CAIRN.INFO : Matières à réflexion

En bref

  • Les créations d’entreprises non concrétisées ou abandonnées sont peu souvent étudiées.
  • L’abandon du projet en cours de route est généralement interprété comme un échec de la personne qui l’a porté.
  • Considérer l’aventure non sous l’angle du projet mais du point de vue de la personne qui entreprend peut souvent conduire à changer de regard. L’aventure, même interrompue ou inachevée, est souvent enrichissante.

1Les enquêtes réalisées sur des générations successives de nouvelles entreprises françaises montrent que celles ayant reçu de l’aide avant la création survivent mieux et affichent de meilleurs résultats financiers que les autres. Les créateurs sont donc régulièrement encouragés à se faire aider durant le montage de leur projet. Ces études concernant l’effet de l’aide à la création d’entreprise s’appuient naturellement sur des entreprises ayant été créées, celles qui ont «survécu» à la phase de préparation. De leur côté, les projets qui disparaissent pendant cette phase sans aboutir à une immatriculation ne sont que peu analysés alors que des recherches ont montré qu’ils sont les plus nombreux. De plus, la diversité des soutiens à la création d’entreprise amène à s’interroger sur la possibilité d’analyser différents types d’aides offertes aux créateurs.

2Que ce soit pour les entreprises en gestation ou pour celles nouvellement créées, chercheurs et praticiens s’accordent à reconnaître le rôle primordial des individus conduisant les processus. Malgré cela, les indicateurs de réussite utilisés se situent majoritairement au niveau du projet et ils assimilent en général son abandon à un échec. Ce qu’il advient des entrepreneurs eux-mêmes, indépendamment de leur projet, est peu documenté. On sait que la peur de l’échec constitue un frein à l’entrepreneuriat français. Développer des indicateurs évitant de stigmatiser les abandons devrait contribuer à faire évoluer la culture entrepreneuriale de notre pays.

Regarder autrement les abandons

3Le soutien à la création d’entreprise regroupe des réalités et des acteurs divers. Même si des progrès ont été faits, le constat dressé par Albert, Fayolle et Marion en 1994 [1] semble toujours d’actualité : il y a une multitude d’intervenants et il est parfois difficile pour les porteurs de projets de s’y retrouver parmi les aides et conseils qui leur sont proposés. Parmi ces intervenants on trouve à la fois des organismes privés et publics. Certains comme les réseaux des CCI ou des Boutiques de Gestion sont dédiés à la création d’entreprise, alors que d’autres interviennent seulement sur des aspects ponctuels du processus (experts-comptables, avocats). Tous reçoivent des personnes ayant des parcours antérieurs très hétérogènes et étant amenées à envisager une création d’entreprise pour des raisons allant de la volonté de développer une opportunité d’affaires à la nécessité de créer leur emploi pour subvenir à leurs besoins.

4Les aides proposées par les différents intervenants incluent à la fois des actions de sensibilisation ou d’information générale concernant la création d’entreprise, des formations, du suivi individuel, ou encore du financement de projet. Le terme accompagnement à la création d’entreprise est souvent utilisé, mais toutes ces actions ne sont pas de l’accompagnement. La notion d’accompagnement renvoie à un processus qui s’inscrit dans la durée, une relation construite dans le temps entre un conseiller et un créateur, et qui évolue avec le projet [2]. Le créateur y joue un rôle actif et les termes «co-production [3]» ou «servuction [4]» (service + production) ont été proposés pour décrire le processus. Le conseiller en charge de l’accompagnement est là pour fournir au créateur des outils pour le montage de son projet, mais en aucun pour monter le projet à sa place. Cet accompagnement peut couvrir des domaines stratégiques, administratifs ou opérationnels et intervenir de façon ponctuelle ou de façon régulière et planifiée. Les différentes interactions entre entrepreneur et conseiller peuvent donc être classées par thème et leur efficacité analysée. En observant la durée totale des contacts créateur/accompagnant, des chercheurs américains ont par exemple montré qu’il existe un nombre d’heures d’accompagnement optimal au-delà duquel il devient contre-productif [5]. Tout en reconnaissant l’importance de la relation établie entre le créateur et son conseiller, ils ont aussi montré que l’accompagnement portant sur la définition de la stratégie de l’entreprise était celui le plus apprécié des créateurs [6].

