1 Depuis 2015, l’Europe fait face à ce que les médias et les responsables politiques appellent la « crise migratoire », autrement dit l’arrivée de milliers de migrants fuyant des régimes autoritaires, des conflits militaires et la pauvreté économique. Selon la Direction générale des étrangers en France, cela s’est traduit par une augmentation d’environ 25 % des demandes d’asile entre 2014 et 2016 (on est passé de 64 811 à 85 244 demandes), principalement des ressortissants soudanais, afghans, haïtiens, albanais et syriens. Non négligeable, cette augmentation reste modeste rapportée à la taille de la population française, à son niveau de richesse, et comparée à la situation dans d’autres pays européens et moyen-orientaux [1].
2 Dans la continuité des politiques européennes qui allient respect des traités internationaux, fermeture frontalière et criminalisation de la migration, la réaction des gouvernements à cet afflux a été duale : d’une part humanitaire par la prise en charge rapide et chaotique des demandeurs d’asile arrivés en Europe ; d’autre part sécuritaire par l’intensification des contrôles, l’érection de murs aux frontières intérieures et extérieures de l’espace Schengen, mais aussi l’enfermement et l’expulsion des migrants, parfois au mépris des droits de l’homme et des conventions internationales [2].
3 Cette dualisation et l’urgence de la situation se sont répercutées sur les administrations locales responsables de l’accueil et de l’installation des migrants, ainsi soumises à des injonctions contradictoires. Il en est de même des associations qui travaillent avec les institutions publiques, notamment dans le cadre de ce que l’on nomme en France des délégations de service public qui, dépassées par les demandes, se voient contraintes de hiérarchiser les publics et de prioriser les besoins, potentiellement au détriment des populations les plus vulnérables. Dans ce contexte, de nombreuses organisations internationales et nationales ainsi que des réseaux citoyens et militants locaux, formels ou informels, se sont mobilisés pour aider les migrants à atteindre leur destination et/ou à s’installer une fois arrivés : accès aux services administratifs, à l’interprétariat, à l’hébergement, à l’école, à l’emploi, à l’aide médicale et à l’alphabétisation. Les phénomènes migratoires mettent ainsi en évidence l’interdépendance des échelles transnationales et locales (Sassen, 2009). Le parti-pris de cet article est de porter l’attention sur les stratégies de survie des migrants primo-arrivants et de leurs soutiens pour analyser la manière dont se donnent à lire des « politiques de l’accueil » transnationales lorsqu’elles s’actualisent à l’échelle de la ville.
4 Nous proposons de nous focaliser sur l’enjeu de l’installation à partir d’une entrée ethnographique susceptible de documenter les articulations entre, d’un côté la question de l’hospitalité en tant qu’elle nous renseigne sur le rapport d’une société urbaine à l’autre, à l’étranger, au vulnérable (Gotman, 2001), et de l’autre la politique migratoire nationale et ses répercussions à une échelle locale. Marseille, ville portuaire, s’est construite autour d’un centre-ville animé par le transit et l’accueil de populations itinérantes (Témime, 2007). Cet espace, dont se distinguent socialement et fonctionnellement les quartiers huppés du Sud de la ville, fait historiquement office de porte d’entrée et d’insertion dans la ville (Roncayolo, 1996). Mais caractérisé par un habitat peu confortable, des équipements collectifs insuffisants et une activité commerciale bon marché, frappé également de plein fouet par la fin du système industrialo-portuaire et la crise économique qui s’en est suivie (Peraldi, Duport, et Samson, 2015), le centre fait l’objet depuis les années 1970 d’ambitieux programmes d’aménagement urbain, dont l’objectif inavoué est de substituer les classes moyennes aux ménages pauvres et immigrés (Zalio, 1996) [3]. Dans quelle mesure ce centre urbain en mutation fait-il dès lors encore ressource pour des populations primo-arrivantes aujourd’hui ?
5 Pour répondre à cette interrogation, nous avons opté pour une méthodologie du « pas de côté », qui fait de l’expérience ordinaire, de la marginalité sociospatiale et de l’échelle locale un angle d’observation pertinent pour analyser les processus politiques en cours (Carrel et Neveu, 2014). Cette approche micro--focalisée s’inscrit dans un programme de recherche [4] portant sur les transformations du centre-ville de Marseille. Assaf Dahdah, à la fois chercheur, habitant du centre-ville et arabophone, a rencontré la famille Sarikh, originaire de Syrie, au cours de l’enquête sur les hôtels meublés. C’est avec ces multiples casquettes (Gumuchian et al., 2003) qu’il a accompagné la famille, dans une démarche combinant engagement personnel et observation participante [5]. Cet article résulte ainsi d’une méthodologie du « faire avec » (Volvey, 2012), basée sur une étroite collaboration entre l’enquêteur et l’enquêté. Cela signifie pour le chercheur de devoir « se rendre disponible à d’autres formes de vie, se plonger dans des univers pratiques et symboliques, rituels et institutionnels étrangers » (Céfaï et Amiraux, 2002, p. 4), mais aussi configurer l’enquête sur un temps long, enfin de reconnaître la nécessité méthodologique et éthique du contre-don dans la relation d’enquête (Bouillon, 2006) [6].
