentir menacé par son renoncement. On l’observe dans le cadre de la relation conjugale : le modèle de la « relation pure » – élaboré par Anthony Giddens [1991] – insiste surtout sur ce qui autorise chacun des partenaires à rester soi-même. La revendication d’un monde personnel semble l’emporter sur l’élaboration d’un monde commun.

Les trois espaces-temps de la relation parent-adolescent

2Dans la relation entre les parents et les adolescents, il y a de fortes chances pour qu’agir ensemble, pour qu’être ensemble apparaissent encore plus comme des obstacles à l’épanouissement personnel. Pour deux raisons complémentaires. La première est le fait que l’adolescence est un âge autorisé, socialement et psychologiquement, pour que les jeunes prennent une certaine indépendance, expérimentent une certaine autonomie [1]. Ils apprécient donc avant tout de « sortir », de quitter l’espace domestique pour découvrir de nouveaux lieux, de nouvelles pratiques avec des jeunes de leur âge. Ils se sentent moins menacés dans leur revendication par l’imposition des normes propres à la jeunesse que par le rappel de leur statut de « fils de » ou de « fille de ». La seconde raison est l’existence d’une forte culture « jeune » dont un des principes constitutifs est la distance intergénérationnelle. Tout est fait pour que les parents ne comprennent pas la musique que les adolescents aiment afin que chacun soit dans son monde : les adultes avec la culture légitime, ou encore celle de leur propre jeunesse ; les adolescents avec leurs « sous-cultures ». Dans cette optique, l’entrée dans l’adolescence rend plus fragile la famille du fait que les temps communs ne sont pas au centre de ce groupe : à la fois parce que les enfants réclament de jouer avec leurs jeux, de regarder leurs séries, d’écouter leur musique, leur radio [Glevarec, 2005], et parce que les parents, soumis à une certaine psychologisation des relations, estiment qu’une telle distance est normale.

3Cependant, l’établissement et le maintien d’une relation ne constituent pas des menaces équivalentes pour l’indépendance individuelle. Les interactants peuvent d’une part renoncer plus ou moins volontairement à telle frontière personnelle pour un partage de territoire et, d’autre part, élaborer ensemble une pratique qui ne relève d’aucun des répertoires personnels antérieurs. Dans la relation conjugale [Singly, 2000], les conjoints apprécient d’autant plus une pratique commune qu’elle ne semble pas avoir été imposée par l’un ou l’autre, et qu’elle apporte une satisfaction aux deux. Dans la relation entre les parents et les adolescents, les temps communs appréciés par les jeunes relèvent d’une logique comparable à ceci près que la dimension d’autorité est plus prégnante. Un des enjeux de la construction des bons moments en famille sera, si la perspective de l’individualisation est fondée, de mettre entre parenthèses provisoirement l’inégalité de la relation entre les parents et les jeunes pour que le temps passé ensemble ne soit pas avant tout perçu comme l’expression d’un bon vouloir parental, d’un autoritarisme de la part du père ou de la mère, ou d’une imposition d’une culture légitime (scolaire ou non, éducative ou non). Les adolescents ne refusent pas les temps passés avec leurs parents. Ce n’est pas parce que ces moments ne sont pas l’objet de conversation avec leurs amis qu’ils sont peu importants. Ils sont appréciés à la condition que le groupe familial fonctionne d’une certaine façon. C’est à l’appréhension de cette condition que cet article est consacré, à partir d’une exploitation secondaire des entretiens du corpus principal des adonaissants et d’une enquête centrée sur les « bons » moments [Singly, 2006].
En schématisant, pour un adolescent, la vie passée sous le toit familial se déroule en trois types d’espaces-temps. Le premier correspond à ses pratiques non familiales, à ce que l’adolescent fait dans sa chambre, ou sur tel ou tel équipement de la maison [Singly, 2007]. Il est dans son monde, il se sent « chez soi » [2]. Le deuxième espace-temps est celui des activités communes, effectuées dans une ambiance telle que les rôles de parent et d’enfant soient le plus possible effacés. L’adolescent pense alors être « chez nous ». Et enfin le troisième espace-temps est celui des pratiques communes, mais où chacun reste à sa place. Le jeune estime être « chez ses parents ». Le deuxième et le troisième espace-temps se distinguent : dans un cas ce qui prime c’est « être ensemble », dans l’autre c’est « être en présence ».