Des objectifs différents selon les acteurs

5Face à la quantité des dispositifs d’aide à la création d’entreprise, des questions se posent sur l’adéquation des prestations offertes aux besoins des créateurs. Certaines sont-elles plus efficaces (encore faut-il définir ce qu’on entend par efficace) ou appréciées que d’autres ? Le parcours antérieur ou d’autres caractéristiques qui sont propres au créateur peuvent-ils influencer l’utilité relative de différentes actions pour chacun ? On sait que la majorité des candidats ne va pas jusqu’à la création d’une d’entreprise. Pourquoi ? Que deviennent-ils ? Doit-on considérer tous les abandons comme des échecs ? Afin de répondre à ces questions il convient tout d’abord de s’interroger sur les objectifs poursuivis à travers l’accompagnement à la création d’entreprise.

• Objectifs des acteurs de l’accompagnement

6Les objectifs macro-économiques de l’entrepreneuriat regroupent la création d’emplois, la vitalité des territoires, le renouvellement du tissu économique ou encore l’innovation, tous considérés comme contribuant à la croissance économique des pays. Leur déclinaison au niveau des professionnels de l’accompagnement reflète donc la volonté publique de favoriser le nombre d’entreprises créées et leur pérennité. Toutefois, certains acteurs poursuivent aussi une mission plus large de sensibilisation à la création. Il suffit par exemple de visiter les sites Internet d’organismes comme les CCI-Entreprendre en France ou les Boutiques de Gestion pour s’en convaincre.

• Objectifs des entrepreneurs

7Les études concernant les entrepreneurs naissants indiquent qu’ils sont motivés par l’indépendance, la réalisation personnelle et la liberté d’organisation offerte par un statut indépendant [7]. Parmi les créateurs qui lancent leur activité, l’INSEE nous informe que 65 % de ceux ayant démarré en 2006 avaient pour objectif principal d’assurer leur propre emploi plutôt que de développer l’entreprise. De plus, 40 % d’entre eux étaient précédemment au chômage, ce qui illustre le fait que la création d’activité peut dans certains cas être vue comme une alternative professionnelle à un emploi salarié.

8En revanche, on en sait encore peu sur les motifs d’abandon de projet et sur l’évaluation que fait alors l’entrepreneur de l’expérience de création. Des études concernant les raisons de cessation d’activité mettent en garde contre le risque d’assimiler arrêt d’activité et échec. En effet, un quart des entreprises qui cessent leur activité avant cinq ans le font pour des raisons autres qu’économiques [8]. Dans certains cas, comme par exemple lorsque l’activité est arrêtée pour poursuive une autre opportunité, des créateurs n’hésitent d’ailleurs pas à qualifier leur expérience de succès. De façon parallèle, traiter comme des échecs l’abandon de projets dont les créateurs réalisent qu’ils n’étaient pas viables ou acceptent un emploi salarié apparaît très réducteur. Même pour les projets abandonnés, on peut supposer que les entrepreneurs ayant géré le processus en ressortent avec de nouvelles connaissances qu’ils pourront mettre à profit dans la suite de leur carrière.

• Des objectifs implicites au niveau de la société

9Des préoccupations autres que les effets «directement observables» de la création d’entreprise commencent aujourd’hui à apparaître. L’évolution du marché du travail a généré un transfert de la gestion des carrières aux individus alors qu’auparavant les entreprises s’en chargeaient. En effet, rares sont aujourd’hui les personnes qui peuvent s’attendre à passer l’ensemble de leur carrière au sein d’une seule entreprise. Au contraire, une carrière est de plus en plus considérée comme une succession d’expériences et d’opportunités développées par la personne sous forme d’emplois salariés ou d’activités indépendantes. On s’intéresse donc de plus en plus à l’entrepreneuriat dit de milieu de carrière.