6 Nous présenterons tout d’abord la famille Sarikh, son parcours migratoire et les conditions de son arrivée à Marseille. Puis nous nous focaliserons sur deux dimensions de l’installation, qui sont apparues comme des étapes fondamentales du point de vue des Sarikh : l’accès à un logement et à la scolarisation. Cet article ne vise pas tant à approfondir les modes de fonctionnement de ces deux domaines fondamentaux de l’insertion urbaine qu’à les appréhender « par le bas », afin de mettre en lumière d’une part leur interdépendance (la domiciliation est un enjeu y compris du point de vue de la scolarisation), d’autre part les formes et les modes de mobilisation qui s’organisent autour des migrants. Nous conclurons par une mise en perspective de cette étude de cas, en soulignant les fonctions hospitalières du centre-ville marseillais ainsi que la manière dont se traduisent localement les enjeux de l’installation en contexte d’exil au prisme de la politique d’asile française.
De Damas à Marseille : vicissitudes du parcours migratoire et incertitudes de l’arrivée
7 La famille Sarikh, originaire de Damas, est composée de dix personnes : Brahim (33 ans), son épouse (26 ans) et leurs deux enfants (9 et 6 ans), les parents de Brahim (60 ans environ), ses deux frères (25 et 27 ans), sa belle-sœur veuve (26 ans) et sa fille (3 ans). Suite au soulèvement puis à la répression qui s’en suivit, la famille quitte la Syrie début 2013 pour échapper aux persécutions du régime qui ont entraîné la mort de plusieurs de ses membres.
Figure 1. La trajectoire migratoire de la famille Sarikh entre 2013 et 2015

Figure 1. La trajectoire migratoire de la famille Sarikh entre 2013 et 2015
L’impossible installation en Turquie
8 Dans son exil, la Turquie constitue une étape importante. En effet, la famille Sarikh rejoint la ville touristique d’Antalya où réside depuis 2012 une sœur de Brahim. Conséquence de l’insécurité grandissante et de l’absence de travail en Syrie, la famille s’y regroupe progressivement entre 2013 et 2015, où elle tente de s’installer. Mais en raison de la politique turque qui considère les Syriens comme des « invités » voués à repartir et du tourisme à Antalya qui fait des réfugiés des individus indésirables, Brahim et sa famille ne peuvent renouveler leur titre de séjour, scolariser leurs enfants, travailler légalement ou se soigner, sinon à grands frais.
9 Au regard de cette précarité, ils décident de partir pour l’Europe à la fin de l’été 2015 via ce que Brahim appelle « la route de la mort » (tarik al-mawt). La famille vend des biens à Damas pour pouvoir financer son périple. Elle rejoint la ville côtière de Bodrum d’où elle gagne l’île grecque de Nera en mer Égée. Renvoyée vers la ville de Kavala (nord de la Grèce), elle débute sa traversée des Balkans, de la Hongrie, de l’Autriche, avant d’atteindre Munich puis Stuttgart. Le frère cadet de Brahim souhaite s’installer en Allemagne tandis que le reste de la famille envisage de partir pour la France ; une décision confortée par les difficiles conditions d’accueil auxquelles elle est confrontée à son arrivée. Évitant l’enregistrement effectué par les autorités allemandes [7], elle part en train pour Paris puis Marseille où elle arrive en octobre 2015 (figure 1).
L’arrivée à Marseille : premier accueil, premiers obstacles
10 Voici comment Brahim explique le choix de Marseille comme ville d’installation :
« Mon beau-frère a fait ses études à Marseille, il y a résidé presque dix ans avant de rentrer à Damas […]. Et depuis 2014, son frère est installé à Salon-de-Provence avec sa famille ; ils sont réfugiés. […] Ils nous ont dit de partir pour Marseille car il y a beaucoup d’Arabes et que ce serait facile pour nous de communiquer puisqu’on ne parle ni français ni anglais. Et le frère de mon beau-frère a dit pouvoir nous aider une fois sur place […] ».
12 À Marseille, la famille Sarikh dort une première nuit dans le hall de la gare Saint Charles. Le lendemain, une personne que Brahim présente comme tunisienne les guide dans la ville où ils trouvent in fine la Plateforme Asile (PFA), organisme géré jusqu’en décembre 2015 [8] par l’association marseillaise Hospitalité pour les femmes en collaboration avec la Délégation départementale à la cohésion sociale (ddcs) et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (ofii). Les missions de la pfa sont l’enregistrement des demandeurs d’asile et l’accompagnement dans leurs premières démarches – rédaction du récit pour l’ofpra, scolarisation des enfants, ouverture des droits pour la couverture maladie.
13 La pfa a également pour rôle de mettre à l’abri les demandeurs d’asile. Mais faute de places en cada et en huda [9], elle accorde ce droit en priorité aux parents avec enfants mineurs. Ce faisant, la famille Sarikh est séparée en deux groupes : les parents avec enfants mineurs sont installés dans deux hôtels du quartier Belsunce ; les autres sont redirigés vers des foyers d’hébergement de la périphérie marseillaise. Or la famille refuse de se séparer et de s’éloigner du centre-ville. De plus, la mauvaise santé du père de Brahim inquiète ses proches. La pfa n’est pas en mesure de répondre favorablement à la demande d’hébergement en hôtel pour toute la famille, ni de prise en charge médicale du père. Si la question de l’hébergement n’est pas résolue, en revanche l’intervention de l’une des salariées de la pfa en contact avec le collectif militant Soutien Migrants 13 va permettre une prise en charge hospitalière rapide.