La famille comme espace de coprésence

4Le sentiment d’être « chez ses parents » naît lorsque les parents organisent la vie de famille non seulement en rappelant des règles précises, mais aussi en donnant l’impression à l’adolescent de le considérer peu ou mal. Ces moments communs se définissent comme un espace-temps où les membres de la famille sont co-présents. Ce qui se joue entre les deux types de « temps commun » relève de la reconnaissance. Le jeune qui revendique indépendance et autonomie ne refuse pas pour autant de communiquer avec ses parents. Il demande à être validé par eux (au sens de Peter Berger et Thomas Luckmann [2006]) pour des éléments de sa vie qu’il estime être les plus significatifs. C’est sur ce point que se créent de nombreux malentendus.

Contre la réduction identitaire

5Bien des parents semblent percevoir – c’est en tout cas la vision des jeunes – leur enfant sous les traits de l’élève. Responsables et inquiets de l’avenir, ils leur rappellent en permanence cette projection temporelle. Témoin, la vie de Christophe (11 ans, 6e, père cadre, mère professeure de tennis), fortement marquée par son travail scolaire et une multitude d’activités extrascolaires, en lien aussi avec le collège. C’est un « petit soldat » qui a toutes ses activités consignées dans un emploi du temps accroché au-dessus de son bureau. Sa mère en est l’organisatrice. Christophe a du mal à trouver du temps libre dont il aurait la maîtrise. S’il n’a pas de devoirs à faire à la maison, ses parents se chargent de lui en donner : « Avec mon père, par jour, je révise les maths, tout le temps, tout le temps, tout le temps, tous les jours, tous les jours, un quart d’heure par jour. » Sa mère, quant à elle, lui fait réciter ses cours, qu’il apprend par cœur. Elle lui fait également travailler les autres matières et notamment l’allemand. La pression parentale sur sa scolarité est forte et même son temps de repos semble réduit. Il raconte : « Après ma douche, j’ai ma soirée de travail. Des fois, c’est jusqu’à neuf heures. Je mets beaucoup de temps. Tous les jours, faut que je me lève très, très tôt, et j’essaie de me coucher de plus en plus tôt, mais j’y arrive pas. » Son emploi du temps est déterminé pour la semaine comme pour le week-end : « Il y a des fois, où, le vendredi, elle fait un emploi du temps pour le samedi et le dimanche. Elle met “t’as piano, après tu me fais une heure d’allemand, tu te reposes, tu révises un peu ton français et tes maths. Après, tu joues un petit peu, après tu revois un peu ton piano, après on mange et t’es tranquille”. Elle fait comme ça. » Le piano, qui pourrait être davantage une activité moins contraignante, est lui aussi placé sous le sceau du travail et de l’effort. Christophe accepte cet état de fait, sans révolte, mais sans engagement personnel de sa part. Il se sent réduit à l’état d’élève devant réussir.

6Jessica (12 ans, 5e, parents cadres) ressent la même chose, mais elle exprime tout haut son rejet d’une telle réduction identitaire. Elle a des difficultés scolaires en cinquième, aussi demande-t-elle de l’aide à sa mère : « Quand je ne comprends pas, ma mère vient m’expliquer. Là, elle vient tout de suite parce que j’ai l’impression que pour elle [sur un ton moqueur] l’école, j’ai l’impression que c’est toute sa vie. Elle me gonfle avec ça. Je dirais même qu’elle me soûle. Ma mère, j’ai l’impression que moi, quand elle me parle, c’est que pour l’école, c’est qu’en rapport avec ça. J’ai l’impression qu’elle est obsédée par ça. Je voudrais qu’elle arrête de toujours penser à ça. » Jessica ne comprend pas que sa mère ne la voie que sous les habits d’élève alors qu’elle, en s’habillant en noir et en gothique, montre que d’autres dimensions de sa vie importent.
La coprésence est vécue par le jeune comme une forme de cohabitation où les adultes refusent de prendre en compte la totalité de son existence. Une des difficultés réside dans le fait que les jeunes veulent avoir leur monde, si possible un monde dont ils ont dessiné les contours, tout en souhaitant que leurs parents reconnaissent ces tentatives de définition. Le souci de la scolarité constitue un obstacle assez fréquent dans la construction de temps communs agréables, il engendre une divergence dans la définition du jeune.