10L’employabilité d’une personne représente sa capacité à trouver et/ou à garder un emploi dans un environnement donné. Elle est influencée par son parcours antérieur, son expérience, sa formation et son réseau social. L’importance de la capacité à mobiliser son réseau relationnel est reconnue à la fois pour les salariés et pour les créateurs d’entreprises. De plus, chaque expérience vécue apporte son lot de nouveaux savoirs et savoir-faire [9]. De ce point de vue, la participation à un projet de création d’entreprise peut être vue comme permettant à une personne d’acquérir de nouvelles connaissances, de nouveaux savoir-faire et/ou une nouvelle appréciation de la création d’entreprise. Des acteurs de l’accompagnement soulignent aussi que pour des personnes en recherche d’emploi, se concentrer sur un projet de création peut permettre de relancer une spirale positive et contribuer à une réintégration au marché du travail [10]. Même si les compétences développées ne sont finalement pas utilisées pour créer une nouvelle entreprise, elles le seront peut-être au sein d’une autre entreprise.

11La Commission Européenne met aujourd’hui en avant l’importance pour chacun de se former ‘tout au long de sa vie’ [11]. Certaines compétences entrepreneuriales sont identifiées comme primordiales non seulement pour l’employabilité des personnes, mais aussi pour leur capacité d’intégration dans la société en général. Quelle que soit l’activité exercée, la commission cite par exemple la créativité, la gestion de projet ou la capacité à transformer des idées en réalisations concrètes, comme des compétences communément associés à l’entrepreneuriat et aujourd’hui nécessaires dans la vie de tous les jours.

12Dans ce contexte, permettre au porteur de projet de tisser de nouvelles relations et de réaliser un apprentissage devrait donc faire partie des objectifs de l’aide à la création d’entreprise.

Mesurer la performance des réseaux

13Le « Comité Synergies Réseaux » (regroupant les principaux réseaux d’accompagnement nationaux) a adopté en 2008 des indicateurs de performance communs afin de permettre l’évaluation de «la contribution des grands réseaux à l’effort national de densification du tissu économique» [12]. Les indicateurs retenus couvrent à la fois la phase de préparation (nombres de : contacts – pré-diagnostics – avec des entrepreneurs potentiels, projets accompagnés, formations dispensées et immatriculations), le suivi post-création (accompagnement et financement), la pérennité des entreprises accompagnées, ainsi que le nombre d’emplois créés à trois ans. Ces indicateurs qui comptabilisent des actions de sensibilisation, d’information, de formation et d’accompagnement illustrent la volonté des réseaux de promouvoir l’émergence de projets de viables et susceptibles de créer des emplois. Toutefois, étant comptabilisés annuellement ils ne permettent pas de faire le lien entre les différentes actions. Seul un suivi longitudinal le permettrait.

14De façon individuelle, certains réseaux conduisent des enquêtes de satisfaction auprès des personnes les ayant contactés. Mais taux de satisfaction et efficacité du programme ne sont pas nécessairement la même chose. Outre le biais qui peut pousser les personnes à ne pas vouloir ‘mettre de mauvaise note’, le fait qu’elles aient apprécié une prestation ne dit en rien si elles ont pu la mettre en pratique.

15Si les indicateurs de pérennité peuvent être liés à la motivation des entrepreneurs de créer une activité leur permettant de vivre, ceux concernant le nombre d’emplois générés ne semblent correspondre qu’aux objectifs d’une minorité de créateurs. Ce qui est aussi apparent dans les mesures de performance retenues, c’est l’absence d’indicateurs sur les porteurs de projets eux-mêmes. Elles ne permettent pas d’analyser l’impact d’une participation à un projet de création d’entreprise sur les individus impliqués dans ce processus, les entrepreneurs naissants.

Prendre en compte le profil des créateurs

16Le profil des créateurs, l’industrie dans laquelle la société est créée ou les soutiens utilisés par le créateur contribuent au succès d’un projet. Toutefois on se demande encore si la meilleure performance des créateurs accompagnés pourrait être liée à leur profil même. On sait aussi que les chances de survie augmentent avec l’âge du créateur, les moyens investis ou la présence d’un entourage entrepreneurial. Mais cela fournit peu d’informations aux conseillers sur la façon d’adapter leurs aides aux différents profils.