14 Ce collectif, composé principalement de militants anarchistes, anti-racistes et du mouvement des squats, s’est constitué en juin 2015 en réaction à l’absence de réponse institutionnelle à l’arrivée des migrants et aux évènements de Vintimille (Italie) qui ont vu des ressortissants soudanais bloqués à la frontière franco-italienne. Installés dans un squat nommé Manba’ (la source en arabe), des militants y dispensent des cours d’alphabétisation et fournissent des conseils juridiques et administratifs [10]. Ils orientent également les demandeurs d’asile, principalement des hommes seuls, vers des squats de logement du centre-ville ou des quartiers péricentraux. C’est d’ailleurs grâce au collectif que les frères de Brahim se voient proposer des solutions d’hébergement.
D’hébergement en logement temporaire. Attente, incompréhension et précarisation
15 Dans le cadre du programme puca, nous avons mené un travail spécifique sur le parc des hôtels meublés en tant qu’élément historique dans le paysage urbain du centre-ville marseillais, mais également en tant qu’indicateur des dynamiques migratoires qui animent cette ville. Pour ce faire, nous avons conduit une enquête sur la base d’un pointage systématique des établissements répertoriés [11] et d’entretiens avec les gérants et les occupants des hôtels encore en activité [12].
Les hôtels meublés, porte d’entrée dans la ville
Figure 2. Les hôtels meublés et conventionnés du centre-ville marseillais en 2016

Figure 2. Les hôtels meublés et conventionnés du centre-ville marseillais en 2016
16 À l’image d’autres métropoles telles que Paris (Lévy-Vroelant, 2013), le nombre d’hôtels meublés baisse à Marseille depuis les années 1980 (Ascaride et Condro, 2001). Cependant, notre enquête montre qu’il subsiste environ soixante-dix établissements toujours en activité, situés principalement dans l’hyper-centre, constituant en quelque sorte un « parc social de fait ». Ils accueillent pour l’essentiel des populations en mobilité et/ou vulnérables qui ne sont pas en mesure ou ne souhaitent pas accéder au parc locatif ordinaire (figure 2). Parmi elles, on trouve les travailleurs maghrébins venus dès les années 1950 et aujourd’hui « retraités immigrés » (Kali, 2010), particulièrement affectés par le mal-logement (Faure, 2011). Mais Marseille n’est plus au centre des réseaux migratoires entre le Maghreb et la France (Peraldi et al., 2015), et avec le temps ces derniers se font moins nombreux, ce qui, en plus de la politique de rénovation urbaine, explique en partie le déclin de ce secteur hôtelier.
17 Afin de pallier la baisse de fréquentation de leurs établissements, une partie des gérants travaille, dans le cadre du dispositif Service plus (Premier Lien pour l’Urgence Sociale), en collaboration avec le Samu Social et les associations marseillaises pour la mise à l’abri des personnes vulnérables et des demandeurs d’asile. Créé en 1996 et géré depuis 2013 par le Service d’Intégration et d’Aide à l’Orientation, Service plus comprend deux volets distincts : « droit commun » (toxicomanie, sans-abrisme, troubles psychiatriques, parent isolé avec mineur et mineur isolé) et « demandeurs d’asile ». Le second volet est essentiellement financé par la ddcs et le Fonds européen pour les réfugiés, dont l’hébergement en hôtel constitue la pierre angulaire. Ces établissements, souvent de piètre qualité, représentent ainsi le premier lieu d’installation des migrants nouvellement arrivés.
18 Selon une salariée d’hpf interrogée en mai 2016, les locations hôtelières pour l’hébergement d’environ 1 100 primo-arrivants dans les établissements dits conventionnés ont coûté près d’1 million d’euros en 2015. Un coût élevé pour un mode d’hébergement que le Ministère de l’intérieur souhaite désormais limiter, même si les places en cada et en huda restent insuffisantes (Ribemont, 2016). Mais arguant justement de la création de nouvelles places [13], le Ministère, à travers les schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile découlant de la loi n° 2015-925 relative à la réforme du droit d’asile (2015), exige des autorités locales et des associations gestionnaires la réduction des nuitées hôtelières, quitte à mettre un terme à l’inconditionnalité de l’aide [14].
19 C’est dans un hôtel du quartier Belsunce (figure 3) qu’Assaf rencontre la famille Sarikh en octobre 2015. Lors d’un entretien, il se rend compte qu’une partie de la famille vit une très forte instabilité. Si le père de Brahim est hospitalisé, sa mère doit payer 30 euros par jour pour résider dans l’hôtel. Les deux frères de Brahim alternent quant à eux entre la rue et l’accueil offert ponctuellement par des militants du collectif Soutien Migrants 13 – canapé dans un appartement, matelas dans les bureaux d’une association. Mais rapidement, la famille n’est plus en mesure de payer la chambre. Assaf mobilise donc ses relations marseillaises et trouve un studio aménagé dans lequel une partie de la famille peut loger. Cette rencontre va de facto modifier le quotidien de la famille Sarikh.
