1La recherche sur la famille a privilégié durant de nombreuses années les relations conjugales et les relations parentales comme objets d’étude. Elle a porté peu d’attention à l’étude des relations dans la fratrie. Pourtant les liens qui s’établissent entre frères et sœurs sont, comme les liens parentaux et conjugaux, une des dimensions du lien social.
2Bien que sociologues et démographes, tels Irène Théry (1987), Didier Le Gall et Claude Martin (1993), Guy Desplanques (1993) et Thierry Blöss (1997), reconnaissent que l’enfant est le centre de gravité des familles, peu d’éléments sur les enfants eux-mêmes apparaissent dans la littérature sociologique centrée sur les familles recomposées. Écouter les jeunes acteurs, pris dans ces configurations relationnelles au moment où elles se construisent, s’est alors imposé pour entendre au plus juste leurs négociations, leurs enjeux et leurs investissements, ou en d’autres termes ce qu’ils font de ce nouveau cadre familial (Poittevin, 2003).
3Dans une perspective compréhensive, il s’est agi de considérer les individus comme producteurs actifs du social, et de déceler, par le biais de leur système de valeurs (Kaufmann, 1996), le sens que les individus donnent à leurs actions, à leurs relations, à la manière dont ils les vivent (Weber, 1965). En conséquence, c’est à partir des jeunes acteurs, de leur discours, dans l’ici et maintenant de leur double expérience (expérience d’enfants et expérience de la recomposition) que nous avons construit notre problématique. Ceci invite à un décentrage de l’approche initiale des recompositions et apporte un éclairage sur le lien de parenté horizontal.
4Des espaces de l’enfant proprement dit aux espaces de la famille dans son ensemble, la fratrie recomposée se décline en plusieurs lieux dont elle modifie l’organisation et l’appréhension en fonction de ses variations (Poittevin, 2004). Quant au temps, il représente à la fois le rythme des allées et venues des enfants ayant deux foyers et le partage de moments particuliers, pendant la semaine ou pendant un week-end. Les variations morphologiques des fratries recomposées peuvent être rapprochées de la vie sociale, telle que la présente Marcel Mauss (1904) : elle passe par des phases successives et régulières d’intensité croissante et décroissante, de repos et d’activité, de dépense et de réparation. Ainsi, au sein des interactions se construisent, se confortent et se reconfigurent des manières d’être ensemble et des modes de co-existence (Poittevin, 2000).
Les fratries recomposées
5La fratrie recomposée prend sa spécificité dans un contexte de recomposition familiale, ce qui a lieu, aujourd’hui dans la majeure partie des cas, après séparation ou divorce du couple précédent d’au moins un des deux conjoints (du couple actuel). Les couples ainsi constitués peuvent être mariés ou non. En 1999, 1,6 million d’enfants de moins de 25 ans sont concernés par la recomposition familiale. Ils vivent dans 708 000 familles recomposées ; ce qui correspond à une augmentation de 10 % du nombre des familles recomposées depuis 1990 (Barre, 2003).
6Pour qu’il y ait fratrie « recomposée », deux entités de germains, au minimum, doivent cohabiter. Qu’ils soient un ou plusieurs enfants de leurs deux parents, ils constituent une entité de germains.
7Nous distinguons trois configurations de fratries recomposées en fonction de leur morphologie. La « fratrie de quasis » regroupe deux entités de germains n’ayant aucun lien biologique entre elles. Ensuite, la « fratrie de demis » regroupe une entité de germains issue du nouveau couple et une entité de germains issue de l’un des adultes. Nous distinguons les demi-frères agnatiques, enfants nés du même père, et les demi-frères utérins enfants nés de la même mère. Enfin, la « fratrie mixte » regroupe une entité de germains issue du nouveau couple ainsi qu’une entité de germains issue de chacun des conjoints. Un enfant au moins vit à temps plein ou à temps partiel avec au moins un demi-frère (sœur) et avec au moins un quasi-frère (sœur). Certains enfants ont un parent en commun, d’autres n’ont aucun lien biologique entre eux. Il est évident que si un des enfants a un frère ou une sœur, cette relation de germanité s’ajoute à celles énoncées.
Du point de vue des acteurs
8Pour procéder à cette recherche, nous avons mené des entretiens semi-directifs [1] dans 32 foyers, auprès de 32 adultes et de 55 enfants [2] ; ces derniers étant âgés de 7 à 20 ans, encore domiciliés chez l’un de leurs parents au moins.
9L’adulte gère les temps individuels et les temps partagés ainsi que les espaces personnels, mixtes (présence d’enfants d’entités différentes) et familiaux. Il nous informe sur les contours des territoires laissés à chacun et les possibilités de manœuvres en leur sein. En faisant le choix de n’interroger que les femmes, nous ne rendrons compte ni des logiques et représentations du couple recomposé ni des couples parentaux. L’enquêtée est un des référents adultes ; elle nous permet d’accéder chaque fois au discours maternel et parfois à un discours maternel et beau-maternel. Son point de vue nous a permis de saisir, de manière particulièrement riche, la dynamique familiale, les relations intergénérationnelles et intragénérationnelles. La mère détermine, implicitement ou explicitement, la place occupée par le beau-parent (Cadolle, 2000), ce qui engage les pratiques et les responsabilités éducatives. Et, la façon dont se fréquentent les germains, les demis et les quasis, n’est pas indépendante du climat familial dans lequel ils vivent.