• Entrepreneuriat et auto-formation

17Certaines idées reçues sont parfois remises en cause. Par exemple, l’effet d’une participation à un précédent projet de création d’entreprise est dans son ensemble supposé augmenter les chances d’aboutissement d’un nouveau projet. Cela sous-entend que les connaissances acquises durant un premier projet doivent pouvoir être transférées au suivant. Des publications récentes suggèrent que pour les secteurs innovants, avoir déjà participé à une création pourrait dans certains cas amener le créateur à mettre en place des solutions devenues inadaptées compte tenu de l’évolution rapide de son marché [13]. A contrario, avoir participé à une création dans un secteur classique semble, même si elle n’a pas abouti, apporter à l’entrepreneur des connaissances augmentant ses chances de succès pour un nouveau projet. C’est donc la transférabilité de l’apprentissage que l’individu a retiré de ses précédentes expériences de création, plus que l’issue des projets auxquels il a participé, qui apparaît important. S’assurer que les porteurs de projets, qu’ils créent ou non, ressortent du processus avec de nouvelles connaissances pertinentes devrait donc intéresser les différentes parties prenantes.

• Intention entrepreneuriale et auto-efficacité

18Peut-on aider un individu à développer des compétences entrepreneuriales qui lui seront utiles quel que soit son parcours professionnel ultérieur ? Y a-t-il des freins injustifiés à certaines créations sur lesquels il est possible d’agir ? Une approche utilisée pour tenter de répondre à ces questions considère la création d’entreprise comme un comportement intentionnel et planifié [14]. Autrement dit, l’intention de créer une entreprise précède la création et il existe un certain délai entre le moment où une personne commence à penser à une création d’activité et le moment où elle met en place du projet. De plus, le lancement de l’activité implique une certaine planification.

19Trois grands facteurs, dont l’importance relative peut varier selon les contextes, sont identifiés comme influençant l’intention et donc (supposément) les créations futures : l’attrait, les normes sociales et la capacité perçue. L’attrait pour la création d’entreprise est lié aux valeurs professionnelles recherchées par la personne et à sa croyance qu’une carrière indépendante satisfera à ces valeurs. Les actions visant à démystifier ou à communiquer une vision réaliste de la création d’entreprise s’adressent à cet aspect attrait. Les normes sociales reflètent la perception qu’a la personne de l’encouragement à créer une entreprise qu’elle reçoit de ses proches et l’importance qu’elle y accorde. Enfin, la capacité perçue se rapproche de la notion d’auto-efficacité développée par Bandura [15] et mesure ce que la personne se sent capable de faire avec les connaissances et moyens qu’elle possède. Des échelles mesurant l’auto-efficacité entrepreneuriale, autrement dit la capacité perçue par les individus à créer une entreprise ou mener à bien différentes tâches qui y sont communément associées, sont utilisées pour montrer que plus une personne se sent capable de créer une entreprise, plus grandes sont les chances qu’elle se lance dans l’aventure. Cette auto-efficacité perçue ainsi que les éléments d’attrait et de normes sociales peuvent être améliorés par des actions de conseil et de formation, mais aussi par du mentorat ou du parrainage.

20La majorité des recherches menées avec cette approche le sont auprès d’étudiants. Des programmes conduits en parallèle dans plusieurs pays analysent si les mêmes facteurs influencent l’intention entrepreneuriale de différentes populations étudiantes [16]. Une des limitations de ces recherches vient du fait que leur application à l’entrepreneuriat étant relativement récente, il est encore trop tôt pour dire si les intentions sont réellement de bons indicateurs des créations futures.

21Toutefois, cette conceptualisation offre des perspectives particulièrement intéressantes pour les programmes de formation et d’accompagnement. Elle permet en effet, en mesurant les différents éléments (intention, attrait, normes sociales et capacité perçue) avant et après une formation, d’étudier l’évolution de l’intention elle-même et des facteurs l’influençant [17]. Mesurés en début de parcours, ces éléments pourraient permettre aux conseillers d’identifier les freins (comme des points de tensions entre valeurs professionnelles et vision de l’entrepreneuriat) ou des domaines nécessitant une aide particulière (ceux pour lesquels la capacité perçue est la plus faible). Utilisées dans le cadre d’un suivi, ces mesures devraient permettre le développement d’indicateurs au niveau des porteurs de projets comme par exemple l’évolution de leur auto-efficacité entrepreneuriale suite à différentes actions de formation ou de conseil. Naturellement, cette approche par les modèles d’intention nécessite d’être adaptée car, contrairement au cas d’une formation pour des étudiants aux parcours relativement homogènes, isoler pour des porteurs de projets les effets de l’accompagnement professionnel de ceux du parcours antérieur du créateur ou de l’aide qu’il/elle reçoit par ailleurs n’est pas chose simple.