Figure 3. Hôtel meublé, quartier Belsunce (2015)

Figure 3. Hôtel meublé, quartier Belsunce (2015)
Pratiques, ressources et attachement au centre-ville
20 Si l’hébergement en hôtel est synonyme d’une grande précarité résidentielle, à la fois du point de vue du statut d’occupation, des règles de vie restrictives et des conditions matérielles d’habitation (Fijalkow, 2000), il n’en demeure pas moins un vecteur d’accès à la ville pour les nouveaux arrivants (Faure et Lévy-Vroelant, 2007). Ici, il permet à la famille Sarikh d’accéder à la centralité et aux ressources disponibles dans l’hypercentre, par ailleurs populaire. Sans tomber dans les travers d’une vision idyllique du cosmopolitisme marseillais (Suzanne, 2007) ni négliger la pauvreté qui caractérise aussi ces lieux, on peut toutefois relever combien le centre-ville offre des prises (Gibson, 1986) en raison de la diversité sociale et culturelle des populations présentes, de la densité des fonctions et des aménités urbaines, enfin de l’informalité d’une partie des activités (Bouillon, 2007). Outre la concentration des institutions et des associations avec lesquelles les primo-arrivants doivent/peuvent traiter, les demandeurs d’asile trouvent également une offre commerciale abordable, s’ils sont non francophones, des interlocuteurs en mesure de les comprendre, et possiblement des opportunités de travailler, même si c’est interdit par la loi de 1991 [15].
21 Ainsi, le marché de Noailles avec ses vendeurs de fruits et légumes, ses boucheries halal, ses vendeurs de cigarettes de contrebande et ses biffins a permis aux Sarikh d’accéder à des produits abordables. De plus, Noailles et Belsunce étant principalement habités et animés par une population d’origine maghrébine, Brahim et sa famille ont pu trouver des interlocuteurs arabophones avec qui échanger et parfois sympathiser. Turcophone depuis son séjour en Turquie, Brahim est également amené à discuter avec les commerçants kurdes qui ont désormais pignon sur rue à Belsunce et dans le quartier du Chapitre. Enfin, du fait de la migration en provenance de Syrie depuis 2011, plusieurs lieux où travaillent des réfugiés – coiffeurs, cafés – sont devenus des points de rencontre et d’échanges d’informations. Cette pluralité et cette coprésence de fonctionnalités et de populations permettent ainsi de limiter l’isolement que subissent souvent les personnes étrangères qui arrivent dans une ville inconnue. Un isolement que Brahim et son épouse sont également parvenus à rompre par le biais du travail.
22 En effet, Brahim, mécanicien de formation, a pu réaliser des réparations de véhicule à domicile grâce à la mobilisation d’un réseau de connaissances et d’entraide. D’autre part, l’épouse de Brahim et sa belle-sœur, cuisinières, ont été mises en relation avec le réseau associatif et militant du centre-ville par le biais duquel elles ont livré des repas à domicile et organisé un système de catering informel. Contournant l’interdiction de travailler, la famille Sarikh a ainsi pu améliorer son quotidien. Si travailler signifie un gain d’argent, cela « [constitue] également un support d’inscription dans la structure sociale. Et l’activité [est] d’autant plus importante qu’elle [permet] d’exister en France autrement que par la demande d’asile » (Kobelinsky, 2014, p. 142).
Entre solidarités et éloignement contraint : une famille brimbalée dans la ville
23 Enregistrée par la Plateforme Asile fin octobre 2015, la famille Sarikh voit son séjour en hôtel se prolonger sans perspective de sortie. Une situation d’autant plus insoutenable que les conditions d’hygiène dans les hôtels sont déplorables – souris et punaises de lit dans les chambres –, affectant fortement le sommeil et la santé des enfants [16] et l’état d’esprit des parents. De plus, comme il est interdit d’y cuisiner, la famille doit se rendre le midi dans un restaurant associatif (Noga, financé par la Fondation Onet) qui accueille les demandeurs d’asile en collaboration avec la pfa. Or, la famille souligne la piètre qualité de la nourriture et l’absence de solution pour le dîner. Enfin, par manque de ressources, elle n’est pas en mesure d’utiliser les services d’une laverie pour laver et sécher son linge. Celui-ci s’entasse irrémédiablement dans des sacs de supermarché, ou bien, en partie lavé à la main dans les lavabos des chambres, il sèche péniblement sur les volets.
24 Brahim ne comprend pas cette situation. Elle lui semble par bien des aspects absurde, puisqu’il estime que s’il avait le droit de travailler et d’accéder à un logement ordinaire, il coûterait beaucoup moins cher à l’État français. Néanmoins, la situation de la famille Sarikh va sensiblement s’améliorer grâce à l’installation en novembre 2015 dans le studio, où elle peut enfin cuisiner et utiliser une machine à laver le linge. Les enfants vont alors quitter les hôtels pour vivre avec leurs grands-parents et leurs oncles ; sept personnes vont devoir cohabiter dans 15 m². Cette solution, en principe très provisoire, va durer jusqu’en janvier 2016, date à laquelle les propriétaires du studio doivent le récupérer.
