Les points forts
- Le dispositif de formation visant à développer l’autonomie chez l’apprenant se doit d’être suffisamment flexible et dynamique par rapport au couple « liberté-contrainte » de façon à permettre une progressivité de l’acquisition de cette autonomie.
- La logique de l’apprentissage expérientiel alternant des phases d’action et des phases de réflexion/conceptualisation n’est pas évidente à développer chez les post-lycéens et demande une vigilance particulière de la part des encadrants pédagogiques.
- La mise en place et l’entretien d’une dynamique collective au-delà du simple groupe de travail est indispensable pour soutenir la motivation à agir des apprenants dans une formation fondée sur l’apprentissage par l’action.
1Une des spécificités de l’éducation entrepreneuriale par rapport à d’autres formations en management réside dans la place centrale attribuée à la faculté d’agir au sein de l’ensemble des compétences à acquérir, qu’elles soient de nature spécialisée et technique ou qu’elles reposent sur l’acquisition de soft skills. En effet, les approches récentes de l’entrepreneuriat définissent cette faculté d’agir dans une perspective élargie comme la faculté de transformer les idées en actions pour résoudre des problèmes et créer de la valeur pour soi et les autres.
2La littérature met en évidence l’efficacité des pédagogies basées sur l’expérience ou l’action pour développer les compétences entrepreneuriales [1]. Ces approches ont été introduites dans les formations en management dans les années 90 comme une alternative à l’approche pédagogique traditionnelle basée sur une transmission de contenus allant de l’enseignant vers l’étudiant [2], pour se propager par la suite dans de nombreux programmes entrepreneuriaux, et plus récemment ceux destinés aux étudiants en formation initiale.
3La question fondamentale qui se pose alors est la suivante : « comment développer cette faculté d’agir chez les étudiants engagés dans une formation entrepreneuriale ? » Il s’agit ici d’interroger non seulement la faculté d’agir mais également le contexte même de l’action, par exemple le travail en équipe.
4En s’appuyant sur le cas d’une formation initiale où l’action en équipe constitue la clé de voûte de l’apprentissage, cette publication vise à explorer les enjeux pédagogiques de la mise en place de l’apprentissage par l’action dans l’éducation entrepreneuriale.
Apprentissage par l’action et éducation entrepreneuriale
5L’apprentissage par l’action (AA) est fondé sur la conviction selon laquelle l’être humain apprend de l’expérience, surtout lorsque celle-ci est collaborative [3]. Ainsi, expérience réelle et réflexion en groupe constituent les deux piliers de l’AA, même s’il n’en existe pas de définition unique [4]. Pour que l’expérience réelle soit apprenante, elle doit être accompagnée d’une analyse cherchant à définir le sens de l’expérience et menant à une action réfléchie. De cette façon, la connaissance est créée suite à un effort de réflexion sur l’action et pas seulement suite à l’expérience elle-même. Partager et réfléchir en groupe avec des pairs permet à chaque participant de développer des idées de résolutions des problématiques abordées. La connaissance ainsi créée est contextuelle et applicable en pratique [5].
Comment former les entrepreneurs ?
6L’éducation entrepreneuriale (EE), dont l’objectif est de développer les attitudes et compétences entrepreneuriales [6], se développe dans les années 80 pour être progressivement reconnue comme une discipline à part entière de l’éducation en management.
7Les programmes en EE varient en fonction des objectifs pédagogiques et du public visés. Dans les études post-bac, pour les jeunes avec peu d’expérience, ces programmes cherchent à sensibiliser à une posture entrepreneuriale. Les formats pédagogiques varient entre la rédaction d’un business plan (BP) fictif, qui est le format de cours le plus fréquent, jusqu’au lancement d’un vrai projet entrepreneurial [7]. Si l’élaboration d’un BP fictif permet aux étudiants de se familiariser avec les étapes de la création d’entreprise, elle ne permet toutefois pas d’en expérimenter toutes les dimensions. Par exemple, il est impossible d’apprendre à manager une équipe, à créer de véritables relations avec des clients ou d’autres parties prenantes, ou encore à assumer pleinement les conséquences des décisions prises.
