CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Les points forts

  • En tant qu’innovation sociale, la Coopérative d’Activités et d’Emploi a souvent buté sur la polarité entre salariat et travail indépendant. Pour la dépasser, les promoteurs de ce type d’« entreprises partagées » ont été conduits à contourner, puis à faire évoluer le cadre institutionnel.
  • La CAE peut se définir en première analyse comme une tentative pour surmonter collectivement la pauvreté et la précarité à laquelle la plupart des travailleurs dits « autonomes » sont individuellement confrontés.
  • Les données disponibles sur les revenus des entrepreneurs-salariés attestent d’une difficulté à atteindre cet objectif, même si les avantages de ces structures ne sont pas, loin s’en faut, réductibles à leur dimension économique.

1Souvent présentées comme une réponse originale à la crise du modèle fordiste, les Coopératives d’Activités et d’Emploi (CAE) sont nées aux confins de la société salariale, dans cet entre-deux, ce halo où évoluent les intermittents, travailleurs de plateformes, demandeurs d’emploi en activité réduite, pigistes, saisonniers, intérimaires, free-lance, « slashers », « solos », pluriactifs et autres micro-entrepreneurs. Le mode d’émergence des CAE, à partir d’initiatives locales, révèle que les zones marginales de la société sont aussi des espaces d’expérimentation collective et de fabrication de nouveaux droits. Formes d’organisation toujours en devenir, les CAE ont été portées à la fois par la recherche de solutions au chômage de masse et par les aspirations d’un nombre croissant d’actifs à éviter ou à fuir la subordination salariale. Pour résumer à grands traits leur mode de fonctionnement, les CAE salarient les personnes qui préfèrent créer leur emploi et vivre de leur travail dans un cadre collectif plutôt que de constituer une auto ou une micro-entreprise. La formation des salaires découle du chiffre d’affaires réalisé par chaque travailleur. Protégés juridiquement par la personnalité morale de la coopérative et socialement par le statut de salarié, les coopérateurs adhèrent volontairement au projet de construction collective de droits et de sécurité proposé par la CAE, même si ce choix apparaît économiquement moins avantageux que celui de la micro-entreprise, du moins à court terme. En effet, chaque entrepreneur-salarié verse un pourcentage de son chiffre d’affaires ou de sa marge brute pour couvrir les frais de la structure mutualisée, couvre par son activité toutes ses charges sociales, patronales et salariales, ainsi que l’achat de parts sociales.

2Cette forme de relation à l’emploi ne procède pas seulement de la crise du salariat, ou plutôt de la crise du travail résumée dans l’expression « bullshit jobs » [2]. Au-delà de l’aspect défensif, elle répond également, en positif, à une aspiration à la dignité et à la liberté venant de travailleurs peu disposés à se laisser aveugler par la figure largement mythique de l’entrepreneur solitaire et héroïque. Quand les entreprises grandes ou petites cherchent à mobiliser leurs « collaborateurs » en prônant la « transversalité », la « coopération » et « l’intelligence collective », autant de termes largement galvaudés, les membres des CAE entendent choisir [3] avec qui et comment ils souhaitent coopérer.

3La création des CAE ne procède pas d’une initiative technocratique, comme le statut de micro-entrepreneur. Elle n’a pas a priori pour projet une recherche de « flexisécurité », terme défini par la Commission Européenne comme « une stratégie intégrée visant à « concilier les besoins des employeurs en matière de flexibilité de la main-d’œuvre avec ceux des travailleurs en matière de sécurité de l’emploi, ces derniers souhaitant avoir l’assurance de ne pas connaître de longues périodes de chômage. » [4] Les CAE portent une autre ambition, celui de redonner au travail sa fonction émancipatrice, par la libre participation et par la construction de nouveaux droits et de nouvelles solidarités via des mécanismes de coopération et de mutualisation des ressources et des risques. Ses initiateurs, qui se reconnaissent dans la tradition coopérative et revendiquent leur appartenance à l’Economie Sociale et Solidaire (ESS), aspirent à construire une nouvelle forme viable et pérenne de démocratie économique. Cette forme évolue de « l’entreprise partagée » à la « mutuelle de travail », termes dont les contours restent à définir.

Ambiguïtés et paradoxes des CAE

4Les Coopératives d’Activités et d’Emploi suscitent l’intérêt des medias comme des chercheurs, mais aussi celui des pouvoirs publics et responsables politiques, attentifs aux innovations sociales et organisationnelles qu’impliquent ce qu’il est convenu d’appeler les « Nouvelles Formes d’Emploi ». Traversées de contradictions et de tensions, les CAE sont composites, complexes, mouvantes, hétérogènes. Depuis leur apparition il y a une vingtaine d’années, elles n’ont jamais cessé d’évoluer, ce qui les rend d’autant plus difficile à appréhender. Il faut tenter de saisir le sens de leur démarche pour pouvoir les questionner et en tirer des enseignements féconds. Plutôt que de les appréhender comme des objets, nécessairement figés, il faut les considérer comme des projets, des démarches animées par des dynamiques qui leur sont propres.

