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Les points forts

En contexte académique, un hackathon réussi permet de :
  • Apprendre individuellement et collectivement (via la bienveillance et la créativité) ;
  • Créer une véritable dynamique de transformation (via des idées innovantes, des valeurs partagées et la proposition de nouveaux processus) ;
  • Innover tant au niveau pédagogique que de la recherche (via le processus et le résultat de la formation et de la recherche-action).

1À l’heure du numérique, les entreprises et les institutions se doivent de se transformer. La culture numérique altère la relation au temps, à l’espace, à autrui, au savoir et au travail [2], [3]. Dans ce contexte, un hackathon est défini comme « un concours d’innovation numérique se déroulant sur une courte durée » [4], dans un lieu déterminé, de manière intensive, ininterrompue [5] et surtout conviviale [6]. Il s’agit de réunir, pendant 24 à 48 heures, des professionnels d’horizons variés pour trouver une solution répondant à une problématique vécue en entreprise, et prenant forme au travers d’applications concrètes pouvant être implémentées rapidement après l’événement.

2Cet article analyse un projet créatif collaboratif. Nous avons conçu et tiré les enseignements du premier hackathon organisé par une institution d’enseignement supérieur française – que nous appelons hackathon en contexte académique – sur une thématique digitale RH. Nous exposerons comment la méthode d’animation, reposant sur la démarche Design Thinking, a permis de faire émerger de nouvelles idées pour améliorer l’expérience collaborateur dans le domaine de l’intégration, du recrutement, de la formation et de la gestion de carrières. Puis nous mettrons en avant la nécessaire prise en compte de freins individuels, organisationnels et collectifs pour garantir le succès de la démarche.

3Alors que les hackathons sont des évènements collaboratifs florissants en entreprise, ils demeurent rares dans le milieu de l’enseignement et de la recherche. Le cas traité ici a permis de disrupter la méthode du hackathon et du Design Thinking.

Deux étapes clés : la préparation et l’animation

4L’objet de l’étude est la méthode de hackathon en contexte académique et appliquée aux pratiques de ressources humaines (RH). Cette étude terrain relève d’une approche qualitative exploratoire portant sur un hackathon organisé en 2017 en France (Paris), qui a réuni plus de 130 participants. La spécificité de ce hackathon est d’être organisé par une institution académique, avec des acteurs académiques et professionnels, dont l’objectif était centré sur des problématiques en ressources humaines d’entreprises. Cet évènement a permis, au sein d’un même lieu, de réunir plusieurs types d’entreprises, d’échanger avec un public pluridisciplinaire, et de partager des moments de convivialité et d’intelligence collective. Pour illustration, une vidéo présentant l’expérience du hackathon a été réalisée [7]. La collecte des données repose sur un protocole d’observation participante sur l’ensemble de la durée de l’événement auprès des sept équipes-projet formées lors de l’événement.

5Cet article se focalise sur deux temps clés dans l’observation participante de cet événement : la phase de préparation et la phase d’animation. Cette observation participante peut être qualifiée de « flottante » [8]. Réalisée chemin faisant, elle résulte des opportunités et des moments d’échanges avec les acteurs du terrain [9]. L’implication des chercheurs a été particulièrement prégnante lors de la phase de préparation.

6Avant l’événement, deux journées de travail collaboratif avec les représentants de chaque catégorie de participants (enseignants-chercheurs, étudiants, collaborateurs, facilitateurs) ont été organisées. La première journée a permis de cadrer les objectifs du hackathon et de créer un livret méthodologique avec des maps qui permettent d’accompagner les participants dans leur réflexion. La deuxième journée de travail a permis de co-construire le thème général proposé aux entreprises participantes : « Comment valoriser l’expérience des collaborateurs pour innover dans les pratiques ressources humaines (depuis le recrutement jusqu’à la gestion de la mobilité) et développer l’agilité et les talents de l’organisation ? »

7Sur la base de cette thématique, les sept entreprises participantes (SFIL, Suez, Engie, Korian, Orange, Sncf achat, Axa) ont choisi leur propre problématique autour de l’intégration des nouveaux collaborateurs, la formation, la gestion des talents, les nouvelles postures managériales et l’info-obésité. Pendant l’évènement qui a duré douze heures en continu, sept équipes mixtes (constituées de manière spontanée) accompagnées par un animateur en Design Thinking ont collaboré pour trouver une solution aux problématiques des entreprises présentes. Les auteurs ont alors adopté une observation plus distanciée lors de cette phase.