Distinction entre apprentissage par l’action et apprentissage expérientiel
8Il est ici important de noter que les programmes universitaires à destination d’un public jeune en formation initiale renvoient au concept d’apprentissage expérientiel (AE) plutôt qu’à celui de l’apprentissage par l’action (AA). En effet, d’un point de vue pédagogique, l’AE est un concept plus large que l’AA [8]. Si tous deux s’appuient sur le cercle d’apprentissage de Kolb [9], ils diffèrent sur deux points essentiels.
9Premièrement, l’expérience dans l’AE n’est pas nécessairement réelle. Elle peut imiter la réalité par simulation, ce qui va permettre à l’apprenant de vivre et d’apprendre de l’expérience. La solution proposée peut rester théorique et ne sera pas forcément testée en pratique. L’apprenant n’est donc pas forcément impacté dans sa vie réelle : il n’est pas responsable des conséquences opérationnelles des solutions proposées et ne prend pas de risque relationnel (par exemple, dégradation de son image ou détérioration des relations avec les parties prenantes). Ainsi, les formats pédagogiques des approches expérientielles allant des simulations sous forme d’études de cas, de jeux de rôle ou de serious games jusqu’à la réalisation de missions proposées par des entreprises, se différencient de l’AA par l’absence de deux éléments majeurs : la relation et les conséquences réelles.
10Deuxièmement, dans l’AE, les objectifs d’apprentissage sont fixés en amont par le responsable du programme, souvent expert dans le domaine. Par exemple, dans l’approche pédagogique d’apprentissage par problème, le problème en question peut être proposé et rédigé par le tuteur académique. L’objectif est donc dirigé vers l’acquisition de compétences prédéfinies et liées au problème posé. Dans le cas de l’AA, les objectifs et besoins d’apprentissage sont difficilement définissables à l’avance, émergeant du terrain en fonction des problèmes auxquels les apprenants sont confrontés.
- L’expérience n’est pas nécessairement réelle et peut être simulée ;
- L’apprenant n’assume pas forcément les conséquences des décisions prises, ni la relation avec les parties prenantes ;
- Les objectifs d’apprentissage sont définis par le référent pédagogique.
Spécificités du Bachelor Jeune Entrepreneur de l’EM Strasbourg
11Avec une pédagogie fondée sur l’AA, le Bachelor Jeune Entrepreneur (BJE) de l’École de Management de l’Université de Strasbourg se distingue fortement des autres programmes entrepreneuriaux proposés en France aux étudiants en formation initiale. Dans ces derniers, les approches expérientielles (AE) viennent en complément d’un programme universitaire traditionnel alors qu’au BJE, l’action dans la vie réelle constitue le pilier pédagogique central sur l’ensemble des 3 années de la formation.
12Ce parcours, accueillant des jeunes de niveau post-bac, s’inspire de l’approche pédagogique Team Academy développée depuis plus de 25 ans à l’Université des Sciences Appliquées de Jyväskylä en Finlande. Le BJE s’inscrit dans le courant de l’éducation par l’entrepreneuriat : les projets des étudiants ne constituent pas une fin en soi mais des outils pour développer des compétences. Le dispositif pédagogique du BJE [10] s’appuie sur la boucle d’apprentissage expérientiel de Kolb (Schéma 1).
La boucle d’apprentissage expérientiel au BJE

La boucle d’apprentissage expérientiel au BJE
13Pratiquer : L’étudiant s’engage dans les projets réels de son choix, qui peuvent être ses propres projets ou des missions à réaliser pour le compte d’entreprises. Il est invité à réaliser des visites d’entreprises et à participer à des événements (start-up week-end, hakathon, …).
14Analyser : Chaque étudiant fait partie d’une équipe d’une quinzaine de membres qui se réunissent deux demi-journées par semaine en présence d’un coach, pour partager les questionnements et apprentissages liés aux projets en cours, aux visites d’entreprises ou encore aux lectures et réflexions personnelles. Ces sessions en équipe (TS : training session) remplacent les cours qui ne figurent pas parmi les modalités obligatoires retenues dans la maquette pédagogique du BJE.
