CAIRN.INFO : Matières à réflexion

En bref

  • Dans l’écosystème de l’accompagnement entrepreneurial, les stratégies des incubateurs dessinent trois types de relations : la relation coopétitive dominée par la compétition, la relation coopétitive équilibrée et la relation coopétitive dominée par la coopération.
  • Ces stratégies peuvent être mises en relation avec le processus d’incubation décomposé en trois mécanismes : la sélection des projets, l’apport de ressources et compétences, l’accès au réseau.
  • La sélection des projets relève de relations coopétitives dominées par la compétition. L’apport de ressources et compétences est caractérisé par des relations équilibrées. L’accès au réseau s’accompagne de relations coopétitives dominées par la coopération.

1En France, on assiste à une forte augmentation du nombre de structures d’accompagnement [1]. L’absence de barrières à l’entrée, liées notamment à la réglementation, accroît les pressions concurrentielles dans ce secteur. Par ailleurs, le contexte de crise conduit les financeurs publics à s’interroger sur leur politique de soutien à la création d’entreprises. La compétition entre les structures d’accompagnement porte de plus en plus sur l’accès au financement public [2]. Se pose dès lors la question de la survie des structures d’accompagnement.

2Cette évolution de l’environnement pousse ces structures à adopter des réflexions stratégiques afin d’assurer leur survie. Ces réflexions concernent tant le positionnement que les stratégies collectives. L’article se focalise sur ces dernières. Il s’appuie sur les nouveaux développements dans le champ du management stratégique et en particulier sur la notion de coopétition.

3Dans l’écosystème de l’accompagnement entrepreneurial, il existe une grande variété de termes pour décrire les structures d’accompagnement [3] : incubateur, pépinière d’entreprises, hôtel d’entreprises, couveuse, etc. L’article utilise le terme de « structure d’accompagnement » au sens générique, définie comme dispositif d’appui à la création et au développement des entreprises.

4Par ailleurs, l’écosystème de l’accompagnement entrepreneurial est marqué à la fois par une intensification des dynamiques concurrentielles et par un besoin de coopération lié en partie aux exigences des parties prenantes. L’article montre comment les relations coopétitives s’articulent avec le processus d’incubation.

5À cette fin, l’accent sera mis sur la notion de coopétition et les différents types de relations coopétitives au sein de l’écosystème de l’accompagnement entrepreneurial. L’articulation entre ces relations et les différents mécanismes du processus d’incubation a été privilégiée. L’article insiste ainsi sur quelques recommandations et bonnes pratiques en faveur de relations coopétitives.

Méthodologie

Afin d’identifier les relations coopétitives dans le processus d’incubation, une enquête a été menée auprès de huit acteurs de l’accompagnement entrepreneurial dans la région Languedoc-Roussillon durant le deuxième semestre de 2013. Au total, vingt entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des institutionnels, des animateurs de réseaux, des responsables de structures d’accompagnement, des accompagnants, des porteurs de projets, des organismes de financement, des cabinets privés (d’expertise comptables, de consultants). Les interviews ont été conduites à l’aide d’un guide d’entretien semi-directif basé sur deux axes : (1) le rôle de l’acteur au sein de l’écosystème de l’accompagnement entrepreneurial et (2) ses relations avec les autres acteurs durant le processus d’incubation. Les entretiens ont été enregistrés, retranscrits et codés afin de proposer une synthèse des résultats.
Figure 1

Types de relation coopétitive

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Types de relation coopétitive

La coopétition, une forme de stratégie inter-organisationnelle

6Le terme de la coopétition a fait son apparition dans le monde des affaires en 1993 avec le praticien Ray Noorda, fondateur de l’entreprise Novell. Avec ce terme, il a tenté d’expliquer les relations simultanées de coopération et de compétition entre les entreprises spécialisées dans les technologies de l’information. Ensuite, le terme a été popularisé par Brandenburger et Nalebuff en 1995 à travers la théorie de jeux, qui défend l’idée que des joueurs peuvent adopter deux comportements contradictoires simultanément dans le même jeu. Il apparaît souvent sous d’autres termes : « concurralliance », « collaboration opportuniste », « concurrence coopérative », « collaboration avec les concurrents » ou encore pour décrire les « étranges tandems d’arrangement » que les entreprises forment entre elles en coopérant avec les concurrents. En effet, la coopétition est définie comme un phénomène paradoxal et dyadique, car il combine simultanément des relations de compétition et des relations de coopération avec un (ou plusieurs) partenaire-adversaire [4].