Tableau 1

Le premier hackathon en contexte académique appliqué aux RH

Date de l’événementMars 2017
PréparationSix mois avant l’évènement
Organisation en gestion de projetSix personnes pour la conception du cadre (préparation globale) aidées de manière ponctuelle par des étudiants, enseignants chercheurs et facilitateurs
AnimationMarathon de 12h, Pitch en 180 secondes des problématiques (à travailler) et des solutions projets (trouvées)
Participants et profils130 personnes : Enseignants-chercheurs, collaborateurs (grandes entreprises et start-up), étudiants, animateurs
Thématique« Hackons les processus RH et repensons l’expérience collaborateur »
ProblématiqueComment valoriser l’expérience des collaborateurs pour innover dans les pratiques RH et développer l’agilité et les talents de l’organisation ?
Entreprises présentesLes sept entreprises (SFIL, Suez, Engie, Korian, Orange, Sncf achat, Axa) ont toutes financé à hauteur de 1 500 euros la journée. Elles sont venues avec cinq collaborateurs chacune. Elles ont apporté une problématique interne qui a été traitée par un groupe. Les collaborateurs de l’entreprise n’étaient pas obligés d’être dans le groupe avec la question choisie par l’entreprise
Processus RHLes problématiques étaient arrêtées par chaque entreprise participante et les équipes mixtes se sont constituées de manière spontanée pour proposer sept processus qui ont émergé de chaque groupe
ObjectifSept problématiques prédéfinies à hacker pour repenser les RH et proposer des solutions viables
ÉquipesSept équipes agiles et pluridisciplinaires
Démarche innovante d’animationDesign Thinking
Outils d’accompagnementLivret méthodologique et maps élaborés par les organisateurs
RésultatSept livrables (proposition d’une solution réalisable par équipe)
FinaleJury mixte (professionnels et académiques)
Critères d’évaluation : originalité et faisabilité de la solution-projet de transformation proposée.
Le prix « Innovation & Learning » a été remis par l’entreprise Julhiet Sterwen.
Engie est arrivée 1ère, Korian 2e et Orange a reçu le prix du jury

Le premier hackathon en contexte académique appliqué aux RH

Une démarche d’animation basée sur le Design Thinking

8De nombreuses méthodes de créativité auraient pu être mobilisées pour concevoir et animer ce hackathon en contexte académique comme le « Creative Problem Solving », le modèle FourSight, Lego Serious Play, ou encore la méthode des images et des Personae. La démarche de Design Thinking s’est imposée car elle allie créativité et proposition d’une solution dans une optique de prototypage. Il s’agit ici de mettre en lumière le processus de décision des acteurs organisateurs et non l’analyse scientifique des chercheurs.

9Arriver à des livrables possibles en termes de réalisation future a été déterminant dans le choix de la méthode. De plus, elle est facilement applicable sur une journée compte tenu de l’enchaînement d’étapes accompagnées par des outils méthodologiques. Elle s’appuie sur de l’intelligence collective qui, dans le cas de la constitution d’équipes diversifiées, était un facteur clé de succès. Au-delà d’un effet de mode, le Design Thinking est une façon de penser reconnue aujourd’hui comme l’une des plus performantes pour des projets d’organisation sociale, d’innovation de rupture, ou de développement d’activités [10]. Elle permet d’apprendre par la pratique (learning by doing) [11].

10L’organisation d’un tel événement pour l’institution académique étudiée répondait à trois objectifs clés :

  • Associer et faire réellement collaborer des participants de différents univers : l’enseignement, la recherche, les étudiants et les collaborateurs d’entreprises et ainsi multiplier et croiser les expériences ;
  • Embarquer les collaborateurs des filières ressources humaines sur la transformation de leurs propres processus, dans une perspective de recherche-action,
  • Expérimenter, autour d’un projet, la démarche de Design Thinking, pour manager différemment.

Un évènement à forte(s) valeur(s) ajoutée(s)

11Ce premier hackathon en contexte académique appliqué aux RH portait un triple défi : créer une dynamique collective d’apprentissage ; créer une dynamique de transformation ; innover tant au niveau pédagogique que de la recherche. Les temps forts et les difficultés rencontrées sont analysés.