Nées d’initiatives locales…

5Les premières Coopératives d’Activités et d’Emploi (CAE) sont nées il y a un peu plus de vingt ans, [5] d’initiatives de terrain portées par des acteurs de ce qu’on appelait à l’époque « l’insertion par l’économique ». Se réclamant de la longue tradition coopérative et puisant aux sources du socialisme utopique du XIXe siècle, les CAE ont d’abord été regardées pour cette raison même comme marginales. Leur caractère hybride, dual, et même paradoxal a contribué à en faire des objets mal identifiés et mal appréhendés. Mais cette forme innovante d’organisation a su peu à peu conquérir sa légitimité, jusqu’à la loi Hamon sur l’économie sociale et solidaire de 2014 [6], qui en a consacré et reconnu la spécificité, sécurisant juridiquement son mode de fonctionnement (voir encadré).

6On recense aujourd’hui en France une centaine de CAE regroupant plus de 10 000 entrepreneurs-salariés [7], alors que des initiatives analogues mais pas identiques ont émergé dans d’autres pays européens, comme en Belgique. Ainsi, SMart.be [8] est née en 1998 sous la forme d’une association sans but lucratif (ASBL en droit belge) rassemblant essentiellement des artistes. SMart s’est transformée depuis en une coopérative accueillant les travailleurs free-lance exerçant tous types de métiers. Elle rassemble aujourd’hui 85 000 utilisateurs en Belgique et 120 000 dans neuf pays européens (Belgique, France, Italie, Espagne, Allemagne, Pays-Bas, Hongrie, Autriche, Suède). SMart.be compte à ce jour plus de 18 700 sociétaires qui participent à sa gouvernance.

… dans une double perspective

7La genèse des CAE permet de comprendre rétrospectivement pourquoi leur nature a été d’emblée mal appréhendée et pourquoi leur projet a pu prêter à confusion. « Dès l’origine, leur histoire a été duale [9], explique ainsi Marie-Christine Bureau, chercheuse au Cnam. Parce qu’il y a eu dès le début une double volonté : assurer le portage des projets individuels dans une logique de couveuse ; mais aussi jeter les bases d’une ‘entreprise partagée’, formée de ‘salariés sans patron’ ». Elle rejoint Béatrice Poncin [10], qui remarque que le concept de CAE « est double » et que « son appellation porte cette gémellité : il s’inscrit à la fois dans un objectif d’insertion par l’économique – le nom de la coopérative d’activités est utilisé dans le sens de pouvoir tester une activité – et dans un objectif de développement collectif et solidaire d’activités- le nom de coopérative d’emploi signifie la mise en commun durable d’emplois ». Le fait de mettre en avant plutôt la mission d’insertion par l’économique ou plutôt l’invention d’un entrepreneuriat collectif induit deux types de projets en grande partie communs mais qui ne se recoupent pas totalement. Cette dualité s’est reflétée dès l’origine dans l’existence de deux réseaux de CAE : Coopérer pour Entreprendre d’une part, d’abord axée sur l’insertion, et Copea d’autre part, davantage focalisée sur l’entrepreneuriat. Mais depuis les années 1990, les deux perspectives ont convergé. La première génération des CAE à visée sociale entendait avant tout sécuriser le parcours des porteurs de projets. On y était de passage, le temps de tester une activité sans perdre pour autant sa couverture chômage. Puis les CAE ont évolué vers un projet plus ambitieux : l’entreprise partagée, considérée par ses « usagers » comme un cadre pérenne, et non transitoire, pour l’exercice d’une activité professionnelle autonome. Comme l’écrivent Stephane Veyer et Joseph Sangiorgio, [11] « les CAE de deuxième génération ne visent plus à sécuriser la création d’entreprises individuelles, mais bien à construire une alternative à celles-ci, via un projet d’entrepreneuriat collectif. » Cette perspective est désormais commune aux deux familles de CAE, engagées dans des démarches communes de recherche-action.

8Oxalis, membre de Copéa, et Coopaname, membre de Coopérer pour entreprendre, deux coopératives emblématiques de chacun des deux réseaux, ont réalisé ensemble, en 2015-2016, une recherche-action sur les ressources et les revenus des entrepreneurs salariés (voir seconde partie du présent article). Elles sont aujourd’hui engagées ensemble dans Manucoop, un projet visant à concevoir et à propager une pédagogie coopérative. « La Manufacture coopérative est une recherche-action ambitieuse en matière d’accompagnement à la transformation de collectifs de travail (groupes d’usagers, PME, associations, projets étudiants, collectifs informels d’individus autonomes regroupés atour d’une profession…) en organisations coopératives – quel que soit, au final, le statut juridique mobilisé, et quels que soient les fondements de cette transformation : récupération, mutation, transmission, reprise, évolution, lit-on sur le site internet de manucoop [12]. Au cœur du projet, un travail sur l’affectio societatis et l’émergence d’une capacité collective à penser le rapport à l’entreprise, à sa propriété, à son projet, au pouvoir, au savoir. »

Un objet composite et complexe

9À première vue, les CAE participent d’au moins trois formes institutionnelles connues : les couveuses d’activités, les sociétés de portage salarial et les coopératives ouvrières de production. Sur le plan fonctionnel, elles rendent des services comparables à la fois à ceux des couveuses et à ceux des sociétés de portage. Sur le plan de la gouvernance, elles s’apparentent bien à des Scop et la plupart d’entre elles relèvent de ce statut. Reste qu’elles ne sont réductibles à aucune de ces trois formes.

