En bref
- À côté de la posture classique du réparateur censé accompagner le créateur d’entreprise émerge aujourd’hui celle, complémentaire, du facilitateur.
- La posture du facilitateur engendre de nouveaux mécanismes en matière d’accompagnement entrepreneurial, comme la problématisation et la construction d’un scénario.
- Cette démarche se rapproche de la maïeutique. Elle amène l’entrepreneur à construire son propre scénario, qu’il est invité à confronter auprès des différentes parties prenantes.
1Si l’entrepreneuriat se renouvelle fortement actuellement à travers des concepts comme le Lean Startup, le Design Thinking [1] ou encore l’effectuation, il est nécessaire de s’interroger sur l’accompagnement entrepreneurial et notamment sur ses évolutions récentes. Dans cet article, il s’agit de renouveler le regard sur l’accompagnement entrepreneurial en introduisant tout un pan de littérature encore quasiment inexploré dans le domaine de l’entrepreneuriat : l’accompagnement systémique. Nous montrerons que l’accompagnement entrepreneurial relève de deux postures : celle du réparateur et celle du facilitateur, que nous décrirons. Ensuite, en nous appuyant sur une expérience, étayée depuis plusieurs années par une démarche nommée IDéO© [2], nous illustrerons plus particulièrement la posture du facilitateur à travers le cas de Dominika, jeune entrepreneure dans le domaine de l’import-export d’outillage industriel. Nous y reviendrons plus particulièrement sur des mécanismes mis en évidence dans cette posture : la problématisation et la construction d’un scénario, comme sur les enjeux de cette posture dans l’accompagnement entrepreneurial : la conception et la traduction.
Les différentes postures de l’accompagnement entrepreneurial
2En s’intéressant à l’accompagnement entrepreneurial, les travaux ont largement porté sur les mécanismes mis en œuvre et peu sur la nature de l’accompagnement proposé. Il existe pourtant une littérature féconde en matière d’accompagnement et pourtant peu mobilisée dans le domaine de l’entrepreneuriat : l’accompagnement inscrit dans une perspective systémique, notamment à travers la mobilisation de thérapies systémiques [3]. Il ressort de cette littérature en matière d’accompagnement la coexistence de deux postures d’accompagnement que nous proposons de mobiliser au niveau de l’accompagnement entrepreneurial. La première posture, celle qui est encore dominante actuellement et qui peut-être symbolisée par le plan d’affaires, est celle du réparateur. La seconde, qui émerge depuis quelque temps, donne à voir une posture différente de l’accompagnement, pouvant être qualifiée de « facilitateur ». Quels sont les grands principes liés à ces deux postures d’accompagnement ? Pour répondre à cette question, nous nous sommes appuyés sur la métaphore des planètes Alpha et Beta proposée par Caillé [4] :
- sur Alpha, chaque organisation est dotée d’un « engin » qui fournit automatiquement les réponses adéquates à tous les problèmes pouvant surgir. Lorsque cet engin est en panne, l’organisation fait appel à un « réparateur » qui en assurera les réglages nécessaires et remplacera les éléments défectueux ;
- sur Bêta, chaque organisation construit ses outils avec les moyens dont elle dispose. Ces organisations peuvent, en cas de difficulté, faire appel à un « facilitateur ». Celui-ci ne vient pas apporter la solution, il se sert avant tout de sa position pour aider le système à se donner une représentation réflexive [5] de lui-même, à ne pas s’enfermer dans son point de vue, à percevoir autrement ce qui est peut l’être, à redevenir acteur et créateur de son devenir.