10La ville de Paris nous intéressait pour ce qu’elle offre de contraintes immobilières (taille des appartements, faible extension immobilière), contrairement à la banlieue parisienne où la création de zones pavillonnaires, par exemple, répond davantage à la demande des familles nombreuses (nombre de chambres, prix au m2) [3]. Compte tenu des conditions de logement à Paris intra muros et en particulier pour ces familles dont le nombre des enfants est, le plus souvent, supérieur ou égal à trois, les familles rencontrées sont majoritairement de classes moyennes et de classes supérieures. Nous ne pouvons alors généraliser nos résultats à l’ensemble des situations des recompositions familiales. Les situations sociales et économiques ont une influence sur la manière de se percevoir et de se vivre en tant que famille recomposée et par conséquent, aussi, sur les manières de dire et de vivre les liens dans la fratrie recomposée. La spécificité de notre échantillon induit plus fortement une représentation de la recomposition en terme de continuité, c’est-à-dire dans une logique de pérennité où la place de tous les acteurs de la recomposition est conservée [4], en terme de gestion des espaces [5] et en termes de valorisation de l’individualité de chaque enfant [6].
11Nous nous sommes appliqués à rendre compte du nouvel espace de socialisation [7] des jeunes acteurs et de la façon dont ils vivent, conçoivent et redéfinissent ces liens fraternels entre intégration et différenciation.
12Les entretiens avec les jeunes ont porté sur la place et la dénomination de chaque acteur de la recomposition, les activités quotidiennes et extra-ordinaires réalisées avec chaque autre enfant, les changements survenus à l’arrivée de demis et/ou de quasis ainsi que sur ce qu’est un frère ou une sœur. Une part des entretiens concernait l’organisation et le vécu des allées et venues des enfants « soumis » à un rythme bi-résidentiel. Nous utilisons le terme de « bi-résidentiel » pour insister sur le fait que ces enfants ont une résidence maternelle et une résidence paternelle. La locution « rythme bi-résidentiel » rend compte de la dynamique des allées et venues entre les deux adresses. Nous distinguons les enfants « résidents », à savoir les enfants vivant majoritairement dans le foyer observé, et les enfants « non-résidents », c’est-à-dire les enfants vivant ponctuellement au foyer observé.
La co-résidence, au-delà de la germanité
13La particularité de la fratrie recomposée, co-présence de germains et/ou de demis et/ou de quasis, se trouve par conséquent dans l’affaiblissement du degré de consanguinité et dans le renforcement de la dimension de co-résidence. Dans ce type d’ensemble fraternel, la co-résidence est centrale car elle devient l’élément commun à tous les enfants. Les noms sont différents et ne signent pas l’appartenance à la famille. Ce qui unifie n’est plus le patronyme mais l’adresse. L’articulation entre habitat et relations familiales ne forme donc pas une question secondaire pour saisir les affaires de famille ; elle est constitutive de la notion, commune et savante, de « famille » (de Singly, 1998).
14La place de la notion de co-résidence dans les foyers recomposés implique que nous nous penchions sur la diversité de sens de la locution « vivre avec ». Nous distinguons au moins deux dimensions : « vivre sous le même toit avec » et « vivre des choses avec ». La perception de l’espace servant d’analyseur aux relations familiales, les deux dimensions permettent d’ouvrir sur un large ensemble de relations allant de la cohabitation d’individus nouant peu de relations, à la multiplication et l’intensification de liens entre les protagonistes. Les différents modes d’habiter révèlent des choix susceptibles de prendre en compte la qualité des relations entre les acteurs et de réguler les risques de conflit. Dans cette perspective, le logement participe au processus de régulation, et donc de cohésion de la nouvelle famille (Le Gall et Martin, 1993).
15La notion de « consanguinité » n’est pas pour autant exclue de notre démarche puisqu’il s’agit de chercher ce qui peut être mis en œuvre dans les relations fraternelles élargies à la recomposition. Elle n’est donc pas, pour nous, en concurrence avec la notion de co-résidence mais impose aux acteurs une dualité dont dépend la reconnaissance de ce groupe particulier. Les uns valorisent la fratrie recomposée quel qu’en soit le patrimoine génétique, les autres au contraire la rattachent uniquement à la filiation. Les enjeux qui découlent de ces positions sont déterminants : intégration de chacun, représentations de la famille.
