Notre rapport à la nature a atteint un point de rupture qui requiert une manière responsable d’habiter la Terre. L’anthropologie peut nous apprendre à considérer les milieux de vie comme titulaires de droits, dont les hommes ne seraient que les mandataires, et à leur accorder une représentation politique.
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Dans une lettre à Schiller, Alexandre de Humboldt définissait l’objet de sa recherche comme l’étude de « l’habitabilité progressive de la surface du globe », qu’il entendait comme la façon dont les humains avaient peu à peu transformé leurs environnements pour les plier à leurs usages et former des écosystèmes au sein desquels ils étaient devenus des forces décisives. S’il voyait la Terre comme un grand organisme vivant où tout est connecté, anticipant ainsi l’hypothèse Gaïa de Lovelock, il était clair aussi pour lui que les hommes étaient partie prenante de cet organisme et que, de ce fait, l’histoire naturelle de l’homme était inséparable de l’histoire humaine de la nature.
Pourtant, deux siècles plus tard, la question qui se pose avec urgence est : comment avons-nous enclenché un processus qui va rendre la Terre, non pas de plus en plus, mais de moins en moins habitable, et comment faire pour enrayer ce mouvement ? Que s’est-il passé entre le constat optimiste de Humboldt que toutes les forces de la nature – dont les humains – sont entrelacées et l’évidence de plus en plus manifeste que ce qui ne s’appelait pas encore à son époque l’anthropocène est devenu le symptôme et le symbole d’un terrible échec de l’humanité ?
Il s’est passé au moins deux choses : d’abord que l’anthropisation de la Terre qu’observait déjà Humboldt a atteint un seuil critique dans des domaines qu’il n’avait pas prévus – le réchauffement global, l’érosion de la biodiversité, l’acidification des océans et la pollution des eaux, des airs et des sols…
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Professeur au Collège de France, dans la chaire d’anthropologie de la nature. Cet article est le texte de la conférence inaugurale du colloque « Comment penser l’anthropocène ? » organisé par Philippe Descola et Catherine Larrère.
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 04/12/2015
- https://doi.org/10.3917/espri.1512.0008

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