25 Après un rendez-vous à l’ofii durant lequel l’épouse de Brahim va implorer l’agent de les sortir de l’hôtel, les parents avec enfants se voient enfin attribuer une place en cada et ouvrir des droits à l’allocation pour les demandeurs d’asile (ada). Ils vont donc être logés dans le 15e arrondissement de Marseille, dans la cité de la Bricarde, connue pour ses trafics de drogue et ses règlements de compte. Dans les quartiers de Belsunce et Noailles où la famille Sarikh a noué des liens avec des commerçants, ces derniers les mettent en garde contre l’insécurité des « Quartiers nord » de Marseille, où certains d’entre eux ont résidé. Brahim et son épouse savent en outre que s’ils acceptent cette proposition de logement, ils vont s’éloigner du centre-ville où ils ont dorénavant des amis et des soutiens. Toutefois, au regard de la loi, ils n’ont d’autre choix que d’accepter la proposition faite par l’ofii puisque les demandeurs d’asile ne peuvent se prévaloir du droit au logement opposable et peuvent perdre leur ada en cas de refus (Ribemont, 2016).
26 L’appartement, géré par le bailleur social adoma, est rénové, mais vide et froid. Il ne peut être équipé sans l’autorisation du bailleur, dont tout laisse à supposer qu’il tente ainsi de limiter l’appropriation des lieux par des occupants qui doivent rester de passage [17]. Néanmoins, avec l’aide de quelques connaissances qui récupèrent du mobilier, la famille meuble progressivement l’appartement où elle se sent enfin chez elle après plusieurs mois d’attente. Mais en octobre 2016 elle doit de nouveau déménager, pour être relogée dans un cada situé dans la ville d’Aubagne, à l’est de Marseille.
27 Les parents de Brahim et ses frères ont quant à eux une trajectoire qui résulte d’une gestion à la fois centralisée et régionalisée de la politique migratoire, et de l’insuffisance de logement cada à Marseille [18]. Lors de leur rendez-vous à l’ofii, l’agent public qui les reçoit affirme dans un premier temps ne pas avoir de logement disponible. La mère de Brahim, sachant devoir quitter le studio qui leur a été prêté, supplie l’agent de leur trouver un logement. Ce dernier trouve in fine un hébergement dans un huda géré par la Croix-Rouge situé dans le 13e arrondissement. Ils vont déménager pour le foyer où ils sont logés pendant deux mois, avant d’être envoyés dans un cada à Grasse en mars 2016. Appréciant cette petite ville touristique où ils désirent rester, les parents et les frères de Brahim se voient pourtant dans l’obligation de partir pour Narbonne en janvier 2017, où ils sont installés dans un appartement dénué de tout équipement (figure 4).
Figure 4. Une chambre dans le logement vide à Narbonne (2017)

Figure 4. Une chambre dans le logement vide à Narbonne (2017)
28 L’expérience de la famille Sarikh montre combien les modalités d’hébergement puis de prise en charge en cada contribuent à générer un phénomène de hiérarchisation et de saturation, qui empêche l’obtention rapide d’un hébergement pour les demandeurs d’asile. Mais conséquence de leur localisation généralement en périphérie des villes, elles participent également d’un « dispositif de mise à l’écart en place depuis plusieurs décennies dans les États européens visant à la gestion des populations étrangères » (Kobelinsky, 2014, p. 134), mise à l’écart qui coupe les personnes des ressources sociales, économiques et relationnelles qu’elles avaient pu développer initialement.
29 On ne peut que souligner l’instabilité subie par cette famille, dont le parcours est caractérisé par de longs délais d’attente en hôtel et par l’incompréhension face aux turpitudes de l’accompagnement administratif et social dont elle fait l’objet. Toutefois, elle a pu bénéficier de soutiens locaux et s’est vue attribuer en octobre 2016 les droits liés au statut de réfugié. Cette trajectoire contraste à ce titre avec celle de populations qui voient généralement leur demande d’asile rejetée, ce qui entraîne de facto une extrême précarité sociale, statutaire et résidentielle. C’est par exemple le cas de familles roms originaires du Kosovo et de Serbie également rencontrées lors des enquêtes conduites dans les hôtels du centre de Marseille. Suite au refus de leur demande d’asile par l’ofpra, elles ont été exclues de l’hôtel où elles résidaient, perdant également l’allocation dont elles bénéficiaient jusqu’alors [19]. Une expulsion qui les a conduites à chercher en urgence des places en squat et parfois à vivre dans la rue. Ces cas de figure illustrent la raison pour laquelle l’hébergement en hôtels, pourtant onéreux, reste au centre du dispositif de prise en charge des demandeurs d’asile : il est un outil ambivalent de la politique d’asile, confondant flexibilité, hospitalité et contrôle des personnes.
Les obstacles à la scolarisation des enfants primo-arrivants dans le centre-ville de Marseille
30 Si la famille Sarikh a décidé de migrer vers la France c’est entre autres car elle n’a pu scolariser ses enfants ni en Syrie ni en Turquie. La fille de Brahim n’a pas été scolarisée à Damas du fait de la répression entreprise par le régime jusque dans les écoles. Son fils est né juste avant le soulèvement et n’a pas pu non plus être scolarisé par la suite. En arrivant à Marseille, l’une des priorités de Brahim et de son épouse a été d’inscrire les enfants à l’école. Mais les déménagements fréquents, l’absence de domiciliation, les difficultés linguistiques et la méconnaissance des démarches d’inscription, sont autant de facteurs qui compliquent la scolarisation (Le Méner, 2015).