Les liens fraternels à travers l’espace et le temps
16Encore plus que dans les fratries de germains, nous pensons que « les enfants dans les familles recomposées ont à inventer un mode d’être ensemble » (Muxel, 1998). Si ce mode d’être ensemble ne va pas de soi dans les premières fratries, il est d’autant plus difficile à cerner et d’autant plus complexe dans les secondes. Les fratries recomposées doivent emprunter ou décliner des déterminants classiques, notamment linguistiques (termes de germanité), temporels (rythmes de vie entre les foyers paternel et maternel) et spatiaux (co-résidence soumise aux variations morphologiques du groupe des enfants).
17L’espace (partage de lieux communs) et le temps (durée des temps communs) ne peuvent être écartés d’une recherche sur les fratries recomposées. En fonction de la morphologie des fratries recomposées, des espaces domestiques mis à disposition, du rythme des visites entre les foyers paternel et maternel et de la durée de la recomposition familiale (à partir de l’aménagement en commun), les repères se diversifient et se complexifient. On se demande alors quel lien s’établit entre des enfants issus d’unions distinctes et cohabitant à temps plein et/ou à temps partiel. Nous faisons l’hypothèse d’une diversité d’expériences, de liens et/ou de sentiments [8] en fonction de la morphologie de la fratrie recomposée, des temps et des espaces partagés.
Une lecture de la diversité des liens fraternels
18Ne pouvant rapporter toutes les situations inventoriées, nous pointons quelques familles pour rendre compte des manières de vivre les recompositions familiales et fraternelles. Nous orientons plus particulièrement notre projecteur sur les logiques familiales et individuelles ainsi que sur les enjeux fraternels dans l’organisation et la répartition des chambres d’enfants. Si certaines analyses sont communes à d’autres formes familiales, nous montrerons les spécificités relatives aux familles recomposées.
« Chacun son coin » : individualisation des enfants et investissement culturel
19L’autonomie, le respect de la personnalité de l’enfant, l’égalité des conditions de vie et de travail entre les enfants sont les arguments les plus fréquents dans le discours des enquêtées adultes. L’importance du « coin » véhicule l’idée d’un espace personnel destiné à l’enfant comme une parenthèse d’autonomie au sein du foyer commun.
20Pour les familles dont tous les enfants ont une chambre personnelle, le bureau dans chacune d’elles individualise la pratique et le temps de l’enfant consacrés au scolaire. Ceci illustre l’investissement croissant sur les enfants quant à la réussite scolaire et montre aussi l’attachement au respect de la personnalité de l’enfant.
Raïssa

Raïssa
21Bien que Raïssa [9] garde toujours un œil sur les activités de sa fille et de sa belle-fille, elle décrit l’espace des chambres comme un lieu à soi, mais aussi comme un lieu qui participe à la réussite scolaire. Ainsi, selon elle, « chacun a son coin » :
« Elles ont chacune leur chambre, leur vie, leur bureau. Ce sont des enfants qui ont tout, pour moi, tout pour réussir. J’aime bien que les enfants soient à l’aise, pour travailler, parce que j’estime qu’une chambre c’est quand même leur espace, ça leur appartient, c’est le seul endroit où elles peuvent faire tout ce qu’elles ont envie de faire, où elles peuvent dire tout ce qu’elles ont envie de dire, sans que les parents l’entendent ».
23Lucie répond « parfaitement » aux attentes de sa mère quant à la nature des activités et à l’investissement qui doivent être faits dans une chambre de jeune fille.
« Quand je suis seule, ben je suis calme, je fais tranquillement mes devoirs, j’écoute la musique, je m’endors tranquillement. Au mur, moi c’est plus des choses familiales que elle [Samia], elle c’est plus des posters, des trucs. Moi, c’est des souvenirs ou des choses pour m’apprendre. Des fois je pleure, ça m’arrive de pleurer, de chanter, de danser, de faire plein de choses ici ».
25Pour Samia, l’espace de sa chambre doit davantage être entendu comme son repaire. Plus que son coin personnel, sa chambre « c’est [sa] maison ». L’appartement,
« c’était censé être leur maison à tous les deux [son père et sa belle-mère], enfin c’est censé. Mais je sais pas, il y a des moments, je ne me sens pas chez moi. En fait chez moi c’est plus ma chambre qu’autre chose ».
27Son attachement à sa chambre et son retrait quant au reste du foyer sont une manière d’exprimer son refus de la recomposition ; il y a une volonté de non-intégration, de non-validation et de non-appartenance. Cette mise à distance est un moyen de prendre de la distance mais également un moyen de tenir les autres à distance. Il y a des temps de vie et de complicité avec Lucie et des temps de repli où elle tente « d’échapper » aux autres. Quand sa chambre n’est pas un rempart suffisant, elle trouve refuge dans un autre lieu :
« Des fois aussi j’aime bien être dans les toilettes, parce que quand je suis dans ma chambre ils m’appellent, alors que quand je suis dans les toilettes, je m’enferme, je prends un livre et je m’assois, et après quand ils m’appellent, je fais “non, non, je suis aux toilettes”. Même que des fois ça prend une heure comme ça. ».