• Considérer l’effet réseau

22Le montage d’un projet de création d’entreprise est aussi présenté comme un processus durant lequel l’entrepreneur cherche à rassembler les ressources nécessaires au démarrage de son activité. Dans ce cadre, le capital social de l’entrepreneur, non pas au sens financier mais au sens réseau défini par Bourdieu [18], apparaît primordial. En effet, il permet à l’entrepreneur d’obtenir des ressources auxquelles il n’aurait pas eu accès directement. Ces ressources peuvent être financières ou logistiques, mais aussi immatérielles comme par exemple une expertise dans un domaine particulier, des contacts avec des fournisseurs ou des clients potentiels ou encore des partenaires possibles.

23Pour les individus dont le réseau initial est peu adapté à un montage de projet, un des rôles des organismes l’accompagnant consiste à suppléer à ce manque. Cela peut être fait de façon formelle ou informelle en mettant le créateur en contact avec des cercles d’entrepreneurs, des organisations professionnelles ou en organisant des rencontres entre porteurs de projets. Les cours ou formations entreprises viennent augmenter le savoir de l’entrepreneur, alors que les contacts créés viennent s’ajouter à son réseau social. L’importance de ce réseau ne s’éteint pas avec le projet. En effet, sous réserve que l’entrepreneur entretienne ce réseau, les contacts noués durant ce processus pourront potentiellement être activés à d’autres fins que le projet initial. Mesurer l’évolution du réseau du créateur permettrait de valoriser un autre aspect de la participation à une création d’entreprise.

Imaginer de nouveaux indicateurs

24Le rôle des acteurs de l’accompagnement à la création d’entreprise ne se cantonne pas à favoriser un maximum d’immatriculations. Ils ont aussi des rôles de sensibilisation, d’aide à l’apprentissage, de mise en réseau etc. Les différents points évoqués ci-dessus offrent des pistes de réflexion pour de nouveaux indicateurs d’impact non plus au niveau des projets, mais au niveau des individus. Ont-ils acquis de nouveaux savoirs et savoir-faire qu’ils pourront utiliser pour ce projet, un autre, ou dans une entreprise existante ? Ont-ils évolué dans leur perception de ce que recouvre la création d’entreprise ? Ont-ils élargi leur réseau et noué des contacts qui leur seront utiles pour leur avenir professionnel ? Leur employabilité a-t-elle progressé du fait de leur implication dans un projet de création ? Pour ceux n’ayant pas créé, ont-ils abandonné l’idée de créer leur propre activité ou seulement reporté la création et dans les deux cas, pourquoi ? Autant de questions qui restent aujourd’hui sans réponse. L’observatoire des porteurs de projets mis en place par les CCI est un premier pas pour permettre de mieux comprendre qui sont ces porteurs de projets et ce qui les pousse à se lancer dans cette aventure. Toutefois, il reste limité à un réseau et n’inclut pas à notre connaissance de suivi des porteurs interrogés. Or, quel que soit le stade de la création auquel on s’intéresse, l’approche longitudinale apparaît comme la plus utile à une meilleure compréhension du phénomène.

25On sait aujourd’hui que, n’atteignant jamais le stade de l’existence légale, la majorité des projets de création d’entreprise n’apparaissent pas dans les statistiques officielles et sont peu analysés. Certains porteurs de projets sont repérés lorsqu’ils passent par les réseaux d’accompagnement, mais ils ne sont qu’une minorité. Les moyens nécessaires pour identifier ces entrepreneurs naissants sont tels (en France on estime qu’ils représentent environ 4 % de la population active) que les programmes de recherche pour les étudier nécessitent des efforts concertés de chercheurs dans plusieurs institutions et/ou des fonds publics. Certains pays y sont arrivés et leurs études ont permis de mettre en avant le nombre de ces porteurs de projets et la diversité des profils et parcours en jeu [19].

