CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La revue Entreprendre et Innover vient d’achever sa septième année d’existence en faisant son entrée dans le dernier classement des revues académiques en sciences de gestion établi par la FNEGE. Nous avons souhaité marquer cet anniversaire et cette reconnaissance en réalisant une courte pause, le temps de vous offrir ces deux numéros anniversaire, pour partager avec vous quelques temps forts ainsi que les enjeux à venir, passionnants, dans un monde tumultueux propice à l’inventivité.

2L’histoire de la revue, née en 2008 sous le titre « Expansion Entrepreneuriat » et rebaptisée en 2010 « Entreprendre et innover », reflète, tel un miroir, de profonds changements sociétaux observés sous le prisme de l’entrepreneuriat et de l’innovation. Depuis 2008, plus de deux cents articles ont été publiés dans 26 numéros thématiques selon une périodicité trimestrielle. L’élaboration de ce numéro anniversaire Collector à partir de cette matière très riche n’a pas été une mince affaire ! Il s’organise autour de quatre thèmes répartis en deux volumes, qui traduisent à la fois la philosophie de la revue et son histoire : Regards critiques et contre-courants, Accompagnement et éducation entrepreneuriale (volume 1), Innovation et croissance, Outils (volume 2). Chacun de ces thèmes est illustré de manière originale, pertinente et impertinente (!) par un choix d’articles sélectionnés par les membres du comité de rédaction, qui ont également tenu compte de leur nombre de consultations. Une courte introduction présente chaque thème.

3Nous tenons à exprimer toute notre gratitude aux nombreux contributeurs qui nous permettent aujourd’hui de vous présenter ces numéros anniversaire. Ils n’auraient pas non plus vu le jour sans votre soutien, chers amis lecteurs ! Convaincue de la nécessité de décloisonner les mondes académiques, scientifiques et professionnels, notre équipe s’implique bénévolement depuis le démarrage de la revue. Notre capacité à relever les futurs défis, dans un contexte aussi tumultueux que passionnant, repose avant tout sur votre engagement à nos côtés. Merci !

L’envie impérieuse de décloisonner les mondes…

4L’idée de créer une revue est née dans les années 2000. En 2006, Alain Fayolle et Bernard Surlemont discutent des relations entre les mondes académique et professionnel liés à l’entrepreneuriat. Leurs analyses convergent. La production de connaissance académique, de plus en plus pointue, est une affaire de chercheurs qui intéresse peu les praticiens. Or la recherche produite peut apporter des résultats utiles aux acteurs économiques et sociaux. Le problème réside dans le fait que les revues académiques sont illisibles et peu attrayantes. D’un autre côté, les informations diffusées par le monde médiatique, politique, financier ou du conseil sont pléthoriques mais non validées. Enfin, des nouveaux outils d’aide au développement de projets entrepreneuriaux apparaissent (le Business Model figurant parmi les plus célèbres) sans pour autant qu’on puisse en discuter dans un lieu dédié.

5Le projet de créer une revue de vulgarisation de haut niveau émerge alors clairement. Sa faisabilité est manifeste dans la mesure où à l’époque, Alain Fayolle vient de mobiliser sans difficultés une cinquantaine de contributeurs pour une série de cinq cahiers sur l’Art d’Entreprendre, publiés avec le quotidien Les Échos.

6Alain Fayolle, qui a également contribué à l’Expansion Management Review, propose à Bernard Surlemont de rencontrer Dominique-Anne Michel, directrice de rédaction de cette publication. Sous un angle journalistique, elle partage les mêmes constats, soulignant qu’il y a peu de sujets tournant autour de l’entrepreneuriat et peu de vulgarisation d’une manière générale. La première étape dans la construction du projet est franchie. Convaincue, Dominique-Anne Michel organise une rencontre avec Catherine Menguy (Directrice Générale Adjointe du Groupe Express Expansion) qui perçoit positivement l’intérêt de faire entrer du contenu académique dans une revue professionnelle éditée et publiée sous la marque « Expansion ». Les objectifs convergent, entre d’un côté Alain Fayolle et Bernard Surlemont qui maîtrisent le contenu et, de l’autre, les deux représentantes du Groupe Express l’Expansion qui assurent l’opérationnel et la production. Les modèles Harvard Business Review et Expansion Management Review guident la réflexion. L’ Expansion Entrepreneuriat est lancé début 2008, avec deux missions : apporter des réponses, certes partielles, mais appropriées à des praticiens en recherche de connaissances nouvelles et (re)crédibiliser les chercheurs en entrepreneuriat en démontrant leur utilité sociale.