Des institutions dépassées
31 À notre connaissance il n’existe aucun moyen officiel autre que la pfa permettant de faciliter l’accès des demandeurs d’asile à des informations relatives à la scolarisation. Or, jusqu’en décembre 2015, la pfa n’était pas en mesure d’aider ces familles tant la structure est dépassée au regard de ses moyens humains et financiers. Cet état de fait est entériné par le marché public conclu en janvier 2016 entre l’État et Forum réfugiés, association gestionnaire de la plateforme depuis lors, puisque selon les clauses de ce contrat cette dernière ne doit plus se consacrer qu’à l’enregistrement des demandeurs d’asile et à la rédaction des récits des migrants en vue du rendez-vous avec l’ofpra.
32 Cependant, si la scolarisation est considérée comme un droit fondamental pour les mineurs de moins de 16 ans [20], dans les faits rien ne permet à des personnes allophones et nouvellement arrivées à Marseille de connaître la procédure d’obtention d’une place pour son enfant. Fort de ce constat, un collectif nommé Groupe de soutien aux réfugiés fut créé durant l’hiver 2015-2016, afin d’établir des documents d’information en français et en arabe détaillant les démarches administratives nécessaires à l’inscription à l’université et dans les établissements scolaires.
33 En outre, la Ville de Marseille, dont la mauvaise gestion des établissements scolaires est désormais médiatisée [21], doit faire face à une saturation des écoles du centre-ville. L’ensemble des acteurs rencontrés dans le cadre du volet « école » de l’enquête puca confirment le manque de places et soulignent des taux d’occupation maximums dans les écoles de l’hyper-centre [22]. Les directeurs d’école font état de « situations tendues lorsqu’il s’agit d’inscrire des enfants en cours d’année » et insistent sur l’important « turn-over » de leurs effectifs scolaires : les entrées et sorties d’élèves atteignent près d’une quarantaine d’élèves par école par an, soit l’équivalent de deux classes. Ce phénomène révèle les effets croisés d’une situation complexe associant précarité des familles, des types d’hébergement (présence de nombreux marchands de sommeil et concentration d’hôtels meublés) et modalités d’accueil dans ces écoles. Selon les directeurs interrogés, les situations résidentielles transitoires que connaissent de nombreuses familles sont à l’origine de ce mouvement. Lorsqu’elles accèdent à un logement social, celles-ci quittent le centre-ville pour les quartiers nord, libérant ainsi des places. Ces places disponibles sont rapidement comblées par les enfants primo-arrivants logés dans les hôtels meublés du quartier. Mais ce turn-over n’est pas suffisant pour inscrire l’ensemble de ces enfants et permet seulement de résoudre à la marge la question de leur scolarisation. Par conséquent, plusieurs situations d’attente et de refus de scolarisation d’enfants nouvellement arrivés ont été signalées ces derniers mois.
Le rôle indispensable des soutiens locaux
34 Ces obstacles ont pu être partiellement contournés par la famille Sarikh. En novembre 2015, Assaf accompagne Brahim dans ses démarches auprès des services municipaux responsables de la gestion des écoles et des inscriptions. Mais ces derniers enregistrent les enfants sur liste d’attente, arguant d’un manque de place dans le centre-ville, sans tenter de déroger à la carte scolaire pour les inscrire dans un autre secteur de Marseille. La famille Sarikh doit donc attendre, une attente qui perdure même après sa prise en charge par le cada puisque les écoles du secteur où elle est logée n’ont pas de places disponibles non plus. Après plusieurs échanges avec l’assistant social du cada et une menace de faire remonter le problème à l’échelle de l’Académie, les enfants de la famille Sarikh sont enfin scolarisés, soit six mois après leur arrivée à Marseille. Ils sont inscrits à l’école de La Castellane, qui cumule difficultés sociales et scolaires, à l’image de la population du quartier où elle est implantée (quartiers nord). Seule l’aînée est prise en charge dans un dispositif upe2a (Unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants), qui lui permet d’apprendre le français dans des cours spécifiques.
35 Pour les familles roms originaires du Kosovo et de Serbie, dont il a brièvement été question précédemment, l’accès à l’école est souvent plus compliqué encore, du fait de leur extrême précarité résidentielle. En l’absence d’une attestation d’hébergement formelle, il est très difficile d’inscrire les enfants à l’école, et les soutiens locaux (associations, initiatives citoyennes, réseau informel) jouent un rôle essentiel. À Marseille, l’association « l’école au présent » a permis de scolariser une centaine d’enfants roms depuis 4 ans. Sa directrice bénévole aide ces familles dans leurs démarches scolaires (inscription, gratuité de la cantine, carte de bus).
36 Au-delà de l’aide apportée à la scolarisation des enfants, le réseau associatif et militant s’appuie sur l’école pour soutenir les familles vulnérables, et plus spécifiquement les demandeurs d’asile. Les actions menées localement par resf (Réseau éducation sans frontières) trouvent écho auprès des parents d’élèves solidaires de ces familles. Les solidarités informelles, à l’instar des collectes (alimentaire, de vêtements, voire même d’argent à travers l’organisation de goûters solidaires) font de l’établissement scolaire un lieu de ressource et de soutien essentiel ; un espace qui représente pour les demandeurs d’asile un point d’ancrage dans leur démarche d’installation.
