CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Les points forts

  • La collaboration entre acteurs hétérogènes n’est pas naturelle. Les pôles de compétitivité peuvent la construire notamment à travers la réalisation de projets collaboratifs impliquant monde académique, grands groupes et PME.
  • Le cadre organisationnel du pôle de compétitivité facilite une meilleure compréhension entre ces acteurs, notamment à travers son rôle d’intermédiaire dans les échanges.
  • Plutôt que d’envisager le pôle de compétitivité comme un entremetteur, qui permet les échanges mais n’agit pas sur les relations, nous suggérons qu’il agisse comme un « traducteur » entre les acteurs tout au long de la vie du projet.

1Depuis plus d’une décennie, les pôles de compétitivité contribuent au développement de l’écosystème entrepreneurial français. Des efforts importants ont été consentis par les pouvoirs publics pour ce dispositif ; entre 2005 et 2015, 1,8 milliard d’euros [1] a été consacré à la politique des pôles de compétitivité (pour le soutien aux projets de recherche et l’animation des pôles). Le dernier rapport d’évaluation des pôles de compétitivité, réalisé en 2012, fait ressortir la capacité des pôles à faire émerger des projets collaboratifs innovants. Toutefois, il souligne également leurs difficultés à transformer ces efforts collaboratifs en création d’emplois et en croissance sur le territoire. Reflétant le tissu économique français, les membres qui composent les pôles sont en très large majorité des PME. En 2014, sur un total de 9 650 adhérents, les pôles de compétitivité comptent 8 500 entreprises membres parmi lesquelles 87 % sont des PME [2]. L’effort de croissance et de création d’emplois passera de facto par ces PME. Or, le volume important de TPE et PME membres des pôles de compétitivité conduit à s’interroger sur les mesures et dispositifs (existants ou à créer) pertinents pour accompagner ces entreprises. En effet, l’émergence d’une intelligence collective dans les stratégies inter­organisationnelles est loin d’être évidente [3]. La collaboration entre des acteurs hétérogènes n’est pas un phénomène naturel. Les pôles de compétitivité jouent ainsi un rôle déterminant dans la construction de cette collaboration, tentant de dépasser la satisfaction des intérêts propres en vue de la réalisation d’un projet commun.

2Comment le pôle favorise-t-il une compréhension partagée entre les acteurs ? Les mesures mises en place sont-elles suffisantes pour que les PME adhérentes puissent profiter pleinement du dispositif ? Notre article propose dans une première partie de s’intéresser aux enjeux de l’activité d’intermédiation exercée par les pôles de compétitivité ; la seconde partie présente l’étude qualitative, révèle les limites du dispositif et propose des recommandations.

Intermédiation et construction d’une compréhension partagée

3Les réseaux professionnels offrent une grande diversité d’information aux individus qui en sont membres. Or, les informations sont primordiales à l’identification et l’exploitation des opportunités d’affaires ; en tant que pourvoyeurs d’informations, les réseaux contribuent à la formation de nouvelles connaissances et à l’accroissement de la reconnaissance d’opportunités d’affaires [4].

4Toutefois, il apparaît que des opinions divergentes (considérées comme des attaques personnelles) entre les participants à un échange dissuadent les membres de traiter et d’évaluer objectivement l’information échangée, ce qui empêche le groupe d’utiliser l’information de manière optimale [5]. D’autre part, certains aspects dans le comportement des interlocuteurs, comme la méfiance, ont été identifiés comme étant de nature à dissuader les discussions constructives. Afin de favoriser les échanges constructifs, les individus sont censés pouvoir se comprendre et avoir une représentation claire de leur propre rôle et du rôle de chacun des membres dans l’atteinte de l’objectif commun. Cette compréhension partagée se construit au fur et à mesure des interactions qui permettent le développement des schémas cognitifs individuels et ceux liés à l’action commune. Le développement de la compréhension commune entre les individus passe par la prise en compte du rôle de chacun, ce qui implique le développement de schémas cognitifs à la fois sur leur propre rôle et sur celui des autres [6]. Plusieurs éléments peuvent favoriser cette compréhension partagée ; d’une part, le partage d’un système de valeurs qui rend les individus plus enclins à intégrer des perspectives différentes des leurs ; d’autre part, des connaissances spécifiques qui rendent compatibles les perceptions individuelles d’un problème, même si des différences de représentations de ce problème persistent [7].