7Dès lors commence une recherche de sponsors et de contributeurs. Alain Fayolle et Bernard Surlemont mobilisent des abonnements de soutien dans leurs réseaux. Ils rassemblent deux premiers fonds d’amorçage en France et en Belgique via le collectif Synergie Créateurs et la Fondation Free. De son côté, le groupe Express l’Expansion apporte les moyens humains, techniques et financiers liés à l’édition, à la production et à la diffusion de la revue. Quatre dossiers thématiques sont définis pour la première année. Les deux fondateurs contactent Olivier Witmeur et Caroline Verzat, qui rejoignent très rapidement le petit groupe initialement créé autour du projet.

8Très vite, le petit comité s’emploie à collecter du contenu, mobilise Dominique Anne-Michel et l’équipe EMR pour réaliser la mise en forme rédactionnelle : il s’agit de quitter le verbiage savant pour adopter un style et un format plus accessible. Dominique-Anne Michel rédige alors la première version de la charte éditoriale et travaille avec un graphiste sur la mise en page et la charte graphique. La petite équipe fonctionne sur un mode collégial dans les locaux du groupe Express l’Expansion.

9Parallèlement, un comité de rédaction élargi composé d’enseignants d’écoles de management et d’universitaires en provenance des pays francophones (essentiellement France et Belgique) se crée. Ses membres acceptent de donner de leur temps pour concevoir des sommaires, rédiger des appels à contribution, lire les papiers, les évaluer…

10Le fonctionnement du comité démarre. Les réunions sont régulières pour boucler les numéros. L’élaboration d’articles est complétée par l’interview de chercheurs et de praticiens et la réalisation de revues d’ouvrages.

De l’« Expansion Entrepreneuriat » à « Entreprendre & Innover »

11En 2009, le groupe Express Expansion, détenu par Dassault, est repris par le groupe belge Roularta. Ce dernier ne souhaite pas conserver les « petits » produits, considérés comme non prioritaires. Parallèlement, l’équipe formée autour de la revue a accumulé de l’expérience. Elle décide donc de prendre son indépendance. Alain Fayolle et Bernard Surlemont contactent Marc Minon, représentant des éditions De Boeck (papier) et CAIRN (mise à disposition électronique). La possibilité de diffuser la revue auprès d’un public élargi, combinant l’édition papier et numérique, fonde cette nouvelle collaboration.

12En 2010, l’Expansion Entrepreneuriat devient Entreprendre & Innover. Le contenu n’est pas modifié : les articles continuent d’être écrits en majorité par des enseignants-chercheurs dans un but de vulgarisation. Le comité de rédaction, en revanche, s’élargit pour augmenter le nombre de représentants d’institutions. En effet, le changement de modèle passe par la recherche de nouvelles sources de financement, visant à prendre en charge les coûts de production, de commercialisation et de marketing couverts précédemment par le groupe Roularta. Les membres du comité de rédaction se lancent donc dans la recherche de nouveaux partenaires qui sont principalement des institutions d’enseignement et de recherche, des réseaux d’accompagnement d’entrepreneurs, des chambres consulaires et des investisseurs financiers.

13Parallèlement, l’association Les amis de la revue entreprendre et innover est créée afin de porter à la fois les revenus et les dépenses qui n’apparaissaient pas lors de la première phase de lancement. La revue Entreprendre & Innover devient plus indépendante mais acquiert de nouvelles obligations.

14En 2012, la revue poursuit sa mutation tout en conservant deux principes fondamentaux. En premier lieu, le comité de rédaction pilote la revue sur les aspects éditoriaux et fonctionne en toute indépendance vis-à-vis des institutions. En second lieu, la revue repose sur l’élaboration de numéros thématiques complétés par des articles qui arrivent au fil de l’eau.

15Le fonctionnement éditorial se structure ainsi en trois étages : des rédacteurs en chef (Alain Fayolle, Caroline Verzat, Bernard Surlemont, Dominique-Anne Michel) présents dans l’équipe éditoriale thématique, des éditeurs associés qui gèrent le montage du numéro [1] et les auteurs qui écrivent les articles. A cette même époque, un dossier pour le classement académique de la revue est déposé dans le but de faciliter sa reconnaissance académique et scientifique.

16Parallèlement le comité de rédaction poursuit sa réflexion sur la manière de faciliter l’intégration de professionnels en les faisant participer davantage à l’écriture des articles. La co-écriture (académiques/professionnels) est encouragée et la réalisation d’interviews auprès de professionnels intégrée dans chaque numéro.

17D’autre part, grâce à la nouvelle collaboration avec Cairn, la revue bénéficie de statistiques de consultations et d’achats qui permet de mieux suivre les attentes des lecteurs. Le nombre d’abonnés de soutien continue également de s’élargir à une quinzaine de soutiens académiques et professionnels grâce à la mobilisation des membres du comité de rédaction.