le centre de Marseille : une hospitalité active, mais menacée
37 À travers la mise en récit du parcours de la famille Sarikh, nous avons d’abord voulu documenter les multiples obstacles auxquels se trouvent confrontés les nouveaux arrivants dans la ville, en dépit des situations de violence extrême qu’ils ont parfois dû fuir. Apories administratives, décisions et inertie politiques se répondent pour construire des situations a-légales, dans le sens où sont maintenus dans l’infra-légalité, statutaire comme résidentielle, des milliers d’individus aux prises avec la plus grande insécurité. Mais cette incapacité de la puissance publique à loger et scolariser les primo-arrivants (pour nous limiter aux deux domaines explorés dans cet article) est partiellement comblée par les pratiques d’acteurs divers, plus ou moins organisés et visibles, qui viennent, avec des objectifs, des modalités et un degré d’investissement variables, secourir ces migrants, comme autant de « manières de s’éprouver en tant que citoyen(s) » (Neveu, 2004, p. 97). Peu soutenues par la puissance publique, lorsqu’elles ne sont pas empêchées et criminalisées, ces entreprises de solidarité et/ou militantes demeurent fondamentales, à la fois du point de vue de la prise en compte des effets qu’elles produisent sur le quotidien des personnes concernées – dont la survie en dépend parfois– et de la dimension hautement symbolique et donc politique qu’elles revêtent.
38 Un deuxième enseignement est relatif au couperet que constitue l’obtention, ou non, d’un statut légal pour ces primo-arrivants. Sans nouveauté, ces récits confirment que là où les souffrances et les difficultés liées à des conditions d’arrivée très difficiles peuvent trouver à s’atténuer grâce aux perspectives d’insertion offertes par l’octroi du statut de réfugié, le refus de régularisation précipite dans l’hyper-vulnérabilité. La survie ne tient plus alors qu’à la possibilité de conserver des soutiens et de maintenir des « attachements ordinaires » (Micha et Vaiou, 2015), tandis que s’impose la nécessité permanente de « cartographier le danger » dans les espaces publics pour éviter l’arrestation et l’expulsion (Le Courant, 2016), au risque d’un épuisement moral, physique et psychique toujours menaçant.
39 Enfin, on conclura cette courte immersion dans ces parcours d’installation sur la singularité de la géographie sociale marseillaise : le centre-ville, caractérisé par sa pauvreté tenace, considéré par beaucoup comme un espace de relégation, continue aujourd’hui à assumer une fonction de « sas » (Pétonnet, 2002) et d’espace-ressource pour les familles primo-arrivantes. Peut-on inciter les acteurs publics à envisager les « fragilités » du centre de Marseille comme un possible « moteur pour l’invention d’une centralité métropolitaine originale », ainsi qu’y invite récemment un collectif de chercheurs (Hernandez et al., 2013) ? À l’heure où il fait encore l’objet de multiples projets d’aménagement visant à le « rénover, requalifier, revaloriser », l’ethnographie des usages quotidiens des habitants les plus vulnérables souligne en tout cas un attachement fort à cet espace qui, support de solidarités et de rencontres, conserve un indéniable caractère hospitalier.
Notes
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[1]
Selon le Haut-Commissariat aux Réfugiés (2016), près d’un million de demandes d’asile ont été déposées en Allemagne en 2015, plus d’un million de Syriens sont enregistrés comme réfugiés au Liban (pays de 4 millions d’habitants) et plus de 2,5 millions ont trouvé refuge en Turquie.
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[2]
Dont le dernier accord de mars 2016 entre l’Union européenne et la Turquie en est l’une des illustrations.
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[3]
Voir le travail d’analyse et de périodisation de ces projets élaboré par Hernandez et al., 2013. Pour la période récente, citons le vaste programme de rénovation Euroméditerranée, débuté en 1995 et dont les opérations courent toujours en 2017, Marseille capitale européenne de la culture en 2013 ainsi que l’Opération Grand centre-ville, décidée en 2009 et programmée sur 15 ans.
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[4]
Ce programme, intitulé « Vie ordinaire, citadins précaires : transition ou disparition programmée des quartiers tremplins ? » a été financé par le puca et porté par le Centre Norbert Elias (ehess Marseille). Il a associé entre 2014 et 2016 une quinzaine de chercheurs et jeunes chercheurs répartis entre la ville de Marseille et trois terrains situés en Ile-de-France (Belleville à Paris, le quartier gare à Saint-Denis et Ivry Confluences à Ivry-sur-seine).
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[5]
Nous nous reconnaissons dans la définition de l’ethnographie proposée par Daniel Cefaï, qui associe observation prolongée et implication directe : « le principal médium de l’enquête est ainsi l’expérience incarnée de l’enquêteur » (2010, p. 7).
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[6]
Ici, il s’agira en particulier de chercher des solutions d’hébergement, d’accompagner la famille dans ses démarches administratives, de mobiliser des réseaux amicaux pour lui permettre de trouver des prestations rémunérées.
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[7]
Selon les accords de Dublin, le demandeur d’asile doit déposer sa demande dans le premier pays de la zone Schengen où il a été enregistré. Si la famille Sarikh avait été enregistrée par les autorités allemandes et avait continué sa route pour la France, elle n’aurait pu prétendre au droit d’asile dans ce dernier pays et aurait été « dublinée », selon le vocabulaire associatif et administratif, c’est-à-dire renvoyée vers l’Allemagne.