10Les avantages apportés par une coopérative d’activités et d’emploi à ses membres se situent à trois niveaux : sécurisation (accompagnement en amont du lancement de l’activité), mutualisation (pour les aspects juridiques, comptables, administratifs, assurantiels, fiscaux, trésorerie), coopération et accès à la gouvernance démocratique de la coopérative, selon le principe « un homme-une voix ». Depuis la loi Hamon sur l’ESS, les entrepreneurs-salariés deviennent obligatoirement au bout de trois ans des sociétaires. Les CAE sont des « entreprises partagées », au sens où les professionnels qui la composent mettent en commun des moyens de gestion. L’équipe support assure en particulier l’ensemble des obligations administratives et comptables et les déclarations sociales et fiscales. Elle se charge aussi des relances aux clients et du recouvrement des factures impayées. L’entrepreneur, déchargé de tâches administratives chronophages, peut se consacrer pleinement à son métier et au développement de son activité.

CAE et couveuses

11Dans sa fonction d’accueil et d’accompagnement des personnes, la CAE s’apparente à une « couveuse ». Cette mission justifie d’ailleurs l’octroi de financements publics aux CAE (Aides régionales, Fonds Social Européen, et.) pour leur fonction d’insertion. Cap Emploi, l’ancêtre lyonnaise des CAE, est d’ailleurs née sous forme de couveuse et sous statut associatif… [13]

12Dans une couveuse, l’aspirant-entrepreneur bénéficie d’un hébergement juridique sous couvert du numéro de Siret de la couveuse pour tester ses produits ou services. Les couveuses d’entreprises sont à l’origine du Contrat d’Appui au Projet d’Entreprises (CAPE), formalisé par la loi pour l’initiative économique de 2003 et les décrets d’application de 2005 et 2008. Le CAPE permet le démarrage opérationnel avant que l’entreprise soit légalement constituée, par un hébergement juridique de l’activité. En même temps, l’entrepreneur s’engage à suivre un programme d’accompagnement et de formation. Le porteur de projet maintient son statut (demandeur d’emploi, étudiant, salarié à temps partiel, retraité, etc.), le droit aux aides sociales (assurance chômage, revenu de solidarité active, etc.) et l’affiliation au régime général de la sécurité sociale. Le contrat est limité à douze mois, renouvelables deux fois. Après le passage en couveuse, l’entrepreneur peut décider de créer ou non son activité.

13Comme les couveuses, les CAE accueillent des actifs en contrat CAPE. Mais à la différence de ces dernières, elles constituent des cadres pérennes et non transitoires d’exercice professionnel. La plupart des personnes qui frappent aujourd’hui à la porte des CAE envisagent d’y rester. Au risque de simplifier, on peut dire que les CAE, nées avant les couveuses [14], les ont « inventées », mais qu’elles ont évolué depuis ce modèle initial. Les couveuses, de leur côté, ont continué pour l’essentiel de mettre en œuvre ce modèle initial, en le perfectionnant.

CAE et Scops

14Par rapport à une Scop « ordinaire », par exemple une coopérative de chauffeurs de taxis en butte à la concurrence des VTC, ou encore une fonderie industrielle ou une SSII, la CAE présente une différence de taille : la multi-activités. Il en résulte une absence de division du travail et de « politique produit ». La plupart des CAE sont en effet généralistes, accueillant des professionnels de tous acabits, comme des jardiniers, consultants, coiffeurs, informaticiens, traducteurs, formateurs, stylistes, créateurs de bijoux ou de jeux de société, accordeurs de piano, etc. Certaines CAE sont spécialisées dans un secteur d’activité comme le bâtiment ou l’éducation sportive, mais les activités hébergées à l’intérieur de ce cadre restent variées et les synergies « industrielles » ou commerciales envisageables entre les activités restent très limitées. Comme le soulignent Catherine Bodet, Noémie de Grenier et Thomas Lamarche [15], « la CAE se heurte à l’absence de ce que Boyer et Freyssenet (2000) désignent en termes de « stratégie de profit », que l’on peut traduire par dynamique de production et de réalisation (vente), source du revenu collectif à répartir au sein de l’entreprise. (…) Dans les modèles productifs, l’organisation est issue d’une politique de produit centralisée, motrice en quelque sorte. (…) Or une politique de produit unique n’est pas dans les prérogatives d’une CAE, qui par construction fonctionne par agrégation d’activités distinctes. » Pour surmonter ce qu’on peut considérer comme un handicap ou une faiblesse, du moins sur le plan économique, les entrepreneurs-salariés CAE n’ont qu’une seule issue : coopérer. Des collectifs ouverts à tous les coopérateurs, dits collectifs métiers, mutualisent des fonctions de veille, de formation, d’autres type de collectifs peuvent élaborer des marques ou des offres en commun ou répondre ensemble à des appels d’offres. Par ailleurs, le fait que la plupart des activités hébergées relèvent du domaine des services autorise à envisager « une stratégie de profit reposant sur le lien avec les clients et non pas issue d’une subordination technique, qui n’existe pas dans la CAE, » notent Bodet, de Grenier et Lamarche. On pense par exemple aux relations de long terme développées par les CAE avec des clients installés sur leur territoire ou partageant leurs valeurs (acteurs du développement durable, de l’ESS, de l’insertion, de l’éducation populaire, collectivités…).