15Généraliser : Toute action de l’étudiant est suivie d’un moment réflexif, formalisé par un écrit qui peut prendre différentes formes. Il peut s’agir d’un papier de réflexion sur l’action réalisée ou sur les différents rôles que l’étudiant a exercé dans le projet ou l’équipe, ou encore d’un essai rédigé à partir de la lecture d’un ouvrage. Ces écrits sont partagés en TS.
16Transférer : L’étudiant réactualise en continu ses objectifs d’apprentissage (connaissances à acquérir et compétences à développer), formalisés dans un « contrat d’apprenance » qui guide ses actions. Sur l’ensemble des 3 années de parcours, l’étudiant s’appuie sur un référentiel de 21 compétences managériales relevant de hard skills (stratégie, marketing, comptabilité, gestion de projet …) et de soft skills (créativité, leadership, apprendre à apprendre…). Il est demandé à l’étudiant de composer un portfolio contenant les preuves de l’acquisition de ses compétences. Ceci lui permet non seulement d’alimenter les objectifs de son contrat d’apprenance, mais aussi de poser les bases de son évaluation dans le programme.
Méthodologie
Les entretiens ont été intégralement retranscrits et traités selon les principes de l’analyse de contenu thématique [11]. Toutes les étapes de codage ont été réalisées manuellement en double codage par deux chercheurs travaillant indépendamment.
17Ainsi, au BJE, l’engagement dans l’action de l’étudiant constitue la pierre angulaire du programme, dans la mesure où l’absence d’action implique l’absence de possibilité d’apprendre et donc de se former. Depuis la création du BJE, l’équipe pédagogique a constaté que la dynamique d’action était irrégulière, voire défaillante sur certaines périodes. Ce constat motive notre questionnement visant à mieux comprendre comment soutenir l’action de l’étudiant engagé dans un programme basé sur l’AA, en nous appuyant sur le cas du BJE.
Action : de quoi parle-t-on ? De l’agir à l’agir compétent
18Les résultats de notre recherche nous poussent à revenir vers le sujet principal : l’action en tant que telle en nous interrogeant sur la nature même de cette action. En d’autres termes, du point de vue de l’étudiant, de quoi parle-t-on lorsque l’on parle d’apprentissage par l’action dans une formation entrepreneuriale ?
19Une grande diversité de conceptions de l’action émerge, en particulier la distinction entre une conception restreinte de l’action, touchant aux activités entrepreneuriales (projets, visites d’entreprises, rencontres avec des entrepreneurs, …) et une conception élargie de l’action, touchant toutes les dimensions de la vie de l’étudiant (schéma 2). L’inaction, quant à elle, se définit en référence à l’action, en ce que les étudiants se sentent inactifs lorsqu’ils ne sont pas engagés dans les activités qui pour eux caractérisent l’action.
Représentations de l’action et de l’inaction au BJE

Représentations de l’action et de l’inaction au BJE
L’action : un double défi à relever pour les étudiants
20Le premier défi concerne une dimension restreinte de l’action. Dans la littérature EE, cet aspect est abordé au travers du concept « d’agir compétent » [12], précisant les différentes étapes du projet entrepreneurial, les compétences à développer, ainsi que les critères d’évaluation de l’atteinte de ces compétences.
21Le second défi concerne une dimension élargie de l’action à l’étudiant dans son quotidien. Le cadre actuel du BJE, laissant beaucoup de liberté dans la gestion du temps, les met face à un défi qui est loin d’être simple à relever pour des jeunes post-lycéens. Ces derniers sont en effet issus d’un système de formation scolaire dans lequel leur agenda était auparavant rempli par des cours, avec un faible degré d’autonomie. Ce deuxième aspect de l’action semble être considéré comme allant de soi, et n’est, à notre connaissance, pas abordé en tant que tel dans la littérature EE. Il semble présupposé que l’étudiant s’inscrivant dans une formation entrepreneuriale est « suffisamment » autonome.
22Or, nos résultats mettent en lumière le caractère fondamental de la prise en compte de cette dimension d’un agir élargi en parallèle à un agir compétent entrepreneurial. Ainsi, l’apprentissage par l’action répond au besoin d’appréhender l’entrepreneuriat dans une perspective élargie, dépassant l’acquisition des compétences liées au lancement d’un business, pour permettre le développement de l’esprit d’entreprendre [13]. Dès lors, l’apprentissage par l’action ne peut pas faire l’impasse sur une intégration élargie du concept d’agir.