Contre la trop forte hiérarchisation interne au groupe familial

7Les jeunes n’apprécient pas certains moments communs avec leurs parents pour une deuxième raison : lorsqu’ils ont l’impression que la réunion de famille sert surtout les intérêts des adultes. C’est ainsi que François (10 ans, 6e, père directeur de stratégie, mère cadre) juge les repas en famille. Dans la semaine, c’est l’éclatement. Pour le dîner, « dans l’ordre : maman et moi, on dîne. Antoine et Thomas [ses frères] dînent. Papa dîne. On ne mange jamais ensemble ». Aussi, pendant le week-end, la règle de ne sortir de table qu’ensemble lui semble arbitraire : « On doit attendre l’autre, on doit tous sortir ensemble. C’est pour ça que je mange plein de fruits. Papa prend son temps. Alors, pour passer le temps, je mange des fruits. » François a trouvé le moyen d’adoucir cette contrainte, ce qui n’est pas le cas de ses frères : « Ils n’aiment pas les fruits donc ça pose un problème. » L’« être ensemble » semble n’être imposé que par le bon vouloir du père, absent dans la semaine. Christophe (11 ans, 6e, père cadre, mère professeure de tennis) est aussi critique des temps communs car ils dépendent trop du bon vouloir de la mère. Pour cet adolescent, sa mère cherche à ménager des temps personnels ou conjugaux, le temps familial ne venant qu’ensuite. Ainsi, le dimanche matin avant de partir donner ses cours, sa mère fait tout pour « essayer de le faire dormir le maximum » et jouir d’un petit déjeuner solitaire. Christophe réclame plus, sans parvenir à être suffisamment écouté : « Tout le temps, je suis là “maman, maman, maman”. Toutes les cinq minutes, je lui parle tout le temps et puis, il n’y a que le soir où elle ne veut pas que je lui parle, elle veut parler avec mon père. Comme je la vois toute la journée… Puis, après, elle en a marre, donc le midi, elle voudrait que je ne parle pas. Donc, je mange tout seul. Enfin, pas tout seul, je parle avec mon frère, des fois. Et puis, ma mère parle avec mon père. » Malgré un discours un peu confus, on comprend qu’il n’est pas satisfait des repas qui ne sont pas des moments d’échange : « De quoi on parle ? Ça, c’est vraiment… Ils parlent de leurs trucs. »

8Les adolescents ne veulent pas être traités comme des « petits », comme des individus qui ne sont pas capables de suivre une conversation avec des « grands ». Par exemple, Léna (12 ans, 5e, père gérant d’un garage, mère secrétaire) reproche à ses parents une absence d’attention liée, selon elle, au fait qu’elle soit considérée comme petite : « Des fois, je lui [à son père] demande aussi comment s’est passée sa journée de travail. Mais à vrai dire, mes parents pensent qu’un enfant ne comprend pas les choses. Qu’il n’y a que les adultes qui peuvent comprendre. Souvent mon père ou ma mère me dit, “tu ne peux pas comprendre, tu n’es qu’une enfant”. » Malgré ses tentatives, Léna ne réussit pas à avoir une place suffisante dans les discussions : « Quand mes parents parlent entre eux et que je veux parler avec eux, ils me disent que c’est des problèmes de grandes personnes. […] Et moi, je ne suis qu’une petite fille, comme disent mes parents. » Ce soulignement de la différence générationnelle assimile, au regard de l’adolescente et de l’adolescent, la famille à un groupe avant tout hiérarchisé.