Une dynamique collective d’apprentissage

12L’observation terrain montre que le hackathon est un outil « formateur », un levier de motivation et de créativité pour toutes les parties prenantes, qui offre un environnement d’ouverture et de respect entre acteurs.

13La bienveillance. Le hackathon en contexte académique permet un mode de fonctionnement harmonieux, dans un intérêt commun et donnant du sens à l’objectif à atteindre. C’est un outil d’innovation managériale qui repose sur une nouvelle forme d’organisation du travail, qui redéfinit le temps, l’espace et les rapports de travail. La réussite de ce type d’événement repose sur la bienveillance et la confiance entre les divers acteurs, afin que la collaboration et l’engagement envers le projet émergent.

Un outil de créativité et d’agilité au service de l’intelligence collective

Le hackathon favorise la participation de chaque acteur, ce qui implique de l’investissement et des efforts de la part des individus [12]. Le travail collaboratif devient source de synergies et d’antagonismes. Les membres de l’équipe (enseignants, étudiants et praticiens) doivent créer une forme de culture collaborative de travail pour se comprendre et interagir. Ainsi, un hackathon en contexte académique est une nouvelle méthode de travail en temps réel qui favorise la proposition de solutions désirables, opérationnelles et pragmatiques pour les entreprises et d’innovation pédagogique pour les enseignants et étudiants. Les résultats de cet hackathon auraient pu être obtenus par d’autres méthodes de co-création collective mais l’apport de cet outil consiste à faire vivre aux participants les démarches agiles et de Design Thinking. Ainsi, au-delà des résultats obtenus, les participants ont acquis de nouvelles méthodologies de travail à la fois pédagogiques et professionnelles.

14La créativité. Selon les verbatim, les participants ont choisi de s’inscrire à ce hackathon pour expérimenter une méthode de résolution de problèmes basée sur l’intelligence collective en travaillant en équipes pluridisciplinaires. Les étudiants retirent du hackathon une expérience collaborative « positive », « très valorisante », ou encore « libératrice ». La provenance diverse des étudiants (RH, informatique, communication) est également source de créativité : « Je trouve intéressant de prendre du recul et d’innover pour trouver des nouvelles solutions » (E14) [13]. Les organisateurs, et notamment les facilitateurs mobilisant la démarche de Design Thinking soulignent une belle dynamique générale lors de l’événement. Les facilitateurs ont ainsi pu « mettre à l’essai mon savoir-être et insuffler une impertinence constructive pour aider les groupes à avancer » (O1). Le hackathon a fait découvrir aux étudiants une nouvelle forme de créativité grâce à « une contribution collective et foisonnante pour faire émerger les idées » (E5). Les facilitateurs ont éprouvé des difficultés dans leur animation à cause du bruit ambiant. Pour améliorer l’organisation future de ce type d’événement, les enseignants-chercheurs préconisent l’installation de « salons-salles de concentration » à utiliser « pour faire le vide et repartir plus concentré » (EC5).

Une dynamique de transformation RH

15La spécificité du format hackathon tient en la multiplicité des profils des participants (âge, expérience, statut) en lien avec le monde professionnel et en la confrontation des points de vue lors des différentes phases de création. Cette hétérogénéité des profils permet l’émergence d’idées innovantes, le partage de valeurs et la proposition de nouveaux processus pour les entreprises.

16Des idées innovantes. Le caractère pluridisciplinaire des participants réunis autour d’un objectif commun contribue à créer un apprentissage unique car les savoirs mis en commun sont complémentaires : « C’est une situation inédite pour moi de travailler dans une équipe où tout le monde ne vient pas du même secteur : étudiants, chercheurs, professionnels plus ou moins expérimentés… C’est ce qui fait la richesse des connaissances créées » (E12). La valeur ajoutée du hackathon est celle de réfléchir « hors cadre » dans la mesure où l’exercice ne donne lieu à aucune limite en termes de créativité. L’utilisation de matériel créatif facilite l’émergence d’idées innovantes (post-it, feutres, cartes heuristiques…).

17Des valeurs partagées. Si les apports relationnels sont nombreux (élargissement du carnet d’adresse, maintien du contact post-événement), c’est la diversité des relations humaines tissées qui font la richesse du hackathon. Le travail en équipe, la rencontre et la coopération ont été un fil conducteur pour l’émergence de valeurs communes. « La parole était donnée à chacun sans se soucier de son statut. Le hackathon permet d’avoir le droit à l’erreur… » (C15).