CAE et sociétés de portage salarial

15L’autre « objet » présentant des traits communs avec la CAE, mais avec laquelle on ne saurait la confondre, est la société de portage salarial. À l’instar des sociétés de portage, les CAE pourraient être analysées comme de simples tiers « entremetteurs » dans la relation entre un donneur d’ordre et un prestataire indépendant. Les CAE émettent en effet les factures des entrepreneurs-salariés sous l’en-tête de la coopérative et transforment leurs chiffres d’affaires individuels respectifs en bulletins de paie. Cette fonctionnalité a pu être interprétée [16] comme étant la raison d’être des CAE, ce qui ferait d’elles les instruments d’une forme dévoyée ou incomplète de salariat, réponse marginale à la précarité des indépendants.

16Pour autant, les deux types de structure procèdent de logiques profondément divergentes. Les sociétés de portage salarial sont basées sur un modèle économique lucratif consistant à facturer un service à des travailleurs autonomes. Ce service revient à transformer des chiffres d’affaires en salaires en prenant en charge l’aspect administratif, juridique et comptable lié à cette transformation. Pour des raisons évidentes de rentabilité et de pérennité, les sociétés de portage, dont la légalité et la légitimité ont été considérablement renforcées ces dernières années [17], s’adressent à des professionnels dont le niveau de compétence justifie des rémunérations élevées et qui sont capables de trouver des clients de manière autonome. L’ordonnance de 2015 sur le portage salarial fixe à 75 % du montant du plafond de la sécurité sociale, soit environ 2 500 euros de rémunération brute par mois, le plancher de rémunération (pour un temps plein). Ce qui implique un chiffre d’affaires, toujours pour un temps plein, de l’ordre de 5 000 euros mensuels.

17Au-delà du critère de la sélection à l’entrée, qui différencie les sociétés de portages des CAE, lesquelles pour la plupart ne pratiquent pas ou peu de sélection, les deux structures sont portées par deux logiques différentes. Les sociétés de portage participent de la recherche de flexisécurité ciblée sur une certaine catégorie de travailleurs autonomes. Les CAE portent un projet politique plus ambitieux de réinvention du travail.

Un projet politique de réinvention du travail

18Les CAE sont par essence et par construction paradoxales. Elles conjuguent tradition coopérative et salariat, quand justement, depuis l’origine, les coopératives ouvrières revendiquent l’abolition du salariat ! Les initiateurs des CAE entendent, selon les termes de Stéphane Veyer et Joseph Sangiorgio [18], deux de ces pionniers, ex-directeurs généraux de Coopaname, « dépasser un type de rapport au travail aliénant, bêtifiant, violent, totalement incompatible avec la nécessaire évolution de l’économie. » En attendant cette évolution, – et de manière paradoxale –, poursuivent-ils, ils s’inscrivent pleinement « dans le salariat, qui demeure le seul cadre où l’on puisse trouver des protections sociales, du droit, des solidarités de travail dignes de ce nom. » Le cadre salarial n’est donc pas pour les initiateurs des CAE une fin en soi mais simplement le moyen d’accéder à la meilleure protection sociale possible, celle offerte par le régime général. Les membres des CAE vivent bien un lien de subordination, mais celle-ci revêt des formes très éloignées du droit commun. Il s’agit d’une subordination formelle et librement consentie vis-à-vis d’un « employeur » qui est aussi un collectif dont chaque travailleur détient sa part.

19L’objectif ultime des CAE reste de dépasser le rapport de subordination classique. La CAE d’aujourd’hui est donc le support d’une transition vers un projet à dimension sociétale, voire vers une « République coopérative », au sens de Jean-François Draperi. La coopérative est selon ce dernier [19] « le lieu où des hommes et des femmes se donnent le pouvoir de décider et de concevoir l’économie dont ils ont besoin pour vivre en société. »

L’identité coopérative

20L’histoire politique a toujours considéré la coopération comme une simple adaptation du système, jamais comme un véritable projet de changement de société, ambition qu’elle s’était pourtant donnée au XIXe siècle, note Elisabeth Bost dans son ouvrage « Aux entreprenants associés » [20]. La démarche des CAE revient à reprendre le principe coopératif « au pied de la lettre », à opérer un retour aux sources. Depuis l’origine, le monde coopératif développe et défend en effet une identité basée sur un ensemble de valeurs et de principes qui le différencie profondément des entreprises ordinaires, remarquent Frédéric Dufays et Noreen O’Shea [21]. Enoncés dans la Déclaration sur l’identité internationale des coopératives (Alliance coopérative internationale, 1995), les sept principes dits « de Rochdale » fondent leur mode de fonctionnement dans le monde entier. Ce sont : l’adhésion volontaire et ouverte à tous ; le pouvoir démocratique exercé par les membres ; la participation économique des membres ; l’autonomie et l’indépendance ; l’éducation, la formation et l’information ; la coopération entre les coopératives et enfin l’engagement envers la communauté.