7La relation coopétitive peut être représentée sous la forme d’un continuum dont les extrémités sont la coopération et la compétition. Sur ce continuum, il est possible de distinguer trois situations coopétitives [5] : la relation coopétitive dominée par la compétition, la relation coopétitive équilibrée entre la compétition et la coopération et la relation coopétitive dominée par la coopération.

8Cette approche est mobilisée pour comprendre la stratégie de coopétition dans le processus d’incubation au sein de l’écosystème de l’accompagnement entrepreneurial. Si le concept de coopétition a été étudié dans de nombreux secteurs d’activités et contextes (industrie spatiale, TIC, secteur vitivinicole, secteur de biotechnologie, secteur média, grandes entreprises, PME, etc.), il demeure encore obscur et peu étudié dans le champ de l’accompagnement entrepreneurial.

9Dans une approche en termes d’écosystème, le champ de l’accompagnement entrepreneurial est caractérisé par une forte diversité et une grande complexité dues à la multitude d’acteurs et de modèles d’incubation existants. L’écosystème en question est fait d’un ensemble d’acteurs et d’interactions censés optimiser l’accompagnement du porteur de projet. Plus précisément, il est composé de structures d’accompagnement, d’entrepreneurs, d’organismes de financement, d’associations professionnelles, d’organismes gouvernementaux, institutionnels et de normalisation ainsi que d’autres parties prenantes qui interagissent durant le processus d’incubation. L’article s’intéresse tout particulièrement aux interactions et aux relations entre acteurs durant le processus d’incubation.

Lire le processus d’incubation en termes de coopétition

10La multiplication des structures d’accompagnement entraîne une concurrence entre des organisations qui sont censées être complémentaires. Bien qu’il existe une grande variété de structures avec des priorités différentes en fonction des objectifs de leurs financeurs, celles-ci partagent l’ambition de soutenir l’émergence, le développement et la survie des nouvelles entreprises. Ce contexte favorise l’émergence de relations à la fois coopératives et compétitives. Il convient de s’interroger sur l’impact de ces relations sur le processus d’incubation.

11Pour répondre à cette question, il est important d’analyser comment ces relations influencent le processus mis en place par les structures d’accompagnement pour aider les entreprises. Cette analyse est facilitée par un découpage centré sur trois mécanismes principaux : la sélection des projets, l’apport de ressources et compétences ainsi que l’accès au réseau [6]. En se basant sur les types de relations coopétitives, chacun de ces trois mécanismes peut être relié à un type de relation particulier (voir figure 2 ci-dessous).

Figure 2

Relations coopétitives dans le processus d’incubation

Figure 2

Relations coopétitives dans le processus d’incubation

La coopétition dans la sélection des projets

12Tout d’abord, il est possible de relever une certaine part de coopération dans les relations entre les structures d’accompagnement au cours de la sélection des projets. Manifestement, les structures d’accompagnement sont amenées à réunir des comités de sélection pour évaluer les projets soumis, en particulier la valeur créée et le risque lié au projet. Ces comités sont constitués par des acteurs économiques : des banquiers, des représentants institutionnels, des business angels, des conseillers d’incubateurs, etc. La coopération entre les structures d’accompagnement permet de renforcer la sélection des projets qui est cruciale au début du processus d’incubation. Toutefois, encore plus que la coopération, la sélection des projets est marquée par une forte concurrence entre les structures d’accompagnement. Cette concurrence résulte des efforts réalisés pour attirer les meilleurs projets, les projets à fort potentiel, qui permettront de valoriser la structure d’accompagnement au regard des autres entreprises ou investisseurs. Pour certains projets, elle se limite au niveau régional (où elle est plus intense) pour d’autres elle se situe au niveau national voire international. De plus, les structures d’accompagnement peuvent faire preuve de plus d’agressivité concurrentielle pour ne pas perdre leur part de marché et pour conserver une bonne image vis-à-vis des acteurs publics qui contribuent en grande partie à leur financement et donc à leur pérennité. La source de financement impacte la stratégie de la structure d’accompagnement ainsi que les critères de sélection des porteurs de projets [7]. Le mécanisme de sélection des projets est ainsi caractérisé par une relation coopétitive dominée par la compétition avec une forte intensité compétitive et une faible intensité coopérative.