18La proposition de nouveaux processus. Le hackathon a permis de faire émerger de nouveaux processus, par exemple la création d’un parcours de développement de trois ans dédié aux talents, ou encore une application « Game of Trust » pour améliorer les compétences managériales des cadres. L’événement concourt in fine à de nouvelles méthodes de production d’idées en temps réel et à l’échange de bonnes pratiques entre professionnels variés de la fonction ressources humaines. Certains collaborateurs commencent notamment à s’intéresser à la mise en œuvre réelle des processus créés dans leurs pratiques professionnelles.

Des livrables pour transformer l’entreprise

De nombreux apprentissages ont été générés, relatifs à la connaissance du fonctionnement des organisations, à la culture d’entreprise, aux problématiques traitées par les équipes pour transformer la gestion des ressources humaines, mais également sur la connaissance de soi et de son système de valeurs. Des conférences en cours de concours sont souvent utilisées pour inspirer les équipes [14]. Attention toutefois à ne pas casser la dynamique collective de travail en proposant trop d’activités en parallèle du sujet à traiter.

Innover au plan pédagogique et de la recherche

19Pour les enseignants-chercheurs présents à ce hackathon (20 participants dont trois parmi les organisateurs), les apports pédagogiques sont indéniables pour le volet enseignement de leur métier et pour celui lié à la recherche. Les enseignants-chercheurs ont exprimé des retours très positifs. D’un point de vue pédagogique, ils ont vécu des méthodes de travail largement utilisées en entreprise et avec lesquelles ils vont pouvoir concevoir de nouvelles activités pédagogiques. D’un point de vue de la recherche, ils ont imaginé de nouveaux champs thématiques à explorer comme la question de la « créativité dans la transformation numérique ».

20Processus et méthodologie utilisés. Un hackathon permet de faire émerger des solutions dans un espace-temps défini. Le Design Thinking apparaît comme une méthode riche, grâce à l’appui sur des schémas ordonnancés pour guider la réflexion. Le séquencement des tâches en map a permis de produire une solution réelle en 12 heures. À titre d’exemple, une application sur smartphone a été initiée. Ainsi, la solution trouvée est prête à l’usage et peut être directement implémentée en entreprise, ce qui est plus difficile à mettre en œuvre dans une situation pédagogique classique. Comparé à la méthode des cas qui permet de faire émerger des solutions « fictives » ou qui méritent des prolongements, la solution trouvée par la démarche de Design Thinking est réelle et prête à l’emploi. La démarche de Design Thinking apparaît comme itérative, alternant la définition du problème et sa solution [15]. La dimension réflexive des participants sur cette pratique originale pourrait être davantage développée à l’avenir. « Il serait intéressant d’introduire l’intérêt de l’échange chercheurs-professionnels dans les présentations finales des travaux du groupe » (EC6). Ce type d’initiative pourrait ainsi contribuer à renforcer les liens entre chercheurs et managers.

21Un nouvel outil de formation et de recherche-action. Le hackathon peut être appréhendé comme une nouvelle forme de formation. Il a produit des idées pour animer de futurs enseignements : « des méthodes de restitution, une forme pédagogique de création d’une solution » (EC5). Bon nombre d’enseignants-chercheurs participants souhaitent rester en contact avec leur équipe afin de produire des travaux de recherche. Certains prévoient déjà de mobiliser cet outil pédagogique dans leurs futurs cours, pour permettre aux étudiants d’acquérir des connaissances théoriques et pratiques en sortant du cadre conventionnel de l’animation d’une étude de cas statique (EC5). Ces résultats concordent avec certains travaux [16] qui montrent qu’un hackathon offre une approche novatrice pour concevoir des expériences d’apprentissage pratiques et contextualisées. La démarche employée ici est empirico-inductive. Les travaux cités permettent de montrer que le cas étudié n’est pas isolé et qu’il revoit bien à une forme de généralisation analytique (au sens de Yin, 2003 [17]).