La posture du réparateur
3De manière allégorique, la planète Alpha considère l’accompagnement comme le moyen d’arriver à un objectif : la création d’entreprise. L’accompagnateur apparaît comme l’expert qui le permet. À partir d’une situation donnée par l’entrepreneur, l’accompagnateur va favoriser la transformation en création d’entreprise sans forcément remettre en cause la situation donnée. L’accompagnateur apparaît ici comme un expert en création d’entreprise, pendant même que le plan d’affaires est considéré comme l’outil de la transformation en création d’entreprise. Il s’agit de la posture du réparateur. Elle renvoie essentiellement à des méthodes déductives, incarnées dans la résolution de problèmes. Cela se caractérise par quatre étapes : l’identification (comprendre la situation initiale), l’analyse (recherche des points qui posent problème et qui seraient à travailler), la solution (une ou des solutions à mettre en place) et la mise en œuvre (plan d’action). La place de l’action, qui arrive à la fin, est ici un élément majeur. La posture du réparateur amène à séparer observation et action, en donnant une part belle à l’observation [6], laquelle se synthétise encore une fois autour du sacro-saint plan d’affaires.
La posture du facilitateur
4De l’autre côté, la planète Bêta considère l’accompagnement comme une volonté de construire du sens, de revisiter une situation donnée, voire de proposer une alternative à la formulation d’un projet. La création d’entreprise n’est pas le but en soi, ce n’est qu’un passage, une orientation possible pour l’entrepreneur. Dans cette perspective, il ne s’agit plus de considérer l’entrepreneuriat comme une situation donnée d’emblée, mais bien comme une situation à construire. La figure emblématique de cette posture n’est pas le plan d’affaires mais l’opportunité d’affaires, c’est-à-dire l’intégration d’une idée dans un environnement. La création d’entreprise apparaît avant tout comme une forme particulière d’un projet. L’accompagnateur joue alors le rôle de « facilitateur », celui qui amène les porteurs de projet à se poser des questions par rapport à une situation initiale donnée, simplement affirmée. Les méthodes mobilisées par le facilitateur relèvent clairement de la maïeutique : elles visent à amener l’entrepreneur à prendre conscience de ce qu’il sait implicitement, à l’exprimer et à l’évaluer. On passe de la logique de résolution de problème à celle de problématisation, c’est-à-dire à celle de construction du sens. Cela se concrétise par la formulation d’une situation souhaitée, celle d’état final par rapport à un état initial. On retrouve bien ici la logique systémique formulée par Watzlawick [7] : « Ce n’est [...] le passé, mais le futur, qui détermine le présent », ou encore les travaux sur la conception de Simon [8]. Dans cette configuration, le plan d’affaires apparaît comme un outil parmi d’autres amenant l’entrepreneur à discuter la situation initiale et à projeter et formuler une situation finale à travers une opportunité d’affaires. Originellement, le facilitateur se distingue du réparateur dans la mesure où il n’apporte aucune solution clé (Couteret et Audet, 2008 [9]). La problématisation, à la mise en place de laquelle il contribue, se caractérise par deux étapes : amener l’entrepreneur à se poser des problèmes [10] et à poser une problématique ; l’amener à identifier son action pour mieux l’appréhender et la maîtriser. Au bout de ce questionnement, le porteur de projet comprend mieux ce qu’il souhaite construire et voit apparaître la cohérence des éléments composant le projet entrepreneurial. L’image de la planète Bêta suggérerait que l’entrepreneur, portant le projet, a en lui les éléments du scénario qu’il souhaiterait développer. Il conviendrait donc de lui faire accoucher de ce scénario. L’objectif du facilitateur est de révéler au porteur de projet son propre modèle organisant pour l’aider dans l’action. Dans la posture du facilitateur, l’observation et l’action jouent un rôle prépondérant. Au lieu d’avoir une posture contemplative, l’entrepreneur est invité à lier observation et action. Car, c’est dans l’action qu’il est possible de répondre aux questions qu’il se pose au cours de l’observation. C’est aussi dans l’action que de nouvelles questions peuvent émerger, celles-ci mêmes qui n’auraient pas pu voir le jour sans action. Il s’agit bien de (ré)introduire l’action dans les démarches entrepreneuriales et, plus particulièrement, de sortir des seules postures contemplatives que l’on retrouve au niveau du plan d’affaires. Le facilitateur a notamment pour rôle d’aider les acteurs du système à se doter d’une représentation réflexive, en vue de trouver des solutions par eux-mêmes, en regard des actions à mener.