9Or pour le jeune, pendant le temps commun, le groupe doit être rassemblé sans que prédominent les différences. La famille doit reposer sur une certaine unité, ce qui exige un certain respect. Pour Marie-Lou (12 ans, 6e, père pharmacien, mère enseignante), ce n’est pas le cas chez elle. Elle trouve que son père fait comme s’il ne la voyait pas, privilégiant sa plus grande sœur, et que cette indifférence, perceptible, nuit à l’unité du groupe, gâche le temps commun. Son père, pharmacien, rentre souvent tard. Marie-Lou lui reproche de les négliger. Le vendredi soir, son père rentre un peu plus tôt : « C’est un jour spécial. C’est shabbat et on prend un repas tous en famille. Au début, c’est toujours bien, on mange bien, on rigole. C’est le début de la fête et puis ça se termine toujours en dispute. » La jeune fille précise les raisons de cette dégradation : « Au début, tout le monde discutaille. Mon père demande à ma sœur comment se sont passés ses tp [travaux pratiques] ou je ne sais quoi. Moi, en général, on ne m’écoute pas. […] Oui, il ne m’écoute pas ! Je lui parle et puis après il pose une autre question à Alicia [sa grande sœur]. Il me dit qu’il ne peut pas parler aux deux en même temps. D’accord, mais bon ! Ma mère, elle me défend et voilà. Après ma sœur et mon père ne sont pas d’accord. Alors là, ça y est, ils se disputent. Ça s’emporte, ça s’énerve. Mon père se lève et il part, énervé. Ou le contraire, c’est ma sœur. Là, le repas est fini. » Le lendemain, nouvelle tentative mais là, avec un goût d’inachèvement : « Le repas s’interrompt quand mon père se lève un peu plus tôt de table pour aller dormir. Il est fatigué de sa semaine, mon père » ! Dans ce récit, apparaissent deux conditions nécessaires pour qu’un moment commun soit réussi : le fait que les parents soient disponibles – l’adolescent souligne souvent qu’en semaine les parents sont trop fatigués – et le fait que les membres du groupe soient reconnus, sans un respect de la hiérarchie des tailles (symboliques autant que physiques) : il n’y a ni « petits » ni « grands ». Le père qui interrompt un des seuls moments de la famille au nom de sa sieste montre qu’il n’attache pas lui-même un grand prix à ces temps de partage, préférant son confort personnel.
Des inégalités se jouent entre les parents et les enfants, ou à l’intérieur de la fratrie. Elles tendent à créer un rapport distant aux pratiques communes de la part de l’adolescent. Chez Léna, la télévision est constitutive des temps communs, et le choix des programmes n’est pas fixé par discussion, mais selon un droit d’aînesse. La dernière fois que les enfants et leur mère ont mangé ensemble, c’était devant le journal de tf1, choix de la mère. Léna explique : « Je déteste mais je n’ai pas le choix. » La veille au soir pendant que sa mère préparait le repas dans la cuisine, Léna et son frère regardaient la télévision. Elle voulait regarder Star Academy et son frère, le programme de M6. Or, c’est à lui que revient le choix du programme, cela énerve Léna car sa mère le soutient : elle « est toujours du côté de mon frère, car c’est lui le plus grand ». De plus, pendant que son frère regarde « son » programme, elle doit mettre la table à la demande de la mère. Quand Léna proteste, refusant de le faire : « Ma mère le dit à mon père et il me met une claque, et il me gronde. » L’inégalité de l’âge et l’inégalité de genre engendrent un tel degré de contrainte pour Léna que ces temps ne sont qu’en apparence communs. Pour que ces derniers aient du sens, ils ne doivent pas être vécus sous le mode trop exclusif de la contrainte, du « je suis obligé ». La participation à la vie de famille requiert donc un degré de liberté dans l’engagement, associé à un affaiblissement des différences de statut au sein du groupe. Être « chez ses parents » trahit une conception de la famille comme espace d’assignation, comme espace de respect au sens des différences hiérarchiques, comme espace éducatif. Ce n’est pas illégitime pour les adolescents que les parents soient « parents » et eux avant tout « enfants », mais l’accent mis sur les places et les rôles rend difficile la naissance du sentiment de convivialité.

La famille comme groupe

10Le passage du sentiment d’être « chez ses parents » au sentiment d’être « chez nous » dépend d’un mode spécifique de reconnaissance des membres de la famille les uns par les autres [3]. La famille, même moderne, ne fonctionne pas toujours sous le mode démocratique [Fize, 1990] : à certains moments, on le voit avec les exigences scolaires, les parents se situent très explicitement dans un rapport inégal avec leurs enfants, alors qu’à d’autres moments, ils se comportent différemment. Il ne s’agit pas, pour autant, d’une indifférenciation des individus, il s’agit d’une possibilité pour chacun de s’affirmer autrement que par la place dans la famille.