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[8]
En 2015, l’association hpf a refusé de répondre à un marché public organisé par l’État pour la gestion de la Plateforme. C’est Forum Réfugiés qui remporte le marché et qui assure cahin-caha l’accompagnement et l’enregistrement des demandeurs d’asile depuis janvier 2016. Voir l’article publié le 20 avril 2016 sur le site d’information Marsactu par Lisa Castelly : « Effectifs réduits et missions limitées, la plateforme asile poursuit sa route » : [https://marsactu.fr/effectifs-reduits-missions-plus-limitees-plateforme-asile-poursuit-route/], consulté le 27 avril 2017.
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[9]
Centre d’Accueil et Hébergement d’Urgence pour Demandeurs d’Asile.
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[10]
Les forces de police ont pénétré dans le squat Manba’ en avril 2016 pour en expulser les occupants. Les militants du collectif ont tenté d’occuper d’autres lieux depuis mais en ont été systématiquement expulsés.Le collectif s’est finalement résolu à louer un local en centre-ville.
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[11]
Pour cela, nous nous sommes appuyés sur une liste établie par l’association marseillaise « Un centre ville pour tous » réalisée en 2011 sur la base des arrêtés de fermeture administrative.
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[12]
Nous avons réalisé une quarantaine d’entretiens.
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[13]
5 000 places supplémentaires en 2015 et 8630 annoncées pour 2016.
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[14]
En avril 2016, la Préfecture des Bouches-du-Rhône a restreint l’accès aux hôtels aux femmes enceintes de plus de 6 mois et aux adultes isolés avec des enfants de moins de 10 ans, ce qui signifie la séparation des familles et la mise à la rue d’enfants de plus de 10 ans. En juillet 2016, la drdjscs paca (Direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale) a décidé de mettre totalement fin au dispositif des locations hôtelières pour les réfugiés. À ce propos, lire l’article de Benoît Gilles sur le site Marsactu : [https://marsactu.fr/plateforme-asile-submergee-refugies-mis-a-rue/], consulté le 14 octobre 2016.
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[15]
Cette interdiction doit être compensée par le versement d’une allocation dont le montant varie en fonction du nombre de personnes composant le foyer et, éventuellement, de l’attribution ou non d’un hébergement. Or, non seulement le montant de l’allocation est insuffisant aux regards des besoins – 6,80 euros par jour et par personne –, mais son versement est généralement retardé par les délais de prise en charge du cada. En outre, une famille peut attendre plusieurs mois avant de bénéficier de l’allocation, sans avoir le droit de travailler. Enfin, le droit de bénéficier de cette allocation est conditionné par la réponse de l’ofpra à la demande d’asile. Si la demande est rejetée, le versement s’arrête, même si la famille fait un recours.
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[16]
Une vaste enquête sociologique et épidémiologique a récemment été conduite dans les hôtels dits « sociaux » de la région parisienne, qui démontre les effets extrêmement délétères de la vie en hôtel pour la santé, la scolarisation, le bien-être des enfants. Voir à ce propos l’article d’Erwan Le Méner (2015).
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[17]
En principe, les demandeurs d’asile doivent accéder aux cada dès que leur demande est enregistrée par l’ofii et y rester jusqu’à la réponse de l’ofpra. Ils ont alors un délai de 3 mois renouvelable une fois avant de sortir du dispositif. Dans les faits, la situation est plus complexe et moins fluide.
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[18]
Selon le rapport d’activité 2014 de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (ofii), le nombre de places en cada est de 24 418 unités à l’échelle nationale, dont 1 606 unités en région paca pour un taux d’occupation d’environ 99 %. Or, entre 2014 et 2015, la Plateforme Asile de Marseille a enregistré une augmentation du nombre de demande d’asile d’environ 60 %, avec plus de 3 500 nouvelles demandes déposées en 2015. À l’échelle nationale, selon le bulletin mensuel de la Cimade daté de février 2016, les demandes d’asile ont connu une hausse d’environ 22 % entre 2014 et 2015, passant d’environ 60 000 demandes à près de 80 000 demandes. Les nouvelles places de cada promises par le gouvernement français, même si elles se concrétisent, ne suffiront pas au regard des besoins.
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[19]
La décision de l’expulsion est décidée par la Préfecture et doit être appliquée par la pfa, dont l’association gestionnaire est en principe spécialisée dans l’accompagnement social des personnes vulnérables.
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[20]
Article 28 de la convention des droits de l’enfant de 1989. En France cela se retrouve dans le code de l’éducation qui stipule que l’instruction est obligatoire pour les enfants âgés de 6 à 16 ans résidant sur le territoire français, quelle que soit leur nationalité.
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[21]
Lire l’article de Stéphanie Harounyan et Marie Piquemal paru dans le journal Libération le 1er février 2016 intitulé « Marseille : école primaire, gestion secondaire » [url : http://www.liberation.fr/france/2016/02/01/marseille-ecole-primaire-gestion-secondaire_1430436], consulté le 22 mai 2017.
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[22]
Une quarantaine d’entretiens ont été réalisés entre octobre et mai 2016, auprès d’acteurs variés : directeurs d’écoles, service de la vie scolaire de la ville de Marseille, représentants académiques de l’Éducation nationale au rectorat et à l’inspection d’Académie, ainsi qu’auprès d’associations en lien avec l’aide à la scolarisation des enfants et le soutien des familles.