5Le cadre organisationnel fourni par le pôle de compétitivité réunit les conditions favorisant une meilleure compréhension entre les acteurs, notamment à travers son rôle d’intermédiaire dans les échanges. Le rôle des pôles de compétitivité dans l’intermédiation des échanges s’opère à travers deux actions principales : l’implication dans l’émergence de projets collaboratifs ; les actions en faveur du développement de l’écosystème d’innovation.

6Les projets collaboratifs d’innovation permettent la création d’un contexte d’activités conjointes en vue de la réalisation d’un objectif commun, l’action collective reposant sur des règles qui modulent les interactions entre les individus [8]. La responsabilité du pôle dans le succès du projet débute dès la constitution de l’équipe. En effet, la compatibilité culturelle et la complémentarité entre les membres de l’équipe ont été identifiées comme des facteurs de succès du projet collaboratif [9]. C’est pourquoi lorsque le pôle est à l’origine de la mise en relation des partenaires, il contribue à une meilleure compréhension entre les participants.

7Par ailleurs, le développement de l’écosystème d’innovation se réalise au travers d’actions diverses : la mise en relation avec des financeurs privés, le développement de partenariats à l’international ou encore la mise en place de formations [10]. Le réseau du pôle n’est ainsi pas considéré uniquement comme un fournisseur de ressources informationnelles ; il permet également de façonner le dirigeant de PME, qui pourra agir à son tour au sein de cet environnement. Toutefois, cette activité d’intermédiation est-elle suffisante pour accompagner les PME et leur permettre de profiter pleinement du dispositif ?

Une étude sur la qualité des relations entre acteurs

8Afin d’identifier la qualité des relations entre les acteurs au sein des pôles de compétitivité, nous avons conduit une étude auprès de quatre pôles de compétitivité, dans les régions Languedoc Roussillon, et/ ou Provence Alpes Côte d’Azur. De manière plus précise, les pôles font tous partie des 69 pôles labellisés en 2009. Deux d’entre eux ont été classés « très performants » lors de la dernière évaluation des pôles [11] et deux « moins performants ».

9Au total, dix-sept entretiens semi-directifs ont été réalisés durant le second semestre 2013. L’étude qualitative s’appuie sur trois catégories d’acteurs : adhérents, salariés ou directeurs de pôle (tableau 1). Les dirigeants de PME – qui constituent la population qui nous intéresse dans cette étude – sont naturellement plus représentés que les autres acteurs. Chaque entreprise (PME ou grand groupe) et le laboratoire sont rattachés à un des quatre pôles de compétitivité. Durant la période d’enquête, cinq dirigeants de PME participent à au moins un projet collaboratif et un dirigeant de PME est simple adhérent du pôle. Par ailleurs, un dirigeant de PME est également élu au collège « entreprise » du conseil d’administration de l’un des pôles. Les deux grands groupes interrogés participent à plusieurs projets collaboratifs et sont également élus du conseil d’administration de leur pôle. Les interviews se sont appuyées sur des guides d’entretien élaborés autour de deux grands axes : le rôle de chacun des acteurs dans l’émergence et le développement des projets collaboratifs d’innovation et la qualité du réseau interne, externe et sa différenciation d’un réseau professionnel classique.

Tableau 1

Type et fonction des acteurs interrogés, pôle de compétitivité associé

Tableau 1
Catégorie d’acteur Fonction de l’interviewé Pôle associé Secteur Adhérents aux pôles de compétitivité Dirigeant – PME 1 Pôle A Agroalimentaire Dirigeant – PME 2 Pôle C Aéronautique Dirigeant – PME 3 Pôle A Agroalimentaire Dirigeant – PME 4 Pôle A Agroalimentaire Dirigeant – PME 5 Pôle A Agroalimentaire Dirigeant – PME 6 Pôle B Bioressources/ Chimie Directeur affaires publiques – Grand groupe 1 Pôle C Aéronautique PDG France-Benelux – Grand Groupe Pôle D Biotechnologies/ Santé Chercheur – Laboratoire Pôle B Bioressources/ Chimie Salariés des pôles de compétitivité Chargé de projets Pôle A Agroalimentaire Chargé de projets Pôle B Bioressources/ Chimie Responsable département innovation Pôle C Aéronautique Responsable animation de réseau Pôle D Biotechnologies/ Santé Directeurs de pôles de compétitivité Directeur général Pôle A Agroalimentaire Directeur général Pôle B Bioressources/ Chimie Directeur général Pôle C Aéronautique Directeur général Pôle D Biotechnologies/ Santé

Type et fonction des acteurs interrogés, pôle de compétitivité associé

10L’analyse des données repose sur deux méthodes de codage : la méthode structurée a permis de définir a priori les thèmes en fonction de la littérature et la méthode non structurée a rendu possible la définition a posteriori de nouvelles thématiques de codage en fonction des données collectées (tableau 2).