21Comme l’indiquent Sousa et Herman [22], la forme coopérative a pour raison d’être le service rendu à ses membres, non la maximisation d’un surplus destiné aux détenteurs du capital. Les membres, qu’il s’agisse d’une coopérative d’agriculteurs, de consommateurs ou de travailleurs, se comportent comme des utilisateurs, non comme des investisseurs. Ils acceptent un retour sur investissement limité, l’essentiel de la valeur créée étant réinvestie pour assurer la pérennité de l’outil commun, dont ils ne sont que les usufruitiers. Ce mode de fonctionnement renvoie à la notion de « double qualité » : dans une coopérative de consommateurs, chacun est à la fois consommateur et associé ; dans une coopérative ouvrière, chacun est producteur et associé ; dans une CAE chacun est « entrepreneur-salarié » et associé. La relation entre un membre et sa coopérative est toujours double. Chaque coopérateur est en relation économique avec l’organisation en tant que consommateur, fournisseur ou travailleur. Et il est également en relation sociale avec elle quand il contribue à parts égales avec les autres associés à l’administrer dans le respect des règles démocratiques. Gestion au sens économique et gestion au sens démocratique sont deux dimensions inséparables. Leur surperposition est manifeste dans les statuts des coopératives, et singulièrement dans ceux des CAE, qui relèvent généralement à la fois du droit des sociétés et droit cooopératif. Une CAE est une société (à responsabilité limitée – SARL –, anonyme – SA – ou par actions simplifiée – SAS –) dotée d’un statut coopératif (société coopérative ou participative – SCOP – ou d’intérêt collectif – SCIC –). C’est une société de personnes, dont la gouvernance fonctionne selon le principe « un homme-une voix », par opposition aux sociétés de capitaux où le pouvoir appartient aux détenteurs de parts sociales à proportion de leur participation [23]. Les membres des instances de gouvernance sont élus. D’une manière générale, la recherche d’un équilibre entre la dimension économique et la dimension sociale semble être, comme l’ont souligné Frédéric Dufays et Noreen O’Shea [24], systématiquement présente dans pratiques du monde coopératif et les CAE ne font pas exception.

Des espaces de résistance à la marchandisation et à la bureaucratisation

22Tout au long de leur histoire, les coopératives ont été l’émanation, quand elles n’ont pas constitué l’aile avancée, de divers mouvements sociaux. La formule coopérative moderne, inventée au XIXe siècle en Europe, a d’abord été conçue au sein du mouvement ouvrier comme un de ses instruments de défense et de promotion, pour contrer la misère sociale engendrée par la Révolution industrielle. Les premières coopératives modernes ont été créées en Angleterre et en France dans les années 1830 et 1840. Une des plus anciennes coopératives de consommation a été créée en 1844 à Rochdale (banlieue de Manchester). Elle fut la première à définir des principes tels que le fonctionnement démocratique ou la redistribution des surplus en ristournes aux membres. On doit au mouvement ouvrier français la formule de la coopérative de travail : elle se développa parmi les ouvriers artisans (typographes, ébénistes, maçons, etc.). Dans les années 1850 et 1860, la nouvelle formule coopérative fut adaptée pour la défense et la promotion des intérêts économiques des familles paysannes un peu partout en Europe, au Canada et aux États-Unis. Par la suite, deux nouveaux types de coopératives apparurent, qui ont connu depuis un formidable développement : la coopérative agricole (de producteurs) et la coopérative d’épargne et de crédit (les banques coopératives).

23Le XXe siècle a vu l’essor des coopératives de consommateurs, qui représentent aujourd’hui pas moins de la moitié des effectifs du mouvement coopératif mondial. Quant aux coopératives de producteurs, elles pèsent d’un poids non négligeable dans l’agriculture, mais restent marginales dans le reste de l’économie.

24Plus récemment et singulièrement au XXIe siècle, les coopératives ont continué à entretenir des relations très étroites avec toute une palette de mouvements sociaux, et plus précisément avec les « nouveaux mouvements sociaux », comme les a désignés Jürgen Habermas [25]. Ces Nouveaux Mouvements Sociaux concernent des territoires (physiques), des terrains d’action ou des « mondes vécus » : le corps, la santé et l’identité sexuelle ; le voisinage, la ville et l’environnement physique ; les identités et les traditions culturelles, ethniques, nationales et linguistiques ; les conditions physiques de la vie et la survie de l’humanité en général. Pour Habermas, le mode d’action des militants de ces nouveaux mouvements sociaux contraste avec les traditionnels mouvements ou conflits sociaux émanant du monde ouvrier en ce qu’ils se focalisent plutôt sur le « qui nous sommes et comment vivre » plutôt que sur les « conditions de travail ». Pour Dufays et O’Shea, Habermas voit dans ces mouvements « une réaction aux interférences de l’économie et de la politique dans nos vies quotidiennes et une colonisation du monde vécu ».

25Rappelons que la « colonisation du monde vécu » désigne chez Habermas le fait que la vie quotidienne se trouve envahie par la rationalité instrumentale issue de l’agir stratégique qui domine le système, qui se décompose en sous-système de l’argent (le marché) et sous-système de l’organisation (l’administration). La marchandisation des activités et des biens, d’une part, la réglementation inflationniste et bureaucratique des rapports sociaux, d’autre part, sont deux illustrations majeures de cette colonisation.

26Habermas pose le social comme tombant du côté du « monde vécu », et le philosophe oppose à la colonisation la pensée démocratique radicale « entendue comme formation libre de la volonté populaire par le moyen de la discussion publique », seule voie à même de permettre l’émancipation. C’est avec cet ‘agir communicationnel’ que le monde vécu tente de contrecarrer la colonisation par le système.

