Cette contribution propose une réflexion sur les effets ambivalents de la pratique du pitch, outil désormais incontournable des formations à l’entrepreneuriat. Elle s’appuie sur un exercice de déconstruction de cette forme de discours entrepreneurial spectaculaire, en interrogeant son pouvoir symbolique. L’analyse croisée d’entretiens, d’observations et d’expériences entre trois chercheurs en entrepreneuriat a conduit à envisager le pitch comme une narration performée, normée et normative, véhiculant un modèle de l’entrepreneur tel qu’il devrait être (« entrepreneur fictif »), et avantageant par là même un certain type de projets. Tout en soulignant les intérêts de la pratique du pitch, elle met en lumière certains effets problématiques, comme l’homogénéisation du discours, et au-delà, la standardisation des pratiques d’accompagnement entrepreneurial qui en découlent.
Article
L’utilisation du terme pitch pour désigner un discours apparaît dans les années 1940. Il renvoie alors à l’argumentaire de vente, voire au baratin publicitaire du commercial. Plus récemment, ce terme a été adopté dans l’écosystème start-up pour désigner une présentation orale, courte et percutante d’un projet entrepreneurial, destinée à convaincre une audience de s’engager pour l’organisation naissante. Notons ici qu’historiquement la pratique du pitch concerne une catégorie très minoritaire des créations d’entreprise : les start-up. Cette pratique narrative s’utilise de manière croissante en dehors du seul écosystème start-up. Désormais, on utilise le pitch dans les grands groupes pour développer des projets d’innovation (cf. intrapreneuriat), piloter le changement en interne ou convaincre de nouveaux clients. On fait aussi appel au pitch au sein de l’administration publique pour certains programmes (Entrepreneurs d’Intérêt Général, Start-Up d’État…), pour promouvoir des initiatives portées par des associations (cf. les démarches portées par Ticket For Change ou MakeSense) ou encore pour diffuser les résultats d’un travail doctoral en quelques minutes (Ma Thèse en 180 secondes). Cette diffusion de la « langue » des entrepreneurs est le symptôme d’un entrepreneurialisme, une colonisation croissante des sphères personnelles et professionnelles par le discours entrepreneurial, et que l’on retrouve chez les acteurs publics, les chercheurs et les structures d’accompagnement.
Dans les salles de classe, pépinières ou incubateurs, la pratique du pitch constitue le point d’orgue du parcours initiatique de l’apprenti startupeur…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 27/05/2022
- https://doi.org/10.3917/entin.051.0043

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