Un outil pour apprendre et faire de la recherche autrement

Les temps forts de l’événement reposent sur le travail collectif qui a favorisé de l’échange, du partage, de la cohésion d’équipe et de l’innovation. La richesse du hackathon en contexte académique tient d’une part à un double mouvement en termes de formation pour les enseignants et les apprenants : former et se former et à l’articulation entre pensée et action. Le format adopté, les défis à résoudre et l’instauration d’une atmosphère de travail conviviale participent au succès du hackathon en tant qu’innovation académique. Toutefois, la taille trop importante des équipes de travail, leur nombre pendant le hackathon ou encore le retard cumulé lors de certaines phases du processus de Design Thinking peuvent apparaître comme des freins à la réflexion collective.

Cinq clefs de réussite

22Cette recherche a plusieurs implications managériales et met en exergue les limites des projets collaboratifs de type « hackathon ». Elle montre qu’un hackathon en contexte académique favorise les dynamiques d’apprentissage individuel et collectif et est particulièrement adapté pour faire émerger des idées novatrices collaboratives, rapidement transposables en termes de livrables. Elle permet aussi, sur un plan pratique et managérial, de livrer cinq clés de réussite dans le cadre de l’organisation d’un hackathon en contexte académique en mode Design Thinking :

231. Préparer les problématiques à résoudre

24Un affinage en amont de la problématique à hacker est une condition sine qua non à la production de livrables. Par exemple, pour la thématique de l’amélioration du « on-boarding » des nouveaux collaborateurs, il convient de s’interroger sur la population-cible, la durée du suivi, les ressources allouées etc. Sans travail suffisant sur le questionnement de départ et l’identification du besoin, aucun outil ne peut donner de résultat probant.

252. Prévoir des espaces de « respiration »

26Des moments pour se recentrer sont requis afin de faire le vide et de repartir plus concentré au sein de son équipe de travail. Un hackathon ne doit pas devenir une « routine fatigante » [18].

273. Être accompagné par des facilitateurs

28Les outils de Design Thinking se doivent d’être explicités afin d’être utilisés le plus efficacement possible. Les facilitateurs jouent un rôle-clé dans le déploiement de la méthodologie et contribuent à accompagner les participants. Ils doivent être présents à chaque étape du processus de création et s’assurer de la bonne résolution des sujets à traiter.

294. Penser résultat et faisabilité

30Les connaissances générées par le hackathon et la/les solution(s) trouvée(s) ne doivent pas reposer sur des concepts abstraits mais doivent pouvoir être rapidement rendues opérationnelles en entreprise. Les idées nouvelles sont à transformer en outils et applications transcrits dans le quotidien des organisations. Un juste équilibre doit être trouvé entre originalité du prototypage et faisabilité.

315. Créer et entretenir un lien post-événement

32Enfin, la production de livrables et leur mise en application constituent un facteur-clé de succès d’un hackathon. Les participants ont à cœur de recevoir des nouvelles du projet qu’ils ont co-construit. À titre d’exemple, la solution retenue pour Engie a plu à la Direction de l’entreprise qui l’a implémentée. « Au sein de mon équipe, les collaborateurs nous tiennent informés par mail de l’état d’avancement de la solution à mettre en place. Nous nous sentons donc impliqués au-delà de l’événement, et c’est aussi une belle marque de reconnaissance. » (E8).

Des freins à prendre en considération

33Les projets collaboratifs de type « hackathon » en contexte académique peuvent être freinés par trois types de facteurs.

34− Au plan individuel, les facteurs de risques liés aux attitudes des « participants polluants » qui influent sur le rythme, sur le contenu, sur le déroulement et sur la finalité du projet. Certains individus contre-productifs doivent être repérés et cadrés par les facilitateurs afin qu’ils ne puissent pas entraver la dynamique de groupe.

35− Au plan organisationnel, les facteurs de risques sont liés aux diverses ressources (matérielles, humaines, financières, organisationnelles…). Un hackathon doit être programmé plusieurs mois à l’avance et son déroulement doit être très précisément cadencé afin que les participants retirent des effets positifs en termes de nouvelles solutions.

36− Au plan collectif, les facteurs de risques se posent en termes de gestion du stress. Des coupures avec des activités de type yoga ou sophrologie sont vivement recommandées pour faire avancer les travaux.