27Dufays et O’Shea voient dans l’action des coopératives des espaces de résistance aux deux formes de colonisation énoncées par Habermas. D’un côté, elles opèrent dans l’univers marchand, dont elles subissent les mêmes contraintes que les entreprises conventionnelles, tout en tentant de s’opposer à la marchandisation. D’un autre côté, elles subissent les interférences de l’État et la juridification qu’il impose, mais restent contrôlées par leurs membres, jalouses de leur indépendance et éventuellement productrices, dans le cas des CAE, pour leur propre compte, de nouveaux droits. En poussant un peu plus loin cette analyse « habermassienne », on pourra supposer qu’à l’intérieur d’un monde coopératif hétérogène, ce sont probablement les CAE, avec la forte dualité qui les caractérise, qui manifesteraient le plus haut degré de résistance dans les deux dimensions. D’une part, leur projet politique s’oppose explicitement à la marchandisation du travail. D’autre part, même si à l’origine le projet des premières CAE a été co-construit avec des partenaires institutionnels, elles ont sans arrêt repoussé ou contribué à repousser les limites de la réglementation pour pouvoir avancer.

Entrepreneurs et salariés

28L’expression « entrepreneurs-salariés », désignant les travailleurs des CAE est, a minima, un oxymore. Le paradoxe salariat-entrepreneuriat a d’ailleurs pu amener certains auteurs à analyser les CAE comme relevant d’un « salariat libéral » [26]. Dans le paradigme qui est encore aujourd’hui le nôtre, on est indépendant ou salarié, les deux situations s’excluant l’une l’autre, notamment au regard de la protection sociale. Cet oxymore entrepreneur/salarié correspond pourtant à une réalité. Les membres des CAE sont « entrepreneurs », maîtres de leur temps, de leur organisation, du choix de leurs clients, de leur niveau d’activité, des conditions et modalités de leur travail, de leurs tarifs. Ils sont en même temps « salariés », vivant aussi un lien de subordination, au moins formel. La coopérative facture l’ensemble de leurs prestations ou produits, encaisse les règlements, accepte ou rejette leurs frais, les assure en responsabilité civile et professionnelle. C’est la CAE qui fixe par contrat avec chaque entrepreneur-salarié, le cadre d’exercice de son activité et les règles du jeu. La démarche d’adhésion à ce type de salariat est volontaire : pour autant, cela reste bien du salariat !

La définition légale de l’entrepreneur-salarié

Art. L. 7331-2. – Est entrepreneur salarié d’une coopérative d’activité et d’emploi toute personne physique qui :
  1. Crée et développe une activité économique en bénéficiant d’un accompagnement individualisé et de services mutualisés mis en œuvre par la coopérative en vue d’en devenir associé ;
  2. Conclut avec la coopérative un contrat comportant : a) Les objectifs à atteindre et les obligations d’activité minimale de l’entrepreneur salarié ; b) Les moyens mis en œuvre par la coopérative pour soutenir et contrôler son activité économique ; c) Les modalités de calcul de la contribution de l’entrepreneur salarié au financement des services mutualisés mis en œuvre par la coopérative, dans les conditions prévues par les statuts de celle-ci ; d) Le montant de la part fixe et les modalités de calcul de la part variable de la rémunération de l’entrepreneur salarié ; e) La mention des statuts en vigueur de la coopérative ; f) Les conditions dans lesquelles sont garantis à l’entrepreneur salarié ses droits sur la clientèle qu’il a apportée, créée et développée, ainsi que ses droits de propriété intellectuelle.
Art. L. 7331-3. – Dans un délai maximal de trois ans à compter de la conclusion du contrat mentionné à l’article L. 7331-2, l’entrepreneur salarié devient associé de la coopérative d’activité et d’emploi. Ce délai est minoré, le cas échéant, de la durée du contrat d’appui au projet d’entreprise pour la création ou la reprise d’une activité économique (…).
Le contrat prend fin si l’entrepreneur salarié ne devient pas associé avant ce délai.
Loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 (article 48), Journal officiel du 1er août 2014

29Par rapport à des salariés de droit commun (en CDI à temps plein), les entrepreneurs-salariés des CAE ne bénéficient ni d’une rémunération stable, ni d’une rémunération garantie, même si certains mécanismes internes tentent de corriger cet état de fait. « Par rapport à une situation de salariat classique, la détermination du salaire dans les CAE se déplace du champ de l’organisation interne et de la négociation collective au champ du donneur d’ordre et du marché : le montant du salaire d’un coopérateur dépend directement de sa capacité à vendre les biens et services qu’il produit sur un marché concurrentiel » écrivent Bodet, de Grenier et Lamarche [27]. « La centralité de ce modèle concurrentiel entraîne des aléas au niveau des salaires perçus », poursuivent les mêmes auteurs. Cependant, les CAE ont mis en place certains outils et certains correctifs. Les salaires peuvent être lissés dans le temps, grâce aux réserves que peut se constituer chaque entrepreneur pour atténuer les impacts des variations de chiffre d’affaires. Par ailleurs, la mutualisation des trésoreries permet à la coopérative d’aider certains à faire face aux éventuels retards de paiement de leurs clients. Reste que pour l’essentiel, les entrepreneurs salariés vivent une forte tension entre « le dedans et le dehors », entre coopération à l’intérieur de la coopérative et compétition à l’extérieur, entre aspiration à l’émancipation par le travail et logique de marché.