Un équilibre entre liberté et contrainte lié à la capacité d’autonomie de chacun
23Nos résultats montrent que, dans l’espace de liberté proposé par le cadre pédagogique du BJE, l’action est tantôt favorisée, tantôt freinée. La manière dont les étudiants s’approprient cet espace renvoie à leur capacité à s’autonomiser dans ce contexte pédagogique. Pour les uns, le cadre est perçu comme trop contraignant et empêche l’action, alors que pour les autres, le cadre pourrait être davantage contraint pour les inciter à l’action.
« Dans mon cas, ce qui m’aurait beaucoup plus aidé c’est qu’on m’enlève une partie de mon autonomie en première année » (E3T 401-403). « Je suis arrivé ici (…) Et finalement je fais un peu ce que je veux. Je gère comme moi j’en ai envie. En fait, j’ai jamais autant bossé» (E2A 55).
25Un résultat central de notre recherche réside dans le fait que la progressivité et l’individualisation de l’acquisition de l’autonomie par l’étudiant doivent être appréhendées par le cadre pédagogique. Ainsi, l’enjeu n’est pas tant de déterminer l’équilibre à atteindre entre liberté et contrainte du cadre, mais plutôt de s’assurer de l’appropriation progressive des incitations et des règles par les étudiants, pour les soutenir dans leur action.
26Il apparaît alors qu’un des enjeux essentiels d’une formation d’apprentissage par l’action porte sur le caractère dynamique du rythme d’apprentissage des étudiants. Le dispositif pédagogique doit donc intégrer d’une part, une progressivité dans la liberté laissée à l’apprenant sur la durée de la formation et d’autre part, une souplesse « suffisante » du cadre pour pouvoir s’adapter à la capacité d’autonomie individuelle de l’apprenant.
27Le dispositif pédagogique se doit d’être dynamique et souple en ce qu’il s’adapte à la fois à la capacité d’autonomie individuelle et qu’il intègre une progressivité de l’allègement de la contrainte tout au long de la formation de façon à soutenir l’acquisition de cette autonomie. Un rythme d’apprentissage progressif et individualisé constitue un défi pédagogique d’autant plus important dans une formation basée sur l’AA (versus AE). En effet, l’acquisition de l’autonomie passe par laisser le choix des objectifs d’apprentissages et des projets à l’étudiant, qui devra en assumer les conséquences.
Travailler sur l’articulation entre action et réflexion
28Les résultats de notre recherche montrent que l’intégration des activités dites d’action avec les activités dites de réflexion (réflexivité sur l’action et conceptualisation) est loin d’être intégrée par l’ensemble des étudiants interrogés. Certains étudiants vivent les activités réflexives comme des contraintes du cadre avec peu de création de valeur, alors que d’autres ont plus ou moins intégré les apports des différentes étapes de la boucle d’apprentissage de Kolb.
« Le gros problème, c’est que j’ai toujours un peu de mal à faire la part entre l’action et les écrits. (…) je déteste me couper de l’action par un écrit (…), souvent c’est ça qui m’empêche d’être dans l’action. Du coup c’est un retour à la réalité, tout simplement parce qu’en fait, on est encore étudiant, faut encore qu’on apprenne des trucs et qu’on a encore des rendus à faire. (…). Mais du coup ça fait partie du jeu ».
« Le RP (papier de réflexion sur une action réalisée) c’est intéressant parce que c’est ce qui pousse à l’action. Les essais poussent à l’action parce que à chaque fois que je lisais quelque chose, je le transformais en action ».
31Si les quatre dimensions du modèle d’apprentissage expérientiel de Kolb sont bien présentes dans le dispositif pédagogique du BJE, cela ne semble pas suffire. En effet, les étudiants interrogés ont tendance à dissocier les outils associés aux différentes dimensions et n’ont pas pleinement intégré l’articulation systémique dans une boucle d’apprentissage itérative.