Tableau 2

Dictionnaire des thèmes

Thématique principaleSous-thèmes
Rôle du pôleIntermédiaire des échanges
Émergence des projets collaboratifs
Lien avec le marché – Réseau
Accompagnement
Relations entre les membresRelations au sein des projetsConfiance
Opportunisme
Relations hors projetsConfiance
Opportunisme
DysfonctionnementsTemporalité
Ressources
Hétérogénéité des acteurs
Motivations à l’adhésion au pôleRéseau
Meilleure connaissance du secteur
Participation à un projet collaboratif
Accès subvention

Dictionnaire des thèmes

Une hétérogénéité à l’origine de problèmes relationnels

11L’hétérogénéité entre les acteurs est au fondement même de la définition des pôles de compétitivité français. Cette diversité constitue une force incontestable dans la richesse des échanges qu’elle procure, pourtant elle est à l’origine de quelques dysfonctionnements. En effet, les différences d’enjeux, de temporalité et de ressources entre les acteurs créent des tensions qui peuvent alimenter la perception de comportements opportunistes. Manifestement, les relations entre grands groupes et PME, puis les relations entre industriels et laboratoires de recherche sont celles qui soulèvent les premiers éléments de désaccord.

Des différences en termes d’objectifs

12L’un des PDG d’un grand groupe interrogé évoque la veille informationnelle comme l’une des motivations principales du groupe à l’adhésion au pôle, après la recherche de partenaires potentiels et la constitution d’un réseau. Il ajoute que « les PME ont besoin de se nourrir des grands groupes pour pouvoir développer leurs idées de projets, pour rechercher des débouchés », soulignant ainsi la relation de pouvoir exercée par les grands groupes sur les PME au sein des pôles. Ces éléments sont également évoqués par certains dirigeants d’entreprise. Les PME dont les ressources financières sont moins importantes que celles des grands groupes soulignent la nécessité d’une mise sur le marché rapide du produit ou service ; l’adhésion au pôle peut être motivée par le réseau fourni, notamment les échanges rendus possibles avec de grands groupes, mais la perspective de monter un projet collaboratif en vue de l’obtention de financement reste prédominante.

13

« Notre adhésion au pôle, tout simplement, euh (rires) c’est très basique, c’est pour obtenir des labels, pour pouvoir bénéficier des aides publiques, des aides financières. »
(Dirigeant de PME)

14

« Justement parce que nous on est tout petit et puis ça nous permet d’avoir accès à tout un chacun y compris les gros. »
(Dirigeant de PME)

15

« Je pense qu’il peut y avoir des problèmes de compréhension entre industriels et universitaires. […] L’objectif de l’industriel c’est de mettre un produit sur le marché, l’universitaire c’est de publier. Et des fois c’est un peu antinomique. »
(Dirigeant de PME)

16

« Le contact avec le marché on l’a peut-être un petit peu perdu parce que les labos tirent vers la R&D plus amont, la publication, etc. Les entreprises tirent pour faire des produits plus simples et plus rentables ».
(Dirigeant de PME)

Figure 1

Relations au sein des pôles de compétitivité, une combinaison de projets individuels aux temporalités différentes

Figure 1

Relations au sein des pôles de compétitivité, une combinaison de projets individuels aux temporalités différentes

17Toutefois, les relations de pouvoir qui peuvent exister entre les membres des pôles ou les motivations financières qui conduisent les entreprises à adhérer à un pôle de compétitivité n’expliquent pas à elles seules les problèmes de compréhension entre ces acteurs hétérogènes. En effet, les caractéristiques propres à chacune des structures sont un premier élément d’explication.

Des ressources variables selon les acteurs

18L’accès aux ressources financières et surtout aux ressources humaines n’étant pas le même entre grands groupes et PME, le sentiment de déséquilibre peut se creuser. L’effet de grossissement, selon lequel la taille et l’effectif réduit d’une PME rendent le poids de ces membres plus important [12] prend tout son sens dans ce cas de figure. Deux éléments sont à souligner quant aux rapports entre PME et grands groupes : d’une part, l’interlocuteur au sein du grand groupe n’est pas toujours décisionnaire, ce qui peut rallonger les prises de décision, la circulation de l’information et le processus de collaboration dans son ensemble ; d’autre part, il est plus difficile pour une PME de mobiliser un salarié pour les affaires liées au pôle. Ces disparités, bien qu’enrichissantes, posent problème dans les échanges et ne favorisent pas la compréhension entre les acteurs.