Pourquoi coopérer ?

30On n’entre pas dans une CAE uniquement pour des raisons économiques. Une récente enquête menée sous la direction de Marie-Christine Bureau et Antonella Corsani au sein de deux CAE, Coopaname et Oxalis, en atteste [28]. « La possibilité d’exercer une activité indépendante tout en bénéficiant des droits sociaux du salariat et l’intérêt pour le modèle économique et politique des CAE constituent les deux principales raisons qui justifient l’entrée dans les CAE », écrivent-elles. L’aspect économique n’explique donc pas tout.

31Il reste que le revenu moyen issu des activités des entrepreneurs-salariés enquêtés est relativement modeste, avec 10 960 euros par an en moyenne sur les deux CAE, Oxalis et Coopaname. La moitié des entrepreneurs- salariés des deux CAE gagnent moins de 8 380 euros par an, soit un peu moins de 700 euros par mois. Les plus riches (au-dessus du troisième quartile) gagnent au moins 1 405 euros par mois.
Les deux chercheuses en concluent que « la condition des entrepreneurs au sein des CAE est fort inégalitaire. » Sans entrer dans les détails de cette passionnante enquête, on y découvre de fortes différences de revenus suivant les métiers, les professionnels travaillant par exemple dans le domaine du développement durable gagnant plus de deux fois plus que ceux qui exercent une activité artistique. On constate aussi que celles et ceux qui réalisent une part de leur chiffre d’affaires dans le cadre de collectifs – c’est-à-dire ceux qui travaillent avec d’autres entrepreneurs-salariés – ont un revenu sensiblement plus élevé que la moyenne. Cet effet est plus marqué pour les femmes que pour les hommes.

32« La rationalité économique de court terme n’est pas la principale raison d’agir des entrepreneurs-salariés » relevaient déjà Catherine Bodet et Noémie de Grenier en 2011. Elles se demandaient en l’occurrence ce qui motivait des entrepreneurs-salariés aux salaires très modestes à y rester (par rapport à l’option, moins coûteuse pour ces derniers, de l’auto-entrepreneur). À l’autre bout du spectre, elles constataient aussi que des travailleurs autonomes réalisant des chiffres d’affaires élevés dans la CAE, susceptibles du coup de créer leur propre entreprise, restaient plutôt dans la coopérative. Une partie de la réponse est à trouver dans les nombreux verbatims d’entrepreneurs-salariés repris dans l’enquête Oxalis-Coopaname citée plus haut. « La coopérative apporte une vision plus confiante de la vie économique. Dans un contexte où les relations humaines en entreprise sont très perturbées et marquées par la violence, la CAE apporte un peu plus de sérénité dans le cadre de travail, les échanges et permet d’envisager d’autres possibles. C’est une valeur-refuge ou un refuge pour des valeurs précieuses de solidarité, empathie, humanisme permettant à chacun-e de s’approprier ce que l’esprit d’entreprendre et d’initiative peut apporter de meilleur. »

33Dans un ouvrage publié en 1983 [29] sur les pratiques de la démocratie en entreprise, Sainseaulieu, Tixier et Marty ont décrit la vocation des coopératives comme une volonté de mettre le capital au service du travail. En tentant d’inverser le courant traditionnel qui privilégie d’abord le profit, le modèle coopératif prône le travail collectif ; les membres-salariés s’autonomisent en s’éloignant des injonctions de subordination à l’œuvre dans les entreprises traditionnelles. Près de 40 années plus tard et une crise économique mondiale, les initiatives pour la mise en œuvre de pratiques démocratiques sur le lieu de travail se multiplient [30]. Les CAE sont largement qualifiées pour répondre à ce besoin, pour continuer à façonner de nouvelles formes de travail et par la même occasion pour faire bouger les lignes institutionnelles.