Une reconnaissance personnelle

11Dans les termes de la représentation sociale de l’identité personnelle, chacun peut être alors reconnu pour ce qu’il est, pour ce qu’il a envie d’affirmer de lui-même. L’« être ensemble » traduit ces temps d’attention, si possible, réciproque. François (10 ans, 6e, père directeur de stratégie, mère cadre) se souvient de ce qui lui semble être sa première reconnaissance personnelle par sa mère : « Ça remonte à six ans, j’avais quatre ans. Avec des petites voitures et j’étais en train de jouer et elle [sa mère] m’a demandé : est-ce que ça me plaît ? C’était la première fois que j’entendais cette question. Donc, j’ai adoré ce moment. » Il se remémore aussi un moment avec son père : « Je crois que ça remonte à cinq ans. Je ne connais pas par cœur les paroles. En fait, il revenait d’Allemagne depuis une heure et il m’avait raconté tout ce qu’il avait fait et, en fait, j’aime beaucoup ce que font les étrangers. Il m’avait parlé de l’école d’un pays étranger, une école de l’Allemagne et donc je m’étais extrêmement régalé. » Le fait que son père lui raconte son voyage est perçu comme un signe qu’il est pris au sérieux, qu’il est un interlocuteur intéressant, et pas seulement un « petit ». François s’en souvient d’autant plus que ces bons moments ne sont pas fréquents : « C’est rare que ce soit intéressant. C’est assez rare qu’il me raconte des trucs à lui et pas en famille, rien qu’à moi et c’est encore plus rare que ce soit intéressant. » La demande d’une prise en considération personnelle – plus sensible chez les jeunes, les parents pouvant l’avoir au sein de la relation conjugale – tend à définir les contours de la réunion familiale à une fraction du groupe : l’attention interpersonnelle est plus forte dans les échanges à deux. Les souvenirs de François sont représentatifs à ce niveau, c’est en face à face avec son père, avec sa mère, et non lors d’un repas de famille qu’il se sent reconnu à titre personnel.

12Ce fractionnement familial permet de nouer des relations interpersonnelles entre un adolescent et un de ses parents. Généralement le jeune est sensible à cet « entre-soi ». Témoin, Valérie qui pendant les vacances accompagne son père dans ses visites d’églises et de musées, la mère n’étant pas intéressée. Valérie est heureuse de se retrouver seule avec son père : « C’est pas mal, ça me fait plaisir que mon père sache que je m’intéresse à ça, même si des fois, c’est pas vrai. » Le souci d’authenticité s’efface devant le plaisir d’être avec.

Une ambiance tranquille

13Cependant l’« être ensemble » n’est pas fonction seulement de telles conditions psychologiques ; il naît d’un fonctionnement du groupe familial tel que la hiérarchie des âges semble provisoirement être mise entre parenthèses. Les bons moments sont ceux pendant lesquels la famille est « cool », pendant lesquels chacun fait tout pour se sentir avant tout membre du groupe. On n’est pas d’abord « fils de » ou « fille de », on n’est pas d’abord « père » ou « mère ». Ces temps ne peuvent pas suivre immédiatement les moments de la simple cohabitation familiale. Les adolescents insistent sur la fin de semaine : pour eux, leurs parents parviennent à ne pas être seulement « parents » lorsqu’ils sont dégagés des soucis des autres rôles, notamment professionnels.

14Au sens strict, le temps doit être « libre ». Fanny (12 ans, 6e, père administrateur de biens, mère au foyer) décrit bien cette ambiance particulière qui rend la famille aimable. Le samedi après-midi précédant l’entretien, en famille, ils ont fait des courses. Ensuite, « on a été goûter chez Paul, on a pris des friandises. Ensuite, on est retournés à la maison… J’étais en trottinette. On s’est arrêtés pour acheter des clopes pour maman, puis à la boulangerie, voilà. Ensuite, papa, nous a préparé le soir un très bon dîner. On a dîné tous les quatre, sur cette table, ensemble. » Pendant le repas, son père, chasseur, demande à Fanny si elle veut l’accompagner le lendemain. Elle préfère l’accompagner le week-end suivant. Après le repas, tout le monde débarrasse. Ce soir-là, un rallye est organisé par une cousine, sur une péniche. Fanny n’y va pas, étant enrhumée. Sa mère décline aussi l’invitation. Le père et le fils partent donc pendant que la mère et la fille regardent un peu la télévision. Ensuite, souligne Fanny : « Ma mère m’a ramenée dans mon lit. Elle m’a fait un bisou. Cette fois-ci, c’est elle qui a fermé mes volets. » Le dimanche, grasse matinée familiale : « On a parlé, je suis allée dans leur lit et tout ça. On a parlé de l’emploi du temps, enfin de ce qu’on allait faire aujourd’hui. Maman était un peu fatiguée donc on a déjeuné tranquillement. » Le dimanche après-midi, sa mère reste à la maison, son frère aussi devant son ordinateur. Fanny part avec son père faire du vélo, accompagnés par le chien : « On a fait du vélo. C’était cool, on a rigolé. On a fait un petit peu les fous… » Le dimanche se termine : « On a dîné encore, tranquillement. Puis, je me suis couchée tôt parce que j’avais école le lendemain. » Le « tranquillement » désigne cet abandon provisoire du primat des rôles, des places et autorise la conscience d’être ensemble. La télévision, ou le jeu, sont des activités qui permettent aussi cette prise de conscience.