37Cet article s’inscrit dans une réflexion actuelle sur les mutations du travail et plus précisément sur les expériences sources d’innovation collaborative. Les résultats indiquent qu’un hackathon en contexte académique permet à la fois d’apprendre, de se transformer et d’innover. Le retour d’expérience livré a pour ambition de servir de guide méthodologique pour les enseignants-chercheurs désirant utiliser cet outil pour changer leurs pratiques d’enseignement et de recherche. La conception de nouveaux processus liés à des solutions sociotechniques ou organisationnelles dans le cadre d’un hackathon a déjà été mise en exergue par la littérature [19]. Aujourd’hui, l’expansion des hackathons comme évènements collaboratifs d’innovation n’en est encore qu’à ses balbutiements. Trouvant leur essence en contexte organisationnel, la sphère académique se doit d’investir ce champ, en intégrant de nouvelles modalités d’apprentissage pour favoriser l’innovation en pédagogie et en recherche.

Notes

  • [1]
    Dionne (Karl-Emmanuel) et Carlile (Paul), « Le pouvoir transformationnel des hackathons », Gestion, Vol. 41, 2016, p. 62-63. En ligne
  • [2]
    Jutand (Francis), La métamorphose numérique : vers une société de la connaissance et de la coopération, Alternatives, édition Manifesto, 2013.
  • [3]
    Dejoux (Cécile) et Charrière-Grillon (Valérie), “How digital technologies are revolutionising the training function in companies: an exploratory study of a population of managers attending a MOOC”, Revue Gestion des Ressources Humaines, n°102, 2016, p. 43-59.
  • [4]
    Marquet (Clément), « Faire du smartphone un instrument de la relation de service ? Handicap, mobilité et infrastructure d’accessibilité », Réseaux, n° 200, 2016, p. 145-177.
  • [5]
    Komssi (Marko), Pichlis (Danielle), Raatikainen (Mikko), Kindström (Klas) et Järvinen (Janne), « What are Hackathons for ? » IEEE Software, 32(5), 2015, p. 60-67.
  • [6]
    Guerrero (Carlos), Del Mar Leza (Maria), González (Yolanda) et Jaumei-Capó (Antoni), « Analysis of the results of a hackathon in the context of service-learning involving students and professionals. », Computers in Education (SIIE), International Symposium on IEEE, 2016.
  • [7]
    Lien de la vidéo du 1er hackathon RH académique : https://youtu.be/2GUVTvxbya4.
  • [8]
    Wacheux (Frédéric), Méthodologies Qualitatives et Recherche en Gestion, Economica, 1996.
  • [9]
    Journé (Benoît), « Collecter les données par l’observation » in : Méthodologie de la recherche en sciences de gestion Réussir son mémoire ou sa thèse, M-L. Gavard-Perret, D. Gotteland, C. Haon et A. Jolibert (Eds.), 2e édition, Pearson Education, 2012, p. 165-206.
  • [10]
    Péché (Jean-Patrick), Mieyeville (Fabien) et Gaultier (Renaud), « Design thinking : le design en tant que management de projet », Entreprendre & Innover, n° 28, 2016, p. 83-94.
  • [11]
    Brown (Tim), « Design thinking », HarvardBusinessReview.org, 2008, p. 84-95, june.
  • [12]
    Anderson (Neil R.) et West (Michael A.), “Measuring Climate for Work Group Innovation”, Journal of Organizational Behaviour, 19, 1998, p. 235-258.
  • [13]
    Les catégories de participant ont été codées : Enseignants-chercheurs (EC) ; Étudiants (E) Facilitateurs/Organisateurs (O) ; Collaborateurs (C).
  • [14]
    Mohajer Soltani (Porya), Pessi (Kalevi), Ahlin (Karin) et Wernered (Ida), “Hackathon – A Method for DigitalInnovative Success: A Comparative Descriptive Study”, 8th ECIME, Academic Conferences and Publishing International Limited, University of Ghent, Ghent, Belgium, 2014, 11-12 September, p. 367-373.
  • [15]
    Rylander (Anna), “Design thinking as knowledge work: Epistemological foundations and practical implications“, Design Management Journal, Vol. 4, N° 1, 2009, p. 7-19.
  • [16]
    Byrne (Jake-Rowan), O’Sullivan (Katriona) et Sullivan (Kevin), “An IoT and Wearable Technology Hackathon for Promoting Careers in Computer Science”, IEEE Transactions on Education, Vol. 60, N° 1, 2017, p. 50-58.
  • [17]
    Yin (Robert K.), Case Study Research: Design and Methods, Third Edition, Applied Social Research Methods Series, Thousand Oaks, CA, Sage Publications, 2003.
  • [18]
    Komssi (Marko), Pichlis (Danielle), Raatikainen (Mikko), Kindström (Klas) et Järvinen (Janne), “What are Hackathons for?” IEEE Software, 32(5), 2015, p. 60-67.
  • [19]
    Dionne (Karl-Emmanuel) et Carlile (Paul), « Le pouvoir transformationnel des hackathons », Gestion, Vol. 41, 2016, p. 62-63. En ligne
Français