29L’individualisation des lieux destinés aux enfants n’empêche pas Samia et Lucie de multiplier les occasions de se retrouver ensemble dans une même chambre pour s’amuser, se confier. Ces « connexions » entre les enfants favorisent et entretiennent des proximités intervenant dans le développement d’un sentiment fraternel (pour ces quasis qui n’ont que la cohabitation sous un toit commun comme élément de définition de leurs liens). Les deux jeunes filles se sont créé un espace de confidence et de confiance.
30Pour François de Singly (1998), la chambre de l’enfant est un univers complexe puisqu’elle doit permettre au moins la réalisation de trois objectifs : autoriser l’enfant à devenir lui-même par une progressive autonomie, lui offrir un cadre de vie encourageant si possible l’ardeur au travail, et ouvrir la possibilité de nouer des relations avec ses parents, ses frères et sœurs, ses copains et amis. La chambre d’enfant est aussi un espace central dans les logements des familles contemporaines, étant donné la place accordée à l’enfant. La montée historique du sentiment d’intimité, du sentiment de famille (pour reprendre une expression de Philippe Ariès) et du sentiment individuel, très progressive, se traduit aujourd’hui par une certaine tension entre la valorisation de l’autonomie, le souhait de séparation des membres de la famille et la valorisation d’être avec des proches, le souhait de se retrouver à plusieurs. De plus, dans les sociétés contemporaines où le mode de production est à dominante scolaire, l’enfant est, à la maison, un élève. En s’appuyant sur le concept de « capital objectivé » de Pierre Bourdieu (1979), on peut imaginer que l’espace de la maison, et plus particulièrement celui de la chambre, forme en lui-même un capital inscrit dans les objets. Selon Didier le Gall et Claude Martin (1993) émerge l’idée que les besoins en matière d’espace sont étroitement liés aux représentations de l’intimité domestique et pas seulement au simple rapport quantitatif « espace/nombre d’occupants ». Représentations de l’intimité qui semblent largement déterminées par le capital culturel, mais aussi par la profession. La pratique de la lecture, fortement implantée dans les milieux les plus cultivés, nécessite en effet un territoire qui soit quelque peu protégé des manifestations collectives.
Quand il faut prendre place… trouver sa place
31Les familles recomposées imposent aux enfants un adulte et/ou d’autres jeunes, ce qui contraint chaque acteur à de nouvelles postures (symboliques et corporelles).
32À partir des entretiens de deux autres jeunes enquêtées, deux quasi-sœurs du même âge, on perçoit une sorte de domination de la part de l’enfant « résident [10] ». C’est la fille de l’enquêtée qui exerce sa « suprématie » au niveau de la gestion de la chambre, dans ses relations avec l’autre enfant, la fille du conjoint.
33Barbara dit à ce propos :
« Eléonore était contente parce que Nadège est une petite fille du même âge et qu’elle, elle est dans la maison et l’autre qui vient est plus soumise. […] C’est surtout Eléonore qui mène les choses. Ici, c’est son territoire. »
35Tout se passe comme si l’enfant qui s’impose peu au niveau de l’espace (ou à qui on laisse peu de place) ne pouvait acquérir une place forte dans les relations entretenues.
Barbara

Barbara
36Eléonore reconnaît :
Pour François de Singly (2000), la vie à plusieurs est une contrainte salutaire du point de vue de la socialisation, de l’enracinement social de l’individu puisque c’est elle notamment qui apprend à chacun à vivre dans une « société d’individus [11] », c’est-à-dire dans une société sachant respecter les individus qui, dans le même mouvement, respectent les autres. Nadège, de par son expérience de germanité, insiste sur le fait que l’expérience fraternelle sert l’individu lorsqu’il est pris dans un groupe, ensemble fraternel ou plus largement groupe de pairs. Eléonore n’est pas démunie de sociabilité. C’est son rapport aux autres qui, en étant transcendé par l’expérience fraternelle, peut être modifié et répondre mieux à la réciprocité des liens.« Maman me gronde parce qu’elle dit que je laisse pas Nadège choisir. Par exemple pendant les vacances d’hiver, il fallait être devant dans la voiture, alors à chaque fois que je demande à Nadège, elle dit qu’elle sait pas. Bon alors, je vais devant. Je vais choisir à ta place ! ». Nadège traduit autrement l’impatience d’Eléonore : « Eléonore, avant, c’était une fille unique. Alors, des fois, elle sait pas trop partager. Je pense que d’avoir des frères et sœurs ça apprend à partager. Des fois, quand on est enfant unique, on a toujours des copains qui gênent mais on apprend à partager ».
Quand les espaces disent les appartenances familiales
37Plus ou moins revendiqué, le critère d’âge dit malgré tout l’appartenance familiale. Dans la configuration de « fratrie de demis », l’écart d’âge entre les aînés issus d’une première union et les cadets issus du couple actuel est assez marqué pour que le regroupement par âge des enfants rappelle leur diversité familiale.