19

« Dans les grands groupes, il y a plus de monde et c’est un peu plus facile de mobiliser des gens, car cela déstabilise peu l’entreprise. […] Dans une PME, c’est quand même un enjeu important de mobiliser du temps, cela peut déstabiliser la PME […] Dans les grandes organisations, on peut avoir une rotation dans les interlocuteurs. »
(Directeur des affaires publiques de grand groupe)

20

« On peut voir beaucoup de gens et faire beaucoup de rendez-vous, mais au final, nous on est là pour vendre notre sauce, celui en face c’est un commercial qui essaie aussi de vendre sa sauce. Et puis on tombe sur un commercial alors que nous nos interlocuteurs il faudrait que ce soit des gens techniques. »
(Dirigeant de PME)

21

« Donc les gens qui ont des petits projets, qui ne veulent pas aller trop loin, c’est difficile de financer ça […] Moi j’ai des solutions, mais plutôt sur des gros projets, type national. C’est une adéquation difficile pour ces petites entreprises qui ont du mal, elles ne peuvent pas parce qu’elles n’ont pas assez de fonds propres tout simplement. »
(Chargé de mission)

Des rythmes différents

22Les différences à l’origine de problèmes de compréhension mutuelle entre les acteurs sont également ressenties entre industriels et laboratoires de recherche, mais les problématiques évoquées font davantage référence aux différences de temporalité entre les acteurs. Ainsi, les objectifs poursuivis par les laboratoires, les PME et les grands groupes impriment des rythmes différents, qui auront des répercussions sur les échanges et la conduite éventuelle d’un projet commun.

« Ce matin j’ai eu une réunion de trois heures qui aurait pu probablement se faire en une heure 30, mais il y a beaucoup de monde autour de la table donc il est normal que chacun s’exprime, c’est quand même chronophage pour une PME. »
(Dirigeant de PME)
« Il y a également l’aspect du rythme que je n’ai pas directement abordé, mais la notion de rythme qui n’est plus du tout la même entre une école, un laboratoire, un grand groupe et une PME. […] Comme ce sont des projets qui sont souvent un peu longs, les PME n’ont pas toujours le temps d’attendre trois ans pour délivrer, vous voyez. »
(PDG grand groupe)
Le temps joue à un double niveau : la temporalité des acteurs et la temporalité du projet lui-même. Dans ce dernier cas, un temps court peut être un atout, permettant d’aller à l’essentiel et d’éviter les querelles interpersonnelles ; comme une contrainte, incitant les acteurs à rester sur des niveaux d’échanges superficiels ou réduisant le nombre d’interactions [13]. Or, la réduction du nombre d’échanges a une influence directe sur l’établissement de liens de confiance entre les individus [14], impactant de ce fait la création de connaissances.

Recommandations

23Au moment où les pôles de compétitivité s’apprêtent à entrer dans une nouvelle phase de leur existence [15], il nous semble opportun de formuler deux recommandations principales sur la base des résultats empiriques de cette étude qualitative (Figure 2).

Figure 2

L’hétérogénéité entre les acteurs : une faiblesse qui se transforme en force grâce aux actions du pôle

Figure 2

L’hétérogénéité entre les acteurs : une faiblesse qui se transforme en force grâce aux actions du pôle

Une nouvelle vision de la fonction d’intermédiation

24Nous suggérons une clarification et une uniformisation des pratiques d’accompagnement. Selon nous, cette clarification devrait s’accompagner d’une nouvelle vision de la fonction d’intermédiation au sein des pôles de compétitivité. Elle passerait par plus d’implication dans la durée (avant et durant la mise en œuvre du projet). La richesse des pôles de compétitivité réside dans la diversité de ses membres ; tout l’intérêt est donc de tirer parti des avantages de cette diversité pour la création de connaissances, tout en maitrisant les possibles dissonances entre les acteurs [16]. Plutôt que d’envisager le pôle de compétitivité comme un entremetteur, qui suggère les échanges (notamment en amont et pendant la phase d’émergence du projet collaboratif) mais n’agit pas sur les relations [17], nous suggérons que le pôle de compétitivité se positionne comme un intermédiaire « traducteur » entre les acteurs tout au long de la vie du projet. L’objectif étant de poursuivre l’amélioration de la compréhension entre les acteurs afin qu’ils puissent continuer à bénéficier des avantages qu’offre leur diversité. En effet, nous considérons l’alternance d’intersubjectivité et d’altérité comme bénéfique pour le développement d’un dialogue fructueux. Cependant, nous soulignons également la nécessité de dépasser ces oppositions afin d’établir une communication saine.