32Nos résultats montrent que l’enjeu d’une formation entrepreneuriale d’apprentissage expérientiel réside non seulement dans l’existence d’un outillage pédagogique adapté aux quatre dimensions proposées par Kolb, mais aussi dans l’intégration de manière fluide et pérenne des liens entre ces dimensions afin qu’à l’issue de la formation l’étudiant ait véritablement appris à apprendre, et ne se contente pas simplement de répondre à l’exigence du cadre proposé.
33Apprendre de l’expérience ne va pas de soi, les étudiants étant habitués à un format pédagogique descendant où ils suivent les consignes données par le référent pédagogique. Le défi pédagogique est de taille et suppose une vigilance particulière de la part de l’encadrant.
Entretenir une dynamique collective d’action
34Les résultats de la recherche pointent l’existence d’une double dynamique à soutenir dans une formation fondée sur l’AA. D’une part, les étudiants interrogés relèvent l’effet d’entraînement du groupe sur l’action individuelle. D’autre part, ils précisent que l’action collective est le fruit de l’action d’individus.
35Les travaux de Lewin ont mis en évidence l’influence du groupe sur le comportement individuel, par la transformation de l’intention d’action en action réelle. Plus récemment, la théorie de l’autodétermination [14] étudie l’impact de l’environnement sur la motivation autonome à agir de l’individu. Cette approche motivationnelle pose l’impératif de la satisfaction du besoin psychologique de base d’être en lien avec les autres pour soutenir une motivation autonome [15]. Une piste prometteuse pour nourrir ce besoin de lien peut être trouvée dans le développement d’une communauté d’apprentissage [16] au sein de la formation entrepreneuriale.
36Nos résultats nous invitent à envisager le caractère central de la dynamique collective de l’équipe et de la communauté, non seulement pour entretenir l’apprentissage, mais aussi pour soutenir l’action. Ainsi, l’enjeu d’une formation basée sur l’AA consiste à créer et à entretenir cette dynamique collective d’équipe et de communauté au-delà du concept de promotion ou de classe d’une formation traditionnelle.
37Cette dynamique, importante pour toute formation basée sur l’AE, devient cruciale dans le cas de l’AA. En effet, l’inscription dans la réalité de l’action et de ses conséquences engage l’étudiant en tant que personne. De ce fait, le lien de l’étudiant avec ses coéquipiers et les membres de la communauté constitue un facteur essentiel de son apprentissage, voire de son cadre de vie.
38Bien que notre recherche soit basée sur le seul cas du BJE, avec un nombre limité de répondants, les résultats sont susceptibles d’enrichir les réflexions et pratiques des professionnels, qu’ils soient pédagogues, coachs ou managers d’équipe.
39Quel espace de liberté proposer ? L’enjeu de la nécessaire gestion du rythme d’apprentissage tout au long de la formation nous amène à préconiser la mise en place d’un cadre pédagogique dynamique, imposant au début des actions et outils pour s’assouplir au fur et à mesure. L’espace de liberté réduit au début devient de plus en plus large, en fonction du développement de l’autonomie de l’étudiant. En effet, l’autonomie ne se décrète pas mais s’acquiert.
40Comment favoriser l’intégration du cycle d’apprentissage expérientiel ? Nos recommandations portent à la fois sur l’explicitation du modèle pédagogique et sur son appropriation par l’apprenant. Dans un premier temps, il s’agit d’expliquer le modèle de Kolb et d’illustrer chacune de ses étapes en faisant référence aux outils pédagogiques utilisés dans la formation, et ce à maintes reprises. Dans un second temps, il s’agit de veiller à l’appropriation de l’ensemble des outils pédagogiques proposés dans la perspective du développement de la compétence d’apprendre à apprendre et des compétences entrepreneuriales visées. Les sessions de dialogue en équipe constituent le dispositif privilégié pour réaliser cet accompagnement et formaliser les apprentissages.