Martine

Martine
38L’organisation actuelle des espaces de ce foyer révèle que les enfants communs, Clarisse et Matthias, sont dans une même chambre à temps plein et que les aînés, Edwige et Gautier partagent une seconde chambre lorsqu’ils sont chez leur père [12]. Cette dernière chambre est laissée « vide » le temps de leur absence. On entend fréquemment une certaine culpabilité de la part des enquêtées adultes dans l’énoncé d’autres usages des chambres des enfants non résidants (principalement), telle que :
« Là, aujourd’hui l’exemple va être mauvais, y a un séchoir sur lequel sèche du linge [dans la chambre des aînés]. Mais c’est exceptionnel. Elle est chambre ! Elle est ouverte mais elle est inoccupée. C’est leur chambre. Y a leur nom sur les portes, c’est pas pour rien ! ».
40Nous voyons dans l’extrait qui suit les négociations et les réaménagements qui ont été nécessaires pour que soit « vivable » la famille recomposée. Il ne s’agit pas de travaux ou de transformation de l’habitat en amont pour assurer de bonnes conditions de vie collective mais de réorganisation des pièces au niveau des occupants. La solution adoptée en dernière instance regroupe chaque fratrie de germains.
« Au départ, on avait logistiquement choisi de mettre les filles… on avait décidé ensemble, je n’avais pas imposé, ils avaient choisi d’avoir l’enfant du même sexe avec eux. […] Après on a rechangé parce que… leur âge était vraiment différent. Ils ont quand même dix ans d’écart chacun et il est arrivé un moment où il fallait que chacun ait son territoire. En fait, leur territoire était incompatible, je dirai non pas parce qu’ils étaient pas frère et sœur, mais pour des questions d’âges. Pas frère et sœur, je veux dire demi ou quart ou machin. Donc en l’occurrence comme les fratries sont euh… j’allais dire identiques, puisque le hasard fait que les aînés sont des filles et les cadets sont des garçons. ».
42Notons que la première organisation, si elle valorise un mixage des entités de germains et donc des appartenances, est aussi une manière d’optimiser les espaces tout le temps de l’absence des aînés. Ainsi, pendant la majeure partie du temps, chaque enfant commun a son espace, un espace individualisé. La seconde organisation, si elle tend à réduire les tensions, est moins favorable aux enfants communs, enfants résidant à temps plein. Ils partagent alors leur chambre tout au long de l’année. Pour Didier Le Gall et Claude Martin (1993), la délimitation de l’espace de l’intimité est l’indicateur de la qualité du climat qui règne entre les membres du foyer. Tout dépend du fait de se penser d’emblée ou non comme une première famille ou, au contraire, de tenir compte de la préservation des espaces spécifiques de chaque lignée.
43Compte tenu du discours que Gautier tient sur ses relations avec sa sœur germaine nous comprenons que la dernière organisation des lieux retenue est la plus satisfaisante.
« Avant je dormais avec Matthias et Edwige dormait avec Clarisse. Puis je me rappelle c’était un jour où mon père et Martine se sont engueulés. Puis on a fait « bon on va changer les chambres » : on a mis les petits d’un coté et les grands de l’autre. Et puis c’est mieux comme ça. Comme ça je peux parler avec ma sœur la nuit. Avec mon petit frère je parlerais pas trop. […] Bon, ma grande sœur c’est autre chose, comme je parle avec elle, ça me fait du bien de parler, c’est un peu ma psy ».
45Gautier dit ainsi aussi sa proximité avec sa sœur germaine ; une proximité en terme d’âge mais également d’expériences. Par ses confidences, Gautier est proche de sa sœur, leur relation fraternelle est renforcée. Les rencontres avec Clarisse et Matthias se font, elles, sur des terrains neutres (le couloir) ou communs (salon). L’investissement dans chacun de ces espaces traduit bien des relations et des proximités différentes. Par le jeu et sa disponibilité, Gautier est « grand-frère ». Lors de confidences entre sa sœur germaine et lui, Gautier revêt un rôle différent, il est un alter ego. En fonction des moments et des interactions, il est frère de différentes manières.
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Monique

Monique
46Le père de Prudence et Judith étant décédé, elles vivent à temps plein chez leur mère [13]. L’aînée, Prudence, a une chambre individuelle, et la seconde, Judith, partage sa chambre avec Clotilde. Par conséquent, aucune des chambres ne reste inoccupée et la chambre partagée l’est à temps plein ; elle n’est pas régulièrement un espace « quasi-individuel » pour Clotilde. L’organisation de la chambre de Clotilde et Judith a, à la fois, les avantages de la communauté d’un lieu et de la séparation de territoires plus personnels.