15Lorsque Fanny évoque les dernières vacances, elle souligne que la vie commune en famille repose sur le temps qui passe agréablement, « sans prise de tête » : « On allait à la plage tous les jours, on allait en ville faire les courses, on mangeait tout le temps ensemble, on faisait bronzette. […] On faisait du surf, de la planche. Donc, c’était bien, on était toujours collés. On mangeait ensemble, on allait à la piscine de l’hôtel ensemble, on allait en ville ensemble. » Ce qu’elle apprécie, c’est le fait que les frontières entre activités pour enfants et activités pour adultes, entre horaires pour les petits et horaires pour les grands soient levées. Fanny rappelle toutefois qu’« être collé » peut mener à l’ennui, à la routine comme à d’autres moments. La félicité familiale n’est jamais garantie.
À cette tranquillité, doit s’ajouter si possible le fait de rire, de pleurer, d’éprouver des émotions ensemble. Ainsi Fanny apprécie de regarder avec sa mère Caméléon [série télévisée] : elles « stressent bien devant ». La télévision, les séries, les films peuvent jouer un rôle important dans la fixation de moments communs. Pour Damien (13 ans, 5e, père vigile, mère secrétaire), c’est avec sa mère que se noue une relation privilégiée. Ils regardent ensemble une série sur France 3 : « C’est Plus belle la vie, ça commence à huit heures vingt. Je la regarde qu’avec ma mère. Mon frère, il regarde un manga sur mcm, parce qu’il aime pas ce genre de série et tout ça, il trouve ça bête. Mon père aussi regarde un manga sur mcm mais pas avec mon frère, il regarde dans son coin. On a trois télés, en fait. Donc, il regarde dans le salon et nous on regarde Plus belle la vie dans la chambre de ma mère. » Il aime bien ces moments « parce qu’on rigole ensemble, on fait des réflexions. On parle que sur la série en fait ». Il regarde souvent les films avec sa mère, la proximité des goûts favorisant les rapprochements. Mais deux autres conditions sont nécessaires. Il faut avoir voix au chapitre dans la programmation et ne pas être contraint de rester. L’accent est mis sur la liberté, sur le fait que le lien interpersonnel renvoie à une certaine électivité : Damien précise que ce n’est pas pour faire plaisir à sa mère qu’il regarde le film avec elle – « Quand j’aime pas un film, je vais me coucher » – et que parfois il choisit le programme – « Ça arrive quand ma mère n’a pas d’idées sur ce qu’elle a envie de regarder. Alors je regarde ce qu’il y a d’intéressant, je mets quelque chose et comme on a les mêmes goûts, souvent, ça lui plaît ! ».

La recherche d’une culture commune

16La très grande majorité des collégiens et des lycéens vivent dans leur monde [Pasquier, 2005], différent de celui des adultes. La dimension de l’âge, de l’appartenance à leur classe d’âge, est structurante pour eux. Ils peuvent apprécier que de temps en temps leurs parents entrent dans ce monde, et comprennent ainsi en quoi leur enfant n’est pas seulement leur enfant. Dans les entretiens, quelquefois ils se moquent des efforts que leur père ou leur mère font pour participer provisoirement à la culture jeune et qui aboutissent à des erreurs d’interprétation. Le risque de l’empiétement, énoncé en début d’article en se référant à Goffman, se situe là ; il ne faut pas que les parents entrent trop aisément dans ces territoires personnels. La porte est entrouverte, au moment de la négociation des cadeaux à Noël par exemple [Ozout, 2008], mais elle doit être le plus fréquemment fermée.