Tableau récapitulatif des deux postures de l’accompagnement entrepreneurial

Tableau récapitulatif des deux postures de l’accompagnement entrepreneurial
Les apports et les enjeux liés à la posture du facilitateur
5Cette posture du facilitateur est peu présente dans l’accompagnement de l’entrepreneuriat : quels en sont les apports et les enjeux ? Pour cela, nous nous appuierons sur notre expérience, étayée par la méthode IDéO©, notamment à travers le cas de Dominika, jeune entrepreneure souhaitant se lancer dans l’import-export.
Les apports du facilitateur dans l’accompagnement entrepreneurial
6L’entrepreneur, comme le rappelle justement Filion [11], a la possibilité de définir lui-même l’espace dans lequel il souhaite évoluer. Il se retrouve dans une situation où il est nécessaire de problématiser le futur souhaité. La résolution de problème ne convient pas dans ce type de situation. En effet, les approches traditionnelles basées sur la résolution de problèmes sous-entendent que les éléments d’une situation sont donnés, alors que la situation est à construire. L’entrepreneur est amené à construire le scénario qu’il souhaite développer. Dans une logique de résolution de problème, le réparateur amène à intégrer un scénario à partir d’une situation donnée. Dans une posture de facilitateur, l’objectif est d’amener l’entrepreneur à construire son scénario à partir de différents scenarii possibles. Dans cette perspective, nous considérons, comme certains auteurs [12] que l’opportunité d’affaires est avant tout un construit de l’entrepreneur. De plus, le scénario construit ne doit pas être considéré comme un optimum ni être considéré de façon figée. Il est une construction de sens que se fait le porteur du projet de la situation dans laquelle il évolue. En cela, l’entrepreneuriat est proche de l’innovation, de la créativité ou de l’invention. Ces éléments sont typiques des logiques « projets », où la représentation du porteur de projet joue un rôle important. Celle-ci est amenée à évoluer dans le temps. L’entrepreneuriat, dans cette logique, s’apparente donc plus à un processus qu’à un résultat. Ces différents constats nous amènent à avancer que les difficultés rencontrées par les entrepreneurs sont plus liées à la construction de scénario qu’à la mise en place de solutions [13]. L’accompagnement évolue alors pour se porter plus sur le processus à piloter que sur le résultat à obtenir : la création d’entreprise.
7Dominika est une jeune entrepreneure. Le travail effectué avec elle, à travers la méthode IDéO©, a permis de l’aider à problématiser son idée de départ. Elle projetait de développer une activité d’import-export d’outillage pour l’industrie entre le Pologne et le France. Grâce à une question simple, « le projet, c’est quoi ? », Dominika a été amenée à envisager différentes dimensions de son projet, notamment sa définition même. Il lui a été alors demandé d’exprimer son projet en une phrase unique. À partir de cette phrase, toute une série de questions a émergé et un dialogue s’est développé entre Dominika et le facilitateur, amenant à envisager différentes perspectives du projet. Celles-ci ont permis à leur tour la mise en évidence des dimensions oubliées (les entreprises de petite taille, par exemple), des dimensions peu compréhensibles (vouloir travailler en B to B et B to C, en même temps, au début du projet), des dimensions paradoxales (comme un outillage de qualité 30 % moins cher que l’outillage habituel) et des dimensions très claires (une qualité du produit indéniable). À partir d’une question de départ et d’une posture de facilitateur, un travail maïeutique s’est mis en place autour d’une séance d’une heure.
8L’idée de problématisation amène le porteur de projet à construire un scénario, c’est-à-dire à se projeter. Il s’agit pour les porteurs de projet d’imaginer des actions, leurs conséquences et leurs résultats sur leur environnement. Cette projection correspond à la représentation de la solution qu’il se propose de mettre en place pour répondre à la compréhension qu’il se fait de son environnement. Cette conscience se fait plus facilement lorsqu’il est aidé par un tiers pour arriver à se projeter dans un scénario plausible. L’accompagnateur n’agit donc pas comme un expert technique par rapport à la création d’entreprise, mais comme un révélateur par rapport aux porteurs de projet. Bien que cela paraisse évidant à la lecture de cet article, il est important de souligner que ce mécanisme de projection, naturel par ailleurs, ainsi que notre capacité au quotidien à concevoir, sont rarement identifiés au niveau de l’accompagnement entrepreneurial. Si nous considérons que la posture du facilitateur est une dimension importante de l’accompagnement entrepreneurial, il est nécessaire d’y former les accompagnateurs. En effet, si certains acteurs de l’accompagnement vont dans ce sens, leur démarche s’avère bien souvent intuitive. Il conviendrait de la caractériser et de la généraliser, afin de permettre aux accompagnateurs de pouvoir travailler sur la capacité de concevoir en entrepreneuriat.