« Mon bureau, c’est à moi. Les lits c’est bien parce que je mets ma tête là et Judith, elle met sa tête là [14]. Des fois, le soir, on discute. Sinon, quand elle révise ses contrôles et que je suis trop fatiguée et que je veux dormir, elle met la lumière : ça me dérange un peu. Quand on discute, c’est bien, ça permet de pas casser. C’est vraiment une relation de sœurs. Si on était vraiment séparées une dans chaque chambre, ça serait chacun dans son petit coin. Là, c’est pas le cas. Elle a voulu faire chaque coin comme ça, on a un peu sa chambre. Parce que quand moi, c’est en bazar, ça la dérange pas et quand elle c’est en bazar, ça me dérange pas. Chacun son coin mais quand on veut parler, on peut. On peut très bien en restant dans la pièce aller à l’écart ».
48Selon François de Singly (1998), la propriété dépend des conventions négociées, explicitement ou non, qui autorisent des empiétements qui ne seront plus dès lors perçus comme tels, un peu comme si, à certaines heures, l’espace était neutralisé sans qu’il y ait même à ces moments-là ambiguïté sur la nature du vrai propriétaire. C’est l’équilibre qui est demandé au sein du logement, équilibre entre les parties communes et les parties individuelles. Équilibre qui doit refléter l’équilibre entre les deux demandes vis-à-vis de la famille contemporaine, celle de permettre une vie « ensemble » et une vie « séparée ». La famille apprend (doit apprendre) aux enfants à être à la fois des individus « seuls » et des individus « avec », et elle ne peut le faire que dans certaines conditions spatiales. La gestion de l’espace commun, avec ses contraintes propres, ne peut être organisée que si elle coexiste avec la gestion d’un espace personnel.
« Judith, elle aimerait bien avoir sa chambre toute seule d’un côté, mais d’un côté, ça la gêne pas parce que comme il y a ça [15] qui sépare, elle aime bien. Et peut-être que ça lui manquerait que le soir, on parle plus quoi ».
Diversité des lieux, multiplicité des liens
Brigitte

Brigitte
50Ninon voit son père un week-end sur deux et ils vont au restaurant une fois dans la semaine. Elle voit très peu ses demis agnatiques, Lydie et Augustin, qui vivent principalement chez leur mère. Elle partage sa chambre, seule véritable chambre d’enfant dans l’appartement, avec Christophe qui, lui, a un rythme alterné dans la semaine [16]. Eugénie ne vient que le mardi soir ; elle dort sur un fauteuil-lit dans le bureau de son père [17]. Mathieu dort dans la chambre de ses parents, son coin est séparé par une bibliothèque.
51Ninon n’a que des demi-frères (sœurs) et des quasi-frères (sœurs), ses critères d’ordonnancement de sa propre fratrie recomposée (utérine et agnatique) sont plus confus car elle « n’a que » les notions de vie commune et de temps partagés. Dans un premier temps, entre les demis, comme entre les quasis, la distinction se fait selon qu’elle vit ou non avec eux.
« Dans ma famille, enfin, les vrais frères et sœurs j’en ai pas. J’suis fille unique si on veut. Sinon, des demi-frères et des demi-sœurs, des vrais : j’ai Mathieu déjà, du côté de maman, il vit avec moi. Et du côté de mon père, ils ont jamais été avec moi, en fait, y a Augustin et Lydie (demis agnatiques). Christophe, il vit dans la même chambre, enfin, j’le considère un peu comme mon frère. Et y a Eugénie, qui vit aussi là, qui est un peu comme ma sœur enfin, peut-être un peu moins que Christophe, parce que j’partage moins de moments avec elle ».
53À s’en tenir à cet extrait, nous pourrions élaborer le degré de proximité de chacun de ces jeunes acteurs. Nous trouverions d’abord Christophe (« un peu comme »), Eugénie (« un peu comme mais moins que ») puis les demis par ordre de présentation, Mathieu, Augustin et Lydie. La hiérarchisation que nous propose Ninon est autre. Nous pouvons sentir son souci de ne léser aucun de ses demis et quasis dans l’établissement de ses liens, nous relevons ainsi un conflit de légitimité entre ceux avec qui elle vit mais qui ne sont « que » des quasis et ceux qui sont ses demis mais avec qui elle ne vit pas.
« Moi j’suis super contente d’avoir connu Christophe. J’parle pour Christophe parce que Eugénie, elle est moins de mon âge, j’l’aime beaucoup, mais, c’est moins… Christophe, j’pense que j’m’ennuierais un peu s’il n’était pas là. C’est un peu comme un frère, comme un frère jumeau, j’suis tout le temps avec lui. Enfin, pas un frère jumeau, c’est pas aussi fort, mais, enfin, c’est un peu quelqu’un avec qui, j’joue tout le temps. Mathieu, est plus comme Christophe… Mathieu, il est au niveau de Christophe, ensuite, il y a Lydie et Augustin ».