17C’est donc sur autre chose que le sentiment d’être ensemble prend naissance, avec la création d’un territoire partagé. Il existe une culture commune aux parents et aux adolescents, peu visible à l’extérieur de la famille [4] : les jeunes ne se prévalent guère de ce partage. À l’extérieur ils mettent en scène avant tout leurs marques d’indépendance et d’autonomie. Cette culture est peu légitime puisqu’elle ne repose pas – le plus souvent – sur des pratiques culturelles reconnues ; en effet celles-ci sont perçues soit comme scolaires, utiles pour les études, soit comme appartenant au monde des plus âgés. Le monde partagé ne doit idéalement renvoyer ni à la culture jeune, ni à la culture légitime, ni à la culture des adultes. Il se construit par essais et erreurs, par la mise en lumière du plus grand dénominateur commun. C’est Pauline, une « adonaissante », qui exprime le mieux cette construction en évoquant les bons moments ensemble. Mentionnant les films du dimanche soir, elle affirme : « Les James Bond, ah ! les James Bond on les a tous vus plusieurs fois, c’est pas, enfin, moi j’aime pas, enfin, si, j’aime bien, ça me dérange pas de regarder, mais c’est pas mes films préférés mais ma famille, elle adore ! » Cette jeune fille fait référence à l’oscillation identitaire entre le sentiment du « chez soi » et le sentiment du « chez nous » : ce n’est pas au même titre que les pratiques sont appréciées ou non. Pauline est heureuse d’être, à certains moments, membre de sa famille, d’être avec, et, à ce niveau, elle apprécie James Bond. Mais si c’est elle qui choisit vraiment le film, elle choisit autre chose. Le commun, dans la relation entre l’adolescent et ses parents, comme dans la relation conjugale, ce n’est pas toujours le partage de ce qui est le plus personnel, c’est l’élaboration progressive de références communes [5], du fait d’avoir été discutées ensemble. À propos de la télévision, Karim (11 ans, 6e, père retraité, mère au chômage) souligne la place des commentaires dans la construction d’un monde partagé : « On la regarde et on rigole, ma mère aussi. Mais, quelquefois, quand c’est marrant, marrant, euh, voilà, c’est bien, on retient une phrase et quelquefois, on la répète après entre nous… Quelquefois, quand y a des choses dans Super Nanny par exemple, et bah des fois on dit, “ça, c’est comme ma petite sœur”, “c’est comme Fatima” et des fois, on dit “ça, c’est bien, c’est des bonnes méthodes” et tout. On parle de la télé, en fait. »
Pas plus que l’objectif de la culture commune familiale n’a pour fonction d’élever le niveau des uns et des autres, pas plus les conversations – temps décisifs selon [Peter Berger et Hans Kellner, 2007] dans la construction d’un monde commun – n’abordent-elles des sujets sérieux. En effet, l’expression « parler de tout et de rien » est récurrente dans les entretiens. Évoquant les matins des vacances, Léna souligne ce trait – « Généralement je me lève vers dix heures avec toute ma famille… J’aime bien ces moments… et on peut parler de tout et de rien ». Mélodie prend le même critère comme preuve des bonnes relations familiales : pendant les repas, « [on parle] de tout et de rien. On rigole souvent en fait ! C’est pas parce qu’on est à table, qu’on ne parle pas. Il y a une bonne ambiance. Des fois, quand il y a des choses qui se passent en cours et que ça me fait rire, alors je raconte à mes parents et ça les fait rire aussi ». Elle peut parler de sa vie qui ne se réduit pas aux études. Elle puise dans sa journée des histoires qu’elle fait partager à ses parents, leur permettant par là même d’accéder à une partie de ses journées qui se déroulent en dehors de la maison, tout en veillant à protéger certaines choses qui se passent avec ses amis. Le « tout et rien » indique des échanges où les uns et les autres peuvent parler d’eux-mêmes sans enjeu important : « On échange des banalités, on raconte nos journées », souligne Marie. Banalité ne se confond pas avec ennui, cela désigne plutôt une tonalité où la vie quotidienne sert de principe égalisateur entre les membres du groupe familial. L’écoute n’a pas pour fonction – à la différence des questions rituelles sur les cours, les examens – le contrôle parental, elle est signe d’un respect réciproque ; elle reconnaît que chacun a sa vie propre et qu’elle est mise en partie en commun.