41Comment stimuler une dynamique collective à même de soutenir l’apprentissage par l’action ? Plusieurs axes sont proposés. Le premier axe porte sur le suivi et le soutien à l’action. Celle-ci étant centrale dans un tel dispositif, il est indispensable que l’encadrement pédagogique s’assure en continu de l’existence d’un niveau d’action suffisant chez les apprenants, et soit prêt à proposer des missions en cas d’insuffisance d’action. Le deuxième axe porte sur l’instauration d’un espace de dialogue collectif favorisant le développement des compétences. Le respect de règles de dialogue comme parler avec son cœur, écouter activement, suspendre son jugement ou encore construire sur les idées des autres (et non les démolir) est ici central. Le troisième axe vise à favoriser les moments « off » comme les défis collectifs sans enjeux, les moments de convivialité et d’amusement, les sorties, qui permettent aux étudiants de mieux se connaître dans un cadre extérieur pour tisser des liens plus forts et pouvoir faire face aux moments difficiles en équipe.
42Nos postures professionnelles d’enseignant.es sont questionnées pour développer des compétences d’accompagnement, de coaching individuel et d’équipe, intégrant l’étudiant en tant que personne engagée dans un projet d’apprentissage et de vie. Le cadre pédagogique est dynamique, coconstruit par les encadrants et les étudiants, et susceptible d’être remis en question régulièrement.
Notes
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[1]
Gibb A. (2011), Concepts into practice: Meeting the challenge of development of entrepreneurship educators around an innovative paradigm, International Journal of Entrepreneurial Behaviour and Research, 17(2),146–165 ; Neck H.M. & Greene P.G. (2011), Entrepreneurship education: known worlds and new frontiers, Journal of Small Business Management, 49(1), 55-70.
-
[2]
Verzat C. (2010), Pourquoi parler d’accompagnement des étudiants aujourd’hui ? Dans B. Raucent, C. Verzat et L. Villeneuve (dir.), Accompagner des étudiants : Quels rôles pour l’enseignant ? Quels dispositifs ? Quelles mises en œuvre ? (27-50). Bruxelles : De Boeck.
-
[3]
Dewey, J. (1938). Experience and Education. New York : Macmillan; Lewin, K. (1951), Field Theory in Social Sciences. New York: Harper and Row.
-
[4]
Revans R. W. (1982), The origin and growth of action learning. Brickley, UK : Chartwell-Bratt.
-
[5]
Rogers C., (1973), “Les groupes de rencontres”, Paris : Dunod.
-
[6]
Fayolle A., Gailly B. & Lassas-Clerc N. (2006), Assessing the impact of entrepreneurship education programmes: A new methodology. Journal of European Industrial Training, 30(9), 701–720.
-
[7]
Honig B. (2004), Entrepreneurship education: Toward a model of contingency-based business planning, Academy of Management Learning and Education, 3(3), 258–273.
-
[8]
Simpson P. & Bourner T., (2007), What action learning is not in the twenty-first century. Action Learning : Research and Practice. 4-2, 173-187.
-
[9]
Kolb D. A. (1984). Experiential Learning. Englewood Cliffs, NJ: Prentice-Hall.
-
[10]
Pour une présentation plus détaillée du dispositif pédagogique, voir Bourachnikova O., Haller C., & Paulus O. (2017), Le bachelor jeune entrepreneur de l’EM Strasbourg : apprendre par l’action et en équipe, Entreprendre et Innover, 35, 51-58.
-
[11]
Bardin L. (2013), L’analyse de contenu, Paris, PUF.
-
[12]
Fernagu-Oudet S. & Batal C. (2016), (R)évolution du management des ressources humaines – Des compétences aux capabilités, Villeneuve d’Ascq, Presses du Septentrion.
-
[13]
Verzat C. (2015), Esprit d’entreprendre, es-tu là ? Mais de quoi parle-t-on ?, Entreprendre et Innover, 27, 81-92.
-
[14]
Deci E. L., & Ryan R. M. (Eds.) (2002), Handbook of self-determination research. Rochester, NY: University of RochesterPress.
-
[15]
Bourachnikova O., Sauter C., & Merdinger-Rumpler C., (2019). Performance individuelle au sein d’une équipe d’étudiants entrepreneurs : en quoi l’équipe influence-t-elle la capacité d’agir de ses membres ? QPES, Brest, juin 2019.
-
[16]
Charlier B., & Peraya D., (2003), Technologies contemporaines de l’éducation. Dispositifs innovants de formation pour l’enseignement supérieur, Bruxelles, De Boëck.