9La seconde séance avec Dominika a permis de construire le scénario qu’elle souhaitait à travers un ensemble de questions supplémentaires tirées de la méthode IDéO© : à la suite de la question « le projet, pour quoi ? » ; « le projet fait quoi ? » ; « le projet dans quel environnement ? » ; « le projet dans quelle histoire ? ». Sans devoir détailler ici ladite méthode [14], précisons toutefois que le scénario monté par Dominika a fait l’objet d’un travail de confrontation dans une posture de facilitateur. Il s’agissait, notamment, d’aider Dominika à ouvrir des portes, pour découvrir ce qu’il y avait derrière elles. À la fin de la séance de travail, des portes ont été refermées par Dominika et d’autres sont restées ouvertes. Quelle que soit la situation, elle était capable de justifier ses choix et de montrer la cohérence de son scénario.
Les enjeux liés à la notion de facilitateur
10Outre ces apports il convient maintenant de mettre en relief les enjeux de la posture du facilitateur. Pour cela, nous traiterons de façon successive la place de l’activité de conception et l’importance de l’activité de traduction au niveau de l’accompagnement entrepreneurial.
11Nous entendons donc par « conception » la capacité des porteurs de projet à développer un dessein dans le but de réaliser un dessin ; c’est le scénario évoqué précédemment. Autrement dit, il s’agit de leur capacité de passer d’une idée (dessein) à une opportunité (dessin). Ainsi, est concepteur « quiconque imagine quelque disposition visant à changer une situation existante en une situation préférée [15] ». En transposant cette définition à notre problématique entrepreneuriale, nous pouvons considérer les entrepreneurs comme des concepteurs et l’accompagnement entrepreneurial comme une démarche aidant les entrepreneurs à concevoir. La conception demande un travail d’imagination organisé et structurant, où l’accompagnateur joue un rôle important permettant à l’entrepreneur de prendre conscience des éléments structurants de son projet. Cela requiert de la méthode, des efforts. Dans le cas de Dominika, le travail avec la méthode IDéO© a permis la prise de conscience des éléments structurants de son projet : outillage, PME, qualité, pas de stock, confiance. Les premiers pas de Dominika sur le terrain l’ont amenée à confronter son scénario aux parties prenantes du projet. Ce travail de confrontation permet de tester la robustesse du projet et favorise les ajustements par rapport aux représentations des autres du scénario envisagé.