18En 2013, l’organisation d’événements thématiques et de comités annuels d’abonnés de soutien démarre. Le dialogue sur le contenu entre les abonnés de soutien et les membres du comité de rédaction se renforce. Cela se traduit par la co-construction de certains numéros thématiques conçus pour apporter des éclairages aux abonnés professionnels. Des numéros sont ainsi produits en partenariat avec PROCREA [2], l’Union des Couveuses, l’Observatoire des Pratiques Pédagogiques en Entrepreneuriat ou encore la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lille… Des partenariats avec des journées thématiques académiques (les incubateurs, le risque, etc.) voient également le jour. Les opportunités de rencontres entre les différents mondes se multiplient.

Vers un nouveau modèle répondant aux enjeux d’aujourd’hui et de demain

19Le contexte a sensiblement évolué depuis la création de la revue. Ainsi, la destruction du salariat incite de plus en plus de personnes à créer leur entreprise et fait de la mise à son compte une pseudo solution au problème de l’emploi. La création du statut d’auto entrepreneur et le mouvement d’externalisation de pans entiers de l’activité des grands groupes alimentent le rêve de la création d’entreprise partagé par les politiques.

20Côté média, l’information ne circule plus de la même manière. Quand la revue est née, Facebook avait deux ans. Le modèle dominant était la presse payante. Aujourd’hui, le nombre de personnes qui s’expriment sur l’entrepreneuriat explose et les canaux de diffusion se sont multipliés de manière pléthorique. Le numérique transforme le modèle d’affaires de la revue. La monétisation devient plus compliquée, mais selon des modalités plus riches et variées.

21Plus généralement, les fortes attentes sociétales autour de l’entrepreneuriat se traduisent par une profusion d’informations via la presse écrite, les blogs et sites web. C’est également un thème largement couvert par les revues de management généralistes. Pourtant, ce foisonnement d’initiatives ne permet toujours pas de décloisonner la problématique. La professionnalisation des réseaux d’accompagnement représente encore un enjeu important pour développer les compétences des acteurs. De la même manière, le déploiement des formations à l’entrepreneuriat dans les universités et les écoles primaires et secondaires produisent des attentes fortes chez les enseignants. Les représentants des institutions et des collectivités impliqués dans des programmes d’appui au développement de l’entrepreneuriat sur leur territoire aspirent également à l’échange de connaissances. Les entrepreneurs eux-mêmes sont demandeurs d’apports de fond, leur permettant d’alimenter leur réflexion à des fins très pragmatiques. Tous ces mondes ouvrent des perspectives de dialogues inédites.

22Du côté des auteurs, le contexte a également profondément évolué. Aujourd’hui, l’un des défis de la revue est la mobilisation d’académiques prêts à s’impliquer pour converser avec les praticiens. La pression s’est considérablement accrue sur les enseignants-chercheurs incités à publier dans des revues scientifiques rapportant une reconnaissance internationale devenue indispensable pour leur institution de rattachement. Solliciter des contributeurs académiques pour le plaisir de partager de la connaissance était plus facile en 2008 qu’aujourd’hui, alors même que l’enjeu du transfert de connaissances de la sphère académique vers la sphère professionnelle n’a jamais été aussi important.

23Depuis l’an passé, l’équipe d’Entreprendre & Innover prépare l’entrée de la revue dans une troisième phase de développement, sans perdre son âme ni son positionnement. Son attractivité tant pour les auteurs que pour les lecteurs, sa visibilité auprès d’un large public, sa proximité et son écoute des besoins exprimés dans les différents mondes constituent de véritables défis à relever. Concrètement, cela conduit à renforcer la numérisation de la revue pour faciliter son accès à un public élargi, demandeur de connaissances et de dialogue. L’enjeu est de taille. Il s’agit de multiplier les canaux de communication (forums, vidéos, analyse du matériel pédagogique,…) entre les mondes académique et professionnel de manière à nourrir la réflexion des professionnels sur leurs propres pratiques (concept de « praticien réflexif »), explorer et discuter les voies de l’innovation, tout en offrant aux chercheurs la possibilité de diffuser autrement, de manière pragmatique, les résultats de leurs travaux. Le référencement académique de la revue dans le champ scientifique est donc un pendant nécessaire qui renforce son positionnement original dans l’entre deux mondes… c’est tout qui mute mais tout est lié !

Notes

Olivier Toutain
Alain Fayolle
Bernard Surlemont
Caroline Verzat
Dominique-Anne Michel
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 04/10/2016
https://doi.org/10.3917/entin.027.0005
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