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Réfléchies, apaisées, passées au crible de la raison, débattues sur la place publique, les colères peuvent être de bon conseil. Ancienne rédactrice en chef d’Esprit, Alice Béja est actuellement maîtresse de conférences en civilisation américaine à Sciences Po Lille. Elle examine la prégnance du stéréotype selon lequel les Noirs américains seraient particulièrement en colère.Alice Béja – En 2015, au traditionnel dîner des correspondants de presse de Washington, Barack Obama était accompagné du comédien Keegan-Michael Key, qu’il a présenté comme « Luther, mon traducteur de colère ». Tandis que le président prononçait un discours convenu, Luther traduisait sa pensée en invectives, invitant le public à « serrer [ses] petites fesses blanches », suggérant ainsi que le calme traditionnel d’Obama masquait sa colère face aux dysfonctionnements de la démocratie américaine. À la fin du sketch, abordant la question du changement climatique, Obama a repris la main, exprimant toute son indignation vis-à-vis de ceux qui remettent en question la réalité du phénomène.
Sous ses dehors comiques, cette intervention manifeste la prégnance, dans la société américaine, du stéréotype de l’« homme noir en colère », dont Obama n’a cessé de se distinguer, comme lorsqu’en 2008, il avait pris ses distances face à son ancien pasteur, Jeremiah Wright, dont les déclarations sur la responsabilité des États-Unis dans les attaques du 11 septembre 2001 avaient fait scandale.
Dans les sociétés démocratiques, certaines colères sont perçues comme l’expression légitime de doléances politiques, d’autres comme des débordements risquant de mettre en péril le système…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 09/03/2016
- https://doi.org/10.3917/espri.1603.0232

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