26La recherche sur ces «entrepreneurs naissants» en est encore à ses débuts. Donner à ce vivier d’entrepreneurs la place qui lui revient et valoriser la participation à des projets de création d’entreprises quelle que soit leur issue devrait contribuer à améliorer l’esprit entrepreneurial de notre pays. Comme pour les entrepreneurs lançant leur activité, peut-être devrions-nous nous intéresser de plus près à nos entrepreneurs naissants et aux façons de les aider à valoriser leurs expériences ?

Notes

  • [*]
    Cet article a été publié initialement dans l’Expansion Entrepreneuriat N° 2.
  • [1]
    P. Albert, A. Fayolle & S. Marion (1994). L’évolution des systèmes d’appui à la création d’entreprises. Revue Française de Gestion, 101, pp. 100-112.
  • [2]
    R. Cuzin & A. Fayolle (2004). Les dimensions structurantes de l’accompagnement en création d’entreprise. La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion, 210, 77-88.
  • [3]
    M. Rice (2002). Co-production of business assistance in business incubators. An exploratory study. Journal of Business Venturing, 17(2), 163-187.
  • [4]
    C. Leyronas & S. Sammut (2000, Mai). Le Réseau, Processus Organisé et Organisant de la Création et du Démarrage des Petites Entreprises? IXème Conférence Internationale de Management Stratégique – AIMS, Montpellier.
  • [5]
    J. Chrisman, E. McMullan & J. Hall (2005). The influence of guided preparation on the long-term performance of new ventures. Journal of Business Venturing, 20(6), 769-791.
  • [6]
    J. Chrisman (1989) Strategic, Administrative, and Operating Assistance: The Value of Outside Consulting to Pre-venture Entrepreneurs, Journal of Business Venturing 4(6), 401-418.
  • [7]
    Voir notamment les enquêtes “Eurobarometer” de la Commission Européenne : Flash EB Series #192 – Entrepreneurship Survey of the EU (25 Member States), United States, Iceland and Norway: Survey organised and managed by the Eurobarometer Team of the European Commission (Directorate-General Communication).
  • [8]
    J. Bonneau, C. Renne, & P. Trogan (2005). Une nouvelle vision de la pérennité des jeunes entreprises – Entreprises en Bref n°14: Ministère des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat, des Professions Libérales et de la Consommation.
  • [9]
    D. Kolb (1984). Experiential Learning – Experience as The Source of Learning and development. New Jersey: Prentice Hall.
  • [10]
    L. Duquenne (2007). Les politiques d’accompagnement à la création de petites entreprises en France: création d’entreprise ou entrepreneuriat? Papier presenté au Vème congrès International de l’Académie de l’Entrepreneuriat, Sherbrooke.
  • [11]
    Commission Européenne. (2006). Recommandation du Parlement Européen et du Conseil du 18 décembre 2006 sur les compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie: Commission Européenne.
  • [12]
  • [13]
    S. Newbert (2005). New Firm Formation: A Dynamic Capability Perspective. Journal of Small Business Management, 43(1), 55-77.
  • [14]
    I. Ajzen (1991). The Theory of Planned Behavior. Organizational Behavior and Human Decision Processes, 50, 179-211.
  • [15]
    A. Bandura (1986). Social Foundations of Thought and Action. Englewood Cliffs, New Jersey: Prentice-Hall, Inc.
  • [16]
    Voir par exemple http://cerag-oie.org/fr/ pour une initiative coordonnée par des chercheurs français avec ce type d’approche.
  • [17]
    A. Fayolle, B. Gailly & N. Lassas-Clerc (2006). Assessing the impact of entrepreneurship education programmes: a new methodology. Journal of European Industrial Training, 30(9), 701-720.
  • [18]
    P. Bourdieu (1980). Le capital social. Notes provisoires. Actes de la recherche en sciences sociales, 31(Janvier), 2-3.
  • [19]
    P. Reynolds (2005). Understanding Business Creation: Serendipity and Scope in Two Decades of Business Creation Studies. Small Business Economics, 24(4), 359-364.
Servane Delanoë-Gueguen
Servane Delanoê-Gueguen enseigne la stratégie, l’entrepreneuriat et l’innovation à Toulouse Business School. Elle est également en charge de l’incubateur TB Seeds et co-responsable de l’option professionnelle « Entrepreneur » de cette institution.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 04/10/2016
https://doi.org/10.3917/entin.027.0072
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