Qu’avons-nous à apprendre d’un hackathon comme nouvelle façon d’apprendre, comme outil « transformationnel » [1] et comme nouvelle façon d’innover ? En quoi un hackathon en contexte académique permet-il d’innover collaborativement, de se former et de former différemment ? Le premier hackathon en contexte académique organisé en 2017 par un établissement d’enseignement supérieur français, sur une thématique digitale RH, a été l’occasion d’une expérience innovante à la fois pédagogique et pratique. Cet article est un retour d’expérience pragmatique qui présente en particulier le « triple challenge » de cet évènement collaboratif (créer une dynamique collective d’apprentissage ; créer une dynamique de transformation ; innover tant au niveau pédagogique que de la recherche), en se focalisant sur les temps forts et les difficultés rencontrées lors de l’organisation et de l’événement.

Olfa Gréselle-Zaïbet
Olfa Gréselle-Zaïbet est Maître de conférences en sciences de gestion au Cnam Paris, et chercheuse titulaire au Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Sciences de l’Action (LIRSA – EA 4603). Ses recherches portent sur la problématique du management des hommes et des dynamiques collectives en milieu intra-organisationnel complexe et/ou innovant. Elle est coordinatrice avec C. Dejoux, C.-H. Besseyre des Horts et F. Silva, du Groupe Thématique de Recherche AGRH « GRH & transformations numériques ». Elle est également associée aux travaux de la Chaire « Capital humain et performance globale » de l’IAE de Bordeaux ainsi qu’aux travaux de la Chaire « Learning Lab Human Change » au Cnam Paris. Elle a publié des articles et chapitres d’ouvrages sur l’innovation managériale, l’intelligence collective, le capital humain, les compétences comportementales, l’innovation pédagogique et les transformations numériques.
Aurélie Kléber
Aurélie Kleber est docteure en Sciences de Gestion de l’Université de Lorraine. Elle a réalisé une thèse-CIFRE en 2017 qui porte sur le processus de socialisation organisationnelle de jeunes diplômés de la Génération Y inscrits dans un graduate programme. Chercheuse titulaire au Centre Européen de Recherche en Economie Financière et Gestion des Entreprises (CEREFIGE), ses principales thématiques de recherche portent sur : générations au travail ; socialisation organisationnelle ; transitions de rôle ; graduate programme ; universités d’entreprise ; accompagnement, intrapreneuriat, fidélisation des salariés ; GRH ; comportement organisationnel ; innovations pédagogiques ; nouvelles modalités d’apprentissage ; métiers du transport et de la logistique ; études longitudinales.
Cécile Dejoux
Cécile Dejoux est Professeur des universités au Cnam, responsable nationale de la filière RH, du Master RH et Professeur affiliée à l’ESCP Europe et à l’ENA. Spécialiste de l’enseignement à distance, elle a conçu le 1er MOOC de France, « du manager au leader » avec plus de 185 000 personnes, 148 pays en 5 saisons sur France Université Numérique. En 2018, elle lance un nouveau MOOC « Manager augmenté par l’IA ? » sur FUN Mooc. En 2015, elle crée la Chaire d’entreprises Learning Lab Human Change au Cnam avec le cabinet Julhiet-Sterwen sur le futur du travail et le management à l’ère du numérique et de l’IA. Elle a publié plus de 20 articles scientifiques et communications internationales ainsi que de nombreux livres dont Métamorphoses des managers à l’ère du numérique et de l’IA (avec E. Leon, Pearson, 2018), du manager agile au Leader designer, 2017, Gestion des talents, 2015 2eme ed, (avec M. Thévenet), Fonctions RH, 2015, 4eme ed, (collectif) etc. Ses activités et publications sont consultables sur http://ceciledejoux.com/.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 21/03/2019
https://doi.org/10.3917/entin.038.0032
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