55La question de l’âge traduit le temps de vie commune. Elle dit aussi la durée de l’inter-connaissance, du temps partagé et de l’expérience qu’ils ont les uns avec les autres. La traduction de sentiments ressentis à l’intérieur, dans l’intimité personnelle, tente de rendre au plus juste la réalité des configurations. Et même s’il y a une réelle volonté de ne pas évincer ses demi-frère et sœur agnatiques, la proximité en âge (Christophe) et la proximité physique (Christophe et Mathieu) paraissent les éléments les plus forts au quotidien. Par exemple, Christophe n’est pas nommé « frère » mais est assimilé à un frère jumeau, sorte d’alter ego avec qui elle partage activités, affinités, temps et espace.
Déjouer la consanguinité et jouer de la co-résidence
56Plus généralement, il apparaît que le partage des chambres se réalise majoritairement avec un enfant ne résidant pas principalement au foyer. La question des moyens peut être avancée ; sur Paris une pièce supplémentaire est difficile à acquérir. De plus, l’enfant « non-résident » ne séjourne que ponctuellement, donc sur un laps de temps assez court souvent centré sur le week-end (permettant plus de souplesse que la semaine). Un partage de chambre ponctuel veut également dire une période de non partage plus importante. L’enfant « résident » qui partage a, le reste du temps, un espace dans lequel il est seul, même si celui-ci ne devient pas complètement un lieu individuel.
57La répartition des espaces en fonction des âges contribue à une grande proximité, conditions favorables pour des liens électifs [18], entre les enfants (germains ou quasis le plus souvent). La cohabitation de ces enfants (pouvant être de sexe différent) crée les conditions d’une concordance sociale et identitaire : leurs affinités, leurs intérêts et leur sociabilité convergent.
58La spécificité des fratries recomposées tient dans la complémentarité, et la comparaison, des relations. Effectivement dans ces fratries où différentes formes fraternelles coexistent, les liens avec les uns servent de support de définition pour les liens avec les autres. La hiérarchisation établie par certains enfants permet non pas de classer les enfants les uns par rapports aux autres mais de sentir les nuances dessinées entre ces différents statuts fraternels. Cela nous permet de mieux comprendre ce que peut être un frère ou une sœur, ce qu’il représente et ce que recherche l’enfant auprès d’un tel acteur de sa sphère familiale. Les ingrédients (consanguinité et cohabitation) sont « savamment » dosés par les enfants pour déjouer la complexité des recompositions et jouer de la dimension fraternelle.
59C’est en pointant particulièrement les mots, les temps et les espaces que nous pouvons discerner « l’entre-enfants » au sein des familles recomposées. Le partage d’un logement ajoute quelque chose à la relation entre individus ; le fait de vivre ensemble est support de la construction identitaire. L’« entre-enfants » fait apparaître une « socialisation par frottement » préparant les jeunes à la souplesse identitaire qui autorise chacun à appartenir à un groupe privé sans renoncer pour autant à être soi-même (de Singly, 2000). Par conséquent, nous retenons l’expression residential siblings utilisée par Mavis Hetherington et al. (1999), pour introduire une nouvelle catégorisation « frères et sœurs d’habitation », désignant ces enfants qui ne sont pas des frères et sœurs de sang mais qui partagent des expériences familiales et fraternelles ainsi qu’un vécu dans un lieu commun [19]. Il s’agit bien de retranscrire, à partir des ajustements des jeunes acteurs, l’importance de la corésidence dans les liens fraternels ainsi que de formuler et d’insister sur une autre manière d’être frère et sœur. Les recompositions familiales nous ont servi de miroirs grossissants pour appréhender ce qu’est vivre ensemble sous le même toit et la manière dont les individus intègrent dans leur identité la dimension « avec ». En effet, si la germanité est une donnée, indépendante de la volonté et des personnages impliqués, le fraternel s’établit à partir d’un choix et ne concerne pas tant un groupe qu’un individu.
60Ces relations électives, qui s’établissent au jour le jour, nous révèlent la façon dont les enfants investissent des rôles laissés vacants par la société et la manière dont ils participent à construire leur propre monde : temporel, spatial, relationnel et familial. Au-delà de référents sociaux prescrits qu’ils ont incorporés, les enfants nous donnent à voir la manière dont ils « déjouent » et « jouent de » la complexité de cette forme familiale et plus largement la manière dont ils « re-construisent » et se « ré-approprient » leur monde.
Notes
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[*]
Aude Poittevin, docteur en sociologie, ATER à l’université de Rennes 2, rattachée au Centre de recherche sur les liens sociaux (cerlis).
lovighi. poittevin@ free. fr -
[1]
Les entretiens ont été réalisés en 2000.
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[2]
Cinq familles représentent la configuration « fratrie de quasis » (5 femmes et 9 enfants), 17 la configuration « fratrie de demis » (17 femmes et 28 enfants) et 10 la configuration « fratrie mixte » (10 femmes et 18 enfants).
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[3]
À la suite d’un contrat de recherche avec la Caisse nationale des allocations familiales, j’ai été dirigée vers la Caisse des allocations familiales de Paris qui m’a adressé une liste d’allocataires ayant constitué un nouveau foyer avec des enfants d’unions différentes. Mon corpus est issu de cet échantillon.