La sélection des projets, une activité dominée par la compétition

« Il y a des pépinières qui sont concurrentes entre elles. Il y a des porteurs de projets qui ont du mal à choisir entre par exemple Montpellier et Nîmes. Et du coup des fois ça pose problème (…) il y en a qui essaie d’attirer les porteurs vers eux, le porteur du coup n’a pas envie (…) c’est comme des fois on a des porteurs de projets qui ne sont pas encore dans les pépinières parce qu’ils ont du mal à choisir, ça les embête d’avoir une pépinière qui veut à tout prix les récupérer. » (Accompagnant interviewé)
« Chacun veut essayer de financer son activité, donc justifier de l’accompagnement. Donc, à partir du moment où vous avez plusieurs intervenants, on pousse les autres pour prendre la place. Ce n’est pas plus compliqué que ça. » (Expert-comptable interviewé)

La coopétition vis-à-vis des ressources et des compétences

13Une structure d’accompagnement ne peut pas fournir seule tous les services pour accompagner les entreprises. En effet, elle collabore avec d’autres organismes de développement économique. La coopération avec les concurrents directs ou indirects permet l’accès à des ressources rares et complémentaires afin d’améliorer les méthodes, techniques ou processus utilisés et afin de créer de nouvelles capacités en transformant les compétences existantes. Cela offre une flexibilité importante à la structure d’accompagnement à travers la mutualisation des ressources et des connaissances. De plus, la coopération permet de gagner des compétences rares, de la connaissance sur le marché et les besoins des clients, de la réputation, de l’accès à d’autres produits ou services et aux ressources nécessaires. Les entreprises et plus précisément les PME, rencontrent les mêmes défis et difficultés dans leurs marchés relatives. La collaboration et l’utilisation des ressources similaires et complémentaires leur permettent de renforcer leurs compétences et créer des opportunités. En effet, la coopération entre les structures d’accompagnement permet les échanges d’informations, de bonnes pratiques, de connaissances, d’expériences, d’idées ou encore d’aides réciproques. Cette relation coopérative « gagnante-gagnante » permet d’avoir accès aux ressources nécessaires pour offrir un service complet et de meilleure qualité aux porteurs de projets, de diminuer les coûts d’accompagnement et d’être plus compétent et efficace.

14D’un côté la coopération renforce la compétitivité et de l’autre la compétition est nécessaire pour exploiter les compétences générées par cette collaboration. Bien que les structures d’accompagnement soient le plus souvent financées par des fonds publics, il n’en demeure pas moins que ces organisations doivent assurer leur survie et que pour ce faire, elles rentrent en compétition avec les autres structures d’accompagnement présentes dans leur environnement. La « métaphore du gâteau » [8] se relève pertinente pour représenter ces relations. Selon cette métaphore, les coopétiteurs coopèrent pour réaliser le gâteau le plus gros possible et par la suite ils se concurrencent pour obtenir la plus grande part. La compétition s’exerce principalement dans l’accès aux ressources financières pour obtenir plus de fonds publics. Les structures d’accompagnement se concurrencent également pour accueillir et organiser des évènements initiés par les pouvoirs publics. Au niveau logistique, les incubateurs (ou pépinières) peuvent se concurrencer sur l’hébergement : la surface des bureaux, les modalités, le loyer, etc. Dans la recherche de ressources et compétences, les relations sont équilibrées. La compétition et la coopération sont nécessaires, car la première contribue à la vigilance et à l’initiation de l’amélioration continue et la seconde permet d’y arriver grâce aux échanges d’informations, de connaissances et d’expériences.