12Concevoir un scénario par exemple, dans le cas de l’entrepreneur, n’est pas un acte isolé. Il se fait en lien avec l’environnement du porteur de projet et en lien avec les parties prenantes du projet présents dans cet environnement. L’entrepreneur est le catalyseur de ces échanges avec l’environnement. Il est fortement conseillé aux porteurs de projet de ne pas rester isolés dans leur représentation et leur façon de penser. L’interaction avec les parties prenantes favorise l’enrichissement du scénario initial. Le facilitateur apparaît comme important dans le dispositif d’accompagnement entrepreneurial dans la mesure où il va permettre à l’entrepreneur de prendre conscience des interactions avec l’environnement et de les organiser. Le scénario se construit donc en interaction avec les parties prenantes en lien avec le projet. L’entrepreneur se retrouve finalement en situation de co-conception. Apparaît alors la nécessité de pouvoir traduire ce scénario auprès des parties prenantes du projet, de définir une représentation partageable pour tous. L’usage du préfixe « co » permet d’insister sur l’aspect dynamique de la conception du scénario. Le facilitateur apparaît comme celui qui va permettre de rendre partageable le scénario envisagé par l’entrepreneur. Il est aussi celui qui amène à prendre conscience de la nécessité de traduire ce scénario. L’accompagnateur doit faire preuve de cette forme d’intelligence qui consiste moins en la résolution d’un problème qu’en la mise en forme d’un monde partageable. La traduction devrait permettre aux différentes parties prenantes de parvenir à se comprendre en vue de travailler ensemble. Le scénario devient donc un instrument de dialogue entre le porteur de projet et les différentes parties prenantes du projet. La traduction est donc un enjeu important car le scénario du porteur de projet n’est pas transposable tel quel. Elle nécessite bien souvent de passer d’un niveau implicite à un niveau explicite. Dominika, ayant exprimé son scénario, elle a réussi à identifier les points d’incohérence de son projet. Le facilitateur l’a aidée à traduire son projet par rapport à des parties prenantes qui ont des attentes différentes, voire des fois divergentes. En allant sur le terrain, il s’agit alors pour Dominika de valider ou d’invalider son scénario. Cette démarche lui a permis de gagner beaucoup de temps au lieu de devoir faire une étude de marché pour en comprendre le fonctionnement. Dans cette logique, un lien peut être fait de façon générale avec les inférences bayésiennes [16] ou, de façon plus ciblée sur l’entrepreneuriat, avec le Lean Startup.
13La traduction ne va pas sans difficultés. Aussi est-il nécessaire de favoriser le dialogue entre les différentes parties prenantes. Là encore, le facilitateur peut jouer un rôle d’intermédiation. Cela passe par le développement d’un langage commun autour du scénario en construction. Or, la difficulté actuelle repose sur la création et le développement de ce langage, les différentes parties prenantes parlant souvent des langages « différents ». Ces situations requièrent ainsi une personne maîtrisant ces différents langages. Celle-ci peut être le facilitateur car, en tant qu’accompagnateur dans le domaine de l’entrepreneuriat, il a une connaissance des différentes parties prenantes en lien avec le projet de l’entrepreneur. Ce facilitateur doit être envisagé comme un acteur de la cohérence entre le projet de l’entrepreneur et le scénario développé. Son rôle est donc multiple. En effet, il doit favoriser :
- l’émergence d’un langage commun ;
- le développement et l’enrichissement de ce langage ;
- et sa diffusion.
14La posture du facilitateur n’est pas en contradiction avec la posture habituelle prise en matière d’accompagnement entrepreneurial. Bien au contraire, le facilitateur vient enrichir les activités qu’on retrouve habituellement au niveau de l’accompagnement entrepreneurial, notamment autour du plan d’affaires. Cette posture s’appuie sur les avancées que l’on peut retrouver plus largement dans le domaine de l’accompagnement personnel. Au niveau de l’entrepreneuriat, la posture du facilitateur permet non seulement à l’entrepreneur une meilleure compréhension de son propre projet, mais aussi de développer la robustesse de celui-ci, notamment à l’égard des parties prenantes du projet. La posture du facilitateur est particulièrement intéressante au début de la rencontre entre l’entrepreneur et l’accompagnateur. L’exemple présenté en fil rouge de cet article à travers le cas de Dominika, jeune entrepreneure dans le domaine de l’import-export, permet de comprendre, entre autres, l’intérêt de travailler très tôt avec des porteurs de projet. Aujourd’hui, l’entreprise de Dominika a un an à son actif. Elle vient de recruter son premier salarié et elle envisage le développement sur de nouveaux marchés. Toutefois, la posture du facilitateur est loin d’être naturelle dans un environnement largement formaté et conditionné à la posture du réparateur. Il conviendrait donc d’avancer sur cette posture, notamment en y formant les accompagnateurs. Trop souvent négligée, cette posture reste encore mal comprise car elle se positionne essentiellement sur des aspects moins rationnels. En matière d’accompagnement entrepreneurial, nous nous retrouvons tel l’ivrogne qui ne cherche ses clefs perdues que sous le lampadaire, car c’est le seul endroit où il y ait de la lumière. Il est nécessaire de changer notre façon de voir les choses et donc de faire évoluer la posture en matière d’accompagnement entrepreneurial vers celle du facilitateur en complément de celle, plus classique, du réparateur.