Rester à sa place et prendre sa place

18Dans la formation de l’être ensemble, chacun est reconnu dans ses spécificités individuelles tout en contribuant à la création d’une convivialité familiale. Chaque individu doit alternativement se sentir lié aux autres comme membre du groupe et se sentir reconnu comme personne, c’est-à-dire comme ayant une autre vie ailleurs. Le « rester à sa place » de « fils de » ou de « fille de » – plus sensible dans les temps de coprésence, de coexistence domestique – n’interdit pas, si certaines conditions sont respectées, le « prendre sa place », toute sa place dans le groupe. La vie familiale est, devrait être, une alternance entre des espaces-temps différents : des espaces-temps plus grands d’autonomie (pendant lesquels l’adolescent cherche sa place dans d’autres mondes), des espaces-temps pendant lesquels l’adolescent continue à être éduqué par ses parents, c’est-à-dire à vivre dans un monde régi selon le principe hiérarchique, et enfin des espaces-temps pendant lesquels le jeune peut participer au groupe familial, sous un mode plus égalitaire. En fonction des histoires familiales, des positions éducatives, le dosage entre ces espaces-temps varie.

19Mais pour que la famille reste attractive au regard des adolescentes, des adolescents, l’existence des trois temps est indispensable. Lorsque l’adolescent n’a pas le sentiment d’être considéré à certains moments comme partenaire et interlocuteur, il supporte nettement moins les moments où c’est sa place de « fils de », de « fille de » qui le définit. Chacun de ces temps renvoie à un apprentissage différencié : apprendre à être soi-même, apprendre en tant que « fils de » ou « fille de », apprendre à vivre dans un collectif. Si les bons moments en famille relèvent, dans l’imaginaire des adolescents, du troisième apprentissage, ils n’impliquent une dévalorisation ni des bons moments passés dans sa chambre, dans son monde, ni des moments où chacun reste à sa place. ?

Notes

  • [1]
    Sur le modèle de l’expérimentation [Galland, 2004].
  • [2]
    Sur les trois formes de « chez » [Ramos, 2002].
  • [3]
    Les types de reconnaissance, énoncés par Honneth [2000], ne permettent pas de rendre compte de la relation parent-adolescent.
  • [4]
    Notamment pendant les enquêtes auprès de jeunes, si celles-ci se déroulent dans l’univers scolaire ou dans le cadre d’un entretien collectif.
  • [5]
    Et support de la mémoire commune [Muxel, 2005].
Français

Résumé

À l’adolescence, les moments de partage familial dans la vie quotidienne sont marqués par une tension. D’une part, ces moments sont sous la contrainte des règles parentales qui régissent la vie commune. D’une certaine manière, les jeunes gens doivent rester à leur place et les relations s’inscrivent dans une hiérarchie parents-enfant. D’autre part, les temps communs peuvent aussi être des instants de reconnaissance de l’individualité du jeune par les parents et se définissent comme des moments de convivialité familiale. Dans cette situation, le jeune a sa place. Il est partie prenante d’une relation qui repose davantage sur une conception égalitaire. Comprendre cette dualité des temps communs, c’est appréhender les conditions du « libres ensemble » de la famille avec adolescent.

Mots-clés

  • famille
  • culture commune
  • convivialité
  • reconnaissance
  • adolescence
Deutsch

Zusammenfassung

In der Phase des Erwachsenwerdens ist der Familienalltag von Spannungen geprägt. Denn einerseits steht das Zusammenleben im Zeichen der elterlichen Regeln, d.h. die heranwachsenden Jugendlichen bleiben in der Eltern-Kind-Hierarchie an ihren kindlichen Platz ; andererseits kann die gemeinsam verbrachte Zeit aber auch im Zeichen der Anerkennung der Individualität der Jugendlichen durch die Eltern stehen und so als angenehmes familiäres Zusammensein definiert werden. Tritt diese Situation ein, so hat der Jugendliche seinen eigenen Platz eingenommen und ist den Erwachsenen gegenüber gleichgestellt. Die hier untersuchte Dualität der gemeinsam verbrachten Zeit zeigt die Bedingungen auf unter denen sich das „freie Zusammensein“ von Familie und heranwachsendem Jugendlichen abspielt.

Stichwörter

  • Familie
  • Gemeinsame Kultur
  • Angenehmes Zusammenleben
  • Anerkennung
  • Phase des Erwachsenwerdens

Références bibliographiques

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François de Singly
cerlis – Université Paris Descartes – cnrs
Faculté des sciences humaines et sociales de la Sorbonne
45, rue des Saints-Pères
F-75270 Paris cedex 06
francois@singly.org
Elsa Ramos
cerlis – Université Paris Descartes – cnrs
Faculté des sciences humaines et sociales de la Sorbonne
45, rue des Saints-Pères
F-75270 Paris cedex 06
elsa.ramos@free.fr
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/ethn.101.0011
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