L’apport de ressources et compétences : une relation plus équilibrée

La coopération
« On ne va pas seuls sur un dossier. Donc, à partir de ce moment-là, il n’y a pas de concurrence frontale avec les autres structures en particulier. » (Financeur interviewé)
La compétition
« Alors la vraie question quand on parle de co-accompagnement c’est à qui est attribué le projet. (…) C’est-à-dire, le projet est accompagné par telle ou telle structure d’accompagnants, tel ou tel réseau d’accompagnement. Et comme j’ai des stats à livrer pour mes financeurs en termes de productivité par rapport aux fonds publics alloués, plutôt que le partager avec un autre, même si j’estime que ce partage est nécessaire pour la réussite de l’entreprise je le garde pour moi. » (Animateur réseau interviewé)

La coopétition dans l’accès au réseau

15Le rôle de la structure d’accompagnement est d’offrir des services administratifs, des formations, des connaissances, des conseils, mais aussi l’accès à des réseaux. Elle joue le rôle de médiateur entre les porteurs de projets et les acteurs tant financiers que les partenaires potentiels : clients, fournisseurs, etc. Il peut exister une concurrence entre les structures d’accompagnement en termes de visibilité, d’image, de réputation ou encore de légitimité vis-à-vis des réseaux dans la mesure où ces facteurs contribuent à attirer de nouveaux projets. Cependant, le besoin d’appartenance à un réseau renforce encore plus le besoin de coopération entre ces structures. En effet, le principal rôle de la structure d’accompagnement est de mettre en relation les porteurs de projets avec tous les acteurs et les ressources (tels que les universités, les sociétés de capital-risque, les investisseurs, etc.) qui sont nécessaires pour le développement du projet. Ce dernier bénéficiera de la lisibilité de la structure d’accompagnement [9] pour construire sa légitimité professionnelle et concurrentielle en favorisant l’intégration dans son environnement. Concrètement, les structures d’accompagnement mettent en place des actions pour favoriser les interactions avec les acteurs internes et externes de la structure. Elles organisent des rencontres avec des investisseurs financiers, des banques et des acteurs externes de la structure (cabinets de recrutement, agences de communication, etc.) pour faire connaître le projet mais aussi générer des opportunités. À travers le mécanisme d’accès au réseau, la structure d’accompagnement offre des avantages à ses parties prenantes. D’un côté, la structure d’accompagnement transcrit et transfère les informations aux investisseurs en diminuant la pression du temps. De l’autre côté, elle valorise le capital humain et le capital social des porteurs de projets en leur offrant la possibilité d’obtenir de la légitimité et de l’acceptation sociale. Pour ce faire, il est nécessaire de coopérer, collaborer et se mettre en réseau avec les autres structures. Prenant en compte les différents types de relations coopétitives, le mécanisme de l’accès au réseau représente une relation coopétitive dominée par la coopération. Celle-ci est caractérisée par une forte intensité de coopération et une faible intensité de compétition.

L’accès au réseau : une relation plus coopérative

« Les interactions qu’on a avec les autres structures, c’est plutôt dans une logique d’avancement. Admettons, cette personne que nous accompagnons derrière souhaite bénéficier d’un prêt à taux zéro financé par la région ou d’un prêt à taux zéro financé par l’État, vous avez des structures qui sont habilitées pour recevoir des personnes et éventuellement étudier la demande, on va jouer le rôle de relais. C’est dans ce sens-là qu’on va travailler en interaction. On est plutôt dans une logique de continuité. » (Accompagnant interviewé)

Favoriser les relations coopétitives pour accroître la performance globale

16Cet article croise deux champs complémentaires : le management stratégique et l’entrepreneuriat, pour étudier le phénomène de la coopétition dans l’écosystème de l’accompagnement entrepreneurial. Effectivement, la coopétition se manifeste dans le processus d’incubation à travers trois formes :