25Toutefois, la grande diversité des pôles de compétitivité en termes de gouvernance et de méthodes de fonctionnement entraîne une hétérogénéité dans les méthodes d’accompagnement et d’intermédiation [18] ; c’est la raison pour laquelle nous suggérons une uniformisation des pratiques. Le pôle pourrait ainsi agir comme un organe de régulation de contrôle [19] (avant, au moment de la mise en œuvre et surtout tout au long de la vie du projet) afin d’assurer la cohérence entre les projets individuels et le projet collectif. La mise en place de ce dispositif impliquerait nécessairement une formation des animateurs de pôles ; cependant leur implication reconnue dans l’émergence des projets collaboratifs laisse supposer déjà de grandes possibilités en la matière.

Transparence et effort de communication à l’égard des PME

26Le dispositif « pôle de compétitivité » peut être un outil de réseautage puissant pour les PME mais l’étendue des possibilités du pôle ne semble révélée que lors de la participation à un projet collaboratif. En effet, la participation à un projet collaboratif apparaît comme le moyen le plus efficace pour exploiter pleinement la diversité entre les acteurs ; elle permet notamment de favoriser l’émergence d’une intelligence collective [20]. Toutefois, celle-ci n’est pas ouverte à tous les profils de PME. Il paraît difficile pour les pôles de compétitivité d’exercer une sélection lors de l’adhésion ; ne serait-ce que par rapport à la manne financière que les adhésions représentent. Et pourtant seuls certains profils de PME semblent correspondre aux standards exigibles à la participation à un projet collaboratif. Les PME ayant déjà une certaine maturité et disposant de suffisamment de fonds propres peuvent espérer y participer ; s’agissant d’innovation, les dirigeants de PME disposant d’une première expérience dans la recherche semblent mieux saisir les enjeux des différents acteurs en présence.

27Ainsi, nous recommandons plus de transparence ainsi qu’un effort de communication à l’égard des PME qui souhaitent adhérer à un pôle de compétitivité. En effet, il semble pertinent de signifier aux entreprises adhérentes que leurs profils leur permettront de bénéficier de tel ou tel service du pôle, mais peut-être pas de l’ensemble des services disponibles. Ce qui va dans le sens des dernières recommandations formulées par la Cour des Comptes lors du dernier rapport adressé au Premier ministre [21].