15Si beaucoup d’entreprises se créent en dehors du giron des structures de l’accompagnement entrepreneurial, il conviendrait, non de remettre en cause le rôle de ces structures mais plutôt de les amener à compléter leur posture, qui reste encore essentiellement centrée sur la réparation et le plan d’affaires. Ces réflexions devraient nous inciter à nous interroger sur le métier de l’accompagnement et à faire évoluer les pratiques du domaine. Cela ne saurait se faire sans l’appui des financeurs politiques qui doivent aussi faire évoluer leurs représentations de l’accompagnement.
Notes
-
[*]
Cet article a été publié initialement dans Entreprendre & Innover N° 21-22.
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[1]
Dossier spécial du n° 19 de la Revue Entreprendre & Innover.
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[2]
La méthode IDéO© a été élaborée en 2002 par Christophe Schmitt (ENSAIA, Nancy), à destination des porteurs de projet. Elle s’inscrit en amont, dans la construction et la définition du projet. La méthode permet de concevoir un scénario et d’en évaluer la cohérence. Le nom choisi renvoie à la contraction des notions d’idée et d’opportunité, et traduit le passage, pour les entrepreneurs, de l’idée à l’opportunité entrepreneuriale.
-
[3]
La thérapie systémique se différencie de la plupart des autres thérapies en ce qu’elle prend l’individu dans son environnement – dans un ensemble de systèmes – et a, de ce fait, une vision plus élargie qui aide le thérapeute dans le traitement de son patient (Caillé P., Un et un font trois, Paris, ESF, 1991).
-
[4]
Caillé P., Un et un font trois, Paris, ESF, 1991.
-
[5]
Type de représentation permettant l’auto-référence : une solution n’est pas cherchée en dehors d’un système mais au-dedans de lui, au travers de la prise en compte simultanée de l’action et de l’auteur de l’action.
-
[6]
Nous entendons par observation le fait de regarder son environnement et de ne pas agir sur lui. Une étude de marché par exemple rentre dans une logique d’observation. A contrario, nous entendons par action, le fait d’agir dans et/ou sur l’environnement.
-
[7]
Watzlawick P. (1988), Effet ou cause ? dans Watzlawick P. (coordination), L’invention de la réalité, contribution au constructivisme, Seuil, p. 73-78.
-
[8]
Pour Simon est concepteur « quiconque imagine quelque disposition visant à changer une situation existante en une situation préférée ». Simon H. A. (1991), The sciences of the artificial, Dunod.
-
[9]
Couteret, P., & Audet, I. (2008). Coaching et mentorat De nouvelles formes d’accompagnement. Regards Sur L’évolution Des Pratiques Entrepreneuriales, 193.
-
[10]
Il convient de faire la différence entre question et problème. Nous entendons par question la demande que l’on adresse à quelqu’un en vue d’apprendre quelque chose de lui et par problème la difficulté liée à une situation finale par rapport à une situation initiale.
-
[11]
Filion, L.-J. (1999), Tintin, Minville, l’entrepreneur et la potion magique, Les grandes conférences, Presses HEC.
-
[12]
Sur ce point voir notamment les travaux sur l’effectuation de Sarasvathy. Sarasvathy S. D. (2003), Entrepreneurship as a science of the artificial, Journal of Economic Psychology, Vol. 24, p. 203–220.
-
[13]
Schmitt C., Julien P.-A., Lachance R., Pour une lecture des problèmes complexes en PME : approche conceptuelle et expérimentation, dans Revue Internationale PME, 2002, vol. 15, N° 2, p. 35-62.
-
[14]
Schmitt C., IDéO© : une méthode pour aider l’entrepreneur à concevoir un scénario à partir d’une opportunité, dans Filion L.J., Ananou C., Schmitt C. (dir), Réussir sa création d’entreprise sans business plan, Editions Eyrolles, 2012, p. 117-129.
-
[15]
Simon H. (voir note précédemment).
-
[16]
Démarche consistant à formuler une solution a priori à partir de son expérience préalable et de mettre en place des actions pour valider ou non cette solution.