17■ La coopétition dominée par la compétition en lien avec la sélection des projets : ce mécanisme est la source de flux entrants (projets à fort potentiel) dans la structure d’accompagnement après filtrage. Il est caractérisé par une forte relation compétitive liée principalement à la volonté de renforcer la légitimité de la structure d’accompagnement au regard de ses parties prenantes ainsi qu’à la conservation de ses parts de marché. Concrètement chaque structure d’accompagnement devrait choisir un positionnement stratégique explicite et en adéquation avec l’écosystème de l’accompagnement entrepreneurial dans lequel elle évolue. Ce positionnement basé sur le public visé, le profil de porteurs de projets, les services proposés, la phase d’intervention sur l’évolution du projet, etc. permettra de renforcer la légitimité de la structure dans son environnement. De plus, la présence à des forums ou autres évènements permettra à la structure d’accompagnement (1) d’affirmer son positionnement et ses spécificités vis-à-vis des autres parties prenantes de l’écosystème et (2) de détecter les nouveaux projets qui émergent dans son territoire.

18■ La coopétition équilibrée en lien avec l’apport de ressources et compétences : ce mécanisme est caractérisé par une forte relation coopérative et une forte relation compétitive. Au niveau de la coopération, la structure d’accompagnement devrait connaître les acteurs de l’écosystème de l’accompagnement entrepreneurial ainsi que leurs missions et offres respectives. De plus, pour répondre aux besoins du porteur de projets, il est primordial d’avoir accès à des ressources et compétences des autres membres de l’écosystème. La structure d’accompagnement devrait donc construire des relations de coopération avec ces acteurs pour favoriser l’échange de connaissances. En revanche, au niveau de la compétition, la structure d’accompagnement devrait développer des savoir-faire uniques et les protéger pour maintenir ses avantages compétitifs. Par exemple, il peut être conseillé de sécuriser certaines informations stratégiques pour la structure d’accompagnement. À ce niveau s’ajoute la difficulté croissante d’accès aux ressources financières.

19■ La coopétition dominée par la coopération en lien avec l’accès au réseau : ce mécanisme est caractérisé par une forte relation de coopération. La structure d’accompagnement devrait élargir son réseau formel ou informel ainsi que développer une capacité d’adaptation et de collaboration avec les autres acteurs de l’écosystème pour associer efficacement le porteur de projet. Il est nécessaire de construire une relation de confiance qui s’établit avec le temps. En effet, un positionnement stratégique exact et complémentaire facilitera la création des liens avec les autres acteurs. Toutefois, les structures d’accompagnement doivent favoriser tant les relations coopératives que compétitives durant l’accompagnement des porteurs de projets.

20Il est possible de synthétiser les liens entre le processus d’incubation et les types de coopétition en mettant l’accent sur l’intensité de la relation dans un tableau.

21D’un point de vue managérial, cette contribution peut intéresser les acteurs publics qui cherchent à faire émerger des relations coopératives entre les structures d’accompagnement afin d’améliorer leur performance. Elle peut également présenter un intérêt pour les responsables de structures d’accompagnement qui sont confrontés à une intensification du jeu concurrentiel. Ils sont amenés à repenser leur stratégie voire leur business model. En ce sens, la coopétition peut être un cadre d’analyse particulièrement adapté à ce nouveau contexte.

Tableau 1

Intensité de la relation coopétitive dans le processus d’incubation

Tableau 1

Intensité de la relation coopétitive dans le processus d’incubation

22Dans ce cadre, trois recommandations principales peuvent être retenues permettant d’ajuster les relations coopétitives dans le processus d’incubation.

23■ La création d’un « guichet unique » d’orientation des porteurs de projets : il s’agirait d’une plateforme dédiée à identifier les besoins des porteurs de projets afin de les orienter vers la structure d’accompagnement adaptée. La multitude d’acteurs dans l’accompagnement accroit le manque de visibilité pour les porteurs de projets. En parallèle, les structures d’accompagnement tentent à développer des actions de prospection pour attirer des projets à fort potentiel. Face à ce constat, le « guichet unique » s’avère une option intéressante pour équilibrer les relations coopétitives entre les acteurs ;