Notes

  • [1]
    Bureau M.-C. et Corsani A., (Dir.) « Un salariat au-delà du salariat ? », 2012, Presses Universitaires de Lorraine.
  • [2]
    David Graeber, Bullshit Jobs, Paris, 2018, Les Liens qui Libèrent.
  • [3]
    Bodet C., De Grenier N., « De l’auto-emploi à la coopération : le cas des coopératives d’activités et d’emploi », colloque Ciriec, Valladolid, 6-8 avril 2011.
  • [4]
  • [5]
    Cap Services a vu le jour en 1995 à Lyon, sous la houlette d’Elisabeth Bost, avec le soutien entre autres de la Caisse des Dépôts et Consignations, de l’administration du Travail, de la Région.
  • [6]
    Les CAE sont régies par la loi n° 2014-856 du 31 juill. 2014, JO du 1er août, relative à l’économie sociale et solidaire (articles 47 et 48) et par le décret n° 2015-1363 du 27 oct. 2015, JO du 29, relatif aux coopératives d’activité et d’emploi et aux entrepreneurs salariés.
  • [7]
    Coopérer pour Entreprendre regroupe 75 CAE et plus de 8 000 entrepreneurs-salariés. Le réseau Copea revendique une trentaine de CAE et plus de 2 500 entrepreneurs-salariés.
  • [8]
    Refaire le monde… du travail, une alternative à l’ubérisation de l’économie, Sandrino Graceffa, éditions Repas, 2016.
  • [9]
    « Les coopératives d’Activités et d’emploi, une nouvelle philosophie du travail », Métis, correspondances européennes du travail, 26 février 2016.
  • [10]
    Poncin Béatrice, Salariés sans patron ? Éditions du croquant, 2004.
  • [11]
    Sangiogio Joseph et Veyer Stéphane (2009), « Les coopératives d’activité et d’emploi : un exemple de construction d’une innovation sociale. », Projectis/Projectica/Projectique, vol. 1, n.1, p.51-61.
  • [12]
  • [13]
    Lire à sujet le récit de la création de Cap Service par Elisabeth Bost sur le site de SMart.be.
  • [14]
    La création de l’Union des couveuses remonte à 2002.
  • [15]
    La Coopérative d’Activités et d’emploi à la recherche d’un modèle productif, RECMA, revue internationale de l’économie sociale, N° 329, 2013, pp.37-50.
  • [16]
    Darbus, Fanny (2008). L’accompagnement à la création d’entreprise : Auto-emploi et recomposition de la condition salariale. Actes de la recherche en sciences sociales, 175,(5), 18-33.
  • [17]
    Le décret du 30 novembre 2015 applicable le 1er janvier 2016 s’inscrit dans la continuité de l’ordonnance d’avril 2015 sur le portage salarial. Il confirme l’intention du législateur de sécuriser définitivement le cadre juridique de cette nouvelle forme d’emploi.
  • [18]
    Sangiorgio Joseph et Veyer Stéphane, « les coopératives d’activités et d’emploi : un exemple de construction d’une innovation sociale, Projectique, 2009, N°1, pp.51-61.
  • [19]
    Draperi Jean-François, La République Coopérative, théories et pratiques coopératives au XIXe et XXe siècle. Larcier, Bruxelles, 2012, page 275.
  • [20]
    Bost Elisabeth, « Aux entreprenants associés, la coopérative d’Activités et d’Emploi », Paris, Ed. Repas, 2011. 183 pages.
  • [21]
    Dufays Frédéric et O’Shea Noreen, « Resisting colonization: Conceptualizing the political action of cooperatives in a Habermasian perspective », Short Paper, colloque Egos, 2017.
  • [22]
    Sousa, J., & Herman, R. (2012). A cooperative dilemma. University of Saskatchewan. Centre for study of cooperatives.
  • [23]
    Les entrepreneurs-salariés des CAE ont l’obligation de devenir sociétaires dans un délai de trois ans après leur entrée dans l’entreprise s’ils veulent conserver leur statut.
  • [24]
    Ibid.
  • [25]
    Habermas, J. (1981). New social movements. Telos, 49, 33-37.
  • [26]
    Darbus, Fanny, « Reconversions professionnelles et statutaires, le cas des coopératives d’emploi et d’activités », Regards sociologiques, 2006, N° 32, pp.23-35.
  • [27]
    Bodet C., de Grenier N. et Lamarche T., les Coopératives d’Activités et d’emploi à la recherche d’un modèle productif, RECMA, N° 329, 2013.
  • [28]
    Résultats de l’enquête disponibles en téléchargement sur le site de Coopaname, onglet « idées ». http://www.coopaname.coop/idees.
  • [29]
    Sainseaulieu, R., Tixier, P. & Marty, M. (1983). La démocratie en organisation : Vers des fonctionnements collectifs de travail. Paris : Librarie des Méridiens.
  • [30]
    Malleson, T. (2014). After Occupy : Economic Democracy for the 21st century. New York : Oxford University Press.
Français

Certains travailleurs « indépendants » se regroupent pour tester ensemble les voies et moyens d’une conciliation pérenne et soutenable entre deux aspirations réputées contradictoires : l’autonomie et la sécurité. Au sein des Coopératives d’Activités et d’Emploi (CAE), ils tentent de surmonter l’opposition entre droit à la protection sociale liée au salariat, au prix de la subordination, et droit à l’autonomie liée au statut d’indépendant, au prix de l’insécurité et de la dépendance économique. Ils partagent un projet dont la visée est de nature politique, qualifiée par certains auteurs de véritable « fabrique institutionnelle ». Cette expérience est-elle la préfiguration d’un au-delà du salariat [1] ? Peut-elle contribuer à faire évoluer nos cadres législatifs et notre modèle social, fondés sur le paradigme salarial ? La réponse n’est pas écrite et se construit progressivement, à l’intérieur, à partir et autour des CAE.

Dominique-Anne Michel
Dominique-Anne Michel est entrepreneure-salariée depuis 2010 au sein de la Coopérative d’Activités et d’Emplois (CAE) Coopaname, dont elle est également associée. Journaliste, auteur d’ouvrages sur le handicap, le dialogue social et le management, elle est chargée de cours à Paris IV et au Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ). Elle est co-fondatrice et secrétaire générale de la rédaction de la revue « Entreprendre & Innover ».
Noreen O’Shea
Noreen O’Shea est enseignante-chercheuse à ESCP Europe. Ses recherches sont centrées sur l’entrepreneuriat, notamment l’émergence de formes alternatives organisationnelles ainsi que les stratégies d’apprentissage des fondateurs et fondatrices. Elle est membre du Juniper Cooperatives Research Group, affilié au Centre de l’Economie Sociale de l’Université de Liège.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 14/12/2018
https://doi.org/10.3917/entin.037.0055
Pour citer cet article
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