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[4]
Ce qui est caractérisé par le maintien du lien parental au-delà du conjugal. Cf. I. Théry, 1987.
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[5]
Notamment, la gestion de l’intimité. Cf. D. Le Gall, C. Martin, 1993.
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[6]
Cf. F. de Singly, 1993.
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[7]
Pour Régine Sirota (1998), les enfants sont à la fois produits et acteurs de processus sociaux, et il s’agit de se demander ce que fabrique l’enfant au sein d’instances de socialisation comme la famille.
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[8]
Les mots frères et sœurs évoquant deux types de liens, nous distinguons la fraternité de la germanité : la germanité renvoyant à une donnée familiale structurelle, à un statut assigné à la filiation (dimension verticale) et la fraternité plus à des sentiments fraternels, au partage d’une vie commune ou à un lien électif (dimension horizontale).
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[9]
Tous les enfants sont « résidents ». Lucie et Steve voient leur père respectif à certaines vacances. La mère de Samia est décédée. Raïssa, 38 ans, est assistante du président d’une banque. Habib, 38 ans, est agent de sécurité. Après avoir créé une entreprise, il s’est trouvé au chômage. Ils vivent ensemble depuis 1998 dans le XIIIe arrondissement de Paris (Bibliothèque nationale de France) ; ils sont locataires d’un six-pièces.
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[10]
Nadège et Louis voient leur père un week-end sur deux (enfants « non résidents »). Nadège, lors de ses venues, et Eléonore (enfant « résident ») dorment dans la même chambre et dans le même lit (mezzanine). Louis est seul dans une seconde chambre et Blandine dort avec ses parents. Daniel (35 ans) est cadre dans une grande entreprise publique. Barbara (41 ans) est
infirmière puéricultrice et directrice de crèche. Depuis 1999, ils vivent ensemble dans un quatre-pièces (XIe arrondissement de Paris – Oberkampf) dont Barbara était déjà propriétaire avec son ex-mari. -
[11]
Expression de Norbert Elias (La société d’individus, Paris, Fayard, 1991).
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[12]
Les aînés sont « non résidents ». Edwige est en internat, elle voit par conséquent son frère tous les week-ends et ses demis utérins et agnatiques respectivement un week-end sur deux. Leur père (40 ans) est employé dans un hôpital au service de la gestion du personnel. Martine (40 ans) travaille dans une agence de voyage. Ils vivent ensemble depuis 1990 dans le XIIIe arrondissement de Paris, près de la Porte d’Ivry. Ils sont locataires d’un cinq-pièces.
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[13]
Monique (47 ans) est responsable du service clientèle dans une entreprise. Denis (35 ans) est assistant informaticien. Ils vivent ensemble depuis 1989 et sont propriétaires d’un cinq-pièces depuis 1997 (XVIIe arrondissement de Paris – Brochant).
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[14]
Les lits sont dans le prolongement l’un de l’autre mais à des niveaux différents. Celui de Clotilde est une mezzanine, son bureau est en dessous alors que celui de sa demi-sœur est à mi-hauteur avec des rangements dessous. Les deux jeunes filles sont allongées dans le même sens : Judith met sa tête « aux pieds » de Clotilde.
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[15]
La séparation entre les deux espaces est matérialisée par le bureau de Judith rehaussé d’une bibliothèque. Clotilde a décoré le dos de la bibliothèque par des photos et des souvenirs. Leur espace respectif est de la largeur de leur lit.
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[16]
Cette organisation implique l’alternance des visites au sein d’une même semaine. Christophe : « Mardi matin quand j’pars de chez ma mère, j’prends mes affaires pour mardi et pour mercredi. Et mercredi soir j’retourne chez ma mère et jeudi matin, j’prends mes affaires pour jeudi et vendredi. Parce que jeudi soir, j’dors chez mon père. Moi, ça va, même si des fois j’ai un petit peu mal au dos. J’peux pas téléporter mes livres, alors… Comme ça je vois plus mon père » [Christophe].
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[17]
La mère de Ninon (42 ans) est secrétaire de rédaction. Le père de Christophe et Eugénie (58 ans) est économiste indépendant et consultant. Ils vivent ensemble depuis 1996 dans le XIe arrondissement de Paris (Oberkampf) ; ils sont locataires d’un quatre-pièces.
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[18]
Par contre, les relations entre quasis sont distendues lorsqu’il y a une confrontation formelle des modes d’éducation (importés par chaque entité familiale). Une durée assez longue de la recomposition peut ne pas compenser ce phénomène, voire entretenir l’écart. Les enfants semblent particulièrement sensibles à la différence des modes de vie ; c’est un obstacle prégnant dans la constitution des liens.
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[19]
Il est sous-entendu que cette catégorie s’applique aux enfants partageant de façon majoritaire ou peu fréquente un foyer commun.