24■ La mutualisation des ressources : le manque de ressources humaines et financières impacte la qualité du processus d’incubation et la performance des structures d’accompagnement. Pourtant, il est avantageux d’investir dans le capital humain des accompagnants [10]. La mutualisation de certaines actions comme l’organisation de formations en commun, l’élaboration de bases de données partagées,… devrait permettre aux structures de bénéficier de synergies générées par l’écosystème de l’accompagnement entrepreneurial ;

25■ Le développement d’actions communautaires facilitant la construction des réseaux : l’organisation de réunions régulières d’échange, de partage des connaissances et de bonnes pratiques ainsi que l’animation d’évènements favorisent la dynamique relationnelle au sein de l’écosystème de l’accompagnement entrepreneurial. Dans cette action, il est important d’intégrer tous les acteurs de l’écosystème tant de l’accompagnement que du financement afin d’éviter les activités isolées et redondantes.

26Finalement, l’écosystème de l’accompagnement entrepreneurial devrait favoriser les relations coopétitives entre les structures-membres afin d’accroître sa performance globale. Dans cette perspective, chaque territoire devrait définir une stratégie entrepreneuriale collective prenant en considération les relations coopétitives des acteurs au service d’une émulation entrepreneuriale.

Notes

  • [*]
    Cet article a été publié initialement dans Entreprendre & Innover N° 23.
  • [1]
    Messeghem (Karim) et Sammut (Sylvie), L’accompagnement entrepreneurial facteur de réussite, dans Léger-Jarniou (Catherine), Le Grand livre de l’Entrepreneuriat, Dunod, 2013, p. 271-286.
  • [2]
    Les politiques publiques soutiennent fortement les structures d’accompagnement en participant au financement d’une part supérieur ou égale à la moitié des dépenses de ces structures. Leur intervention de plus d’une centaine de millions d’euros en termes d’accompagnement, d’hébergement ou encore de fonds de prêts d’honneur ou de garantie reste non exhaustive (rapport d’évaluation de cours des comptes « Les dispositifs de soutien à la création d’entreprises », décembre 2012, tome 1).
  • [3]
    Labex Entreprendre, Livre blanc sur les structures d’accompagnement à la création d’entreprises en France, Montpellier, 2014, p. 1-166.
  • [4]
    Brandenburger (Adam M.) et Nalebuff (Barry J.), The Right Game - Use Game Theory to Shape Strategy, Harvard Business Review, 1995, p. 57-71.
  • [5]
    Bengtsson (Maria) et Kock (Soren), Coopetition in Business Networks – to Cooperate and Compete Simultaneously, Industrial Marketing Management, 2000, p. 411-426.
  • [6]
    Vedel (Benjamin) et Stephany (Eric), Peut-on améliorer les indicateurs de performance des incubateurs ?, Entreprendre & Innover, 2011, p. 89-96.
  • [7]
    Chandra (Aruna) et Fealey (Tim), Business Incubation in the United States, China and Brazil: A comparison of role of government, incubator funding and financial services, International Journal of Entrepreneurship, 2009, p. 67-86.
  • [8]
    Brandenburger (Adam M.) et Nalebuff (Barry J.), The Right Game - Use Game Theory to Shape Strategy, Harvard Business Review, 1995, p. 57-71.
  • [9]
    Messeghem (Karim) et Sammut (Sylvie), Poursuite d’opportunité au sein d’une structure d’accompagnement : entre légitimité et isolement, Gestion 2000, 2007, p. 65-81.
  • [10]
    Labex Entreprendre, Livre blanc sur les structures d’accompagnement à la création d’entreprises en France, Montpellier, 2014, p. 1-166.
Christina Théodoraki
Christina Theodoraki est doctorante contractuelle en Sciences de Gestion à l’Université Montpellier 1. Ses recherches portent sur ​​l’écosystème entrepreneurial et les stratégies des incubateurs.
Karim Messeghem
Karim Messeghem est professeur des universités à l’Université Montpellier 1 et directeur du Labex Entreprendre. Il codirige également le Master 2 Accompagnement entrepreneurial et le DU Stratégie de croissance des PME.
Mis en ligne sur Cairn.info le 04/10/2016
https://doi.org/10.3917/entin.027.0102
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