Notes

  • [1]
    Rapport de la Cour des comptes, (2016), « La politique des pôles de compétitivité ».
  • [2]
    Bpifrance, (2016), « PME 2016 Rapport annuel sur l’évolution des PME ».
  • [3]
    Lafaye C. et Berger-Douce S., (2014), « Contribuer à l’émergence d’une intelligence collective entrepreneuriale dans un projet collaboratif inter organisationnel », Gestion, vol. 39, n° 1, p. 93-103.
  • [4]
    Ozgen E. et Baron R. A., (2007), « Social sources of information in opportunity recognition : effects of mentors, industry networks, and professional forums », Journal of Business Venturing, vol. 22, n° 2, p. 174-192.
  • [5]
    Lim J. Y., Busenitz L. W. et Chidambaram L., (2013), « New Venture Teams and the Quality of Business Opportunities Identified : Faultlines Between Subgroups of Founders and Investors », Entrepreneurship Theory and Practice, p. 47-67.
  • [6]
    Dionysiou D. et Tsoukas H., (2013), « Understanding the (re)creation of routines from within : a symbolic interactions perspective », Academy of Management Review, p. 181-205.
  • [7]
    Vlaar P. W., Van Fenem P. C. et Tiwari V., (2008), « Cocreating understanding and value in distributed work : how members of onsite and offshore vendor teams give, make, demand and break sense », MIS Quarterly, vol. 32, n° 2, p. 227-255.
  • [8]
    Leroux I., Muller P., Plottu B., Widehem C., (2014), « Innovation ouverte et évolution des business models dans les pôles de compétitivité : le rôle des intermédiaires dans la création variétale végétale », Revue d’Économie Industrielle, n° 146, p. 115-151.
  • [9]
    Calamel L., Defélix C., Picq T., Retour D., (2012), « Inter oragnisational projects in French clusters : the construction of collaboration », International Journal of Project Management, vol. 30, n° 1, p. 48-59.
  • [10]
    BearingPoint, Erdyn, Technopolis group, (2012), « évaluation des pôles de compétitivité », Étude portant sur l’évaluation des pôles de compétitivité.
  • [11]
    Classement de performance établi à chaque rapport d’évaluation des pôles de compétitivité, le dernier a été établi en 2012 et comprend trois critères d’évaluation : moins performant, performant, très performant.
  • [12]
    Torrès O., (1999), « Les PME », Flammarion, Collection Dominos, 128 p.
  • [13]
    Roussel C., (2011), « Gestion des connaissances en contexte projet : quelles pratiques et quels enjeux pour les entreprises ? », Management & Avenir, n° 44, p. 60-77.
  • [14]
    Newbert S. L., Tornikoski, E., Quigley, N. R., (2013), « Exploring the evolution of supporter networks in the creation of new organizations », Journal of Business Venturing, vol. 28, n° 2, p. 281-298.
  • [15]
    La période 4 des pôles de compétitivité démarrera à partir de l’année 2019.
  • [16]
    Mendez A. et Bardet M., (2009), « Quelle gouvernance pour les pôles de compétitivité constitués de PME », Revue Française de Gestion, vol. 35, n° 190, p. 123-142.
  • [17]
    Chabault D. et Martineau R., (2014), « L’intermédiation en R et D : le rôle des pôles de compétitivité dans l’émergence des projets collaboratifs », Gestion 2000, vol. 31, n° 5, p. 69-86.
  • [18]
    Mendez A. et Bardet M., (2009), « Quelle gouvernance pour les pôles de compétitivité constitués de PME », Revue Française de Gestion, vol. 35, n° 190, p. 123-142.
  • [19]
    Bossard-Préchoux, V., (2016), « Les pôles de compétitivité à l’épreuve de la régulation : les conditions d’émergence d’un acteur collectif », Revue Management & Avenir, n° 83, p. 143-163.
  • [20]
    Lafaye C. et Berger-Douce S., (2014), « Contribuer à l’émergence d’une intelligence collective entrepreneuriale dans un projet collaboratif inter organisationnel », Gestion, vol. 39, n° 1, p. 93-103.
  • [21]
    Rapport de la Cour des comptes, (2016), « La politique des pôles de compétitivité ».
Français

Dans un contexte de rareté des fonds publics, les pôles de compétitivité doivent se remettre en question régulièrement, afin de prouver leur légitimité. Un rapport de la Cour de Compte (2016), mettait d’ailleurs l’accent sur la nécessité de repenser l’accompagnement des PME adhérentes. L’activité d’intermédiation constitue l’une des missions des pôles de compétitivité. Il s’agit de favoriser l’émergence de projets collaboratifs en permettant une meilleure compréhension entre les acteurs. L’hétérogénéité des membres constitue une force incontestable des pôles, ne serait-ce que par la richesse des échanges qu’elle procure. Toutefois, elle peut entraîner certains dysfonctionnements relationnels. Une étude qualitative, réalisée auprès de directeurs, salariés et de membres de pôles de compétitivité (dirigeants de PME, laboratoires de recherche, grands groupes), fait ressortir trois sources majeures de dysfonctionnements relationnels entre les structures membres : des différences en termes d’objectifs, de temporalité et de ressources.

Sophie Casanova
Sophie Casanova est Maître de Conférences en sciences de gestion à l’université de Montpellier. Elle dirige le Master 1 Entrepreneuriat au sein de l’institut Montpellier Management. Ses recherches portent sur les dynamiques collaboratives au sein des pôles de compétitivité et sur l’identification d’opportunités d’affaires.
Karim Messeghem
Karim Messeghem est Professeur des Universités en sciences de gestion à l’université de Montpellier et directeur du Labex Entreprendre. Il codirige également le Master 2 Accompagnement entrepreneurial et le DU Stratégie de croissance des PME.
Sylvie Sammut
Sylvie Sammut est Professeur des Universités en sciences de gestion à l’université de Montpellier et dirige le groupe MRM Entrepreneuriat. Elle codirige également le Master 2 Accompagnement entrepreneurial.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 12/06/2018
https://doi.org/10.3917/entin.035.0019
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